Boomerang - Tatiana de Rosnay
Audiolib - septembre 2015 - 9h49 - Lu par Julien Chatelet
Éditions Héloïse d'Ormesson – avril 2009 – 376 pages
Livre de Poche - avril 2010 - 375 pages
traduit de l'anglais par Agnès Michaux
Quatrième de couverture :
Sa soeur était sur le point de lui révéler un secret… et c’est l’accident. Elle est grièvement blessée. Seul, l’angoisse au ventre, alors qu’il attend qu’elle sorte du bloc opératoire, Antoine fait le bilan de son existence : sa femme l’a quitté, ses ados lui échappent, son métier l’ennuie et son vieux père le tyrannise.
Comment en est-il arrivé là ? Et surtout, quelle terrible confidence sa cadette s’apprêtait-elle à lui faire ?
Rattrapé par le passé, Antoine Rey vacille. Angèle, une affriolante embaumeuse, lui apportera une aide inattendue dans sa recherche de la vérité.
Entre suspense, comédie et émotions, Boomerang brosse le portrait d’un homme bouleversant, qui nous fait rire et nous serre le coeur.
Auteur : Franco-anglaise, Tatiana de Rosnay est l’auteure de douze romans, dont Elle s’appelait Sarah (2007), phénomène vendu à plus de 9 millions d’exemplaires dans le monde, Rose (2011), À l’encre russe (2013) et d’une biographie de Daphné du Maurier, Manderley for ever (2015).
Lecteur : De formation théâtrale - il a fréquenté le cours de Jean-Laurent Cochet - Julien Chatelet a incarné le rôle de l’inspecteur Portaldans Les Cordier, juge et flic. Artiste complet, il tourne dans denombreux courts-métrages, est réalisateur et chanteur de rhythm’nblues.
Mon avis : (écouté en janvier 2016)
Antoine est architecte, divorcé, père de trois enfants dont l’adolescence le dépasse un peu. Sa soeur Mélanie est éditrice et célibataire.
Pour les 40 ans de cette dernière, Antoine lui offre un week-end surprise à Noirmoutier. C’est l’île de leur enfance, ils n’y sont pas retournés depuis plus de trente ans, Mélanie avait six ans et Antoine avait dix ans. C’était le dernier été qu’ils ont passé avec leur maman, celle-ci est décédée l’année suivante à l’âge de trente-cinq ans.
Ce week-end à Noirmoutier va faire resurgir les souvenirs du passé. Lors du voyage du retour, Mélanie, alors au volant, commence cette phrase « Antoine, il faut que je te dise quelque chose. J'y ai pensé toute la journée. La nuit dernière, à l'hôtel, tout m'est revenu. C'est à propos… » Et c’est l’accident.
Antoine est indemne, Mélanie est blessée, elle n'est pas à même de finir la phrase commencée lors de l'accident. Antoine s'interroge sur cette révélation avortée et sur le bilan sa propre vie. A l'hôpital, il va faire connaissance avec la belle et mystérieuse Angèle qui va l’aider à avancer dans sa vie. Il va mener son enquête sur le passé de sa famille, en particulier sur sa mère qu'il a l'impression de ne pas connaître.
Un livre très facile à écouter, les personnages sont attachants et originaux, un livre plein d’émotion qui m’a beaucoup touchée.
Une adaptation cinématographique de ce livre a été réalisé en 2015 par François Favrat avec comme acteurs Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. Je n'ai pas encore eu l'occasion de le voir.
Extrait : (début du livre)
La petite salle d'attente est morne. Dans un coin, un ficus aux feuilles poussiéreuses. Six fauteuils en plastique se font face sur un lino fatigué. On m'invite à m'asseoir. Je m'exécute. Mes cuisses tremblent. J'ai les mains moites et la gorge sèche. La tête me lance. Je devrais joindre notre père avant qu'il ne soit trop tard, mais je suis tétanisé. Mon téléphone reste dans la poche de mon jean. Appeler notre père ? Pour lui dire quoi ? Je n'en ai pas le courage.
La lumière est crue. Des tubes de néon barrent le plafond. Les murs sont jaunâtres, craquelés par le temps. Hébété sur mon siège, désarmé, perdu, je rêve d'une cigarette. Je dois lutter contre un haut-le-cœur. Le mauvais café et la brioche pâteuse que j'ai avalés il y a deux heures ne passent pas.
J'entends encore le crissement des pneus. Je revois l'embardée de la voiture. Ce drôle de balancement quand elle s'est brutalement déportée vers la droite pour venir heurter le rail de sécurité. Puis le cri. Son cri. Qui résonne toujours en moi.
Combien de gens ont patienté ici ? Combien ont attendu sur ce même siège d'avoir des nouvelle d'un être cher ? Je ne peux m'empêcher d'imaginer ce dont ces tristes murs ont été témoins. Les secrets qu'ils renferment. Leur mémoire. Les larmes, les cris. Le soulagement et l'espoir, aussi.
Les minutes s'égrènent. Je fixe d'un œil vide la pendule crasseuse au-dessus de la porte. Rien d'autre à faire qu'attendre.
Après une demi-heure, une infirmière entre dans la pièce. Son visage est long et chevalin. De sa blouse dépassent de maigres bras blancs.
— Monsieur Rey ?
— Oui, dis-je, le souffle court.
— Vous voudrez bien remplir ces papiers. Nous avons besoin de renseignements complémentaires. Elle me tend plusieurs feuilles et un stylo.
— Elle va bien ? tenté-je d'articuler.
Ma voix n'est qu'un faible fil prêt à se rompre. De ses yeux humides, aux cils rares, l'infirmière me lance un regard inexpressif.
— Le docteur va venir.
Elle sort. Elle a le cul plat et mou.
J'étale les feuilles sur mes genoux. Mes doigts ne m'obéissent plus.
Nom, date et lieu de naissance, statut marital, adresse, numéro de sécurité sociale, mutuelle. J'ai les mains qui tremblent tandis que j'écris : Mélanie Rey, née le 15 août 1967 à Boulogne-Billancourt, célibataire, 49 rue de la Roquette, 75011 Paris.
Je ne connais pas le numéro de sécurité sociale de ma sœur, ni sa mutuelle, mais je dois pouvoir les trouver dans son sac à main. Où est-il ? Je ne me souviens pas de ce qu'est devenu ce fichu sac. Mais je me rappelle parfaitement la façon dont le corps de Mélanie s'est affalé quand on l'a extraite de la carcasse. Son bras inerte qui pendait dans le vide quand on l'a déposée sur la civière. Et moi ? Pas une mèche de travers, pas un bleu. Pourtant j'étais assis à côté d'elle. Un violent frisson me secoue. Je veux croire que tout cela n'est qu'un cauchemar et que je vais me réveiller.
L'infirmière revient et m'offre un verre d'eau. Je l'avale avec difficulté. L'eau a un goût métallique. Je la remercie. Je n'ai pas le numéro de sécurité sociale de Mélanie. Elle hoche la tête, récupère les papiers et sort.
Les minutes me semblent aussi longues que des heures. La pièce est plongée dans le silence. C'est un petit hôpital dans une petite ville. Aux environs de Nantes. Je ne sais pas vraiment où. Je pue. Pas d'air conditionné. La sueur s'instille de mes aisselles jusqu'au pli de mes cuisses. L'odeur âcre et épaisse de la peur et du désespoir me submerge. Ma tête me lance toujours. Je tente de maîtriser ma respiration. Je ne tiens que quelques minutes. Puis l'atroce sensation d'oppression me gagne à nouveau.