Cette nuit Phébus - janvier 2014 - 240 pages

traduit du slovène par Andrée Lück-Gaye

Titre original : To noč sem jo videl, 

Quatrième de couverture :
Veronika Zarnik est de ces femmes troublantes, insaisissables, de celles que l'on n'oublie pas. Sensuelle, excentrique, éprise de liberté, impudente et imprudente, elle forme avec Léo, son mari, un couple bourgeois peu conventionnel aux heures sombres de la Seconde Guerre mondiale, tant leur indépendance d esprit, leur refus des contraintes imposées par l'Histoire et leur douce folie contrastent avec le tragique de l'époque.
Une nuit de janvier 1944, le couple disparaît dans de mystérieuses circonstances, laissant leur entourage en proie aux doutes. Qui était vraiment Veronika ? Quelle fut vraiment sa vie ? Que cachait-elle ?
Cinq proches du couple tentent alors de cerner l'énigmatique jeune femme et délivrent, par fragments, les nombreuses facettes de sa personnalité, et ainsi reconstruisent son histoire, celle de son mari et celle de la Slovénie. Une Veronika Zarnik est de ces femmes troublantes, insaisissables, de celles que l'on n'oublie pas. Sensuelle, excentrique, éprise de liberté, impudente et imprudente, elle forme avec Leo, son mari, un couple bourgeois peu conventionnel aux heures sombres de la Seconde Guerre mondiale, tant leur indépendance d'esprit, leur refus des contraintes imposées par l'Histoire et leur douce folie contrastent avec le tragique de l'époque.
Une nuit de janvier 1944, le couple disparaît dans de mystérieuses circonstances, laissant leur entourage en proie aux doutes. Qui était vraiment Veronika ? Quelle fut vraiment sa vie ? Que cachait-elle ?
Cinq proches du couple tentent alors de cerner l'énigmatique jeune femme et délivrent, par fragments, les nombreuses facettes de sa personnalité, et ainsi reconstruisent son histoire, celle de son mari et celle de la Slovénie. Une oeuvre polyphonique magistrale !

Auteur : Drago Jancar est né le 13 avril 1948 à Maribor en Slovénie. Après des études de droit, il devient rédacteur en chef du journal des étudiants, Katedra. Opposé au régime communiste et à ses gouvernants, il connaît la prison. Scénariste, puis éditeur, il se consacrera ensuite avec génie au roman et à la nouvelle avec des oeuvres telles que : L'élève de Joyce (2003), Aurore boréale (2005), Katarina, le paon et le jésuite (2009) et Des bruits dans la tête (2009).

Mon avis : (lu en juillet 2015)
J'ai décidé de découvrir ce roman grâce à la blogosphère et pour le Challenge Voisins Voisines... C'est la première fois que je lis un livre slovène !
C'est un roman construit comme un roman policier. Veronika et son mari Leo ont disparu lors d'une nuit de janvier 1944 dans des circonstances mystérieuses. Qui était Veronika, cette femme troublante, inoubliable ? Que c'est-il vraiment passé la nuit de sa disparition ? Ce sont cinq narrateurs qui se succèdent pour raconter cette histoire. 
En premier, il y a Stevo, un modeste officier de l'armée royale yougoslave, en 1937 il rencontre Veronika, grande bourgeoise slovène, libre, il est son professeur d'équitation, et devient son amant. Pour Stevo, Veronika quitte son mari et son statut social, ensemble ils se retrouveront au fin fond de la Serbie, loin de Ljubljana dans dans une petite ville de garnison. Et malgré leur amour, Veronika retournera bientôt auprès de son époux. Le deuxième narrateur est Mme Josipina, la mère de Veronika, depuis la fin de la guerre, elle vit seule : son époux est décédé, Veronika et son mari ont disparus cette fameuse nuit et elle voudrait comprendre. Puis c'est au tour du docteur Horst Hubermayer, médecin militaire allemand, invité et ami du couple disparu de faire son récit. Le quatrième narrateur, Jozi, est la gouvernante du manoir, elle était présente le soir de la disparition de ses patrons et pour finir c'est Ivan Jeranek, un paysan slovène employé au manoir, qui depuis l'invasion de la Slovénie par l'armée du Reich, appartient au maquis. Tour à tour, ils compléteront peu à peu l'histoire. Le lecteur découvre non seulement l'histoire de Veronika, mais également celle de son pays, de l'Europe centrale, durant la Seconde Guerre Mondiale. 
Un beau roman, à la fois dramatique et nostalgique qui dénonce l'absurdité de la guerre.

Extrait : (début du livre)
Cette nuit, je l’ai vue comme si elle était vivante. Après avoir traversé la baraque, elle s’est avancée entre les châlits où mes camarades respiraient calmement dans leur sommeil. Elle s’est arrêtée à ma hauteur, m’a regardé un moment l’air pensif, un peu absent, comme toujours lorsqu’elle ne pouvait pas dormir et qu’elle errait dans notre appartement à Maribor, elle s’est arrêtée devant la fenêtre, s’est assise sur le lit, puis elle est retournée vers la fenêtre. Qu’y a-t-il, Stevo? a-t-elle dit, toi non plus, tu ne peux pas dormir? Sa voix était sourde, grave, presque masculine, légèrement voilée, absente comme son regard. J’ai été surpris quand j’ai reconnu sa voix, si distinctement sienne, qui s’était perdue avec les années quelque part dans le lointain. Sa silhouette, je pouvais la faire réapparaître à tout moment, ses yeux, ses cheveux, ses lèvres, oui, son corps aussi qui s’était tant de fois écroulé, essoufflé, à mes côtés, mais je ne parvenais plus à entendre sa voix; quand on ne voit pas quelqu’un pendant longtemps, c’est sa voix qui disparaît la première, son timbre, sa couleur et son intensité. Il y a très longtemps que je ne l’avais pas vue, combien de temps? au moins sept ans, me suis-je dit. J’ai frissonné. Pourtant, dehors, c’était la dernière nuit de mai et le printemps touchait presque à sa fin, le printemps de cette terrible année 1945, et alors que tout annonçait déjà l’été, qu’il faisait chaud dehors, et que la chaleur des corps des hommes respirant et suant rendait l’air du baraquement presque étouffant, j’ai frissonné à cette pensée. Sept ans. Dans sept longues années, chantait autrefois ma Veronika, dans sept longues années, nous nous reverrons, quand elle était triste, elle chantait cet air populaire slovène qu’elle aimait particulièrement et elle me regardait du même air absent que ce soir, seul le Dieu du ciel sait quand sept années auront passé. J’aurais voulu lui dire, c’est bien que tu sois venue, même si c’est au bout de sept ans, Vranac est toujours avec moi, si tu veux le voir, j’aurais voulu lui dire, il est là-bas, derrière l’enclos, avec les chevaux des autres officiers, il a la vie belle, il peut courir dans la prairie, il n’a pas besoin de rester à l’écurie, il est en bonne compagnie, même si ta main lui manque à lui aussi… comme elle me manque à moi, c’est ce que j’aurais voulu lui dire, mais ma voix est restée dans ma gorge, un son gargouillant et sourd est sorti de ma bouche à la place des mots que je voulais prononcer. J’aurais voulu lui dire, je pensais que tu vivais dans un manoir au milieu des montagnes slovènes, est-ce que tu montes un peu dans les environs? J’ai tendu la main pour toucher ses cheveux, mais elle a reculé, je vais m’en aller maintenant, a-t-elle dit, tu sais bien, Stevo, que je ne peux pas rester. Je savais bien qu’elle ne pouvait pas rester, tout comme elle n’avait pas pu rester il y a sept ans, quand elle avait quitté pour toujours notre appartement de Maribor; si elle n’avait pas pu rester là-bas, comment aurait-elle pu rester ici, dans la baraque d’un camp de prisonniers, parmi les officiers de l’armée royale endormis sur qui veillait, accrochée au mur, près de la porte, la photographie d’un jeune roi en uniforme de lieutenant de la garde, la main posée sur son sabre, la photographie d’un roi dépossédé de son royaume au milieu de ses fidèles sujets dépossédés de leur patrie. À ce moment-là, un cheval a henni bruyamment, je suis presque sûr que c’était Vranac, peut-être était-elle passée le voir lui aussi, avant de partir pour toujours, peut-être était-ce de joie quand il l’avait sentie à proximité, quand elle avait probablement, comme elle le faisait toujours, posé sa main sur ses nasaux en disant, Vranac, maintenant je vais te seller. 

Challenge Voisins Voisines 2015
voisins voisines 2015
Slovénie