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A propos de livres...
3 octobre 2009

Darling – Jean Teulé

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Julliard – septembre 1999 – 242 pages

Pocket – avril 2000 – 242 pages

Pocket – novembre 2007 – 242 pages

Présentation de l'éditeur
Elle voulait qu'on l'appelle " Darling ". Elle y tenait ! Pour oublier les coups reçus depuis l'enfance, les rebuffades et les insultes, pour effacer les cicatrices et atténuer la morsure des cauchemars qui la hantent. Elle voulait que les autres entendent, au moins une fois dans leur existence, la voix de toutes les " Darling " du monde. Elle a rencontré Jean Teulé. Il l'a écoutée et lui a écrit ce roman.

Auteur : Né à Saint-Lô en 1953, homme aux multiples facettes, Jean Teulé a commencé par la bande dessinée, avant de se lancer dans l'univers du petit écran avec des émissions comme 'L' Assiette anglaise', aux côtés de Bernard Rapp, ou 'Nulle part ailleurs sur Canal +'. Mais c'est bel et bien l'écriture qu'il préfère. Il commence donc à publier des romans comme 'Rainbow pour Rimbaud' en 1991 - qu'il adapte ensuite au cinéma - ''Darling' en 1998, 'O'Verlaine' en 2004 ou encore 'Le Magasin des suicides' en 2007. L'année suivante, il se plonge à nouveau dans la littérature et offre 'Le Montespan', un roman historique drôle salué par la critique.

 

Mon avis : (lu en 2000 et relu en septembre 2009)

C'est une histoire dure et bouleversante. C'est une histoire vraie. Darling c’est Catherine Nicolle, elle est allée rencontrer Jean Teulé pour lui raconter sa vie. Une vie de souffrance depuis sa plus tendre enfance. Elle n’est pas aimée par ses parents, des paysans qui préfèrent ses frères, elle ne veut pas « devenir paysante » et elle rêve de d’épouser un routier. Son rêve se réalisera mais dès le jour du mariage sa vie tourne au cauchemar : son mari, Joël, dit Roméo est alcoolisé et violent, elle aura 3 enfants Kevin, Tom et Océane qui eux aussi seront des victimes. Un jour, elle coupe la corde avec laquelle Roméo venait de se pendre, et elle s’en voudra toujours de lui avoir sauvé la vie !

Malgré cette vie de martyre, Darling a une force surprenante pour rebondir et aller de l’avant.

L'auteur utilise un style assez désinvolte qui permet de prendre de la distance avec la réalité sordide et cruelle du sort de la pauvre Darling. Il intercale aussi dans le récit des extraits de ses dialogues avec Darling. A travers ses dialogues, on ressent parfaitement toute l’humanité de Jean Teulé.

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A partir de ce livre un film a été réalisé par Christine Carriere avec Marina Foïs et Guillaume Canet. Il est sortie novembre 2007. Je ne l’ai pas vu.

Extrait : (page 16)

- Maman m'a souvent accusée d'avoir déclenché la panique à cette Saint-Luc de 65. Chaque fois qu'elle était en colère, elle me le reprochait : « Tu as toujours été une emmerdeuse ! Déjà, deux heures avant ta naissance, tu as gâché la fête et fait chier le monde ! » « Toi aussi, maman, je t'ai fait comme tu dis ? » « Oui ! » qu'elle me répondait... De toute façon, moi, c'est vrai que partout où je suis passée, ça été la merde. Par exemple, la première fois où je suis allée à la messe, le curé est mort pendant le sermon ! J'étais toute petite. Je ne devais pas avoir quatre ans...

Lorsqu'elle était très jeune, quelquefois, le jeudi, pendant que les deux fils aidaient la mère aux travaux agricoles, Georges emmenait sa fille avec lui, chez des fermiers de la régions, pour y acheter des vaches. Mais comme Catherine en avait peur, ce jour-là, sur la place d'un village, son père lui dit : - Pendant que je négocie les bestiaux, toi, file à la messe. Ça ne te fera pas de mal ! Et puis quand ce sera fini, tu me rejoindras dans la bétaillère. Et il mit sa casquette pour aller discuter tandis que l'enfant se dirigeait vers l'église... Mais en revenant, Georges retrouva sa fille sur le siège du passager, buvant un Fanta orange qu'une dame lui avait offert en lui disant : « Ma pauvre petite, c'est tout de même pas de chance... »

Le père surpris dit à Catherine : - Déjà là, toi ? Tu n'es pas allée à la messe alors, désobéissante !

- Si papa, mais quand le curé m'a vu, il est mort... Alors Georges, pendant qu'elle buvait sans faire attention, lui a retourné le revers d'une main de maquignon dans la figure.

- Ça m'a cassé le goulot dans la bouche. Regarde, j'ai encore la lèvre fendue, là, à l'intérieur. De toute façon, moi, il n'y a pas un pouce de ma chair ou de mon âme qui ne porte pas la marque d'une mutilation, qui ne soit la mémoire d'une plaie, alors...

Alors, malgré l'agitation qui régnait devant l'église, Georges, enfonçant son propre mouchoir dans la bouche de sa fille pour panser la plaie du goulot et surtout ne plus l'entendre, lui déclara en démarrant : - Raconteuse d'histoires ! C'est la dernière fois que je t'emmène avec moi. T'es trop conne !

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27 septembre 2009

Contretemps - Charles Marie

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book - Aux forges de Vulcain

contretemps Aux forges de Vulcain – août 2009 – 163 pages

Quatrième de couverture :

« Assis par terre dans sa chambre devant le thé au goût de vieille terre moite qu’il affectionnait, il méditait sur la meilleure façon de retrouver le disparu. Ce qu’il lui fallait, c’était une méthode. Une méthode de recherche. Comme il n’avait jamais cherché à retrouver personne auparavant, il prit pour point de départ l’agonie familière que lui infligeait la disparition quotidienne de ses clés, évaporées. Il retournait alors chaque objet de son appartement, soupçonnant des pires conspirations des recoins où il n’était pourtant jamais allé, en découvrant ainsi beaucoup de nouveaux, les retrouvant finalement, le plus souvent dans sa poche, parfois sur la porte, du coté extérieur. Il décidait alors, épuisé, de remettre ses projets à plus tard et de demeurer à l’intérieur pour le moment. Il était le genre d’homme à qui l’expérience n’apprend jamais rien. Ce qu’il savait, il le savait d’instinct ou du fait de ses lectures, mais ce que le monde tentait de lui enseigner par les événements, il l’oubliait toujours. »

Auteur : Charles Marie, né en 1980, est avocat et vit à Paris. Contretemps est son premier roman.

Mon avis : (lu en septembre 2009) 

C’est le premier livre de la Collection Littératures de la jeune maison d’édition Aux forges de Vulcain. J’ai accepté de lire ce livre que me proposait le site Blog-O-Book vraiment par curiosité car j’ai beaucoup de mal à refuser de lire un livre qu’on me propose…

Melvin est recruté anonymement pour retrouver Bruno Bar, un ami qu'il a perdu de vu. Melvin part du principe que l'on retrouve facilement que ce que l'on ne recherche pas et il part donc un peu par hasard pour Florence. Il y rencontre une très jolie femme, Lorraine qui l’invite à une soirée dans les catacombes. Une fusillade a lieu lors de cette soirée et Melvin découvre alors que deux clans s’affrontent la Banque et la Catacombe. Brutalement, il quitte Florence pour Budapest où il croit voir Bruno Bar…

Cela commence comme un vrai roman policier avec de l’action, des surprises, du fantastique aussi, mais j’ai été vite perdue dans une intrigue qui part dans tous les sens et j’ai péniblement terminé le livre sans vraiment de plaisir. J'avoue ne pas être une fan des livres fantastiques, c'est peut-être cela qui m'a empêché d'apprécier ce livre. Sinon j’ai été perturbée par la construction du livre avec des petits chapitres de quelques pages qui se succèdent les uns les autres sans passer à la page suivante. D’autre part, la typographie est un peu petite et rend fatigante la lecture.

J'ai voulu avoir un autre avis, celui de mon fils qui est un grand lecteur de livres de science-fiction et de fantastique. Il a trouvé l'intrigue et les personnages très sympa mais au milieu du livre l'histoire est un peu confuse.

Merci aux éditions Les forges de Vulcain pour cette découverte.

Extrait : (page 7 – Briser la glace)

Melvin adorait prendre le train. Et cette fois-ci ne dérogeait pas : l'idée que ce train précis, dans lequel il était depuis une heure, arriverait à Florence le lendemain matin, quoi qu'il advint ou presque, lui était particulièrement douce. C'était comme si, dans un monde d'incertitudes et de libre arbitre, les principes ployaient sous la force des rails, et le destin redevenait maître de sa vie. Il s'achetait toujours un billet de train avec le sourire de l'homme qui échappe à ses ennemis, certain d'avoir, pour quelques heures, réussi à rétablir l'inexorable au sein de sa vie. Il ne lui restait qu'à se débarrasser du costumé qui gesticulait devant lui pour en goûter pleinement l'abandon souverain.

Cet homme, dont Melvin souhaitait désespérément le départ, c'était le contrôleur, qui ne comprenait pas que l'on puisse réserver une cabine double alors que l'on était seul, dans le but, précisément, de la rester. C'était un de ces hommes qui croit à la communauté des hommes. Il aurait été plus prompt à admettre l'existence d'une femme invisible et sa présence dans la cabine que la possibilité d'homme prêt à payer deux fois plus cher pour pouvoir voyager seul. Il semblait donc décidé à rester discuter le plus longtemps possible afin de neutraliser le bénéfice de cet acte inhumain. Il fallait y mettre fin. Mais comment se débarrasser d'un humaniste ? La maladie. Tout le monde fuyait devant la maladie.

Livre lu dans le cadre du partenariat logotwitter_bigger et LOGO4_large

26 septembre 2009

La Théorie du panda – Pascal Garnier

la_th_orie_du_panda Zulma – janvier 2008 – 174 pages

Présentation de l'éditeur
Grâce à ses talents de cuisinier et son charisme indolent, Gabriel - à peine débarqué dont ne sait où - tisse des liens très forts avec les habitants d'une petite ville de Bretagne : une bien belle réceptionniste d'hôtel, deux junkies au bout du rouleau et surtout José, le patron du Faro, dont la femme est à l'hôpital. pareil au panda en peluche échoué sur le comptoir du Faro, Gabriel offre sa personne et son temps à celles et ceux qui viennent à lui, plus surpris ou séduits que méfiants. Et pourtant, s'ils savaient... Une fois de plus, Pascal Garnier déploie ici tout son charme.

Biographie de l'auteur
La vie de Pascal Garnier est à elle seule toute une histoire. On retiendra surtout qu'il est une figure originale du roman contemporain. Il a élu domicile dans un petit village d'Ardèche où il peint, et écrit aussi pour la jeunesse. On ne s'étonnera pas qu'il ait reçu le Grand prix de l'Humour noir (2006). Après les Hauts du bas, l'A26 ou Comment va la douleur ? (Livre de Poche, 2008), la Théorie du panda confirme, si besoin était, son immense talent.

 

Mon avis : (lu en septembre 2009)

Gabriel arrive d'on ne sait où dans un hôtel d'une petite ville de Bretagne. Très vite il sympathise avec José le patron d'un bar-restaurant, dont l'épouse est hospitalisée, puis avec Madeleine la réceptionniste de l'hôtel. Grâce à ses talents de cuisinier, il tente de faire du bien autour de lui en aidant les autres. Qui est réellement Gabriel ? Pourquoi a-t-il atterri dans cette petite ville ? au fil des chapitres on va découvrir l'histoire passé de Gabriel. Et la fin du livre a été pour moi totalement inattendue. Ce livre est à la fois plein d'humanité, d'humour (souvent noire) et de surréalisme. Je n'ai pas totalement adhéré à l'histoire, j'ai fini le livre en ressentant un certain malaise. En conclusion je suis déçue, j'espérais mieux.

Livre déjà lu du même auteur : Lune captive dans un œil mort

Extrait : (début du livre)

Il est assis, seul au bout d'un banc. C'est un quai de gare désert où s'enchevêtrent des poutrelles métalliques sur fond d'incertitude. La gare d'une petite ville de Bretagne, enfin, celle de l'intérieur, la mer est loin, insoupçonnable, rien de pittoresque. Il flotte dans l'air une vague odeur de lisier. Une pendule propose 17h18. Tête baissée, les coudes sur les genoux, il regarde les paumes de ses mains sales. Pas vraiment sales mais poisseuses de cette sueur grise, sous les ongles surtout, celle des autres qui ont touché avant avant vous les poignées, les accoudoirs, les tablettes. Il les referme, redresse la tête. Parce que l'immobilité totale qui l'entoure semble le provoquer, il se lève, empoigne son sac de voyage, remonte le quai sur une dizaine de mètres et emprunte le passage souterrain en direction de la sortie. Il ne croise personne.

18 septembre 2009

Villa Amalia – Pascal Quignard

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Gallimard – mars 2006 – 297 pages

Folio – août 2007 – 300 pages

Présentation de l'éditeur
Loin devant les villas sur la digue, elle se tenait accroupie, les genoux au menton, en plein vent, sur le sable humide de la marée. Elle pouvait passer des heures devant les vagues, dans le vacarme, engloutie dans leur rythme comme dans l'étendue grise, de plus en plus bruyante et immense, de la mer.

Auteur : Né à Verneuil-sur-Avre le 23 avril 1948, après des études de philosophie, Pascal Quignard entre aux éditions Gallimard où il occupe les fonctions successives de lecteur, membre du comité de lecture et secrétaire général pour le développement éditorial. Il enseigne ensuite à l'université de Vincennes et à l'Ecole pratique des hautes études en sciences sociales. Pascal Quignard a fondé avec le président François
Mitterrand le festival d'opéra et de théâtre baroque de Versailles qu'il dirige de 1990 à 1994. Il a également présidé le Concert des Nations aux côtés de Jordi Savall. Par la suite, il démissionne de toutes ses fonctions pour se consacrer à son travail d'écrivain. En digne héritier de ses premiers maîtres, Georges Bataille ou Emmanuel Levinas, Pascal Quignard explore les correspondances entre le temps, le langage, la création et le plaisir. Auteur d'essais sur la vie des grands artistes comme celle de Georges de la Tour, il est à l'origine de nombreux textes philosophiques parmi lesquels 'Le Sexe et l'effroi' (1994) ou 'La Haine de la musique' (1996). Egalement romancier, il se fait connaître du grand public avec 'Le Salon du Wurtemberg', 'Les Escaliers de Chambord' et 'Tous les matins du monde' en 1991, adapté au cinéma par Alain Corneau. En 2002, le prix Goncourt qui couronne 'Les Ombres errantes', consacre l'ensemble d'une oeuvre esthète et érudite.

 

Mon avis : (lu en septembre 2009)

Une femme suit un homme dans la nuit. Elle le découvre embrassant une autre femme. Au même instant, elle rencontre par hasard un ancien camarade de classe, Georges, perdu de vue depuis l’enfance...
Cette femme, c’est Ann Hidden, musicienne et compositeur. Sous le choc, elle décide de quitter son compagnon qui la trompe, de vendre sa maison et de recommencer une nouvelle vie. C’est un peu comme une fuite, elle part un peu au hasard. Puis elle arrive à Ischia... petite île près de Capri, au large de Naples et découvre la villa Amalia où elle va se sentir vraiment bien. Mais ce bonheur sera éphémère…

La musique est très présente tout au long du roman, tout comme l’eau : la mer en Bretagne où vit encore sa mère, les bords de l’Yonne où habite Georges, enfin la mer Tyrrhénienne face à la villa Amalia.

J’ai du mal à décrire mon impression à la lecture de ce livre. J’ai beaucoup aimé les descriptions des différents paysages, un vrai voyage ! L’histoire est prenante et on lit facilement le livre mais ensuite j’ai été déçu par la fin de l’histoire. En effet la rupture et la découverte de la villa sont très bien mais ensuite les évènements dramatiques et le retour en France m’a embrouillé l’esprit et j’ai eu l’impression d’un soufflé qui était retombé…

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Ce livre a été adapté au cinéma dans un film réalisé par Benoît Jacquot avec Isabelle Huppert, Jean-Hugues Anglade, Xavier Beauvois, le film est sorti en avril 2009. Je ne l’ai pas vu.

Extrait : (page 145)

Tous les amants ont peur. Elle avait terriblement peur de ne pas convenir à la maison. Elle eut peur de ne pas savoir s'y prendre en lançant les travaux. Peur d'en altérer la force. Peur de rompre un équilibre. Peur aussi d'être déçue. Peur de ne pas être aussi heureuse qu'elle pensait qu'elle allait l'être quand elle avait découvert la villa pour la première fois.

Le printemps balaya la peur. Ce furent les grands jasmins sauvages.

Ce furent les buissons de roses.

Ce furent les anémones sans nombre, aux couleurs si profondes, aux beautés de soie.

Ce furent les pavots.

Elle avait aimé nager dans la mer froide qui lui rappelait la Bretagne.

Elle aima s'épuiser dans une mer devenue plus chaude et plus ombrageuse avec le printemps. La fatigue lui procurait une espèce d'euphorie, d'extase physique difficile à décrire. La mer verte ou bleue glissait sur ses épaules, glissait sur la nuque, glissait entre ses jambes, l'enveloppait de courant et de puissance. Elle ne nageait que le crawl et songeait à rebrousser chemin que quand la fatigue la prenait. Elle se mettait alors sur le dos, rêvait, puis rentrait lentement, en restant sur le dos, ou en se tournant légèrement pour ne pas être surprise par une roche, à l'indienne.

18 septembre 2009

Le poids des secrets, Tome 4 : Wasurenagusa - Aki Shimazaki

wasurenagusa_  Wasurenagusa    

Leméac / Actes Sud - 8 mai 2003 – 123 pages

Actes de Sud – février 2009 - 125 pages

Présentation de l'éditeur
Après un premier mariage raté, Kenji Takahashi découvre qu'il est stérile. Accablé, il quitte la maison familiale. Seule compte encore pour lui sa nurse, Sono. Lorsqu'il fait la connaissance de Mariko, qui vit seule avec son fils Yukio, il en tombe amoureux et l'épouse contre l'avis de ses parents, qui le déshéritent. Quarante-six ans plus tard, retraité et affaibli, il recherche les traces de Sono. Au moment où il retrouve sa tombe, sur laquelle est inscrit le nom de la fleur de myosotis (wasurenagusa), il découvre le secret de ses origines et le malheur qui a frappé ses parents.

Biographie de l'auteur
D'origine japonaise, Aki Shimazaki vit à Montréal. Wasurenagusa est le quatrième volet de sa pentalogie Le Poids des secrets, qui comprend également Tsubaki, Hamaguri, Tsubame et Hotaru, prix du Gouverneur général du Canada. Wasurenagusa a reçu le prix Canada- Japon.

Mon avis : (lu en septembre 2009)

Wasurenagusa signifie myosotis (ne m’oubliez pas) en japonais. Un nouveau regard, une quatrième histoire : celle de Kenji Takahashi, le père adoptif de Yukio.

Dans ce livre l’auteur nous parle de la descendance et du mariage au Japon, en effet Kenji Takahashi appartient à une vieille japonaise, par amour, il préfèrera quitter sa famille pour se marier avec Mariko « qui est d’origine douteuse » et adopter son fils Yukio. Dans les toutes dernières pages, Kenji Takahashi découvrira également un secret sur ses origines...

Je suis toujours autant touchée par cette série de livres et j’attends avec impatience de connaître la cinquième et dernière histoire avec le tome 5 : Hotaru.

Extrait : (début du livre)

Le matin du premier dimanche de mai.

Je suis assis dans un fauteuil de bambou, installé dans l’espace entre la fenêtre et la pièce de tatamis où je me couche. Un vent frais effleure ma joue. Rin… rin… rin… Au-dessus de ma tête, le fûrin de cuivre tinte doucement. Je lève les yeux, mon regard reste immobile quelques instants.

Je tiens un livre dans une main et un signet dans l’autre. C’est un ouvrage pharmaceutique, rédigé par mon collègue, monsieur Horibe. J’en ai grand besoin pour mes recherches. J’essaie de me concentrer, mais j’ai du mal à lire. Mes yeux lisent plusieurs fois les mêmes lignes. Je ne saisis pas bien le sens du contenu. Je me demande : « Qu’est-ce qui me dérange ? »

Je regarde distraitement le signet de petites fleurs séchées. La couleur est passée. Au bout est écrit un mot en katakana : niezabudoka. Je ne connais pas ce mot d’origine russe, mais ce doit être le nom de la fleur. Il s’agit d’un souvenir envoyé récemment par Sono, qui séjourne à Harbin, en Mandchourie. Chaque fois que je vois ce signet, je pense à elle. Je la connais depuis mon enfance, elle était ma nurse quand j’avais quatre ans. Elle est maintenant dans la soixantaine.

fûrin : clochette qui tinte au vent.

katakana : écriture syllabique japonais, utilisée principalement pour les mots d’origine étrangère.

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16 septembre 2009

Le poids des secrets, Tome 3 : Tsubame - Aki Shimazaki

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Actes Sud – novembre 2001 – 123 pages

Actes Sud – janvier 2008 - 118 pages

Présentation de l'éditeur
Lors du tremblement de terre de 1923, qui a dévasté la région du Kanto et entraîné plus de cent quarante mille morts, la Coréenne Yonhi Kim devient, question de survie, la Japonaise Mariko Kanazawa. A la fin de sa vie, alors qu'elle est veuve, mère d'un chimiste et grand-mère de trois petits-enfants, le mystère de sa naissance lui est dévoilé : le prêtre catholique qui l'avait recueillie dans son église lors du tremblement de terre, surnommé monsieur Tsubame, était-il l'instrument du destin qui a permis à cette hirondelle de s'élancer hors du nid ?

Biographie de l'auteur
D'origine japonaise, Aki Shimazaki vit à Montréal depuis 1991. Tsubame est le troisième volet de sa pentalogie Le Poids des secrets, qui comprend également Tsubaki, Hamaguri, Wasurenagusa et Hotaru. Hamaguri a remporté le prix Ringuet de l'Académie des lettres du Québec, Wasurenagusa le prix Canada Japon et Hotaru le prix du Gouverneur général du Canada.

Mon avis : (lu en septembre 2009)

Tsubame signifie hirondelle en japonais. La première partie du roman commence en 1923 lors d’un tremblement de terre au Japon. Yonhi a douze ans, elle est coréenne. Pour la protéger, sa mère la confie à un orphelinat catholique avant de disparaître. Yohni est accueilli par un prêtre européen surnommé Monsieur Tsubame qui lui donnera une nouvelle identité japonaise et Yohni Kim devient Mariko Kanzawa. Toute sa vie, Mariko gardera le secret de ses origines. La seconde partie se situe 59 ans plus tard, Mariko vit avec son fils Yukio, sa femme et ses enfants. C'est donc à travers les yeux de Mariko, la mère de Yukio que l'on comprend les événements dans ce nouveau tome. L’auteur met également en lumière la manière le Japon traita la Corée et les coréens au début du siècle : invasion du pays, discriminations et massacres des travailleurs coréens.

La langue est belle, le style épuré, l’histoire est touchante, je suis toujours autant éblouie par cette série de petits livres. Je vais commencer sans tarder le tome 4 : Wasurenagusa qui est dans ma PAL.

Extrait : (début du livre)

Je lève les yeux.

Couvert de nuages épais, le ciel s’étend à l’infini. Il fait anormalement chaud et humide pour une fin d’été. C’est encore tôt le matin. Pourtant, je sens ma chemise déjà trempée de sueur.

Au-dessus de moi, un couple d’hirondelles passe rapidement. Elles vont et viennet entre le toit d’une maison et un fil électrique. Elles partiront bientôt vers un pays chaud. J’aimerais bien voyager librement comme elles.

Ma mère m’a dit une fois : « Si on pouvait renaître, j’aimerais renaître en oiseau. »

Je marche dans le petit chemin qui longe l’étang, un raccourci pour aller chez mon oncle. Je dois lui remettre des épis de maïs que ma mère vient de faire cuire à l’eau. La chaleur se propage à travers le papier journal. Mon oncle travaille à la journée sur une digue d’Arakawa où l’on construit un canal d’évacuation. Il transporte de la terre et du gravier avec une brouette. « La paye est minimale, mais c’est mieux que rien. »

En passant devant l’étang, j’aperçois des acores en pleine floraison. Je m’arrête et les regarde quelques instants. Je pense : « C’est étrange. Ces fleurs ne s’épanouissent d’habitude qu’au mois de mai ou de juin. » Il n’y a pas de vent, la surface de l’eau demeure immobile.

Après un moment, je me rappelle ce que ma mère m’a dit hier soir : « On n’a pas trouvé de rats dans la maison depuis plusieurs semaines. » Pour moi, c’était une bonne nouvelle, car le bruit des rats dérangeait notre sommeil. Pourtant, le visage de ma mère me semblait inquiet.

Je jette un caillou dans l’étang. Les ronds dans l’eau s’étendent en ondulant. Je les observe jusqu’à ce qu’ils disparaissent. Puis je continue à marcher d’un pas rapide.

14 septembre 2009

Le poids des secrets, Tome 2 : Hamaguri - Aki Shimazaki

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Actes de Sud – janvier 2007 - 118 pages

Présentation de l'éditeur
Deux petits enfants de Tokyo, Yukio et Yukiko, scellent un pacte de fidélité en inscrivant leurs noms à l'intérieur d'une palourde, comme un serment d'amour éternel. Devenus adolescents, ils se retrouvent à Nagasaki sans se reconnaître ; les sentiments qui les habitent désormais, qui les troublent profondément, leur seraient-ils interdits ? Aux dernières heures de sa vie, la mère de Yukio cherchera à ouvrir les yeux de son fils en lui remettant ce coquillage sorti du tiroir de l'oubli.

Biographie de l'auteur
Née au lapon, Aki Shimazaki vit à Montréal. Hamaguri est le second volet de sa pentalogie Le Poids des secrets, qui comprend Tsubaki, Tsubame, Wasurenagusa et Hotaru. Hamaguri a remporté le prix Ringuet de l'Académie des lettres du Québec, Wasurenagusa le prix Canada-Japon, et Hotaru le prix du Gouverneur général du Canada.

Mon avis : (lu en septembre 2009)

Hamaguri (qui signifie palourdes en japonais) est le second tome de la série Le poids des secrets d'Aki Shimazaki. J'ai lu ce court roman en moins d'une heure. J'y ai retrouvé la poésie et la simplicité de l'écriture et de l'histoire du premier tome. On revit l'histoire de Tsubaki à travers les yeux de Yukio le demi-frère de Yukiko, le personnage principal du tome 1. Yukio nous raconte son histoire, sa relation avec sa mère, son père adoptif et surtout son amour impossible avec Yukiko. La partie historique, la seconde guerre mondiale et l’explosion de la bombe nucléaire sur Nagasaki est à peine évoquée, au profit de l’histoire d’amitié amoureuse entre Yukio et Yukiko qui ignorent qu’ils sont frère et sœur.

Une merveille encore une fois et je me lance sans tarder dans la lecture du tome 3 : Tsubame !

Extrait : (page 21)

Aujourd’hui, ELLE apporte des coquillages qui s’appellent hamaguri. ELLE les met par terre en deux rangs. Ils sont vraiment grands, mais toutes les dents de la charnière sont séparées. Je prends l’une des coquilles dans ma main. Elle est plus grande que le creux de ma main. Nous les comptons en ordre. Un, deux, trois, quatre… Je sait compter seulement jusqu’à dix. Après dix, je me tais. ELLE continue. Et en touchant à la dernière , ELLE crie :

- Vingt ! Il y en a vingt en tout. On va jouer au kaïawase.

Je répète le mot que j’ai entendu pour la première fois : - Kaïawase ?

- Oui. Les règles du jeu sont très simples : trouver les deux coquilles qui formaient la paire originale.

Je dis : - Mais les grandeurs et les motifs sont tous pareils.

- Non. Regarde bien, dit-ELLE.

ELLE prend deux coquilles et les colle l’une à l’autre. ELLE me montre le coquillage ainsi fermé et dit : - Ces deux coquilles ne sont pas de la même grandeur, n’est-ce pas ?

Je les regarde de très près et dis : - Tu as raison.

- Alors, il faut trouver la bonne paire. Ce n’est pas facile.

Je prends deux coquilles et j’essaie de les joindre, mais elles n’appartiennent pas à la même paire. Je les dépose par terre. ELLE continue. Puis ce sera mon tour. Ainsi, nous répétons le jeu jusqu’à ce que nous ayons reformé les dix coquillages.

Aujourd’hui, ELLE a trouvé sept paires et moi, j’en ai trouvé trois. ELLE m’a dit : « chez les hamaguri, il n’y a que deux parties qui vont bien ensemble. »

8 septembre 2009

Pour vous – Dominique Mainard

pour_vous Editions Joëlle Losfeld – août 2008 – 252 pages

Prix des libraires 2009

Présentation de l'éditeur
Encore adolescente, Delphine a compris de quoi les êtres humains ont besoin : de réconfort, d'illusion, de mensonge même, de tout ce qui peut rendre la vie supportable. Elle a trente-cinq ans et vit grâce à l'agence qu'elle a créée, Pour Vous, un lieu destiné à satisfaire les désirs et à panser les plaies des hommes et des femmes suffisamment riches pour y avoir recours. Mais comment peut-on jouer tous les rôles, adopter toutes les identités, sans se perdre ? De nombreux personnages ponctuent le roman : une vieille femme, grande lectrice de livres à l'eau de rose ; un adolescent autiste vivant dans le monde des jeux virtuels ; un homosexuel malade dont Delphine accompagnera les derniers mois et, enfin, l'amant de celui-ci, qui éveillera en elle des sentiments inconnus. Comme dans les précédents textes de Dominique Mainard, les histoires et les fables constituent l'un des fils conducteurs de Pour Vous, mais son thème principal est le cheminement par lequel Delphine s'ouvre à la compassion et à la vie.

Biographie de l'auteur
Dominique Mainard est l'auteur de plusieurs recueils de nouvelles et de romans. Leur histoire a paru pour la première fois en 2002 et a été couronné parle prix du Roman FNAC et le prix Alain-Fournier. Il a également fait l'objet d'une adaptation cinématographique, sous le titre Les mots bleus, réalisée par Alain Corneau en 2005. Son dernier livre, Je voudrais tant que tu te souviennes, a paru en 2007.

Mon avis : (lu en septembre 2009)

Delphine est responsable d'une agence un peu spéciale « Pour vous », elle offre ses services à tous pour leur rendre la vie plus supportable : promener un vieux monsieur chaque dimanche, distraire un enfant autiste petit génie en informatique... L'agence fonctionne bien, il y a un tarif pour tout. Pas question ici d'empathie ou d 'altruisme. Tout est question de tarifs. Delphine accepte même de devenir mère porteuse pour un couple stérile. Suite à une enfance difficile, Delphine est devenue une "pierre sans parfum" comme le dit l'un des personnages, elle commercialise les sentiments. A travers le récit des différentes prestations, la propre vie de Delphine nous est peu à peu racontée. L'auteur nous livre une galerie de personnages plus vrais que nature. Cette histoire est très originale et souvent dérangeante, elle nous fait réfléchir sur les rapports humains. J'ai bien aimé les descriptions des sentiments ou des non-sentiments des personnages faites par l'auteur. Cette lecture me donne vraiment envie de découvrir d'autres livres de cette auteur.

 

Extrait : (page 52)
Voilà, tout a commencé ainsi, j'ai été la petite-fille d'une inconnue, puis la sœur, la maîtresse, l'amie, la confidente de centaines d'autres, et aujourd'hui je porte un enfant dont je ne suis pas vraiment la mère. Cette agence est un vaste sac où l'on trouve de tout, une boîte de Pandore, selon les termes d'un client, et il n'est rien en effet dont nous ne fassions commerce, la vie, l'amour, la mort.
Il me faut avouer ceci : je pensais que tout était verrouillé, inviolable, je me croyais faite d'un autre bois, d'une autre chair. Je n'avais jamais aimé, j'entends par-là aimer comme aiment les clients qui viennent me voir. J'avais connu des hommes, mais aucun n'avait compté. Peut-être était-ce le spectacle des larmes et des colères de mes clients qui m'avait prévenu contre toute passion, peut-être avais-je simplement, ainsi que me l'avait dit Marja dans un moment de colère, le cœur trop sec.

29 août 2009

La maison des lumières - Didier Van Cauwelaert

la_maison_des_lumi_re Albin Michel – mars 2009 - 177 pages

Présentation :

Imaginez qu’une peinture ait le pouvoir de vous rendre la femme de votre vie, telle qu’elle était avant qu’elle vous quitte…

A vingt-cinq ans, Jérémy Rex, boulanger à Arcachon, est entré dans un tableau de Magritte. Que s’est-il passé, pendant son bref arrêt cardiaque au milieu d’un musée ? Asphyxie du cerveau, hallucination causée par le mélange d’alcool et d’antidépresseurs, expérience aux frontières de la mort ? Censée avoir duré moins de cinq minutes, la nuit d’amour qu’il a vécue à l’intérieur de cette huile sur toile va faire basculer son destin.
De Venise à Créteil en passant par la forêt amazonienne et les bords du lac Léman, alternant les rites chamaniques et les protocoles inquiétants de l’Institut de recherche avancée sur le cerveau, Jérémy n’aura de cesse d’aller retrouver le bonheur entrevu derrière la façade de La Maison des lumières.
Mais ceux qui l’aident à explorer les états modifiés de conscience veulent-ils vraiment son bien ? Scientifiques et sorciers, marchands d’art et agents immobiliers, tous le manipulent dans leur propre intérêt, afin de récupérer le secret qu’il détient.
Dans les romans de Didier Van Cauwelaert, la manipulation agit toujours comme un révélateur. Transformer un homme ordinaire en héros de l’impossible, capable de faire voler ses limites en éclats pour redonner un sens à sa vie, tel est l’enjeu romanesque de La Maison des lumières.

L’auteur : Né en 1960 à Nice, Didier van Cauwelaert cumule, depuis ses débuts, prix littéraires et succès public : Prix Del Duca pour son premier roman en 1982 (Vingt ans et des poussières), prix Roger Nimier, prix Goncourt (Un aller simple, 1994), Molière 1997 du meilleur spectacle musical (Passe-Muraille), Grand Prix du théâtre à l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre, Grand Prix des lecteurs du Livre de Poche (La Vie interdite, 1999), Prix Femina Hebdo du Livre de Poche (La Demi-pensionnaire, 2001), etc.

Mon avis : (lu en août 2009)

J'étais curieuse de lire ce livre qui tourne autour du tableau de Magritte "L'Empire des lumières". Ce livre qui se lit facilement. Jérémie Rex, boulanger à Arcachon est seul à Venise pour un voyage qu'il a gagné à un concours. Il se retrouve propulsé à l'intérieur d'un tableau de Magritte. Il va y vivre une nuit d'amour exceptionnelle avec la femme de sa vie, au temps où elle l'aimait encore... Après, il n'aura de cesse de vouloir retourner dans le tableau pour y retrouver le bonheur.
On se laisse porter par l'histoire mais elle nous laisse un goût de trop peu, d'inachevée... Je n'ai pas été conquise.

Rene_Magritte_L_Empire_des_Lumieres_1954

Extrait : (début du livre)

J'ai rencontré Philippe Necker dans une collision de gondoles. Deux hommes seuls à Venise, l'air en deuil ou largué de frais, fatalement ça crée un lien. Pendant que nos gondoliers remplissaient leurs constats, on a échangé quelques mots. Il venait de Paris, j'étais d'Arcachon. Son métier l'obligeait à passer vingt-quatre heures sur place ; moi j'avais gagné un séjour pour deux.

Chacun a médité la phrase de l'autre. Comme il avait l'air aussi déprimé que moi, je lui ai proposé de partager mon bon pour un dîner aux chandelles à la Luna del mare. Il m'a dit merci, mais qu'il devait travailler toute la nuit. On a échangé nos numéros de portables, au cas où, et on est repartis sous les Sole mio de nos gondoliers.

Je me suis retourné malgré moi, sur la banquette rouge en velours boutonné conçue pour les baisers romantiques. Lui aussi, de dos, enlaçait le vide. L'autre main traînant dans l'eau noire du canal, la tête basse, un peu voûté, les cheveux couleur cendres et le teint de cire, il avait une élégance naturelle en décalage avec son accoutrement ridicule. Le bermuda rayé vert pomme et le polo touristique avaient tout du camouflage. C'était peut-être un type des services secrets, ou alors un tueur à gages.

Je me suis demandé ce qu'il imaginait sur moi, de son côté. Sous mon physique balourd de plagiste en hiver, pouvait-on encore deviner la star que j'avais été de quatre à douze ans ? Ou bien ne voyait-on que le glandeur anxieux que j'étais devenu par la suite ?

Il ne s'est pas retourné. Il avait déjà dû m'oublier. Sa gondole a disparu sous un pont, et j'ai pensé qu'on en resterait là.

Je ne me doutais pas que ce désabusé en fin de course, qui avait deux fois mon âge et le cœur brisé par le même genre de femme, allait faire basculer mon destin.

L'hôtel où m'a conduit le gondolier est une espèce de ruine cachée par une bâche, qui représente sa façade telle qu'elle était autrefois. Le « charmant petit canal à l'écart des grands axes », d'après Internet, est un égout à ciel ouvert. A quoi bon râler : c'est gratuit.

La réceptionniste parle franco-italien avec un accent russe. La mondialisation. Elle épluche mon voucher, me félicite pour ma victoire au jeu-concours, s'étonne que je sois seul, et prend l'empreinte de ma carte de crédit pour les extras du minibar.

– Per favore, un petit autographe…

C'est fou comme ce mot continue de me crisper, dix ans plus tard. Si mon nom fait encore froncer des sourcils en France, à cause des rediffusions, ma tête heureusement ne dit plus rien à personne.

– Grazie mille, signore, juste une petite fiche de renseignements, scusi, et je vous laisse profiter de votre séjour.

– Y a pas de quoi.

A la rubrique « profession », je marque un temps, comme d'habitude. Que vais-je répondre, aujourd'hui ? Comédien en préretraite, musicien sans emploi, boulanger au chômage ? Il n'y a pas assez de cases pour me situer socialement. Autant écrire « touriste ».

26 août 2009

Laver les ombres – Jeanne Benameur

laver_les_ombres Actes Sud – août 2008 – 158 pages

Présentation de l’éditeur :

Elle est dans la quête de la beauté, la perfection du geste, la maîtrise absolue du moindre muscle de son corps. Jamais pourtant elle ne parvient à s’affranchir de cette grâce douloureuse qui bannit tout plaisir. Lea semble empêchée de danser par une force centrifuge qu’elle ne sait pas nommer, comme elle semble empêchée d’aimer Bruno, le peintre qu’elle laisse approcher au plus près sans jamais accepter le partage. A la faveur d’une nouvelle chorégraphie, qui place la mère au centre de son art, la danseuse est rattrapée par ses vieux démons qui demandent leur part de lumière. Et quand elle finit par céder à l’insistance de Bruno et pose pour lui, d’où lui vient cette sensation absurde de donner son corps en pâture ? Elle sait que les clés sont dans la maison de l’enfance, dans un secret qu’elle partage sans le connaître. A présent elle doit en avoir « le cœur net ».
Par une nuit d’orage, d’apocalypse, elle gagne la petite ville côtière qui l’a vue naître. Mère et fille se retrouvent pour laver les ombres.
En onze tableaux où alternent le présent et le passé, peu à peu se dénouent les entraves dont le corps maternel porte les stigmates. Naples à l’époque de la guerre, le bistrot familial, un “bel ami” français qui promet le mariage à une jeune fille de 16 ans et pourtant vend son corps dans une maison close. Puis le départ pour la France, l’enfant inespérée, un semblant d’apaisement tout près du précipice.
Etat des lieux après l’orage : recomposer autrement l’image mythifiée du père, intégrer le faux-pas à la danse. Léa peut aller vers la vie comme la mer revient à l’étale.
Dans une langue retenue et vibrante, Jeanne Benameur chorégraphie les mystères de la transmission et la fervente assomption des mots qui délivrent.

Auteur : Jeanne Benameur est née en Algérie en 1952. Sa famille gagne la France en 1958 pour s’installer à La Rochelle. Elle vit entre Paris et La Rochelle et consacre l’essentiel de son temps à la littérature : roman, théâtre, poésie. Elle a publié des romans pour la jeunesse, essentiellement chez Thierry Magnier, et aux éditions Denoël des romans pour adultes parmi lesquels : Ça t'apprendra à vivre (1993), Présent ? (2006), Les Mains libres (2004), et Les Demeurées (2001).

 

Mon avis : (lu en août 2009)

« Laver les ombres, en photographie, signifie mettre en lumière un visage pour en faire le portrait. » nous précise l'auteur en exergue. Ce livre très court que j'ai lu en une heure c'est deux très beaux portraits d'une mère et d'une fille qui se sauvent l’une l’autre. Le récit se fait en alternance entre le passé et le présent : la vie passée de la mère, la vie présente la fille.

Il y a Léa danseuse, elle a 38 ans et elle ne comprend pas pourquoi toutes ses relations amoureuses sont des échecs.

Il y a Romilda, sa mère : on découvre son histoire et les secrets qu'elle a tu depuis les années 40 à Naples.

Mère et fille vont se retrouver lors d'une nuit de tempête et elles vont se parler. Avec beaucoup douceur, Romilda va avouer les secrets terribles qui jusqu'à ce jour ont étouffée sa vie, l'empêchant d'aimer sereinement sa fille. Léa va écouter, entendre et comprendre enfin la peur qu'elle portait en elle et dont elle ignorait la raison...

Ce roman est fait de phrases courtes, de mots simples, plein de sensibilités. J'ai été bouleversée par cette histoire.

Extrait : (chapitre : Tableau 1 - Naples 1940 - page 17)
Sur un grand lit, à Naples, dans une chambre, est allongée une toute jeune fille. C'est la guerre. Dans des pays des gens se battent. Mais elle, elle est allongée, dans une grande maison cachée au fond d'une cour.
Elle s'appelle Romilda.
Parfaitement immobile, les mains croisées sur la poitrine, on dirait une morte. Ses cheveux sont dénoués. Longs, noirs, parfaitement coiffés. Elle est vêtue comme pour une fête d'une robe d'organdi blanche parsemée d'étoiles.
Ses yeux sont fermés.
Elle ne dort pas.
Romilda s'essaie à disparaître. Vraiment. Elle imagine son corps de plus en plus serré, elle absorbe par la pensée bras et jambes. C'est un exercice difficile. Elle veut se réduire. Concentrée, il faut respirer le moins possible. C'est une tentative d'amenuisement. Une de plus.

Quand on ne peut pas réduire le monde, on se réduit soi-même. Mais on ne disparaît pas si facilement. Elle entend du bruit, des rires au rez-de-chaussée de la maison. Elle n'y arrivera pas. Pas plus aujourd'hui qu'hier. Romilda ouvre grands les yeux. En alerte. Aucune voix masculine ne lui parvient d'en bas. Les rires sont des rires de femmes. Alors elle plonge la main sous le lit. Elle attrape un livre, toujours le même. Un vieux livre aux pages fatiguées, aux bords cornés. Un livre d'amour. Et elle lit. Désespérément. Que les mots au moins l'emportent. Loin. Loin. Elle a seize ans. Elle n'a plus d'âge.

Extrait : (page 19)
Léa enfile son grand pull de laine brune, elle reste pieds nus, passe dans la pièce sur rue.
A la fenêtre, elle regarde les passants qui se hâtent. On marche toujours plus vite quand il pleut. C'est drôle, pense-t-elle, le front appuyé à la vitre, on s'immerge dans la mer facilement et on fait tout pour éviter juste quelques gouttes du ciel. Pourtant c'est bien toujours notre peau, la même, qui reçoit l'eau. En ville, est-ce qu'on fuit la pluie parce que tout le corps n'y est pas ? La sensation de l'eau glissant dans le cou suffit à glacer tout le reste. Il n'y a qu'à regarder les nuques rentrées dans les épaules de ceux qui se hâtent sur les trottoirs.

Quand elle était petite, elle aimait mêler l'eau de l'océan et celle du ciel les jours d'été où l'orage la surprenait sur la plage. Sa mère la frottait de la tête aux pieds avec une grosse serviette éponge quand elle rentrait. Elle disait avec cet accent italien toujours si fort au bout de tant d'années Tu vas attraper la mort. Et Lea riait. Non, elle n'avait pas attrapé la mort. L'expression aujourd'hui lui revient. Pas le rire. Ce matin, elle entend trop chaque mot, tout seul Tu vas attraper la mort. Non, elle ne veut pas. C'est la vie qu'elle cherche à attraper.

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