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A propos de livres...
15 juin 2009

Sans un mot – Harlan Coben

sans_un_mot Belfond – mars 2009 – 411 pages

traduit de l'américain par Roxane Azimi

 

Présentation de l'éditeur
Jusqu'à quel point connaît-on vraiment son enfant ? Mike et Tia ne cessent de se poser la question : leur fils Adam, seize ans, a changé. Réfugié dans sa chambre, il ne quitte plus son ordinateur. Malgré leurs réticences, Mike et Tia se décident à installer un logiciel de contrôle. Un jour, un e-mail inquiétant. Et Adam disparaît. Sans un mot... C'est alors que tout bascule. Sur un rythme d'enfer, Harlan Coben nous entraîne dans un thriller plus électrisant que jamais. Pièges du web, délinquance virtuelle, tueur psychopathe, le maître de nos nuits blanches se joue de nos angoisses avec une délectation machiavélique.

Auteur : Né en 1964, originaire du New Jersey, où il vit actuellement avec sa femme et ses quatre enfants, Harlan Coben obtient un diplôme en sciences politiques au Amherst College. Il travaille pendant quelques temps dans l'industrie du voyage. Passionné par l'écriture, plus spécialement l'écriture de romans policiers et de thrillers, il est déjà à 25 ans l'auteur de deux romans d'angoisse qu'il ne publiera jamais par la suite. Persuadé qu'il est impossible de percer dans ce milieu, Harlan Coben préfère assurer ses arrières professionnels avant de tenter sa chance et de se consacrer à plein temps à l'écriture. En effet, onze ans après la fin de ses études, en 1995, ses secrets espoirs se réalisent enfin avec la publication cette année-là de son premier roman, 'Rupture de contrat', mettant en scène l'ex-champion de basket-ball et ex-agent du FBI reconverti en agent sportif Myron Bolitar. Ce héros délicieusement cynique plaît immédiatement au public. Harlan Coben publie alors une fois par an, avec la régularité d'un métronome, six autres aventures de Myron Bolitar. Grâce à ces histoires, entre autres, il est le premier auteur à recevoir l'Edgar Award, le Shamus Award et l'Anthony Award, trois prix majeurs de la littérature policière aux Etats-Unis. Après 'Ne le dis à personne', 'Disparu à jamais' et 'Une chance de trop', il sort 'Innocent' qui paraît en France en 2006.

 

Mon avis : (lu en juin 2009)

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce thriller d'Harlan Coben, il est plein de suspens et de rebondissements dans la lignée de "Ne le dis à personne". C'est l'histoire de Tia et Mike des parents qui s'inquiètent pour leur fils Adam et des dangers d'internet. A son insu, ils installent un logiciel espion sur son ordinateur pour le protéger. Cela sera-t-il efficace ? En parallèle nous suivons d'autres histoires qui peu à peu vont se mêler pour aboutir à un final que je ne dévoilerai pas... Le livre est bien construit et l'intrigue est captivante mais aussi nous donne froid dans le dos lorsqu'on est soi-même parents...

 

Extrait : (page 47)

"Alors, qu'as-tu trouvé dans l'ordinateur d'Adam?» demanda Mike.

Ils étaient assis à la table de la cuisine. Tia avait fait du café. Elle buvait un déca. Mike préférait l'espresso. Un de ses patients travaillait chez un fabricant de machines à café, celles pour lesquelles on utilise des dosettes et non des filtres. Il lui en avait offert une, après une transplantation réussie. Le principe était simple: on prend une dosette, on l'insère, et le café est prêt.

- Deux choses, répondit Tia.
- O.K.
- Primo, il est invité demain soir à une fête chez les Huff.
- Et...?
- Les Huff partent en week-end. D'après le mail, ils vont passer la soirée à se déchirer.
- Alcool, drogue?
- Le message n'est pas clair. Ils envisagent d'inventer une excuse pour rester dormir; comme ça ils pourront - je cite - «s'éclater à donf».

Les Huff. Daniel Huff, le père, était capitaine dans la police municipale. Son fils - tout le monde l'appelait DJ - était probablement le pire élément de la classe d'Adam.
- Quoi? fit Tia.
- Je réfléchis.

Elle déglutit.
- Qui sommes-nous en train d'élever, Mike?

Il ne répondit rien.
- Je sais que tu refuses de lire ces rapports, mais...

Elle ferma les yeux.
- Quoi?
- Adam regarde des films pornos en ligne, dit-elle. Tu le savais?

Il ne répondit pas.
- Mike?
- Et que veux-tu qu'on y fasse?
- Ça ne te dérange pas?
- A seize ans, je piquais des numéros de Playboy.
- Ce n'est pas pareil.
- Ah bon? C'est tout ce que nous avions à l'époque. On n'avait pas Internet. Sinon, j'aurais sûrement exploré cette piste-là... Tout était bon pour voir une femme nue. C'est la société d'aujourd'hui. On ne peut rien allumer sans en avoir plein les yeux ou les oreilles. Ce qui serait bizarre, c'est qu'un garçon de seize ans ne s'intéresse pas aux femmes nues.

- Donc tu approuves.
- Bien sûr que non. Seulement, je ne vois pas de solution.
- Parle-lui.
- Je lui ai parlé. Je lui ai expliqué les choses de la vie. Que le sexe est meilleur quand il va de pair avec l'amour. J'ai essayé de lui apprendre à respecter les femmes et à ne pas les instrumentaliser.
- Sur ce dernier point, dit Tia, il n'a pas capté.
- Ce dernier point, aucun ado ne peut le capter. Je ne suis pas convaincu, d'ailleurs, qu'un homme adulte le capte davantage.

Tia sirotait son café, laissant la question informulée en suspens.

On distinguait des pattes-d'oie au coin de ses yeux. Elle passait beaucoup de temps à les examiner dans la glace. Toutes les femmes ont un problème avec leur physique, mais, au moins sur ce sujet, Tia avait toujours été très sûre d'elle. Sauf que dernièrement, Mike sentait bien qu'elle n'était pas à l'aise avec l'image que lui renvoyait le miroir. Elle avait commencé à se teindre les cheveux. Elle voyait les rides, la peau flasque, les symptômes de l'âge, quoi, et ça la perturbait.

- Un adulte, c'est différent, dit-elle.

Il voulut trouver des mots rassurants, puis renonça.

- Nous avons ouvert la boîte de Pandore, ajouta Tia.

Il espérait qu'elle parlait toujours d'Adam.

- En effet.
- Je veux savoir. Et ce que je découvre me fait horreur.

Il lui prit la main.
- Que fait-on, pour cette soirée?
- Qu'en penses-tu?
- On ne peut pas le laisser y aller, dit-il.
- Donc, on le garde à la maison?
- J'imagine que oui.
- Il m'a dit que Clark et lui allaient chez Olivia Burchell. Si on lui interdit de sortir, il va se douter qu'il y a anguille sous roche.

Mike haussa les épaules.
- Tant pis. Nous sommes des parents. Nous pouvons nous permettre d'être irrationnels.
- Soit. Donc on lui dit qu'il doit rester à la maison demain soir?
- Ben oui.
Elle se mordit la lèvre.
- Il s'est bien conduit toute la semaine, il a fait tous ses devoirs. Normalement, il a le droit de sortir le vendredi soir.

La bataille s'annonçait rude, ils le savaient. Mike était prêt à se battre, mais en avait-il envie? Il faut faire attention où l'on met les pieds. Et lui interdire d'aller chez Olivia Burchell risquait d'éveiller les soupçons d'Adam.
- Si on décrétait un couvre-feu? suggéra-t-il.
- Et qu'est-ce qu'on fera s'il ne le respecte pas? On se pointera chez les Huff?

Elle avait raison.
- Hester m'a convoquée dans son bureau, dit Tia. Elle veut que j'aille demain à Boston pour une déposition.

Mike savait à quel point c'était important pour elle. Depuis qu'elle avait repris le travail, on ne lui confiait pratiquement que des tâches de routine.
- C'est super.
- Oui. Mais ça veut dire que je ne serai pas là.
- Pas de problème, répondit Mike, je peux gérer ça tout seul.
- Jill dort chez Yasmin. Elle ne sera donc pas dans les parages.
- O.K.
- Alors, comment empêcher Adam d'aller à cette soirée?
- J'ai peut-être une solution, mais je dois encore y réfléchir, répondit Mike.
- D'accord.

Une ombre traversa le regard de Tia. Et Mike se souvint.
- Tu as parlé de deux choses qui te gênaient.

Elle hocha la tête. Son expression changea. Presque imperceptiblement. Au poker, on appelle ça un «tell». Ça arrive quand on est marié depuis longtemps. On lit facilement sur le visage de l'autre... ou alors il ne prend plus la peine de dissimuler. Quoi qu'il en soit, Mike comprit que ce n'était pas une bonne nouvelle.
- Un échange de messages instantanés, dit Tia. D'il y a deux jours.

Elle fouilla dans son sac et sortit le papier. Les messages instantanés. Les gamins se parlaient d'ordinateur à ordinateur en temps réel. Le résultat ressemblait à une sorte de dialogue indigeste. Les parents, dont la plupart avaient passé des heures, durant leur adolescence, pendus à un bon vieux téléphone, déploraient cet état de fait. Mike, lui, ne voyait pas où était le problème. Nous avions le téléphone, ils ont les textos et MSN. Quelle différence? Ça lui rappelait ces vieux qui pestaient contre les ados et leurs jeux vidéo avant de sauter dans un autocar, direction Atlantic City et ses machines à sous. Pure hypocrisie, non?
- Jette un œil là-dessus.

Mike chaussa ses lunettes de lecture. Il les utilisait depuis quelques mois seulement et, déjà, cela l'incommodait au plus haut point. Adam avait gardé son ancien surnom de HockeyAdam1117. Le numéro de Mark Messier, son joueur de hockey favori, et celui de Mike, le numéro 17, du temps de Dartmouth. Curieux qu'il ne l'ait pas modifié. Ou peut-être qu'au contraire c'était logique. Ou alors, plus vraisemblablement, ça ne voulait rien dire du tout.

CJ8115: Ça va, toi?
HockeyAdam1117: Je continue à penser qu'on devrait le dire.
CJ8115: C de l'histoire ancienne. Boucle-la et tu risques rien.

D'après le compteur, il y avait eu une pause d'une minute.
CJ8115: T toujours là?
HockeyAdam1117: Oui.
CJ8115: T OK?
HockeyAdam1117: Je suis OK.
CJ8115: Super. A vendredaï.

Ça s'arrêtait là.
- «Boucle-la et tu risques rien», répéta Mike. Ça veut dire quoi, à ton avis?
- Aucune idée.
- C'est peut-être en rapport avec le lycée. Ils ont dû voir quelqu'un tricher à un contrôle, un truc comme ça.
- Possible.
- Ou alors, c'est rien. Ça pourrait faire partie d'un jeu d'aventures en réseau.
- Possible, dit à nouveau Tia, sans grande conviction.
- Qui est CJ8115? demanda Mike.

Elle secoua la tête.
- C'est la première fois qu'Adam discute avec lui.
- Ou elle.
- Ou elle, exact.
- «A vendredi». Donc CJ8115 sera à la soirée chez les Huff. Ça nous avance à quelque chose?
- Je ne vois pas à quoi.
- On lui pose la question?
- C'est trop vague, tu ne crois pas?
- Oui, acquiesça Mike. Et ça laisse deviner qu'on le flique

Il relut le papier. Les mots étaient toujours là.
- Mike ?
- Ouais.
- A propos de quoi Adam doit la boucler pour ne rien risquer ?

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7 juin 2009

Ceux qu’on aime – Steve Mosby

ceux_qu_on_aime traduit de l'anglais par Clément Baude

Sonatine - février 2009 – 350 pages

Présentation de l'éditeur
Vous laissez un message à l'un de vos proches, dont vous n'avez pas de nouvelles. Il ne vous répond que par mail ou par SMS. De nos jours, rien de plus normal. Vous inquiétez-vous ? Imaginez-vous une seconde que ce n'est pas lui qui vous a répondu, qu'il est séquestré, privé d'eau et de nourriture... et que vous n'entendrez plus jamais le son de sa voix ? Tel est le mode opératoire d'un tueur en série qui s'attaque à des jeunes femmes célibataires, les séquestre, endosse leur identité auprès de leurs proches et les laisse dépérir à petit feu, dans l'abandon le plus total. Sam Currie est commissaire, Dave Lewis journaliste, tous deux ont sur la conscience la mort ancienne d'un parent, qu'ils auraient peut-être pu sauver s'ils avaient fait davantage attention à lui. Deux hommes hantés sur qui un piège infernal va se refermer, et qui devront trouver les ressources psychologiques nécessaires pour assumer leur passé, affronter le tueur et, cette fois, être là pour ceux qu'ils aiment. Une tension dramatique oppressante, un art machiavélique de l'intrigue, une perversité sans égal : on retrouve, après Un sur deux, la marque de fabrique de Steve Mosby, qui aborde avec ce roman des thèmes aussi universels que la solitude dans la société contemporaine, la force des sentiments, et les nécessaires priorités de l'existence.

Biographie de l'auteur
Steve Mosby est né en 1976 à Leeds. Jeune écrivain surdoué, comparé à Dennis Lehane et à Michael Connelly. Après "Un sur deux", "Ceux qu'on aime" est son deuxième roman paru en français.

Mon avis : (lu en juin 2009)

L'idée de départ de l'intrigue est plutôt originale et intéressante : le tueur utilise des sms et des mails pour faire croire aux proches de sa victime que celle-ci est en pleine forme. Mais, j'ai eu un peu de mal à m'y retrouver dans les nombreux personnages qui sont décrits dès le début de l'histoire. Mais l'intrigue en elle-même met un peu trop de temps avant de vraiment commencer. Le livre se lit facilement, on passe un bon moment, mais le dénouement est assez prévisible.

Extrait : "Il existe un principe de base chaque fois que l'on veut étudier un tour de magie. Il faut partir de l'effet final, le truc que l'on n'arrive pas à expliquer, pour remonter en arrière, en se concentrant sur les choses que l'on connait et en cherchant des indices dans les interstices. Il n'y a que comme ça qu'on peut découvrir le secret : graver tous les paramètres du tour dans le marbre, puis comprendre comment il a pu être effectué à l'intérieur de ce cadre.

Si une bague apparait soudain dans un pot de fleurs à côté de la porte, c'est que quelqu'un l'y a déposée. Si une seule personne se trouvait près de cette porte, alors ça ne peut être qu'elle. Si cette personne n'a pu prendre la bague qu'à un seul moment, alors elle l'a prise à ce moment-là. En s'appuyant sur le visible, on comprend l'invisible."

5 juin 2009

Les cris de l'innocente - Unity Dow

les_cris_de_l_innocence

Traduit de l’anglais (Botswana) par Céline Schwaller

Actes Sud – octobre 2006 – 357 pages

Présentation de l'éditeur
Amantle accomplit son service national dans un dispensaire de brousse, du côté des superbes paysages du delta de l'Okavango. Affectée à des tâches subalternes, elle découvre une boîte contenant les vêtements d'une petite fille, couverts de sang. Il s'avère que ce sont ceux de la jeune Neo, disparue cinq ans plus tôt. La police avait classé l'affaire : " attaque par un lion, aucune trace de l'accident ". Véritable empêcheuse de danser en rond, Amantle va relancer l'enquête, au grand dam des autorités locales. Dans les hautes sphères aussi on s'inquiète de cette exigence de vérité qu'osent poser des villageois supposés dociles. On ne parle plus de lion mais d'erreur humaine, d'élimination de preuves, de crime rituel perpétré par des gens haut placés. La découverte des vêtements gêne du monde, les coupables sans doute, ceux qui ont peur des pouvoirs occultes certainement, ceux aussi qui craignent et jalousent leurs supérieurs. Mais Amantle ne lâche pas, elle contacte une amie avocate et se fait des alliés parmi les villageois qui voient en elle la seule chance d'en savoir plus, de coincer peut-être les coupables impunis de ces meurtres rituels relativement réguliers qui frappent de petites campagnardes. Maîtrisant parfaitement les dialogues, les portraits, les cadres de vie, Unity Dow écrit là non seulement un bon thriller sur fond d'Afrique partagée entre modernité et tradition mais aussi un réquisitoire contre des pratiques excessivement barbares.

Biographie de l'auteur
Unity Dow, Botswanaise née en 1959, juge à la Cour suprême du Botswana et première femme à occuper ce poste, possède une longue expérience du droit humanitaire. Elle est membre de l'International Women's Rights Watch et, outre plusieurs rapports sur la condition des femmes et des enfants, elle est l'auteur de deux romans Far and Beyon'et Juggling Truths.

Mon avis : (lu en juin 2009)

En 1994, Neo, fillette de 12 ans, disparaît de façon mystérieuse d’un village de brousse. La police classera l’affaire en attribuant la mort aux lions. Cinq ans plus tard, Amantle découvre par hasard dans un carton étiqueté « Neo Kakang » des vêtements ensanglantés. Avec l’aide d’amies avocates, Amantle va aider le village à faire éclater la vérité sur la mort de Neo.

Cette enquête est surtout un prétexte pour nous décrire la société botswanaise avec ses traditions, ses coutumes locales et en particulier la triste réalité des meurtres rituels.

L’auteur nous fait partager également de belles descriptions des villages, de la brousse et du bord du fleuve Okavango.

Bien qu’il appartienne à la collection actes noirs, j’ai trouvé ce livre plus proche d’un roman africain que d’un roman policier. Ce livre est très intéressant pour découvrir le Botswana.

Cependant les dernières pages du livre m'ont données des frissons d'horreur.

Extrait : (début du livre)

Il ne lui voulait aucun mal. Simplement, il la voulait, avait besoin d’elle. Sans doute, dans le fait d’avoir besoin et de vouloir y a-t-il une certaine affection, même si ce n’est pas tout à fait de l’amour. Et elle était, au dire de tous, disponible. Il la regardait rire avec ses amis : rejeter la tête en arrière, battre des bras comme pour voler. Elle leur racontait une histoire drôle, imitait un oiseau, peut-être, et eux aussi riaient ; mais peut-être faisait-elle seulement l’imbécile, comme le font parfois les enfants. Dans tous les cas, elle n’avait pas conscience de son regard contemplatif, évaluateur. C’était la deuxième fois qu’il passait en voiture devant le petit groupe d’enfants. Il n’avait eu aucune difficulté à la repérer – il l’avait déjà observée.
Non, il ne lui voulait aucun mal : ce n’était pas comme s’il la détestait, où comme s’il souhaitait la faire souffrir elle, ou les membres de sa famille. Simplement, il la voulait, avait besoin d’elle – la souffrance était inévitable.
Au dire de tous, il était un honnête homme. Il était marié à la même femme depuis vingt-cinq ans, et il ne manifestait aucune envie de la quitter. Il avait vingt-trois ans lorsqu’il avait épousé sa fiancée Rosinah, alors âgée de vingt ans. Au fil des années, la jeune femme mince était devenue une femme mûre aux airs de matrone. Ses amies lui enviaient ses cheveux tressés par une professionnelle : chaque visite chez le coiffeur coûtait 250 pulas, ce qui représentait l’équivalent du salaire mensuel d’une femme de ménage. Elles lui enviaient ses tenues ghanéennes bouffantes aux couleurs vives et ses turbans fantaisie assortis. Elles lui enviaient ses bas sans jamais la moindre échelle. Rosinah était parfaite à tous les enterrements, mariages, services religieux, réunions parents-professeurs et assemblées politiques. Elle ne portait qu’une touche de rouge à lèvres : pas assez pour qu’on s’écrie “Vulgaire !” – juste assez pour qu’on murmure “Raffinée”… Les gens disaient, souvent, que M. Disanka était, vraiment, un bon mari.
C’était également un bon amant. Il venait d’offrir à sa maîtresse, Maisy, une Toyota Hilux simple cabine à deux roues motrices. Il avait acheté ce véhicule après lui avoir payé une extension à sa maison. Un homme plus inconsidéré, et il y avait beaucoup d’hommes inconsidérés autour de lui, aurait peut-être acheté à sa maîtresse une double cabine à quatre roues motrices – mais pas M. Disanka ! Il comprenait qu’il était important de conserver certaines limites. Sa femme conduisait une Toyota Hilux double cabine, comme lui ; il n’aurait pas été convenable que sa maîtresse en possède également une. Quand sa maîtresse avait failli obtenir un local commercial à côté du magasin de plats à emporter de sa femme, il était intervenu avec la rapidité adéquate.
Sa mère avait été la première personne à découvrir ce problème de proximité. Elle lui avait murmuré, d’un ton pressant :
“Rra-Lesego, tu ne peux pas mettre ces deux femmes l’une sur l’autre : ce sera la guerre.” Elle appelait toujours son fils Rra-Lesego – père de Lesego –, en signe de respect. Elle-même était appelée Mma-Disanka – mère de Disanka –, et elle en était fière. Une mère ne pouvait pas toujours être fière de son enfant, mais elle était heureuse de dire qu’elle-même l’était sincèrement.
“Comment ça ? lui avait-il demandé en se détournant à contrecœur de la télé : Manchester United, son équipe de foot préférée, était en train de jouer, et il n’était pas content qu’on le distraie de son match.
— Mma-Betty a dit qu’elle avait appris par son frère, qui l’a appris par un ami, que Maisy allait obtenir un local à deux pas de ton magasin, à côté de la poste. Elle a dit que l’agent de la chambre de commerce était sur place pas plus tard qu’hier pour mesurer la superficie du local. On ne peut pas laisser faire une chose pareille : tu ne peux pas mettre ces deux femmes l’une sur l’autre ! Même la plus gentille des épouses ne serait pas d’accord. Tu dois intervenir !” Mma-Disanka s’était déplacée pour planter son imposante silhouette entre lui et la télé : un stratagème délibéré visant à s’assurer l’entière attention de son fils. Elle avait tout intérêt à maintenir l’unité de la famille ; après tout, sa belle-fille, Mma-Lesego, la traitait bien et l’accueillait volontiers chez elle. Mma-Disanka n’avait aucune intention de retourner dans sa propre maison, même si à l’origine elle était venue chez son fils sous prétexte d’une courte visite. Elle aimait bien voir grandir ses petits-enfants, et elle n’était pas prête à fermer les yeux quand la paix du foyer de son fils était menacée par un acte que l’on pouvait éviter.

2 juin 2009

Millénium, Tome 2 – Stieg Larsson

La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette

mill_nium2 Actes Sud – octobre 2006 – 652 pages

Traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain

Présentation de l'éditeur
Tandis que Lisbeth Salander coule des journées supposées tranquilles aux Caraïbes, Mikael Blomkvist, réhabilité, victorieux, est prêt à lancer un numéro spécial de Millénium sur un thème brûlant pour des gens haut placés : une sombre
histoire de prostituées exportées des pays de l'Est. Mikael aimerait surtout revoir Lisbeth. Il la retrouve sur son chemin, mais pas vraiment comme prévu : un soir, dans une rue de Stockholm, il la voit échapper de peu à une agression manifestement très planifiée. Enquêter sur des sujets qui fâchent mafieux et politiciens n'est pas ce qu'on souhaite à de jeunes journalistes amoureux de la vie. Deux meurtres se succèdent, les victimes
enquêtaient pour Millénium. Pire que tout, la police et les médias vont bientôt traquer Lisbeth, coupable toute désignée et qu'on a vite fait de qualifier de tueuse en série au passé psychologique lourdement chargé. Mais qui était cette gamine attachée sur un lit, exposée aux caprices d'un maniaque et qui survivait en rêvant d'un bidon d'essence et d'une allumette ? S'agissait-il d'une des filles des pays de l'Est, y a-t-il une hypothèse plus compliquée encore ? C'est dans cet univers à cent à l'heure que nous embarque Stieg Larsson qui signe avec ce deuxième volume de la trilogie Millénium un thriller au rythme affolant.

Biographie de l'auteur
Stieg Larsson, né en 1954, journaliste auquel on doit des essais sur l'économie et des reportages en Afrique, était le rédacteur en chef d'Expo, revue suédoise observatoire des manifestations ordinaires du fascisme. Il est décédé brutalement, en 2004, d'une crise cardiaque, juste après avoir remis à son éditeur les trois tomes de la trilogie Millénium.

Mon avis : (lu en mai 2009)

J'ai beaucoup aimé Millénium1, Millénium2 est tout aussi passionnant. Dans ce livre, on approche d'un peu plus près Lisbeth Salander et tout le mystère qui l'entoure. On retrouve les protagonistes du tome précédent environ un an plus tard. Lisbeth, personnage féminin athypique, est en vacances dans les Caraïbes, elle se distrait en résolvant l'énigme mathématique du théorème de Fermat. Elle a coupé les relations avec Mikaël Blomkvist sans aucune explication. Mikaël Blomkvist a retrouvé sa place de rédacteur au journal Millénium. Il enquête sur la prostitution et le trafic sexuel de jeunes femmes. Lisbeth va être mêlée malgré elle à cette enquête, elle sera même suspectée de meurtre... L'intrigue est rondement menée, le lecteur va de surprises en rebondissements, il suit avec passion l'enquête que mène parallèlement la police, Mikaël et Lisbeth. En effet nos deux héros ne vont jamais se rencontrer tout au long du livre. A la fin de ce volume, le suspens et à son comble et … il faudra attendre la lecture du 3ème tome pour avoir le dénouement !

Extrait : (Prologue)

Elle était attachée sur une étroite couchette au cadre en acier. Des courroies de cuir l'emprisonnaient et un harnais lui maintenait la cage thoracique. Elle était couchée sur le dos. Ses mains étaient retenues par des lanières de cuir de part et d'autre du lit.

Elle avait depuis longtemps abandonné toute tentative de se détacher. Elle était éveillée mais gardait les yeux fermés. Quand elle les ouvrait, elle se trouvait dans le noir et la seule source de lumière visible était un mince rayon qui filtrait au-dessus de la porte. Elle avait un mauvais goût dans la bouche et ressentait un besoin impérieux de se laver les dents.

Une partie de sa conscience épiait le bruit de pas qui signifierait qu'il venait. Elle savait que c'était le soir mais n'avait aucune idée de l'heure, à part qu'elle sentait que ça devenait trop tard pour une de ses visites. Elle sentit une vibration soudain dans le lit et ouvrit les yeux. On aurait dit qu'une sorte de machine s'était mise en marche quelque part dans le bâtiment. Quelques secondes plus tard, elle n'aurait su dire si elle l'inventait ou si le bruit était réel.

Dans sa tête, elle cocha un jour de plus.

C'était son quarante-troisième jour de captivité.

23 mai 2009

OPA sur le Vendée Globe – Alain Bach

OPA_sur_le_vend_e_globe Orbestier – novembre 2008 – 215 pages

Présentation de l'éditeur
Le Vendée Globe est une des plus grandes courses du monde à la voile en solo et sans assistance. Tous les 4 ans les concurrents s'élancent pour ce challenge unique aux couleurs, souvent prestigieuses, de ceux qui financent leurs monstres de course. Epreuve d'endurance et de courage mais aussi enjeux importants entre les sponsors pour remporter la victoire médiatique. Dans " OPA sur le Vendée Globe ", Alain Bach nous fait partager le combat héroïque d'une skippeure sablaise. Sa course autour du monde en solitaire devient, progressivement, l'enjeu de luttes implacables et violentes entre deux multinationales de la haute finance dont l'une est prête à tous les coups bas pour réussir à s'assurer le contrôle de l'autre. Une aventure humaine magnifiquement documentée dans le monde rude de la haute compétition en mer et dans celui des requins de la haute finance internationale.

Biographie de l'auteur
Alain Bach vit en Vendée, aux Sables d'Olonne. S'il écrit depuis plus de 15 ans, sa passion pour l'écriture romanesque n'est apparue qu'en 2001 avec un premier roman aux éditions d'Orbestier : " l'Or de Brocéliande " qui fut distingué par deux prix littéraires. Alain Bach dirige, dans l'Ouest, des enquêtes publiques auprès des collectivités territoriales dans les domaines de l'environnement ou de l'aménagement foncier. Son métier l'amène à côtoyer tous les milieux et constitue sa principale source d'inspiration.

Mon avis : (lu en mai 2009)

Comme l'indique son titre, ce roman est construit autour de deux thèmes : tout d'abord le mythique Vendée Globe, course à la voile, autour du monde et sans escale, réservée aux navigateurs solitaires mais aussi la bourse avec l'OPA (offre publique d'achat) d'un sponsor sur un autre sponsor. La partie financière du roman a été plutôt obscure pour moi et ne m'a pas vraiment intéressée. La partie course m'a beaucoup plu, l'héroïne de l'histoire est Marie-Pierre, navigatrice professionnelle, qui part avec plusieurs handicaps : elle a un bateau vieillissant mais surtout elle est au prise avec des problèmes psychologiques. Elle est très courageuse et pleine de détermination, elle va brouiller les cartes en gagnant la bataille de la communication.

Ce livre se lit assez bien et est très distrayant. J'ai toujours aimé les livres d'aventures autour de la mer.

Extrait : (début du livre)

Mars en Vendée (J - 620)

Rendues ivres par le vent du nord, les poubelles titubaient, tombaient et vomissaient leurs déchets sur les quais déserts de La Chaume. De violentes bourrasques mêlées à une fine pluie cinglante harcelaient la nuit et faisaient miauler les fils électriques. Les longues et fines hampes des réverbères agitaient leurs grosses ampoules en un ballet fantasmagorique pendant que, du bout du quai, vers la jetée, parvenait la rumeur grondante de l’armée des vagues.

Étienne regrettait amèrement l’absence d’une capuche sur son imperméable. Il sentait les gouttes de pluie glacée lui piquer le visage comme de fines aiguilles et enfonçait ses poings dans les poches avec d’autant plus de vigueur que l’air et l’eau lui gelaient le corps.

« Troisième bistrot à droite après la boulangerie… ça fait un moment que j’aurais dû le trouver! Même pas un pingouin à qui demander! » Étienne était furieux : lui, le jeune cadre parisien dynamique portant beau la quarantaine, chouchou de son grand patron. Lui, dont le bureau, climatisé toute l’année, donnait sur la Seine et la tour Eiffel. Lui, qui faisait glousser les petites secrétaires de l’état major de la firme. Lui, qui veillait à toujours assortir ses mi-chaussettes en fil d’écosse avec sa cravate en soie ! Eh bien lui, il avait de la flotte plein les chaussures et le moral qui barbotait dedans.

- Mais où est ce fichu bistrot ? se surprit-il à dire à haute voix.

Une camionnette passa à vive allure, provoquant une gerbe d’eau qu’il ne chercha pas à éviter. Il en était à ce point de fatalisme que même ce genre d’incident ne comptait plus vraiment.

Place Anselme Maraud, sur le quai des Boucaniers, une devanture rappelait vaguement celle d’un café des années trente. Sur la vitre, au-dessus de petits rideaux douteux, une grande inscription en lettres anglaises blanches s’étalait à mi-hauteur : « Chez Lili et Marcel, sandwichs à toute heure ». De quoi alpaguer le chaland qui aurait l’âme gelée et qui chercherait désespérément un peu de chaleur humaine ou son lot d’alcool ! L’absence de néon racoleur — un simple éclairage intérieur aux reflets jaunes — et la présence de quelques guéridons vieillots, confirmaient la première impression. Un comptoir en placage d’acajou protégeait une série d’étagères remplies d’une collection de bouteilles ; leur grande variété de formes et d’étiquettes témoignait de la vaste culture éthylique des clients autochtones.

Il entra, précédé d’un bruit de vieux grelot asthmatique. Quelques têtes se tournèrent vers la porte d’entrée. Derrière le bar, une cigarette coincée sur l’oreille, un homme torchonnait des verres avec la conviction d’un pré-retraité : Marcel, le « patron », visiblement. Il avait le nez délicat de ces barmen attentifs à leur clientèle dépressive. Le nez — Étienne ne vit que lui — donnait une cohérence lamentable à l’ambiance déprimante de cet estaminet hors d’âge. Son propriétaire devait rarement oublier de se servir un petit rouge « limé » pour accompagner, par compassion, une malheureuse histoire. Et il y en avait sûrement beaucoup, ici, de malheureuses histoires !

Enfin à l’abri, un « déca » fumant sur le comptoir, Étienne lança un regard circulaire dans la salle. Quatre anciens en casquette de marin bousculaient des cartes en communiquant à l’aide de grognements, tandis qu’un grand maigre s’accrochait au comptoir en soliloquant à voix basse. Il n’y avait personne d’autre…

« Diable, se dit Étienne, elle est sans doute en retard! » Il haussa les épaules. « Avec un temps pareil ! » Il s’était demandé comment trouver Marie-Pierre Rousseau dont il n’avait pas réussi à obtenir l’adresse. Il était venu tout exprès de Paris dans l’espoir de la rencontrer. « Tu verras, lui avait-on dit, pas moyen de la rater, elle habite quelque part aux Sables d’Olonne, on ne sait pas où. Elle est systématiquement dans ce bar de La Chaume en fin de journée, chez Lily et Marcel. »

Les gens devraient se méfier des mots. L’habituel n’est pas forcément systématique : visiblement, la Rousseau n’était pas dans son lieu de prédilection !

« Elle fait une cure, avait-on continué à lui expliquer avec un sourire en coin. Pour ne pas mourir elle se soigne à l’eau-de-vie. À la fermeture, elle est assez chargée pour dormir jusque tard dans la matinée. Elle ne mange pas. Elle est épaisse comme une sauterelle du Niger. Fais gaffe, elle ne parle pas facilement et ne veut l’aide de personne ! Franchement, une femme pareille, dans cet état et au RMI ! C’est incroyable, non ? »

Oui, vraiment, il était incroyable que la femme la plus adulée du monde de la voile, vainqueure à vingt-huit ans d’une solitaire du Figaro, d’un tour de France à la voile, de la Lorient – Saint Barth de la même année, devenue la navigatrice la plus prometteuse de son époque, se soit effondrée, disloquée psychiquement l’année suivante au cours du Vendée Globe. Elle était en seconde position derrière Loïc Le Guennec et remontait très fort sur lui. Mais elle fut disqualifiée, suite à une dénonciation de Le Guennec, pour non-respect de la réglementation.

Une affaire obscure, jamais vraiment élucidée, malgré les explications de Le Guennec. Curieusement Marie-Pierre Rousseau avait authentifié la version du dénonciateur. Le comité arbitral de la course l’avait éliminée, ce qui avait clos le débat. La presse avait vendu pas mal de papier autour de cette histoire. Un large public, sympathisant de la malheureuse navigatrice, estimait la « gagne » rageuse de Le Guennec outrancière.

Après quoi, cette jolie femme de formation « ingénieur » au sourire malicieux, brune, mince, nerveuse et endurante, avait disparu des circuits, du jour au lendemain. Quatre mois auparavant elle était réapparue aux Sables d’Olonne, sa ville natale. Mais dans quel état ! Alcoolique à l’avant-dernier degré, sans le sou, abandonnée de tous, y compris de sa famille, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Après des débuts si prometteurs, qui aurait pu prévoir une telle déchéance ? Elle était hébergée quelque part à la Chaume sans que personne ne sache vraiment où.

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19 mai 2009

Hiver arctique – Arnaldur Indridason

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Métailié – février 2009 – 334 pages

Points - mai 2010 - 404 pages

traduit de l'islandais par Eric Boury

Présentation de l'éditeur
Le corps d'un petit garçon était couché dans la neige lorsque la voiture d'Erlendur est arrivée au pied de l'immeuble de banlieue, en cette fin d'après-midi glaciale de Reykjavik. II avait douze ans, rêvait de forêts, ses parents avaient divorcé et sa mère venait de Thaïlande, son grand frère avait du mal à accepter un pays aussi froid. Le commissaire Erlendur et son équipe n'ont aucun indice et vont explorer tous les préjugés qu'éveille la présence croissante d'émigrés dans une société fermée. Erlendur est pressé de voir cette enquête aboutir, il néglige ses autres affaires, bouscule cette femme qui pleure au téléphone et manque de philosophie lorsque ses enfants s'obstinent à exiger de lui des explications sur sa vie qu'il n'a aucune envie de donner. La résolution surprenante de ce crime ne sortira pas Erlendur de son pessimisme sur ses contemporains. Dans cet impressionnant dernier roman, Indridason surprend en nous plongeant dans un monde à la Simenon. Il a reçu pour ce livre et pour la troisième fois le prix Clé de Verre du roman noir scandinave.

Biographie de l'auteur
Arnaldur INDRIDASON est né à Reykjavik en 1961. Diplômé en histoire, il est journaliste et critique de cinéma. Il est l'auteur de 6 romans noirs, dont plusieurs sont des best-sellers internationaux. Il est l’auteur de
La Cité des Jarres (2005), Prix "Cœur noir" et Prix "Mystère de la critique", de La Femme en vert (2006), Grand Prix des lectrices de Elle, de La Voix (2007), L’Homme du lac (2008), Prix polar européen du Point.

Mon avis : (lu en mai 2009)
Je suis devenue une inconditionnelle de Indridason et j'attendais avec impatience de pouvoir lire son dernier livre. Et dès que j'ai pu me le procurer à la bibliothèque, je l'ai dévoré avec autant de plaisir que les livres précédents.
J'ai retrouvé le commissaire Erlendur et ses enquêteurs inséparables, Elinborg et Sigurdur Oli, cette nouvelle enquête nous entraîne autour de l'intégration des populations d'immigrés dans la société islandaise. Tout commence avec la découverte du corps d'un enfant de 10 ans d'origine thaïlandaise au pied de son immeuble. Erlendur était auparavant sur une autre enquête où une femme trompée a disparu, il reçoit aussi de mystérieux appels d’une femme sur son portable. Cette enquête autour d’un jeune enfant va faire resurgir les démons de l’enfance d’Erlandur et la disparition de son frère, son fils Sindri Snaer et sa fille Eva Lind vont l’obliger à de leur donner des réponses sur ce drame passé.
On ressent parfaitement l'atmosphère sombre et glacée de la longue nuit islandaise de l' "Hiver arctique". Ce nouveau Indridason m’a vraiment bien plu. A lire !

Extrait : (début du livre)
On parvenait à deviner son âge, mais il était plus difficile de se prononcer avec précision sur l'endroit du monde dont il était originaire.
Ils lui donnaient environ dix ans. Vêtu d'une doudoune déboutonnée grise à capuche et d'un pantalon couleur camouflage, une sorte de treillis militaire, l'enfant avait encore son cartable sur le dos. Il avait perdu l'une de ses bottes. Les policiers remarquèrent à l'extrémité de sa chaussette un trou duquel dépassait un orteil. Le petit garçon ne portait ni moufles ni bonnet. Le froid avait déjà collé ses cheveux noirs au verglas. Il était allongé sur le ventre, une joue tournée vers les policiers qui regardaient ses yeux éteints fixer la surface glacée de la terre. Le sang qui avait coulé sous son corps avait déjà commencé à geler.
Elinborg s'agenouilla près de lui.
- Mon Dieu, soupira-t-elle, que se passe-t-il donc ?
Elle tendit le bras, comme pour poser sa main sur le corps sans vie. L'enfant semblait s'être couché pour se reposer. Elinborg avait du mal à se maîtriser. Comme si elle refusait de croire ce qu'elle voyait.
- Ne le touche pas, demanda Erlendur d'un ton calme, debout à côté du corps avec Sigurdur Oli.
- Il a dû avoir froid, marmonna Elinborg en ramenant son bras.
La scène se passait au milieu du mois de janvier. L'hiver était resté clément jusqu'à la nouvelle année, puis le temps s'était considérablement refroidi. Une coque de glace enserrait la terre, le vent du nord sifflait et fredonnait contre l'immeuble. De grandes nappes de neige recouvraient le sol. La poudreuse s'accumulait par endroit en formant de petits monticules dont les flocons les plus fins s'envolaient en volutes. Le vent leur mordait le visage, les pénétrant jusqu'aux os en travers leurs vêtements. Saisi d'un frisson, Erlendur enfonça profondément ses mains dans les poches de son épais manteau. Le ciel était chargé de nuages. Il était à peine quatre heures. La nuit avait déjà commencé à tomber.

 

16 mai 2009

Millénium, Tome 1 - Stieg Larsson

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes

Millenium_1 Actes Sud – juin 2006 – 574 pages

Traduit du suédois par Lena Grumbach et marc de Gouvenain

Présentation de l'éditeur
Ancien rédacteur de Millénium, revue d'investigations sociales et économiques, Mikael Blomkvist est contacté par un gros industriel pour relancer une enquête abandonnée depuis quarante ans. Dans le huis clos d'une île, la petite nièce de Henrik Vanger a disparu, probablement assassinée, et quelqu'un se fait un malin plaisir de le lui rappeler à chacun de ses anniversaires. Secondé par Lisbeth Salander, jeune femme rebelle et perturbée. placée sous contrôle social mais fouineuse hors pair, Mikael Blomkvist, cassé par un procès en diffamation qu'il vient de perdre, se plonge sans espoir dans les documnts cent fois examinés, jusqu'au jour où une intuition lui fait reprendre un dossier. Régulièrement bousculés par de nouvelles informations, suivant les méandres des haines familiales et des scandales financiers. lancés bientôt dans le monde des tueurs psychopathes, le journaliste tenace et l'écorchée vive vont résoudre l'affaire des fleurs séchées et découvrir ce qu'il faudrait peut-être taire. A la fin de ce volume, le lecteur se doute qu'il rencontrera à nouveau les personnages et la revue Millenium. Des fils ont été noués, des portes ouvertes. Impatient, haletant, on retrouvera Mikael et sa hargne sous une allure débonnaire, et Lisbeth avec les zones d'ombre qui l'entourent, dans -Millénium 2 - La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette ; Millénium 3 -La Reine dans le palais des courants d'air.

Biographie de l'auteur
Stieg Larsson, né en 1954, journaliste auquel on doit des essais sur l'économie et des reportages de guerre en Afrique, était le rédacteur en chef d'Expo, revue suédoise observatoire des manifestations ordinaires du fascisme. Il est décédé brutalement, en 2004, d'une crise cardiaque, juste après avoir remis à son éditeur les trois tomes de la trilogie Millénium.

Mon avis : (lu en mai 2009)

J'ai enfin lu Millénium 1 et je n'ai qu'une envie c'est lire Millénium 2 et 3 !

J'ai entendu parler de ce livre pour la première fois il y a 1 an et jusqu'à il y a deux jours je n'avais pas eu l'occasion de le lire... Ces derniers jours, avec la médiatisation de la sortie du film, j'ai tenté de me procurer le tome 1 à la bibliothèque et j'ai eu la chance de l'obtenir...

Je n'ai eu aucun mal à rentrer dans le livre malgré une mise en place de l'intrigue assez lente. En effet, l'auteur prend le temps de nous présenter minutieusement chacun des deux personnages principaux : Mikael Bloomkvist et Lisbeth Salander. Mikael est journaliste d'investigations économiques et sociales au Millénium, il vient d'être condamné pour diffamation à 3 mois de prison. Il est embauché par Henrik Vanger un magnat de l'industrie officiellement pour rédiger l'histoire de la famille Vanger et officieusement pour enquêter sur l'étrange disparition de sa nièce Harriet 36 ans plus tôt en 1966. Lisbeth Salander, une jeune femme rebelle et perturbée, un génie de l'informatique qui est très douée pour mener des enquêtes.

L'intrigue est très intéressante, pleines de rebondissements, ses personnages sont atypiques et néanmoins très attachants. Le style est simple, et j'ai été surprise par le tutoiement qui est semble-t-il courament pratiqué en Suède. L'auteur nous livre également des explications économiques et politiques de la Suède ainsi qu'une description de la société suédoise. Attention, certains passages sont violents : il est question de séquestrations, tortures et viols... 

J'ai été prise par l'histoire comme jamais et j'avais du mal à lâcher mon livre : j'y ai même consacré mon samedi matin pour terminer les 300 pages qu'ils me restaient à lire... Il faudra pourtant que j' attende lundi pour me procurer la suite...

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Le 13 mai 2009, est sortie en France le film danois et suédois « Millénium, le film » (Män som hatar kvinnor) réalisé par Niels Arden Oplev avec Michael Nyqvist, Noomi Rapace, Lena Endre

Extrait : (page 15)

VENDREDI 20 DÉCEMBRE

LE PROCÈS 
ÉTAIT
IRREVOCABLEMENT terminé et tout ce qui pouvait être dit avait été dit. Il n'avait pas douté une seconde qu'on allait le déclarer coupable. Le jugement avait été rendu dès 10 heures du matin ce vendredi, et il ne restait maintenant plus qu'à écouter l'analyse des journalistes qui attendaient dans le couloir du tribunal.
Mikael Blomkvist les vit par l'entrebâillement de la porte et il se retint quelques secondes. Il n'avait pas envie de discuter le verdict dont il venait d'obtenir la copie, mais les questions étaient inévitables et il savait - mieux que quiconque - qu'elles devaient être posées et qu'il fallait y répondre. C'est comme ça que ça fait d'être un criminel, pensa-t-il. Du mauvais côté du micro. Il s'étira, mal à l'aise, et essaya d'arborer un sourire. Les reporters le lui rendirent et hochèrent gentiment la tête, presque gênés.
- Voyons voir... Aftonbladet, Expressen, TT, TV4 et... tu es d'où, toi... ah oui, Dagens Industri. On dirait que je suis devenu une vedette, constata Mikael Blomkvist.
- Une déclaration, s'il te plaît, Super Blomkvist ! lança l'envoyé d'un des journaux du soir.
Mikael Blomkvist, dont le nom complet était Cari Mikael Blomkvist, se força à ne pas lever les yeux au ciel comme chaque fois qu'il entendait son surnom. Un jour, vingt ans plus tôt, alors qu'il était âgé de vingt-trois ans et qu'il venait de commencer son travail de journaliste comme remplaçant pour les vacances d'été, Mikael Blomkvist avait par hasard démasqué une bande de braqueurs de banques auteurs de cinq casses très remarqués étalés sur deux années. De toute évidence, il s'agissait de la même bande ; leur spécialité était d'arriver en voiture dans des petites villes et de braquer une ou deux banques, avec une précision toute militaire. Ils portaient des masques en latex des personnages de Walt Disney et avaient été baptisés - selon une logique policière pas totalement absurde - la Bande à Donald. Les journaux choisirent cependant de les appeler les Frères Rapetout, surnom un peu plus sérieux vu qu'à deux reprises, ils avaient sans scrupules tiré des coups de feu d'avertissement au mépris de la sécurité des gens et qu'ils avaient menacé les passants et les badauds.

Extrait : (page 105)
- L'île restait coupée mais les choses ont commencé à se calmer. Nous ne nous sommes rendu compte de l'absence d'Harriet qu'au moment où nous passions à table pour un dîner tardif vers 20 heures. J'ai envoyé l'une de mes cousines la chercher dans sa chambre, mais elle est revenue en disant qu'elle ne la trouvait pas. Cela ne m'a pas inquiété outre mesure ;j'ai dû croire qu'elle était allée faire un tour ou qu'elle n'avait pas été informée que le dîner était servi. Et au cours de la soirée j'ai été occupé par diverses querelles familiales. Ce n'est que le lendemain matin, parce qu'Isabella me cherchait, que nous avons réalisé que personne ne savait où elle était et que personne ne l'avait vue depuis la veille.
Il écarta grand les bras.

Extrait : (page 248)
Une seule condition devait être remplie. Maître Bjurman devait mourir de manière qu'elle-même ne puisse jamais être associée au crime. Elle se doutait bien que tôt ou tard son nom apparaîtrait dans une enquête policière à venir quand les flics examineraient les activités de Bjurman. Mais elle n'était qu'un grain de poussière dans toute une galaxie de clients actuels ou anciens, elle ne l'avait rencontré que quelques rares fois et, à moins que Bjurman n'ait noté dans son agenda qu'il l'avait forcée à lui faire une pipe - ce qu'elle jugeait invraisemblable -, elle n'avait aucune raison de l'assassiner. Il n'y aurait pas la moindre preuve que sa mort avait un rapport quelconque avec ses clients ; on pourrait penser à des ex-petites amies, des parents, des connaissances, des collègues et un tas d'autres gens. On pourrait même cataloguer cela de random violence, scénario dans lequel le meurtrier et victime ne se connaissaient pas.

8 mai 2009

La forêt des ombres – Franz Thilliez

la_foret_des_ombres Le Passage – août 2006 – 394 pages

Présentation de l'éditeur
Hiver 2006. Cœur de la Forêt-Noire. Le froid, la neige, l'isolement... Les conditions idéales pour écrire sur un tueur en série, retrouvé pendu voilà plus d'un quart de siècle. Le Bourreau 125.

Arthur Doffre, riche héritier, vieil homme paraplégique, souhaite le ramener à la vie par l'intermédiaire d'un roman. Un thriller que David Miller, auteur de polar occasionnel et embaumeur de profession, a un mois pour écrire, enfermé dans un chalet avec sa famille, Doffre et sa jeune compagne. Mais il est des portes qu'il vaut mieux laisser fermées... et très vite, la psychose s'installe. Ne reste alors qu'une seule solution : combattre ses peurs, repousser la folie, grouper ses maigres forces ; et affronter l'impensable...

La Forêt des ombres, huis clos infernal, nous entraîne dans les méandres de la folie et de la perversion.

Biographie de l'auteur
Franck Thilliez est l'auteur de La Chambre des morts (Prix Quais du polar 2006).
 

 

Mon avis : (lu en mai 2009)

Ce polar m'a donné des frissons... Les personnages sont ambigus, ils ont des secrets... L'auteur nous embarque dans un monde de folie, il sait nous tenir en haleine et nous perdre sur plusieurs pistes. Je reconnais que l'histoire est bien construite : c'est un huis clos dans un chalet sous la neige perdu au milieu de la Forêt Noire. L'atmosphère est oppressante. On explore les limites de la cruauté humaine... Bien sûr ce n'est qu'à la fin que l'on découvre la vérité. Le mélange action et psychologie est parfaitement dosé.

Pour ma part, je me suis retenue d'imaginer les scènes décrites tellement l'horreur est présente. Je ne suis pas vraiment friande de ce genre de policier où il y a une escalade dans le gore...

A lire si vous aimez les thrillers !

A éviter si comme moi vous faites parti des âmes sensibles car les descriptions sont précises et surtout très écœurantes !

 

Extrait : (page 139)
Le jeune homme traîna son escabeau jusqu'au charmant Bundy, non sans réprimer un certain dégoût. Le sang, qui avait gelé en gouttelettes noires, outrageait la blancheur ouatée déposée par la nature. Cette mort-là, puant la charogne, n'était pas la sienne, pas celle qu'on pouvait masquer à l'aide de produits conservateurs ou à coups de bistouri. Elle se déployait ici librement, sans tabou, et creusait toujours plus ces sculptures, secondées par la lente maturation du temps. Cette mort-là était celle de l'enfant que le meurtrier enterre et laisse pourrir dans son jardin, celle de l'adolescente, abandonnée ligotée contre un arbre, en proie aux bêtes sauvages. Cette mort-là était celle dont on ne parle jamais.
Seul sous ces cosses morbides, David la défiait, le yeux dans le yeux.

 

Extrait : (page 190)
En d'autres circonstances, l'épopée de David dans ce feu d'artifice de verdure, au volant d'un puissant 4X4, aurait été fantastique. Des hectares de silence. Des infinis rendus violets par la réfraction de la lumière à travers la glace. Des sculptures irréelles, que seul l'hiver savait modeler. Mais les événements des dernières heures donnaient à l'endroit une toute autre tonalité. Nettement plus terne, plus macabre.
David fixait le GPS lorsque l'arrière du véhicule se mit à chasser dramatiquement. Il écrasa la pédale de frein, entraînant la masse d'acier sur le côté gauche puis, dans un contrecoup, sur le côté droit. Il plaqua ses paumes sur le volant. Qu'est-ce qui s'était passé ?... Etait-il possible que...
Il descendit, l'oeil rivé au sol. A ses pieds, des traces de pas de petite taille, orientées vers le chalet. Des traces de course... Des traces de fuite. Celle de la femme aux cheveux noirs.
L' héroïne, échappée de son roman. Encore elle.
David se retourna vers la voiture. Alors ses joues se creusèrent, sa gorge se serra. Pneus avant et arrière gauche crevés ! 'Eh merde !' Il souffla dans ses mains nues, contourna le véhicule. Juste pour vérifier.
Les quatre pneus étaient à plat !

Extrait : le quatrième chapitre est en libre accès sur le site des livres de poche Pocket.

2 mai 2009

Ne le dis à personne - Harlan Coben

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Belfond – janvier 2002 – 353 pages

Pocket – avril 2004 - 430 pages

traduit de l'anglais (États-Unis) par Roxane Azimi

Quatrième de couverture
Imaginez... Votre femme a été tuée par un sérial killer. Huit ans plus tard, vous recevez un e-mail anonyme. Vous cliquez : une image... C'est son visage, au milieu d'une foule, filmé en temps réel. Impossible, pensez-vous ? Et si vous lisiez
Ne le dis à personne...?

Résumé : Pédiatre, David Beck exerce dans une clinique pour le compte de Medicaid, structure sociale qui prend en charge les pauvres sans couverture sociale. Il aime son métier et l'exerce avec passion. Mais sa vie a été brisée lorsque son épouse, Elizabeth, qu'il connaissait depuis l'enfance, fut assassinée par un tueur sadique qui marquait ses victimes au fer rouge. Huit ans après ce drame, il reçoit un étrange e-mail codé dont la clé n'était connue que de lui-même et d'Elizabeth. Abasourdi, David essaie de se souvenir des détails qui entourèrent l'assassinat de sa femme, dont le propre père, officier de police, identifia formellement le corps. Impatient, il guette le prochain message qui lui donne rendez-vous le lendemain. En cliquant sur un lien hypertexte, il découvre alors le site d'une caméra de surveillance de rue et dans la foule, il voit, stupéfait, passer Elizabeth qui le regarde en articulant "Pardon, je t'aime"…

Auteur : Né en 1964, Harlan Coben est le premier auteur à avoir reçu le Edgar Award, le Shamus Award et le Anthony Award, les trois prix majeurs de la littérature à suspense aux Etats-Unis. Il est né et a grandi dans le New-Jersey, où il vit actuellement avec sa femme et leurs quatre enfants.

Mon avis : (lu en avril 2004)

C'est le premier livre que je lisais de cet auteur. Ce livre est un formidable thriller avec un suspense incroyable qui nous tient en haleine de la première à la dernière page. Il y a de multiples rebondissements de fausses pistes. Toute l’action se passe à toute allure courses-poursuites, chasses à l'homme, FBI et policiers… Le personnage principal David est très attachant.

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Une adaptation de ce livre a été réalisée par Guillaume Canet avec François Cluzet, André Dussolier, Marie-Josée Croze, Kristin Scott Thomas, Nathalie Baye, François Berléand, Jean Rochefort. Le film est sorti en novembre 2006. L’atmosphère du livre y est assez bien rendu.

Extrait :
Il y a cinquante ans et des poussières, le lac Charmaine avait abrité une colo pour gosses de riches. Le propriétaire avait fait faillite, et grand-père avait racheté le plan d'eau et le terrain environnant pour une bouchée de pain. Il avait retapé la maison du directeur et abattu la plupart des constructions qui bordaient le lac. Mais au-delà, dans les bois, où plus personne ne s'aventurait de toute façon, il avait laissé pourrir les dortoirs des mômes. Ma soeur Linda et moi, on partait les explorer, fouillant les ruines à la recherche d'un trésor, jouant à cache-cache, bravant le croque-mitaine, qui, nous en étions sûrs, nous épiait et guettait le moment propice. Elizabeth se joignait rarement à nous. Elle aimait que chaque chose soit à sa place. Se cacher lui faisait peur.
En descendant de voiture, j'ai entendu les fantômes. Plein de fantômes - trop -, qui tournoyaient et se disputaient mon atten­tion. C'est celui de mon père qui a gagné. Le lac était immobile, lisse comme un miroir, mais je jure que j'ai perçu le hurlement triomphal de papa tandis qu'il se catapultait du ponton, les genoux contre la poitrine, le sourire jusqu'aux oreilles, faisant naître une gerbe d'eau pareille à un véritable raz-de-marée aux yeux de son fils unique. Papa aimait bien atterrir à côté du radeau où ma mère prenait ses bains de soleil. Elle le réprimandait, sans pouvoir s'empêcher de rire.
J'ai cligné des paupières, les images se sont évanouies. Je me suis rappelé cependant comment le cri, les rires, le bruit du plongeon se réverbéraient dans le silence de notre lac, et je me suis demandé si l'écho de ces bruits et de ces rires-là avait vraiment disparu, si quelque part dans les bois les joyeux ululements de mon père ne continuaient pas à ricocher d'arbre en arbre. C'était bête comme idée, mais que voulez-vous.
Les souvenirs, ça fait mal. Surtout les bons.
- Ça va, Beck ? a demandé Elizabeth. Je me suis tourné vers elle.
- Je pourrai m'envoyer en l'air, hein ?
- Vieux pervers va.

1 mai 2009

Anges et démons – Dan Brown

Anges_et_d_mons Jean-Claude Lattès - mars 2005 – 600 pages

traduit de l'anglais (États-Unis) par Daniel Roche

Présentation de l'éditeur
Une antique confrérie secrète : les Illuminati. Une nouvelle arme dévastatrice : l'antimatière. Une cible invraisemblable : le Vatican. Robert Langdon, le célèbre spécialiste de symbologie religieuse, est convoqué au CERN, en Suisse, pour déchiffrer un symbole gravé au fer rouge retrouvé sur le corps d'un éminent homme de science. Il s'agirait d'un crime commis par les Illuminati, une société secrète qui vient de resurgir après une éclipse de quatre siècles et a juré d'anéantir l'Eglise catholique. Langdon ne dispose que de quelques heures pour sauver le Vatican qu'une terrifiante bombe à retardement menace ! Après le succès international du Da Vinci code, cette nouvelle enquête de Robert Langdon nous entraîne à Rome, dans ses églises et ses catacombes, au cœur même du Vatican où les cardinaux sont réunis en conclave.

Auteur : Né en 1964 aux États-Unis, après des études de lettres et d'art à l’Amherst College et à la Phillips Exeter Academy, Dan Brown s'installe à Hollywood en Californie pour écrire des chansons. Professeur à l'université Philips Exeter, il est le témoin, sur le campus, de l'arrestation par les services secrets américains d'un étudiant qui, pour s'amuser, évoque dans un mail l'assassinat du président Bill Clinton. Dan Brown est impressionné par l'extraordinaire capacité des agences de renseignements à surveiller et observer les individus. Il écrit alors son premier roman, paru sous le titre de 'Digital Fortress', une histoire au cœur de la National Security Agency. L'étude des codes secrets l'a toujours passionné. Pour preuve, le célèbre 'Da Vinci code', son quatrième roman, est un best-seller mondial. Il sort en 2005 'Anges et démons', une enquête également menée par le fameux professeur Robert Langdon, personnage désormais célèbre et récurrent. Dan Brown écrit également pour plusieurs revues dont Newsweek et The New Yorker. En 2006 sort en France 'Deception Point', un nouveau thriller haletant sur fond de technologie spatiale, avant que ne suive 'Forteresse Digitale' l'année suivante.

Mon avis : (lu en avril 2005)

Ce livre a été écrit par Dan Brown et est paru aux États-Unis avant le Da Vinci Code... La construction du livre est très proche celle du Da Vinci code : nous retrouvons Robert Langdon, le célèbre professeur d'histoire de l'art et spécialiste de symbologie religieuse, c’est Vittoria une jolie jeune scientifique qui le secondera, des faits historiques, légendaires, politiques, religieux et une course contre la montre dans Rome. L’enquête est toujours très bien rythmée, on apprend beaucoup sur Rome et sur le Vatican.

Les lieux où se déroule cette histoire sont les suivants :

Suisse : Siège du CERN - Accélérateur de particules LHC (Genève)

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Vatican : Place Saint-Pierre et Basilique Saint-Pierre

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Rome : Château Saint-Ange, Fontaine des Quatre Fleuves,

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Panthéon de Rome,

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Église Santa Maria Della Vittoria,

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Église Santa Maria Del Popolo

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Un film réalisé par Ron Howard avec doit sortir en France le 13 mai prochain Tom Hanks,Ewan McGregor, Stellan Skarsgard. Mais j’attendrai son passage à la télévision pour le voir car un film est rarement à la hauteur d’un livre si dense.

Extrait : (Début du livre)
Les faits
Le plus grand pôle de recherche scientifique au monde, le CERN (Centre européen pour la recherche nucléaire), a récemment réussi à produire les premiers atomes d’antimatière.
L’antimatière est identique à la matière, si ce n’est qu’elle se compose de particules aux charges électriques inversées. L’antimatière est la plus puissante source énergétique connue. Contrairement à la production d’énergie nucléaire par fission, dont l’efficience se borne à 1,5 %, elle transforme intégralement sa masse en énergie. En outre, elle ne dégage ni pollution ni radiations. Il y a cependant un problème :
L’antimatière est extrêmement instable. Elle s’annihile en énergie pure au contact de tout ce qui est... même l’air. Un seul gramme d’antimatière recèle autant d’énergie qu’une bombe nucléaire de 20 kilotonnes, la puissance de celle qui frappa Hiroshima.
Jusqu’à ces dernières années, on n’avait réussi à produire que quelques infimes quantités d’antimatière (quelques atomes à la fois). Mais le « décélérateur d’antiprotons » récemment mis au point par le CERN ouvre de formidables perspectives : sa capacité de production d’antimatière est considérablement renforcée.
Se pose désormais une angoissante question : cette substance hautement volatile sauvera-t-elle le monde, ou sera-t-elle utilisée pour créer l’arme la plus destructrice de l’histoire ?

Note de l’auteur
Tous les tombeaux, sites souterrains, édifices architecturaux et œuvres d’art romains auxquels se réfère cet ouvrage existent bel et bien. On peut encore les admirer aujourd’hui. Quant à la Confrérie des Illuminati, elle a aussi existé.

Prologue
En reniflant une odeur de chair brûlée, le physicien Leonardo Vetra comprit que c’était la sienne. Il leva des yeux terrorisés vers la silhouette penchée sur lui.
- Que voulez-vous ?
- La chiave, répondit la voix rauque, le mot de passe.
- Mais... je n’ai pas...
L’intrus appuya de nouveau, enfonçant plus profondément l’objet blanc et brûlant dans la poitrine de Vetra. On entendit un grésillement de viande sur le gril. Vetra poussa un hurlement de douleur.
- Il n’y a pas de mot de passe !
Il se sentait basculer dans le néant.
Son bourreau lui jeta un regard furibond.
- Exactement ce que je craignais. Ne avevo paura !
Vetra lutta pour ne pas perdre connaissance, mais le voile qui le séparait du monde s’épaississait. Son seul réconfort : savoir que son agresseur n’obtiendrait jamais ce qu’il était venu chercher. Quelques instants plus tard, l’homme sortit un couteau. La lame s’approcha du visage de Vetra. Avec une délicatesse toute chirurgicale.
- Pour l’amour de Dieu ! hurla le mourant d’une voix étranglée.
- Mais il était trop tard.



Chapitre 1. Au sommet des marches de la grande pyramide de Gizeh, une jeune femme riait et l’appelait.
- Robert, dépêche-toi ! Décidément, j’aurais dû épouser un homme plus jeune ! Son sourire était magique. Il s’efforçait de la suivre mais ses jambes étaient deux blocs de pierre.
- Attends-moi ! supplia-t-il. S’il te plaît ! Alors qu’il recommençait à grimper, la vision se brouilla. Son cœur cognait comme un gong à ses oreilles. Je dois la rattraper ! Mais quand il leva de nouveau les yeux, la femme avait disparu. A` sa place se tenait un vieillard aux dents gâtées. L’homme regardait vers le bas, un étrange rictus retroussait ses lèvres. Puis il poussa un cri d’angoisse qui résonna dans le désert. Robert Langdon se réveilla en sursaut de son cauchemar. Le téléphone sonnait à côté de son lit. Emergeant péniblement, il décrocha l’appareil.
- Allô ?
- Je cherche à joindre Robert Langdon, fit une voix d’homme. Langdon s’assit dans son lit et essaya de reprendre ses esprits.
- C’est... c’est lui-même. Il cligna des yeux en tournant la tête vers son réveil numérique. Celui-ci affichait 5 h 18 du matin. Il faut que je vous rencontre sur-le-champ.
- Mais qui êtes-vous ?
- Je me nomme Maximilien Kohler. Je suis physicien. Spécialisé en physique des particules, pour être précis.
- Quoi ? Langdon se demandait s’il était vraiment réveillé.
- Vous êtes sûr que je suis le Langdon que vous cherchez ?
- Vous êtes professeur d’iconologie religieuse à Harvard. Vous êtes l’auteur de trois ouvrages sur les systèmes symboliques et...
- Savez-vous l’heure qu’il est ?
- Excusez-moi. J’ai quelque chose à vous montrer. Il m’est impossible d’en parler au téléphone. Langdon poussa un marmonnement entendu. Ce n’était pas la première fois. L’un des risques qui guettent l’auteur de livres sur la symbolique religieuse, c’est justement ce genre d’appels d’illuminés. Ils viennent de recevoir un message de Dieu et ils demandent confirmation au spécialiste. Le mois précédent, une danseuse de cabaret de Tulsa dans l’Oklahoma lui avait promis la nuit d’amour de sa vie s’il prenait l’avion pour authentifier le signe de croix qui venait d’apparaître sur sa housse de couette. Langdon avait baptisé ce nouveau cas « le suaire de Tulsa ».
- Comment avez-vous eu mon numéro ? demanda Langdon en essayant de garder son calme malgré l’heure matinale.
- Sur le Web, sur le site de votre bouquin. Langdon fronça les sourcils. Il était parfaitement sûr que le site de son livre ne donnait pas son numéro de téléphone privé. Ce type mentait, de toute évidence.
- Il faut que je vous voie, insista l’autre. Je vous paierai bien. Langdon sortit de ses gonds.
- Je suis désolé, mais vraiment je n’ai rien à...
- Si vous partez tout de suite, vous pouvez être ici vers...
- Je n’irai nulle part ! Il est 5 heures du matin ! Langdon raccrocha et se laissa choir sur son lit. Il ferma les yeux et essaya de se rendormir. Peine perdue. Il était trop contrarié. A` regret, il enfila son peignoir et descendit au rez-de-chaussée. Robert Langdon traversa pieds nus le grand salon vide de sa demeure victorienne du Massachusetts et se prépara le remède habituel des nuits d’insomnie, un bol de chocolat instantané en poudre. La lune d’avril filtrait à travers les portes-fenêtres et animait les motifs des tapis orientaux. Il balaya la pièce du regard. Ses collègues le taquinaient souvent sur son intérieur – celui-ci évoquait davantage, selon eux, un musée d’anthropologie qu’une habitation privée. Ses étagères étaient bondées d’objets d’art religieux du monde entier – un ekuaba du Ghana, une croix en or espagnole, une idole cycladique de la mer Egée et même un rare boccus tissé de Bornéo, symbole de jeunesse éternelle porté par les jeunes guerriers indonésiens. Assis sur son coffre Maharishi en cuivre, Langdon savourait son chocolat en surveillant d’un œil distrait son reflet dans la baie vitrée. L’image déformée et pâle évoquait un fantôme. Un fantôme vieillissant, songea le professeur, cruellement rappelé à la réalité de sa condition : un esprit jeune dans une enveloppe mortelle. Aˆ gé d’environ quarante ans, Langdon, qui n’était pas beau au sens classique du terme, était le type même de l’universitaire à la mâle distinction qui, selon ses collègues du sexe féminin, plaît tant aux femmes. Avec ses tempes argentées qui rehaussaient une belle chevelure encore brune, son impressionnante voix de basse et le large sourire insouciant d’un grand sportif, Langdon avait gardé le corps du nageur de compétition qu’il avait été à l’université. Et il veillait à maintenir en forme son mètre quatre-vingts longiligne et musclé en s’imposant chaque matin cinquante longueurs dans la piscine du campus. Ses amis l’avaient toujours considéré comme une énigme. Tour à tour moderne et nostalgique, il semblait changer de peau à volonté. Le week-end, on pouvait le voir se prélasser sur une pelouse, discutant conception assistée par ordinateur ou histoire religieuse avec des étudiants ; parfois, on l’apercevait en veste de tweed sur un gilet à motifs cachemire dans les pages d’un magazine d’art ou à la soirée d’ouverture d’un musée où on lui avait demandé de prononcer une conférence. Ce grand amoureux des symboles était sans aucun doute un professeur qui ne faisait pas de cadeaux et exigeait une stricte discipline de ses élèves, mais Langdon était aussi le premier à pratiquer « l’art oublié du bon rire franc et massif », selon sa bizarre expression, dont il vantait les mérites. Il adorait les récréations et les imposait avec un fanatisme contagieux qui lui avait valu une popularité sans mélange auprès de ses étudiants. Son surnom sur le campus, le « Dauphin », en disait long sur son caractère bon enfant mais aussi sur sa capacité légendaire de multiplier les feintes pour tromper l’équipe adverse, lors des matchs de water-polo. Soudain, le silence du grand salon fut de nouveau troublé, cette fois par une sorte de cliquetis que le quadragénaire à demi assoupi ne reconnut pas tout de suite. Trop fatigué pour s’emporter, Langdon esquissa un sourire las : le cinglé de tout à l’heure ne s’avouait pas vaincu. Ah, ces fous de Dieu ! Deux mille ans qu’ils attendent le Messie et ils y croient plus que jamais ! Les sourcils froncés, il rapporta son bol vide à la cuisine et gagna à pas lents son bureau lambrissé de chêne. Le fax qui venait d’arriver luisait faiblement sur le plateau. En poussant un soupir, il s’empara de la feuille et l’approcha de ses yeux. Aussitôt, il fut pris de nausées. C’était la photo d’un cadavre. On l’avait entièrement dénudé et on lui avait tordu le cou jusqu’à ce que sa tête regarde derrière lui. Sur la poitrine de la victime une terrible brûlure renforçait l’atrocité de ce meurtre. L’homme avait été marqué au fer rouge, on avait gravé un mot, un seul mot dans sa chair. Un terme que Langdon connaissait bien. Très bien. Ses yeux restaient rivés, incrédules, sur les étranges caractères gothiques :
- Illuminati, balbutia Langdon, le cœur battant à tout rompre. Ce n’est quand même pas... D’un mouvement lent, appréhendant ce qu’il allait découvrir, il fit pivoter le fax à 180 degrés. Lut le mot à l’envers. Il en eut le souffle coupé – à peu près comme s’il venait de se prendre un coup de poing en pleine poitrine.
- Illuminati, répéta-t-il dans un murmure. Abasourdi, Langdon s’affala dans une chaise. Il resta pétrifié, sous le coup de la commotion qu’il venait de recevoir. Peu à peu, ses yeux furent attirés par le clignotement du voyant rouge sur son fax. Celui qui lui avait envoyé ce fax morbide était au bout du fil... et attendait de lui parler. Langdon resta longtemps sans bouger, à fixer ce petit clignotant redoutable. Puis, en tremblant, il décrocha le combiné.

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