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A propos de livres...
france
13 octobre 2012

La ville des serpents d’eau - Brigitte Aubert

la_ville_des_serpents_d_eau Seuil - septembre 2012 - 285 pages

Quatrième de couverture :
Ennatown, la ville des serpents d'eau : sans histoire, avec son club interconfessionnel, sa bonne conscience, son lot de mâles chasseurs si conventionnels, et leurs épouses qui s'ennuient à mourir, genre Desperate Housewives. Une sérieuse ombre au tableau, toutefois : l'un des leurs, forcément un des leurs, a enlevé cinq gamines il y a plus de dix ans. Quatre ont été retrouvées au fond d'un lac ou d'une rivière. D'où le surnom du mystérieux criminel : le Noyeur. La dernière n'a jamais refaitsurface...
Et voici justement que surgit de nulle part, sous la neige à la veille de Noël, une petite créature crasseuse en survêtement rose maculé, muette et terrifiée, qui aussitôt s'enfuit avec le citoyen le moins fréquentable d'Ennatown: Black Dog, géant noir un peu demeuré et SDF. Qui est-elle?
Trop jeune pour être la disparue... alors? Le fantasme collectif repart de plus belle : c'est Black Dog, le Noyeur, évidemment... Et la chasse à l'homme de démarrer. Seul Limonta, ex-flic alcoolo à la conscience chargée, s'étonne que personne n'ait signalé la disparition d'une enfant de cinq ans...
Auteur : Née en 1956 à Cannes, Brigitte Aubert a développé son goût pour le polar dans la pénombre du cinéma familial. Parmi ses nombreux romans publiés et traduits dans plus de 20 pays, l’on retiendra Les Quatre fils du Dr March, La Mort des bois (Grand Prix de Littérature policière 1996), Transfixions (adapté au cinéma sous le titre “Mauvais Genres), Funérarium… Elle est la reine du thriller à humour grinçant.

Mon avis : (lu en octobre 2012)
Ennatown est une petite ville d’Amérique du Nord, c'est la veille de Noël. Dès la première page de ce livre, le lecteur est plongé dans une histoire sordide... Une fillette a été séquestrée durant des années dans une cave, elle est devenue femme, puis mère. Elle est au bout du rouleau et elle pense avoir trouvé une solution pour faire sortir sa fille Amy âgée de cinq ans qui pourrait devenir la proie de son kidnappeur surnommé Daddy.
Treize ans plus tôt, dans cette même petite ville, plusieurs fillettes âgées de six ans ont été enlevées et retrouvées noyées dans un étang. Vera Miles, l'une des fillettes, n’est jamais réapparue et l'affaire n'a jamais été résolue.
Il fait nuit, Amy vient de s'échapper du lieu de séquestration qu'elle n'a jamais quitté depuis sa naissance, elle est muette et elle a en sa possession un message d'au secours écrit par sa mère. La première personne qu'elle rencontre, c'est Black Dog un géant noir, marginal, sdf et illettré. Elle va naïvement lui faire totalement confiance et lui comprend instinctivement qu'il doit la protéger.
A Ennatown, il y a également Vince Limonta, un ancien flic de New York, exclu de la police à la suite d’une bavure. Il est revenu dans sa ville natale et grâce au prêtre Roland O’Brien, il travaille comme jardinier. Vince a retrouvé un ami, Michael McDanie, un ancien rappeur noir connu sous le pseudo de Snake T. et devenu handicapé à la suite d'un accident. Lorsque le journal locale ressort l’histoire des fillettes enlevées, Snake T. incite Vince à s’intéresser à l’affaire.

Voilà une intrigue bien construite où l'innocence et la monstruosité se côtoient, d'un côté un fillette et un simple d'esprit de l'autre une atmosphère glaçante, un monstre rodant dans cette communauté, un monsieur Tout-le-monde insaisissable. Le suspens et la tension sont présents tout au long du livre et les pistes sont multiples... Un roman policier captivant et efficace, une belle découverte.

Autre avis : Canel

Extrait : (début du livre)
Je suis morte il y a treize ans.
J'avais 6 ans.
On m'a retrouvée noyée dans le lac, sous la glace, pas très loin de la maison. Les poches de ma robe étaient bourrées de pierres.
Les poissons avaient dévoré mes doigts et mon visage. On m'a identifiée à ma taille et à mes vêtements.
Mon joli anorak rose. Mon sac à dos Scooby-Doo.
On m'a enterrée un après-midi de janvier. Il neigeait.
Sur ma tombe, il y a gravé "Susan Lawson 1992-1998 A notre cher petit ange".
Quand le cercueil est descendu dans le trou, ma mère s'est mise à hurler. Mon père s'est évanoui.
Moi, j'ai essayé de me boucher les oreilles pour ne plus entendre rire Daddy.
Mais la chaîne était trop courte. Je n'ai pu que crier, les poignets entravés.
Je suis morte il y a treize ans.
Vera Miles avait 6 ans, elle aussi. Elle avait disparu un mois plus tôt. Elle, on ne l'a jamais retrouvée.
Moi, je croupis dans ce trou noir.
Au début, il n'allumait que quand il venait.
Le reste du temps, c'était la nuit. Et toujours la peur.
La douleur.
La folie.

 Grand_Prix_des_Lectrices_2013 
Jury JANVIER
Policier

Challenge 1% Littéraire 2012

  logochallenge2 
10/14

 Challenge Thriller 

challenge_thriller_polars
catégorie "Même pas peur" : 8/12

 Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012

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"Animal"

 

 

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12 octobre 2012

Réanimation - Cécile Guilbert

r_animation Grasset - août 2012 - 272 pages

Quatrième de couverture :
« Blaise vient de fêter ses cinquante printemps. Quelque chose en lui refuse-t-il de naître ? De céder ? De s’ouvrir ? Une délivrance ? Une douleur ? Un remords ? Peut-être. Car soudain tonne le canon qui abat tout, renverse tout, démolit tout. »
La narratrice et Blaise, mariés, vivent comme des adolescents, des Robinson parisiens, artistes accrochés l’un à l’autre, insouciants. Jusqu’au jour où Blaise est atteint d’une maladie rare, la « cellulite cervicale », forme de nécrose parfois mortelle des tissus du cou. Hospitalisé d’urgence à Lariboisière, Blaise se mue du jour au lendemain en « homme-machine » plongé dans le coma. Alors la peur s'installe. De le perdre. De voir le bonheur disparaître. S'installe aussi la curiosité fascinée de la narratrice pour ce service spécial – la « réa » – tandis que son existence se détraque et se ranime elle aussi...
Récit intelligent et sensible, exercice de mise à distance du malheur, méditation d'une grande douceur sur le temps et l'espérance, les pouvoirs de l'art et de la médecine, les pièges de l'image et les sortilèges de l'imagination, le livre de Cécile Guilbert, traversé de mythes et de contes, et aussi – surtout ? – une lettre d'amour à Blaise.

Auteur : Romancière et essayiste, Cécile Guilbert est l’auteur de Warhol Spirit (2007), Prix Médicis de l’essai et de Animaux and Cie (2010), avec Nicolas Guilbert.  

Mon avis : (lu en octobre 2012)
Le sujet de ce livre n'avait rien d'attirant pour moi et je ne l'aurai jamais lu en dehors du Grand Prix des lectrices Elle. J'ai personnellement une relation difficile avec l'hôpital, je n'aime pas les odeurs, les bruits, je suis jamais à l'aise lorsqu'il faut que je m'y rende que ce soit pour consulter ou pour rendre visite à quelqu'un...
A cinquante ans, Blaise le mari de la narratrice est opéré d'urgence pour une infection rare appelé cellulite cervicale. Après l'opération, sa femme vient lui rendre visite et elle découvre avec surprise que son mari est dans le service Réanimation post-opératoire et traumatologique, il a été plongé dans un coma artificiel pour quelques semaines.
Elle réalise alors que pour la première fois de sa vie elle se trouve séparé de Blaise et d'une manière qu'elle n'avait jamais imaginé, ni envisagé...
Elle se met alors à écrire au jour le jour, ses pensées, ses impressions dans un journal intime. Elle se retrouve seule à la maison, tout autour d'elle lui rappelle Blaise, elle se souvient du passé, elle a des craintes quand à l'avenir... Elle se raccroche à ces lectures, aux contes, à la mythologie, à l'Art... Elle se rend à l’hôpital, elle observe le service de Réanimation, son homme endormi, livré aux médecins et personnel soignant.
Ce livre est bien écrit, l'auteur a su décrire en détail l'atmosphère de l'hôpital et du service de Réanimation. Cette longue attente forcée va petit à petit conduire Blaise et la narratrice vers une réanimation médicale et spirituelle.
Le sujet est vraiment trop angoissant pour moi pour que j'apprécie pleinement ce livre, j'y ai également trouvé quelques longueurs. C'est malgré tout, une belle déclaration d'amour.

Extrait : (page 13)
Cette année-là, dans les derniers jours de mars, nuits et jours sont de même longueur et quelque chose a lieu.
Est-ce une buée passagère ? un fourmillement sans conséquence ?
La maladie est juste un mauvais rêve, le cauchemar favori des hommes tentés secrètement par la Faucheuse bien qu'ils la redoutent chaque nuit dans leur sommeil, enroulés dans leur drap comme dans leur linceul, étendus sans conscience comme s'ils étaient morts.

Blaise n'est pas de ce bois dont on fait les cercueils.
Dût-il demeurer longtemps alité, jamais ne lui viendrait la tentation de s'halluciner en cadavre. Pas plus qu'il n'aurait, mourant, l'idée de se photographier en gisant pour contempler son image durant son agonie. 
Y croit-il seulement, à la mort ?

Vous vivez ensemble depuis vingt ans.
Tu l'as aimé au premier regard, lumière du coup de foudre.
Tu aimes sa générosité, son espièglerie ; tu aimes son humour et par-dessus tout sa grande santé, qui ne vient pas du corps mais de l'appétit de vivre, et son élasticité joueuse, et son énergie.
Cet été-là, des feux d'artifice déchirent le ciel, Paris fait la fête, le Bicentenaire bat son plein mais la Révolution, c'est vous.
Davantage qu'à sa forte tête, trop souvent belliqueuse, tu fais confiance à son corps vif et viril de trente ans. Animé d'une gestuelle si déliée qu'il semble voltiger dans l'espace comme un papillon ivre, un ludion enfourchant l'univers dans sa ruée, tu sais d'instinct que sa vitalité supplantera toutes les baisses de tension (il y en aura), vaincra tous les chagrins.
Quand Aphrodite frappe, l'amour devient l'autre nom de la foi : brusque, soudaine, sans raison ni limites. Puisque Biaise saura être ton frère, ton fils, ton père, ton complice inégalé, et parce que vous y voyez l'occasion de sceller symboliquement l'exception dont n'ont pu se réclamer tous ceux et celles qui jadis et naguère ont fait battre vos cœurs et fondre vos corps, vous vous mariez. Bien décidés à n'avoir jamais d'enfants puisque vous en êtes. Que d'ailleurs Biaise a déjà un fils de six ans et Robert Louis Stevenson raison : les parents qui s'aiment n'engendrent que des orphelins.  

  Grand_Prix_des_Lectrices_2013 
Jury JANVIER
Document

Challenge 1% Littéraire 2012

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9/14

10 octobre 2012

La Guerre d'Alan - Emmanuel Guibert

la_guerre_d_Alan L'Association - juin 2012 - 298 pages

Quatrième de couverture :
Lorsque Emmanuel Guibert rencontre Alan I. Cope sur les plages de l'île de Ré, il ne se doute pas qu’il consacrera douze ans de sa vie à cet homme extraordinaire et humble, qui, comme nombre de jeunes américains de son époque, fut enrôlé dans l'armée et traversa l'Europe pour y faire la guerre. Emmanuel Guibert a patiemment enregistré Alan lui racontant son périple, la vie de soldat et les à-côtés de la guerre, loin de la violence des combats. On le suit au gré de ses voyages en France et en Allemagne, de ses rencontres, amicales et littéraires qui auront une influence déterminante sur sa vie d'adulte.

Auteur : Emmanuel Guibert est un dessinateur et scénariste de bande dessinée, né en 1964 à Paris.  

Mon avis : (lu en octobre 2012)
Dans la préface de cette Bande Dessinée, Emmanuel Guibert raconte le hasard de sa rencontre avec Alan Cope sur l'Ile de Ré, ce dernier a 69 ans et une amitié se noue entre eux.

Ce livre nous raconte la vie d'un jeune GI qui a été appelé à 18 ans par l'Armée Américaine, qui est venu en Europe pour faire la guerre et libérer la France. C'est un anonyme parmi les anonymes, et nous suivons son quotidien. Cela commence par l'entraînement aux États-Unis, puis son arrivée en Europe le jour de son vingtième anniversaire jusqu'à l'après-guerre. Alan traversera la France, l'Allemagne et ira jusqu'en Tchécoslovaquie.
Loin des récits habituels d'une guerre héroïque, ce témoignage nous montre la guerre sous un angle différent. Un quotidien détaillé, proche de la réalité. Les absurdités de la guerre côtoient les belles rencontres. Un voyage dans le temps, riche et émouvant en noir et blanc.

Autres avis : Mimipinson, Mo

Extrait : 

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 Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012

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"Prénom"

9 octobre 2012

Une partie de chasse - Agnès Desarthe

une_partie_de_chasse L'Olivier – août 2012 - 152 pages

Quatrième de couverture :
Au cours d’une partie de chasse, un homme tombe dans une galerie souterraine. Tristan est désigné pour rester sur les lieux tandis que les autres iront chercher du renfort. Mais les secours n’arrivent pas et la tempête se lève. Une longue attente commence. Tout en essayant de soutenir moralement celui qui s’est blessé en tombant (et dont il se sent si loin), Tristan se remémore la suite des événements. Il revit sa rencontre avec sa femme Emma, l’évolution de leur relation. C’est elle qui l’a convaincu de partir chasser, pour que les autres l’acceptent dans le cercle des hommes. Il repense aussi à sa mère malade dont l’image le hante encore aujourd’hui, au petit garçon docile qu’il était alors à son chevet. Et lui, qui a toujours plié sous la volonté des femmes, interroge enfin la place de son propre désir.
Tristan s’abrite de la tempête comme on se terre au fond d’un terrier, dialoguant en cachette avec un animal rescapé de la partie de chasse, quand les voix des humains ne lui parviennent plus. La nature se déchaîne alors dans une colère salutaire. Et peut-être le déluge, qui emporte tout sur son passage, obéit-il au rêve de Tristan de faire table rase.

Avec Une partie de chasse, Agnès Desarthe signe un roman violent et énigmatique. Il nous parle d'un monde que les dieux auraient abandonné, laissant la place aux pulsions les plus secrètes qui dorment dans le cœur des hommes.

Auteur : Agnès Desarthe est née en 1966 à Paris. Romancière, elle a notamment publié Un secret sans importance (prix du Livre Inter 1996), Mangez-moi (2006), Le Remplaçant (prix Virgin-Femina 2009) et Dans la nuit brune (Prix Renaudot des lycéens 2010). Agrégée d’anglais, traductrice, elle a cosigné avec Geneviève Brisac un essai sur Virginia Woolf, VW ou le mélange des genres. Elle est également l’auteur de nombreux livres pour la jeunesse.

Mon avis : (lu en octobre 2012)
Un livre assez étonnant et déroutant....

Cela commence avec comme narrateur un lapin au fond de son terrier qui a besoin d'en sortir pour se nourrir et pourtant il sait que c'est risqué... Malgré tout il jailli du terrier et se fait cueillir par un plomb. Le tireur c'est Tristan, il a accepté de participer à une partie de chasse avec Dumestre, Peretti et Farnèse trois chasseurs expérimentés à la demande de sa compagne Emma pour s'intégrer. Et pourtant, au fond lui, la chasse le répugne, en saisissant le lapin qu'il vient de tirer, il s'aperçoit qu'il est seulement blessé et rapidement, il le cache dans sa gibecière.
La partie de chasse continue et Tristan suit le mouvement tout en protégeant son lapin.

Tout à coup un incident survient, Dumestre tombe dans un trou et se blesse. Tristan reste sur place avec lui et les deux autres partent chercher du secours. Une longue attente commence. Pour passer le temps Tristan revient sur son passé, son enfance avec sa mère malade, sa rencontre avec Emma...

En cachette, Tristan dialogue également avec le lapin qui est bon conseiller en particulier lorsqu'une violente tempête se lève et pour se protéger avec le blessé, Tristan creuse un terrier.

Je l'ai lu très facilement mais il m'a un peu dérouté, cette histoire a un côté surréaliste et par moment, j'ai eu du mal à suivre cette histoire qui mêle le passé et le présent, le réel et l'imaginaire. Je suis seulement restée spectatrice de cette histoire.

Remarque : Il est question de lapin dans cette histoire et la couverture est illustrée par la reproduction d'une aquarelle d'Albrecht Dürer représentant un lièvre...

Autres avis : Canel, Clara

Extrait : (début du livre)
J'aimerais mourir de mort naturelle. Je voudrais vieillir. Personne ne vieillit chez nous. Nous partons dans la fleur de l'âge.
J'aimerais avoir le temps de sortir de l'enfance. Connaître la nostalgie poignante qui étreint le cœur des adolescents. Quelque chose en eux pleure l'enfant qu'ils ne sont plus, et c'est un chagrin magnifique et muet.
Je voudrais m'ennuyer, connaître le dégoût. Profiter, ensuite, du soulagement de la maturité.
Je voudrais avoir le temps de connaître l'amour, et le luxe infini du désamour.
« Je ne t'aime plus, c'est fini, ça fait trop longtemps qu'on se fréquente, tu ne me fais plus aucun effet. »
Souvent, pour me faire du mal, pour éprouver jusqu'au bout la cruauté de mon sort, je me joue cette scène impossible, je répète cette réplique que je ne prononcerai jamais.
J'ai beaucoup d'imagination. Il paraît que c'est rare dans notre lignée. Ma mère me l'a dit. Elle me trouvait plus intelligent que les autres. Elle disait qu'elle ne me comprenait pas entièrement. Elle penchait la tête en prononçant ces mots, et le soleil, un instant captif de son iris, me transperçait la rétine.
Elle est morte, bien sûr. Très vite. Elle m'a peu parlé. Nous n'avons le temps de rien, nous autres. Mais elle m'a dit ça quand même, que j'avais beaucoup d'imagination, et sans doute un cerveau plus gros que celui de mes frères, de mes cousins, de mes ancêtres, alors je m'en sers. Je fais semblant d'être vieux.
Vieux, vieille, vieillard, vieillarde, ces mots me font frissonner de douleur et de joie. Ce sont les mots les plus beaux, les plus effroyables et les plus doux de notre langue. J'ose les prononcer. Je sais le risque que je prends. Mon coeur pourrait lâcher par excès de volupté. Mais je parie sur l'excellence de mon coeur, je n'ai pas le choix. Je parie sur l'excellence de chacun de mes organes et de mes muscles. Je suis fait pour durer, pour endurer, pour survivre. Je vais y arriver. Je serai peut-être le seul, mais qui sait ? Une fois mûr et usé, quand les dents me manqueront et que mon sang voyagera moins prestement dans mes veines, je pourrai enseigner aux autres, prendre quelques jeunes sous ma protection et leur confier mes secrets, mes ruses, leur expliquer que c'est possible. « Regardez-moi ! Voyez mes oreilles tombantes et lasses, ma paupière paresseuse qui couvre à moitié mon oeil droit. La bosse sur mon dos. Mes moustaches fatiguées. »
Je serai leur prophète, je trouverai un territoire, j'organiserai la résistance. Trop longtemps nous avons subi, trop longtemps nous nous sommes plies à la fatalité.

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Jury JANVIER
Roman

Challenge 1% Littéraire 2012

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 Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012

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"Sport/Loisirs"

 

 

5 octobre 2012

Accès direct à la plage – Jean-Philippe Blondel

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Delphine Montalant - mars 2003 – 112 pages

Pocket – aout 2004 – 120 pages

Pocket – janvier 2012 – 120 pages

Quatrième de couverture :
Rien ne relierait ses personnages s'ils n'avaient le goût des locations à la mer. Ils se sont croisés dans l'épice particulière des soirs d'été. Les couples, les familles, les célibataires qui nous ont précédés. Ceux d'avant. Le lecteur, avec Jean-Philippe Blondel, éprouve lui aussi le sentiment d'être à la suite de quelqu'un. Il reste une empreinte qui s'attarde...

Auteur : Né en 1964, Jean-Philippe Blondel est professeur d'anglais dans un lycée à côté de Troyes. Après son premier roman, Accès direct à la plage (2003), qui a rencontré un vif succès, il a publié plusieurs romans, This is not a love song (2007), Le baby-sitter (2010), G229 (2011) et récemment Et rester vivant (2011). Il a écrit aussi des romans pour adolescents, comme Blog (2010) et (Re)play ! (2011).

Mon avis : (lu en août 2012)
Depuis que j'ai découvert Jean-Philippe Blondel, j'avais très envie de lire son premier roman "Accès direct à la plage" or il était indisponible jusqu'à début 2012 où il a été réédité.
Ce court livre est très original, Jean-Philippe Blondel nous entraîne de 1972 à 2002 dans quatre stations balnéaires françaises Capbreton, Arromanches, Hyères et Perros-Guirrec avec une galerie d'une vingtaine de personnages. Ce sont des couples, des familles ou des solitaires qui sont en séjour au bord de la mer. Ce sont des histoires qui s'entrecroisent dans l'espace et dans le temps.
La narration se fait à la première personne, et à chaque chapitre c'est un personnage différent qui s'exprime. Les vacances sont propices aux ambiances joyeuses et légères et pourtant on découvre dans ce livre des sujets graves comme l'infidélité, l'homosexualité et même le viol.
Ce n'est pas mon livre préféré de Jean-Philippe Blondel mais j'ai aimé découvrir ces séjours à la plage. 

Extrait : 
Tous les matins, je passe devant le club Mickey.
Au club Mickey, ils ont des balançoires, des toboggans, des monos bronzés en tee-shirt, et surtout ils ont une piscine.
Ma mère dit que c'est ridicule, une piscine sur le bord de mer.
Moi, je ne trouve pas.
Puis, j'entends leurs voix. Ils crient, ils rient, ils s'amusent, eux.
Parfois on en voix un qui dépasse.
C'est quand ils montent tout en haut du toboggan qui se jette dans la piscine.
Quand j'aurais des enfants, ils seront tous inscrits au Club Mickey.

Déjà lu du même auteur :

juke_box Juke Box  au_rebond Au rebond

le_baby_sitter  Le Baby-sitter G229 G229  blog Blog

5317 Et rester vivant replay (Re)play  brise_glace Brise glace

 

 Lu dans le cadre du Challenge Défi Premier roman
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 Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012

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"Sport/Loisirs"

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21 septembre 2012

La patiente – Jean-Philippe Mégnin

la_patiente Le Dilettante – août 2012 – 157 pages

Quatrième de couverture :
C’est l’histoire d’une femme qui ne dit rien. Et d’un homme qui tente de la comprendre. D’elle il sait très peu, elle sait tout de lui.
Quand enfin elle va se livrer, il le regrettera, mais il sera trop tard. C’est elle qui mène le jeu.
Après l’histoire d’un transfert amoureux en montagne pour son premier roman, voici celle d’un trio amoureux entre Paris et la Bretagne.

« On avait le sentiment d’être victimes d’une erreur. Ça ne nous paraissait pas possible, une histoire pareille. Inenvisageable ; et pourtant, c’était notre histoire. Et il fallait vivre avec. »

Auteur : Jean-Philippe Mégnin vil pas très loin de Besançon et tout près de sa femme et de leurs deux enfants. Quand il n'enseigne pas l'histoire des sciences, il se demande toujours ce qu'il préfère : écrire ou jouer du piano, Lascaux ou Soulages, le glacier du Géant ou le Quartier latin. Sans compter qu'il y a aussi la pointe du Raz... 

Mon avis : (lu en septembre 2012)
Tout d’abord, je trouve très belle la couverture de ce livre.
Le narrateur est gynécologue à Paris. La patiente est bien mystérieuse, la première fois qu’elle vient le consulter, il a un drôle de sentiment, comme un malaise. Il sent que cette femme n'est pas une patiente comme les autres…
Je n’en dévoile pas plus car ce livre est très court et je l’ai lu d’une traite.
L’intrigue est captivante, le livre dégage une forte tension, le style est très efficace et j’ai beaucoup aimé !

Autre avis : Sandrine

Extrait : (début du livre)
C'est dès le premier échange de regards que j'ai compris que ce ne serait pas une patiente ordinaire.
La chaîne stéréo dissimulée dans le placard mural diffusait doucement les Suites pour violoncelle, et elle m'a regardé sans sembler me voir, comme si Bach à ce moment-là était plus présent dans la pièce que moi.

Sa tenue, son attitude, cadraient pourtant à la perfection avec mon salon d'attente plutôt distingué de la place Saint-Sulpice ; elle avait cette classe naturelle des femmes qui sont élégantes sans sembler se soucier de l'être, et qui s'inscrivait idéalement dans ce décor que j'avais voulu à la fois rassurant et original.

Malgré cela, sa seule présence a tout de suite éveillé chez moi une sensation obscure, un sentiment d'insécurité diffus mais palpable, comme une brume matinale.
Je ne saurais dire pourquoi j'ai eu cette impression. Je me suis demandé si elle était partagée par les autres personnes présentes dans la pièce. Je ne crois pas. C'est moi qui étais troublé, et qui m'en voulais d'être troublé. Moi seul.

Je savais que je ne l'avais jamais vue; de retour à mon bureau, j'ai jeté un coup d'œil rapide à la page du jour dans mon agenda, pour y voir son nom : Camille D. Pas plus que son visage ce nom ne m'a dit quoi que ce soit. Une inconnue, adressée par une amie ou par un autre médecin; rien là que de l'ultracourant, et pourtant...
Et pourtant ce sentiment d'insécurité, qui ne m'a plus quitté pendant les deux rendez-vous qui ont précédé le sien.
Je suis resté très professionnel, bien sûr. Très disponible. En apparence.
Mais je ne pouvais pas m'empêcher de penser à cette femme qui m'attendait. À ce regard à la fois lumineux et indifférent.

Quand son tour est arrivé, je n'ai pas eu besoin de prononcer son nom; abandonnant Bach, elle m'a souri en se levant dès que j'ai eu ouvert la porte.
Je me suis effacé pour la laisser traverser le hall et pénétrer dans mon bureau, en face.

Je l'ai priée de s'asseoir et j'ai fait mine de chercher dans mon classeur un dossier à son nom.
- Ne cherchez pas, docteur ; nous ne nous connaissons pas encore. C'est la première fois que je viens vous voir.
Je le savais, mais sans m'expliquer pourquoi, j'éprouvais le besoin de ce genre de geste. Je me rassurais. 

Challenge 1% Littéraire 2012
 logochallenge2 
4/7

4 septembre 2012

Les séparées – Kéthévane Davrichewy

les_s_par_es Sabine Wespieser – janvier 2012 – 181 pages

Quatrième de couverture :
Quand s'ouvre le roman, le 10 mai 1981, Alice et Cécile ont seize ans. Trente ans plus tard, celles qui depuis l'enfance ne se quittaient pas se sont perdues.
Alice, installée dans un café, laisse vagabonder son esprit, tentant inlassablement, au fil des réflexions et des souvenirs, de comprendre la raison de cette rupture amicale, que réactivent d'autres chagrins. Plongée dans un semi-coma, Cécile, elle, écrit dans sa tête des lettres imaginaires à Alice.
Tissant en une double trame les décennies écoulées, les voix des deux jeunes femmes déroulent le fil de leur histoire. Depuis leur rencontre, elles ont tout partagé : leurs premiers émois amoureux, leurs familles, leur passion pour la littérature, la bande-son et les grands moments des "années Mitterrand". Elles ont même rêvé à un avenir professionnel commun.
Si, de cette amitié fusionnelle, Kéthévane Davrichewy excelle à évoquer les élans et la joie, si les portraits de ceux qu'Alice et Cécile ont aimés illuminent son livre, elle écrit aussi très subtilement sur la complexité des sentiments. Croisant les points de vue de ses deux narratrices, et comme à leur insu, elle laisse affleurer au fil des pages les failles, les malentendus et les secrets dont va se nourrir l'inévitable désamour.
Car c'est tout simplement de la perte et de la fin de l'enfance qu'il s'agit dans ce roman à deux voix qui sonne si juste.

Auteur : Kéthévane Davrichewy est née à Paris. Après de nombreux ouvrages pour la jeunesse à L’École des loisirs et un premier roman en 2004, Tout ira bien, elle a publié en 2010, La Mer Noire, qui a remporté plusieurs prix et été traduit en allemand, en italien, en néerlandais et en suédois.

Mon avis : (lu en septembre 2012)
C'est un roman sur deux femmes, c'est un roman à deux voix. Alice et Cécile sont amies depuis l'enfance, à bientôt la cinquantaine, elles reviennent l'une et l'autre sur cette amitié fusionnelle qui peu à peu s'est délitée...
Le livre s'ouvre sur la soirée du 10 mai 1981, Cécile est venue passer comme très souvent la soirée chez Alice, elle assiste à la liesse des adultes. C'est l'année de leur bac de français et les deux jeunes filles se sentent loin de cette soudaine euphorie. Elles partagent des passions bien à elles pour l'art, la musique, la littérature, elles ont déjà des projets artistiques. Elles ont entre elles un lien unique, plus fort que l'amitié, elles se comprennent d'un seul regard, elles sont comme sœurs.
Trente ans plus tard, Alice a perdu son travail et vient d'être quitté par son mari, Cécile divorcée depuis quelques années est à l'hôpital dans le coma. Cette belle amitié de plus de trente ans a disparue et pourtant l'une et l'autre pensent toujours à l'autre.
Que s'est-il passé ? Comment des liens si forts peuvent-ils se défaire ? Quand cela a t-il commencé ? Y a t-il un ou une coupable?
Le lecteur va découvrir un roman à deux voix où Alice et Cécile reviennent en alternance sur leur histoire commune depuis l'enfance, puis sur l'histoire de chacunes pour les dernières années.
Kéthévane Davrichewy a écrit avec beaucoup de justesse et de sensibilité une histoire bouleversante autour de l'amitié. 

Extrait : (début du livre)
Le visage de François Mitterrand se dessinait peu à peu sur l'écran de télévision. Ses parents, leurs amis bondissaient hors des canapés, poussaient des hurlements. Alice fixait Cécile, qui sortit de la pièce, la démarche nonchalante tranchant au milieu de l'hystérie collective. Ses sœurs la saisirent maladroitement, lui piétinèrent les pieds. Ses grands-parents s'étaient levés, la serrant jusqu'à l'oppresser. Alice ne distinguait plus les visages, ne décelait aucune expression, les individus familiers qui composaient le dîner quelques instants auparavant ne faisaient plus qu'un. Elle fut entraînée dans une danse titubante qui occupa l'espace du salon-salle à manger-cuisine de l'appartement où ils vivaient. Leurs cris faisaient écho à ceux de la rue, aux commentaires des présentateurs de télévision.

Alice parvint à se détacher de la cohue et se réfugia près de la fenêtre. Sur le boulevard, une foule avait envahi les trottoirs, les voitures ralentissaient, klaxonnaient, les conducteurs et leurs passagers avaient baissé les vitres, se penchaient au dehors, brandissaient des pancartes, agitaient les bras, les mains. La fièvre, la fierté, contagieuses, l'envahirent. Ils avaient gagné.

Puis l'euphorie retomba, chacun s'assit, reprit son souffle. Alice rejoignit Cécile dans la chambre. Une petite pièce, meublée de trois couchages, trois bureaux escamotables, trois tables de nuit identiques, qu'elle partageait avec Salomé et Nine.

Allongée sur le lit d'Alice dans la position du fœtus, Cécile feuilletait l'anthologie de la poésie française, dont les pages étaient froissées, presque déchirées à force d'avoir été consultées. Elles avaient ensemble souligné des vers, coché des passages pour préparer le bac de français, mais aussi pour se rappeler les extraits de leurs poèmes préférés. Parti Smith, dont la voix grave résonnait sans relâche dans l'intimité des salles de bains, recopiait dans des carnets l'intégralité des poèmes qu'elle aimait. Alice et Cécile l'imitaient, espérant fébrilement inventer un jour, à leur tour, un autre monde. Devenir des artistes.

- Tout ça te gêne ? demanda Alice.
- Oui, répondit Cécile sans lever les yeux.
Elle n'aurait pas eu besoin de répondre, Alice devinait et comprenait sans les mots. Cécile se redressa et se tourna enfin vers elle.
- Tu n'appelles pas ta mère ? demanda Alice.
- Elle doit être dans le même état que tes parents, répondit Cécile, qu'elle se défoule.
Et elle se mit à rire. Les rires de Cécile étaient rares et fusaient au moment où on ne les attendait plus.

 

1 septembre 2012

L'Abyssin - Jean-Christophe Rufin

Challenge Destination Égypte : 1er septembre 2012
proposé par evertkhorus

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Le Livre du mois – janvier 1996 -

Gallimard – mars 1997 – 579 pages

Folio – janvier 1999 - 704 pages

Goncourt du premier roman 1997

Quatrième de couverture :
À l'origine de ce livre, un fait historique : Louis XIV, le Roi-Soleil, est entré en relation avec le plus ténébreux, le plus mythique des grands souverains de l'Orient, le Négus. L'Abyssin est le roman de cette fabuleuse ambassade. 
Jean-Baptiste Poncet, jeune médecin des pachas du Caire, sera, par une extraordinaire réunion de circonstances, le héros de cette épopée baroque et poétique à travers les déserts d'Égypte et du Sinaï, les montagnes d'Abyssinie, de la cour du Roi des Rois à celle de Versailles et retour.
Mais qu'on y prenne garde : derrière sa simplicité, sa tendresse, son humour, ce roman d'aventures recèle une fable tragique. Jean-Baptiste est l'homme qui, ayant découvert un nouvel empire et sa civilisation, fera tout pour déjouer les tentatives de ceux qui veulent le convertir : les jésuites, les capucins et tant d'autres. Grâce à lui, l'Éthiopie échappera à toute reconquête étrangère et gardera jusqu'à nos jours sa fierté et son mystère.
L'Abyssin, tout en empruntant sa langue à Diderot et son rythme à Dumas, est un roman bien actuel, une parabole sur la haine du fanatisme, la force de la liberté et la possibilité du bonheur.

Auteur : Jean-Christophe Rufin, né à Bourges dans le Cher le 28 juin 1952, est un médecin, historien, globe trotteur, écrivain et diplomate français. Il a été élu en 2008 à l'Académie française dont il est le plus jeune membre. Ancien président d'Action contre la faim, il a été ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie.

Mon avis : (lu en août 2012)
J'ai eu plutôt du mal à choisir un livre pour cette destination, j'ai finalement choisi le premier roman de Jean-Christophe Rufin L'Abyssin qui se déroule en partie en Égypte.

C'est à la fois une roman historique et un roman d'aventure. L’auteur s’est inspiré d’un fait historique : Louis XIV souhaitait rétablir un lien avec le souverain mythique d'Abyssinie, le Negus. L'histoire se déroule donc à la fin du 17ème siècle, en Egypte, Abyssinie et France. Jean-Baptiste Poncet, jeune médecin apothicaire français installé au Caire comme messager du Roi Louis XIV auprès du Négus, il doit échapper aux intrigues rivales entre jésuites et capucins, aux intrigues de Versailles et réussir sa mission pour envisager de pouvoir aimer Alix, la fille du consul… Les personnages sont attachants, et les péripéties de Jean-Baptiste Poncet nous tiennent en haleine tout au long de l'histoire.
J'ai beaucoup aimé l'écriture très agréable à lire de Jean-Christophe Rufin, auteur que je découvrais avec ce livre. Il sait faire de superbes descriptions de paysages qui sont pleines des couleurs et des odeurs de l'Orient, le lecteur ressent parfaitement la chaleur du soleil, les parfums des oasis et les bruits des villes trépidantes d'activités. Un très beau voyage en Egypte, en Ethiopie et dans le temps… 

A l'occasion, je lirai d'autres livres de cet auteur.

Extrait : (début du livre)
Le Roi-Soleil était défiguré. Certaine lèpre qui, dans les pays de l'Orient, corrompt les huiles, s'était introduite, jusque sous le vernis et s'y étalait de jour en jour. Louis XIV avait sur la joue gauche, celle que le peintre lui faisait tendre en majesté vers le spectateur, une grosse tache noirâtre, hideuse étoile qui projetait jusqu'à l'oreille ses filaments d'un brun rouillé. En y regardant bien, on remarquait aussi des auréoles sur le corps. Mais à l'exception de celles qui souillaient son bas, ces autres injures n'étaient pas aussi gênantes.
Le tableau ornait le consulat de France du Caire depuis trois ans. Il avait été exécuté dans son atelier parisien sous la surveillance de Hyacinthe Rigaud lui-même, auteur de l'original, puis expédié par bateau. Pour comble de malheur, ni au Caire ni dans d'autres échelles du Levant raisonnablement proches ne se comptait pour l'heure de peintre habile. Le consul, M. de Maillet, était placé devant un choix cruel : laisser voir à tous, dans la grande salle du bâtiment diplomatique, un portrait du Roi qui l'offensait gravement, ou y faire porter des mains inexpertes qui pouvaient le ruiner tout à fait. Le diplomate retourna cette considérable affaire dans sa tête pendant trois mois. Il prit finalement le parti de l'audace et osa la réparation.

D'autres lectures autour de l'Égypte : 

l_immeuble_Yacoubian L’immeuble Yacoubian – Alaa El Aswany Chicago Chicago – Alaa El Aswany 

les_cheveux_de_b_r_nice Les Cheveux de Bérénice - Denis Guedj taxi Taxi – Khaled Al Khamissi

 

Challenge Pavé de l'été
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 Lu dans le cadre du Challenge Défi Premier roman

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1 septembre 2012

L'enfant aux cailloux – Sophie Loubière

Lu dans le cadre du Challenge Un mot, des titres...
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Le mot : ENFANT

L_enfant_aux_cailloux Fleuve Noir – avril 2011 – 334 pages

Quatrième de couverture :
Elsa Préau est une retraitée bien ordinaire. De ces vieilles dames trop seules et qui s'ennuient tellement - surtout le dimanche - qu'elles finissent par observer ce qui se passe chez leurs voisins. Elsa, justement, connaît tout des habitudes de la famille qui vient de s'installer à côté de chez elle. Et très vite, elle est persuadée que quelque chose ne va pas. Les deux enfants ont beau être en parfaite santé, un autre petit garçon apparaît de temps en temps - triste, maigre, visiblement maltraité. Un enfant qui semble l'appeler à l'aide. Un enfant qui lui en rappelle un autre... Armée de son courage et de ses certitudes, Elsa n'a plus qu'une obsession : aider ce petit garçon qui n'apparaît ni dans le registre de l'école, ni dans le livret de famille des voisins. Mais que peut-elle contre les services sociaux et la police qui lui affirment que cet enfant n'existe pas ? Et qui est vraiment Elsa Préau ? Une dame âgée qui n'a plus toute sa tête ? Une grand-mère souffrant de solitude comme le croit son fils ? Ou une femme lucide qui saura croire à ce qu'elle voit ? Sophie Loubière, en reine du roman psychologique, brosse un bouleversant portrait de femme en proie à la violence ordinaire et touche en plein
cœur.

Auteur de cinq romans, de nouvelles policières et d'un livre pour la jeunesse, Sophie Loubière publie son premier polar dans la collection "Le Poulpe" Elle s'est fait un nom dans le milieu de l'édition grâce à une émission littéraire unique en son genre (Parking de nuit, France Inter) et à ses chroniques à France Info (Info polar).

Mon avis : (lu en août 2012)
Elsa Préau est une ancienne directrice d'école retraitée bien ordinaire. Vivant seule, elle regarde souvent par la fenêtre et aperçoit de temps en temps dans le jardin de ses nouveaux voisins un petit garçon triste et sale qui semble lui demander de l'aide. Ayant eu des ennuis psychiatrique personne, même son propre fils, ne semble croire la vieille dame... Est-ce la réalité ou la folie ?
Je n'en dirais pas plus pour ne pas en dévoiler trop...

C'est une histoire captivante, pleine de suspense qui m'a tenue en haleine jusqu'à la dernière page. Un thriller psychologique très réussi et une très belle découverte.

Autres avis : Canel, Enna, Liliba

Extrait : (début du livre)
Le jeu du vent et du soleil amusait les rideaux. Depuis sa chaise, le petit garçon eut un sourire. Il lui semblait qu'un être invisible, sensible aux caresses de ce dimanche d'été, jouait à cache-cache derrière le tissu en jacquard. Les yeux clos, l'enfant aurait juré entendre des gloussements de plaisir sous le motif de médaillon.
- Gérard !
Dos droit, les paumes de chaque côté de l'assiette, le garçonnet détourna le regard de la fenêtre donnant sur le jardin. Des bouquets de glaïeuls, de lis et de dahlias distillaient un parfum exaltant. Leurs couleurs éblouissantes formaient des taches de lumière dans la pénombre de la pièce. Les petits pois roulaient dans la sauce du poulet, balayés par les lames des couteaux, indifférents à la conversation de ce déjeuner.
Gérard repris sa mastication, nez en l'air, martelant les pieds de sa chaise à coups de talon. Il ne s'intéressait guère aux sujets abordés par son oncle, ses parents et grands-parents : il était question de revendications salariales motivées par la hausse des prix de l'alimentation, du plus petit que le plus petit des maillots de bains du monde, d'un essai nucléaire américain réalisé voilà quelques jours sur l'atoll de Bikini dans le Pacifique et d'un procès à Nuremberg.

 Challenge Thriller 
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 catégorie "Même pas peur" : 4/12

  Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012

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"Objet"

 

1 septembre 2012

La légende de nos pères – Sorj Chalandon

Lecture Commune 
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avec Valérie,  Sandrine et Canel 

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Grasset – août 2009 – 253 pages

Livre de Poche – août 2011 – 253 pages

Quatrième de couverture : 
« J'ai laissé partir mon père sans écouter ce qu'il avait à me dire, le combattant qu'il avait été, le Résistant, le héros. J'ai tardé à le questionner, à moissonner sa mémoire. Il est mort en inconnu dans son coin de silence. Pour retrouver sa trace, j'ai rencontré Beuzaboc, un vieux soldat de l'ombre, lui aussi. J'ai accepté d'écrire son histoire, sans imaginer qu'elle allait nous précipiter lui et moi en enfer... » S.C.

Auteur : Sorj Chalandon, 55 ans, a été journaliste à Libération. Il a couvert des événements comme la guerre du Liban, le Tchad, le drame de Bhopal, la Somalie, l'Afghanistan, la guerre Iran-Irak ou la guerre du Golfe, mais aussi les faits de notre quotidien. Ses reportages sur l'Irlande du Nord et le procès Klaus Barbie lui ont valu le prix Albert Londres en 1988. Il a publié Le petit Bonzi (2005), Une promesse (2006, Prix Médicis) et Mon Traître (2008).  

Mon avis : (lu en août 2012)
Lorsque Valérie a proposé cette Lecture Commune, je n’ai pas hésité un instant de découvrir un peu plus l’œuvre de Sorj Chalandon avec ce livre. Je suis encore plus ravie de la faire également avec Canel et Sandrine !
Marcel Frémaux est un biographe familial, "Toute vie mérite d'être racontée" dit ses publicités. Il écoute ses clients se confier à lui et il rédige leurs souvenirs puis fait imprimer un livre pour offrir à leurs proches. En novembre 2002, il est contacté par Lupuline Beuzaboc, elle « voulait faire un cadeau à son père, lui offrir le récit de sa vie d'homme. »
Après plusieurs rendez-vous avec la fille, Marcel Frémaux rencontre le père, Tescelin Beuzaboc,  pour la première fois le 21 juin 2003.  Son premier souvenir, son « premier acte de résistance », c'est avec deux camarades, le 11 novembre 1940, le dépôt de fleurs sur la tombe d'Albert Osborne un soldat britannique mort au combat en 1915 pendant la Grande Guerre. Puis de rendez-vous en rendez-vous, deux fois par semaine, Tescelin raconte ses souvenirs, Marcel Frémaux les met en forme. Les souvenirs de Tescelin rappellent à Marcel ceux de son père Pierre Frémaux. Discret et pudique il n'a jamais parlé de son passé de Résistant à son fils et il est mort en gardant pour lui ses souvenirs. Son travail de biographe permet à Marcel d'interroger Tescelin comme il l'aurait fait pour son propre père. Et le lecteur va découvrir que raconter ses mémoires n'est pas si simple, il aura quelques surprises...

C'est une histoire magnifique et touchante sur la mémoire, sur relation d'un père et d'une fille, sur l'image qu'un enfant peut avoir de son père.

J'aime beaucoup le style tout en retenue de Sorj Chalandon, une écriture simple, juste, des phrases finement ciselées. Les descriptions des lieux, des personnages, de l'atmosphère sont tellement évocatrices que je peux m'imaginer Lupuline et ses nombreux souliers rouges ou l'appartement de Tescelin en ces jours de canicule...

Ce livre est encore une très belle découverte et un coup de cœur pour cet auteur.

Allons voir maintenant les avis de Valérie, Sandrine et Canel.

Extrait : (début du livre)
A l'enterrement de mon père, il y avait neuf personnes et trois drapeaux. Nous étions le 17 novembre 1983, j'avais vingt-sept ans. Lupuline était là aussi, mais je regardais les les drapeaux. Des étendards sans vent, harassés, presque gris. Le premier ployait sous ses médailles comme un vieux soldat. Le deuxième était un fanion tricolore, sans franges ni galons, frappé de l'inscription Corps franc - Vengeance. Sur le troisième, il y avait une étoile noire et une panthère rouge à l'affût.  
La main de maman frôlait la mienne. Lucas mon frère était bras croisés, face à la terre ouverte. Il avait dix ans de plus que moi, il était aveugle. Et moi je surveillais le ciel en espérant la pluie. Mon père avait toujours aimé l'orage. D'ailleurs il ne disait pas " la pluie ", mais " le temps ". L'absence de nuages le désolait. Le soleil le frappait d'inquiétude. Avec les beaux jours, il faisait comme moi, là, devant sa tombe. Il regardait le ciel en demandant au temps où il était passé.  
A son enterrement, mon père était comme mort depuis déjà huit ans. L'accident de Lucas l'avait bouleversé, puis affaibli, puis tué. Il disait qu'il avait le cancer du chagrin. Il est entré à l'hôpital. Il en est sorti. Il ne voulait plus des blouses blanches, de cette odeur silencieuse, ni plus rien dans la bouche, ni plus rien dans les fesses, ni plus rien dans les veines. Il était autre chose que souffrant, il était fatigué. Fatigué de nous, de son passé, de la vie. Alors il est rentré à la maison en avril 1975, et puis il s'est couché.  
Mon père est mort le jour de son anniversaire. Dans le placard de la salle à manger, maman avait caché le cadeau de ses soixanteseize ans. Une pipe d'écume à tête de zouave, empaquetée dans un papier bleu. Personne n'y a touché, jamais. Aujourd'hui, elle est dans ma bibliothèque, entre deux livres, dans son emballage en ruban de fête. 

D'abord, mon père avait souhaité donner son corps à la science. Son corps entier et qu'il n'en reste rien. Ma mère avait protesté faiblement devant lui. Puis elle avait pleuré. Il l'avait su. Il devinait son moindre souffle. Alors il avait parlé d'incinération, de cendres dispersées sur une pelouse du souvenir, en banlieue de tombes. Maman avait eu cette même tristesse. Et puis un jour, elle lui a avoué. Elle voulait un pan de terre à lui, et donc à elle. Un endroit où se souvenir, puis revenir, et puis dormir enfin pour que l'on y revienne. Mon père avait pris ma mère dans ses bras. Jamais, il ne le faisait. J'étais encore enfant. Je sortais de la cuisine. Je suis tombé sur eux, dans un coin du couloir. " Tu veux que nous soyons réunis, c'est ça ? " disait-il. Et elle hochait la tête. Unis, réunis, c'était ça. C'était à tout jamais. Ce serait donc un enterrement. " La cohorte des hypocrites ", avait dit mon père. C'est pour elle, et pour nous qu'il y prendrait sa place.  

Mon père s'appelait Pierre, mais c'est Brumaire que les gars avaient fait graver sur la plaque. Elle attendait à côté du trou, posée sur la terre, retournée, noire, luisante de neuf. Il n'y avait pas eu de prêtre, il n'y aurait pas de croix. Juste un bloc de granit gris, brut et inégal, qui semblait avoir été arraché à la roche.  

   

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