L'Armée furieuse – Fred Vargas
Viviane Hamy – mai 2011 – 427 pages
Quatrième de couverture :
- Cette nuit-là, dit-elle lentement, Lina a vu passer l'Armée furieuse. Et Herbier y était. Et il criait. Et trois autres aussi.
- C'est une association ?
- L'Armée furieuse, répéta-t-elle tout bas. La Grande Chasse. Vous ne connaissez pas ?
- Non, dit Adamsberg en soutenant son regard stupéfait.
- Mais vous ne connaissez même pas son nom ? La Mesnie Hellequin ? chuchota-t-elle.
- Je suis désolé, dit Adamsberg. Veyrenc, l'Armée furieuse, vous connaissez cette bande ?
Un air de surprise intense passa sur le visage du lieutenant Veyrenc.
- Votre fille l'a vraiment vue ? Avec le disparu ? Où cela ?
- Là où elle passe chez nous. Sur le chemin de Bonneval. Elle a toujours passé là.
Veyrenc retint discrètement le commissaire.
- Jean-Baptiste, vraiment, tu n'as jamais entendu parler de ça ?
Adamsberg secoua la tête.
- Eh bien, questionne Danglard, insista-t-il.
- Pourquoi ?
- Parce que, pour ce que j'en sais, c'est l'annonce d'une secousse. Peut-être d'une sacrée secousse. Nul doute que la fratrie "maudite" du village normand rejoindra la galaxie des personnages mémorables de Fred Vargas. Quant à Momo-mèche-courte, il est le fil conducteur de la double enquête que mène ici le commissaire Adamsberg, confronté à l'immémorial Seigneur Hellequin, chef de L'Armée furieuse.
Auteur : Fred Vargas est née à Paris en 1957. Fred est le diminutif de Frédérique. Vargas est son nom de plume pour les romans policiers. Pendant toute sa scolarité, Fred Vargas ne cesse d'effectuer des fouilles archéologiques. Après le bac, elle choisit de faire des études d'histoire. Elle s'intéresse à la préhistoire, puis choisit de concentrer ses efforts sur le Moyen Âge. Elle a débuté sa « carrière » d'écrivain de roman policier par un coup de maître. Son premier roman Les Jeux de l'amour et de la mort, sélectionné sur manuscrit, reçut le Prix du roman policier du Festival de Cognac en 1986 et fut donc publié aux éditions du Masque. Depuis elle a écrit : Un lieu incertain (2008), Dans les bois éternels (2006), Sous les vents de Neptune (2004), Coule la Seine (2002), Pars vite et reviens tard (2001), Petit traité de toutes vérités sur l'existence (2001), Les quatre fleuves (en collaboration avec Edmond Baudoin) (2000), L'homme à l'envers (1999), Sans feu ni lieu (1997), Un peu plus loin sur la droite (1996), Debout les morts (1995), Ceux qui vont mourir te saluent (1994), L'homme aux cercles bleus (1992)
Mon avis : (lu en juin 2011)
Quelle plaisir de retrouver le commissaire Adamsberg et son équipe avec ce nouveau livre de Fred Vargas. J'avais été déçue par le l'enquête précédente d'Adamsberg et très rapidement j'ai su que ce livre allait beaucoup me plaire.
Cela commence doucement avec la présence de miettes de pain qui intrigue Adamsberg, à la fin du chapitre, la première enquête est résolue... Puis il va venir au secours d'un pigeon dont des «enfants de salauds» ont entravé les pattes. Et l'enquête principale commence avec une petite dame âgée qui vient de Normandie, elle demande à voir le commissaire car dans son village, Ordebec, une nuit, sa fille a vu «l’Armée furieuse». C'est une vieille légende médiévale : une cohorte de morts vivants qui vient enlever ceux qui ont commis des crimes. Cette vision est le signe que de multiples meurtres vont se produire.
En même temps, à Paris, Adamsberg enquête sur le meurtre d'un industriel qui a été retrouvé carbonisé dans sa Mercédès et on suspecte très rapidement un jeune incendiaire surnommé "Mo-la-mèche-courte". Mais intrigué par cette «Armée curieuse», Adamsberg accepte facilement d’aller enquêter à Ordebec, terrorisé par les superstitions et les rumeurs...
Le plus délicieux dans les livres de Fred Vargas, ce sont les personnages étonnants et haut en couleur : Adamsberg, son fils Zerk, ses équipiers Danglard, Retancourt, Veyrenc...
Dans cette enquête, il faut rajouter Léo et son chien Flem, la famille Vendermot avec Lina et ses frères Antonin, Martin et Hippo, le capitaine Emeri, le comte Valleray...
Une intrigue bien construite, des fausses pistes, une écriture agréable à lire et une solution impossible à découvrir avant la conclusion, voilà un cocktail réussi qui mêle un pigeon, des miettes de pain, du sucre, des amours, des lacets de chaussures, une voiture incendiée... Un vrai bonheur !
Extrait : (début du livre)
Il y avait des petites miettes de pain qui couraient de la cuisine à la chambre, jusque sur les draps propres où reposait la vieille femme, morte et bouche ouverte. Le commissaire Adamsberg les considérait en silence, allant et venant d'un pas lent le long des débris, se demandant quel Petit Poucet, ou quel Ogre en l'occurrence, les avait perdues là. L'appartement était un sombre et petit rez-de-chaussée de trois pièces, dans le 18ème arrondissement de Paris.
Dans la chambre, la vieille femme allongée. Dans la salle à manger, le mari. Il attendait sans impatience et sans émotion, regardant seulement son journal avec envie, plié à la page des mots croisés, qu'il n'osait pas poursuivre tant que les flics étaient sur place. Il avait raconté sa courte histoire : lui et sa femme s'étaient rencontrés dans une compagnie d'assurances, elle était secrétaire et lui comptable, ils s'étaient mariés avec allégresse sans savoir que cela devait durer cinquante-neuf ans. Puis la femme était morte durant la nuit. D'un arrêt cardiaque, avait précisé le commissaire du 18ème arrondissement au téléphone. Cloué au lit, il avait appelé Adamsberg pour le remplacer. Rends-moi ce service, tu en as pour une petite heure, une routine du matin.
Une fois de plus, Adamsberg longea les miettes. L'appartement était impeccablement tenu, les fauteuils couverts d'appuie-tête, les surfaces en plastique astiquées, les vitres sans trace, la vaisselle faite. Il remonta jusqu'à la boîte à pain, qui contenait une demi-baguette et, dans un torchon propre, un gros quignon vidé de sa mie. Il revint près du mari, tira une chaise pour s'approcher de son fauteuil.
- Pas de bonnes nouvelles ce matin, dit le vieux en détachant les yeux de son journal. Avec cette chaleur aussi, ça fait bouillir les caractères. Mais ici, en rez-de-chaussée, on peut garder le frais. C'est pour ça que je laisse les volets fermés. Et il faut boire, c'est ce qu'ils disent.
- Vous ne vous êtes rendu compte de rien ?
- Elle était normale quand je me suis couché. Je la vérifiais toujours, comme elle était cardiaque. C'est ce matin que j'ai vu qu'elle avait passé.
- Il y a des miettes de pain dans son lit.
- Elle aimait ça. Grignoter couchée. Un petit bout de pain ou une biscotte avant de dormir.
- J'aurais plutôt imaginé qu'elle nettoyait toutes les miettes après.
- Pas de doute là-dessus. Elle briquait du soir au matin comme si c'était sa raison de vivre. Au début, c'était pas bien grave. Mais avec les années, c'est devenu une obnubilation. Elle aurait sali pour pouvoir laver. Vous auriez dû voir ça. En même temps, cette pauvre femme, ça l'occupait.
- Mais le pain ? Elle n'a pas nettoyé hier soir ?
- Forcément non, parce que c'est moi qui lui ai apporté. Trop faible pour se lever. Elle m'a bien ordonné d'ôter les miettes, mais à moi, ça m'est drôlement égal. Elle l'aurait fait le lendemain. Elle retournait les draps tous les jours. A quoi ça sert, on ne sait pas.
Déjà lu du même auteur :
Ceux qui vont mourir te saluent L'Homme aux cercles bleus
Debout les morts Un peu plus loin sur la droite
Sans feu ni lieu L'Homme à l'envers
Pars vite et reviens tard Sous les vents de Neptune
Dans les bois éternels Un lieu incertain
Les Quatre fleuves (BD)