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A propos de livres...
28 décembre 2008

Sous les vents de Neptune - Fred Vargas

sous_les_vents_de_neptune Viviane Hamy, avril 2004, 441 p.

Présentation de l'éditeur
Adamsberg et son équipe du ciat du 13e sont invités au Québec, à Hull-Gatineau pour: « Une formation de deux semaines ciblée sur le traitement des empreintes génétiques. »
La semaine qui précède leur départ, le commissaire tombe sur un entrefilet dans la presse: « Une jeune fille assassinée de trois coups de couteau à Schiltigheim », lorsqu’un malaise l’étreint brutalement. Par quatre fois, en une même journée et dans des circonstances différentes il va sentir « cette sensation de gêne l’enserrer, ce chat griffu lui sauter sur l’épaule. »
Au cours de la nuit, il décrypte les signes qui ont provoqué ses malaises. Ils le renvoient à la disparition de son frère, Raphael, après qu’il fut soupçonné du meurtre de son amie quelque trente ans auparavant. L’enquête qu’Adamsberg avait alors menée avait permis à son frère d’éviter la prison, mais non de l’innocenter puisqu’il n’avait pu fournir d’alibi et que le coupable n’avait pas été découvert.
« Cette fois, ses mains se mirent à trembler, cette fois son cœur s’accéléra. Rien de commun avec les quatre tornades qu’il avait subies, mais une émotion violente, de la stupéfaction et de la terreur. Le Trident.
A présent que l’alcool avait engourdi ses muscles et apaisé les battements de son cœur, il pouvait réfléchir, commencer, essayer. Tenter de regarder le monstre que l’évocation de Neptune avait, enfin, fait émerger de ses propres cavernes. Le clandestin, le terrible intrus. L’assassin invincible et altier qu’il nommait le Trident. L’imprenable tueur qui avait fait chanceler sa vie, trente ans plus tôt. Pendant quatorze années, il l’avait pourchassé, traqué, espérant chaque fois le saisir et sans cesse perdant sa proie mouvante. Courant, tombant, courant encore.
Et tombant. Il y avait laissé des illusions et, surtout, il y avait perdu son frère. Le Trident s’était montré beaucoup plus fort que lui, toujours. Un titan, un diable, un Poséïdon de l’enfer. Levant son arme à trois pointes et tuant d’un seul coup au ventre. Laissant derrière lui ses victimes empalées, marquées de trois trous rouges en ligne. »

Biographie : Fred Vargas est née à Paris en 1957. Fred est le diminutif de Frédérique. Vargas est son nom de plume pour les romans policiers. Pendant toute sa scolarité, Fred Vargas ne cesse d'effectuer des fouilles archéologiques. Après le bac, elle choisit de faire des études d'histoire. Elle s'intéresse à la préhistoire, puis choisit de concentrer ses efforts sur le Moyen Âge. Elle a débuté sa « carrière » d'écrivain de roman policier par un coup de maître. Son premier roman Les Jeux de l'amour et de la mort, sélectionné sur manuscrit, reçut le Prix du roman policier du Festival de Cognac en 1986 et fut donc publié aux éditions du Masque. Depuis elle a écrit : Un lieu incertain (2008), Dans les bois éternels (2006), Sous les vents de Neptune (2004), Coule la Seine (2002), Pars vite et reviens tard (2001), Petit traité de toutes vérités sur l'existence (2001), Les quatre fleuves (en collaboration avec Edmond Baudoin) (2000), L'homme à l'envers (1999), Sans feu ni lieu (1997), Un peu plus loin sur la droite (1996), Debout les morts (1995), Ceux qui vont mourir te saluent (1994), L'homme aux cercles bleus (1992)

Mon avis : Un très bon Vargas. Adamsberg part avec toute son équipe au Québec. Adamsberg se retrouve malgré lui au coeur de l'enquête. L'intrigue nous tient en haleine. Et l'écriture est toujours agréable.

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Un téléfilm réalisé par Josée Dayan avec Jean-Hugues Anglade (Commissaire Jean-Baptiste Adamsberg), Jeanne Moreau (Josette), Jacques Spiesser (Adrien Danglard), Hélène Fillières (Camille), Myriam Boyer (Clémentine), Rémy Girard (Surintendant Laliberté), Bernard Freyd (Brézillon), Ray Bouchard (Commandant Trabelmann), Vanessa Brown (La bibliothécaire), Germain Houde (Sanscartier) et diffusé sur France 2 en 2 épisodes les vendredi 15 et 22 février 2008 à 20h55.

Extrait : « Adossé au mur noir de la cave, Jean-Baptiste Adamsberg considérait l’énorme chaudière qui, l’avant-veille, avait stoppé toute forme d’activité. Un samedi 4 octobre alors que la température extérieure avait chuté aux alentours de 1°, sous un vent droit venu de l’Arctique. Incompétent, le commissaire examinait la calandre et les tuyauteries silencieuses, dans l’espoir que son regard bienveillant ranime l’énergie du dispositif, ou bien fasse apparaître le spécialiste qui devait venir et qui ne venait pas. Ce n’était pas qu’il fût sensible au froid ni que la situation lui fût désagréable. Au contraire, l’idée que, parfois, le vent du nord se propulsât directement sans escale ni déviation depuis la banquise jusqu’aux rues de Paris, 13e arrondissement, lui donnait la sensation de pouvoir accéder d’un seul pas à ces glaces lointaines, de pouvoir y marcher, y creuser quelque trou pour la chasse aux phoques. Il avait ajouté un gilet sous sa veste noire et, s’il n’avait tenu qu’à lui, il aurait attendu sans hâte la venue du réparateur tout en guettant l’apparition du museau du phoque. Mais à sa manière, le puissant engin terré dans les sous-sols participait pleinement à l’élucidation des affaires qui convergeaient à toute heure vers la Brigade criminelle, réchauffant les corps des trente-quatre radiateurs et des vingt-huit flics du bâtiment. Corps à présent engourdis par le froid, engoncés dans des anoraks, s’enroulant autour du distributeur à café, appliquant leurs mains gantées sur les gobelets blancs. Ou qui désertaient carrément les lieux pour les bars alentours. Les dossiers se pétrifiaient à la suite. Dossiers primordiaux, crimes de sang. Dont l’énorme chaudière n’avait que faire. Elle attendait, princière et tyrannique, qu’un homme de l’art voulût bien se déplacer pour se mettre à ses pieds. En signe de bonne volonté, Adamsberg était donc descendu lui rendre un court et vain hommage et trouver là, surtout, un peu d’ombre et de silence, échapper aux plaintes de ses hommes. Ces lamentations, alors qu’on parvenait à maintenir une température de 10° dans les locaux, auguraient mal du stage ADN au Québec, où l’automne s’annonçait rude – moins 4° hier à Ottawa et de la neige, déjà, par-ci par-là. Deux semaines ciblées sur les empreintes génétiques, salive, sang, sueur, larmes, urine et excrétions diverses à présent capturés dans les circuits électroniques, triés et triturés, toutes liqueurs humaines devenues véritables engins de guerre de la criminologie. À huit jours du départ, les pensées d’Adamsberg avaient déjà décollé vers les forêts du Canada, immenses, lui disait-on, trouées de millions de lacs. Son adjoint Danglard lui avait rappelé en maugréant qu’il s’agissait de fixer des écrans et en aucun cas les surfaces des lacs. Cela faisait un an que le capitaine Danglard maugréait. Adamsberg savait pourquoi et il attendait patiemment que ce grondement s’estompe. Danglard ne rêvait pas aux lacs, priant chaque jour pour qu’une affaire brûlante cloue sur place la brigade entière. Depuis un mois, il ruminait son décès prochain au cours de l’explosion de l’appareil au-dessus de l’Atlantique. Cependant, depuis que le spécialiste qui devait venir ne venait pas, son humeur s’améliorait. Il misait sur cette panne impromptue de chaudière, espérant que ce coup de froid désamorcerait les fantasmes absurdes que faisaient naître les solitudes glacées du Canada.

Adamsberg posa sa main sur la calandre de la machine et sourit. Danglard aurait-il été capable de bousiller la chaudière, prévoyant par avance ses effets démobilisateurs ? De retarder l’arrivée du réparateur ? Oui, Danglard en était capable. Son intelligence fluide se glissait dans les mécanismes les plus étroits de l’esprit humain. À condition toutefois qu’ils se calent sur la raison et la logique, et c’est bien sur cette ligne de crête, entre raison et instinct, que, depuis des années, Adamsberg et son adjoint divergeaient diamétralement.

Le commissaire remonta l’escalier à vis et traversa la grande salle du rez-de-chaussée où les hommes évoluaient au ralenti, lourdes silhouettes épaissies par les écharpes et les pulls en surcharge. Sans qu’on en connaisse du tout la raison, on appelait cette pièce la Salle du Concile, en raison sans doute, pensait Adamsberg, des réunions collectives qui s’y déroulaient, des conciliations, ou bien des conciliabules. De même nommait-on la pièce attenante Salle du Chapitre, espace plus modeste où se tenaient les assemblées restreintes.

D’où cela venait-il, Adamsberg ne le savait pas. De Danglard probablement, dont la culture lui semblait parfois sans limite et presque toxique. Le capitaine était sujet à de brusques expulsions de savoir, aussi fréquentes qu’incontrôlables, un peu à la manière d’un cheval qui s’ébroue dans un frisson bruyant. Il suffisait d’un faible stimulus — un mot peu usité, une notion mal cernée —, pour que s’enclenche chez lui un développé érudit et pas nécessairement opportun, qu’un geste de la main permettait d’interrompre.

D’un signe négatif, Adamsberg fit comprendre aux visages qui se levaient sur son passage que la chaudière se refusait à donner signe de vie. Il gagna le bureau de Danglard qui achevaitles rapports urgents d’un air sombre, pour le cas désastreux où il devrait rejoindre le Labrador, sans même pouvoir l’atteindre, en raison de cette explosion au-dessus de l’Atlantique, suite à l’embrasement du réacteur gauche, encrassé par un vol d’étourneaux venu s’encastrer dans les turbines. Perspective qui, à son idée, l’autorisait pleinement à déboucher une bouteille de blanc avant six heures de l’après-midi. Adamsberg s’assit sur l’angle de la table. — Où en sommes-nous, Danglard, de l’affaire d’Hernoncourt ?

— En bouclage. Le vieux baron est passé aux aveux. Complets, limpides.

— Trop limpides, dit Adamsberg en repoussant le rapport et en attrapant le journal qui reposait proprement plié sur la table. Voilà un dîner de famille qui tourne à la boucherie, un vieil homme hésitant, empêtré dans ses mots. Et brusquement, il passe au limpide, sans transition ni clair-obscur. Non, Danglard, on ne signe pas cela.

Adamsberg tourna bruyamment une des pages du journal.

— Ce qui veut dire ? demanda Danglard.

— Qu’on reprend à la base. La baron nous promène. Il couvre quelqu’un et très probablement sa fille.

— Et la fille laisserait son père aller au casse-pipe ?

Adamsberg tourna une nouvelle feuille du journal. Danglard n’aimait pas que le commissaire lise son journal. Il le lui rendait froissé et démembré et il n’y avait rien à faire ensuite pour remettre le papier dans ses plis.

— Cela s’est vu, répondit Adamsberg. Traditions aristocratiques et, surtout, sentence bénigne pour un vieil homme affaibli. Je vous le répète, nous n’avons pas de clair-obscur et, cela, c’est impensable. La volte-face est trop nette et la vie n’est jamais si tranchée. Il y a donc tricherie, à un endroit ou à un autre.

Fatigué, Danglard ressentit la brusque envie d’attraper son rapport et de tout foutre en l’air. D’arracher aussi ce journal qu’Adamsberg déstructurait négligemment entre ses mains. Vrai ou faux, il serait contraint d’aller vérifier les foutus aveux du baron, au seul prétexte des molles intuitions du commissaire. Des intuitions qui, aux yeux de Danglard, s’apparentaient à une race primitive de mollusques apodes, sans pieds ni pattes ni haut ni bas, corps translucides flottant sous la surface des eaux, et qui exaspéraient voire dégoûtaient l’esprit précis et rigoureux du capitaine. Contraint d’aller vérifier car ces intuitions apodes se révélaient trop souvent exactes, par la grâce d’on ne sait quelle prescience qui défiait les logiques les plus raffinées. Prescience qui, de succès en succès, avait amené Adamsberg ici, sur cette table, à ce poste, chef incongru et rêveur de la Brigade criminelle du 13e. Prescience qu’Adamsberg déniait lui-même et qu’il appelait tout simplement les gens, la vie.

— Vous ne pouviez pas le dire plus tôt ? demanda Danglard. Avant que je ne tape tout ce rapport ?

— Je n’y ai songé que cette nuit, dit Adamsberg en fermant brusquement le journal. En pensant à Rembrandt. »

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