Un lieu incertain – Fred Vargas
Viviane Hamy - juin 2008 - 390 pages.
J'ai lu - octobre 2010 - 381 pages
Résumé :
Adamsberg part pour trois jours de colloque à Londres. Estalère, le jeune brigadier, et Danglard - terrorisé à l’idée de passer sous la Manche - sont du voyage. Tout devait se passer de manière aérienne et décontractée, mais un événement macabre alerte leur collègue de New Scotland Yard, Radstock.
Clyde-Fox, un original local, lui parle du vieux cimetière de Highgate. Des chaussures - avec des pieds dedans - font face au cimetière, « un des cimetières romantiques les plus baroques de l’Occident », un lieu macabre, gothique, unique.
Tandis que l’enquête anglaise commence, les français rentrent au pays, et se retrouvent confronté à un horrible massacre dans un pavillon de banlieue.
De fil en aiguille, Adamsberg, avec l’aide de Danglard, remonte une piste de vampires, et de tueurs de vampires, jusqu’en Serbie.
Le commissaire est au centre du roman, dans tous les sens du terme. La Boule se trouve presque un rival, Danglard est à deux doigts de tomber amoureux, Retancourt est toujours aussi efficace, mais la brigade n’est plus aussi sure qu’avant.
Auteur : Fred Vargas est née à Paris en 1957. Fred est le diminutif de Frédérique. Vargas est son nom de plume pour les romans policiers. Pendant toute sa scolarité, Fred Vargas ne cesse d'effectuer des fouilles archéologiques. Après le bac, elle choisit de faire des études d'histoire. Elle s'intéresse à la préhistoire, puis choisit de concentrer ses efforts sur le Moyen Âge. Elle a débuté sa « carrière » d'écrivain de roman policier par un coup de maître. Son premier roman Les Jeux de l'amour et de la mort, sélectionné sur manuscrit, reçut le Prix du roman policier du Festival de Cognac en 1986 et fut donc publié aux éditions du Masque. Depuis elle a écrit : Un lieu incertain (2008), Dans les bois éternels (2006), Sous les vents de Neptune (2004), Coule la Seine (2002), Pars vite et reviens tard (2001), Petit traité de toutes vérités sur l'existence (2001), Les quatre fleuves (en collaboration avec Edmond Baudoin) (2000), L'homme à l'envers (1999), Sans feu ni lieu (1997), Un peu plus loin sur la droite (1996), Debout les morts (1995), Ceux qui vont mourir te saluent (1994), L'homme aux cercles bleus (1992)
Mon avis : (lu en août 2008)
J'ai retrouvé avec joie Adamsberg, Danglard, Retancourt, Estalère, Mordent, la Boule, Clémentine, tous les personnages déjà cultes de l'univers de Fred Vargas. Cette histoire nous emmène de Paris en Serbie en passant par Londres, mais cette histoire est aussi un peu tortueuse et parfois confuse, on ne retrouve pas le rythme des livres précédents. J'ai donc été un peu déçue. Je n'ai pas aimé le côté « fantastique » du roman.
Une adaptation à la télévision de ce roman a été faite par José Dayan et diffusée le 12 novembre 2010. C'est le cinquième téléfilm de la série Collection Fred Vargas.
La distribution : Jean-Hugues Anglade (Jean-Baptiste Adamsberg), Hélène Fillières (Camille Forestier), Charlotte Rampling (Mathilde Forestier), Pascal Greggory (Josselin), Jacques Spiesser (Adrien Danglard), Corinne Masiero (Violette Retancourt), David Atrakchi (Vlad), Karim Belkhadra (Noël), Carlo Brandt (Émile Feuillant), Olivier Claverie (Dr Lavoisier), Roland Copé (le médecin légiste), Hélène Coulon (la villageoise serbe), Christophe Craig (Radstock), Aymeric Demarigny (Estalère), Sylvie Granotier (Emma Carnot), Ivry Gitlis (Aranjdel), Anthony Henry (Tom), Julien Honoré (Armel Louvois), Nino Kirtadze (Danica), Christopher King (Clyde Fox), Johan Leysen (Lucio), Christophe Lorcat (le steward), Wolfgang Pissors (Thalberg), Alan Rossett (le jardinier anglais), Vincent Tarot, Grégoire Souverain, Tristan de Saint Vincent, Thomas Souverain et Geoffroy de Saint Vincent (les enfants de Danglard)
Extrait : « Le commissaire Adamsberg savait repasser les chemises, sa mère lui avait appris à aplatir l’empiècement d’épaule et à lisser le tissu autour des boutons. Il débrancha le fer, rangea les vêtements dans la valise. Rasé, coiffé, il partait pour Londres, il n’y avait pas moyen de s’y soustraire.
Il déplaça sa chaise pour l’installer dans le carré de soleil de la cuisine. La pièce ouvrait sur trois côtés, il passait donc son temps à décaler son siège autour de la table ronde, suivant la lumière comme le lézard fait le tour du rocher. Adamsberg posa son bol de café côté est et s’assit dos à la chaleur.
Il était d’accord pour aller voir Londres, sentir si la Tamise avait la même odeur de linge moisi que la Seine, écouter comment piaillaient les mouettes. Il était possible que les mouettes piaillent différemment en anglais qu’en français. Mais ils ne lui en laisseraient pas le temps. Trois jours de colloque, dix conférences par session, six débats, une réception au ministère de l’Intérieur. Il y aurait plus d’une centaine de flics haut de gamme tassés dans ce grand hall, des flics et rien d’autre venus de vingt-trois pays pour optimiser la grande Europe policière et plus précisément pour “ harmoniser la gestion des flux migratoires ”. C’était le thème du colloque.
Directeur de la Brigade criminelle parisienne, Adamsberg devrait faire acte de présence mais il ne se faisait pas de souci. Sa participation serait légère, quasi aérienne, d’une part en raison de son hostilité à la “ gestion des flux ”, d’autre part parce qu’il n’avait jamais pu mémoriser un seul mot d’anglais. Il termina son café paisiblement, lisant le message que lui envoyait le commandant Danglard. Rdv dans 1 h 20 à l’enregistrement. Foutu tunnel. Ai pris veste convenable pour vous, avec crav. Adamsberg passa le pouce sur l’écran de son téléphone, effaçant ainsi l’anxiété de son adjoint comme on ôte la poussière d’un meuble. Danglard était mal adapté à la marche, à la course, pire encore aux voyages. Franchir la Manche par le tunnel le tourmentait autant que passer par-dessus en avion. Il n’aurait cependant laissé sa place à personne. Depuis trente ans, le commandant était rivé à l’élégance du vêtement britannique, sur laquelle il misait pour compenser son manque naturel d’allure.
À partir de cette option vitale, il avait étendu sa gratitude au reste du Royaume-Uni, faisant de lui le type même du Français anglophile, adepte de la grâce des manières, de la délicatesse, de l’humour discret. Sauf quand il laissait choir toute retenue, ce qui fait la différence entre le Français anglophile et l’Anglais véritable. De sorte, la perspective de séjourner à Londres le réjouissait, flux migratoire ou pas. Restait à franchir l’obstacle de ce foutu tunnel qu’il empruntait pour la première fois. Adamsberg rinça son bol, attrapa sa valise, se demandant quelle sorte de veste et de crav avait choisies pour lui le commandant Danglard. Son voisin, le vieux Lucio, frappait lourdement à la porte vitrée, l’ébranlant de son poing considérable. La guerre d’Espagne avait emporté son bras gauche quand il avait neuf ans, et il semblait que le membre droit avait grossi en conséquence pour concentrer en lui seul la dimension et la force de deux mains. Le visage collé aux carreaux, il appelait Adamsberg du regard, impérieux.
– Amène-toi, marmonna-t-il sur un ton de commandement. Pas moyen qu’elle les sorte, j’ai besoin de ton aide.
Adamsberg posa sa valise au-dehors, dans le petit jardin désordonné qu’il partageait avec le vieil Espagnol.
– Je pars trois jours pour Londres, Lucio. Je t’aiderai à mon retour.
– Trop tard, gronda le vieux.
Et quand Lucio grondait ainsi, sa voix roulant sur les “ r ”, il produisait un bruit si sourd qu’Adamsberg avait l’impression que le son sortait directement de la terre. Adamsberg souleva sa valise, l’esprit déjà projeté vers la gare du Nord.
– Qu’est-ce que tu ne peux pas sortir ? dit-il d’une voix lointaine en verrouillant sa porte.
– La chatte qui vit sous l’appentis. Tu savais qu’elle allait faire ses petits, non ?
– Je ne savais pas qu’il y avait une chatte sous l’appentis, et je m’en fous.
– Alors tu le sais maintenant. Et tu ne vas pas t’en foutre, hombre. Elle n’en a sorti que trois. Un est mort, et deux autres sont encore coincés, j’ai senti les têtes. Moi je pousse en massant et toi, tu extirpes. Gaffe, ne va pas serrer comme une brute quand tu les sors. Un chaton, ça te craque entre les doigts comme un biscuit sec.»