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A propos de livres...
31 octobre 2009

Et que le vaste monde poursuivre sa course folle - Colum McCann

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Belfond – août 2009 – 435 pages

10/18 - novembre 2010 - 475 pages

traduit de l'anglais (Irlande) par Jean-Luc Piningre

Présentation de l'éditeur
Dans le New York des années 1970, un roman polyphonique aux subtiles résonances contemporaines, une oeuvre vertigineuse. 7 août 1974. Sur un câble tendu entre les Twin Towers s'élance un funambule. Un événement extraordinaire dans la vie de personnes ordinaires. Corrigan, un prêtre irlandais, cherche Dieu au milieu des prostituées, des vieux, des miséreux du Bronx ; dans un luxueux appartement de Park Avenue, des mères de soldats disparus au Vietnam se réunissent pour partager leur douleur et découvrent qu'il y a entre elles des barrières que la mort même ne peut surmonter ; dans une prison new-yorkaise, Tillie, une prostituée épuisée, crie son désespoir de n'avoir su protéger sa fille et ses petits-enfants... Une ronde de personnages dont les voix s'entremêlent pour restituer toute l'effervescence d'une époque. Porté par la grâce de l'écriture de Colum McCann, un roman vibrant, poignant, l'histoire d'un monde qui n'en finit pas de se relever.

Biographie de l'auteur
Né à Dublin en 1965, Colum McCann est l'auteur de cinq romans, Le Chant du coyote, Les saisons de la nuit, Danseur, Zoli, Et que le vaste monde poursuive sa course folle, et de deux recueils de nouvelles, La Rivière de l'exil et Ailleurs, en ce pays, tous parus chez Belfond et repris chez 10/18. Colum McCann vit à New York avec son épouse et leurs trois enfants.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Ayant déjà lu et beaucoup aimé du même auteur "Les saisons de la nuit", j'avais très envie de lire ce livre dont j'aime beaucoup le titre et la couverture.

Ce livre est un ensemble de récits courts où se croisent et où se dévoilent des destins différents à l'image de la ville de New York : on découvre Corrigan un prêtre irlandais qui vit au milieu des prostituées et des plus pauvres du Bronx, il y a Tillie et Jazzlyn deux prostituées mère et fille, Claire et Solomon les parents de Joshua qui est mort au Vietnam...

En fil rouge de ce livre, il y a l'histoire de la traversée sur un câble d'acier à New York, entre les deux tours du World Trade Center, par le funambule français Philippe Petit, le 7 août 1974.

J'ai été touchée par les destins de tous ces personnages et j'ai beaucoup aimé cet histoire extraordinaire de funambule (même si ayant le vertige, je n'aurais pas aimé être spectatrice d'un tel événement).

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Il existe seulement des photos de cet événement extraordinaire. En 2008, un film documentaire britannique a été réalisé par James Marsh "Le Funambule (Man on Wire)". Basé sur le livre de Philippe Petit "To Reach the Clouds", le film est monté comme un thriller, présentant des scènes de la préparation de la traversée, des scènes rejouées et des interviews de participants de l'événement, à l'époque. Il relate l'incroyable exploit de Philippe Petit qui avait "dansé" entre les Twin Towers pendant 45 minutes, à plus de 400 mètres d'altitude et sans la moindre sécurité. Le film a reçu, en 2009, le grand prix du documentaire au Festival de Sundance ainsi que l'Oscar du meilleur film documentaire.

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Extrait : (début du livre)

CEUX QUI LE VIRENT SE TURENT. Depuis Church, Liberty, Cortlandt, West, Fulton ou Vesey Street. Un silence terrible, superbe, à l’écoute de lui-même. Certains pensèrent à une illusion d’optique, une ombre mal placée, un effet d’atmosphère. D’autres prirent ça pour la blague éculée du type qui se plante sur l’asphalte, le doigt pointé, et on s’attroupe autour, les têtes se renversent, hochent, confirment, mais les yeux sont levés pour rien, et on attend comme on attend la chute d’un gag de Lenny Bruce. Seulement, plus ils regardaient, plus c’était clair. À l’extrême limite du toit, la silhouette se détachait sur la grisaille du matin. Sans doute un laveur de vitres. Un ouvrier du bâtiment. Ou un suicidaire.

Cent dix étages plus haut, parfaitement immobile, une miniature noire dans le ciel nuageux.

On ne le remarquait pas de n’importe où. Ou alors les passants s’arrêtaient au coin de la rue, repéraient une brèche entre les immeubles, zigzaguaient dans la pénombre, se frayaient une perspective sans corniche, sans gargouille, sans balustrade, sans garde-corps. Et si une ligne partait de son pied vers la tour jumelle, ils ne comprenaient pas bien pourquoi. Mais la figurine les clouait. Le cou tendu, ils oscillaient entre la fatalité de l’évidence et la promesse du quotidien.

Le dilemme de l’observateur : ne pas rester là sans raison – ça n’est qu’un imbécile penché sur le vide –, mais ne pas rater le moment où la police viendra l’arrêter, où il tombera, plongera peut-être, les bras en croix.

La ville rassemblait ses bruits autour des passants. Klaxons. Camions d’éboueurs. Cornes de brume. Le ramdam des métros. Un bus de la ligne M22 qui freine, se range le long du caniveau et gémit dans l’ornière. Le vent plaque un emballage de chocolat sur une bouche d’incendie. Le claquement des portières de taxi. Des poubelles se bagarrent au fond de l’impasse. Les baskets qui repartent au petit trot. Le cartable en cuir qui frotte sur un pantalon. Le cliquetis des parapluies sur le bitume. Une porte à tambour qui propulse au-dehors un début de conversation.

Mais le tohu-bohu n’aurait été qu’un son compact, on n’y aurait quand même pas prêté attention – et ceux qui maugréaient le faisaient à voix basse, respectueusement. Ils formaient soudain de petits groupes au carrefour de Church et Dey Street. Sous l’auvent de Sam’s Barber Shop. À la porte de Charlie’s Audio. Ici un minuscule théâtre d’hommes et de femmes, serrés contre la rambarde de St. Paul’s Chapel. Là on se disputait une place devant les vitrines de Woolworth. Avocats. Liftiers. Médecins. Teinturiers. Cuisiniers. Diamantaires. Poissonniers. Putes avec leurs jeans tristes. Tous rassurés par la présence d’autres autour d’eux. Dactylos. Courtiers. Livreurs. Hommes-sandwichs. Tricheurs rangeant leurs cartes. De building en building ; de Con Ed à Ma Bell, jusqu’à Wall Street. Un serrurier dans sa camionnette au coin de Dey et de Broadway. Un coursier à moto adossé à un réverbère de West Street. Un poivrot rougeaud en quête de son premier verre.

On l’apercevait depuis le ferry de Staten Island. Depuis les abattoirs du West Side. Des gratte-ciel neufs de Battery Park. Des stands à bretzels en bas de Broadway. Du parvis en dessous. Des tours elles-mêmes.

D’accord, certains ne voulaient rien savoir, préféraient l’ignorer. À 07:47, ceux-là étaient bien trop amorphes pour penser à autre chose qu’un bureau, un stylo, un téléphone. Sortis des bouches de métro, des limousines, des autobus, ils traversaient ensemble au feu, et pas question de lever bêtement la tête. À chaque jour suffit sa peine. Mais en voyant les attroupements, l’agitation, ils commencèrent à ralentir. S’arrêtaient net ou, haussant les épaules, se retournaient lentement, revenaient au carrefour, butaient contre les nez en l’air, se hissaient sur la pointe des pieds, dominaient un instant la foule et c’était waouh, putain, nom de Dieu.

Cette fine silhouette et le mystère s’épaississait. Elle se dressait sur la tour sud, à la limite de la terrasse panoramique, comme prête à s’élancer.

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30 octobre 2009

Lune noire – John Steinbeck

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traduit de l'anglais par Jean Pavans

Jean-Claude Lattès - août 1994 – 175 pages

LGP – septembre 1996 – 157 pages

Présentation : Les échos de la guerre ne parvenaient qu'à peine dans ce village perdu au fin fond de la Scandinavie. Jusqu'au jour où les premiers soldats nazis apparurent au sommet de la côte...
Quel comportement adopter ? C'est finalement une forme de résistance qui va prévaloir, malgré ceux qui, à l'instar du commerçant Corell, préfèrent jouer le jeu de l'occupant. Une résistance sourde, silencieuse, obstinée, animée par le maire, Orden, et son vieil ami le médecin Winter, qui va d'abord contraindre l'ennemi à la terreur, puis l'acheminer peu à peu vers l'angoisse, le désespoir...
C'est en 1942 que l'auteur de
A l'est d'Eden - plus tard prix Nobel de littérature - publia ce roman, édité clandestinement en France. Un huis clos où le village, cerné par la neige, apparaît peu à peu comme un microcosme de l'Europe confrontée à la barbarie totalitaire.

Auteur : Né en Californie en 1902, John Steinbeck y passe quarante ans de sa vie, y fait des études sans décrocher d'ailleurs aucun diplôme. Après des débuts difficiles, sa carrière de romancier prend un nouveau tour avec le succès des 'Souris et des hommes' puis des 'Raisins de la colère', récompensé par le prix Pulitzer en 1939. Il s'installe à New York en 1950 et se révèle être un chroniqueur et polémiste infatigable. Il prend position contre le maccarthysme aux Etats-Unis mais contre le communisme à l'étranger, et soutient le président Johnson pendant la guerre du Vietnam. Car si Steinbeck est surtout connu pour ses romans toujours beaucoup lus, il fut aussi reporter de guerre. D'abord pour le New York Herald Tribune pendant la Seconde Guerre mondiale, puis en 1966 au Vietnam. Son oeuvre, couronnée par le prix Nobel en 1962, a suivi une évolution significative. En effet, Steinbeck s'intéresse d'abord à la nature qui l'entoure, il adopte ensuite une approche teintée de déterminisme dans son traitement des rapports humains. Mais après 1945, il finit par prôner une morale de la responsabilité individuelle. Il est décédé à New York en 1968.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

J'ai découvert ce livre grâce au blog de Gambadou. Et j'ai trouvé ce livre vraiment intéressant d'autant plus qu'il a été écrit en 1942. L'action se situe dans un village au bout du monde en Scandinavie qui jusqu'à ce jour vivait paisiblement à l'écart de la guerre qui faisait rage en Europe. Ce village est facilement envahi par une unité allemande grâce à la complicité d'un homme du village. Le village va se diviser en trois : les collaborateurs qui pensent que l'ordre nazi est une bonne chose, les soldats allemands qui occupent la ville et les villageois qui résistent plus ou moins activement. A travers les dialogues entre le maire, le chef des soldats et le collaborateur nous allons suivre la vie du village qui évolue avec le temps. Le maire veut protéger sa ville mais se refuse de collaborer. Le collaborateur est rejeté du village. Et les soldats nazi sont surpris du mauvais accueil qu'on leur fait, ils pensaient être accueilli comme des sauveurs. Les habitants se mobilisent pour résister car ils se refusent à perdre leur liberté.

Ce livre est une parabole qui décrit parfaitement la façon dont les gens peuvent réagir en temps de guerre face à l'envahisseur. Il faut noter que lors de la parution du livre en 1942, il a été diffusé «sous le manteau».

A découvrir sans tarder.

Extrait : (début du livre)

A dix heures quarante-cinq tout était terminé. La ville était occupée, les défenseurs étaient décimés, et la guerre était finie. L'envahisseur avait soigneusement préparé cette campagne, comme les plus importantes. Ce dimanche matin-là, le facteur et le policier étaient allés pêcher dans le bateau de Mr. Corell, le commerçant si populaire. Il leur avait prêté son voilier pour la journée. Le facteur et le policier se trouvaient à plusieurs milles en mer lorsqu'ils virent le sombre petit bâtiment de transport les croiser tranquillement, chargé de soldats. Comme employés de la ville, c'était nettement leur affaire, et tous deux décidèrent de changer de cap, mais bien sûr le bataillon avait débarqué avant qu'ils ne parvinssent à port. Le policier et le facteur ne purent même pas entrer dans leurs bureaux à la mairie, et quand ils insistèrent sur leurs droits, ils furent faits prisonniers de guerre et incarcérés dans la prison municipale.

Les troupes locales – les douze hommes qui les composaient – étaient également sorties ce dimanche matin, car Mr. Corell, le commerçant si populaire, avait offert un déjeuner, avec cibles, cartouches et prix pour un concours de tir ayant lieu à dix kilomètres de distance, dans les collines, dans une charmante clairière lui appartenant. Les troupes locales – de grands garçons débraillés – entendirent les avions et virent au loin les parachutes, et revinrent en ville à toutes jambes. Lorsqu'ils arrivèrent, l'envahisseur avait déjà bordé la route de mitrailleuses. Les soldats débraillés, n'ayant que très peu d'expérience de la guerre et aucune de la défaite, ouvrirent le feu avec leurs fusils. Les mitrailleuses crépitèrent un moment, six soldats furent transformés en cadavres criblés, trois autres en moribonds criblés, et les trois derniers s'enfuirent dans les collines avec leurs fusils.

A dix heures trente la fanfare de l'envahisseur jouait une belle musique sentimentale sur la place, tandis que les citadins l'écoutaient bouches bées et regards étonnés, en fixant les hommes aux casques gris qui portaient des mitraillettes sous le bras.

A dix heures trente-huit, les six cadavres criblés étaient enterrés, les parachutes étaient repliés, et le bataillon était cantonné dans l'entrepôt de Mr. Corell, sur la jetée, qui avait sur ses rayons des couvertures et des lits de camp pour un bataillon.

A dix heures quarante-cinq, le vieux maire Orden avait reçu des envahisseurs la demande formelle d'accorder une audience au colonel Lanser, audience qui était fixée à onze heures précises dans le palais de cinq pièces du maire.

24 octobre 2009

En pause...

23 octobre 2009

Le cœur en dehors - Samuel Benchetrit

le_coeur_en_dehors Grasset & Fasquelle – août 2009 – 296 pages

Présentation de l'éditeur
"Tu sais Charly, il faut aimer dans la vie, beaucoup... Ne jamais avoir peur de trop aimer. C'est ça, le courage. Ne sois jamais égoïste avec ton cœur. S'il est rempli d'amour, alors montre-le. Sors-le de toi et montre-le au monde. II n'y a pas assez de cœurs courageux. II n'y a pas assez de cœurs en dehors... "

Biographie de l'auteur
Samuel Benchetrit est né en 1973. Il est écrivain (Chroniques de l'asphalte), cinéaste (J'ai toujours rêvé d'être un gangster) et dramaturge (Moins 2).

Mon avis : (lu en octobre 2009)

J'ai trouvé ce livre très émouvant. Le narrateur Charly est un petit garçon d'origine malienne qui vit dans une cité de la banlieue parisienne avec sa mère et Henri, son frère aîné. Son père les a abandonnés lorsque Charly avait un mois. Un matin, lorsqu’il part au collège, Charly va être témoin de l’arrestation de sa mère par la police. Il ne comprend pas pourquoi et il décide de chercher son frère. Le lecteur va suivre cette journée particulière de Charly, il part dans une errance à travers sa cité et il nous raconte ses copains, Yéyé et Karim, le collège, son amoureuse Mélanie Renoir, son frère Henry qui se drogue, sa mère Joséphine, est une femme digne et respectable qui fait tout pour élever ses enfants mais qui est sans-papiers. Le regard que pose Charly sur sa « cité » est à la fois drôle, naïf mais juste. Au début du livre, il croit que Rimbaud n’est qu’une tour, dans les dernières pages il sait que c’est un poète et il a aimé lire certains de ses poèmes. Charly est un petit garçon drôlement attachant et ce livre est à la fois plein de tendresse et d’humour. On peut être surpris par le style très actuel avec un langage parlé de jeune adolescent mais on s'y habitue très vite. A découvrir sans tarder.

Extrait : (début du livre)

Au début, je croyais que Rimbaud c’était une tour. Parce qu’on dit la tour Rimbaud. Et puis mon copain Yéyé m’a raconté que Rimbaud était un poète. Je voyais pas pourquoi on avait donné le nom d’un poète à ma tour. Yéyé a dit que c’était parce qu’il était connu et mort depuis longtemps. Je lui ai demandé s’il était mort après avoir vu la tour. Yéyé a dit que non, il était mort vraiment avant. J’ai dit que valait mieux pour lui, parce que la tour est sacrément moche et qu’il aurait eu drôlement les boules d’avoir son nom sur un truc pareil. Yéyé a dit que lui aimerait bien qu’on donne son nom à des machins. Je lui ai dit que je trouvais débile d’habiter tour Yéyé. Il m’a dit d’aller me faire foutre et que mon nom c’était pas mieux.

Je m’appelle Charly.

- Tour Charly ça fait encore plus con que tour Yéyé.

J’étais d’accord mais je lui ai quand même dit d’aller se faire foutre.

On a continué à parler comme ça, parce qu’il y a un paquet de poètes qui ont des choses à leur nom dans le quartier. Tour Verlaine. Cité Hugo. Centre d’activité Guillaume Apollinaire. Et tous ces machins sont plus moches les uns que les autres. Mais les poètes sont morts avant de le savoir, alors ça va. Monsieur Hidalgo, qui donne des cours de je sais pas quoi au collège où allait mon frère Henry, dit que c’est une honte de se servir de l’art pour habiller des horreurs. Mais la plupart des gens s’en moquent, parce que les cités et les tours sont baptisées autrement. Par exemple, ceux qui habitent tour René Char ne disent jamais qu’ils habitent tour René Char. Ils disent la tour bleue. Je sais pas pourquoi ils l’appellent comme ça parce que la tour est pas franchement bleue. Et entre nous, je peux vous dire qu’elle est grise. Mais allez savoir pourquoi, ils disent bleue. Pareil avec la cité picasso qui se trouve de l’autre côté du centre commercial. Personne ne dit jamais cité Picasso. Même s’il y a un arrêt de bus Picasso. Les gens disent cité des Rapaces. Et je vous jure qu’il n’y a pas plus de Picasso que de rapaces dans cette cité.

22 octobre 2009

Question de l'être et beauté féminine – Jérémy Nabati

question_de_l__tre_et_beaut__f_minine Aux forges de Vulcain – septembre 2009 – 128 pages

Quatrième de couverture :

« Aldo, en proie à une soudaine inspiration, osa alors lui demander si elle voudrait bien prendre un verre avec lui : - L’air que vous parfumez dans votre sillage et qui vous suit me subtilise et m’extasie – mon être tout entier est absorbé dans le reflet mouvant de vos cheveux. Tout, autour de moi, s’évanouit – le temps même a cessé de battre. Vibration du possible, caractère brûlant de la passion, mise en suspens comme telle, aiguillon de l’action – je suis tenu en haleine, à la merci de vos moindres mouvements. Votre beauté n’a pas d’égal, ainsi soit-il – vous êtes la plus jolie, telle est mon unique certitude. Vous voir, c'est déjà – consentir à tomber sous le charme ; le reste, à côté, n’est que poésie. Dormir un long sommeil – et n’être réveillé que par cette séduisante façon que vous avez, je n’en doute pas, de porter un verre à vos lèvres carminées… »

Auteur : Jérémy Nabati est Normalien et enseigne la philosophie au lycée. Question de l'être et beauté féminine est son premier roman. Site de l’auteur.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Ce livre m'a été offert par les éditions Aux forges de Vulcain à la suite de ma critique sur Contretemps, livre que j'avais lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book et Aux forges de Vulcain.

"Question de l’être et beauté féminine" se compose de deux parties. La première (68 pages) est une nouvelle qui donne le titre au livre et la deuxième "Comment errez-vous ?" est une suite de six textes ou poème parfois très courts qui n’ont aucun lien.

"Question de l’être et beauté féminine" nous raconte Aldo qui est un homme sensible à son environnement et en particulier à la beauté féminine, il ose aborder la femme qui lui plaît, Flora et l’on va suivre le début de leur histoire. Cette nouvelle est touchante, avec un brin de poésie.

"Comment errez-vous ?" est plus difficile à résumer, et cette lecture a été pour moi un peu déroutante. Par exemple, le premier texte, "L'un l'autre" est un échange de SMS et de mail entre un prophète et Dieu. Le dernier texte, "Le temps de la pensée" est un poème. J’ai bien aimé la nouvelle "Dernier été".

Un grand merci aux éditions Aux forges de Vulcain pour m’avoir fait découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)

Lors vint le moment où sa pensée ne le quitta plus. Le jour, il espérait la croiser à chaque coin de rue, et la moindre passante, revêtant d’abord ses traits, l’arrachait à chaque fois brusquement à lui-même. La nuit, évidemment, il lui arrivait de rêver d’elle. Le temps s’écoulait ainsi ; un mois passa.

Puis, un soir, il avait eu cette intuition : il la reverrait le lendemain, c’était certain. Seulement, il ne savait pas exactement ce qui se passerait, ce qu’il devrait faire en fonction de la situation qui se présenterait, ce qu’il devrait faire en fonction de la situation qui se présenterait effectivement. Il la revit, donc : elle sortait, lui aussi – elle lui tient la porte ; il dit « merci », tout simplement, mais d’une voix suffisamment forte pour qu’elle se retourne, et qu’elle le voie… elle l’a vu, ça y est.

Elle est toujours aussi belle, toujours aussi resplendissante, inondant de joie tout ce qui vient à l’entourer. Ses cheveux sont fascinants, à la manière d’un fleuve glissant silencieusement dans la nuit étoilée – et ses yeux, deux aigues-marines. A la fois fine et musculeuse, ses traits racés sont les seuls auxquels une chair si incroyablement nerveuse ait pu se soumettre. Certes, sa façon de s’habiller ne varie pas beaucoup, ce qui d’ailleurs la rend aisément reconnaissable : jean clair, haut noir – col roulé en cachemire, ou tee-shirt décolleté et fin gilet de coton -, imperméable noir.

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21 octobre 2009

Le voyage vers l'enfant – Vonne van der Meer

le_voyage_vers_l_enfant Editions Héloïse d'Ormesson - août 2009 – 171 pages

Présentation de l'éditeur

Quand Julia aperçoit un siège enfant sur une bicyclette, son désir de maternité s'affirme et elle rêve d'un bébé avec Max, son mari. Or le couple ne peut pas avoir d'enfant. Dans l'espoir d'adopter, ils décident alors de partir au Pérou, oit ils iront de surprises en défaites. Et rencontreront Pablo qui, loin d'être le nourrisson tant espéré, changera leur vie à jamais. Vonne van der Meer nous éblouit par son écriture limpide qui cerne les craquelures du quotidien. Son histoire forte et juste déborde d'émotions.

Biographie de l'auteur

Vonne van der Meer vit près d'Amsterdam. Ses précédents romans, La Maison dans les dunes (2005) et Le Bateau du soir (2006), situés sur une île frisonne, ont rencontré un énorme succès aux Pays-Bas. Le Voyage vers l'enfant, en cours d'adaptation au cinéma, débute sur cette même île de Vlieland et se poursuit jusqu'à Lima.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

J'ai adoré les deux livres précédents que j'ai lu de cette auteur : Les invités de l'île et Le bateau du soir. Celui-ci m'a surpris. En effet, si on s'attend à une suite des deux précédents comme nous le laisse imaginer le début du livre qui se situe sur l'île, je comprend que l'on peut être déçu. Pour ma part, j'ai essayé d'oublier les deux premiers livres pour mieux entrer dans « Le voyage vers l'enfant ».

C'est l'histoire de Julia et Max qui après sept ans de mariage décident d'avoir un enfant, après trois ans d'attente et des visites chez le médecin qui ne décèle aucun problème, ils décident d'aller chercher un enfant, loin, dans un autre pays. Et ils commencent à entreprendre les démarches nécessaires pour une adoption. L'attente est longue, longue et impatiente Julia est prête à partir au Pérou pour aller y chercher un bébé en faisant confiance à un homme rencontré dans un café à la sortie d'une réunion d'information sur l'adoption. Max est réticent mais malgré tout il accompagne sa femme au Pérou. Mais là-bas, les démarches ne sont pas simples et les espoirs et les déceptions seront au rendez-vous. Le voyage se prolonge, et l'histoire bascule avec la rencontre avec Pablo, car la fin du livre est vraiment inattendue et surprenante.

J'ai trouvé Julia très touchante dans son désir de devenir mère et j'ai bien aimé ce voyage au Pérou. Mais cependant cela n'a pas été le coup de cœur des deux premiers livres.

Extrait : (page 13)

Descendre un chemin entre les dunes, sentir la mer avant même de la voir – rien n'est comparable à cette sensation. Voilà pourquoi elle venait ici ou sur l'une des autres îles de Wadden au moins deux fois par an. Mais en ce jour, la seule odeur qu'elle sentait, c'était celle du cadeau d'anniversaire de mariage. Elle l'avait dans les narines, emballée, avec une faveur.

Arrivée au sommet de la dune depuis laquelle on découvrait la mer, elle s'immobilisa comme à son habitude. Réalisation d'un désir semble-t-il inné. Mais cette fois, savoir que la mer s'étendait en principe au-delà de cet endroit ne lui fit rien. Ça ressemblait à la mer, ça bougeait comme la mer, ça bruissait comme la mer. Mais ça exhalait une odeur de salon de coiffure. Julia remonta un peu plus la fermeture éclair de son anorak et enfouit les mains dans les poches. Descendant le chemin menant à la plage, elle eut l'impression d'entrer dans un cinéma.

- Bonsoir madame.

- Bonsoir madame.

- Bonsoir madame.

Les enfants de la maison voisine de la leur passaient à sa hauteur, portant les seaux, des pelles ainsi qu'un ballon rouge. Ils lui demandèrent s'ils pouvaient venir regarder la télé, leur poste était de nouveau en panne.

- Bien sûr, dit-elle, mais à condition d'arrêter de m'appeler avec vos madame par-ci, madame par-là. Je m'appelle Julia.

Les enfants hochèrent la tête et s'éloignèrent. Il ne lui avait pas échappé que sa remarque les avait embarrassés. A chaque fois qu'elle tentait de se rapprocher de quelqu'un, elle ne faisait que s'en éloigner un peu plus. Une personne habituée à côtoyer des enfants, par exemple une maman, n'aurait pas tiqué sur l'emploi du mot « madame ».

20 octobre 2009

Moloch – Thierry Jonquet

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Gallimard – mars 1998

Folio – mai 2001 – 427 pages

Trophée 813 du meilleur roman francophone en 1998.
Prix Mystère de la critique en 1999

Quatrième de couverture
" L'Eternel parla à Moïse et dit : Tu diras aux enfants d'Israël : si un homme des enfants d'Israël ou des étrangers qui séjournent en Israël livre à Moloch l'un de ses enfants, il sera puni de mort... Si le peuple du pays détourne ses regards de cet homme qui livre ses enfants à Moloch et si il le fait pas mourir, je tournerai, moi, ma face contre cet homme et contre sa famille et je le retrancherai du milieu de son peuple avec tous ceux qui se prostituent comme lui en se prostituant à Moloch...". La bible. Lévitique, XX


Auteur : Né à Paris en 1954, auteur de polars, Thierry Jonquet fait figure de référence dans ce genre littéraire et bien au-delà. Engagé politiquement dès son adolescence, il entre à Lutte ouvrière en 1970 sous le pseudonyme de Daumier (caricaturiste du XIXe siècle), puis à la Ligue communiste révolutionnaire l'année de son bac. Après des études de philosophie rapidement avortées et plusieurs petits boulots insolites, un accident de voiture bouleverse sa vie : il devient ergothérapeute et travaille successivement dans un service de gériatrie puis un service de rééducation pour bébés atteints de maladies congénitales, et enfin dans un hôpital psychiatrique où il exerce les fonctions d'instituteur. Inspiré par l'univers de Jean-Patrick Manchette, son premier roman, 'Le Bal des débris', est publié en 1984 bien qu'il ait été écrit quelques années plus tôt. 'Mémoire en cage' paraît en 1982, suivent 'Mygale' (1984), 'La Bête et la belle', 'Les Orpailleurs' (1993), qui confirment le talent de Thierry Jonquet pour le roman au réalisme dur, hanté par la violence et les questions de société. Les événements dramatiques de l’été 2003 ont inspiré Thierry Jonquet qui nous offre, avec Mon vieux, un texte captivant sur l’étonnante réaction humaine devant l’adversité. 'Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte', paru en 2006 évoque sans tabous la violence et l'antisémitisme qui sévissent dans certaines banlieues. Thierry Jonquet a également scénarisé plusieurs bandes dessinées parmi lesquelles 'Du papier faisons table rase', dessiné par Jean-Christophe Chauzy. Plébiscité par la critique, l'une des plus élogieuses est signée Tonino Benacquista qui écrit de lui : 'Jonquet sculpte la fiction, c'est le matériau qu'il façonne pour lui donner une âme, le même que celui d'Highsmith ou de Simenon, il est difficile d'en citer beaucoup d'autres.' Alors qu'il venait de publier 'Ad Vitam aeternam', Thierry Jonquet, décède en août 2009, après avoir lutté deux semaines contre la maladie.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Nous retrouvons trois ans plus tard les personnages du livre "Les Orpailleurs". La juge Nadia Lintz, l’inspecteur Rovère et son équipe.

Dans la tradition biblique, Moloch est le dieu auquel les Ammonites, une ethnie cananéenne, sacrifiaient leurs premiers-né en les jetant dans un brasier. C’est donc le thème du sacrifice des enfants qui est le fil conducteur du livre.

L’auteur va mêler deux histoires dont les victimes sont des enfants. La première commence très fort avec la description d’une scène de crime vraiment horrible : des cadavres d'enfants carbonisés, figés dans une dernière tentative désespérée d'échapper à la mort. Pourquoi étaient-ils enfermés dans ce pavillon prochainement détruit ? Qui a mis le feu ? En parallèle de cette intrigue principale, il y a l’histoire d'une mère qui empoisonne sa fille à l'insuline, la mère est atteinte du syndrome de Münchhausen.
C’est un vrai roman noir (certaines scènes peuvent difficiles à supporter) parfaitement construit, passionnant et poignant à la fois. Encore une belle découverte.

Extrait : (début du livre)

Ils étaient là, pataugeant dans la boue, hébétés, certains pleurant, d’autres hagards, les mains tremblantes, la gorge nouée par le dégoût, la pitié, la colère, la honte, un mélange confus de ces sentiments si voisins, tous à scruter le ciel gris-bleu, dans ce matin de printemps, tous à songer à ce qu’ils avaient fait une demi-heure, une heure plus tôt, quand le téléphone avait sonné chez eux pour les tirer du sommeil et les convoquer devant cette maisonnette d’apparence si banale, dressée au fond d’un terrain vague. A tous on avait donné la même consigne. Rendez-vous illico presto à deux minutes de la porte de la Chapelle, à l’entrée d’une ruelle éventrée de part en part, labourée par les pelleteuses, où s’alignaient encore quelques façades intactes de vieux immeubles, vidés de leur substance par les grues à boule qui les avaient surpris à revers. Ne subsistait qu’un décor chaotique, sauvage. Ici, des pans de murs striés de tracés noirs, ceux des conduits de cheminées qui d’étage en étage s’échelonnaient en chicanes pour former un réseau aux ramifications savantes. Là, un escalier en vrille, suspendu dans le vide, accroché comme un serpentin à une poutrelle et menaçant de s’effondrer d’un instant à l’autre. Et partout des lambeaux de papier peint claquant au vent, rongés par l'humidité, qui s'effilochaient en grossiers confettis. Cette rue ne portait même plus de nom, elle n'était plus qu'une trace sur un plan. Le point B12/A15 sur celui de la préfecture de Police, dont chaque inspecteur détenait un exemplaire, et qui quadrillait Paris à la manière d'un jeu de bataille navale, un filet aux mailles serrées. Impossible de se tromper. Le type de permanence au Central avait bien pris soin de préciser la topographie des lieux : le pavillon se trouvait au fond du terrain vague, juste derrière le chantier. Une de ces bicoques modestes, comme il y en avait tant, jadis, dans les arrières-cours parisiennes. La façade se lézardait en maints endroits, la toiture n'était pas de la première jeunesse, mais l'ensemble avait encore fière allure, et, signe qu'elle avait été habitée jusqu'à une date assez récente, elle était équipée de volets métalliques coulissants au lieu de ceux de bois qu'on voyait d'ordinaire sur ce genre de construction.

*

L'inspecteur Dimiglio ferma les yeux. Il avait été le premier de l'équipe à pénétrer dans la maison, le seul édifice encore intact dans ce décor dévasté. C'était plus qu'il ne pouvait en supporter. Paupières closes, il tentait d'effacer de sa mémoire les images qui s'y étaient inscrites. Dès la première seconde, dès le premier pas dans le séjour, sitôt dépassée l'entrée, il avait compris qu'il lui faudrait de longues semaines pour oublier, pour gommer. Dimeglio parvenait toujours à gommer, c'était le terme qu'il employait, « gommer ». Râper avec application, comme on dit d'une tache d'encre rebelle sur un cahier d'écolier...

Déjà lu de Thierry Jonquet :

Ils_sont_votre__pouvante Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte

les_orpailleurs_p Les orpailleurs  mon_vieux Mon vieux

du_pass__faisons_table_rase_p Du passé faisons table rase ad_vitam_aeternam_p Ad vitam aeternam

m_moire_en_cage Mémoire en cage

18 octobre 2009

Tout seul – Christophe Chabouté

tout_seul Vents d’Ouest – septembre 2008 – 368 pages

Présentation :
50 ans qu’il vit ici, sur ce caillou, dans son vaisseau de granit. Bateau immobile qui ne l’emmène nulle part et qui ne rejoindra jamais aucun port...
Et pourquoi quitter ce lieu alors que le monde au-delà de cette satanée ligne d’horizon fait si peur ? Où s’évader lorsqu’on n’a nulle part où aller ? Comment combattre la solitude et empêcher que ce silence perpétuel ne devienne assourdissant ?...
Des années passées sur son rocher, avec l’imagination comme seule compagne...

Auteur : Né en 1967, d’origine alsacienne, Christophe Chabouté suit les cours des Beaux-Arts d’Angoulême, puis de Strasbourg. Vents d’Ouest publie ses premières planches en 1993 dans "les Récits", un album collectif sur Arthur Rimbaud. Mais il faut attendre 1998 pour que ce graphiste free-lance se fasse un nom dans la bande dessinée en publiant coup sur coup "Sorcières" aux Editions du Téméraire et "Quelques jours d’été" aux Editions Paquet. Deux albums remarqués et primés, le premier au Festival d’Illzach, le second à Angoulême où Christophe Chabouté décroche l’Alph’Art Coup de Coeur. Avec "Zoé" paru en 1999, Chabouté prouve que son talent a atteint sa pleine maturité, ce qu’il démontre avec encore plus d’évidence dans "Pleine Lune".

Mon avis : (lu en octobre 2009)

C'est grâce à Bellesahi que j'ai entendu parlé de ce livre pour la première fois il y a quelques mois. J'ai une certaine fascination pour les phares et donc j'avais très envie de découvrir cette Bande Dessinée si particulière.

C'est une invitation à la réflexion sur la solitude d'un homme qui depuis toujours vit dans un phare en pleine mer. Il est né dans ce phare et il y vivait avec ses parents, son père étant le gardien du phare. Mais depuis 15 ans, il est seul et il n'a jamais mis pied à terre. Un pêcheur vient le ravitailler toute les semaines. Personne ne l'a jamais vu. Il a comme seuls compagnons un poisson dans un bocal et un dictionnaire qui lui permet d'imaginer le monde.

Il y a très peu de texte, tout est dans la suggestion. Le dessin noir et blanc est superbe. Le premier chapitre nous montre en 16 pages le vol d’un goéland, fragile, au fil du vent, autour d’un phare isolé au milieu de l’océan. Il se dégage de ce livre une atmosphère de poésie, de simplicité, de tolérance. Un très beau voyage au cœur de la solitude que j'ai lu avec beaucoup d'émotion.

A découvrir absolument !

Extrait : (pages 1 à 4)

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Extrait : (pages 21 à 25)
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17 octobre 2009

Le poids des secrets – tome 5 : Hotaru – Aki Shimazaki

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Actes Sud – juin 2009 – 132 pages

Quatrième de couverture :

A la saison des lucioles (hotaru), lorsqu'elle rend visite à sa grand-mère Mariko Takahashi, Tsubaki est loin de se douter que celle-ci lui confiera bientôt le secret qui ronge sa vie depuis cinquante ans, incapable qu'elle fut de le révéler à son mari. Etudiante en archéologie, Tsubaki apprend à travers cette confession les lois cruelles de la vie : l'innocence et la naïveté des jeunes filles sont souvent abusées par les hommes de pouvoir et d'expérience, et leur destinée s'en trouve à jamais bouleversée.

Auteur : Née au Japon, Aki Shimazaki vit à Montréal depuis 1991. Sa pentalogie Le Poids des secrets, amorcée avec Tsubaki, s'est terminée par l'obtention du prix du Gouverneur général avec Hotaru en 1005. Depuis, elle a publié Mitsuba en 2006 et Zakuro en 2008.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

C'est le dernier volume de la pentalogie "Le poids des secrets". Hotaru signifie luciole en japonais. Dans ce tome, Mariko Takahashi est âgée de 84 ans, elle sent qu'elle est proche de la fin de sa vie et elle se confie à sa petite fille de 19 ans Tsubaki le secret qui l'a ronge depuis toujours et qu'elle n'a jamais avoué à son mari. Dans ce dernier tome l'histoire ne révèle au lecteur aucune surprise puisque pour boucler la boucle l'on voit réapparaître tous les personnages avec également en toile de fond les bombes atomiques sur Nagasaki.

Cependant, la lecture de ce livre est aussi agréable que pour les livres précédents, tout en simplicité et en poésie. Un ensemble de 5 livres qui m'ont vraiment beaucoup plu !

Extrait : (page 23)

Dans l'obscurité clignotent les lucioles. J'en ai attrapé deux tout à l'heure en traversant le jardin. Je les garde dans mon petit aquarium, resté vide depuis l'année passée. Elles rampent lentement sur des feuilles de fougère. L'une suit l'autre comme un couple. Je compte les emporter à mon appartement.

Allongée sur le futon, je songe à Obâchan, qui a un air déprimé. Je me demande pourquoi elle regrette maintenant le départ d'Ojîchan en Sibérie. Qu'est-ce qui la dérange ? Je sens qu'elle est tourmentée et cela m'attriste.

Je me rappelle le moment où Ojîchan est mort. Il était entouré de nous tous : Obâchan, mes parents, ma sœur, mon frère et moi. Je ne me souviens plus des détails, car je n'avais que six ans à l'époque. Néanmoins, je sentais dans mon cœur d'enfant qu'il reposerait en paix. Son regard était doux. Selon ma mère, Ojîchan a dit à Obâchan, en tenant sa main : «Quelle vie heureuse ! J'ai eu de la chance d'avoir une famille si bonne. » Nous étions sa seule famille. Quand il est mort, il avait soixante-dix-neuf ans. Il était malade du coeur. Les lucioles clignotent toujours. En fixant les yeux sur leurs lumières, je me rappelle une lointaine conversation avec Ojîchan.

- Ojîchan, pourquoi les lucioles émettent-elles de la lumière ?

Il répond : - Pour attirer des femelles.

Je suis étonnée : -Alors, les lucioles sont-elles mâles ?

- Oui. Les femelles sont des vers luisants. Elles émettent aussi de la lumière, mais elles ne volent pas. Les deux s'échangent des messages amoureux en clignotant.

Je m'exclame : - Comme c'est romantique !

- Oui, dit Ojîchan. Au moins pour nous, les Japonais.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- En France, il existe une superstition étrange : ces lumières seraient les âmes des enfants morts sans avoir reçu le baptême. Pour les gens qui y croient, ces insectes sont bien sinistres.

Le mot « sinistre » me fait penser à la scène du soir de la bombe atomique qu'Obâchan m'a racontée une fois : « J'ai vu une volée de lucioles au-dessus du ruisseau, qui était écrasé par les ruines des bâtiments. Les lumières de ses insectes flottaient dans le noir comme si les âmes des victimes n'avaient pas su où aller. » Je me demande où ira l'âme d'Obâchan. Va-t-elle errer pour toujours entre ce monde et l'autre monde ? Ses jours sont comptés. J'espère qu'elle trouvera le calme et pourra mourir en paix, comme Ojîchan.

Obâchan : grand-mère, vieille femme.

Ojîchan : grand-père, vieil homme.

Autres volumes de la pentalogie "Le poids des secrets" :

tsubaki Tsubaki  hamaguri Hamaguri

tsubame Tsubame Wasurenagusa Wasurenagusa

17 octobre 2009

Malavita – Tonino Benacquista

malavita  malavita_p   

Gallimard – avril 2004 – 320 pages

Folio – novembre 2005 - 373 pages

Présentation de l'éditeur
Une famille apparemment comme les autres.
Une chose est sûre, s'ils emménagent dans votre quartier, fuyez sans vous retourner...

Auteur : Né en 1961 de parents italiens, Tonino Benacquista a grandi à Vitry. Fasciné pendant son enfance par les séries télévisées, dont 'Les Incorruptibles', il s'est naturellement dirigé vers des études de cinéma et de littérature. Son père, ouvrier dans un chantier naval, lit peu cependant. Aujourd' hui, Tonino Benacquista lit peu lui-même. Il interrompt ses études pour multiplier les expériences et les petits boulots, qu'il choisit en fonction du temps qu'ils lui laissent pour écrire. Son premier roman, 'Epinglé comme une pin-up dans un placard de GI', est publié au Fleuve noir. 'La Commedia des ratés', dans laquelle il dépeint la vie des immigrés italiens à Vitry, reçoit trois prix de littérature policière. Il a écrit 'Les morsures de l'aube', adapté au cinéma par Antoine de Caunes, et co-écrit avec Jacques Audiard le scénario de 'Sur mes lèvres'. Collaboration qu'il renouvelle en 2004 pou le film 'De battre mon coeur s'est arrêté' qui remporte le césar de la meilleure adaptation. Avec 'Saga' et 'Quelqu'un d'autre', il délaisse le polar pour s'intéresser au 'conflit de l'individu avec lui-même'. Le public apprécie son écriture franche et drôle, cruelle mais jamais cynique : 'Je ne veux pas noircir la noirceur. Le spectacle de ceux qui s'amusent en attendant la bombe me dégoûte. Mes personnages vivent mal le désarroi d'autrui parce que je ne supporte pas ça', dit-il.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Malavita, c’est le nom du chien de cette drôle de famille. Une famille New Yorkaise qui s'installe dans un petit village normand, Cholong-sur-Avre, pour y trouver une vie paisible et ordinaire. Il y a Fred Blake, sa femme Maggie et ses enfants Belle et Warren. Fred se prétend écrivain et prépare un livre sur le Débarquement, Maggie fait du bénévolat dans une association caritative, Belle fait honneur à son prénom et Warren s’est créé une bande de copains autour de lui. En fait, le vrai nom de Fred est Giovanni Manzoni, c’est un repenti de la Cosa Nostra sous protection du FBI. Malavita, "la mauvaise vie" en sicilien est aussi un des multiples surnoms donné à la mafia… Comment vont-ils passer incognito et s’intégrer dans ce village tranquille ? Ce roman mélange à la fois l’humour, le cynisme, le burlesque et le suspens. Un vrai bon moment de détente.

Extrait : (début du livre)

" Ils prirent possession de la maison au milieu de la nuit. Une autre famille y aurait vu un commencement. Le premier matin de tous les autres. Une nouvelle vie dans une nouvelle ville. Un moment rare qu'on ne vit jamais dans le noir.

Les Blake, eux, emménageaient à la cloche de bois et s’efforçaient de ne pas attirer l’attention. Maggie, la mère, entra la première en tapant du talon sur le perron pour éloigner d’éventuels rats, traversa toutes les pièces et termina par la cave, qui lui parut saine et d’une humidité idéale pour faire vieillir une roue de parmesan et des caisses de chianti. Frederick, le père, mal à l’aise depuis toujours avec les rongeurs, laissa sa femme opérer et fit le tour de la maison, une lampe de poche à la main, puis aboutit dans une véranda où s’entassaient de vieux meubles de jardin recouverts de rouille, une table de ping-pong gondolée  et divers objets invisibles dans la pénombre.

La fille ainée, Belle de son prénom, dix-sept ans, grimpa l’escalier et se dirigea vers la pièce qui allait devenir sa chambre, un carré régulier, orienté sud, avec vue sur un érable et une bordure d’œillet blancs miraculeusement persistants – elle les devina à travers la nuit comme une giclée d’étoiles. Elle fit pivoter la tête du lit côté nord, déplaça la table de chevet et se plut à imaginer les murs recouverts de ses affiches qui avaient traversé les époques et les frontières. Le lieu se mit à vibrer de la seule présence de Belle. C’est là que désormais elle allait dormir, réviser ses cours, travailler sa gestuelle et sa démarche, bouder, rêver, rire, et parfois pleurer – sa journée type depuis l’adolescence. Warren, de trois ans son cadet, investit la chambre adjacente sans réelle curiosité ; peu lui importaient l’harmonie des volumes ou le panorama, seules comptaient l’installation électrique et sa propre ligne de téléphone. Dans moins d’une semaine, sa grande maîtrise des écrans informatiques lui permettrait d’oublier la campagne française et même l’Europe, et lui donnerait l’illusion d’être de retour chez lui, par-delà l’océan atlantique, d’où il venait et où il retournerait un jour."

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