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A propos de livres...
30 juillet 2009

Les invités de l'île ou La Maison dans les dunes – Vonne van der Meer

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Edition Héloïse d'Ormesson – avril 2005 – 284 pages

10x18 – juin 2007 – 300 pages

traduit du néerlandais par Daniel Cunin

Présentation de l'éditeur
Située sur une île au large des côtes hollandaises, la Rose des Dunes accueille chaque été de nouveaux occupants. Les vacanciers se succèdent, leurs histoires défilent et transforment la maison en théâtre de vie. Un couple répare son amour, une femme en pleine convalescence retrouve goût à la vie. Les destins se construisent ou se déchirent sous la pulsion des embruns. En véritable metteur en scène, Vonne van der Meer fait jouer au fil des pages une comédie sensible et épurée sur la nature humaine.

Biographie de l'auteur
Née en 1952 aux Pays-Bas, Vonne van der Meer a publié son premier roman en 1987. Avec sa trilogie de Duinroos, dont le deuxième volet, Le Bateau du soir, a paru aux éditions Héloïse d'Ormesson en 2007, elle a touché les lecteurs dans toute l'Europe.

Mon avis : 5/5 (lu en juillet 2009)

C'est à la fois un roman ou une suite de nouvelles autour d'une maison dans les dunes "Duinroos" située dans l'île néerlandaise de Vlieland. Tout commence avec la femme de ménage qui prépare la maison en début de saison pour les futurs occupants, elle apparaîtra discrètement dans chacun des chapitres. Chaque chapitre raconte le séjour d'une famille ou d'un groupe d'amis à chaque fois différents. La maison est un personnage à part entière du roman. Il y a aussi le Livre d'or dans lequel chacun raconte ses vacances.

Ce livre a un goût salé de vacances d'été, de sable et de vent, on y retrouve beaucoup de belles descriptions de bords de mer, de dunes... mais aussi des morceaux de vie joyeuse ou triste...

J'ai passé un très agréable moment à lire ce livre étant moi-même en vacances au bord de la mer...et je commence sans tarder la suite... "Le bateau du soir" !

Extrait : (début du livre)

Il est grand temps que je termine. S’ils ont pris le bateau de midi, ils peuvent être ici dans une demi-heure. Ça m’est arrivé une fois : en nage, contente de mon travail, je ferme la maison, glisse la clef sous le paillasson et les découvre là, plantés à côté d’une carriole de plage où trônent bagages et enfants, au bord du sentier de coquillages. La déception sur leurs visages. Depuis, je sais que je dois demeurer invisible. S’ils me croisent ici, la maison ne sera plus autant la leur, et s’ils ne s’approprient pas la maison, ils ne vont pas passer un bon séjour. Même s’ils savent qu’ils ne la louent que pour une semaine, deux semaines, voire même un mois, ils doivent pouvoir se figurer qu’elle est à eux. Si c’était moi la locataire, cela irait tout seul. De toutes les maisons où j’ai fait le ménage, Duinroos est celle que je préfère. Torenzicht, Kiekendief, Jojanneke et D’instuif, je m’en suis débarrassée au fil des années. De belles maisons, je ne dis pas, où l’on a posé du carrelage et du lino, bien plus faciles d’entretien que Duinroos, mais ça faisait trop, il a fallu que je choisisse.

Pour le grand ménage de printemps, au début de la saison, je réserve une journée et demie, sans compter la lessive. Mais quel que soit le temps que je mets, à la fin, je suis toujours pressée. Les couvertures et les molletons, je les lave une fois la saison terminée, tout comme les rideaux que je ne repasse qu’au début de la saison suivante ; il m’arrive malgré cela d’oublier certaines choses. Au dernier moment, je découvre qu’il y a, une fois de plus, deux ou trois points de l’ourlet des rideaux abricot de la chambre qui se sont défaits. Il faut que j’arrange ça, sinon je sais exactement comment ça va finir : le matin, les enfants grimpent sur le lit de papa et maman, ils écartent les rideaux d’un coup sec et, en un rien de temps, c’en est fini de la couture.

Hier, j’ai bien fait d’ouvrir toutes les fenêtres et toutes les portes, de la porte-fenêtre de la véranda aux lucarnes en passant par la porte à glissière du passe-plat, pour aérer et pour chasser les odeurs d’hibernation. Aujourd’hui, il pleut pour un oui pour un non. Entre deux averses, j’ai laissé le tapis en fibre de coco dehors : il sent le moisi, et j’ai encore une fois passé l’aspirateur. Je l’avais déjà fait hier et, bien entendu, à la fin de la dernière saison, mais le sable ne cesse de remonter par les fentes du plancher. Je suis curieuse de savoir combien de kilos j’ai pu en aspirer. Cette année, ils remblaient la plage ; partout, ils ont installé des tuyaux gros comme des troncs d’arbres, mais les ouvriers auraient tout aussi bien pu se brancher directement sur mon aspirateur.

Le tapis en fibre de coco mérite d’être changé. Une bande brun orangé: il doit avoir pas loin de trente ans, un modèle des années soixante quand le brun et l’orange étaient à la mode, quoiqu’il me soit impossible d’imaginer M. Duinroos en train de l’acheter pour cette raison. Ce n’est pas à lui que je vais vanter le moindre article à la mode. Il n’a même pas le téléphone. Je lui ai écrit qu’il fallait songer à changer le tapis du séjour, je l’ai prié de bien vouloir m’en faire parvenir un nouveau ou de virer de l’argent sur mon compte afin que je puisse en dénicher un pas trop mal à Harlingen mais, pour l’instant, je n’ai aucune réponse. Pas plus d’ailleurs qu’à ma lettre l’informant que la télévision est en panne au moins depuis que je connais la maison.

Pour chasser l’hiver, j’ai mis des pommes de pin sur la table et le rebord des fenêtres ; comme cela fait des heures que je suis ici, j’ignore quelle odeur on sent quand on entre. C’est bien ça, j’entends déjà le bateau là-bas au loin. Quand je l’entends alors que je suis encore ici, j’ai l’impression d’être Cendrillon au bal. Est-ce que j’ai bien refermé le frigo ? Est-ce que j’ai accroché un nouveau rouleau de papier toilette ? Posé les allumettes près de la boîte en fer-blanc, à côté de la cuisinière ? Est-ce que j’ai éteint la radio ? Un dernier tour de la maison, sans me presser : avant de quitter le bateau, les passagers doivent attendre qu’on ait descendu les bagages.

Voilà… S’ils prennent un taxi, ils peuvent arriver d’une minute à l’autre. Il faut que je m’en aille, mais ça me chagrine un peu, car c’est la dernière fois avant longtemps que je peux tout vérifier à ma guise. Il y a des produits d’entretien dans le placard de l’évier ; sur le rebord du seau, une serpillière neuve passée deux fois à l’eau – si je ne le fais pas, elle n’absorbe rien et c’est à elle qu’ils s’en prennent quand ils n’arrivent pas à ravoir le sol. « Les locataires sont priés de laisser les lieux dans l’état de propreté qu’ils ont trouvé à leur arrivée » – la mention figure dans le contrat de location ainsi que sur le papier accroché près du chauffe-eau, dans la cuisine. On me paie uniquement pour faire le grand nettoyage de printemps et celui de la fin de la saison, on m’autorise à faire de petits achats « pour autant qu’ils sont indispensables » ; autrement, je n’ai pas à mettre les pieds ici de tout l’été. Mais on ne m’a jamais interdit non plus de venir jeter un oeil de temps en temps. C’est donc autorisé.

Le Livre, le Livre d’or, je le pose où ? Sur la table du séjour, on le voit trop; sur la table basse du coin salon, ça fait trop décoratif. Sur l’étagère, à côté des bouquins, les gens qui ne lisent jamais risquent de ne pas même le remarquer. Je veux qu’ils le voient. Ça me rend triste quand ils n’écrivent rien. S’ils le voient juste après avoir déballé leurs affaires, quand ils promènent autour d’eux un premier regard, peut-être se diront-ils, à un moment donné, dans les jours qui suivent : tiens ! et si je consignais ça dans le Livre d’or ? Tout en espérant qu’ils y pensent la veille de leur départ et ne se contentent pas de gribouiller deux phrases à la dernière minute. Genre : il a fait un temps radieux, ou au contraire un temps exécrable « mais ça n’a pas gâché notre plaisir ». Quel plaisir ? C’est ce que je me demande quand je lis une phrase pareille. Pourquoi ces personnes sont-elles venues sur l’île ? À en juger par la vaisselle qui ne passe pas ces quelques mois d’été, il y en a qui doivent se défouler ici. À certains moments, en plus de faire le ménage dans cette maison, j’aimerais que mes bras en soient les murs et mes oreilles les fenêtres. Assister à ce qui se dit et se passe à Duinroos.

Cette fois, je le pose sur le canapé d’angle. Quand le soleil se couche et qu’il fait trop froid pour un dernier tour à la plage, les locataires s’assoient là, je pense. Si j’habitais ici, c’est sur ce canapé que j’aimerais, en fin de journée, m’asseoir. On a une vue sur tout le Badweg, jusqu’à la dernière dune qui cache la mer. C’est l’endroit le plus beau, avec ces buissons qui grimpent contre la maison. En mai, quand la rose pimprenelle fleurit, on se retrouve assis au milieu des fleurs. Oui, je le pose là. On dirait que c’est sa place depuis toujours. Et la petite plume que j’ai trouvée ce matin à la lisière du bois, je la mets dans le Livre de manière à ce qu’il s’ouvre, pour les premiers locataires de l’année, sur la première page vierge.

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Commentaires
E
il me plait bien, je le note!
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