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A propos de livres...
9 mars 2013

L'atelier des miracles - Valérie Tong Cuong

l_atelier_des_miracles Jean-Claude Lattès - janvier 2013 - 264 pages

Présentation éditeur : 
Prof d’histoire-géo mariée à un politicien narcissique, Mariette est au bout du rouleau. Une provocation de trop et elle craque, envoyant valser un élève dans l’escalier. Mariette a franchi la ligne rouge. 
Millie, jeune secrétaire intérimaire, vit dans une solitude monacale. Mais un soir, son immeuble brûle. Elle tourne le dos aux flammes se jette dans le vide. Déserteur de l’armée, Monsieur Mike a fait de la rue son foyer. Installé tranquillement sous un porche, il ne s’attendait pas à ce que, ce matin, le « farfadet » et sa bande le passent à tabac. 
Au moment où Mariette, Millie et Mike heurtent le mur de leur existence, un homme providentiel surgit et leur tend la main – Jean, qui accueille dans son Atelier les âmes cassées, et dont on dit qu’il fait des miracles. 
Mais peut-on vraiment se reconstruire sans affronter ses fantômes ? Avancer en se mentant et en mentant aux autres ? Ensemble, les locataires de l’Atelier vont devoir accepter leur part d’ombre, tandis que le mystérieux Jean tire les ficelles d’un jeu de plus en plus dangereux.

Auteur : Valérie Tong Cuong a travaillé huit ans dans la communication avant de se consacrer à l’écriture et à la musique. Elle a publié sept romans et de nombreuses nouvelles. Elle écrit également pour le cinéma et la télévision.

Mon avis : (lu en mars 2013)
Mariette, Monsieur Mike et Millie sont trois abîmés de la vie. Mariette est professeur d'histoire-géo mariée à un homme politique, mère de deux adolescents, elle n'en peut plus et elle craque en giflant un élève qui la provoquait depuis des semaines, et ce dernier fait une chute dans un escalier. Millie veut faire une croix sur son passé et lorsqu'elle se retrouve à l'hôpital après l'incendie de son immeuble, elle va simuler une amnésie. Monsieur Mike est un ancien militaire devenu SDF, il se retrouve à l'hôpital après une agression. Tous les trois vont être accueilli à l'Atelier par Jean un personnage assez mystérieux. C'est un lieu où ils pourront se poser, se reposer, se reconstruire... où ils pourront espérer se donner une deuxième chance dans le vie.
Ce livre est une très jolie histoire pleine d’humanité, d'optimiste et de fraîcheur avec des personnages attachant. C'est également une réflexion sur le bénévolat et l'aide aux autres car les intentions de Jean ne sont pas si désintéressées que cela... Une très belle découverte.

Extrait : (début du livre) 
L'odeur acre, violente, s'insinuait dans chaque espace libre de mon corps, me piquait le nez et la gorge, assaillait mon cerveau englué de sommeil de ses rafales hargneuses.
Je refusais de me réveiller. Je voulais dormir jusqu'au bout de la nuit et, tant qu'à faire, jusqu'au bout du week-end. Passer directement du vendredi soir au lundi matin, sans respirer, sans rêver, sans penser, d'une seule traite, d'une seule lutte.
Comme un enfant maladroit traverse la piscine sous l'eau, poussé par le maître nageur et les huées de ses camarades, épuisant ses ultimes réserves d'air pour atteindre le bord opposé, caressant la mort, l'admettant déjà. Puis soudain, agrippant de ses doigts tendus la pierre poreuse, regonfle ses poumons et surgit en s'ébrouant, à la fois étourdi et reconnaissant d'avoir survécu.
La toux brûlante m'arrachait à la nuit. J'ai entrouvert les yeux. Face à moi, une longue langue de fumée sombre se mouvait en silence à travers la fenêtre entrebâillée, léchant le papier peint jauni jusqu'au plafond.
Le feu ! Mon corps s'est soulevé dans un spasme, je n'étais plus sûre d'être éveillée, j'avais l'esprit scindé en deux, une moitié criant, Eh bien voilà, Millie, c'est l'heure des comptes, l'heure de vérité, celle de payer et de les rejoindre car après tout il faut bien que quelqu'un expie ! L'autre moitié se rebellant, refusant, Ne pas faire de lien hâtif, fuir les signes, les concordances, la psychologie de comptoir, cet incendie est le fruit du hasard, forcément, un accident, une pure coïncidence, alors se concentrer et agir, puisque le feu tue.

Je m'étais écroulée quelques heures plus tôt sur le canapé-lit, titubante, toute habillée, pas démaquillée, même pas les dents brossées. Incapable de faire un geste supplémentaire, à bout de forces.
J'étais pourtant intransigeante sur les règles de soin et d'hygiène. Je me lavais les mains cent fois par jour et les cheveux à chaque douche. Je me frottais à la pierre ponce, vérifiais mes ongles à tout instant, traquais la poussière matin et soir, lessivais entièrement le sol une fois par semaine. Au bureau - lorsque j'avais un emploi -, armée de lingettes désinfectantes commandées par cartons, je nettoyais tout ce qui se trouvait à ma portée. Rédigeais des check-lists : vider les pots à crayons des éclats de mine, ranger les tiroirs, vérifier les agrafeuses après chaque usage, débrancher les imprimantes en fin de journée. Il m'était même arrivé de faire les vitres, un jour où j'avais terminé mon travail en avance. Une initiative peu appréciée par la directrice de l'agence d'intérim qui m'avait sèchement mise en garde : si je tenais à demeurer dans ses fichiers, il faudrait m'en tenir aux tâches de secrétariat décrites dans mon contrat. Des laveurs de carreaux et des femmes de ménage, l'agence en avait plein ses registres.
Cette société me fournissait les deux tiers de mes missions : je m'étais donc excusée platement et avais réservé mes pulsions purificatrices à une sphère strictement privée.

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1 mars 2013

Le Roi n'a pas sommeil - Cécile Coulon

 Lu dans le cadre du Challenge Un mot, des titres...
un_mot_des_titres 

Le mot : ROI

le_roi_n_a_pas_sommeil Viviane Hamy - janvier 2012 - 143 pages

Quatrième de couverture :
« Ce que personne n'a jamais su, ce mystère dont on ne parlait pas le dimanche après le match, cette sensation que les vieilles tentaient de décortiquer le soir, enfouies sous les draps, cette horreur planquée derrière chaque phrase, chaque geste, couverte par les capsules de soda, tachée par la moutarde des hot-dogs vendus avant les concerts ; cette peur insupportable, étouffée par les familles, les chauffeurs de bus et les prostituées, ce que personne n'a pu savoir, c'est ce que Thomas avait ressenti quand le flic aux cheveux gras lui avait passé les bracelets, en serrant si fort son poignet que le sang avait giclé sur la manche de sa chemise. »

Tout est là : le mutisme, le poids des regards, l'irrémédiable du destin d'un enfant sage, devenu trop taciturne et ombrageux. Thomas Hogan aura pourtant tout fait pour exorciser ses démons - les mêmes qui torturaient déjà son père.
Quand a-t-il basculé ? Lorsque Paul l'a trahi pour rejoindre la bande de Calvin ? Lorsqu'il a découvert le Blue Budd, le poker et l'alcool de poire ? Lorsque Donna l'a entraîné naïvement derrière la scierie maudite ?
La sobriété du style de Cécile Coulon - où explosent soudain les métaphores - magnifie l'âpreté des jours, communique une sensation de paix, de beauté indomptable, d'indicible mélancolie.
Méfiez-vous des enfants sages, écrit par une jeune fille de vingt ans, avait plus qu'impressionné les lecteurs. Ils seront éblouis par Le Roi n'a pas sommeil.

Auteur : Cécile Coulon est née en 1990. Elle poursuit ses études de Lettres Modernes à Clermont-Ferrand. À dix-sept ans, elle publie un premier roman (inspiré de L’ Éducation sentimentale de Flaubert), Le Voleur de vie, puis un recueil de nouvelles Sauvages. Outre Steinbeck, Maupin, Bret Easton Ellis, Proust, elle est passionnée de cinéma (Pasolini, La Nuit du chasseur, The Big Lebowski, L’Année dernière à Marienbad, etc ...) et de musique (Elvis Presley, Jerry Lee Lewis, Chuck Berry, Ramones).

Mon avis : (lu en février 2013)
J'avais entendu de ce livre à sa sortie, lorsque la jeune auteur avait été invitée à La Grande Librairie, j'avais noté le titre de son livre dans ma LAL et le rendez-vous Un mot des titres est l'occasion toute trouvé pour le découvrir.
Nous sommes dans les États-Unis des années 30, dans une région forestière et rurale. Le livre s'ouvre sur l'issue sombre de l'histoire avec l'arrestation de Thomas Hogan et la douleur de sa mère. L'auteur revient alors sur la genèse du récit.
Thomas Hogan est le fils de Mary et William. Contrairement à son père qui est une force de la nature, c'est un jeune enfant frêle et fragile. William est autoritaire et bourru, il meurt assez jeune à la suite d'un accident de travail. Thomas va alors grandir seul avec sa mère, enfant timide et sage, à l'adolescence il est mal dans sa peau, une révolte gronde en lui...
Un récit sombre, une très belle écriture et un livre plutôt sympathique.

Extrait : (début du livre)
Ce que personne n'a jamais su, ce mystère dont on ne parlait pas le dimanche après le match, autour d'une bière fraîche, cette sensation que les vieilles tentaient de décortiquer le soir, enfouies sous les draps, ce poids, cette horreur planquée derrière chaque phrase, chaque geste, couverte par les capsules de soda, tachée par la moutarde des hot-dogs vendus avant les concerts ; cette peur insupportable, étouffée par les familles, les écoliers, les chauffeurs de bus et les prostituées, ce que personne n'a pu savoir, c'est ce que Thomas avait ressenti quand le flic aux cheveux gras était venu lui passer les bracelets, en serrant si fort son poignet que le sang avait giclé sur la manche de sa chemise.

Ce type, uniforme neuf et godasses de mirliton, ne souriait pas. Il portait les deux boucles de métal pendues à sa ceinture comme des boules de Noël à la branche d'un sapin. Thomas n'était qu'une fripouille de plus, une espèce de charognard qu'il aurait fallu tuer dans l'oeuf.
Bingo. Je vais l'envoyer dans un endroit où tu pourras tâter des barres de fer toute la sainte journée. Tu dois payer. Crois-moi, si j'en avais eu l'occasion, je t'aurais dérouillé depuis longtemps.

Personne n'a jamais su.

Quand la mère de Thomas s'est précipitée hors de chez elle, sa robe à moitié défaite, ils n'ont pas vraiment compris.
Elle a crié plus fort que les sirènes de toutes les casernes de la région. Le vieux Puppa, assis sur son fauteuil délabré, n'a pas bougé d'un pouce ; ses yeux sont restés clos, sa bouche émettait de drôles de grincements : les gonds d'une porte de saloon. Puppa connaissait Mary depuis sa plus tendre enfance. Ils avaient joué au billard, trouvé des planques pour fumer leurs premières cigarettes, mangé des hamburgers avec les autres poulettes de la ville.
Ils s'étaient frottés les uns contre les autres sur des couvertures qui sentaient le sapin et le whisky frelaté.
Elle criait à la manière d'un poulain qu'on égorge. Quand sa voix s'était muée en un hennissement de désespoir, les souvenirs du vieillard avaient surgi d'un coup d'un seul. Ils chuchotaient, bourdonnaient en lui telles des abeilles autour d'un pissenlit. Tandis que Mary perdait les pédales au milieu de la rue principale, Puppa s'était rendu compte qu'il ne savait pas pourquoi Thomas avait pris le mauvais tournant au moment où tout lui souriait. Il n'y avait aucune raison, se disait-il, pour que cette histoire se termine ainsi.

 

28 février 2013

Heureux les heureux - Yasmina Reza

Lu dans le cadre du Prix Relay des Voyageurs 
Sélection mars

heureux_les_heureux Flammarion - janvier 2013 - 220 pages

Quatrième de couverture :
Dans le 95, qui va de la place Clichy à la porte de Vanves, je me suis souvenue de ce qui m'avait enchaînée à Igor Lorrain. Non pas l'amour, ou n'importe lequel des noms qu'on donne au sentiment, mais la sauvagerie. Il s'est penché et il a dit, tu me reconnais ? J'ai dit, oui et non. Il a souri. Je me suis souvenue aussi qu'autrefois je n'arrivais jamais à lui répondre avec netteté. – Tu t'appelles toujours Hélène Barnèche ? – Oui. – Tu es toujours mariée avec Raoul Barnèche ? – Oui. J'aurais voulu faire une phrase plus longue, mais je n'étais pas capable de le tutoyer. Il avait des cheveux longs poivre et sel, mis en arrière d'une curieuse façon, et un cou empâté. Dans ses yeux, je retrouvais la graine de folie sombre qui m'avait aspirée. Je me suis passée en revue mentalement. Ma coiffure, ma robe et mon gilet, mes mains. Il s'est penché encore pour dire, tu es heureuse ?J'ai dit, oui, et j'ai pensé, quel culot. Il a hoché la tête et pris un petit air attendri, tu es heureuse, bravo.

Auteur : Fille d'un ingénieur russe d'origine iranienne et d'une violoniste hongroise, Yasmina Reza, née en 1959 à Paris, a étudié le théâtre et la sociologie à Nanterre. En 1994, elle acquiert une notoriété internationale avec sa pièce Art. Les suivantes ont également été adaptées en quelque trente-cinq langues et produites dans les salles les plus prestigieuses du monde entier. Son récit de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, L'Aube le soir ou la nuit, est devenu un best-seller, et son oeuvre littéraire compte aussi HammerklavierUne désolation, ou encore Dans la luge d'Arthur Schopenhauer

Mon avis : (lu en février 2013)
C'est la première fois que je lis cette auteur même si je la connaissais de nom et que je l'ai déjà vu ou entendu dans des émissions littéraires.
Une vingtaine de chapitres, autant de monologues et de narrateurs... Et chacun des personnages croise à un moment les autres personnages.
Au début, j'ai trouvé assez déstabilisant ce livre car je ne voyais aucun lien entre les premiers chapitres, puis j'ai compris le principe des vies qui se croisent.
J'ai fini par prendre une feuille de papier et noter au fur et à mesure les noms des personnages rencontrés car je commençais à m'y perdre un peu... 
Un très beau titre, plein d'espoir, qui promet beaucoup et pourtant j'ai été déçue car les différentes histoires narrent des moments ordinaires de la vie, naissance, mort, tromperie, solitude, attente dans une salle d'attente, courses dans un supermarché... Et cela ne transpire pas vraiment le bonheur... Cela ce lit pourtant très bien, l'écriture est très belle. L'idée de ce récit choral est originale mais le fond ne m'a pas emportée.

Extrait : (page 20) 
A l'époque lointaine de mon mariage, dans l'hôtel où nous allions l'été en famille, il y avait une femme qu'on voyait chaque année. Enjouée, élégante, les cheveux gris taillés à la sportive. Omniprésente, elle allait de groupe en groupe et dînait chaque soir à des tables différentes. Souvent, en fin d'après-midi, on la voyait assise avec un livre. Elle se mettait dans un angle du salon afin de conserver un oeil sur les allées et venues. Au moindre visage familier, elle s'illuminait et agitait son livre comme un mouchoir. Un jour elle est arrivée avec une grande femme brune en jupe plissée vaporeuse. Elles ne se quittaient pas. Elles déjeunaient devant le lac, jouaient au tennis, jouaient aux cartes. J'ai demandé qui était cette femme et on m'a dit une dame de compagnie. J'ai accepté le mot comme on accepte un mot ordinaire, un mot sans signification particulière. Chaque année à la même époque, elles apparaissaient et je me disais, voilà madame Compain et sa dame de compagnie. Ensuite il y a eu un chien, tenu en laisse par l'une ou l'autre, mais il appartenait visiblement à madame Compain. On les voyait s'en aller le matin tous les trois, le chien les tirait en avant, elles essayaient de le contenir en modulant son nom sur tous les tons, sans aucun succès. En février, cet hiver, donc bien des années plus tard, je suis partie à la montagne avec mon fils déjà grand. Lui fait du ski bien sûr, avec ses amis, moi je marche. J'aime la marche, j'aime la forêt et le silence. A l'hôtel, on m'indiquait des promenades mais je n'osais pas les faire parce qu'elles étaient trop éloignées. On ne peut pas être seule trop loin dans la montagne et dans la neige. J'ai pensé, en riant, que je devrais mettre une annonce à la réception, femme seule cherche quelqu'un d'agréable avec qui marcher. Aussitôt je me suis souvenue de madame Compain et de sa dame de compagnie, et j'ai compris ce que voulait dire dame de compagnie. J'ai été effrayée de cette compréhension, parce que madame Compain m'avait toujours fait l'effet d'une femme un peu perdue. Même quand elle riait avec les gens. Et peut-être, quand j'y pense, surtout quand elle riait et s'habillait pour le soir. Je me suis tournée vers mon père, c'est-à-dire j'ai levé les yeux au ciel et j'ai murmuré, papa, je ne peux pas devenir une madame Compain ! Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas adressée à mon père. Depuis que mon père est mort, je lui demande d'intervenir dans ma vie. Je regarde le ciel et lui parle à voix secrète et véhémente. C'est le seul être à qui je peux m'adresser quand je me sens impuissante. En dehors de lui, je ne connais personne qui ferait attention à moi dans l'au-delà. Il ne me vient jamais à l'idée de parler à Dieu. J'ai toujours considéré qu'on ne pouvait pas déranger Dieu. On ne peut pas lui parler directement. Il n'a pas le temps de s'intéresser à des cas particuliers. Ou alors à des cas exceptionnellement graves. Dans l'échelle des implorations, les miennes sont pour ainsi dire ridicules. J'éprouve le même sentiment que mon amie Pauline quand elle a retrouvé un collier, hérité de sa propre mère, perdu dans des herbes hautes. En passant par un village, son mari a arrêté la voiture pour se précipiter dans l'église. La porte était fermée, il s'est mis à secouer le loquet de façon frénétique. Mais qu'est-ce que tu fais ? - Je veux remercier Dieu, il a répondu. - Dieu s'en fout ! - Je veux remercier la Sainte Vierge - Ecoute Hervé, si Dieu il y a, si Sainte Vierge il y a, tu crois qu'au vu de l'univers, des malheurs terriens et de tout ce qui s'y passe, mon collier leur importe ? !... Donc j'invoque mon père qui me semble plus atteignable. Je lui demande des services bien définis. Peut-être parce que les circonstances me font désirer des choses précises, mais aussi, souterrainement, pour mesurer ses capacités. C'est toujours le même appel à l'aide. Une supplique pour le mouvement. Mais mon père est nul. Il ne m'entend pas ou ne possède aucun pouvoir. Je trouve lamentable que les morts n'aient aucun pouvoir. Je désapprouve cette partition radicale des mondes. De temps en temps, je lui accorde un savoir prophétique. Je pense : il n'accède pas à tes demandes car il sait qu'elles ne vont pas dans le sens de ton bien. Ça m'énerve, j'ai envie de dire de quoi tu te mêles, mais au moins je peux considérer sa non-intervention comme un acte délibéré. C'est ce qu'il a fait avec Jean-Gabriel Vigarello, le dernier homme dont je me suis éprise. Jean-Gabriel Vigarello est un de mes collègues, professeur de mathématiques au lycée Camille-Saint-Saëns, où je suis moi-même professeur d'espagnol. Avec le recul, je me dis que mon père n'a pas eu tort. Mais le recul, c'est quoi ? C'est la vieillesse. Les valeurs célestes de mon père m'exaspèrent, elles sont très bourgeoises si on réfléchit. De son vivant, il croyait aux astres, aux maisons hantées et à toutes sortes de babioles ésotériques. Mon frère Ernest, qui a pourtant fait de sa mécréance un motif de vanité, lui ressemble chaque jour un peu plus. Récemment, je l'ai entendu reprendre à son compte "les astres inclinent et ne prédestinent pas". Mon père raffolait de la formule, je l'avais oublié, il y ajoutait de façon quasi menaçante le nom de Ptolémée. J'ai pensé, si les astres ne prédestinent pas, que pouvais-tu savoir papa de l'avenir immanent ? Je me suis intéressée à Jean-Gabriel Vigarello le jour où j'ai remarqué ses yeux. Ce n'était pas facile de les remarquer étant donné sa coiffure, des cheveux longs, anéantissant le front, une coiffure à la fois laide et impossible pour quelqu'un de son âge. J'ai tout de suite pensé, cet homme a une femme qui ne prend pas soin de lui (il est marié bien entendu). On ne laisse pas un homme de presque soixante ans avec cette coiffure. 

 

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 Challenge Petit BAC 2013
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"Sentiment"

21 février 2013

Les yeux jaunes des crocodiles – Katherine Pancol

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Audiolib – décembre 2010 – lu Marie-Eve Dufresne 19 heures

Albin Michel – mars 2006 – 651 pages

Livre de Poche – mai 2007 – 672 pages

Quatrième de couverture :
Ce roman se passe à Paris. Et pourtant on y croise des crocodiles.
Ce roman parle des hommes. 
Et des femmes. Celles que nous sommes, celles que nous voudrions être, celles que nous ne serons jamais, celles que nous deviendrons peut-être.
Ce roman est l'histoire d'un mensonge. Mais aussi une histoire d'amours, d'amitiés, de trahisons, d'argent, de rêves.
Ce roman est plein de rires et de larmes.
Ce roman, c'est la vie.

Auteur : Née à Casablanca, Katherine Pancol, après des études de lettres et un bref passage dans l’enseignement, devient journaliste à Elle, Paris-Match, Cosmopolitan, où elle publie des portraits très remarqués. Un premier roman en 1979, Moi d'abord confirme la naissance d'un écrivain aigu et brillant. Suivront de nombreux romans dont Les hommes cruels ne courent pas les rues, J’étais là avant, Un homme à distance,Embrassez-moi, etc. Elle rentre en France en 1991 et continue à écrire. En 2006 et 2008, Les Yeux jaunes des crocodiles et La valse lente des tortues  et en 2010 Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi séduisent un immense public.

Mon avis : (écouté en février 2013)
Un livre très distrayant, une saga familiale avec beaucoup de personnages haut en couleur, au début j’ai eu un peu de mal à m’y retrouver. Iris et Joséphine sont deux sœurs très différentes. L’aînée, Iris est belle et riche mariée à Philippe, avocat, ils ont un fils Alexandre. La cadette, Joséphine discrète qui s’est toujours effacée derrière sa sœur, historienne de formation, elle vient de quitter son mari Antoine et elle élève seule ses deux filles Hortense et Zoé. Iris a beaucoup d'argent, Joséphine a du mal à joindre les deux bouts... 

C'est une histoire de mensonge, avec des personnages attachants ou terriblement agaçants, il y a de nombreux rebondissements, de l'humour, des péripéties parfois peu crédibles mais le rythme et la construction du livre donne envie au lecteur de connaître la suite et la fin de cette histoire…
Une lecture vraiment sympathique et à l’occasion, je lirai (ou écouterai) la suite, j’ai déjà le tome 3 dans ma PAL…

Le livre est actuellement adapté au cinéma (tournage en cours) avec Cécile Telerman à la réalisation et Emmanuelle Béart (Iris), Julie Depardieu (Joséphine), Jacques Weber (Marcel), Patrick Bruel (Philippe) et Karole Rocher (Josyane) comme acteurs.

Extrait : (début du livre)
Joséphine poussa un cri et lâcha l’éplucheur. Le couteau avait dérapé sur la pomme de terre et entaillé largement la peau à la naissance du poignet. 
Elle avait besoin de pleurer. Elle ne savait pas pourquoi. Elle avait de trop bonnes raisons. Celle-là ferait l’affaire. Elle chercha des yeux un torchon s’en empara et l’appliqua en garrot sur la blessure. Je vais devenir fontaine, fontaine de larmes, fontaine de sang, fontaine de soupirs, je vais me laisser mourir…

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Challenge Petit BAC 2013
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"Partie du corps"

 Lire sous la contrainte

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5ème session : couleur

20 février 2013

La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert - Joël Dicker

Lecture Commune 
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avec  Sandrine

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Editions de Fallois - septembre 2012 - 670 pages

Grand Prix du Roman de l'Académie Française

Prix Goncourt des Lycéens 2012

Quatrième de couverture :
À New York, au printemps 2008, alors que l’Amérique bruisse des prémices de l’élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente : il est incapable d’écrire le nouveau roman qu’il doit remettre à son éditeur d’ici quelques mois. Le délai est près d’expirer quand soudain tout bascule pour lui : son ami et ancien professeur d’université, Harry Quebert, l’un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d’avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison. Convaincu de l’innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements : l’enquête s’enfonce et il fait l’objet de menaces. Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d’écrivain, il doit absolument répondre à trois questions : Qui a tué Nola Kellergan ? Que s’est-il passé dans le New Hampshire à l’été 1975 ? Et comment écrit-on un roman à succès ? Sous ses airs de thriller à l’américaine, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est une réflexion sur l’Amérique, sur les travers de la société moderne, sur la littérature, sur la justice et sur les médias.

Auteur : Joël Dicker est né à Genève en 1985. La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est son deuxième roman. Il y dépeint une Amérique qu’il connaît bien pour y avoir beaucoup voyagé et longuement séjourné.

Mon avis : (lu en février 2013)
Cela fait un bon moment que je voulais découvrir ce livre, mais sa taille me l'a fait souvent remettre dans ma PAL. C'est la proposition de Sandrine d'en faire lecture commune qui m'a enfin décidé et je ne le regrette pas !
Harry Quebert est un célèbre écrivain américain, les restes d'une jeune fille Nola, disparue il y a trente-trois ans, sont retrouvés dans son jardin. Il est arrêté et accusé du meurtre de Nola. Son ancien élève, Marcus Goldman, se refuse de croire Harry coupable et il va donc mener sa propre enquête pour découvrir la vérité. Le lecteur découvre Aurora et ses habitants, l'ambiance d'une petite ville américaine. Marcus Goldman est lui-même écrivain après un premier succès de librairie, depuis dix-huit mois, il souffre du syndrome de la page blanche. Cette enquête sera l'occasion de retrouver l'inspiration et d'écrire un nouveau livre. 
Dès le début, ce livre soulève de nombreuses questions, et il m'a été impossible de le lâcher, j'avais vraiment hâte de découvrir la Vérité ! Quelle relation existait-il entre Harry et Nola ? Qui est coupable ? Que c'est-il vraiment passé dans la soirée du 30 août 1975 ? 

Un livre très original, un livre tiroir, il y a plusieurs histoires en une, le passé, le présent, l'histoire d'Harry Quebert, de Marcus Goldman, de Nola, de... La forme est également originale, les chapitres du livre sont numérotés dans l'ordre décroissant, chaque chapitre est introduit par un conseil d'Harry à Marcus pour comment devenir écrivain...
J'ai beaucoup aimé ce livre même si en fin de livre le lecteur découvre qu'il s'est fait totalement manipulé ou berné par l'auteur... Le seul petit reproche est pour la longueur du livre... il y avait certainement moyen de le raccourcir.
Un roman à découvrir pour son originalité, son efficacité et le sens du suspense de son auteur !

Allons voir maintenant l'avis de Sandrine !

Extrait : (page 19)
Au début de l'année 2008, soit environ un an et demi après être devenu, grâce à mon premier roman, la nouvelle coqueluche des lettres américaines, je fus frappé d'une terrible crise de page blanche, syndrome qui, paraît-il, n'est pas rare chez les écrivains ayant connu un succès immédiat et fracassant. La maladie n'était pas venue d'un coup : elle s'était installée en moi lentement. C'était comme si mon cerveau, atteint, s'était figé peu à peu. A l'apparition des premiers symptômes, je n'avais pas voulu y prêter attention : je m'étais dit que l'inspiration reviendrait le lendemain, ou le jour d'après, ou le suivant peut-être. Mais les jours, les semaines et les mois avaient passé et l'inspiration n'était jamais revenue.
Ma descente aux enfers s'était décomposée en trois phases. La première, indispensable à toute bonne chute vertigineuse, avait été une ascension fulgurante : mon premier roman s'était vendu à deux millions d'exemplaires, me propulsant, à l'âge de vingt-huit ans, au rang d'écrivain à succès. C'était l'automne 2006 et en quelques semaines mon nom devint un nom : on me vit partout, à la télévision, dans les journaux, en couverture des magazines. Mon visage s'affichait sur d'immenses panneaux publicitaires dans les stations de métro. Les critiques les plus sévères des grands quotidiens de la côte Est étaient unanimes : le jeune Marcus Goldman allait devenir un très grand écrivain.
Un livre, un seul, et je me voyais désormais ouvrir les portes d'une nouvelle vie : celle des jeunes vedettes millionnaires. Je déménageai de chez mes parents à Newark pour m'installer dans un appartement cossu du Village, je troquai ma Ford de troisième main pour une Range Rover noire flambant neuve aux vitres teintées, je me mis à fréquenter les restaurants huppés, je m'attachai les services d'un agent littéraire qui gérait mon emploi du temps et venait regarder le base-ball sur un écran géant dans mon nouveau chez-moi. Je louai, à deux pas de Central Park, un bureau dans lequel une secrétaire un peu amoureuse et prénommée Denise triait mon courrier, préparait mon café et classait mes documents importants.
Durant les six premiers mois qui suivirent la sortie du livre, je m'étais contenté de profiter de la douceur de ma nouvelle existence. Le matin, je passais à mon bureau pour parcourir les éventuels articles à mon sujet et lire les dizaines de lettres d'admirateurs que je recevais quotidiennement et que Denise rangeait ensuite dans des grands classeurs. Puis, content de moi-même et jugeant que j'avais assez travaillé, je m'en allais flâner dans les rues de Manhattan, où les passants bruissaient à mon passage. Je consacrais le reste de mes journées à profiter des nouveaux droits que la célébrité m'octroyait : droit de m'acheter tout ce dont j'avais envie, droit aux loges VIP du Madison Square Garden pour suivre les matchs des Rangers, droit de marcher sur des tapis rouges avec des stars de la musique dont j'avais, plus jeune, acheté tous les disques, droit de sortir avec Lydia Gloor, l'actrice principale de la série télé du moment et que tout le monde s'arrachait. J'étais un écrivain célèbre j j'avais l'impression d'exercer le plus beau métier au monde. Et, certain que mon succès durerait toujours, je ne m'étais pas soucié des premiers avertissements de mon agent et de mon éditeur qui me pressaient de me remettre au travail et de commencer à écrire mon second roman.

 

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39/50 :  New Hampshire

 Challenge Thriller 

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catégorie "Même pas peur" : 29/12

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7 février 2013

Le terroriste noir – Tierno Monénembo

le_terrorisme_noir Seuil – août 2012 – 224 pages

Quatrième de couverture :
Tout commence en lisière de la forêt des Vosges, un jour de 1940, quand un père et son fils partis cueillir des champignons tombent par hasard sur un « pauvre nègre » endormi au pied des arbres. Conduit au village, ce jeune Guinéen adopté en France à l’âge de 13 ans, à la fois austère et charmeur, y fera sensation. Il saura enflammer les cœurs, s’attirer des protections. Mais ce n’est qu’un début : en 1942, il entre en contact avec la Résistance et crée un des premiers maquis de la région. Lancés sur ses traces, les Allemands l’appelleront « le terroriste noir ». Qui a trahi Addi Bâ ? Une de ses nombreuses amantes ? Un collabo professionnel ? Ou tout simplement la rivalité opposant deux familles aux haines séculaires ? À travers cette figure fascinante, c’est tout un pan méconnu de notre histoire qui défile : ceux que l’on appelait les tirailleurs sénégalais. C’est aussi la vie quotidienne de la population des Vosges, évoquée par Tierno Monénembo avec une verve irrésistible ? comme s’il s’agissait d’un village africain.

Auteur : Né en Guinée en 1947, Tierno Monénembo a reçu le prix Renaudot pour son dernier roman, Le Roi de Kahel (2008). Son oeuvre, comprenant une dizaine d’ouvrages principalement ancrés dans l’histoire du pays peul, est une des plus importantes de la littérature africaine d’aujourd’hui.

Mon avis : (lu en février 2013)
C’est la quatrième de couverture qui m’a donné envie de découvrir ce livre. 
Ce livre est une fiction imaginée autour de l'histoire vraie d'Addi Bâ, un jeune Guinéen né vers 1916. Adopté par un Blanc, il arrive en France à l'âge de 13 ans, pendant la Seconde Guerre, il devient soldat et est affecté dans le 12e régiment des tirailleurs sénégalais. Il est capturé après la bataille de la Meuse, il réussi à s'évader et se réfugie dans les forêts, il sera recueilli par le maire et le village de Romaincourt. En 1942, il entre en contact avec la Résistance et crée le premier maquis des Vosges.« Le terroriste noir » est le surnom que lui donneront les Allemands.  
J'ai eu un peu de mal à entrer dans le livre car l'auteur alterne entre le passé et le présent dans sa narration. J'ai eu par moment du mal à me situer, dès le début j'ai mis du temps à comprendre qui était le narrateur puis le mélange passé et présent m'a embrouillé.
J'ai trouvé ce livre très intéressant du point vu historique. Les résistants de couleur ont longtemps été oubliés, pour preuve, Addis Bâ n'a reçu la médaille de la Résistance qu'en 2003 soit soixante après sa mort...

Extrait : (début du livre)
Vous a-t-on dit qu’avant son arrivée à Romaincourt, personne n’avait jamais vu de nègre, à part le colonel qui

savait tout du cœur de l’Afrique et du ventre de l’Orient ? Non, vraiment ? Vous avez tout de même entendu parler du bastringue que cela faisait en ces années-là à cause des Boches, des Ritals, des Bolcheviques, des Ingliches, des Yankees, et de tas d’autres gens qui, tous, en voulaient à la France, et avaient décidé, allez savoir pourquoi, de mettre l’univers sens dessus dessous rien que pour l’emmerder ? Le fatras, Monsieur, le grand caillon, comme cela se dit chez nous ! Des morceaux de Lorraine en Prusse, la Lettonie accolée au Siam, des éclats de Tchécoslovaquie partout, des Kanaks sur la banquise, des Lapons près de l’Équateur, et lui, ici, dans ce trou perdu des Vosges, dont il n’entendit prononcer le nom que plusieurs mois après qu’on l’eut découvert gisant, à demi-mort, à l’orée du bois de Chenois.
C’était la grande guerre, Monsieur, la chale avvaire, comme l’appelait mâmiche Léontine qui en soixante ans chez les Lorrains n’avait rien concédé de son accent du Sundgau. Vous ne pouvez pas l’ignorer, personne ne peut ignorer cette période-là, même chez vous sur les bords du Limpopo.

Ce sont les Valdenaire qui le virent pour la première fois. Le père et le fils, Monsieur, à la saison des colchiques ! Ils allaient aux jaunottes et puis le fils, surpris, poussa le cri de sa vie en entendant un bruit de bête que l’on égorge. Il ferma les yeux et pointa du doigt une masse sombre et inquiétante affalée dans un fourré d’alisiers, là où la terre semblait moins boueuse. Le père, accouru, sursauta, transpira à grosses gouttes, puis reprit très vite sa dignité :
– Mais voyons, Étienne, ce n’est là qu’un pauvre nègre.
– Un espion des Allemands, alors !
– Ils n’ont plus de nègres, les Allemands, et c’est bien
pour cela qu’il y a la guerre… Venez, fils !
– Mais, père…
– Taisez-vous, Étienne !
Les Allemands venaient de bombarder Épinal, et moi, Germaine Tergoresse, j’ignorais encore tout de votre oncle. J’ignorais qu’il s’appelait Addi Bâ et qu’il venait de s’évader d’une garnison de Neufchâteau. Surtout, j’étais loin de me douter que quelques mois plus tard, il viendrait habiter cette maison que vous voyez là, juste de l’autre côté de la rue, bouleverser la vie de ma famille et marquer pour de bon l’histoire de ce village.

Cette insolite rencontre avec les Valdenaire fut le début de tout. Je ne fus pas témoin de cette scène mais je sais que
l’on était fin septembre, un automne triste où les bombes volaient en éclats sous les pattes des daims, où les chiensloups venaient gémir jusqu’aux portes des maisons. Sonnez à n’importe quelle porte et l’on vous décrira mieux que si Renoir en avait fait un film sa petite taille, son teint de ricin, son nez de gamin, ses yeux de chat, ses habits de tirailleur, tachés de sueur et de boue, le buisson d’alisiers sous lequel il gisait, l’odeur de la tourbe, et le bruit des sangliers sous les châtaigniers.

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30 janvier 2013

Radeau – Antoine Choplin

choplin_radeau radeau_antoine_choplin_9782266153812

La Fosse Aux Ours – août 2003 – 135 pages

Pocket – juillet 2006 – 134 pages

Quatrième de couverture :
1940, En pleine débâcle, Louis, au volant d’un camion, fuit devant l’arrivée prochaine des Allemands. Sa cargaison est précieuse. Il transporte des tableaux du Louvre qu’il faut mettre à l’abri. Sur la route, il dépasse une femme. Les consignes du plan « Hirondelle » sont strictes. Il ne doit pas s’arrêter. Et pourtant...

Auteur : Né en 1962, Antoine Choplin vit près de Grenoble, où il partage son temps entre l’écriture et l’action culturelle. Il est directeur de « Scènes obliques », dont la vocation est d’organiser des spectacles vivants dans les lieux inattendus, des sites de montagne. Il est aussi l’animateur depuis 1996 du Festival de l’Arpenteur (Isère), qui chaque mois de juillet programme des rencontres inhabituelles entre des créateurs (notamment des écrivains) et le public. Il s’est fait connaître en 2003 lors de la publication de son roman, Radeau, (2003), qui a connu un vrai succès populaire (Prix des librairies « Initiales », Prix du Conseil Général du Rhône). Parmi ses derniers titres : Léger Fracas du Monde (2005), L’impasse (2006), Cairns (2007), et de Apnées (2009), Cour Nord (2010), Le héron de Guernica (2011), La nuit tombée (2012).

Mon avis : (lu en janvier 2013)
C’est le livre qui a fait connaître Antoine Choplin. Tout commence en 1940, Louis transporte dans son camion des tableaux du Louvre, il s’agit de les mettre à l’abri avant l’arrivée des Allemands. Les consignes sont strictes, il faut rouler de nuit et ne s’arrêter sous aucun prétexte. Pourtant, Louis va déroger à la règle lorsqu’il rencontrera sur sa route une jeune femme qui marche sur le bord de la route, avec comme seul but s’enfuir chez elle. Louis va accueillir Sarah dans son camion et ils feront route ensemble. Dans la deuxième partie, nous sommes en 1943, Louis et Sarah sont toujours ensemble. Ils ont retrouvé refuge avec les tableaux dans un château du Lot.
Cette deuxième partie n’a pas la même magie que la première. Je me suis posée des questions en lisant ce livre et en le terminant je n’ai pas eu toutes mes réponses… J’ai retrouvé avec plaisir le style épuré, poétique d’Antoine Choplin. Ce texte fait appel au ressenti du lecteur, le silence, l’atmosphère, l’ambiance du moment est décrit avec force dans cette histoire. Imaginez-vous l’installation d’un musée en plein air, car par une belle journée de 1943 quelques toiles ont été installées dans les jardins pour les aérer…

Extrait : (début du livre)
Il franchirait la Loire à Saumur. Emprunterait le même pont chargé d'enfance. C'était cette route-là aussi, vers le Berry de ses grands-parents, des premières vacances, des cousins éloignés et des courses de brouette, des cerises trop mûres bouffées par les oiseaux.
Quand il y pense, Louis.
C'est le soir déjà. Il conduit depuis bientôt trois heures. N'éprouve aucune fatigue.
Pourtant, il y a eu le chargement, interminable, depuis les dépôts sarthois de Louvigny, Chèreperrine, Aillières et La Pelice. Le plan « hirondelle », appliqué à la lettre. Deux jours et deux nuits, presque sans pause. De l'emballage, des centaines de caisses passées de main en main, les obligations à peine compatibles de rapidité et de minutie.
Les Allemands pas loin, on ne sait pas exactement où. Partir au plus vite, les plus gros camions d'abord, vers d'autres destinations plus au sud.
Plus tard enfin, allez, vas-y Louis et bonne route. Et téléphone pour nous dire.
La lumière tombe.
Il faudra bientôt envisager la nuit. Dormir quelques heures quand même, vers Mirebeau ou Vouillé.
Le camion ronronne sans discrétion mais avec une belle régularité. La cargaison calée désormais, et bien arrimée, ne brinquebale plus. Louis a l'esprit vagabond. Il goûte cette fuite, surtout pour sa dimension collective. Ça lui prend le ventre, tous ces camions partis ensemble sur les routes avec leurs trésors, comme les salves d'un feu d'artifice. Et lui, comme l'une d'elle.
Il grignote un peu des victuailles préparées par les filles des Musées nationaux. Pâté, biscuits secs, fromages, bouteille de rouge. Il est heureux, Louis. Il a fait un bon bout de chemin. Demain soir, il devrait être rendu. Après, il n'y aura qu'à attendre les instructions.

 

Déjà lu du même auteur :

le_h_ron_de_guernica Le héron de Guernica 5600 La nuit tombée 

cour_nord Cour Nord

 

 

29 janvier 2013

06H41 - Jean-Philippe Blondel

Lu dans le cadre du Prix Relay des Voyageurs
Sélection février : Nominé

6h41 Buchet Chastel - janvier 2013 - 240 pages

Quatrième de couverture : 
Le train de 06h41, départ Troyes, arrivée Paris. Bondé, comme tous les lundis matins. Cécile Duffaut, 47 ans, revient d’un week-end épuisant chez ses parents. Elle a hâte de retrouver son mari, sa fille et sa situation de chef-d’entreprise. La place à côté d’elle est libre. S’y installe, après une légère hésitation, Philippe Leduc. Cécile et lui ont été amants vingt-sept ans auparavant, pendant quelques mois. Cela s’est très mal passé. A leur insu, cette histoire avortée et désagréable a profondément modifié leurs chemins respectifs. Tandis que le train roule vers Paris et que le silence s’installe, les images remontent. Ils ont une heure et demie pour décider de ce qui les attend.

Auteur : Né en 1964, Jean-Philippe Blondel est professeur d'anglais dans un lycée à côté de Troyes. Après son premier roman, Accès direct à la plage (2003), qui a rencontré un vif succès, il a publié plusieurs romans, This is not a love song (2007), Le baby-sitter (2010), G229 (2011) et récemment Et rester vivant (2011). Il a écrit aussi des romans pour adolescents, comme Blog (2010) et (Re)play ! (2011).

Mon avis : (lu en janvier 2013) 
6h41, c'est l'heure du train du lundi matin Troyes Paris. Cécile Duffaut revient d'un week-end passé chez ses parents. 
Philippe Leduc vit depuis toujours à Troyes, ce matin il « monte » à Paris pour aller voir un ami à l'hôpital. Ils vont se retrouver assis l'un à côté de l'autre dans le train de 6h41.
L'un et l'autre se connaissent, il y a 27 ans, ils ont eu une histoire ensemble dont ils gardent un souvenir plutôt amer. A l'époque, Cécile était une fille assez transparente, Philippe était le garçon populaire et sûr de lui. Aujourd'hui Philippe a pris de l'embonpoint, il est divorcé et travaille comme vendeur dans un grand magasin. Cécile a pris de l'assurance, mariée avec un enfant, elle vit et travaille comme chef-d’entreprise à Paris.
En silence, l'un à côté de l'autre, Cécile et Philippe se reconnaissent mais n'en laissent rien paraître et à tour de rôle ce voyage en train est l'occasion de revenir sur leurs parcours de vie du passé jusqu'au présent.

En commençant ce livre, j'imaginais plutôt une histoire autour des voyages en train, un quotidien que je connais bien et où il y aurait matière à raconter, mais après la lecture de ce roman et quelques jours de réflexion pour écrire ce billet, je reconnais que cette histoire est plus profonde que cela... Faire un retour sur notre passé à l'occasion d'une rencontre ou d'un souvenir qui s'impose, cela nous fait souvent réfléchir à notre vie, aux chemins que l'on a pris, sont-ils ceux que l'on imaginait il y a 20 ans, 30 ans...

 

Extrait : (page 17)
J’aime bien les trains. Les heures passées à ne rien faire de particulier. On prépare un sac pour le trajet – pareil que les enfants quand ils sont encore petits. On y fourre deux livres de poche, des chewing-gums, une bouteille d’eau – pour un peu on y mettrait aussi sa couverture fétiche. Tout pour que le temps passe agréablement. En arrivant à la gare, on traîne même du côté des magazines, et on en achète un, de préférence sur les riches et célèbres. C’est comme si on allait à la plage – et, comme à la plage, on n’ouvre ni les romans, ni le magazine, on ne mâche pas de sucreries et on oublie même de s’hydrater. On est hypnotisé par le paysage qui défile ou par le rythme des vagues.
Le seul train que je déteste, c’est celui du dimanche soir pour Paris. Quand je faisais mes études, c’était le train de la déprime et du déracinement. J’arrivais gare de l’Est le moral dans les chaussettes. C’est ici que sont mes racines. Je l’ai toujours su. Je suis un coq de basse-cour. À Paris, je n’étais rien. Mais c’est loin tout ça. Ce qui reste, c’est cette haine du train du dimanche soir. C’est pour ça que je suis là si tôt ce matin. J’aurais pu prendre le 21 h 15 hier et dormir dans l’appartement de Mathieu, puisque j’ai les clés, mais je ne le sentais pas. Je préfère mettre le réveil, me lever tandis que la nuit est encore là puis me diriger vers la gare. Sur le chemin, il y a des dizaines d’ombres comme moi. Sauf qu’eux font le trajet tous les jours. Pour moi, c’est exceptionnel. Les trains suivants arrivent trop tard à Paris – 10 h 30, 11 h 30, la journée est bien entamée, on a l’impression d’arriver au milieu de la fête.
 
Une journée détachée des autres.
Unique.
Une entorse à l’emploi du temps.
Je commence à dix heures, le lundi et j’enquille jusqu’à dix-neuf heures, au magasin. Tout à l’heure, de Paris, je téléphonerai pour dire que je ne peux pas venir aujourd’hui. Que je rattraperai les heures. Qu’il y a urgence familiale. Au bout du fil, je sais que la secrétaire s’inquiétera. En vingt ans dans ce supermarché, je n’ai pas été absent un seul jour – à part pour mon lumbago il y a quatre ans. Je promettrai des explications, quand je reviendrai, le lendemain. Parce que je reviens demain. Normalement. Ou il faut que je trouve un docteur qui me donne quelques jours d’arrêt. Je me demande si Jérôme pourrait faire ça. Peut-être, après tout. Ce serait curieux. Mais Jérôme est tellement gentil. Mieux que ça. C’est un saint. Un saint qui s’est occupé de recueillir ma femme et mes enfants après le divorce. Qui leur offre, depuis, une atmosphère conviviale faite de confort et de chaleur, qui manquait singulièrement dans leur famille originelle les derniers temps.

 

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 Déjà lu du même auteur :

juke_box Juke Box  au_rebond Au rebond

le_baby_sitter  Le Baby-sitter G229 G229  blog Blog

5317 Et rester vivant replay (Re)play  brise_glace Brise glace

acc_s_direct___la_plage Accès direct à la plage

 

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25 janvier 2013

Lame de fond – Linda Lê

lame_de_fond Christian Bourgois – août 2012 - 276 pages

Quatrième de couverture :
« Je n'ai jamais été bavard de mon vivant. Maintenant que je suis dans un cercueil, j'ai toute latitude de soliloquer. Depuis que le couvercle s'est refermé sur moi, je n'ai qu'une envie : me justifier, définir mon rôle dans les événements survenus, donner quelques clés pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui n'est qu'un fait divers. Je n'ai pas un penchant au regret, mais il me faut faire mon examen de conscience, si inutile qu'il soit désormais. Le souvenir que je laisse est celui d'un partisan des solutions hybrides, habitué à ajourner, soucieux de n'exaspérer personne, de ne pas empirer les choses en manquant de diplomatie. Je ne suis pas un de ces vieux hiboux formalistes, ni un de ces faiseurs d'embarras toujours persuadés d'être supérieurs à tout le monde. Non, j'ai veillé à ne pas incommoder mes proches, pas seulement par horreur des dissensions domestiques, mais parce que je ne suis pas un homme à problèmes. »

Auteur : Linda Lê est née en 1963. Elle habite Paris. Depuis Dalat, sa ville natale du Viêt-nam, jusqu'à Paris, il y a eu de nombreuses étapes : Saïgon d'abord et ses études au lycée français, puis après la chute de Saïgon, son rapatriement en France avec sa mère française et sa sœur. Après avoir publié très jeune trois livres, elle a publié Les Evangiles du crime dont une presse unanime a salué l'originalité exceptionnelle. En 1993, Christian Bourgois a édité son cinquième livre, le roman Calomnies (traduit et publié aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et au Portugal) puis en 1995, Les dits d'un idiot. Les Trois Parques et Voix ont paru chez Christian Bourgois Editeur en 1998, Lettre morte en 1999, Personne en 2003, Kriss/L'homme de Porlock en 2004, In memoriam en 2007 et Cronos en 2010. Linda Lê obtient le prix Wepler-Fondation de la Poste 2010 pour Cronos.

Mon avis : (lu en janvier 2013)
Quatre personnages qui prennent tour à tour la parole pour nous raconter l'histoire d'une famille et ses secrets.
Le premier personnage, c'est Van, il est né en 1963 au Vietnam et est venu à Paris à l'âge de 16 ans pour faire des études. Il aime la langue française, les expressions oubliées ou désuètes, il travaille comme correcteur. Lorsque l'histoire commence, il nous parle depuis sa tombe... Il vient de mourir dans un accident de voiture.
Le second personnage, c'est Lou la femme de Van, ils sont mariés depuis près de vingt ans et leur relation est devenue routinière. 
Le troisième personnage, c'est Laure la fille de Van et Lou, elle a 17 ans, un look gothique, l'adolescente type...
Et le dernier personnage, c'est Ulma, son arrivée dans cette famille a bouleversée la fragile équilibre de la famille...
Petit à petit chaque personnage se dévoile et raconte sa relation avec le mort et peu à peu le lecteur découvrira comment Van s'est retrouvé au fond de cette tombe.
Ce livre se lit plutôt bien, l'écriture est précise, riche et par moment pleine de poésie ou d'humour. Une jolie découverte.

 



Extrait : (début du livre)
Je n'ai jamais été bavard de mon vivant. Maintenant que je suis dans un cercueil, j'ai toute latitude de soliloquer. Depuis que le couvercle s'est refermé sur moi, je n'ai qu'une envie : me justifier, définir mon rôle dans les événements survenus, donner quelques clés pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui n'est qu'un fait divers. Je n'ai pas un penchant au regret, mais il me faut faire mon examen de conscience, si inutile qu'il soit désormais. Le souvenir que je laisse est celui d'un partisan des solutions hybrides, habitué à ajourner, soucieux de n'exaspérer personne, de ne pas empirer les choses en manquant de diplomatie. Je ne suis pas un de ces vieux hiboux formalistes, ni un de ces faiseurs d'embarras toujours persuadés d'être supérieurs à tout le monde. Non, j'ai veillé à ne pas incommoder mes proches, pas seulement par horreur des dissensions domestiques, mais parce que je ne suis pas un homme à problèmes. Rien n'est aussi précieux pour moi que la paix de l'esprit, et j'aurais tant voulu atteindre à la quiétude malgré les coups durs. J'en ai connu, des tempêtes sous mon crâne. Peut-être dans une vie antérieure ai-je commis des actions condamnables, et j'ai dû payer ces fautes pendant mes cinq décennies d'existence. Je n'ai aucune croyance, pas plus en un Dieu châtieur qu'en un quelconque Éveillé plein de mansuétude. Les enseignements bouddhistes m'ont été sans profit, je n'ai retenu de mes études des Sermons de Bossuet que des leçons de style. Ma propension au spiritualisme, en dépit de mon irréligion, m'a amené à accorder la primauté aux questions qui dépassent l'entendement humain. J'ai tenté de percer les mystères de la téléologie, demandé aux sensualistes de me procurer la jouissance de l'esthétique, aux romantiques de me douer d'une aspiration vers l'infini. J'ai incorporé la substantifique moelle des proses les plus roboratives pour gagner en force d'âme mais, tel un serpent qui se mord la queue, j'ai échangé des doutes contre une science guère susceptible de m'aider à démêler mes écartèlements. J'ai cultivé assidûment les lettres dans l'espoir d'y trouver, sinon du bonheur, du moins un vif goût pour les surprenantes inventions. Il m'en reste quelques débris fragmentaires, étoiles distantes qui clignotent encore - dans cette galaxie, Vautrin voisine avec Mme Verdurin, Molloy avec Bardamu, Ah Q avec Sganarelle, Achab avec Salomé, Philoctète avec Ophelia... Liste non exhaustive à laquelle il conviendrait d'ajouter les personnages secondaires que j'ai eu plaisir à classifier (travail de bénédictin parfaitement absurde). Mais tout s'est mélangé dans ma pauvre tête.

 

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18 janvier 2013

Cour Nord - Antoine Choplin

cour_nord Éditions du Rouergue – janvier 2010 – 130 pages

Quatrième de couverture :
Cela se passe au début des années 80. Cela pourrait se passer aujourd’hui.
Dans une petite ville du Nord, le personnel d’une usine menacée de fermeture est en grève. Le jour, Léo participe mollement à la lutte, aux côtés de son père, leader syndical. La nuit, il répète dans un quartet de jazz.
Autour d’un double portrait d’un père et de son fils, de ses variations et de ses dissonances, Antoine Choplin compose une mélodie sensible. Au moyen d'une écriture dépouillée, il frappe juste et bien. Plus qu’un roman social sur la fin d’un certain monde ouvrier, Cour Nord est un roman plein d’émotion retenue pour le désarroi et les mystères de ses personnages.

Auteur : Né en 1962, Antoine Choplin vit près de Grenoble, où il partage son temps entre l’écriture et l’action culturelle. Il est directeur de « Scènes obliques », dont la vocation est d’organiser des spectacles vivants dans les lieux inattendus, des sites de montagne. Il est aussi l’animateur depuis 1996 du Festival de l’Arpenteur (Isère), qui chaque mois de juillet programme des rencontres inhabituelles entre des créateurs (notamment des écrivains) et le public. Il s’est fait connaître en 2003 lors de la publication de son roman, Radeau, (2003), qui a connu un vrai succès populaire (Prix des librairies « Initiales », Prix du Conseil Général du Rhône). Parmi ses derniers titres : Léger Fracas du Monde (2005), L’impasse (2006), Cairns (2007), et de Apnées (2009), Cour Nord (2010), Le héron de Guernica (2011), La nuit tombée (2012).

Mon avis : (lu en janvier 2012)
Après les avis positifs et unanimes sur les deux derniers livres d'Antoine Choplin (Le héron de Guernica et La nuit tombée) au Café Lecture de la Bibliothèque, l'une des participantes a demandé que la Bibliothèque fasse venir de la Médiathèque Départementale d'autres livres de l'auteur et elle les a gentiment partagé avec celles présentes. J'ai donc choisi de découvrir "Cour Nord".  
C'est l'histoire d'un père, Gildas, et son fils Léopold, dit Léo, le narrateur du livre. Ils vivent ensemble dans une petite ville du Nord, et travaillent tous dans une usine menacée de fermeture. Lorsque l'histoire commence c'est la grève, Gildas est très impliqué dans la lutte syndicale, Léo suit son père sans grande conviction. Sa tête est prise par la musique, il est membre d'un quartet de jazz et le soir il répète pour un futur concert. 
Cette histoire se passe au début des années 80, nous dit la quatrième de couverture mais elle est tout à fait actuelle, on découvre un père et un fils qui ont du mal à communiquer, un conflit social vu de l'intérieur, de belles descriptions des paysages du Nord et le jazz qui rythme l'ensemble...
Un roman plein d'émotion et d'humanité avec beaucoup de retenu, de pudeur et de poésie.

Extrait : (début du livre)
Depuis le début de la grève, on va à l'usine ensemble avec mon père. Ça dure depuis plus de deux semaines maintenant, sans compter les débrayages de septembre.
Ce matin encore, il est debout avant moi, vers les cinq heures et demie. Depuis mon lit, je l'entends quitter sa chambre, faire couler l'eau au lavabo du palier, s'asperger longuement le visage. Après, il frappe les deux coups secs à ma porte et descend à la cuisine. Il prépare le café et aussi quelque chose à mettre dans nos gamelles pour midi.
Quand je le rejoins, nous nous saluons d'un regard. Je soulève le couvercle des casseroles où cuisent des 
œufs et des lentilles au lard. J'expose mes paumes à la bonne chaleur du feu. Je demande à mon père s'il n'a pas eu trop froid durant la nuit, surtout avec ses douleurs aux articulations. Il ne répond rien.
Je sers le café dans les bols, dispose d'épaisses tranches de pain. Mon père en découpe une avec les doigts, en laisse tomber les morceaux dans le bol. Après, il les ramasse un par un avec une grande cuillère.  Recommence avec une deuxième tranche.
Le plus dur, c'est cette foutue humidité, dit-il en repliant sa serviette.
Je répartis le contenu des casseroles dans nos deux gamelles en fer-blanc tandis que mon père remplit la gourde de vin au cubitainer.
Pour ce qui est de la bière, on la boira chez Fanny avec les autres, il dit.
Dans l'étroit couloir de l'entrée, en évitant de trop nous heurter, nous attrapons nos sacs et nos manteaux.

Déjà lu du même auteur :

le_h_ron_de_guernica Le héron de Guernica 5600 La nuit tombée

 Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2013
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