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A propos de livres...
28 juillet 2009

Les dix femmes de l'industriel Rauno Rämekorpi - Arto Paasilinna

les_dix_femmes_de_l_ing_nieur Denoël – mai 2009 – 257 pages

traduit du finnois par Anne Colin du Terrail

Présentation de l'éditeur
Rauno Rämekorpi, un riche industriel finlandais, fête ses soixantes ans. Comme le veut la coutume, les invités ont afflué chez le héros du jour les bras chargés de cadeaux et de fleurs. Mais Mme Rämekorpi est allergique au pollen et Rauno se voit donc prié, à peine le dernier convive parti, de convoyer les fleurs à la décharge sans même prendre la peine d'ôter sa queue-de-pie. En chemin, l'heureux sexagénaire a soudain une bien meilleure idée : il offrira les bouquets à ses nombreuses maîtresses. Commence alors une tournée qui va mener ce noceur impénitent d'une alcôve à l'autre dans un déluge de libations et de bonne chère. Hilares, nous suivons les drôles de péripéties de ce vieux séducteur et de ses décapantes compagnes. Le succès est tel que Rauno décide de réitérer sa généreuse virée à l'occasion des fêtes de fin d'année. Mais le vent semble entre-temps avoir tourné pour notre don Juan déguisé en Père Noël... Une farce aux accents rabelaisiens, une réjouissante galerie de portraits de femmes victimes d'un héros qu'on adorera détester !

Biographie de l'auteur
Arto Paasilinna est né en Laponie finlandaise en 1942. Bûcheron, ouvrier agricole, journaliste et poète, il est l'auteur d'une vingtaine de livres, pour la plupart traduits en français et publiés chez Denoël. Citons entre autres Le Meunier hurlant, La cavale du géomètre, Le Lièvre de Vatanen, La Douce empoisonneuse, Prisonniers du paradis, Petits suicides entre amis, Un homme heureux, Le Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen, Le Cantique de l'apocalypse joyeuse. 

Mon avis : (lu en juillet 2009)

Chaque année, un nouveau "Paasilinna" est publié. J'ai trouvé les premiers originaux et vraiment formidables nous permettant de découvrir la Finlande et les finlandais à travers des histoires pittoresques. Mais les deux derniers, je les ai trouvé un peu long. Pour celui-ci, j'ai également été déçu. Je ne rajouterai rien à la présentation de l'éditeur concernant le résumé du livre. Cela commence comme une aventure souvent drôle et burlesque mais elle va vite s'essouffler et nous ennuyer. Dommage.

Extrait : (début du livre) ici

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28 juillet 2009

La solitude des nombres premiers - Paolo Giordano

la_solitude_des_nombre_premiers traduit de l’italien par Nathalie Bauer

Seuil – mars 2009 – 328 pages

Présentation de l'éditeur
Les nombres premiers ne sont divisibles que par 1 et par eux-mêmes ; soupçonneux et solitaires, certains possèdent cependant un jumeau dont ils ne sont séparés que par un nombre pair. Maffia, jeune surdoué, passionné de mathématiques, en est persuadé : il compte parmi ces nombres, et Alice, dont il fait la connaissance au lycée, ne peut être que sa jumelle. Même passé douloureux, même solitude à la fois voulue et subie, même difficulté à réduire la distance qui les isole des autres. De l'adolescence à l'âge adulte, leurs existences ne cesseront de se croiser, de s'effleurer et de s'éloigner dans l'effort d'effacer les obstacles qui les séparent. Paolo Giordano scrute avec une troublante précision les sentiments de ses personnages qui peinent à grandir et à trouver leur place dans la vie. Ces adolescents à la fois violents et fragiles, durs et tendres, brillants et désespérés continueront longtemps à nous habiter.

Biographie de l'auteur
Paolo Giordano est né en 1982 à Turin. Il prépare actuellement un doctorat en physique théorique. La solitude des nombres premiers, prix Strega 2008, est son premier roman. Il s'est déjà vendu à plus d'un million d'exemplaires en Italie ; il est traduit dans de nombreux pays.

Mon avis : (lu en juillet 2009)

C'est un très beau livre sur l'adolescence. Dans leur enfance, Alice a eu un accident qui l'a rendu boiteuse et Mattia a été à l'origine d'un drame familial. L'un et l'autre sont mal dans leur peau. Ils vont se rencontrer à l'âge de quinze ans et ils vont s'aimer et se comprendre à travers leurs souffrances. Mattia a choisi de se réfugier dans les mathématiques, Alice tient les autres à distance derrière son appareil photo. Nous allons suivre leurs vies durant plus de vingt ans. Alice et Mattia sont touchants et l'on ressent parfaitement la difficulté qu'ils ont l'un et l'autre pour grandir et entrer dans le monde des adultes. Un très beau roman.

Extrait : (page 141)

Les nombres premiers ne sont divisibles que par 1 et par eux-même. Ils occupent leur place dans la série infinie des nombres naturels, écrasés comme les autres entre deux semblables, mais à un pas de distance. Ce sont des nombres soupçonneux et solitaires, raison pour laquelle Mattia les trouvait merveilleux. Il lui arrivait de se dire qu'ils figuraient dans cette séquence par erreur, qu'ils y avaient été piégés telles des perles enfilées. Mais il songeait aussi que ces nombres auraient peut-être préféré être comme les autres, juste des nombres quelconques, et qu'ils n'en étaient pas capables. Cette seconde pensée l'effleurait surtout le soir, dans l'entrelacement chaotique d'images qui précède le sommeil, quand l'esprit est trop faible pour se raconter des mensonges.

A un cours de première année, Mattia avait appris que certains nombres premiers ont quelque chose de particulier. Les mathématiciens les appellent premiers jumeaux : ce sont des couples de nombres premiers voisins, ou plutôt presque voisins, car il y a toujours entre eux un nombre pair qui les empêche de se toucher vraiment. Des nombres tels que le 11 et le 13, tels que le 17 et le 19, le 41 et le 43. Si l'on a la patience de continuer, on découvre que ces couples se raréfient progressivement. On tombe sur des nombres premiers de plus en plus isolés, égarés dans cet espace silencieux et rythmé, constitué de seuls chiffres, et l'on a le pressentiment angoissant que les couples rencontrés jusqu'alors n'étaient qu'un fait accidentel, que leur véritable destin consiste à rester seuls. Mais au moment où l'on s'apprête à baisser les bras, découragé, on déniche deux autres jumeaux, serrés l'un contre l'autre. Les mathématiciens partagent la conviction que, pour autant qu'on puisse poursuivre cet exercice, on en trouvera toujours deux autres, même s'il est impossible de déterminer où jusqu'à ce qu'on les découvre.

Mattia pensait qu'Alice et lui étaient deux nombres premiers jumeaux, isolés et perdus, proches mais pas assez pour se frôler vraiment. Il ne le lui avait jamais dit. Quand il s'imaginait lui confier ces pensées, la fine couche de sueur qui recouvrait ses mains s'évaporait et il n'était plus en mesure de toucher le moindre objet pendant dix bonnes minutes.

28 juillet 2009

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates - de Mary Ann Shaffer, Annie Barrows

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NIL – avril 2009 – 396 pages

traduit de l'américain par Aline Azoulay

Présentation de l'éditeur
Janvier 1946. Londres se relève douloureusement des drames de la Seconde Guerre mondiale et Juliet, jeune écrivaine anglaise, est à la recherche du sujet de son prochain roman. Comment pourrait-elle imaginer que la lettre d'un inconnu, un natif de l'île de Guernesey, va le lui fournir ? Au fil de ses échanges avec son nouveau correspondant, Juliet pénètre son monde et celui de ses amis - un monde insoupçonné, délicieusement excentrique. Celui d'un club de lecture créé pendant la guerre pour échapper aux foudres d'une patrouille allemande un soir où, bravant le couvre-feu, ses membres venaient de déguster un cochon grillé (et une tourte aux épluchures de patates...) délices bien évidemment strictement prohibés par l'occupant. Jamais à court d'imagination, le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates déborde de charme, de drôlerie, de tendresse, d'humanité Juliet est conquise. Peu à peu, elle élargit sa correspondance avec plusieurs membres du Cercle et même d'autres habitants de Guernesey , découvrant l'histoire de l'île, les goûts (littéraires et autres) de chacun, l'impact de l'Occupation allemande sur leurs vies... Jusqu'au jour où elle comprend qu'elle tient avec le Cercle le sujet de son prochain roman. Alors elle répond à l'invitation chaleureuse de ses nouveaux amis et se rend à Guernesey. Ce qu'elle va trouver là-bas changera sa vie à jamais.

Biographie de l'auteur
Mary Ann Shaffer est née en 1934 en Virginie-Occidentale. C'est lors d'un séjour à Londres, en 1976, qu'elle commence à s'intéresser à Guernesey. Sur un coup de tête, elle prend l'avion pour gagner cette petite île oubliée où elle reste coincée à cause d'un épais brouillard. Elle se plonge alors dans un ouvrage sur Jersey qu'elle dévore : ainsi naît fascination pour les îles anglo-normandes. Des années plus tard, encouragée à écrire un livre par son propre cercle littéraire, Mary Ann Shaffer pense naturellement à Guernesey. Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates est son premier roman, écrit avec sa nièce, Annie Barrows, elle-même auteur de livres pour enfants. Mary Ann Shaffer est malheureusement décédée en février 2008 peu de temps après avoir su que son livre allait être publié et traduit en plusieurs langues.
 

Mon avis : 5/5 (lu en juillet 2009)

J'attendais avec impatience de lire ce livre qui m'avait été conseillé aussi bien à la bibliothèque que dans les blogs. Je me réservais ce livre pour commencer mes vacances, je n'ai pas été déçu au contraire, c'est pour moi un grand coup de cœur ! Au début, cela m'a rappelé le livre d'Hélène Hanff "84 Charing Cross Road" dans sa forme de correspondance, mais il est très différent. A travers un échange de correspondance entre Juliet, ses amis et surtout les membres du fameux "Cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates de Guernesey", j'ai découvert la vie quotidienne des habitants de Guernesey durant l'occupation Allemande. Les personnages sont formidables hauts en couleur et très attachants. A travers les nombreuses anecdotes dont le ton peut être grave ou plein d'humour, on imagine parfaitement l'ambiance de l'île et chacun des îliens. J'ai dévoré ce livre comme une «tourte» mais j'ai regretté ma gourmandise, car j'aurai tellement aimé en avoir plus !

Extrait : (page 216)

De Micah Daniels à Juliet 15 mai 1946

Chère Miss Ashton,

Isola m'a donné votre adresse parce qu'elle est persuadée que vous aimeriez voir ma liste.

Si vous deviez m'emmener à Paris, aujourd'hui, et me déposer dans un bon restaurant français, avec des nappes en dentelle blanche, des bougies aux murs et des couverts en argent tout autour des assiettes, eh bien, je vous dirais que tout cela n'est rien, absolument rien, comparé à ma caisse du Vega.

Au cas où vous ne sauriez pas de quoi il s'agit : le Vega est le premier navire de la Croix-Rouge à avoir accosté à Guernesey. C'était le 27 décembre 1944. Il contenait des vivres pour nous tous. Il y a eu cinq autres bateaux après celui-là. Sans eux, nous n'aurions pas pu nous maintenir en vie jusqu'à la fin de la guerre.

Oui, je dis bien nous maintenir en vie ! Cela faisait des années que nous n'avions pas vu de telles denrées. En dehors des bandits du marché noir, personne n'avait plus le moindre grain de sucre. Nos réserves en farine étaient épuisées depuis le 1er décembre 1944. Les Allemands étaient aussi affamés que nous. Il fallait les voir avec leurs ventres gonflés, sans rien à manger pour se réchauffer le corps.

J'étais si fatigué des patates bouillies et des navets que je n'aurais pas tarder à m'allonger et à me laisser mourir si le Vega n'était pas venu à notre secours. Mr Churchill refusait d'autoriser les navires de la Croix-Rouge à nous apporter des vivres, parce qu'il craignait que les Allemands ne se nourrissent avec. Ça peut vous paraître futé comme plan, d'affamer les méchants ! Mais pas à moi. Tout ce que ça me dit, c'est qu'il se foutait qu'on meure tous avec eux.

Et puis, un jour qu'il était mieux luné, il a décidé qu'on pouvait manger. Et au mois de décembre 1944, il a dit à la Croix-Rouge : «  Bon, d'accord, allez-y, nourrissez-les. »

Les cales du Vega contenaient DEUX CAISSES de vivres pour chaque homme, chaque femme et chaque enfant de Guernesey, Miss Ashton ! Et il y avait d'autres trucs aussi : des clous, des graines à semer, des bougies, de l'huile, des allumettes, des vêtements et des chaussures. Et même un peu de layette pour les nouveau-nés.

Il y avait de la farine et du tabac – Moïse a beau nous rabattre les oreilles de sa manne, il n'a jamais rien vu de tel ! Je vais vous dire tout ce qu'il y avait dans mon carton. J'ai tout noté, pour que ça demeure gravé dans ma mémoire.

J'ai donné mes prunes – des prunes, vous imaginez !

A ma mort, je veux léguer tout mon argent à la Croix-rouge. Je leur ai écrit pour les prévenir.

Mais j'aimerais vous dire autre chose. Les Allemands sont ce qu'ils sont, mais il faut rendre à César ce qui lui appartient. Ils ont déchargé toutes les caisses du Vega et n'ont rien gardé pour eux. Leur commandant les avait prévenus : «Ces vivres sont pour les habitants de l'île, pas pour vous. Volez-en ne serait-ce qu'un gramme et je vous ferai fusiller.» Ensuite, il leur a donné une cuillère à chacun : ils avaient le droit de ramasser et de manger tout ce qui tomberait des paquets percés.

Ils faisaient vraiment peine à voir, ces soldats. Ils volaient dans nos jardins, frappaient à nos portes pour demander des restes. Une fois, j'ai vu l'un d'eux attraper un chat, l'envoyer la tête la première contre un mur, le découper et le cacher dans sa veste. Je l'ai suivi jusqu'à un champ, où il a dépecé l'animal, puis l'a fait bouillir dans sa gamelle et l'a mangé.

Un bien triste spectacle. Ça m'a soulevé le cœur, et en même temps je me suis dit : « Voilà le IIIème Reich d'Hitler qui dîne dehors. » J'ai honte de l'avouer à présent, mais j'ai été pris d'un fou rire à me tenir les côtes.

C'est tout ce que j'avais à dire. Je vous souhaite bonne chance pour votre livre.

Sincèrement, Micah Daniels.

4 juillet 2009

Cherche auteur désespérément - Debra Ginsberg

cherche_auteur_d_sesp_r_ment Presse de la Cité – mai 2008 – 365 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) par Alice Delarbre

Présentation de l'éditeur
Angel Robinson a l'impression de vivre un rêve. Elle qui ne jure que par les livres vient de décrocher un poste d'assistante dans la plus célèbre agence littéraire des Etats-Unis. Mais elle découvre rapidement qu'il faut composer avec une patronne hystérique, des collègues lunatiques et des auteurs capricieux. Elle réussit pourtant, grâce à son sens littéraire hors pair, à se rendre indispensable et repère plusieurs projets intéressants. Un en particulier : le roman d'un auteur anonyme, livré chapitre par chapitre. Angel tombe sous le charme au gré des envois du mystérieux écrivain. Jusqu'au jour où elle comprend que le texte s'inspire de sa propre vie... Un éloge pétillant des plaisirs de la lecture, un roman jubilatoire qui séduira tous les amoureux des livres.

Biographie de l'auteur
Journaliste, Debra Ginsberg vit en Californie. "Cherche auteur désespérément" est son premier roman.

Mon avis : (lu en juillet 2009)

J’ai d’abord été attiré par la couverture de ce livre, puis par la dédicace de l’auteur : "Aux écrivains qui attendent encore d'être publiés, aux amoureux des livres qui les liront un jour". En effet, ce livre nous décrit le monde de l'édition : avec Lucy Fiamma agent littéraire célèbre que l'on découvre comme étant une grande manipulatrice qui exploite son personnel. Angel aime les livres et les auteurs, elle vient d'être embauchée comme assistante de Lucy. Dans l'Agence, il y a aussi Craig, Anna, Nora-Kelly puis Jackson. On découvre un milieu de l'édition sombre et cruel où l'important c'est l'argent plutôt que l'œuvre et l'auteur...

Je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé ce livre mais je l'ai trouvé sans saveur. Je l'ai lu jusqu'au bout car il y a un certain mystère autour d'un manuscrit écrit par un auteur anonyme qui raconte une histoire sur le milieu de l'édition...(quelle originalité !) Il y a donc un certain suspens qui rend ce livre distrayant.

1 juillet 2009

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur – Harper Lee

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Editions de Fallois – janvier 2005 – 345 pages

LGF - août 2006 – 447 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Stoïanov

 

Prix Pulitzer en 1961 dans la catégorie fiction

 

Titre original : To Kill a Mockingbird, 1960

Présentation de l'éditeur
Dans une petite ville d'Alabama, au moment de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Homme intègre et rigoureux, cet avocat est commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche. Celui-ci risque la peine de mort. Ce bref résumé peut expliquer pourquoi ce livre, publié en 1960 - au cœur de la lutte pour les droits civiques -, connut un tel succès et reçut le prix Pulitzer en 1961. Il ne suffit pas en revanche à comprendre pourquoi ce roman est devenu un livre-culte aux Etats-Unis et dans bien d'autres pays, pourquoi, lors d'une enquête réalisée aux Etats-Unis en 1991, sur les livres qui ont changé la vie de leurs lecteurs, il arrivait en seconde position, juste après la Bible. La vérité est que, tout en situant son histoire en Alabama à une époque bien précise, Harper Lee a écrit un roman universel sur l'enfance confrontée aux préjugés, au mensonge, à la bigoterie et au mal. Racontée par Scout avec beaucoup de drôlerie, cet ouvrage tient du conte, de la court story et du roman initiatique. " Il a la légèreté et le poids que recherche le véritable amateur de roman et cette vertu si rare de pouvoir être lu à tout âge, quelle que soit l'éducation qu'on ait reçue, de quelque pays que l'on vienne, à quelque sexe que l'on appartienne. On y trouvera nécessairement un univers communiquant avec le sien par le miracle de l'écriture et de l'enfance ", écrit Isabelle Hausser dans la postface qu'elle a rédigée pour ce livre.

Biographie de l'auteur
Harper Lee est née en 1926 à Monroeville, Alabama. Elle entreprit des études de droit qu'elle abandonna pour écrire. Couronné par le prix Pulitzer en 1961, adapté au cinéma l'année suivante ce roman fait partie des plus grands best-sellers du XXe siècle. En dépit de son succès, Harper Lee n'a plus jamais rien publié et a choisi de vivre dans un quasi-anonymat entre New York et Monroeville.

 

 

 

 

 

 

Mon avis : (lu en juin 2009)

J'ai beaucoup aimé ce livre dont l'histoire se passe dans les années 30, dans une petite ville l'Alabama. La narratrice, Scout, est une petite fille de 9 ans. Son frère Jem a 13 ans, leur père Atticus est un avocat honnête qui les élève seul avec l'aide de Calpurnia, la cuisinière noire.

Atticus a accepté de défendre un homme noire accusé du viol d'une jeune femme blanche. Dans cette petite ville du Sud des États-Unis, règne intolérance et racisme, Atticus et sa famille va être confronté aux insultes et aux menaces des membres de sa communauté. Scout nous raconte avec beaucoup de fraîcheur ses souvenirs d'enfant où elle découvre la ségrégation, le racisme, l'intolérance et l'injustice. Elle a beaucoup de respect pour son père qui est un homme juste.

J'ai eu beaucoup d'émotions en lisant ce livre : j'ai bien rit des bêtises de Scout et Jem mais j'ai aussi versé quelques larmes. A lire sans attendre !

 

Pour la petite histoire, ce roman présente la particularité d'être paru, en français, sous trois titres successifs : "Quand meurt le rossignol", en 1961, dans une traduction de Germaine Béraud ; "Alouette, je te plumerai", en 1989, dans une traduction d'Isabelle Stoïanov ; "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur", en 2005, dans une traduction d'Isabelle Stoïanov relue et actualisée par Isabelle Hausser.

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Ce roman a fait l'objet, en 1962, d'une adaptation cinématographique sous le même titre anglais – To Kill a Mockingbird –, titrée en français Du silence et des ombres, dans une réalisation de Robert Mulligan sur un scénario de Horton Foot. Trois Oscars récompenseront cette œuvre, dont celui du meilleur acteur pour Gregory Peck dans ce rôle d'homme juste, s'efforçant d'être aussi bon père qu'avocat

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L'oiseau moqueur dont il est question dans le titre est un oiseau d'Amérique du Nord : Northern Mockingbird - Moqueur polyglotte - Mimus polyglottos

Extrait : La maison des Radley le fascinait. Malgré nos avertissements et nos explications, il se laissait attirer comme un papillon par la lumìère, mais il se tenait à distance respectueuse, n'allant pas au-delà du réverbère du coin. L'entourant de ses bras, il restait là, plongé dans un abîme de réflexion.
Le bâtiment formait un angle qui se prolongeait jusque derrière notre jardin. En prenant vers le sud, on faisait face à sa véranda ; puis le trottoir tournait et longeait le terrain. C'était une maison basse, qui avait été blanche, avec une véranda impressionnante et des volets verts, mais elle avait depuis longtemps pris la couleur gris ardoise de la cour qui l'entourait. (...)
À l'intérieur vivait un spectre malveillant. Les gens prétendaient qu'il existait, mais Jem et moi ne l'avions jamais vu. (...)
Jem ouvrit la grille, se précipita vers le côté de la maison, y appliqua sa paume et repassa devant nous en courant, sans prendre le temps de s'assurer du succès de son incursion. Dill et moi sur ses talons. Une fois en sécurité sur notre véranda, à bout de souffle, nous nous retournâmes
La vieille maison était toujours la même, affaissée et mal en point, mais il nous sembla distinguer un mouvement furtif à l'intérieur. Trois fois rien. Un minuscule frémissement, quasi imperceptible, et plus rien ne bougea.

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28 juin 2009

Comment j'ai raté mes vacances - Geoff Nicholson

comment_j_ai_rat__mes_vacances Robert Laffont – juin 2007 – 276 pages

traduit de l'anglais par Bernard Turle

Présentation de l'éditeur
" Ne vous inquiétez pas, messieurs les policiers, je peux tout expliquer... " Votre vie peut basculer très vite, même en vacances ! Motivé par une crise existentielle, Eric a décidé de goûter aux délices du camping-caravaning en famille. Malgré une tenace bonne volonté et un goût modéré pour l'imprévu, les événements déroutants et effrayants s'enchaînent. Sa femme est prise de pulsions sexuelles irrépressibles, sa fille traverse une crise de mysticisme et son fils retourne à l'état de nature. Viennent s'ajouter à cette tribu déjantée des vacanciers loufoques, un policier cinglé et des corps sans tête. Dans cette comédie grinçante, les scènes cocasses, voire hilarantes, côtoient des situations plus tragiques.. L'élixir satirique subtilement dosé ajoute au burlesque que Geoff Nicholson manie avec talent.

Biographie de l'auteur
Geoff Nicholson est né en 1953 à Sheffield. Il est passé par Essex puis Cambridge, avant, si l'on en croit la notice rédigée par ses propres soins, d'exercer les professions les plus diverses (vendeur de meubles, libraire, homme de ménage, agent de sécurité, jardinier et chef cuisinier...) puis de se consacrer à plein temps à l'écriture. Il est l'auteur de quinze romans parus entre 1987 et 2004. Seul What We Did On Our Holidays (Comment j'ai raté mes vacances) a été traduit en français. Son premier livre, Street Sleeper (1987), a été nominé pour le Yorshire Post First Work Award (Prix du meilleur premier roman) et Bleeding London pour le Whitbread Prize. Il a aussi publié plusieurs ouvrages de non-fiction consacrés à Andy Warhol, Frank Lloyd Wright et, récemment, les Sex Collectors (2006). Comment j'ai raté mes vacances a été porté à l'écran en 2006 par Scott Peak, avec David Carradine et Gina Bellman dans les rôles principaux. Pour le New York Times, il s'agit de " la plus drôle des comédies noires ".

Mon avis : (lu en juin 2009)

J'ai pris ce livre par hasard à la bibliothèque, son titre "Comment j'ai raté mes vacances" m'a attiré car c'est très rare que quelqu'un vous avoue qu'il a raté ses vacances ! La quatrième de couverture était également vendeuse... Malheureusement, le livre n'est pas à la hauteur de mes attentes... trop c'est trop...

Eric vient d'avoir 45 ans, il décide de partir quinze jours en famille au camping pour faire un bilan sur sa vie et sur ses proches qu'il a du mal à comprendre. Ce livre est son journal quotidien pendant ce séjour catastrophique... En effet, toutes les tuiles possibles et inimaginables vont s'abattre sur leurs vacances : accident de voiture, garagiste véreux, voisins de camping bruyants... Sans compter sur la famille un peu "frapa-dingue" : sa femme Kathleen est prise de pulsions sexuelles, sa fille Sally traverse une crise mystique et son fils Max fait un retour à la nature et se promène avec un os dans le nez... Au début, j'ai été prise par l'histoire et je riais bien mais rapidement c'est l'accumulation des cataclysmes et trop c'est trop et c'est l'indigestion... J'ai donc eu du mal à finir ce livre... En conclusion, c'est pas terrible !

27 juin 2009

Le week-end - Bernhard Schlink

le_week_end Gallimard – octobre 2008 – 217 pages

Traduit de l’allemand par Bernard Lorthomary

Présentation de l'éditeur
Après plus de vingt ans passés derrière les barreaux, Jörg est gracié par le président de la République allemande. Pour ses premières heures en liberté, sa sœur Christiane a organisé des retrouvailles avec de vieux amis dans une grande demeure à la campagne, près de Berlin. Mais ce week-end, qu'elle avait souhaité paisible, est difficile à vivre pour tout le monde, tant les questions de responsabilité, de culpabilité et de pardon sont dans toutes les têtes. Car Jörg est un ancien terroriste de la Fraction Armée Rouge. Pendant trois jours, les coups de théâtre et de bluff des uns et des autres vont se succéder. Chacun cherche sa place, et le choc des biographies, des rêves et parfois des mensonges produit plus de questions que de réponses. L'amitié passe-t-elle avant tout jugement moral ? Le regret et le pardon sont-ils souhaitables, possibles, suffisants ?. Le week-end renoue avec la force et la concision du premier grand succès de Bernhard Schlink, Le Liseur, et prolonge avec beaucoup de talent les interrogations qui hantent son œuvre.

Biographie de l'auteur
Bernhard Schlink, né en 1944, est juriste. Il est l'auteur de romans policiers et du best-seller mondial Le liseur, traduit en plus de trente langues et paru aux Editions Gallimard comme toute son œuvre.

 

Mon avis : (lu en juin 2009)

C’est le premier livre que je lis de cet auteur. Ici, il nous raconte l’histoire de Jörg qui vient d’être libéré après 20 ans en prison. Il appartenait à la Faction Armée Rouge. Jörg va passer son premier week-end de liberté, dans une maison à la campagne. Sa sœur y a invité des anciens amis de lutte. Nous assistons à un huis clos à la campagne avec des personnages qui ont changé depuis vingt ans, chacun a trouvé sa place dans la société, ils ont fait leurs vies et ils ont un peu oublié leurs idéaux passés. Jörg est en décalage avec eux, il semble que sa vie se soit arrêtée pendant vingt ans entre les murs de la prison. Ce livre pose beaucoup de questions sur l'après : faut-il renier son passé ou lui rester fidèle ? A-t-il des remords, des doutes ? Quel est son avenir ? Peut-on encore justifier ses actes ?

J'ai trouvé ce livre très bien écrit et les discussions, les réflexions et les confrontations entre la dizaine de personnages très profondes. A découvrir !

Extrait : (page 91)

D'abord, le soleil inonde d'une vive lumière la couronne du chêne qui se trouve devant la maison. Les oiseaux qui l'habitent et bavardent déjà depuis l'aurore haussent alors le ton. Le merle chante si fort et si obstinément que, si l'on dort dans la chambre d'angle, on se réveille sans pouvoir se rendormir. La lumière du soleil descend progressivement sur la façade tournée vers la route, elle atteint derrière la maison l'autre chêne, le pavillon de jardin, les arbres fruitiers et le ruisseau. Elle vient éclairer aussi la cabane qui flanque au nord le pavillon de jardin et dont Margarete voudrait faire un poulailler avec son enclos. Elle aimerait bien être réveillée par le cri du coq.

A part les oiseaux, les matins sont silencieux. Les cloches de l'église du village ne sonnent qu'à sept heures, la grand-route est loin, la ligne de chemin de fer plus loin encore. La coopérative agricole, dont les machines démarraient au petit jour et dont on entendait les vaches beugler dans leurs étables quand le vent soufflait de là, n'existe plus depuis déjà longtemps ; ses étables et ses hangars sont vides, ses champs sont loués et cultivés par une ferme du village suivant. Si les habitants du village ont du travail, ce n'est pas ici ; ils partent le dimanche soir et rentrent le vendredi soir. Le samedi matin et le dimanche matin, ils dorment tard.

16 juin 2009

L'enfant d'Emma – Abbie Taylor

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France Loisirs – février 2009 – 440 pages

traduit de l'anglais par Marieke Merand-Surtel

4ème de couverture : En une seconde, la vie d'Emma vire au cauchemar. Les portes du métro se referment sur Ritchie, son fils de 13 mois, alors qu'elle reste sur le quai. Emma s'effondre. Heureusement, une femme dans la rame vient à sa rescousse et Emma retrouve son enfant à la station suivante. Mais le soulagement fait vite place à l'horreur car l'inconnue disparaît ensuite, emmenant Ritchie avec elle. Emma a beau appeler à l'aide, la police refuse de la croire. A-t-elle vraiment un enfant ? L'a-t-on réellement enlevé? Emma ne peut alors compter que sur elle-même pour tenter de retrouver son fils, quoi qu'il lui en coûte...

Auteur : Abbie Taylor est un médecin dans la trentaine. Elle est née en Irlande et vit entre Dublin et Londres. Ceci est son premier roman.

Mon avis : (lu en juin 2009)

Ce livre est à la fois émouvant et "flippant". Emma, jeune mère célibataire prend le métro avec Ritchie son fils âgé de 13 mois. Embarrassée par la poussette et des sacs, Emma laisse Ritchie monter seul dans la rame de métro et la porte se referme sous son nez la laissant sur le quai. Elle est paniquée et elle veut récupérer son fils. Elle court à côté du métro et en bout de quai, elle sauvée par un homme de l'accident. Elle se dépêche alors de rejoindre la station suivante où elle retrouve Ritchie assit sur les genoux d'une femme, Antonia. Emma est soulagée, elle a retrouvé son fils. Mais c'est de nouveau le cauchemar, car Antonia va disparaître avec Ritchie ! Ensuite, Emma va devoir se battre seule contre tous pour retrouver Ritchie. En effet, la police ne veut pas croire ce que raconte Emma : a-t-elle vraiment un enfant ? A-t-il vraiment été enlevé ou Emma l'aurait-elle fait disparaître ? Emma va cependant trouver de l'aide auprès de Rafe.

Cette histoire est vraiment captivante et si proche de la réalité qu'on est souvent ému. En tant que maman, je me suis sentie très proche d'Emma et j'ai imaginé facilement les sentiments qui l'anime tout au long de l'histoire... A lire !

Extrait : (début du livre)

1

Dimanche 17 septembre
Premier jour En haut de l'escalier, des adolescents étaient affalés contre les murs, les jambes étendues, occupant quasiment tout le passage. Ils portaient des doudounes noires, et une même expression sur le visage : vide, dure, désœuvrée. Emma entendit leurs voix résonner sur le carrelage depuis l'angle du couloir. Dès qu'ils la virent, leur discussion cessa.
— Excusez-moi, dit Emma d'un ton poli.
Très lentement, ils retirèrent leurs pieds. Elle avait juste assez de place pour passer. Elle dut traverser tout le groupe, sentant leurs yeux posés sur elle. Ils l'observèrent en silence descendre péniblement les marches avec la poussette, Ritchie et tous ses sacs.
Elle fut contente lorsqu'elle atteignit le pied de l'escalier et tourna au coin. Une lumière crue baignait le quai désert du métro. Emma regarda derrière elle. Les garçons ne l'avaient pas suivie.
— Ça va, Ritchie ?
Soulagée, elle s'accroupit à côté de la poussette. D'habitude, elle n'était pas nerveuse, mais là, avec le bébé, elle se surprit à espérer que le train arrive vite.
Ritchie, un enfant solide et potelé de treize mois, avait commencé à pleurnicher, gonflant son petit bedon et frottant ses yeux de ses poings.
Emma secoua doucement la poussette.
— T'es fatigué, hein ? On sera bientôt à la maison.
Elle aussi était fatiguée. Ç'avait été une longue journée ; toute une expédition à travers Londres jusqu'aux quartiers de l'East End. Elle avait eu un besoin urgent de s'évader de l'appartement, et une nouvelle promenade vers Hammersmith Broadway ou North End Road était au-dessus de ses forces. Ils avaient bien profité de la journée ; ils avaient déambulé autour des étals de Spitafield Market, acheté quelques pantalons et maillots pour Ritchie, puis s'étaient rendus dans un petit bistrot bondé pour s'offrir un café, des scones et un bol de Banana Surprise. Ensuite, ils avaient pris un bus pour Mile End, et fait une balade au bord de Regent's Canal, observant les cygnes et les bateaux, avec leurs pots de fleurs peints. Mais l'air s'était rafraîchi, c'était le signe qu'il fallait rentrer. Le crépuscule recouvrait le canal d'une couche d'écume verte, un Caddie rouillé émergeait à la surface de l'eau. Il avait fallu marcher un bon moment avant de trouver une station de métro, et les sacs de courses pesaient de plus en plus lourd, cognant contre les jambes d'Emma à chaque pas. Le soulagement l'avait envahie lorsqu'elle avait enfin repéré, un peu plus loin sur le trottoir, le cercle familier rouge et bleu du métro londonien.
— Mah.
Ritchie se pencha hors de la poussette pour lui coller sa sucette à l'orange sous le nez. Du liquide poisseux coulait sur sa manche.
— Oh, pour l'amour du ciel ! Pourquoi tu l'as réclamée, alors ?
Emma sentait poindre une migraine. Elle lui prit la sucette puis essuya sans ménagement son visage et ses mains. Elle chercha une poubelle. Aucune nulle part, évidemment. Il était huit heures moins le quart, dimanche soir. Visiblement, tout le monde était rentré chez soi après avoir passé la journée dehors. Il n'y avait pas âme qui vive. Elle n'avait qu'à balancer la sucette sur les rails. Pourtant, elle finit par l'envelopper dans un mouchoir en papier et la fourrer dans son sac. Sur le mur du quai opposé, une pub pour de l'eau minérale montrait un paysage campagnard. Des arbres, de l'eau, la paix.
Ritchie se remit à geindre en tirant sur les sangles de la poussette.
— Bon, viens.
Quel mal y avait-il à le laisser sortir ?
Comme elle s'agenouillait pour détacher les sangles, un léger grincement résonna dans les profondeurs du tunnel. Le métro.
Emma avait toujours trouvé quelque chose de sinistre au bruit d'un train qui s'approchait dans un tunnel. L'entendre sans le voir ; juste le crissement des rails précédant la chose monstrueuse qui allait surgir de l'obscurité. D'un geste rapide, elle souleva Ritchie et le déposa sur le quai. Lui aussi avait entendu, et se retournait pour regarder, le duvet blond sur sa tête soulevé par une brise. Sans lâcher son harnais, Emma se pencha pour plier la poussette de sa main libre.
Le bruit s'intensifia. Ritchie se serra contre sa jambe en agrippant son jean. Malgré sa distraction sur le moment, elle se souviendrait par la suite de l'air qu'il avait. Sa petite bouille ronde aux yeux écarquillés qui fixaient, bouche bée, le tunnel, et attendaient l'arrivée du monstre.
— Là, articula-t-il, aux anges, tandis que la lumière des phares emplissait le tunnel.
Il lâcha le jean d'Emma pour pointer du doigt. Les wagons crasseux, rouge, blanc et bleu, grondèrent dans la station. Des grincements stridents résonnèrent sur le carrelage ; le train ralentit, puis s'arrêta. Le vrombissement de la machine mourut brusquement, comme si on avait coupé un ventilateur.
Silence.
Une seconde plus tard, la porte s'ouvrait en faisant un grand pschitt.
— Allez, grimpe, ordonna Emma.
Ritchie ne se le fit pas dire deux fois. Emma le guida vers un wagon vide, son harnais toujours bien en main, qu'elle leva un peu pour l'aider à monter. Il se hissa à quatre pattes, le haut de sa couche dépassant du pantalon. Puis il se redressa dans l'encadrement de la porte, content de lui, avant de se retourner vers elle.
— Mah, dit-il en l'invitant à bord d'un geste de sa main grassouillette.
Ce fut l'image qu'elle revit de lui le plus souvent, au cours des semaines suivantes. Debout dans l'encadrement, avec son petit sourire plein de quenottes, sa frange coupée de travers, sa veste polaire bleue avec l'éléphant jovial sur le devant. Il n'avait rien de particulier, rien qu'elle n'ait déjà vu mille fois auparavant. Aucun murmure dans sa tête ne l'avertit de l'arracher du wagon et de ne plus le lâcher. Il lui faisait encore
signe alors qu'elle chargeait la poussette près de lui et se tournait pour ramasser les sacs. En baissant la main, Emma crut sentir quelque chose : une légère secousse latérale sur le harnais qu'elle agrippait. Un mouvement infime, mais en y repensant par la suite, ç'avait dû lui sembler bizarre parce qu'elle se souvenait d'avoir intérieurement froncé les sourcils. Avant même qu'elle puisse se redresser et regarder, elle sut que quelque chose clochait.
Pschitt.
Elle fit volte-face. L'espace d'un instant, elle ne comprit pas ce qu'elle voyait. Les pensées zigzaguaient dans sa tête. Qu'est-ce qui manque à cette image ? Elle tenait toujours le harnais de Ritchie, mais la porte du wagon était refermée.
Refermée sous, son nez, et Ritchie se trouvait de l'autre côté.
— Bordel de merde !
Lâchant les sacs, Emma bondit sur la porte et essaya d'introduire les doigts entre les bords. À travers la vitre, elle vit le sommet du crâne de Ritchie.
— Attends, lui cria-t-elle. J'arrive.
Bon Dieu, comment s'ouvrait cette porte ? Durant une seconde, tout resta flou. Puis elle trouva le bouton d'ouverture et le pressa. Rien ne se passa. Elle l'enfonça de nouveau, plus violemment, cette fois. Toujours rien. Elle se mit à cogner des poings sur la porte, tout en jetant des regards éperdus sur le quai.
— Au secours ! Mon bébé est coincé !
Sa voix s'éleva faiblement puis mourut. Le quai était désert. Juste de sombres blocs de béton, des bancs métalliques le long des murs, les tunnels silencieux à chaque extrémité.
— Merde.
Le cœur d'Emma battait à tout rompre. Elle sentait son esprit très vif, en alerte. De nouveau, elle regarda autour d'elle, et cette fois repéra un boîtier rouge sur le mur, avec une face vitrée. L'alarme incendie. Elle s'élança instinctivement dans sa direction. Puis elle retint son geste. Pour atteindre l'alarme, il faudrait lâcher le harnais de Ritchie. Elle hésita, incapable de s'obliger à rompre, même une seule seconde, le contact avec son fils.
— Au secours, hurla-t-elle encore, plus fort, cette fois-ci. S'il vous plaît, quelqu'un ?
Quelqu'un allait forcément entendre. Il s'agissait d'un endroit public, nom d'un chien. Elle était en plein cœur de Londres.
Puis quelque chose la frappa. Le train n'avait pas bougé. Les portes semblaient s'être refermées depuis une éternité mais le train restait toujours là.
Ils ont vu ce qui se passe, pensa-t-elle.
Elle chancela de soulagement. Bien sûr. Le métro ne pouvait pas repartir tant que le harnais était coincé dans la porte. Le conducteur la voyait s'agiter dans un miroir, ou une caméra, ou peu importe quoi. Dans une minute, on viendrait l'aider. Elle resta là à attendre, ne sachant quoi faire d'autre.
Ça va aller, se dit-elle. Ça va aller.
Elle jeta un nouveau coup d'œil à Ritchie. Puis sursauta. Qu'est-ce que c'était que ça ? Ce mouvement, au bout du wagon ?
Il y avait quelqu'un là-dedans. Il y avait quelqu'un avec Ritchie.

10 juin 2009

Un homme meilleur – Anita Nair

un_homme_meilleur traduit de l'anglais (Inde) par Marielle Morin

Picquier – août 2006 – 474 poches

Présentation de l'éditeur
Premier roman d’Anita Nair, l’auteur de Compartiment pour dames. C’est vers la maison familiale, dans un village endormi du Kerala que revient naturellement Mukundan au moment de la retraite, là où personne ne l’attend plus, pas même son père le tyrannique Achutan Nair. C’est là qu’il croise la route de Bhasi « le timbré », ancien professeur qui, après une déception amoureuse, a renoncé à ses ambitions pour devenir peintre en bâtiment, herboriste, et qui pratique la psychothérapie de manière toute personnelle. Bhasi parvient peu à peu à gagner la confiance de Mukundan et à le faire renaître à lui-même en l’entraînant dans une découverte de soi qui va ouvrir à ce dernier de nouvelles perspectives. C’est ainsi qu’il rencontre Anjana, belle institutrice prisonnière d’un mariage désastreux et tombe, enfin, amoureux. Lorsque Achutan meurt, Mukundan se retrouve une nouvelle fois face à lui-même, réalisant qu’il n’a en rien dépassé son père et que c’est lui qui a trahi ce en quoi il croyait et ceux qui lui faisaient confiance. Pourra-t-il se racheter et devenir ainsi un homme meilleur que son père ? Une rédemption est-elle possible ? Pourra-t-il trouver en lui-même la force de défendre ses convictions profondes, fut-ce au mépris des conventions villageoises ? Au-delà du portrait de cet homme faible et tellement humain, Anita Nair nous peint des personnages tragiques ou touchants, ridicules ou magnifiques : de Krishnan Nair, le fidèle domestique, à Valsala, la femme frustrée d’un époux vieillissant, en passant par Kamban le postier intouchable dont l’abondante chevelure fait des jaloux.Avec une sensibilité, une tendresse et une attention aux détails qui font de ce texte une délicieuse et captivante promenade dans une Inde du Sud rarement évoquée de manière aussi vivante.

Auteur : Originaire du Kerala, c'est à Madras qu'Anita Nair passe son enfance, avant de voyager à travers l'Angleterre et les États-Unis pour finalement s'installer au Bangalore. Elle signe son premier roman en 1997, puis entame une carrière internationale, notamment marqué par la publication de 'Compartiment pour dames' et 'Un homme meilleur' (2003), 'Le Chat karmique' (2005), ou encore 'Les Neuf Visages du cœur' (2006).

Mon avis : (lu en juin 2009)

A l'heure de la retraite, Mukundan retourne dans le village où il est né. Il y retrouve l'ennui, les problèmes administratifs et l'étroitesse d'esprit d'un petit village... Les douleurs de son enfance resurgissent sous forme de fantômes qui le hantent chaque nuit : son père le terrorisait, il se sent coupable d'avoir abandonné sa mère. Il va faire la connaissance de Bhasi "le timbré", ancien professeur qui est devenu peintre en bâtiment et herboriste, ce dernier va l'aider à prendre confiance en lui en se débarrassant l'esprit des résidus du passé. Il va faire la rencontre d'Anjana une belle institutrice. Mais son voyage intérieur sera difficile. Il voudrait être reconnu à sa juste valeur par les membres du village. Arrivera-t-il à devenir un homme meilleur que son père ?

Au début de ma lecture, j'ai eu un peu de mal car l'auteur nous raconte la vie de Mukundan à travers la vie du village et de nombreux personnages haut en couleur, puis peu à peu j'ai été prise dans l'ambiance de ce village ordinaire avec ses habitudes, ses conflits. J'ai beaucoup appris sur les mœurs et les coutumes de l'Inde du sud. L'écriture est subtile, pleine de poésie.

Extrait :

« Si la fluidité est l'essence de la peinture, alors la peur est celle de ta vie. Une peur qui semble ne connaître aucune limite, n'avoir ni début, ni fin. Une peur qui te traverse comme la route traverse ce village. Qui marque la frontière entre ce que tu pourrais être et ce que tu n'es pas. Quand j'ai attaché les murs de ta maison avec des poignées de fibres rêches de coco pour ôter à la fois la couche de saleté et les marques incrustées par le temps, j'ai essayé de comprendre comment je pourrais arriver au même résultat avec toi. Pour débarasser ton âme des scories qui l'encombrent et laisser s'évacuer la peur, j'ai besoin de savoir ce qui te retient ainsi prisonnier d'une telle terreur.

Dis-moi, Mukundan, dis-moi ce qui te hante à ce point. Parle-moi des ténèbres qui obscurcissent ta vie. Explique-moi pourquoi tu plies si méticuleusement ton mouchoir en huit. Pourquoi tu insistes pour que chaque filament de fibre de noix de coco aille rejoindre un tas bien précis quand il est usé. Pourquoi tu t'es ainsi rendu esclave de la pendule. Dis-moi ce qui donne tant de prix à la perfection. Dis-moi pourquoi tu portes sur toi l'odeur de l'animal traqué.

Dis-le-moi. C'est ta seule issue. Ton seul espoir et peut-être, un jour, la clé de ton bonheur. »

2 juin 2009

Un siècle de novembre – Walter D. Wetherell

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book - Livre de Poche

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traduit de l’anglais (États-Unis) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné

Les Allusifs – aout 2006 – 200 pages

Le Livre de Poche – novembre 2008 - 218 pages

Présentation de l'éditeur
A l'automne 1918, le magistrat Charles Marden juge les hommes et cultive ses pommes parmi les Indiens et les pionniers de l'île de Vancouver. Mais les grands maux de l'humanité le frappent de plein fouet : sa femme, Laura, est emportée par la grippe espagnole et son fils, le caporal William C. Marden, disparaît dans la mêlée des Flandres. Désormais seul au monde, Charles Marden entreprend un périple fou pour trouver l'endroit où la mort a fauché son fils. Dans sa quête, il apprend qu'une jeune femme le devance de peu sur les routes. W. D. Wetherell, qui vit au New Hampshire, signe ici un roman d'une beauté terrifiante, entre songe et réalité.

Biographie de l'auteur
Né en 1948, Walter D. Wetherell a déjà écrit plusieurs romans : Morning, Chekhov's Sister (traduit et publié en 1990 par les éditions J.-C. Lattés), ainsi que deux recueils de nouvelles, The Man Who Loved Levittown et Wherever That Great Heart May Be. Ses récits de voyage paraissent dans le New York Times. Il a récemment obtenu la bourse d'écriture Strauss de l'American Academy of Arts and Letters. A Century of November, publié aux Etats-Unis par les Presses de l'université du Michigan en 2004 et en édition de poche en 2005, a été unanimement salué par la critique et a remporté le prix littéraire le plus prestigieux du Michigan. Une adaptation cinématographique est en cours de préparation sous l'égide du scénariste Jay Wolpert, auteur des scénarios des films Pirates des Caraïbes ou encore Le Comte de Monte-Cristo. W. D. Wetherell vit aujourd'hui à Lyme dans le New Hampshire.

Mon avis : (lu en juin 2009)

Automne 1918, Charles Marden vient de recevoir la lettre officielle annonçant la disparition de son fils William au cours d'un assaut en Flandre. Trois semaines auparavant, il a perdu sa femme Laura de la grippe espagnole. Il quitte donc son île de Vancouver pour trouver l'endroit où est tombé son fils « pour apprendre à ne rien attendre, une fois pour toutes ». Il va faire un long voyage : la traversée du Canada d'ouest en est, Vancouver à Halifax en train, puis la traversée de l'Atlantique en bateau jusqu'à Southampton. A Salisbury, au camp du régiment de son fils, il apprend qu'il ne pourra se rendre là où est mort son fils seulement lorsque la guerre sera fini. Il découvre également qu'une jeune fille recherche aussi William. Charles Marden a alors un nouvel objectif, retrouver cette jeune fille Elaine qui ne peut-être que l'amie de son fils. Il se rend donc à Londres où il apprend que la guerre est finie : plus rien ne l'empêche de continuer son long voyage vers la Flandre. Après la traversée de la Manche de Folkestone à Calais puis le voyage en voiture jusqu'à Amiens, en autocar jusqu'à Poperinghe en Belgique, il arrivera à pieds à Ypres sur les champs de batailles.

Ce livre est très bien écrit : l'auteur nous fait des descriptions superbes et précises des paysages traversés, des champs de batailles, des tranchées abandonnées... Il nous décrit également les sentiments qui envahissent cet homme en deuil avec sa douleur et sa solitude. Cette histoire sombre comme les ciels de novembre, nous évoque avec beaucoup de sensibilité l'horreur de la guerre en particulier pour les survivants. J'ai beaucoup aimé lire ce livre.

Extrait : (début du livre)
Il jugeait les hommes et cultivait des pommes, et cet automne-là n’était propice ni à la justice ni aux vergers. Un automne surprise – les pommiers avaient pourtant fait miroiter de belles promesses. Les fleurs, précoces, abondantes, étaient d’un blanc-rose riche dont il n’avait jamais vu l’égal. Pour une fois, il n’y avait pas eu de neiges tardives, pas de tempêtes venues du Pacifique, pas de gel.

Extrait : (page 10)
S'il était magistrat, c'était parce que, dans cette région de la côte, il était le seul à pouvoir exercer cette fonction - celle de salarié ayant pour mandat, selon le libellé de son serment d'office, d'assurer des droits égaux aux pauvres comme aux riches, au meilleur de ses connaissances, de son jugement et de ses compétences. En temps normal, sa charge n'avait rien d'une sinécure. On lui avait déjà tiré dessus. À la faveur d'une embuscade tendue pendant que, comme maintenant, il arpentait les longues allées du verger en inspectant les arbres un par un. C'était le printemps. Le projectile avait sectionné une branche au-dessus de sa tête et fait pleuvoir sur lui des pétales blancs. Raté, se souvenait-il d'avoir pensé, tandis que la détonation résonnait sur tout le promontoire et que les fleurs lui chatouillaient le visage. À l'époque, il était aveugle, stupide. Raté.
L'arbre et sa branche scindée en deux devinrent pour lui une sorte de temple, un lieu où il allait se recueillir chaque fois qu'il était tenté de prendre ses responsabilités judiciaires à la légère ou encore trop au sérieux. C'était aujourd'hui bien plus : un coin béni, un sanctuaire, l'unique lieu où il se sentait en sécurité. La cicatrice laissée par la balle semblait avoir déclenché dans l'arbre une sorte d'élan vital : c'était, de toute la rangée, le seul qui avait produit un fruit complet. Une vaste blague, évidemment. Depuis des années qu'il était juge, il avait à maintes reprises été témoin des sales tours du destin. Il tendit la main vers la pomme. Après la pluie du matin, sa peau était humide et glissante, mais le poids familier, la plénitude ovale dans sa main, lui firent plaisir.
Il resta planté là, les mains de nouveau fourrées dans les poches de son blouson, dont il avait remonté le col pour se protéger des assauts du vent. Il vit alors quelque chose voiler et assombrir brièvement l'étroite ouverture sur la mer qu'on avait depuis le verger. Quiconque venait de la plage était forcément arrivé par bateau. Il eut une prémonition.

Extrait : (page 155)
"Ypres – et pourtant, je ne voyais qu'un nuage. Comme si la ville en ruines avait la couleur et la consistance d'un nuage. Un nuage brisé. Un nuage effiloché et déchiré, d'où aurait fui le fluide et le doux, un nuage dont il ne serait resté que des scories acérées et tranchantes, un nuage blessé. Derrière se profilait une silhouette crénelée, semblable à une lointaine chaîne de montagnes. A la longue, j'ai fini par y reconnaître des vestiges d'immeubles. Plus près, les montrant du doigt; aurait-on dit, des arbres en forme de glaives, comme ceux que nous avions déjà aperçus, clouaient le nuage au sol. L'odeur du plâtre mouillé était accablante. Seulement, elle s'accompagnait maintenant d'une puanteur fuligineuse. Plus moyen de respirer sans étouffer. Chacun regardait – jusqu'au bout de la route, les pèlerins étaient tournés du même côté, hypnotisés par la silhouette édentée, les nuages en lambeaux, les ruines déchiquetées.

Livre lu dans le cadre du partenariat logotwitter_bigger - logo 

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