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A propos de livres...
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23 février 2010

Pico Bogue tome 1 : La vie et moi – Dominique Roques et Alexis Dormal

picobogue Dargaud – mai 2008 – 48 pages

Présentation de l'éditeur :

Moi, c'est Pico, un adorable petit rouquin, et la vie, c'est tout le reste : la petite sœur Ana Ana, les parents, Papic, Mamite, les copains, l'école, la plage, la gym, les fâcheries, les ours en peluche, la télé, Dieu, etc. La vie et moi, c'est le tas de problèmes que ça pose de s'arranger avec tout ça. Par exemple, perdre son statut de fils unique (vénéré) pour partager le terrain avec la petite sœur (une pétroleuse).

Auteurs : Dominique Roques, mère d'Alexis Dormal, est née en 1948 à Casablanca. Elle a eu deux fils, dont l'un s'est mis à dessiner. Ainsi en 2005, après s'être intéressée aux dessins de son fils, elle écrit des scénarios.

Alexis Dormal, fils de Dominique Roques, né en 1977 à Bruxelles. Plus tard, diplômé d'une école belge de réalisation cinéma/télévision, il part étudier le dessin à l'école Émile Cohl, à Lyon. Maintenant, il dessine et sa maman écrit les bulles...

Mon avis : (lu en février 2010)

Cet album nous raconte une suite de tranches de vie de Pico, un petit garçon avec une impressionnante chevelure rousse, qui n'a pas sa langue dans sa poche. Il a une petite sœur Ana Ana, des parents, des grands parents Mamite et Papic, des copains… Il est un peu turbulent, il a beaucoup de réparties et sait parfaitement tourner une situation à son avantage. Ses répliques sont d'une grande fraîcheur et ses remarques sont souvent naïves. J'attends avec impatience de pouvoir lire les 2 albums suivants.

Un vrai de coup de cœur ! A découvrir sans attendre !

Extraits :

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22 février 2010

Ocean's Songs – Olivier de Kersauzon

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Le Cherche-Midi – septembre 2008 – 252 pages

Le Cherche-Midi – septembre 2009 – 252 pages

Présentation de l'éditeur

Partant du principe que l'homme libre part pour apprendre et revient pour rendre compte, Olivier de Kersauson a décidé de raconter sa géographie maritime. Il fait le portrait de ses mers comme il pourrait dresser le portrait d'une femme. Il nous révèle, surtout, son destin singulier de skipper d'exception. Pour la première fois peut-être, dans Ocean's Songs, il se dévoile.

Auteur : Né à Bonnetable en 1944, Olivier de Kersauson est l'un des navigateurs français les plus connus au monde. Après dix années aux côtés d'Éric Tabarly, il est devenu le plus grand chasseur de records océaniques.

Mon avis : (lu en février 2010)

Olivier de Kersauson est à la fois un grand marin, une grande gueule et on le sais moins, un grand cœur. Dans son livre, il nous raconte avec beaucoup de poésies et de pudeur la mer, ses voyages, ses compétitions.

Il décrit avec beaucoup de poésie chacun des océans : Indien, Pacifique, Atlantique ainsi que la mer d'Irlande et la mer d'Iroise. Il raconte ses navigations avec Éric Tabarly, son amour pour sa Bretagne et pour la Polynésie... Il est aussi assez nostalgique... Ce livre est un très beau voyage !

En bonus dans l'édition que j'ai lu, un DVD avec un reportage de la série « Empreintes » de France 5 : Olivier de Kersauson 20000 lieues sur les mers que j'avais déjà vu à la télévision et beaucoup aimé.

Extrait : (page 66)

Ouessant, Sein, Molène, l'une des zones du monde où il y a le olus de bouées et de balises, de phares et de feux. Entre l'île de Sein, Le Four, Ouessant, la pointe Saint-Mathieu, le cap de la Chèvre, la pointe du Raz, tout n'est qu'un jardin d'épines sur une mer médiévale qui se défendrait contre les intrus. Au couchant, on dirait un orchestre des ténèbres où brille l'éclat des cuivres. Un accordéon de récifs sur lequel viennent culbuter les forts courants. C'est la mer des grandes nefs et des grandes orgues. A la limite du plateau continental, c'est alors la pointe qui s'avance. La chaussée de Sein, par exemple, où la terre s'étire du cap Sizun, comme un carnassier jusqu'au phare d'Ar-Men. Un chaussée bouillonnante. La climatologie n'est pas vraiment riante. Beaucoup de brumes, beaucoup de pluies, beaucoup de gros temps et énormément de tempêtes.

L'Iroise est une mer sanguine qui plante ses couverts dans la table. On ne rentre pas en mer d'Iroise par effraction. En plus, elle a souvent le poil hérissé. On est à 48°30' nord. Le très mauvais temps est souvent centré à 49°50', 48°51', parfois 47°. Il s'agit d'une zone météorologiquement très attaquée par les dépressions. Une zone hennissante qui ouvre son poitrail en hiver. Ici, la tempête est toujours sur le feu de la gazinière. Prête à être servie. Une zone où il ne faut jamais se fier à la pitié du ciel. C'est une zone de courant puissants. Le territoire des cailloux. Évidemment très peu empruntée par les plaisanciers. Les Anglais passent la pointe du Raz mais toujours en compulsant l'annuaire des marées. Et trois fois pour être bien certains que l'annuaire des marées. Et trois fois pour être bien certains que l'annuaire dit vrai. Il y a quinze mois, le remorqueur Abeille Bourbon a découvert un nouveau caillou parmi ces cailloux innombrables qui entourent Molène. La mer d'Iroise peut vous éborgner comme un rien. Cette mer est habitée par le vent. Naviguer dans le nord d'Ouessant par vents contre et courants de noroît prend des allures de lutte. Le passage du Fromveur est ce chenal qui passe dans le sud d'Ouessant, entre les phares de la Jument et Kéréon. Le courant approche les dix nœuds et le marnage dépasse les sept mètres en eaux vives. On embouque le Fromveur avec dix noeuds de vent, grand-voile haute. Tout va bien, la mer est belle. Soudain, le vent est à contre-courant. Vite, un ris ! Et puis il y a ces creux absolument maudits ! C'est une mer de souffrance, de pêche, de travail. Une mer qui meurtrit, blesse et mord jusqu'au sang. Donc, une mer de ressources.

Les pêcheurs ne peuvent pêcher de dix ou quinze jours par mois. Dès que la marée est au-dessus d'un coefficient de 80, pas moyen de mettre les filets. Le courant va tout emporter. Rien ne tient, rien ne résiste. La mer va tout déchiqueter.

18 février 2010

Une gourmandise – Muriel Barbery

Lu dans le cadre du challenge "A lire et à manger"

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Gallimard – août 2000 – 145 pages

Folio – janvier 2002 – 165 pages

Prix du Meilleur Livre de Littérature gourmande 2000

Présentation de l'éditeur :

C'est le plus grand critique culinaire du monde, le Pape de la gastronomie, le Messie des agapes somptueuses. Demain, il va mourir. Il le sait et il n'en a cure : aux portes de la mort, il est en quête d'une saveur qui lui trotte dans le cœur, une saveur d'enfance ou d'adolescence, un mets original et merveilleux dont il pressent qu'il vaut bien plus que tous ses festins de gourmet accompli. Alors il se souvient. Silencieusement, parfois frénétiquement, il vogue au gré des méandres de sa mémoire gustative, il plonge dans les cocottes de son enfance, il en arpente les plages et les potagers, entre campagne et parfums, odeurs et saveurs, fragrances, fumets, gibiers, viandes, poissons et premiers alcools... Il se souvient et il ne trouve pas. Pas encore.

Auteur : Née à Bayeux en 1969, avec sa prose mordante et ses personnages insolites, Muriel Barbery a fait une entrée fracassante dans le club des auteurs à succès. Agrégée et enseignante de philosophie, elle prend sa plume en 2000 pour écrire son premier roman et publie 'Une gourmandise', dans lequel un critique gastronomique à l'agonie est en quête d'un goût inconnu. Après le succès aussi fulgurant qu'inattendu de ce premier opus, Muriel Barbery sort en 2006 un second livre, 'L'Elégance du hérisson'. Elle y raconte les destins croisés d'une concierge férue de culture, d'une petite fille bourgeoise et d'un riche Japonais. Avec cette satire sociale à l'humour tendre, Muriel Barbery conquiert - essentiellement grâce au bouche à oreille - un lectorat de plus en plus grand et s'impose comme un écrivain majeur de la littérature populaire.

Mon avis : (lu en février 2010)

Après avoir adoré « L'élégance du hérisson », je me suis procurée « Une gourmandise » que j'ai depuis un an ou deux ce livre dans ma PAL perso et le challenge A lire et à manger était vraiment l'occasion de le lire. C’est l’histoire du plus grand critique culinaire du monde, au seuil de sa mort. Il cherche à se rappeler le souvenir d’une saveur oubliée au fond de sa mémoire et qu’il voudrait retrouver avant de mourir. C’est l’occasion d’un retour en arrière depuis son enfance sur ses souvenirs gustatifs. L’auteur nous fait découvrir ce vieil homme également à travers le témoignage de ses proches qui ne sont pas tendres avec lui ! Ce que j’ai préféré, ce sont les descriptions riche en vocabulaire et parfaitement évocatrices, je me suis donc délectée dans un fabuleux voyage au pays des sens.

Pour réaliser le challenge A lire et à manger, ce livre m’a donné l’embarras du choix…

Une recette presque dictée :

Extrait : (page 80)

« Il rinça soigneusement le riz thaïlandais dans une petite passoire argentée, l'égoutta, le versa dans une casserole, le recouvrit d'un volume et demi d'eau salée, couvrit, laissa cuire. Les crevettes gisaient dans un bol de faïence. Tout en conversant avec moi, essentiellement de mon article et de mes projets, il les décortiqua avec une méticulosité concentrée. Pas un instant il n'accéléra la cadence, pas un instant il ne la ralentit. La dernière petite arabesque dépouillée de la gangue protectrice, il se lava consciencieusement les mains, avec un savon qui sentait le lait. Avec la même uniformité sereine, il plaça une sauteuse en fonte sur le feu, y versa en pluie les crevettes dénudées. Adroitement, la spatule en bois les circonvenait, ne laissant aux menus croissants aucune échappatoire, les saisissant de tous côtés, les faisant valser sur le gril odorant. Puis du curry. Ni trop ni trop peu. Une poussière sensuelle embellissant de son or exotique le cuivre rosé des crustacés : l'Orient réinventé. Sel, poivre. Il égrena aux ciseaux une branche de coriandre au dessus de la poêlée. Enfin, rapidement, un bouchon de cognac, une allumette ; du récipient jaillit une longue flamme hargneuse, comme un appel ou un cri qu'on libère enfin, soupir déchaîné qui s'éteint aussi vite qu'il s'est élevé.

Sur la table de marbre patientaient une assiette de porcelaine, un verre de cristal, une argenterie superbe et une serviette de lin brodé. Dans l'assiette, il disposa soigneusement, à la cuillère en bois, la moitié des crevettes, le riz auparavant tassé dans un minuscule bol et retourné en une petite coupole joufflue surmontée d'une feuille de menthe. Dans le verre, il se versa généreusement d'un liquide de blé transparent.»

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Ma recette de Riz et crevettes au curry

ingrédients (pour 4 personnes) : 200 g de riz thaï - 16 grosses crevettes surgelées – 1 bonne cuillère à café de curry – sel – poivre – huile – persil – 2 bouchons de cognac – des feuilles de menthe (pour la déco)

Prévoir de faire décongeler les crevettes.

Faire chauffer jusqu'à ébullition de l'eau, la saler, puis y mettre le riz pendant environ 8 à 10 minutes pour le cuire.

La cuisson des crevettes doit être très rapide, sinon les crevettes seront "caoutchouteuses"...

Faire chauffer une poêle avec un peu d'huile, jetter les crevettes pour les faire dorer rapidement tout en les remuant, mettre le curry, le sel, le poivre.

Mettre le persil coupé grossièrement (n'ayant pas de coriandre fraîche comme le demande la recette, j'ai remplacé par du persil du jardin)

Au dernier moment, verser le cognac et faire flamber.

Dresser l'assiette avec le riz moulé dans un petit bol surmonté d'une feuille de menthe et les crevettes autour. A servir sans tarder.

****

Une autre recette présente dans le livre, qui m'a donnée un peu plus de liberté...

Extrait : (page 103)

«Une tarte aux pommes, pâte fine, brisée, craquante, fruits dorés, insolents sous le caramel discret des cristaux de sucre.»

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Ma recette de Tarte Tatin aux pommes

ingrédients : une pâte feuilletée prête à dérouler - des pommes – beurre – sucre – cannelle

Mettre le four à pré-chauffer à 180° (thermostat 6)

(1) Prendre un plat à tarte avec au fond du papier sulfurisé. Disposer sur le fond des petits morceaux de beurre et saupoudrer avec du sucre

(2) Éplucher et découper les pommes. Les disposer dans le fond du plat puis (3) saupoudrer de cannelle.

(4) Couvrir l'ensemble avec la pâte feuilletée, froncer le bord de la pâte et (5) tracer des traits en diagonale sur le dessus pour faire quelques ouvertures.

(6) Enfourner et laisser cuire pendant 25 minutes

(7) Démouler la tarte sur un plat de service dès la sortie du four. (8) On peut faire un caramel supplémentaire et le verser sur la tarte démoulée.

Bonne lecture et bon appétit !

Lu dans le cadre du challenge "A lire et à manger"

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13 février 2010

Le club des Incorrigibles Optimistes – Jean-Michel Guenassia

Lu dans le cadre du Challenge : coeur_vs3

le_club_des_incorrigibles_optimistes Albin Michel – août 2009 – 757 pages

Prix Goncourt des lycéens 2009

Présentation de l'éditeur :
Michel Marini avait douze ans en 1959. C'était l'époque du rock'n'roll et de la guerre d'Algérie. Lui, il était photographe amateur, lecteur compulsif et joueur de baby-foot au Balto de Denfert-Rochereau. Dans l'arrière-salle du bistrot, il a rencontré Igor, Léonid, Sacha, Imré et les autres. Ces hommes avaient passé le Rideau de Fer pour sauver leur peau. Ils avaient abandonné leurs amours, leur famille, trahi leurs idéaux et tout ce qu'ils étaient. Ils s'étaient retrouvés à Paris dans ce club d'échecs d'arrière-salle que fréquentaient aussi Kessel et Sartre. Et ils étaient liés par un terrible secret que Michel finirait par découvrir. Cette rencontre bouleversa définitivement la vie du jeune garçon. Parce qu'ils étaient tous d'incorrigibles optimistes.

Portrait de génération, reconstitution minutieuse d'une époque, chronique douce-amère d'une adolescence : Jean-Michel Guenassia réussit un premier roman étonnant tant par l'ampleur du projet que par l'authenticité qui souffle sur ces pages.

Auteur : Né à Alger en 1950, propulsé sur le devant de la scène en 2009 avec son roman 'Le Club des incorrigibles optimistes', Jean-Michel Genassia n'en est pourtant pas à son coup d'essai. En effet, avant de se distinguer avec cette peinture politique des années 1960, cet avocat de formation a travaillé comme scénariste pour la télévision et a déjà signé le polar intitulé 'Pour cent millions', paru en 1986.

Mon avis : (lu en février 2010)
Livre lu dans le cadre du Challenge Coup de cœur de la blogosphère proposé par Catherine.
J'ai mis un peu de temps à l'emprunter à la bibliothèque, peut-être un peu effrayée par son épaisseur... et pourtant une fois entamé, j'ai lu ce livre avec beaucoup de plaisir et de facilité en oubliant ses 760 pages.

D'octobre 1959 à l'été 1964, Michel nous raconte la vie quotidienne de sa famille et en parallèle il nous fait découvrir les membres du Club des Incorrigibles Optimistes qui se réunissent dans l'arrière salle du bistrot « Le Balto » du quartier Denfert-Rochereau. Ce sont Leonid, Pavel, Tibor, Imre, Werner, Sacha. Ils ont fuit l'Europe de l'Est en laissant là-bas leurs familles. Ils se retrouvent au Club pour parler français et disputer des parties d'échecs. Kessel et Sartre partagent également cette arrière-salle. A travers ce roman, l'auteur restitue l'époque des années soixante, avec le rock'n roll, la Guerre d'Algérie... Avec Michel nous rencontrons d'autres personnages attachants Cécile, Camille, des camarades de H IV (Lycée Henri IV)... L'histoire est vraiment prenante et intéressante, je ne me suis pas ennuyée un instant. Un livre très agréable à découvrir sans hésiter !

 

Extrait : (début du livre)

Avril 1980

Aujourd'hui, on enterre un écrivain. Comme une dernière manifestation. Une foule inattendue, silencieuse, respectueuse et anarchique bloque les rues et les boulevardsautour du cimetière Montparnasse. Combien sont-ils ? Trente mille ? Cinquante mille ? Moins ? Plus ? On a beau dire, c'est important d'avoir du monde à son enterrement. Si on lui avait dit qu'il y aurait une telle cohue, il ne l'aurait pas cru. Ça l'aurait fait rire. Cette question ne devait pas beaucoup le préoccuper. Il s'attendait à être enterré à la sauvette avec douze fidèles, pas avec les honneurs d'un Hugo ou d'un Tolstoï. Jamais dans ce demi-siècle, on n'avait vu autant de monde pour accompagner un intellectuel. À croire qu'il était indispensable ou faisait l'unanimité. Pourquoi sont-ils là, eux ? Pour ce qu'ils connaissent de lui, ils n'auraient pas dû venir. Quelle absurdité de rendre hommage à un homme qui s'est trompé sur tout ou presque, fourvoyé avec constance et a mis son talent à défendre l'indéfendable avec conviction. Ils auraient mieux fait d'aller aux obsèques de ceux qui avaient raison, qu'il avait méprisés et descendus en flammes. Pour eux, personne ne s'est déplacé.

Et si, derrière ses échecs, il y avait autre chose, d'admirable, chez ce petit homme, cette rage de forcer le destin avec son esprit, d'avancer envers et contre toute logique, de ne pas renoncer malgré la certitude de la défaite, d'assumer la contradiction d'une cause juste et d'un combat perdu d'avance, d'une lutte éternelle, toujours recommencée et sans solution. Impossible de rentrer dans le cimetière où on piétine les tombes, escalade les monuments et renverse les stèles pour s'approcher plus près et voir le cercueil. On dirait l'inhumation d'une vedette de la chanson ou d'un saint. Ce n'est pas un homme qu'on porte en terre. C'est une vieille idée qu'on ensevelit avec lui. Rien ne changera et nous le savons. Il n'y aura pas de société meilleure. On l'accepte ou on ne l'accepte pas. Ici, on a un pied dans la tombe avec nos croyances et nos illusions disparues. Une foule comme une absolution pour l'expiation des fautes commises par idéal. Pour les victimes, ça ne change rien. Il n'y aura ni excuse, ni réparation, ni inhumation de première classe. Qu'y a-t-il de pire que de faire le mal quand on voulait faire le bien ? C'est une époque révolue qu'on porte en terre. Pas facile de vivre dans un univers sans espoir.

À cet instant, on ne règle plus de comptes. On ne fait pas de bilan. On est tous égaux et on a tous tort. Je ne suis pas venu pour le penseur. Je n'ai jamais compris sa philosophie, son théâtre est indigeste et ses romans, je les ai oubliés. Je suis venu pour de vieux souvenirs. La foule m'a rappelé qui il était. On ne peut pas pleurer un héros qui a soutenu les bourreaux. Je fais demi-tour. Je l'enterrerai dans un coin de ma tête.

Il y a des quartiers mal famés qui vous renvoient dans votre passé et où il est préférable de ne pas traîner. On croit qu'on oublie parce qu'on n'y pense pas mais il ne demande qu'à revenir. J'évitais Montparnasse. Il y avait là des fantômes dont je ne savais pas quoi faire. J'en voyais un devant moi dans la contre-allée du boulevard Raspail. J'ai reconnu son pardessus inimitable en chevrons clairs, façon Humphrey Bogart années cinquante. Il y a des hommes qu'on mesure à leur façon de marcher. Pavel Cibulka, l'orthodoxe, le partisan, le roi du grand écart idéologique et des blagues à deux balles, altier et fière allure, avançait sans se presser. Je l'ai dépassé. Il avait épaissi et ne pouvait plus fermer son manteau. Ses cheveux blancs en bataille lui donnaient un air d'artiste.

– Pavel.

Il s'est arrêté, m'a détaillé. Il a cherché dans sa mémoire où il avait vu ce visage. Je devais évoquer une vague réminiscence. Il secoua la tête. Je ne lui rappelais rien.

– C'est moi… Michel. Tu te souviens ?

Il me scruta, incrédule, toujours méfiant.

– Michel ?… Le petit Michel ?

– Arrête, je suis plus grand que toi.

– Le petit Michel !… Ça fait combien de temps ?

– La dernière fois qu'on s'est vus, c'était ici, pour Sacha.

Ça fait quinze ans.

On est restés silencieux, embarrassés par nos souvenirs. On est tombés dans les bras l'un de l'autre. Il m'a serré fort contre lui.

– Je ne t'aurais pas reconnu.

– Toi, tu n'as pas changé.

– Ne te moque pas de moi. J'ai pris cent kilos. À cause des régimes.

– Je suis heureux de te revoir. Les autres ne sont pas avec toi ? Tu es venu seul ?

– Je vais au boulot, moi. Je ne suis pas retraité.

Son accent traînant de Bohême s'était fait véhément. On est allés au Sélect, une brasserie où tout le monde avait l'air de le connaître. À peine étions-nous assis, le serveur lui apportait, sans qu'il ait rien commandé, un café serré avec un pot de lait froid et prenait ma commande. Pavel s'est penché pour attraper la boîte à croissants sur la table voisine et, ravi, en a englouti trois, parlant la bouche pleine avec une infinie distinction. Pavel avait fui la Tchécoslovaquie depuis près de trente ans et vivait en France dans des conditions précaires. Il avait échappé in extremis à la purge qui avait emporté Slansky, l'ancien secrétaire général du parti communiste et Clementis, son ministre des Affaires étrangères dont il était un proche collaborateur. Ancien ambassadeur en Bulgarie, auteur d'un ouvrage de référence, La Paix de Brest-Litovsk : diplomatie et révolution, dont aucun éditeur parisien ne voulait, Pavel était gardien de nuit dans un hôtel à Saint- Germain-des-Prés où il vivait dans une petite chambre au dernier étage. Il espérait retrouver son frère aîné qui avait gagné les États-Unis à la fin de la guerre et attendait un visa qui lui était refusé à cause de son passé.

– Ils ne me donneront pas mon visa. Je ne reverrai pas mon frère.

– Je connais un attaché à l'ambassade. Je peux lui en parler.

– Ne te casse pas la tête. J'ai un dossier aussi gros que moi. Il paraît que je suis un des fondateurs du Parti communiste tchécoslovaque.

– C'est vrai ?

Lu dans le cadre du challenge coeur_vs3 proposition de Catherine

Challenge Prix Goncourt des Lycéens
2009

 Challenge Goncourt des Lycéens
goncourt_lyceen_enna
chez Enna

11 février 2010

Ce que je sais de Vera Candida – Véronique Ovaldé

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (10/26)

ce_que_je_sais_de_Vera_Candida Éditions de l'Olivier – août 2009 – 292 pages

Présentation de l'éditeur :

Quelque part dans une Amérique du Sud imaginaire, trois femmes d'une même lignée semblent promises au même destin : enfanter une fille et ne pouvoir jamais révéler le nom du père. Elles se nomment Rose, Violette et Vera Candida. Elles sont toutes éprises de liberté mais enclines à la mélancolie, téméraires mais sujettes aux fatalités propres à leur sexe. Parmi elles, seule Vera Candida ose penser qu'un destin, cela se brise. Elle fuit l'île de Vatapuna dès sa quinzième année et part pour Lahomeria, où elle rêve d'une vie sans passé. Un certain Itxaga, journaliste à L'Indépendant, va grandement bouleverser cet espoir. Un ton d'une vitalité inouïe, un rythme proprement effréné et une écriture enchantée. C'est ce qu'il fallait pour donner à cette fable la portée d'une histoire universelle : l'histoire des femmes avec leurs hommes, des femmes avec leurs enfants. L'histoire de l'amour en somme, déplacée dans l'univers d'un conte tropical, où Véronique Ovaldé a rassemblé tous les thèmes - et les êtres - qui lui sont chers.

Auteur : Née en 1972, après le bac, direction l'école Estienne où Véronique Ovaldé passe un BTS édition, une façon comme une autre d'entrer dans le milieu littéraire lorsque l'on ne fait pas partie de ce cercle très fermé. Elle reprend des études de lettres par correspondance, travaille comme chef de fabrication et publie en 2000 un premier roman, 'Le Sommeil des poissons'. En 2002, elle signe, avec 'Toutes choses scintillant', une seconde œuvre remarquée. Elle publie en 2005 'Déloger l'animal', une œuvre incontournable de la rentrée littéraire. Dans son roman à la fois sombre et merveilleux 'Et mon cœur transparent' sorti en 2007, Véronique Ovaldé réussit de nouveau à créer un univers singulier.

Mon avis : (lu en février 2010)

Encore un livre que j'ai découvert ainsi que son auteur avec l'émission La Grande Librairie sur France 5. Un livre vraiment facile à lire et dépaysant. Les personnages féminins que sont Rose, Violette, Vera Candida évoluent dans une île exotique apaisante d'Amérique du sud, Vatapuna mais chacune d'elles vont subir la violence des hommes. Chacune va enfanter seule une fille tout en refusant de dire qui est le père. Après le prologue qui nous conte le retour de Vera Candida à Vatapuna, nous découvrons Rose, la prostituée de l'île, elle a 40 ans et elle décide d'arrêter ce métier et de devenir pêcheur de poisson-volant. Elle va rencontrer Jeronimo un homme plutôt détestable, va-t-elle vraiment l'aimer ? Elle va mettre au monde Violette une petite fille différente et retourner vivre dans sa cabane au bord de la plage. A l'âge de 15 ans, Violette tombe enceinte et naît alors Vera Candida. Pour rompre avec son hérédité maudite, Vera Candida fuira son île à l'âge de quinze ans pour Lahomeria. Loin de l'île, elle mettra au monde sa fille Monica Rose et rencontrera Itxaga un journaliste qui va l'aimer. Vera Candida est très attachante, elle est pleine de courage et de force pour tenter de briser la malédiction de sa famille.

J'ai trouvé cette lecture très agréable, j'ai été porté par le décor exotique de ce pays imaginaire, les personnages haut en couleurs... Un beau livre à découvrir !

Extrait : (début du livre)

PROLOGUE

Le retour de la femme jaguar

Quand on lui apprend qu’elle va mourir dans six mois, Vera Candida abandonne tout pour retourner à Vatapuna. Elle sait qu’il lui faut retrouver la petite cabane au bord de la mer, s’asseoir sur le tabouret dehors et respirer l’odeur des jacarandas mêlée à celle, plus intime, plus vivante, si vivante qu’on en sent déjà poindre la fin, celle pourrissante et douce de l’iode qui sature l’atmosphère de Vatapuna. Elle se voit déjà, les chevilles sur le bord d’une caisse, les mains croisées sur le ventre, le dos si étroitement collé aux planches qu’il en épousera la moindre écharde, le moindre noeud, le plus infime des poinçons des termites géantes.

Tout au long du voyage en minibus qui l’emmène du port de Nuatu jusqu’à Vatapuna, Vera Candida somnole en goûtant à l’avance la lenteur du temps tel qu’il passe à Vatapuna. Vera Candida sait qu’en revenant à Vatapuna, elle récupérera son horloge. Celle qui ne ment jamais, qui ne fait pas disparaître comme par un enchantement malin les heures pleines, celle qui ne dévore rien et égrène avec précision, et une impartialité réconfortante, les minutes, qu’elles soient les dernières ou qu’elles ponctuent une vie encore inestimablement longue.

Il y a longtemps de cela, Vera Candida a perdu son horloge. C’est arrivé quand elle a quitté Vatapuna vingt-quatre ans auparavant. Elle avait pris dans le sens inverse le même minibus que celui-ci – moins rouillé sans doute, moins rafistolé avec des tendeurs et du gros scotch noir, moins bringuebalant et bruyant, moins sale, la route n’était pas encore visible sous les pieds quand on soulevait le tapis de sol, les pneus étaient moins lisses, mais le chauffeur était le même, des grigris jumeaux se balançaient au rétroviseur, juste empoussiérés maintenant et plus ternes, la radio diffusait déjà une soupe inaudible et criaillante, une sorte de continu crachotement de sorcière.

Vera Candida est seule dans le minibus, elle n’a plus de bébé dans le ventre, mais quelque chose de moins étranger et de plus destructeur, et elle n’a plus quinze ans.

Terminus, gueule le chauffeur.

Vera Candida s’empare de son sac à dos, elle le glisse sur ses épaules, les sangles lui blessent la peau, elle grimace, se dit, C’est ainsi que je sais que je faiblis, le type la regarde descendre, il se penche vers elle quand elle est sur la chaussée:

Je vous connais? lance-t-il.

Elle se retourne et le fixe. Il paraît gêné. Il dit : Je croyais que je vous connaissais. Mais je vois tellement de gens.

Il fait un geste rond qui englobe la rue et les alentours déserts.

Vous ne pouvez pas me connaître, répond-elle. Elle sourit pour ne pas paraître trop abrupte. Elle sait quelle impression elle peut produire; elle a trente-neuf ans, à cet âge on sait quelle impression on produit sur ses contemporains. Elle devine le malaise du chauffeur, Vera Candida a le regard azur et féroce, ce qui coïncide mal. Elle a, depuis qu’elle est née, toujours gardé les sourcils froncés. Il y a des gens qui ne regardent jamais leur interlocuteur dans les yeux mais juste au-dessus, sur le point le plus bas du front, et ce décalage crée un trouble indéfinissable. Vera Candida a ce genre de regard, c’est comme un muscle de son visage qui serait toujours crispé, une malformation congénitale, impossible d’avoir l’air doux et attendri. Déjà minuscule, Vera Candida ne lâchait personne avec sa scrutation, elle semblait percer chacun à jour – sans que cela fût vrai d’ailleurs, Vera Candida n’avait pas ce pouvoir, elle ne faisait que fixer les gens comme l’aurait fait un bébé jaguar. Et on n’avait qu’une envie, c’était de décamper le plus vite possible.

Le chauffeur referme la porte coulissante et démarre.

Vera Candida pose son sac, elle respire l’odeur des palétuviers, la poussière de la route, le gasoil, et les effluves du matin caraïbe – le ragoût et les beignets –, elle perçoit le jacassement des télés et des radios par les fenêtres ouvertes – il doit être sept heures sept heures trente, estime-t-elle –, le ressac de la mer en arrière-plan, un chuintement discret, elle reprend son sac et traverse le village, se dirige vers la cabane qu’elle a quittée vingt-quatre ans auparavant.

Il y a un snack à la place.

Une baraque en tôle cadenassée. Vera Candida s’approche pour jeter un œil à travers la porte vitrée, les relents persistants de graillon lui rappellent l’état de son estomac, elle se sent nauséeuse, elle jure entre ses dents, Putain de putain, elle s’attendait de toute façon à ce que la cabane en bois ait été rasée, c’était couru d’avance, elle le savait, n’est-ce pas, avant d’avoir entrepris le voyage, alors pourquoi a-t-elle entrepris ce voyage, elle entrevoit des tabourets retournés sur les deux tables et un comptoir bricolé avec du bois de récupération, elle s’assoit sur son sac et reprend son souffle, elle croise ses mains devant elle, voit ses doigts se superposer les uns aux autres, elle pense à ce que charrie son sang, elle pense à son corps qui déclare peu à peu forfait, elle a la tentation de se laisser aller à un désespoir tranquille. Elle ne se sent pas si mal, elle se sent juste en proie à la fatalité.

Pssst, entend-elle.

Elle lève le nez et aperçoit sur sa gauche, à travers le grillage, une petite vieille, les doigts accrochés au fil de fer, debout dans son jardin pelé, qui lui sourit d’un sourire de nourrisson édenté.

Pssst, répète-t-elle.

Vera Candida se remet sur ses pieds et se dirige vers la vieille, soupçonnant que la voix de celle-ci ne pourra venir jusqu’à elle, elle s’approche tout près de la vieille femme qui porte des breloques brillantes autour du cou, des médailles sur-dimensionnées et des sautoirs en strass, on dirait un catcheur, elle a l’air d’avoir sorti la totalité de son coffre à bijoux et enfilé tout ce que ses cervicales peuvent encore endurer, elle a un œil morne et un œil pétillant, elle semble avoir cent-dix ans.

Vera Candida regarde les doigts de la vieille accrochés au grillage comme des griffes de serin, elle dit, Bonjour. Tu es Vera Candida, rétorque la vieille de sa toute petite voix. Elle toussote et ajoute, Ta grand-mère m’avait bien dit que tu reviendrais.

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (10/26)

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8 février 2010

Camarades de classe - Didier Daeninckx

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Gallimard – février 2008 – 167 pages

Folio – octobre 2009 – 177 pages

Quatrième de couverture :

La narratrice, Dominique, travaille avec succès dans une agence de publicité. Son mari, François, approche comme elle de la soixantaine. Cadre dans un groupe pharmaceutique en cours de restructuration, il est miné par la perspective d’un possible licenciement à quelques années de la retraite. Un message arrive un jour sur la boîte électronique de François, provenant d’un ancien ami de lycée qui tente de renouer le contact grâce au site internet « camarades-de-classe.com ». Dominique répond à l’insu de son mari et sollicite les confidences...

Dans la correspondance électronique qui naît s’affrontent des visions contradictoires d’un même passé. Ces anciens gosses d’Aubervilliers, qui fréquentaient la même classe en 1964, ont connu des trajectoires diverses, marquées par Mai 68 et par la culture communiste. L’un est devenu chanteur de charme, l’autre est demeuré stalinien, un autre a tourné escroc au grand cœur, d’autres sont chimiste, universitaire exilé, détective privé, SDF, ou bien mort.

Mais la photo de classe autour de laquelle s’organisent ces retrouvailles virtuelles recèle une énigme d’un autre ordre...

En revisitant la banlieue rouge dans la période encore triomphante du parti communiste, Didier Daeninckx nous raconte, avec précision et humanité, l’histoire d’une génération marquée par les bouleversements des années soixante et soixante-dix.

Auteur : Né en 1949, Didier Daeninckx a publié une quarantaine de romans et recueils de nouvelles, ainsi que des ouvrages en collaboration avec des dessinateurs comme Jacques Tardi ou des photographes comme Willy Ronis.

Mon avis : (lu en février 2010)

Dominique, la narratrice, est cadre dans la publicité. Son mari, François est cadre dans une entreprise pharmaceutique en pleine restructuration. Ils sont l'un et l'autre proche de la soixantaine et François supporte mal l'incertitude de son avenir. Un jour, Dominique lit un e-mail destiné à son mari provenant du site « camaradesdeclasse.com ». C'est l'ancien meilleur ami de François, Denis Ternien qui le contacte pour lui demander de devenir le parrain de sa petite fille. A ce mail est joint une photo de classe du collège Gabriel Péri d'Aubervilliers. A son insu, Dominique répond au nom de son mari. Puis lorsqu'un forum des anciens camarades de classe est créé, elle usurpe l'identité de François et suis avec curiosité les échanges entre les garçons de la classe. Parmi les membres du forum, un mystérieux Armhur Tarpin participe de façon dérangeante aux conversations, il pose des questions, fait des révélations...

La construction du roman est original, le lecteur suit en parallèle la vie de Dominique et François aujourd'hui et les échanges du forum qui nous fait retourner dans les années 60 jusqu'à nos jours, on découvre les différentes routes que chacun des camarades ont pris à la fin du collège.

Ce livre se lit très facilement et l'histoire est prenante et surprenante aussi. Une bonne lecture.

Extrait : (début du livre)

Le message ne m'était pas adressé, mais cette fois encore je n'ai pas su résister à l'envie d'en prendre connaissance. François s'était levé, un quart d'heure plus tôt, pour aller boire de l'eau au robinet de la salle de bains, avant de venir se rendormir. Sa semaine avait été rude, avec l'annonce du plan social. Il avait longtemps cru que son nom figurerait sur la liste, et, si on l'avait épargné cette fois, il demeurait convaincu que ce n'était là qu'un répit. La nouvelle l'avait à peine soulagé : il en était déjà à redouter la fin du sursis. J'étais persuadée qu'il aurait préféré faire partie des sacrifiés, pour mettre un terme à l'incertitude. Il n'acceptait pas l'idée que son avenir soit borné par des inconnus dont la seule préoccupation consistait à maintenir la courbe ascendante des résultats de l'entreprise en faisant plonger celle des effectifs. S'il s'était engagé dans cette voie, dès l'adolescence, c'était pour préserver la vie humaine, développer les capacités de l'individu... Je l'avais vu avaler un de ses cachets, la veille, en douce, pour tenter d'effacer la nuit et la plus grande partie possible de la matinée du dimanche. Le sommeil l'avait immédiatement englouti, et il ne s'était levé qu'au petit matin, à la manière d'un automate, pour se diriger vers la salle de bains.
  J'ai attendu que sa respiration redevienne lente, régulière, pour me glisser hors du lit, quitter la chambre, puis passer dans l'ancien dressing que nous avons transformé en bureau. La messagerie de l'ordinateur s'est ouverte automatiquement sur la boîte personnelle de François. Il fallait que je change d'utilisateur, que je m'identifie, que je tape mon code, pour accéder à mes mails, mais je ne pouvais jamais m'empêcher, avant, de regarder la liste des correspondances reçues par mon mari. C'était pour l'essentiel des courriers d'ordre professionnel, des liens publicitaires, les relances de sites d'enchères sur lesquels il achetait de vieux disques vinyles, des films noirs, plus rarement les lettres des quelques personnes de nos familles avec qui nous entretenions encore des relations. Depuis les élections, et l'adhésion par Internet de François au parti d'un des candidats en lice, tout ce qui avait de l'importance était perdu dans une avalanche d'articles en provenance d'une multitude de groupes politiques. Je n'en connaissais pratiquement aucun, et s'ils semblaient appartenir au même camp, cela ne les empêchait pas de consacrer l'essentiel de leurs forces à élever entre eux une montagne à partir de la moindre divergence. La seule chose qu'ils finissaient par avoir en commun était l'utilisation des mêmes fichiers piratés.
  J'ai parcouru la moisson de la nuit, Radical-Fax, ResPublica, Écologie Responsable, Débat militant, Forum alternatif, Rupture citoyenne, sans ouvrir aucun fichier. Puis j'ai fait glisser le curseur sur la ligne où, après le nom de mon compagnon, était détaillé l'objet du seul envoi dont je ne parvenais pas à déterminer la provenance : « Deviens le parrain de ma fille »... C'était assez obscur pour que je clique. Je ne sais pas pourquoi, j'avais immédiatement pensé à une correspondante, avec la petite poussée d'adrénaline générée par la jalousie, mais, contrairement à ce que je soupçonnais, l'expéditeur était masculin, et il signait ses quinze lignes de son identité complète. J'ai détaché un chewing-gum de son alvéole avant de me mettre à lire.

Déjà lu du même auteur : Cannibale Cannibale

7 février 2010

Les géants pétrifiés – Yoann et Vaehlmann

les_g_ants_p_trifi_s Dupuis – janvier 2006 – 64 pages

Présentation de l'éditeur :

Spirou et Fantasio accompagnent Martin, un archéologue aussi passionné qu'hystérique, dans ses recherches en Méditerranée. Grâce au sous-marin prêté par le comte de Champignac, ils découvrent une statue gigantesque provenant d'un navire naufragé et qui semble appartenir à une civilisation totalement inconnue à ce jour !

Auteurs : Yoann. D'origine basse-normande, Yoann fait une première rencontre décisive en la personne d'Eric Omond. Avec lui, il publie Phil Kaos, puis viendront Ninie Rezergoude, le fameux Toto l'Ornithorynque et La Voleuse du Père fauteuil. Il vit désormais à Nantes où il ne pleut pas toujours.
Fabien Vehlmann. En 1998, Fabien a commencé sa carrière dans le journal de SPIROU. Depuis lors, il écrit les scénarios des séries Green Manor, Wondertozun, Le Marquis d'Anaon, IAN et Samedi et Dimanche, abordant avec le même plaisir le policier, l'humour, l'aventure, la SF, l'historique ou le fantastique.

Mon avis : (lu en février 2010)

C'est le premier tome de la collection « Une aventure de Spirou et Fantasio par ».

Spirou et Fantasio participent à des recherches en Méditerranée avec Martin un archéologue passionné. Ils vont découvrir une statue gigantesque grâce au sous-marin prêté par le Comte de Champignac. D'où peut provenir cette statue ? Quelques temps après, le célèbre et richissime archéologue Bill Callaway débarque en hélicoptère à Champignac. Fantasio se laisse séduire par le milliardaire et sa jolie assistante. Mais Spirou refuse de collaborer avec Callaway et préfère aidé par Thian, une jeune universitaire indonésienne spécialiste et Martin rechercher la provenance de cette statue jusqu'en Nouvelle-Zélande. Là-bas, ils découvrent une cité engloutis gardé par les "Taniwhas"...

On retrouve vraiment dans cette album la richesse de l'univers de Spirou de Franquin. Une belle aventure de Spirou et Fantasio qui m'a fait passé un bon moment de lecture.

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31 janvier 2010

Terre Neuvas – Christophe Chabouté

A l'occasion du festival de la Bande Dessinée à Angoulême ce week-end,

je lis des BDs !

Terres_neuvas Vents d'Ouest – septembre 2009 – 120 pages

Présentation de l'éditeur

Chaque année des milliers de pêcheurs de morues partaient en direction de Terre-Neuve, vers des mers froides et dangereuses.
Durant ces longues campagnes qui pouvaient durer six à neuf mois, la maladie, les blessures, les noyades, l'hygiène déplorable, la saleté repoussante, la violence et l'alcoolisme étaient le lot quotidien de ces pêcheurs que l'on surnommait aussi les forçats de la mer. 3 avril 1913, après avoir navigué pendant trente-sept jours, la goélette la Marie-Jeanne et ses 28 hommes d'équipage arrivent enfin au large de Terre-Neuve... mais les poissons ne donnent pas. L'absence de bancs de morues présage une mauvaise pêche et un maigre salaire... Les tensions montent. L'ambiance à bord s'échauffe... Quand un matin, on découvre le corps inerte du second dans sa couchette, un couteau planté dans le dos... Autour du manche, un petit ruban de soie...
Chabouté nous immerge avec brio dans les conditions de vie extrêmes de ces marins du début du XXe siècle et signe un thriller captivant et inquiétant.

Auteur : Né en 1967, d'origine alsacienne, Christophe Chabouté publie en 1993 ses premières planches chez Vents d'Ouest dans les « Récits », un album collectif sur Arthur Rimbaud. En 1998, il réalise « Sorcières » au Téméraire et « Quelques jours d'été » chez Paquet. Deux albums remarqués et primés, le premier au festival d'Illzach, le second à Angoulême où il décroche l'Alph' Art Coup de coeur. Avec « Zoé » paru en 1999 chez Vents d'Ouest, Chabouté prouve que son talent a atteint sa pleine maturité. Ce qu'il démontre avec encore plus d'évidence dans « Pleine Lune » qui a reçu le prix Extrapole 2001, le prix de la ville de Limoges, celui du meilleur scénario à Chambéry et deux nominations à Angoulême 2001. En 2001, il réédite « Sorcières » chez Vents d'Ouest, dont la moitié des nouvelles qui le composent sont inédites. Il publie la même année « Un îlot de bonheur » chez Paquet, album récompensé par une mention spéciale du jury œcuménique de la BD à Angoulême 2002. Il a collaboré à l'ouvrage collectif "Léo Ferré en BD" et surtout de publier "La Bête" dans la collection Intégra de Vents d'Ouest et "Purgatoire", en couleurs, pour la collection Equinoxe. En 2008, il publie "Tout seul".

Mon avis : (lu en janvier 2010)

« Tout seul » de Chabouté ayant été un vrai coup de cœur en 2009, j'étais très contente de pouvoir découvrir sa dernière BD.

Nous sommes en 1913, à bord de la goélette la Marie-Jeanne qui fait route en direction de Terre-Neuve dans des mers froides et hostiles. A bord, les pêcheurs de morues vont supporter durant six à neuf mois les dures conditions du bord, les blessures, la noyade, la saleté, la violence, l'alcoolisme... et la mort car un jour, le second est retrouvé poignardé. A l'aide de ses superbes dessins en noir et blanc, Chabouté nous entraine dans un huis clos sur ce bateau. L'ambiance devient au fil des pages de plus en plus tendue. Autour du bateau la mer est toujours là changeante, elle est calme ou menaçante et la brume est là aussi rendant l'atmosphère presque irréelle. L'intrigue n'est pas exceptionnelle, mais ici c'est plutôt l'ambiance qui importe. Le réalisme est si fort que le lecteur est embarqué sur la Marie-Jeanne. Un bel hommage à ceux que l'on surnommait les "forçats de la mer". A lire sans attendre !

Extrait : (les premières pages)

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Déjà lu du même auteur : tout_seul Tout Seul

Lu et en compétition au Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême 2010 :

magasin_general5 Magasin général tome 5 : Montréal - Régis Loisel et Jean-Louis Tripp

25 janvier 2010

Les Monts de l'Éléphant – Jean-François Chabas

les_Monts_de_l_El_phant École des Loisirs – février 2009 – 161 pages

Quatrième de couverture : Henri de Lespagne, 47 ans, est issu d'une famille des beaux quartiers, ravagée par l'orgueil et l'argent. Une famille qui s'est coupée du reste du monde et a pourri. Après s'en être détaché, il y a longtemps, il est devenu veilleur de nuit dans une tour où Sok Kateka, femme étrange, fait le ménage. En khmer, Kateka signifie " Promesse "...

Auteur : Jean-François Chabas est né en région parisienne en 1967. Après une adolescence mouvementée, il a exercé trente-six métiers avant de se consacrer exclusivement à l’écriture. Il vit en Provence, après avoir exploré entre autres le Pays basque et les Alpes. Il a publié plus de vingt romans pour la jeunesse et obtenu pour eux de nombreux prix, il fait son entrée en « littérature adulte » début 2004 avec un roman sur la mafia albanaise, "Les violettes".

Mon avis : (lu en janvier 2010)

C'est le premier livre que je lis de cet auteur. Ce sont les blogs de Clarabel et Sylvie qui m'ont donnée envie de découvrir ce livre.

« Il faut que je te raconte l'histoire de Promesse. » la première phrase nous annonce la couleur, mais avant de connaître Promesse, le narrateur, Henri 47 ans nous raconte avec beaucoup de détachement son enfance et sa famille durant plus de 100 pages... Henri est le petit dernier d'une famille de quatre enfants dans un milieu très riche. La famille de sa mère possédait des parts importante dans l'industrie de l'acier et celle de son père était propriétaire dans l'immobilier à Paris, en Belgique et au Luxembourg. Ils habitent un bel appartement avenue Kléber. Mais l'apparence est trompeuse, la famille ne va pas bien : le père est atteint d'une maladie mentale la dysmorphophobie que le pousse à se replier sur lui-même, la mère est une maniaque de l'ordre et est obnubilée par son argenterie, sa vaisselle et son mobilier de valeur. Sébastien le frère aîné est sarcastique, dès à 18 ans il deviendra délinquant, Paul « avait la musique dans l'âme » mais « n'était pas doué du tout, c'est un euphémisme. En nous écorchant les oreilles, il n'a pas contribué à rendre nos enfances faciles. » Ensuite il y a Charlotte « ma petite grande sœur chérie » discrète et courageuse et enfin Henri dit l'Hurluberlu « parce que j'étais toujours un peu ailleurs » « Je rêvais d'aventures, avec une application têtue, avec constance ». A travers l'enfance et l'adolescence, nous assistons à la chute de cette famille aux principes formatés. Avec les désastres de sa famille devant lui, Henri va se mettre à penser différemment, il ne veut pas les imiter. Sans diplôme, il devient coursier puis gardien de nuit dans un immeuble de bureau, c’est là, qu’Henri va rencontrer Promesse une femme de ménage qui rit tout le temps. Son vrai nom est Sok Kateka, elle est khmère et son histoire personnelle est bouleversante. Une histoire très touchante et drôle à la fois, destinée aussi bien aux adultes qu’aux ados. A découvrir !

Extrait : (page 32)

Tu sais, les familles... c'est un drôle de truc, les familles. Tu les regardes de loin et tu vois un groupe à peu près uni, tu te dis que les membres se ressemblent forcément, puisqu'ils sont du même sang, qu'ils grandissent ou vieillissent côte à côte... Et puis tu regardes de plus près les individualités, et tu te rends compte qu'ils peuvent différer les uns des autres à peu près autant qu'une carpe miroir, une crosse d'évêque et une pompe à vélo.
Une famille, ce n'est pas un puzzle. C'est plutôt une tas de bidules et de machins balancés ensemble dans une caisse, et plus ou moins forcés d'y cohabiter. Il y a une question de chance. Je veux dire que tu peux tomber sur des parents aimants, merveilleux, et qu'avec tes frères et sœurs, c'est aussi un peu la roulette. Nous connaissons tous des familles où on se hait, d'autres où on s'adore. Certaines où des clans se forment. Certaines dont les membres choisissent un mouton noir, un paratonnerre qui reçoit toutes les rancœurs, les jalousies et les hargnes recuites. Sébastien aurait pu être celui-là.

Tu imagines, un braqueur de dix-huit ans chez nous. Mais ça ne s'est pas du tout passé de cette façon. Pour chacun d'entre nous, il y a eu tant d'autres évènements qui ont suivi.

Non, tu sais, je me demande encore quelle sorte de famille nous étions. Aimante, ou pas ? Moche ? Arrogante ? Loufoque ? Divisée ? Je ne sais pas. A quarante-sept ans, je ne sais pas ce que c'est exactement qu'une famille.

24 janvier 2010

Les petites sœurs - Valérie Saubade

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Anne Carrière – janvier 2002 – 394 pages

Pocket – janvier 2009 – 349 pages

Présentation de l'éditeur

" Sarah Debussy avait, ce jour-là, une foule de choses à faire avant de mettre fin à ses jours. Elle tenait à se suicider comme elle avait vécu. Avec efficacité. " Qui a poussé Sarah Debussy à finir consciencieusement sa boîte de somnifères ? Pour sa famille, peu importe : il est avant tout extrêmement indécent de mettre fin à ses jours quand on appartient à la bourgeoisie. D'autant que la petite effrontée, pourtant morte et enterrée, semble envoyer post-mortem des lettres sibyllines signées de sa main. Alors qu'on accuse la défunte de ne pas vouloir faire comme tout le monde, Agathe, sa nièce, décide de suivre ce jeu de pistes et les méandres du passé de cette famille pas comme les autres...

Auteur : Née en 1966, Valérie Saubade est journaliste à Bordeaux. Après le succès de son premier livre "Happy birthday grand-mère"(1999), ont suivi "Les petites sœurs"(2002) et "Marche arrière"(2009).

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Ce livre nous raconte une histoire de famille. Cela commence par le suicide de Sarah Debussy jeune femme brillante de 38 ans aux États-Unis. Pourquoi ce suicide ? Le lecteur va vite découvrir la famille de Sarah qui vit en France dans une vaste propriété en province. Il y a Albert le père qui régente tout. Les deux sœurs, Béatrice mariée à Jean-Alain et mère de Julien 18 ans et Bernadette mariée à Pierre-Louis mère d'Agathe 20 ans. Après sa mort, Sarah envoie à sa nièce Agathe des messages qui va lui permettre peu à peu de découvrir les secrets de la famille : Qu'est devenue Rosalynd la femme d’Albert ? Pourquoi Sarah est-elle partie aux Etats-Unis depuis vingt-ans ?

Avec Agathe, le lecteur va de découvertes en rebondissements dans cette famille pas comme les autres. Les personnages sont attachants, mystérieux ou mauvais. J'ai été prise par l'intrigue de cette histoire critique et plein d'humour d'une famille bourgeoise qui détient de lourds secrets. Une lecture distrayante qui se lit d'une traite !

Extrait : (début du livre)

San Francisco, Californie (États-Unis), octobre 1996

Sarah Debussy avait, ce jour-là, une foule de choses à faire avant de mettre fin à ses jours. Elle tenait à se suicider comme elle avait vécu. Avec efficacité.

A trente-huit ans, elle se laissait aller, lorsqu'elle était ivre, à vanter sa réussite professionnel. Elle dirigeait, avec fermeté mais élégance, le département de littérature étrangère d'une grande maison d'édition américaine. Son immense bureau vitré donnait sur la baie de San Francisco. Ses collaborateurs louaient sa gentillesse et sa disponibilité et son supérieur hiérarchique, vaguement amoureux de sa silhouette longiligne, multipliait les réunions informelles pour le seul plaisir de monologuer tout en lorgnant ses jambes.

Lovée dans un fauteuil en cuir beige, Sarah jeta un regard aigu en direction du canapé qui lui faisait face. La femme de ménage, qui entretenait son luxueux duplex, avait laissé sur un coussin un poil noir et soyeux appartenant à Sam, le compagnon de Sarah. Sam et Sarah formait depuis huit ans un couple inséparable. Il n'avait pas sa pareil pour la réveiller en douceur le matin, elle lui prodiguait en retour chaque soir de langoureusement caresses. Elle se demanda ce qu'il allait devenir. Un miaulement autoritaire la tira de ses réflexions. Sam exigeait de sortir sur la terrasse afin d'y guetter les pigeons.

Après s'être étirée, elle ajusta ses lunettes et consulta de nouveau sa liste. « Je n'aurai jamais terminé à temps », pensa-t-elle, agacée. En moins de cinq heures, il lui fallait expédier quelques lettres et colis, confier le chat à la femme de ménage, ranger une dernière fois son bureau et détruire certains fichiers de son ordinateur, aller chez le coiffeur puis se rendre à l'institut de beauté pour une ultime épilation. Sarah ne supportait pas le moindre poil sur son corps.

Elle se redressa, rajusta d'un geste maniaque un pli de sa jupe en lin beige et plia consciencieusement la feuille qu'elle tenait. « Des préparatifs pour une noce noire », songea-t-elle en glissant la liste dans son sac à main Hermès.

Déjà lu du même auteur : happy_birthday "Happy birthday grand-mère"

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