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A propos de livres...
etats-unis
31 octobre 2015

A la poursuite de ma vie - John Corey Wharey

Lu en partenariat avec les éditions  Casterman

a la poursuite de ma vie Casterman - octobre 2015 - 384 pages

traduit de l'anglais par Antoine Pinchot

Titre original : Noggin, 2014

Quatrième de couverture : 
Travis, 16 ans, est atteint d’une leucémie incurable. Face à l’échéance fatale, un médecin lui propose de suivre un protocole expérimental et révolutionnaire : laisser mourir son corps malade et cryogéniser sa tête, seule partie de son corps épargnée par l’affection, en attendant que la science ait découvert un moyen de la greffer sur le corps d’un donneur. Les chances de succès sont infimes, mais Travis se porte volontaire. Lorsqu’il se réveille dans un corps inconnu au terme d’un long « sommeil » de cinq ans, mais avec la sensation de ne s’être absenté que trois semaines, il peine à reconnaître le monde qui l’entoure. Sa copine Cate et son meilleur ami Kyle ont désormais 22 ans, mais lui, avec un mental intact d’adolescent, a l’impression de les avoir quittées la veille. Ses parents, soucieux de préserver leur fils unique, lui cachent les bouleversements intervenus au sein de leur couple. Enfin, sa résurrection a fait de lui une célébrité médiatique sans qu’il y soit préparé. Très vite, Travis se sent tiraillé entre deux mondes : il appartient au passé, mais se sent prêt à tout pour trouver une place dans le futur qui est le sien désormais. Avec courage et détermination, il n’a d’autre choix que de partir à la poursuite de sa nouvelle vie…

Auteur : John Corey Whaley, né en 1984, est un auteur américain de romans pour jeunes adultes. 

Mon avis :  (lu en octobre 2015)
Travis a 16 ans lorsqu'il meurt d'une leucémie foudroyante. Il a accepté de participer à une expérience un peu particulière de cryogénie. Après sa mort, sa tête est conservée pour être plus tard greffée sur un autre corps. En acceptant cette expérience, Travis espère revivre un jour et peut-être retrouver Cate, sa petite amie, de nombreuses années plus tard. Or les progrès de la médecine ont été plus vite que prévu et finalement c'est seulement 5 ans plus tard que Travis revient à la vie. Pour lui, il a l'impression de se réveiller après quelques jours. Mais le monde autour de lui a continué de vivre. Ses amis ont maintenant 5 ans de plus que lui. Sa petite amie est fiancée... Travis a toujours le caractère d'un adolescent, qu'il n'a pas cessé d'être, contrairement à ses amis qui sont devenus des adultes. Travis a du mal à s'adapter à sa nouvelle vie, il a tendance à regretter sa vie d'avant... Il va lui falloir du temps pour arrêter de se plaindre et arrêter de ressasser le passé plutôt que de regarder vers l'avenir...
Cette histoire est très originale qui nous interroge sur comment vivre dans le corps d'un autre, ou pour les proches comment vivre un deuil avec un infime espoir de voir un proche revivre... 

Merci aux éditions Casterman pour cette lecture à la limite du fantastique.

Autre avis : Gambadou

Extrait : (début du livre)
Voilà : j'étais vivant, et puis je suis mort. C'est aussi simple que ça. Sauf que je suis de retour. Ce qui s'est passé dans l'intervalle reste pour moi un peu flou. Tout ce que je peux vous dire, c'est que ma tête a été séparée de mon corps puis placée dans un congélateur de l'hôpital de Denver, dans le Colorado.
Personne n'échappe à la mort. De tous les animaux de la planète, il paraît que l'homme est le seul à se savoir promis à une fin tragique. Seulement, certains sont confrontés à cette échéance beaucoup plus tôt que les autres. Par expérience, je peux témoigner qu'une existence humaine peut passer du paradis à l'enfer en moins de temps qu'il n'en faut pour prononcer les mots "leucémie aiguë lymphoblastique".
L'ancien moi est tombé malade en quelques jours, si rapidement que les médecins, incapables d'endiguer le mal, se sont trouvés réduits à commenter sa gravité et sa vitesse de progression. La chimio, la radiothérapie et les greffes de moelle osseuse n'ont fait qu'accélérer et renforcer le processus.
On dit qu'on ne vit qu'une fois. Je suis la preuve du contraire.

Challenge 3%
rl2015
13/18

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27 septembre 2015

Afghanes - Suzanne Fisher Staples

afghanes-191225-250-400 Gallimard Jeunesse - mars 2006 - 304 pages

Quatrième de couverture :
Octobre 2001, un mois après le 11 septembre. L’Afghanistan, dévasté par la guerre civile, est bombardé par les Américains. La jeune Najmah, douze ans, perd tout : sa famille, sa maison. Pour survivre, elle doit fuir. Déguisée en garçon, elle entreprend un périlleux voyage vers le Pakistan où elle espère retrouver la trace de son père et de son frère, enrôlés de force par les talibans. Nusrat est américaine. Mariée à un médecin pakistanais, elle a choisi de devenir musulmane. Son mari, parti en mission en Afghanistan, reviendra-t-il sain et sauf ?
Dans le camp de réfugiés de Peshawar, Nusrat fait l’école aux enfants réfugiés. Un jour, elle accueille Najmah dans sa classe. Leur rencontre est celle de deux âmes meurtries. Deux femmes insoumises. Deux cultures que tout semble opposer. Pourtant, un même espoir les réunit, leur permet de dépasser leurs pertes mutuelles et de continuer à aller de l’avant, malgré l’attente angoissante qui les mine…
« Aussi longtemps que tu connaîtras les étoiles, tu ne seras jamais perdu », dit le Coran.

Auteur : Suzanne Fisher Staples est américaine. Elle a vécu longtemps en Asie, au Pakistan, en Inde, en tant que journaliste, correspondante étrangère. Elle a travaillé au Pakistan et en Afghanistan, sur un projet d’alphabétisation des femmes en milieu rural, sponsorisé par l’Agence Américaine pour le Développement International. Elle s’est inspirée de ses expériences extraordinaires, de ses voyages, de ses rencontres pour écrire des romans qu'elle destine aux jeunes adultes. Elle vit en Pennsylvanie aux États-Unis.

Mon avis : (lu en septembre 2015)
Najmah, douze ans, est une jeune afghane qui a tout perdu. Elle vivait avec sa famille dans un village du nord de l'Afganistan dans la région de Kunduz. En octobre 2001, c'est la guerre, les Talibans sèment la terreur puis les Américains interviennent et bombardent le pays. Le père de Najmah et son frère sont emmenés par les Talibans, elle reste seule avec sa mère enceinte d'un bébé qui doit arriver sous peu. Un bombardement, la laisse seule sans rien : sa mère et son petit frère meurent, sa maison n'existe plus. Najmah est obligée de fuir pour survivre, son seul espoir rejoindre le Pakistan.
Nusrat est américaine, mariée à Faiz, un médecin pakistanais, elle a choisi de devenir musulmane et de le suivre au Pakistan. Lorsque l'histoire commence, Faiz est en mission au nord de l'Afghanistan, Nusrat vit à Peshawar, elle fait l’école à des enfants réfugiés. Chaque jour, elle espère son retour.
Ce livre est passionnant et très bien écrit, Najmah et Nusrat sont deux personnages attachantes et étonnantes. Elles ont deux cultures différentes, mais toutes veulent survivre, aller de l'avant. Le lecteur découvre l'Afghanistan et ses habitants, ses coutumes, la guerre et les difficultés qu'il en découle. Un livre littérature ado qui se lit très bien pour des adultes.
Bravo, également au lexique en fin du livre nous permettant de comprendre quelques mots afghans ou pakistanais. 

Extrait : (début du livre)
Cette journée a commencé comme toutes les autres, au rythme de la lune et du soleil. Avant même que les étoiles ne cessent de briller au-dessus des montsKunduz pour faire place aux premières lueurs de l'aube, ma mère a secoué ma couverture et m'a chuchoté : 

- Réveille-toi, la belle endormie, c'est l'heure d'allumer le feu ! 
J'avais l'impression que je venais de m'endormir. Puis elle s'est penchée sur le lit de mon frère aîné, Nur. 
- Debout, toi aussi, il est temps d'aller chercher l'eau pour le thé !
Nur a grogné et s'est retourné dans son lit en remontant la couverture sur sa tête. Alors, comme chaque fois que mon frère feignait de l'ignorer, Mada-jan a soulevé l'extrémité de la courtepointe et lui a chatouillé la plante des pieds avec un bout de paille. 

4 septembre 2015

Le Secret de la manufacture de chaussettes inusables - Annie Barrows

le secret de la manufacture Nil - juin 2015 - 621 pages

traduit par Claire Allain et Dominique Haas

Titre original : The Truth According to Us, 2015

Quatrième de couverture :
Ce n'était pas le projet estival dont Layla avait rêvé. Rédiger l'histoire d'une petite ville de Virginie-Occidentale et de sa manufacture de chaussettes, Les Inusables Américaines. Et pourtant... Eté 1938. Layla Beck, jeune citadine fortunée, refuse le riche parti que son père lui a choisi et se voit contrainte, pour la première fois de sa vie, de travailler. Recrutée au sein d'une agence gouvernementale, elle se rend à Macedonia pour y écrire un livre de commande sur cette petite ville. L'été s'annonce mortellement ennuyeux. Mais elle va tomber sous le charme des excentriques désargentés chez lesquels elle prend pension. Dans la famille Romeyn, il y a... La fille, Willa, douze ans, qui a décidé de tourner le dos à l'enfance... La tante, Jottie, qui ne peut oublier la tragédie qui a coûté la vie à celui qu'elle aimait... Et le père, le troublant Félix, dont les activités semblent peu orthodoxes. Autrefois propriétaire de la manufacture, cette famille a une histoire intimement liée à celle de la ville. De soupçons en révélations, Layla va changer à jamais l'existence des membres de cette communauté, et mettre au jour vérités enfouies et blessures mal cicatrisées.

Auteur : Annie Barrows est née en 1962 en Californie. Mariée, mère de deux enfants, elle se consacre à l'écriture et a publié de nombreux livres jeunesse. Elle a écrit avec sa tante Mary Ann Shaffer Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates.

Mon avis : (lu en août 2015)
Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates est un de mes livres préféré et je voulais vraiment découvrir le nouveau roman d'Annie Barrows. Cette histoire est très différente du premier livre mais cela ne m'a pas empêcher de beaucoup aimer cette lecture.
Nous sommes en 1938, aux États-Unis, dans la petite ville de Macedonia en Virginie-Occidentale. La ville vit grâce à son usine de chaussettes, les Inusables Américaines. Layla Beck, fille d'un sénateur puissant et fortuné, refuse d'épouser le mari que son père lui a choisi. Elle se retrouve donc sans ressource et la voilà contrainte de travailler pour une agence gouvertementale. Elle est envoyée à Macedonia pour écrire l'histoire de la ville qui fête ses 150 ans. Layla prend pension chez la famille Romey qui était autrefois propriétaire de la manufacture. Cette famille est assez excentrique et très attachante en particulier Willa, fillette âgée de 12 ans, qui se pose pleins de questions sur les adultes et Jottie, sa tante, qui l'élève elle et sa jeune soeur...
A travers les voix de Layla, Willa et Jottie nous plongeons dans le présent et le passé de Macedonia et de ses habitants hauts en couleur...
J'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir ce livre plein de fantaisie, de poésie et d'humour, j'ai particulièrement aimé le personnage de Willa et j'ai été touchée par Jottie.

Autre avis : Unautreendroit

Extrait : 
15 juillet 2015

Ne tombe jamais – Patricia McCormick

ne tombe jamais Gallimard Jeunesse - octobre 2014 - 240 pages

traduit de l’anglais par Jean-François Ménard

Titre original : Never fall down, 2012

Quatrième de couverture :
Cambodge, avril 1975. Quand les soldats arrivent à Battambang, sa ville natale, Arn n'est qu'un gamin de 11 ans qui danse au son d'Elvis Presley et vend des glaces avec son frère. Arrivés au pouvoir, les Khmers rouges envoient tous les habitants du village en longues marches forcées vers des camps de travail. Séparé de sa famille, Arn travaille dans les rizières sous une chaleur accablante et rongé par la faim. Autour de lui, des enfants meurent d'épuisement, des ouvriers sont assassinés sauvagement... Mais Arn n'est qu'au début d'un cauchemar qu'il ne peut soupçonner. Très tôt, il se fait cette promesse à lui-même : "Ne tombe jamais."

Auteur : Patricia McCormick est américaine. Élevée dans un milieu protégé au cœur des beaux quartiers, elle s'est toujours sentie différente. Journaliste indépendante et enseignante, elle écrit depuis l'enfance et rêvait de devenir écrivain. Pour écrire «13 ans, 10 000 roupies», Patricia a passé un mois en Inde et au Népal où elle a interviewé les femmes du quartier rouge de Calcutta. Le roman a été porté à l'écran en 2014. Elle est aussi l'auteur de deux autres romans pour adolescents, tous copieusement récompensés aux Etats-Unis. Elle vit à New-York avec son mari, son fils et ses deux chats.

Mon avis : (lu en juillet 2015)
Arn avait onze ans lorsque les Khmers rouges ont pris le pouvoir au Cambodge. Séparé de toute sa famille, il s’est retrouvé dans un camp de travail pour enfants, il devait travailler sans repos et mal nourri dans des rizières. Beaucoup sont morts de faim, de maladie ou d’épuisement, ou alors torturés ou dénoncés comme traîtres... Arn a réussi à survivre et ce livre raconte son histoire, son témoignage.
Pour un livre destiné à des adolescents, ce témoignage est très dur et personnellement, je n’ai pas pu lire ce livre d’une traite, quelques chapitres d’affilés me suffisaient tellement ce jeune garçon a été témoin de l’horreur de ce génocide. Avant de le donner à lire à des adolescents lycéens, il me semblent important de les y préparer en situant le contexte historique. Je viens seulement de remarquer la mise en garde de la quatrième de couverture : « Ce livre ne convient pas aux plus jeunes lecteurs ».
Ce livre est un témoignage fort et impressionnant, à lire et faire lire.

Extrait : (début du livre)
Battambang, Cambodge
Avril 1975
Le soir, dans notre ville, c'est la musique partout. Maisons riches. Maisons pauvres. C'est pareil. Tout le monde a de la musique. Radios. Tourne-disques. Cassettes huit pistes. Même les types qui pédalent sur les rickshaws, ils attachent une minuscule radio au guidon et ils chantent pour les passagers. Dans ma ville, la musique, c'est comme l'air qu'on respire, toujours là.
Tous les hommes, toutes les femmes se promènent dans le parc pour entendre les nouvelles chansons. Les Cambodgiens aiment beaucoup les chansons. Les chansons d'amour françaises. Le rock'n'roll américain. Comme les Beatles. Comme Elvis. Comme Chubby Checker. Les dames en sarong, elles marchent si légèremen, c'est comme si elles flottaient dans les rues. Les hommes en pantalon, les cheveux lissés en arrière, ils fument des Lucky Strike. Des vieux jouent aux cartes. Des vieilles dames vendent des mangues, vendent des nouilles, vendent des montres. Des enfants jouent au cerf-volant, mangent des glaces. Toute la ville est dehors, le soir.
Mon petit frère et moi, on est devant le grand cinéma et on chante pour les gens. On fait du twist, aussi. "Let's twist again, like we did last summer !" Deux enfants tout maigres, pas de chaussures, le pantalon déchiré, ils aiment bien qu'on chante pour eux. Ils nous donnent même des pièces.
Ce soir, je regarde bien la foule, je trouve une dame - une grosse dame, grosse comme une pomme de lait - et lentement, lentement, sans qu'elle nous voie, mon frère et moi, on se cache derrière sa jupe, on la tient si doucement, elle ne le sait même pas, et on fait comme si c'étais notre mère. Les enfants avec leurs parents peuvent voir le film gratuitement. Les enfants comme nous, on fait semblant.
Dans le cinéma, on regarde l'Amérique, en noir et blanc, avec des avions, des voitures qui brillent et des femmes dans des jupes si courtes, elles montrent leurs genoux. Film de guerre, plein de coups de feu, un peu de baisers. Pour les coups de feu, mon frère et moi, on applaudit. Pour les baisers, on se cache le visage dans notre chemise.

2 avril 2015

La dernière fugitive - Tracy Chevalier

Lu en partenariat avec les éditions Folio

la derniere fugitive la derniere fugitive_folio

Quai Voltaire - octobre 2013 - 384 pages

Folio - février 2015 - 392 pages

traduit de l'américain par Anouk Neuhoff

Titre original : The last runaway, 2013

Quatrième de couverture :
1850. Après un revers sentimental, Honor fuit les regards compatissants des membres de sa communauté quaker. Elle s'embarque pour les Etats-Unis avec sa soeur, Grace, qui doit rejoindre son fiancé. A l'éprouvante traversée s'ajoute bientôt une autre épreuve : la mort de Grace, emportée par la fièvre jaune. Honor décide néanmoins de poursuivre son voyage jusqu'à Faithwell, une petite bourgade de l'Ohio. C'est dans cette Amérique encore sauvage et soumise aux lois esclavagistes, contre lesquelles les quakers s'insurgent, qu'elle va essayer de se reconstruire. Portrait intime de l'éclosion d'une jeune femme, témoignage précieux sur la vie des quakers et le «chemin de fer clandestin» - ce réseau de routes secrètes des esclaves en fuite -, La dernière fugitive confirme la maîtrise romanesque de l'auteur du best-seller La jeune fille à la perle.

Auteur : Tracy Chevalier est américaine et vit à Londres depuis 1984 avec son mari et son fils. Spécialiste des romans historiques et des portraits de femmes, elle est l'auteur du Récital des anges (2002), de La Dame à la Licorne (2003), de La Vierge en bleu (2004), de L'Innocence (2007), de Prodigieuses créatures (2010) et de La Jeune Fille à la perle (2000) adapté au cinéma par Peter Webber en 2002, et interprété par Scarlett Johansson.

Mon avis : (lu en mars 2015)
J'ai beaucoup aimé ce livre qui nous raconte l'histoire de Honor Bright, une jeune quaker anglaise qui émigre aux États-Unis dans les années 1850. Son fiancé l'ayant quitté pour une jeune fille n'appartenant pas à la communauté, Honor décide d'accompagner sa soeur Grace promise à voisin qui est déjà parti en Amérique. Tout commence avec la difficile traversée de l'Atlantique en bateau, Honor va être malade tout au long du voyage et comprend dès son premier pas sur la terre d'Amérique qu'elle ne fera certainement jamais la route inverse. Ensuite, c'est le long voyage pour rejoindre l'Ohio qui sera endeuillée par la mort de Grace emportée par la fièvre, cette dernière ne rejoindra jamais son futur mari... Honor se retrouve donc seule dans un pays différent de l'Angleterre, elle va rencontrer Belle, une femme modiste, dont la vie est à l'opposée de la sienne si calme et pieuse... A travers l'histoire d'Honor, nous découvrons l'Amérique de 1850, la communauté quaker, le travail minutieux et artistiques des quilts (patchwork), et les « chemins de fer clandestins », réseaux de routes secrètes tracées par les esclaves pour rejoindre les terres libres du Canada. 
Tracy Chevalier réussit avec brio ce nouveau livre, les personnages sont nombreux, attachants et l'intrigue captivante.

Merci Anna et les éditions Folio pour cette lecture passionnante et instructive.

Extrait : (début du livre)
Elle ne pouvait pas revenir en arrière. Quand Honor Bright avait brusquement annoncé à sa famille qu’elle allait accompagner sa sœur Grace en Amérique – quand elle avait trié ses objets personnels, ne gardant que le nécessaire, quand elle avait fait don de tous ses patchworks, quand elle avait dit au revoir à ses oncles et tantes, et embrassé ses cousins et cousines et ses neveux et nièces, quand elle était montée dans le coche qui allait les arracher à Bridport, quand Grace et elle s’étaient donné le bras pour gravir la passerelle du bateau à Bristol –, tous ces gestes, elle les avait effectués en se disant en son for intérieur : Je pourrai toujours revenir. Sous cette pensée, toutefois, était tapi le soupçon que dès que ses pieds auraient quitté le sol anglais, sa vie serait irré- vocablement transformée.
Au moins l’idée de rentrer un jour adoucit-elle les semaines qui précédèrent son départ, telle la pincée de sucre ajoutée en secret à une sauce pour en dompter l’acidité. Cette idée lui permit de rester calme, et de ne pas pleurer comme le fit son amie Biddy lorsqu’elle lui donna le quilt qu’elle venait de terminer : un patchwork de losanges marron, jaunes et blanc cassé assemblés en étoile de Bethléem à huit branches, surpiqué de motifs de harpes, sans oublier la bordure de plumes pour laquelle elle était connue. La communauté lui avait offert un quilt de l’amitié dont chaque bloc avait été confectionné et signé par une amie ou une parente différente, or elle n’avait pas la place pour les deux courtepointes dans sa malle. Le quilt de l’amitié n’était pas aussi bien exécuté que le sien, mais naturellement c’était celui-là qu’elle devait emporter. « Il est mieux en ta possession, pour te faire penser à moi, avait insisté Honor alors que son amie en pleurs tentait de lui rendre de force le quilt étoile de Bethléem. Des couvre-pieds, je pourrai en faire d’autres dans l’Ohio. »
Pour ne pas penser au voyage lui-même, Honor tendit plutôt son esprit vers sa destination, à savoir la maison en bardeaux dont son futur beau-frère avait envoyé des croquis à Grace dans ses lettres de l’Ohio. « C’est une maison solide, même si elle n’est pas bâtie dans la pierre à laquelle tu es accoutumée, avait écrit Adam Cox. La plupart des maisons ici sont en bois. C’est seulement quand une famille s’est bien établie et ne risque plus guère de repartir qu’elle construit une maison en briques.
« Elle est située au bout de Main Street, à l’entrée du village, poursuivait-il. Faithwell est encore un petit bourg, avec une quinzaine de familles d’Amis. Mais il va grandir, par la grâce de Dieu. Le magasin de mon frère se trouve à Oberlin, une ville plus importante à cinq kilomètres de distance. Lui et moi espérons le transporter à Faithwell une fois que l’agglomération sera assez grosse pour accueillir une boutique de drapier. Ici on appelle cela un “magasin de nouveautés”. Il y a beaucoup de mots nouveaux à apprendre en Amérique. »
Honor ne se voyait pas vivre dans une maison en bois, qui brûlait à toute vitesse, gauchissait pour un rien, émettait des grincements et des gémissements, mais ne procurait aucun sentiment de permanence, contrairement à la brique ou la pierre.
Elle avait beau s’efforcer de restreindre ses inquié- tudes à sa crainte de vivre dans une maison en bois, elle ne pouvait s’empêcher de penser à la traversée sur l’Adventurer, le navire sur lequel elles franchiraient l’Atlantique. Honor connaissait bien les bateaux, comme tout résident de Bridport. Elle accompagnait de temps en temps son père au port quand une cargaison de chanvre arrivait. Elle était même déjà montée à bord, et avait regardé les marins ferler les voiles, enrouler les cordages et laver les ponts. Mais elle n’avait jamais pris la mer. Un jour, quand elle avait dix ans, son père avait emmené la famille passer la journée dans le village d’Eype, et Honor, Grace et leurs frères étaient allés faire un tour en canot à rames. Grace avait adoré naviguer : elle avait poussé des cris perçants, ri à gorge déployée et fait semblant de tomber à l’eau. Honor, quant à elle, s’était agrippée au rebord de la barque pendant que ses frères ramaient, s’évertuant à ne pas paraître affolée par le tangage, et par l’étrange et désagréable sensation de ne plus avoir la terre ferme sous ses pieds. Elle avait regardé sa mère qui arpentait la plage avec sa robe foncée et son bonnet blanc, impatiente de voir ses enfants revenir sains et saufs. Après cette expérience, Honor avait fui les bateaux.

Déjà lu du même auteur : 

prodigieuses_cr_atures  Prodigieuses créatures la_jeune_fille___la_perle La jeune fille à la perle 

la_vierge_bleu La Vierge en bleu

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19 mars 2015

La Bibliothèque des cœurs cabossés - Katarina Bivald

 Lu en partenariat avec les éditions Denoël

la bibli des coeurs cabossés Denoël - janvier 2015 - 496 pages

traduit du suédois par Carine Bruy

Titre original : Läsarna i Broken Wheel rekommenderar, 2013

Quatrième de couverture :
Tout commence par les lettres que s'envoient deux femmes très différentes : Sara Lindqvist, vingt-huit ans, petit rat de bibliothèque mal dans sa peau, vivant à Haninge en Suède, et Amy Harris, soixante-cinq ans, vieille dame cultivée et solitaire, de Broken Wheel, dans l'Iowa. Après deux ans d'échanges et de conseils à la fois sur la littérature et sur la vie, Sara décide de rendre visite à Amy. Mais, quand elle arrive là-bas, elle apprend avec stupeur qu'Amy est morte. Elle se retrouve seule et perdue dans cette étrange petite ville américaine. Pour la première fois de sa vie, Sara se fait de vrais amis - et pas uniquement les personnages de ses romans préférés -, qui l'aident à monter une librairie avec tous les livres qu'Amy affectionnait tant. Ce sera pour Sara, et pour les habitants attachants et loufoques de Broken Wheel, une véritable renaissance. Et lorsque son visa de trois mois expire, ses nouveaux amis ont une idée géniale et complètement folle pour la faire rester à Broken Wheel.

Auteur : Katarina Bivald a grandi en travaillant à mi-temps dans une librairie. Aujourd’hui, elle vit près de Stockholm, en Suède, avec sa sœur et autant d’étagères à livres que possible. La Bibliothèque des cœurs cabossés est son premier roman.

Mon avis : (lu en mars 2015)
J'ai eu envie de découvrir ce livre rien qu'en voyant la couverture et le titre... Et c'est un coup de cœur !
Après deux ans de relation épistolaire et d'échange de livres, Sarah Lindquist, jeune femme suédoise de vingt huit ans, est invitée par Amy Harris, américaine de soixante-cinq, à venir la rencontrer chez elle à Broken Wheel, dans l'Iowa. Mais lorsque Sarah arrive au bout de son voyage, elle apprend qu'Amy est morte et elle se retrouve seule dans cette petite ville américaine. Etant l'invitée d'Amy, elle devient naturellement l'invité de Broken Wheel. Les habitants de cette petite ville, souvent hauts en couleur, vont tout faire pour rendre son séjour agréable. 
Sarah est une fille timide, le nez toujours plongé dans un livre et vivant plus souvent avec les personnages des romans qu'elle dévore qu'avec de vrai gens.
A Broken Wheel, elle va découvrir de vrais amis et en décidant d'ouvrir une librairie avec tous les livres qu'Amy avait chez elle, Sarah va se révéler.
J'ai passé un excellent moment de lecture en compagnie de ce livre. J'ai aimé la galerie de personnages que sont les habitants de Broken Wheel, les lettres d'Amy à Sarah que le lecteur découvre tout au long du livre et bien sûr Sarah qui va grandir grâce à ce séjour dans l'Iowa.

Un grand Merci à Célia et aux éditions Denoël pour ce livre coup de cœur. 

Extrait : (début du livre)

Sara Lindqvist
7 Kornvägen, 1 tr
136 38 Haninge
Suède


Broken Wheel, Iowa, le 15 avril 2009


Chère Sara,
J’espère qu’Une jeune fille démodée de Louisa May Alcott te plaira. C’est une histoire charmante, même si elle est peut-être un soupçon plus moralisatrice que Les Quatre Filles du docteur March.
Inutile d’envisager de me le rembourser. J’avais ce livre en double depuis des années ? je suis ravie qu’il ait trouvé un nouveau foyer et qu’en plus, il fasse tout le chemin jusqu’en Europe. Moi, je ne suis jamais allée en Suède, mais je suis sûre que ce doit être un très beau pays.
N’est-ce pas amusant qu’un livre voyage davantage que sa propriétaire ? Je ne sais pas si cela est réconfortant ou inquiétant.
Salutations amicales,

Amy Harris

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   L’inconnue qui se tenait dans la rue principale de Hope était si quelconque que c’en était presque choquant. Une silhouette morne et sans formes vêtue d’un manteau gris de mi-saison, bien trop chaud pour cet automne. Un sac à dos gisait à ses pieds et une énorme valise était appuyée sur une fine poignée télescopique. Aux yeux des habitants qui avaient assisté par hasard à son arrivée, négliger à ce point son apparence était un manque certain de savoir-vivre. Comme si cette femme se moquait éperdument de leur faire bonne impression.
Ses cheveux étaient d’un brun indéterminé, ni franchement clair ni vraiment foncé. Ils étaient attachés à la va-vite avec une pince et tombaient en boucles désordonnées sur ses épaules. Là où aurait dû se trouver son visage, on voyait la couverture d’Une jeune fille démodée de Louisa May Alcott.
Être à Hope semblait vraiment ne lui faire ni chaud ni froid. Comme si elle avait juste atterri là, parachutée avec son livre, son barda, ses cheveux mal coiffés et tout le reste, et aurait tout aussi bien pu se trouver n’importe où dans le monde. Elle se tenait dans l’une des plus belles rues de Cedar County, peut-être la plus belle de tout le sud de l’Iowa, mais n’avait d’yeux que pour ce livre.
Elle ne devait quand même pas être totalement dénuée de curiosité, car de temps à autre, une paire d’yeux gris émergeaient au-dessus de son roman, tel un chien de prairie qui pointe la tête pour vérifier si la voie est libre.
Elle baissait légèrement le livre, scrutait d’abord à gauche, puis, sans tourner la tête, balayait les lieux du regard aussi loin que possible vers la droite. Enfin, elle relevait l’ouvrage et s’y replongeait de plus belle.

En réalité, à ce stade, Sara avait mémorisé la rue quasiment dans ses moindres détails. Même avec le livre devant ses yeux, elle aurait pu dépeindre le soleil du soir qui se reflétait sur des 4×4 rutilants, les frondaisons policées des arbres tout aussi pimpantes, ainsi que l’enseigne aux couleurs patriotiques, des rayures rouges-blanches-bleues, du salon de coiffure situé une cinquantaine de mètres plus loin. Une odeur entêtante de tarte aux pommes tout juste sortie du four flottait sur l’ensemble de la scène. Elle émanait du café derrière elle, où un groupe de femmes d’âge moyen l’observaient lire avec une désapprobation non dissimulée. Du moins Sara en avait-elle l’impression. Chaque fois qu’elle relevait les yeux de son roman, ces femmes fronçaient les sourcils et secouaient légèrement la tête, estimant sans doute que lire sur le trottoir constituait une infraction aux rigueurs de l’étiquette.
Elle prit à nouveau son portable et rappela le dernier numéro composé. Neuf sonneries retentirent avant qu’elle ne raccroche.
Amy Harris était donc un peu en retard. Il y avait sans doute une explication sensée. Un pneu crevé, peut-être. Une panne d’essence. Il était facile d’avoir — elle consulta à nouveau l’écran de son téléphone — deux heures et trente-sept minutes de retard.
Sara ne s’inquiétait pas. Pas encore. Amy Harris écrivait des missives empreintes de sincérité sur du bon vieux papier à lettres à l’ancienne, épais et d’une douce nuance écrue. Il n’y avait absolument aucun risque qu’une personne de ce genre abandonne une amie dans une ville inconnue, ou se révèle être une tueuse en série psychopathe et perverse, quoi que la mère de Sara ait pu imaginer.

 

Challenge Petit Bac 2015 
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Challenge Voisins Voisines 2015
voisins voisines 2015

Suède

16 mars 2015

Oona et Salinger - Frédéric Beigbeder

 Lu dans le cadre du Challenge
 
"Écoutons un livre"
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Audiolib - novembre 2014 - 5h59 - lu par Edouard Baer

Grasset - août 2015 - 336 pages

Quatrième de couverture :
« Il arrive un moment, dans certains pays, à certaines époques, où les hommes semblent attendre un événement important et tragique qui permettrait de résoudre tous les problèmes. Ces périodes sont généralement nommées : avant guerre. Elles sont assez mal choisies pour tomber amoureux. En 1940, à New York, un écrivain débutant nommé Jerry Salinger, vingt et un ans, rencontre Oona O’Neill, quinze ans, la fille du plus grand dramaturge américain. Leur idylle ne commencera vraiment que l’été suivant... quelques mois avant Pearl Harbor. Début 1942, Salinger est appelé pour combattre en Europe et Oona part tenter sa chance à Hollywood. Ils ne se marièrent jamais et n’eurent aucun enfant. »

Auteur : Romancier, Frédéric Beigbeder est notamment l’auteur de L’amour dure trois ans(1997), qu’il a porté à l’écran en 2012, 99 francs (2000), Windows on the World (2003, prix Interallié) et Un roman français (2009, prix Renaudot). Il est également feuilletoniste au Figaro Magazine et directeur de la rédaction du magazine Lui.

Lecteur : Comédien, auteur, metteur en scène, Édouard Baer marque ses succès desa personnalité aux facettes changeantes, drôle, lunaire, féroce ou tendre. Ses lectures toutes de finesse et d’émotion retenue, le placent au premierplan des très grandes voix françaises.

Mon avis : (écouté en mars 2015)
J'ai mis du temps à lire ce livre pour plusieurs raisons, je n'avais pas spécialement envie de le lire, car je trouve cet auteur assez exaspérant et Edouard Baer a une voix que je n'apprécie pas spécialement.
Connaître la vie d'Oona et de Salinger était prometteur mais l'intrusion permanente de la vie de Frédéric Beigbeder dans ce livre est vraiment horripilant !
Finalement, j'ai fini par m'habituer à la voix du lecteur et à l'oublier. J'ai bien aimé tous les passages concernant Oona et Salinger mais les apartés de l'auteur sur sa petite vie n'apportent absolument rien à cette jolie histoire amoureuse que je ne connaissais pas et que j'ai pris plaisir à découvrir
Dans ce livre audio pas de bonus avec un entretien avec l'auteur... De toute façon, il est déjà inclu dans le livre...

Autres avis : Sylire , Laure

Extrait : (début du livre)
Au printemps de l’année 1980, les habitués du Paley Park de New York furent témoins d’une scène assez inhabituelle. Une longue limousine noire se gara devant le jardin public ; il devait être aux alentours de quinze heures. Le chauffeur de la voiture ouvrit la portière à une passagère d’une soixantaine d’années, vêtue d’un tailleur blanc et portant des lunettes de soleil, qui descendit lentement du véhicule. La dame demeura immobile un instant, tritura nerveusement son collier de perles, comme si elle priait avec un chapelet, puis se dirigea vers le coin gauche du parc. S’avançant lentement vers le mur d’eau, sous les arbustes, la femme riche retira de son sac à main quelques morceaux de porcelaine brisée. Son comportement devint alors très étrange. Elle s’agenouilla sur le sol et se mit à creuser frénétiquement la terre, de ses ongles manucurés. Un mangeur de hot dog se demanda pourquoi cette chiffonnière fouillait les plates-bandes au lieu de chercher des victuailles dans la poubelle, située à l’autre extrémité du square. Sur le moment, il n’y prêta pas attention mais il lui sembla bien que la sexagénaire enterrait sa porcelaine cassée dans un trou et tassait de ses mains une motte de terre par-dessus, à quatre pattes sous le jardin vertical, comme un enfant dans un bac à sable. Ceux qui finissaient de déjeuner à ciel ouvert furent encore plus stupéfaits lorsque la bourgeoise se releva, les mains pleines de terre, et remonta dignement dans sa Cadillac. Malgré ses lunettes noires, on pouvait déceler sur son visage la satisfaction du travail bien fait. Elle avait l’air d’une excentrique comme on en voit parfois dans les rues de New York, surtout depuis la démocratisation des barbituriques. Le chauffeur referma la portière, fit le tour du véhicule, s’installa au volant et la longue berline glissa sans bruit vers la 5e Avenue.
« J’ai envie de raconter une histoire. Saurai-je un jour raconter autre chose que mon histoire ? »

Au début des années 2010, je me suis aperçu que je ne voyais plus personne de mon âge. J’étais entouré de gens qui avaient tous vingt ou trente années de moins que moi. Ma petite amie était née l’année de mon premier mariage. Où étaient passés ceux de ma génération ? Leur disparition avait été progressive : la plupart étaient occupés par leur travail et leurs enfants ; un jour, ils avaient cessé de sortir de leurs bureaux ou de leurs maisons. Comme je changeais souvent d’adresse et de téléphone, mes vieux amis n’arrivaient plus à me joindre ; certains d’entre eux mouraient parfois ; je ne pouvais m’empêcher de penser que ces deux tragédies étaient peut-être liées (quand on ne me voyait plus, la vie s’arrêtait). La pénurie de contemporains dans mon entourage avait peut-être une autre explication : je fuyais mon reflet. Les femmes de quarante ans m’angoissaient avec leurs névroses identiques aux miennes : jalousie de la jeunesse, cœur endurci, complexes physiques insolubles, peur de devenir imbaisable, ou de l’être déjà. Quant aux hommes de mon âge, ils ressassaient des souvenirs de vieilles fêtes, buvaient, mangeaient, grossissaient et perdaient leurs cheveux en se plaignant de leur épouse, ou de leur célibat, sans discontinuer. Au mitan de leur vie, les gens ne parlaient que d’argent, surtout les écrivains.

J’étais devenu un authentique gérontophobe. J’avais inventé une nouvelle sorte d’apartheid : je ne me sentais bien qu’avec des êtres dont j’aurais pu être le père. La compagnie des adolescents m’obligeait à des efforts vestimentaires, me forçait à adapter mon langage et mes références culturelles : elle me réveillait, me galvanisait, me rendait le sourire. Pour dire bonjour, je devais faire glisser ma paume sur la paume de mes jeunes interlocuteurs, puis fermer mon poing pour taper le leur, et ensuite frapper ma poitrine du côté gauche. Une simple poignée de main aurait trahi la différence de génération. De même, je devais éviter les plaisanteries datées, par exemple ne pas dire que je ramais comme Gérard d’Aboville (« Qui ça ? »). Lorsque je croisais des camarades de classe, je ne les reconnaissais pas ; souriant poliment, je prenais vite la fuite : les êtres de mon âge étaient décidément bien trop vieux pour moi. J’évitais soigneusement les dîners en ville avec des couples mariés. Toutes les obligations bourgeoises me faisaient peur, en particulier les réunions de quadragénaires en appartement de couleur taupe avec bougies parfumées. Ce que je reprochais aux gens qui me connaissaient, c’était précisément cela : me connaître. Je n’aimais pas qu’on sache qui j’étais. Je voulais retrouver ma virginité à 45 ans. Je ne sortais que dans des bars neufs pour enfants décoiffés, des boîtes de nuit lisses et plastifiées, aux toilettes privées de souvenirs, des restaurants à la mode dont mes vieux complices apprendraient l’existence deux ou trois ans plus tard, en feuilletant Madame Figaro. Parfois je draguais une jeune fille qui finissait par m’expliquer, avec un regard attendri, que sa mère était dans le même rallye que moi. Unique concession à la vieillesse : je ne tweetais pas. Je ne comprenais pas l’intérêt d’envoyer des phrases à des inconnus alors qu’on peut les rassembler dans des livres.

Je reconnais que mon refus de fréquenter ceux de mon âge était un refus de vieillir. Je confondais jeunisme et jeunesse. Ce qu’on voit sur chaque ride du visage de ses proches, c’est sa propre mort au travail. Je pensais sincèrement qu’en ne fréquentant que des adolescents qui parlaient de Robert Pattinson plutôt que de Robert Redford, j’allais vivre plus longtemps. C’était du racisme antimoi. On peut jouer les Dorian Gray sans cacher un portrait maléfique dans son grenier : il suffit de se laisser pousser la barbe pour ne plus apercevoir son vrai visage dans le miroir, d’être disc-jockey de temps à autre avec ses vieux 45 tours, de porter des tee-shirts suffisamment larges pour qu’on n’y distingue pas le ventre qui pousse, de refuser de mettre des lunettes pour lire (comme si un homme qui lit un livre en le tenant à bout de bras pouvait rajeunir), de se remettre au tennis en survêtement American Apparel anthracite à liséré blanc, de poser en photo dans les vitrines des magasins Kooples, de danser avec des surfeuses mineures au Blue Cargo d’Ilbarritz, et d’avoir la gueule de bois tous les jours.

Au début des années 2010, j’étais devenu incollable sur la biographie de Rihanna ; c’est dire si ma situation était préoccupante.
Trois ans plus tôt, dans une cafétéria de Hanover, New Hampshire, j’étais tombé sur cette photographie d’une adorable morte.

 Challenge Petit Bac 2015 
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Prénom (3)

Challenge 7% Rentrée Littéraire 2014 
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37/42

13 mars 2015

Trois mille chevaux-vapeur - Antonin Varenne

LOGOTYPE-2015

9782356417251-T trois mille chevaux

Audiolib - mai 2014 - 19h05 - Lu par Philippe Allard

Albin Michel - avril 2014 - 560 pages

Quatrième de couverture : 
Le sergent Bowman appartient à cette race des héros crépusculaires qui traversent les livres de Conrad, Kipling, Stevenson… Ces soldats perdus qui ont plongé au coeur des ténèbres, massacré, connu l’enfer, couru le monde à la recherche d’une vengeance impossible, d’une improbable rédemption. De la jungle birmane aux bas-fonds de Londres, des rives de l’Irrawaddy à la conquête de l’Ouest, ce roman plein de bruit et de fureur nous mène sans répit au terme d’un voyage envoûtant, magnifique et sombre. Antonin Varenne, l’auteur de Fakirs, renoue avec la lignée disparue des grands écrivains d’aventures et d’action. Une réussite qui marquera.
Philippe Allard prête son souffle à ce roman épique aux multiples péripéties.

Auteur : Après une maîtrise en philosophie, Antonin Varenne devient alpiniste du bâtiment puis charpentier, voyage en Islande, au Mexique… À l’âge de 33 ans, il publie son premier roman Le Fruit de vos entrailles (2006), suivi de Gâteau mexicain (2007). Avec Fakirs (2009), il reçoit le Grand Prix Sang d’encre et le Prix Michel Lebrun (2009). Son dernier roman, Le Mur, le Kabyle et le marin (2011), a reçu le prix des lecteurs Quais du Polar/20 Minutes et le prix du polar francophone.

Lecteur : Né à Bruxelles en 1968, Philippe Allard est comédien et improvisateur. Acteur de théâtre et habitué des scènes belges depuis 1986, il exerce également son métier à la RTBF depuis 2007.

Mon avis : (écouté en mars 2015)
L'écoute de ce livre me faisait un peu peur (sans doute les 19 heures d'écoute) et j'avais tort... Ce livre est passionnant, c'est à la fois un roman d'aventures, un enquête policière et un grand voyage depuis la Birmanie jusqu'aux États-Unis en passant par Londres...
La quatrième de couverture fait référence à Conrad, Kipling, Stevenson que je connais pas ou très peu, pour ma part cela m'a fait penser aux romans de Jules Verne.
En 1852, en Birmanie, Arthur Bowman est sergent au service de la Compagnie des Indes. Il est choisi pour une mission secrète durant la 2e guerre anglo-birmane. Avec une trentaine d'hommes il doit remonter la rivière Irrawady et arraisonner un navire transportant des armes. L'expédition tourne mal, les hommes sont capturés et torturés pendant plusieurs mois. Seuls dix d'entre eux en sortiront vivants. 
En 1858, à Londres, la ville est écrasée par une canicule et une sécheresse exceptionnelle, nous retrouvons Arthur Bowman dans un piteux état, l'alcool, l'opium et les cauchemars empoisonnent son quotidien. Mais un cadavre mutilé est découvert dans les égouts des bas fonds de Londres, Browman est accusé et celui-ci n'a plus qu'un objectif, trouver le vrai coupable, l'un de ses compagnons rescapés de Birmanie. Le sergent part donc à la recherche des rares survivants dans Londres, ses environs puis vers le Nouveau Monde. Pionniers, indiens, chercheurs d'or... c'est le far west et les grands espaces et l'aventure continue...
En bonus du livre audio, l'entretien avec l'auteur toujours intéressant complète une écoute qui m'a paru facile car l'histoire est si captivante que je n'ai perdu le fil de l'histoire que très rarement. 
Ce livre, que l'on ne lâche pas, est une très belle surprise !

Extrait : (début du livre)
- Rooney ! Putain de fainéant d'Irlandais ! Pallacate ! Rooney se leva du banc, traversa la cour en traînant des pieds et se planta devant le caporal.
- La jument en peut plus, chef. Y a plus un canasson qui tient debout.
- C'est toi qui en peux plus. En selle !
Le dos creusé par la fatigue, la tête à demi enfoncée dans l'abreuvoir, la jument pompait bruyamment des litres d'eau. Rooney saisit le licol, lui sortit la bouche de l'eau et grimaça en mettant le pied à l'étrier. Il avait galopé la moitié de la nuit d'une caserne à l'autre, son cul lui faisait mal, il avait de la terre plein les dents et le nez, le soleil lui chauffait le crâne.
Quinze miles jusqu'au comptoir de Pallacate.
La bête secoua la tête, refusant le mors. Rooney tira sur les rênes, la jument se cabra et il se rattrapa au pommeau pour ne pas tomber. Le caporal se marrait. Rooney cravacha les oreilles de son cheval en criant :
- Yap ! Yap ! Yap !
La jument partit au galop sur le dallage de la cour. Il passa sans ralentir les portes nord du fort Saint-George, fouetta la jument pendant un mile. Les plantations de mûriers défilaient, des champs de coton où travaillaient quelques paysans, penchés sur leurs outils. Tout au long de la piste, des colonnes de cipayes, dans leurs uniformes rouges, trottaient sous le soleil sac au dos et fusil à l'épaule.
Les garnisons convergeaient vers le fort et le port. Les villageois, inquiets, avaient fermé leurs portes et leurs fenêtres pour se protéger de la poussière levée par les bottes. L'armée de Madras était en grande manoeuvre, sur son chemin la campagne s'était vidée.
Lord Dalhousie, gouverneur général des Indes, avait déclaré la guerre au roi des Birmans.
Le général Godwin, arrivé la veille de Bombay avec dix navires, mobilisait tous les régiments.
Douze heures que Rooney portait des plis aux quatre coins de la région.
Pallacate. Encore huit miles. Sa dernière course.
Peut-être qu'il pourrait rester là-bas cette nuit, aller chez le Chinois et se payer une des filles. Elles étaient propres et le gin moins cher qu'à Saint-George. L'idée de passer la nuit au village des tisserands lui donna des ailes, mais pas à la jument, qui soufflait comme une tuberculeuse.
Rooney, les jambes trempées par l'écume, lui envoya une volée de coups. C'était la guerre, on avait le droit de tuer un cheval.
Il dépassa des gamins sur des ânes et des paysans en guenilles, aperçut les premières maisons de Pallacate, enfila sans ralentir la rue principale où des femmes coururent se mettre à l'abri, des enfants accrochés dans le dos.
- Yap ! Yap !
À la sortie du village il tourna à gauche vers les entrepôts du comptoir. Il aurait la boutique du Chinois pour lui tout seul. Et au fort, pareil. Plus personne, plus de corvées à la con pendant des semaines. Pendant que tout le monde partait pour Rangoon, lui resterait à se la couler douce. Le roi de Saint-George !

 Challenge Petit Bac 2015 
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Animal (3)

Challenge Trillers et Polars
2014-2015
 
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catégorie "Même pas peur" :  15/25 

29 janvier 2015

L'Apache aux yeux bleus - Christel Mouchard

 Lu en partenariat avec les éditions Flammarion

l'apache aux yeux Flammarion - janvier 2015 - 189 pages

Quatrième de couverture : 
Mai 1870. Le jeune Herman, âgé de 11 ans, est enlevé par des Apaches. Il est le "cadeau" d'un chef à sa femme qui ne peut pas avoir d'enfant. Il devient un véritable guerrier. A 20 ans, en pleine guerre des territoires contre les "Visages pâles", Herman est reconnu par les soldats. Il servira d'intermédiaire entre les Indiens et les blancs d'Amérique et retournera dans sa première famille.

Auteur : Christel Mouchard, directrice d'ouvrage, travaille depuis vingt ans sur les récits d'exploration et de voyage. Elle est l'auteur d'Aventurières en crinoline, La Reine des Boucaniers, La Rivière des âmes perdues au purgatoire, La Reine Antilope. Elle a traduit les mémoires de Mary Seacole (Je suis une mal-blanchie) et suivi l'édition du Dernier journal de David Livingstone.

Mon avis : (lu en janvier 2015)
Dès le début de cette lecture, j'ai pensé au livre Le fils - Philipp Meyer que j'ai lu en octobre 2014. Autant ce dernier était un pavé de 700 pages, assez long à lire, autant L'Apache aux yeux bleus de Christel Mouchard est parfait pour découvrir une partie de l'histoire des amérindiens. 
Herman est un jeune garçon de 11 ans, il est enlevé par les Apaches. Il est donné en cadeau par le Chef à sa femme celle-ci n'ayant  aucun enfant. D'abord considéré comme un esclave, il est mis à l'épreuve par les Indiens et deviendra ensuite un vrai guerrier Apache. Sa chevelure blonde et ses yeux bleus seront bientôt la seule preuve de son origine "Visage pâle". En effet Herman va devenir En Da et tout oublier ou presque de son passé.
J'ai beaucoup aimé cette histoire inspirée de faits réels très peu connus. C'est à la fois dépaysant et passionnant.

Merci Brigitte et les éditions Flammarion pour cette belle découverte.

 

 Challenge Petit Bac 2015 
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24 janvier 2015

L'avenue des Géants - Marc Dugain

 Lu dans le cadre du Challenge
 
"Écoutons un livre"
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Ecoutez lire - février 2013 - 10 h - Lu par Bernard Métraux

Gallimard – avril 2012 – 368 pages

Folio - septembre 2013 - 432 pages

Quatrième de couverture : 
Al Kenner serait un adolescent ordinaire s'il ne mesurait pas près de 2,20 mètres et si son QI n'était pas supérieur à celui d'Einstein. Sa vie bascule par hasard le jour de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Plus jamais il ne sera le même. Désormais, il entre en lutte contre ses mauvaises pensées. Observateur intransigeant d'une époque qui lui échappe, il mène seul un combat désespéré contre le mal qui l'habite. Inspiré d'un personnage réel, Avenue des Géants, récit du cheminement intérieur d'un tueur hors du commun, est aussi un hymne à la route, aux grands espaces, aux mouvements hippies, dans cette société américaine des années 60 en plein bouleversement, où le pacifisme s'illusionne dans les décombres de la guerre du Vietnam.

Auteur : Né en 1957, après avoir vécu les sept premières années de sa vie au Sénégal, Marc Dugain revient en France avec ses parents. Il intègre quelque temps plus tard l'Institut d'études politiques de Grenoble, où il étudie les sciences politiques et la finance, avant de prendre la tête d'une compagnie d'aviation. Mais l'écriture l'a toujours démangé. Aussi, il se décide à prendre la plume, et signe "La Chambre des officiers" en 1998. Ce premier roman reçoit près de vingt prix littéraires et est adapté au cinéma. Il sort ensuite "Campagne anglaise", "Heureux comme Dieu en France", "La Malédiction d'Edgar" et plus récemment "Une exécution ordinaire" (2007), et se constitue peu à peu un lectorat fidèle. Friand d'horizons lointains, Marc Dugain vit au Maroc depuis 2001.

Lecteur : Bernard Métraux est un acteur et metteur en scène français spécialisé dans le doublage. Il est la voix française régulière de Bill Murray. Il est aussi la voix de Kevin Spacey dans American Beauty.

Mon avis : (écouté en janvier 2015)
J'ai mis plus de temps que prévu à relire ce livre coup de cœur et coup de poing. J'ai trouvé le ton du lecteur un peu monocorde mais heureusement les chapitres sont assez courts et reprendre plusieurs fois la lecture d'un chapitre n'est pas trop contraignant.
Pour mon billet, je reprends l'essentiel du billet fait lors de ma première lecture...

Marc Dugain s'est inspiré de la vie d'un tueur en série américain des années 70 pour créer le personnage d'Al Kenner. Le 22 novembre 1963, jour de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy, la vie d'Al va basculer, encore adolescent il commet son premier meurtre. Il est alors interné dans un hôpital psychiatrique et rencontre des psychiatres qui l'écoutent. Son intelligence lui permet d'apprendre beaucoup de la psychiatrie.
Al Kenner est hors norme, il mesure 2,20 m et a un QI exceptionnel, supérieur à celui d'Einstein. Il aime les grands espaces et en même temps il est renfermé sur lui-même, il est lucide et il connaît très bien le mal qui le ronge et fait beaucoup d'effort pour vivre avec. Son contexte familiale est terrifiant, il a toujours été considéré comme un monstre par sa mère et son père ne s'est jamais interposé pour le protéger des maltraitances de sa mère.

Entre roman policier et roman américain, Marc Dugain a construit avec beaucoup de talent cette histoire prenante et passionnante de la vie d'Al Kenner. L'auteur tente de comprendre sa psychologie et le lecteur s'interroge : naît-on tueur ou le devient-on ? Al Kenner est à la fois attachant et d'une froideur et d'une lucidité troublante. Ce livre est également l'occasion de découvrir les États-Unis des années 60 et 70 avec la guerre du Vietnam, les communautés hippies...
Ce roman ne peut pas laisser indifférent le lecteur.

Malgré mon esprit trop occupé par autre chose, j'ai bien aimé cette relecture.

Extrait : (début du livre)
Comme chaque mois, elle lui fait face après s'être installée lourdement sur sa chaise. Elle sort les livres de son sac, une dizaine. Pour la plupart ils ont une couverture cartonnée. Il y jette un coup d’œil rapide, et les pose devant lui. Elle sourit d'un trait fin sans le regarder en face. Elle fait en sorte depuis des années de ne jamais croiser son regard, ce qui l'oblige à beaucoup tourner les yeux. Elle baisse souvent la tête. C'est l'occasion pour lui de voir le sillon de sa calvitie au milieu de son crâne s'élargir. Elle a les cheveux longs et il est difficile de dire quand ils sont propres. Même propres, ils n'ont pas l'air de l'être. Elle a dû être passablement jolie, pour autant qu'on puisse distinguer une ancienne beauté derrière des traits bouffis. Affaissé il l'est aussi, mais il a de bonnes raisons de l'être. Alors qu'elle, on se demande. Il aime bien cette femme. En fait, il en est venu à conclure qu'il l'aime bien parce qu'il ne ressent rien pour elle, ni amour ni haine. Parfois un peu d'agacement. Il lui en veut d'être la seule personne à lui rendre visite. Il lui en veut pour les autres qui ne le visitent jamais, ce qui est un peu injuste vu qu'il n'y a plus d'autres. Il est assez perspicace pour avoir remarqué que depuis longtemps elle a quelque chose à lui dire. Mais quoi ? Il n'en sait rien. Il sent juste la pesanteur d'une parole qui ne s'exprime pas. C'est au-delà de la timidité. Elle n'est jamais vraiment naturelle devant lui. Elle compose. Assez maladroitement et souvent sa voix est en décalage avec ses expressions. Parfois il la sent illuminée, parfois complètement éteinte. Elle a de gros seins flasques qui finissent une gorge fripée. Pour une femme qui doit avoir la soixantaine il ne trouve pas cela très reluisant. Mais il lui est reconnaissant de ne pas le faire fantasmer. On ne tire pas sur un moteur sans essence. 
- Vous avez parlé avec les journaux de ce qu'on avait évoqué ? 
Elle prend un temps pour répondre. Rien d'extraordinaire à cela, elle prend toujours un temps pour répondre comme si elle se sentait une responsabilité. 
- Oui. A plusieurs journaux de la côte. Ils sont int... comment dire, intrigués. Ils réfléchissent. Mais je crois que cela peut se faire. 
Ses yeux se remettent à tourner. Quand elle fait comme ça, il lui écraserait son poing sur la tête, mais au fond il n'en a pas très envie. Et puis il imagine les dégâts que cela causerait pendant qu'elle continue de sa voix où chaque mot semble s'excuser de sortir de sa bouche petite pour un visage de cette taille. Elle doit avoir du sang indien. Pas du sang frais, du sang qui remonte au début du siècle où on leur a réglé leur compte. 
- C'est un peu risqué pour eux, vous comprenez... 
- Vous voulez dire comme critique littéraire ? 
- Oh non ! Là-dessus ils se feront leur propre opinion. C'est plus de révéler qui vous êtes ou pas. Et s'ils ne disent pas qui vous êtes, on pourrait le leur reprocher un jour. En même temps, ils se disent qu'à révéler votre identité, ils pourraient faire un coup. Enfin, les médias... quoi... 

Déjà lu du même auteur : 

l_insomnie_des__toiles L'insomnie des étoiles avenue_des_geants Avenue des géants

 Challenge Petit Bac 2015 
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Taille (2)

Challenge Trillers et Polars
2014-2015
 
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catégorie "Même pas peur" :  12/25 

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