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A propos de livres...
10 juillet 2016

La Petite Boulangerie du bout du monde - Jenny Colgan

 la petite boulangerie_ la petite boulangerie

Editions Prisma - janvier 2015 - 528 pages

Pocket - janvier 2016 - 512 pages

traduit de l'anglais par Franicne Sirven, Eve Vila, Etienne Menanteau

Titre original : The little beach street bakery, 2015

Quatrième de couverture :
Quand son mariage et sa petite entreprise font naufrage, Polly quitte Plymouth et trouve refuge dans un petit port tranquille d'une île des Cornouailles. Quoi de mieux qu'un village de quelques âmes battu par les vents pour réfléchir et repartir à zéro ? 

Seule dans une boutique laissée à l'abandon, Polly se consacre à son plaisir favori : préparer du pain. Petit à petit, de rencontres farfelues – avec un bébé macareux blessé, un apiculteur dilettante, des marins gourmands – en petits bonheurs partagés, ce qui n'était qu'un break semble annoncer le début d'une nouvelle vie... 

Auteur : Jenny Colgan est une romancière britannique auteur de nombreuses comédies romantiques, et d'autant de délicieuses recettes de cuisine. 

Mon avis : (lu en juillet 2016)
Voilà un joli roman d'été rafraîchissant, qui fait du bien...
Polly a tout perdu : l'entreprise de communication qu'elle avait avec Chris, son compagnon, a fait faillite, son couple n'existe plus et leur appartement commun va être vendu. Avec le peu de ressources qui lui reste, Polly décide de s'installer à Mount Polbearne, petite île de Cornouaille reliée à la terre ferme par une chaussée submersible. Elle a besoin de calme pour envisager son avenir... Elle sympathise avec une équipe de pêcheurs, avec un jeune macareux blessé et avec un apiculteur américain. Elle a plus de mal avec sa propriétaire qui est aussi la boulangère de l'île, c'est une vieille femme revêche qui fait un pain détestable. A ses moments perdus, Polly adore pétrir du pain, cela la déstresse et lui vide la tête de ses soucis... 
J'ai beaucoup aimé ce livre qui a failli plusieurs fois me faire rater ma station de métro ou ma gare... trop absorbée dans ma lecture ! Les personnages sont attachants, les paysages magnifiques, les sentiments simples et justes... Et en bonus à la fin du livre, quelques recettes de pains à tester... A découvrir !

Extrait : (début du livre)
Des années plus tard, quand elle serait bien vieille, et à des kilomètres de là, Polly aurait du mal à trouver les mots pour expliquer que tel était leur quotidien, à l'époque. Que certains jours, ils pouvaient rejoindre la côte en voiture, et d'autres, ils étaient obligés de prendre le bateau. Parfois même ils se retrouvaient complètement isolés pendant de longues périodes, et personne ne savait vraiment alors combien de temps cela allait durer. Le tableau des marées vous disait à quelle heure la mer allait monter ou se retirer, il n'annonçait pas la météo.

- Mais ça devait être affreux, dirait Judith. De se savoir coupé du monde, comme ça...
Alors, Polly repenserait aux reflets du soleil scintillant à la crête des vagues, quand la mer était haute, aux changements de lumière et aussi à l'eau qui se teintait de rose, de mauve et de violet lorsque le soleil se couchait, à l'ouest. Vous compreniez qu'un autre jour était sur le point de se terminer, sans que vous ayez eu envie d'aller nulle part ailleurs.
- En fait, pas du tout, répondrait-elle. C'était magnifique. Un peu comme se pelotonner sous une doudoune, bien à l'abri. En sécurité, avec tous les autres, sur le Mount. Il fallait s'assurer de tout avoir surélevé, et si l'électricité marchait encore, c'était tant mieux, sinon, eh bien, tu te passais aussi de ça. Tu pouvais voir dans ce cas les flammes des bougies briller derrière toutes les petites fenêtres. C'était chaud et douillet.
- On dirait que ça fait un siècle, au moins...
- Je sais, dirait Polly en souriant. Pourtant, c'était il n'y a pas si longtemps... Pour moi, ça semble hier. Lorsque tu as trouvé l'endroit où ancrer ton coeur, il reste à jamais en toi.
Mais bien sûr, tout cela arriva bien plus tard. Car au début, ce fut affreux.

2014

Polly feuilleta les dépliants glissés dans une pochette à rabats en papier glacé, avec la photo d'un phare en couverture. Une photo magnifique, nota-t-elle, faisant vraiment de son mieux pour voir les choses sous un angle positif.
En fin de compte, ces deux types étaient plutôt aimables. Plus encore qu'ils n'y étaient obligés. Tellement gentils, en réalité, qu'au lieu d'aller mieux, Polly étrangement se sentit encore plus mal. Triste, en fait, plutôt qu'en colère, ou sur la défensive.
Ils avaient pris place dans l'arrière-salle du petit bureau de deux pièces aménagé dans l'ancienne gare. Ce bureau dont Chris et elle étaient si fiers. C'était mignon, coquet, avec une vieille cheminée hors service qui trônait dans ce qui servait autrefois de salle d'attente.

Challenge Voisins, Voisines
voisins voisines 2016
Grande-Bretagne

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18 juin 2016

Le jour où Anita envoya tout balader - Katarina Bivald

Lu en partenariat avec les éditions Denoël

B26674 Denoël - mai 2016 - 464 pages

traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy

Titre original : Livet, motorcyklar och andra omöjliga projekt, 2015

Quatrième de couverture : 
L'été de ses dix-huit ans, Anita Grankvist s'était fixé trois objectifs : apprendre à conduire une moto, acheter une maison et devenir complètement indépendante. Presque vingt ans plus tard, Anita n'a toujours pas réalisé ses rêves. Elle mène une petite vie tranquille, seule avec sa fille Emma, et travaille au supermarché local. Le départ d'Emma pour l'université va bouleverser ce quotidien un peu fade. Anita va devoir gérer quelque chose qui lui a cruellement manqué ces deux dernières décennies : du temps libre. Qu'à cela ne tienne, Anita commence à prendre des leçons de moto, se lance dans un projet impossible, apprend à connaître sa mère légèrement sénile, et tombe follement amoureuse. Finalement, n'est-ce pas merveilleux de réaliser ses rêves d'adolescence à l'approche de la quarantaine ?

Auteur : Katarina Bivald a grandi en travaillant à mi-temps dans une librairie. Aujourd'hui, elle vit près de Stockholm, en Suède, avec sa soeur et autant d'étagères à livres que possible. La Bibliothèque des coeurs cabossés, son premier roman, a été un best-seller international.

Mon avis : (lu en juin 2016)
Anita Grankvist, 38 ans, a une vie sans grand relief à Skogahammar, une petite ville de province. Elle est mère célibataire d'Emma et elle travaille chez Extra-Market. A 19 ans, Emma vient de quitter Skogahammar pour aller à l'Université de Karlskrona. Seule à la maison, Anita ne sait que faire pour occuper tout son temps libre... Elle se souvient alors de ses rêves d'adolescente : être propriétaire de sa maison, savoir faire de la moto, se débrouiller seule
A 38 ans seul le dernier des rêves de ses 18 ans a été réalisé, pour sortir de la morosité qui la gagne, Anita se décide à avoir de nouveaux rêves, ses deux amies d'Extra-Market Pia et Nessim vont l'aider à faire sa liste... Pour réaliser son premier rêve, Anita va prendre des leçons de moto... On va lui proposer de participer à l'équipe du projet d'organisation de la Journée de la Ville. Sa vie va changer au-delà de ses rêves...
Anita est attachante et pleine de fantaisies, ses amies et amis sont attentifs aux autres et cette petite ville, où il se passe rien, est synonyme de solidarité, d'amitié et d'humour également.
Voilà un livre à classer dans ceux facile à lire et qui font du bien. 

Merci Laila et les éditions Denoël pour cette lecture pleine d'optimisme.

Extrait : (début du livre)
Mon chemin vers la folie commence ici. Je suis assise par terre dans l’entrée et je parle avec ma porte.
Il y a quelques secondes, elle s’est refermée dans un claquement. Dix-neuf ans envolés dans un bruit sourd. Puis le pling impitoyable de l’ascenseur lorsqu’il arrive à notre étage et le raclement de la valise à roulettes sur le sol.
— Merde, je dis en entendant l’ascenseur redescendre.
Ma porte n’a aucune réaction. Sans réfléchir, je me lève et je me précipite sur le balcon.
— Attends! je crie en me penchant au-dessus de la balustrade. Ne me laisse pas ! J’ai dit quelque chose de mal ? Je peux changer, je te le jure ! Donne-moi une dernière chance !
Mon hurlement fait sursauter un couple de passants qui lève la tête vers moi. Une partie de moi se dit que mon comportement n’est pas très convenable. Mais je m’en fous. La personne à la valise s’est arrêtée elle aussi. Elle se retourne.
— Haha, maman, dit Emma, ma fille, le soleil de ma vie, le centre de mon existence, qui en ce moment est en train de me quitter.
Elle aussi lève la tête vers moi et le balcon comme si elle nous voyait pour la dernière fois. Je pourrais jurer qu’il y a une pointe de nostalgie dans son regard.
Elle me ressemble mais dans une version plus déterminée. Elle a mes cheveux bouclés et indisciplinés, mais, à elle, ça lui donne une allure d’aventurière et de femme libre. Ils sont le prolongement de l’énergie rayonnante qui émane d’elle, constamment en route pour des directions variées.
— Mais maman, je ne suis même pas arrivée à l’arrêt de bus, répond-elle en haussant les épaules.
— Je me disais que tu avais peut-être changé d’avis et que tu voulais que j’aille à Karlskrona avec toi ? je suggère. — Pour que tu puisses m’accompagner à la fac le premier jour et t’assurer que j’ai bien pris tous mes livres ?
— Pourquoi pas ?
— On est dimanche. Demain tu travailles.
Je me penche encore au-dessus de la balustrade. Le soleil est sur le point d’apparaître derrière l’immeuble d’en face, de l’autre côté de la rue. Si ça n’avait pas été le jour du déménagement d’Emma, ce dimanche aurait été sublime. Mais peut-être n’est-ce pas trop tard.
— J’ai besoin de vacances. Il me reste quelques jours de congé à prendre.
— Bien sûr. Tu veux partir comme ça sans prévenir et laisser le pauvre Roger seul avec ses mises en place de pâtes. Roger c’est mon chef. Il a un avis très tranché sur l’importance de la mise en place des produits dans les rayons. Je ne peux pas dire que le commentaire d’Emma rende mon existence plus légère.
— J’ai entendu dire que Karlskrona est magnifique en août, je déclare.
— Tu y es déjà allée. Tu sais très bien qu’il n’y a rien à voir dans cette ville, à part les rues pavées de galets.

 Challenge Voisins, Voisines
voisins voisines 2016
Suède

Déjà lu du même auteur :

102696527 (1) La Bibliothèque des cœurs cabossés

27 mai 2016

À l'orée du verger - Tracy Chevalier

Lu en partenariat avec Quai Voltaire

a l'oree du verger Quai Voltaire - mai 2016 - 336 pages

traduit de l'anglais par Anouk Neuhoff

Titre original : At the Edge of the Orchard, 2016

Quatrième de couverture : 
En 1838, dans l’Ohio, la famille Goodenough s'installe sur les terres marécageuses du Black Swamp, dans l'Ohio. Chaque hiver, la fièvre vient orner d'une nouvelle croix le bout de verger qui fait péniblement vivre cette famille de cultivateurs de pommes. Tandis que James, le père, tente d'obtenir de ces terres hostiles des fruits à la saveur parfaite, la mère, Sadie, en attend plutôt de l'eau-de-vie et parle à ses enfants disparus quand elle ne tape pas sur ceux qui restent. 
Quinze ans et un drame plus tard, leur fils Robert part tenter sa chance dans l'Ouest. Il sera garçon de ferme, mineur, orpailleur, puis renouera avec la passion des arbres en prélevant des pousses de séquoias géants pour un exportateur anglais fantasque qui les expédie dans le Vieux Monde. De son côté, sa sœur Martha n'a eu qu'un rêve : traverser l'Amérique à la recherche de son frère. Elle a un lourd secret à lui faire partager... 
Tracy Chevalier nous plonge dans l’histoire des pionniers et dans celle, méconnue, des arbres, de la culture des pommiers au commerce des arbres millénaires de Californie. Mêlant personnages historiques et fictionnels, des coupe-gorge de New York au port grouillant de San Francisco, À l’orée du verger peint une fresque sombre mais profondément humaniste, et rend hommage à ces femmes et ces hommes qui ont construit les États-Unis.

Auteur : Tracy Chevalier est américaine et vit à Londres depuis 1984 avec son mari et son fils. Spécialiste des romans historiques et des portraits de femmes, elle est l'auteur du Récital des anges (2002), de La Dame à la Licorne (2003), de La Vierge en bleu (2004), de L'Innocence (2007), de Prodigieuses créatures (2010), La dernière fugitive (2013) et de La Jeune Fille à la perle (2000) adapté au cinéma par Peter Webber en 2002, et interprété par Scarlett Johansson.

Mon avis : (lu en mai 2016)
Début du XIXe siècle, dans l’Amérique des pionniers, James et Sadie Goodenough se sont installés dans l’Ohio sur des terres peu hospitalières des marais du Black Swamp et ont plantés des pommiers. Arrivés avec dix enfants, les uns après les autres , 5 d’entre eux vont mourir à cause des fièvres d’été véhiculées par de nombreux moustiques. Le couple se déchirent autour de leurs arbres, Sadie préfère les pommiers à cidre, James ne jure que par ses reinettes dorées, des pommes à couteaux venant d’Angleterre... Cela se termine par un drame dont le lecteur découvrira le récit bien plus tard dans le livre.

Ensuite, l'histoire va se concentrer sur Robert, l’un des jeunes fils Goodenough, il a quitté la famille et est parti vers l’Ouest. Régulièrement, il envoit une lettre à sa famille en donnant de ses nouvelles et en attendant en retour. Cela permet au lecteur de suivre son périple au travers des États-Unis jusqu'à son arrivée en Californie.
Là reprend un récit plus traditionnel, toujours autour de Robert qui découvre de nouveaux arbres qui le fascine les redwoods et surtout les séquoias géants. Il rencontre alors William Lobb qui ramasse des graines, des plants d'arbres et les expédie en Angleterre. Robert va travailler pour William Lobb et faire enfin un métier qui le passionne.
Le lecteur va ensuite découvrir la suite des aventures de la famille Goodenough dans l’Ohio...
J'ai beaucoup aimé ce livre où Tracy Chevalier mêle réalité et fiction, en fin du livre (dans les Remerciements), elle nous explique comment l'idée de cette histoire est née, à partir de personnages réels.

La construction est originale, elle fait varier les points de vue et mélange les formes d'expression, donnant à ce récit épique du rythme et un peu de suspense. L'histoire est passionnante et les personnages attachants et touchants...
Voilà un roman magnifique à lire pour les amoureux des arbres !

Merci Arnaud et les éditions Quai Voltaire pour cette lecture coup de cœur !

Extrait : (début du livre)
I
ls se disputaient encore à propos des pommes. Lui voulait cultiver davantage de pommes de table, pour les manger ; elle voulait des pommes à cidre, pour les boire. Cette querelle s’était répétée si souvent qu’ils jouaient désormais leurs rôles à la perfection ; leurs arguments s’écoulaient fluides et monotones autour d’eux car ils les avaient l’un comme l’autre entendus assez fréquemment pour ne
plus avoir à écouter. 
Si la dispute d’aujourd’hui entre le sucré et l’acide s’avérait différente, ce n’était pas parce que James Goodenough était fatigué ; il était sans arrêt fatigué. Ça vous épuisait un homme, de se tailler une vie dans le BlackSwamp… Si elle était différente, ce n’était pas parce que Sadie Goodenough avait la gueule de bois ; elle avait souvent la gueule de bois. Non, elle était différente parce qu’ils avaient eu la visite de John Chapman la veille au soir. De tous les Goodenough, seule Sadie était restée l’écouter parler jusque tard dans la nuit, jetant de temps à autre des pommes de pin dans le feu, histoire de le ranimer. L’étincelle dans les yeux et le ventre de l’homme mais peut être aussi ailleurs, allez savoir, avait bondi sur elle telle une flamme se frayant naturellement un chemin d’un copeau bouclé à un autre. Elle était toujours plus heureuse, plus effrontée et plus sûre d’elle-même après une visite de John Chapman.
En dépit de sa fatigue, James n’avait pas réussi à s’endormir alors que la voix bourdonnante de John Chapman s’insinuait dans la cabane avec la persistance d’un moustique des marais. Il y serait peut-être parvenu s’il avait rejoint ses enfants dans le grenier, mais il n’avait pas envie de quitter le lit qui, placé face à la cheminée, constituait une invite trop tentante. Au bout de vingt ans de vie commune, il ne désirait plus Sadie autant qu’avant, surtout depuis que l’eau-de-vie de pomme avait fait ressortir son côté hargneux. Mais quand John Chapman venait voir les Goodenough, James se surprenait à noter l’opulence des seins de sa femme sous sa robe bleue élimée, et l’attrait étonnant de sa taille, épaissie mais encore intacte après dix enfants. Il ignorait si John Chapman remarquait lui aussi ce type de détails ; pour un homme de soixante ans révolus, il était encore mince et vigoureux, malgré les mèches gris acier dans ses cheveux en bataille. James n etenait pas à savoir. John Chapman cultivait des pommiers et parcourait les rivières de l’Ohio dans un double canoë rempli d’arbres qu’il vendait aux colons. Les Goodenough venaient d’arriver dans le Black Swamp quand l’homme était apparu pour la première fois avec sa cargaison d’arbres, leur rappelant gentiment qu’ils étaient censés faire pousser une cinquantaine de fruitiers sur leur parcelle dans un délai de trois ans, s’ils voulaient en être légalement propriétaires. Aux yeux de la loi, un verger constituait le signe indéniable qu’un colon avait l’intention de rester sur place. James avait acheté une vingtaine d’arbres séance tenante. Il se refusait à accuser John Chapman de leurs déboires ultérieurs, mais de temps en temps il faisait la grimace en repensant à cette vente initiale. L’homme avait à proposer des plants d’un an ou des jeunes arbres de trois ans, lesquels coûtaient trois fois le prix des plants mais produiraient des fruits deux ans avant. S’il avait été raisonnable – et il l’était ! –, James se serait contenté d’acheter une cinquantaine de plants meilleur marché, aurait aménagé pour eux une pépinière et les aurait laissés grandir pendant que, dans ses moments de loisir, il se serait appliqué à défricher un terrain pour en faire un verger. Mais la chose aurait également signifié se priver de pommes pendant cinq ans. James Goodenough ne se croyait pas capable d’endurer cette privation si longtemps. Pas dans la tristesse du Black Swamp, avec ses eaux stagnantes, ses relents de pourri et de moisi, son épaisse boue noire que même en frottant on n’arrivait pas à désincruster de sa peau et de ses vêtements. Il lui fallait une compensation sucrée pour adoucir le malheur d’avoir atterri dans ce bourbier. Planter des jeunes arbres voulait dire qu’ils obtiendraient des pommes deux ans plus tôt. Il avait donc acheté une vingtaine de jeunes arbres qu’il n’avait pas réellement les moyens de s’offrir, et consacré un temps dont il ne disposait pas réellement à défricher pour eux une portion de terrain. Cette tâche l’avait retardé dans ses autres cultures, de sorte que leur première récolte avait été maigre, et qu’ils avaient contracté des dettes qu’il continuait encore à rembourser, neuf ans après.

 

Déjà lu du même auteur : 

prodigieuses_cr_atures  Prodigieuses créatures la_jeune_fille___la_perle La jeune fille à la perle 

la_vierge_bleu La Vierge en bleu la derniere fugitive_folio La dernière fugitive

12 mai 2016

Plus haut que la mer - Francesca Melandri

Lu en partenariat avec Folio

plus haut que_p plus haut que la mer

Folio - mars 2016 - 224 pages

Gallimard - février 2015 - 208 pages

traduit de l'italien par Danièle Valin

Titre original : Più alto del mare, 2011

Prix de l'Union Interalliée 2016

Prix Jean Carrière 2015

Quatrième de couverture :
1979. Paolo et Luisa ne se connaissent pas. À bord du bateau qui les emmène sur l’Île où sont détenus leurs proches, chacun ressasse la tragédie dont il a été victime. Le fils de Paolo a été condamné pour des actes terroristes. Le mari de Luisa pour avoir tué deux hommes. Le mistral empêche les visiteurs de regagner la côte. Ils passent la nuit sur l’Île, surveillés par un agent, Pierfrancesco, avec qui une étrange complicité va naître. Un roman tout en subtilité sur ces infimes moments de grâce qui font basculer les vies.
Auteur : Scénariste pour le cinéma et la télévision, Francesca Melandri est également réalisatrice. Son documentaire l'erre (2010) a été présenté dans de nombreux festivals partout dans le monde. Eva dort, son premier roman, a été plébiscité par la critique et les lecteurs en Italie, où il a obtenu plusieurs reconnaissances importantes, dont le prix des Lectrices du magazine Elle, mais aussi en Allemagne, en France et aux Pays-Bas. Plus haut que la mer est son deuxième roman.

Mon avis : (lu en mai 2016)
Voilà un livre que je voulais lire depuis plus d'un an grâce à plusieurs avis de lectrices du Café Lecture de la Bibliothèque. Aussi, lorsque les éditions Folio m'ont proposé de recevoir ce livre, je n'ai pas hésité.
1979, Luisa et Paolo se rencontrent sur le bateau qui se rend sur l'Ile où se trouve une prison de haute sécurité. 
Luisa est venue rendre visite à son mari violent emprisonné pour deux meurtres. C'est la première fois qu'elle vient le voir dans cette prison, elle est éblouie par le spectacle de la mer qu'elle n'avais encore jamais vu.
Pour Paolo, ce n'est pas la première fois qu'il vient sur l'Ile voir son fils brigadiste rouge. La tempête se lève et impossible pour Luisa et Paolo de prendre le bateau pour quitter l'Ile. Ils vont devoir y passer une nuit. Ils sont sous la responsabilité de Nitti l'un des gardien de l'Ile. Tout les trois vont passer ensemble la soirée et la nuit et une vraie complicité va naître à ces trois personnes si différentes. Une parenthèse inoubliable dans la vie de chacun.
J'ai beaucoup aimé cette histoire touchante et simple, l'auteur décrit avec beaucoup de justesse les personnages, leurs préoccupations et l'Ile perdue en pleine mer, battue par la tempête. Un vrai coup de cœur !

Merci les éditions Folio pour cette très belle découverte.

Extrait : (début du livre)
L’air épicé, ça non, ils ne s’y attendaient pas.
Ils avaient toujours pensé qu’ils arriveraient la nuit et d’ailleurs, quand on vint les prendre dans toutes les prisons d’Italie, le ciel était noir comme une carie. On les amena en Chinook, ta-ta, ta-ta, ta-ta, comme s’ils venaient tout droit du Vietnam et non de Praia a Mare ou de Viterbe. Des militaires hurlaient et des types blonds et rasés, muets comme des pierres, contrôlaient le déroulement de la manœuvre. Ils apprirent par la suite que c’étaient des Américains. Et ils ne s’en étonnèrent même pas.
La peur de mourir était bien là, et pourtant en entrant dans le ventre de l’hélicoptère ils avaient tous levé les yeux vers le ciel. Il était noir de nouvelle lune. On avait veillé à ça aussi en montant l’opération : qu’une mer claire ne révèle pas d’en haut les contours de la côte. Mais les agents secrets de l’impérialisme et du capitalisme n’avaient pas réussi à éteindre les étoiles qui étaient donc là, palpitantes et précises. Certains d’entre eux ne les avaient pas vues depuis des mois, d’autres depuis des années. Qui sait s’ils les reverraient un jour.
Ils avaient décollé depuis un moment lorsqu’un soldat en tenue de camouflage s’adressa à eux l’air jovial : « Maintenant on va ouvrir la trappe et on va vous apprendre à voler. » Comme s’il voulait donner raison à tous ceux qui disaient ces années-là : désormais, l’Italie c’est l’Amérique du Sud. Et puis ils ne jetèrent personne.
À l’arrivée, sur les quelques mètres qui séparaient l’hélicoptère du bâtiment blanc de la prison de haute sécurité, ils les rouèrent de coups de pied et de coups de bâton pour ne pas leur laisser le temps de comprendre où ils avaient débarqué. Mais là-dessus aussi ils avaient déjà leur petite idée. Depuis des semaines, le téléphone arabe carcéral signalait des va-et-vient d’ouvriers dans ce bâtiment bas au bout de l’Île, loin des petites prisons des détenus ordinaires, des bureaux de l’administration, de l’embarcadère, du village où vivaient les gardiens, de l’école et de l’église, et même du phare à l’écart sur son rocher – bref, loin de Dieu, des hommes et de tout. De plus, il y avait déjà un moment que l’information avait filtré jusqu’aux oreilles de certains parlementaires, ceux qui depuis des mois dormaient chaque nuit dans un endroit différent avec leur portefeuille et leur passeport toujours prêts sur la table de nuit : en cas de coup d’État militaire, c’est là qu’aurait lieu la déportation, ou plutôt la concentration des principaux opposants.

  Challenge Voisins, Voisines
voisins voisines 2016
Italie

 

6 mai 2016

L'assassin qui rêvait d'une place au paradis - Jonas Jonasson

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Audiolib - avril 2016 - 8h25 - Lu par Féodor Atkine

Presse de la Cité - février 2016 - 480 pages

Quatrième de couverture : 
Après trente ans de prison, Johan Andersson, alias Dédé le Meurtrier, est enfin libre. Mais ses vieux démons le rattrapent vite : il s’associe à Per Persson, réceptionniste sans le sou, et à Johanna Kjellander, pasteur défroqué, pour monter une agence de châtiments corporels. Des criminels ont besoin d’un homme de main ? Dédé accourt ! Per et Johanna, eux, amassent les billets.
Alors, le jour où Dédé découvre la Bible et renonce à la violence, ses deux acolytes décident de prendre les choses en main et de le détourner du droit chemin…
Après son vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, son analphabète qui savait compter, c’est à un malfrat repenti que Jonas Jonasson donne une seconde chance.

Auteur : Né en Suède en 1961, Jonas Jonasson, ancien journaliste et consultant pour les médias, est l’auteur du Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, son premier roman, qui a connu un immense succès dans la trentaine de pays où il a été publié. Après L’Analphabète qui savait compterL’assassin qui rêvait d’une place au paradis est son troisième livre.

Lecteur : Comédien talentueux, à la carrière exemplaire et au parcours surprenant, Féodor Atkine a tourné avec Woody Allen, Oliver Stone, Raoul Ruiz, Gabriel Aghion, et tant d’autres encore. Théâtre, films et doublages se succèdent ; Féodor Atkine est notamment la voix de Dr House. Ce lecteur passionné a obtenu en 2014 le Coup de cœur de l’Académie Charles Cros pour sa lecture du Quatrième mur. Il a aussi enregistré pour Audiolib, entre autres, Un long chemin vers la liberté de Nelson Mandela, Le Vieux qui lisait des romans d'amour de Luis Sepúlveda, ou Faillir être flingué de Céline Minard. 

Mon avis : (écouté en avril 2016)
J'avais plutôt bien aimé le premier livre de Jonas Jonasson Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire , donc j'attaquais cette lecture avec un a priori positif. J'ai été déçu.
Johan Andersson, dit Dédé le meurtrier, va faire la rencontre de Per Persson, réceptionniste d'un hôtel miteux dont la famille a été ruinée, et croiser sur la route de Johanna Kjellander, un pasteur défroquée. Tous les trois vont très vite s'associer pour monter une affaire une société « de Châtiments Corporels » aussi dangereuse que lucrative... Dédé casse des bras ou des jambes contre de grosses sommes d'argent. Tout se passe à merveille jusqu’au jour où Dédé découvre Dieu et décide de changer pour gagner sa place au Paradis... L’intrigue semblait originale et les personnages plutôt haut en couleurs, mais au fil des pages l'ennui gagne le lecteur, les rebondissements sont prévisibles, l'humour noir plombe l'histoire et l'intrigue tourne en rond... Voilà une lecture que j'oublierai vite !
La mécanique ne fonctionne pas comme dans son premier livre, ce style loufoque et décalé que Jonas Jonasson a emprunté à Arto Paasilinna n'est pas à la hauteur de son modèle...
Dommage pour le lecteur de ce livre audio qui est toujours très bon, mais cela ne suffit pas pour faire un bon livre...

Extrait : (début du livre)
Le jeune homme dont la vie serait bientôt remplie de mort, de violence, de voleurs et de bandits rêvassait derrière le comptoir d’un des hôtels les plus tristes de Suède.

Unique petit-fils de Henrik Bergman, défunt marchand de chevaux, il attribuait tous ses malheurs à son grand-père, qui avait été, dans son domaine, le numéro un de la Suède méridionale : chaque année, il ne vendait jamais moins de sept mille bêtes, toutes de premier choix.
Hélas, à partir de 1955, les paysans – ces traîtres – commencèrent à délaisser les bêtes au profit des tracteurs, et ce à une allure que l’aïeul refusa de présager. Les sept mille transactions devinrent sept cents, qui devinrent soixante-dix, qui devinrent sept. En cinq ans, les millions de la famille s’envolèrent en un nuage de diesel. Le père du petit-fils pas encore né essaya de sauver ce qui pouvait l’être. En 1960, profitant des rumeurs qui allaient bon train, il alla prêcher les répercussions de la mécanique auprès des paysans de la région. Dans le sillage des théories selon lesquelles une projection de carburant décuplait les forces – or, ces hommes en recevaient souvent ! –, le père évoqua des études qui démontraient que le diesel pouvait entraîner la stérilité masculine.
Il n’aurait pas dû. Primo, c’était faux. Et secundo, les paysans, accablés par la voracité de leur abondante progéniture, mais toujours libidineux, trouvèrent cela merveilleux. Se procurer des préservatifs était embarrassant, ce qui n’était pas le cas pour un Massey Ferguson ou un John Deere. 
Le grand-père mourut indigent, d’une ruade de son dernier animal. Son fils, abattu et sans cheval, remonta en selle en suivant une nouvelle formation. 
Quelque temps plus tard, il obtint un emploi chez Facit AB, une des premières entreprises mondiales de production de machines à écrire et à calculer. Une deuxième fois, il fut broyé par le progrès, car soudain, la calculatrice électronique débarqua sur le marché. À la différence des produits Facit, de la taille d’une brique, la variante japonaise tenait dans la poche intérieure d’une veste.
Les machines du groupe Facit ne rétrécirent pas (du moins pas assez vite), contrairement à la firme qui finit par se ratatiner tout à fait.
Le fils du marchand de chevaux se vit signifier son congé. Pour oublier qu’il avait été floué à deux reprises par la vie, il se mit à la boisson. Sans emploi, aigri, jamais douché et toujours ivre, il perdit vite tout son charme aux yeux de son épouse, de vingt ans sa cadette, qui tint le coup un moment.

Déjà lu du même auteur :

le_vieux_qui_ne_voulait_pas_feter_son_anniversaire Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire

  Challenge Voisins, Voisines
voisins voisines 2016
Suède

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4 mai 2016

Un bon garçon - Paul McVeigh

Lu en partenariat avec les éditions Philippe Rey

un bon garçon Philippe Rey - mars 2016 - 255 pages

traduit de l'anglais (Irlande) par Florence Lévy-Paoloni

Titre original : The Good Soon, 2015

Quatrième de couverture :
Irlande du Nord, fin des années 80, en plein conflit entre catholiques et protestants à Ardoyne, quartier difficile de Belfast. Mickey, le narrateur, vit sa dernière journée à l'école primaire avant les vacances d'été. Bon élève, il se réjouit d'avoir été admis dans une Grammar school - collège " d'élite " -, et d'échapper ainsi à ses condisciples actuels. Mais, lors d'un surréaliste rendez- vous chez le directeur, il apprend que son père a dépensé l'argent censé payer sa scolarité. Ce sera donc St. Gabriel, le collège de base fréquenté par son grand frère et tous les gamins du coin. Le petit chien offert par ses parents ne suffit évidemment pas à faire oublier le goût âpre de ces vacances qui commencent, et Mickey décompte avec angoisse le nombre de semaines le séparant de la rentrée. Rêveur, il passe son temps à inventer des histoires et à imaginer ce que serait sa vie en Amérique. Il adore sa mère et sa petite soeur, mais redoute son père alcoolique et sa brute de grand frère qui, comme tous les garçons du quartier, n'aime rien tant que le tourmenter. Parce que, tous s'accordent à le dire, Mickey est " différent " : enfant doué et sensible pour la plupart des adultes, " petit pédé " qui joue avec les filles pour les autres... L'IRA, les bombes, les émeutes, les affrontements avec l'armée britanniques : Mickey évolue au milieu de ce climat troublé avec son innocence et ses rêves de gamin. Son chien est tué par une bombe, un soldat meurt devant ses yeux... Les " Troubles " viennent frapper à sa porte et Mickey réalise que pour protéger sa mère et sa soeur il va lui falloir franchir quelques lignes. Avec beaucoup de sensibilité, de tendresse et d'humour, Paul McVeigh réussit à nous faire partager le point de vue du petit Mickey. Et là est la grande force de ce roman : donner à nos yeux d'adultes ce regard d'enfant.

Auteur : Né à Belfast, Paul McVeigh a commencé sa carrière d'écrivain comme dramaturge avant de déménager à Londres, où il a écrit des comédies pour le théâtre, qui se sont jouées au Festival d'Edimbourg et à Londres. Directeur du London Short Story Festival, il est lui-même l'auteur de nouvelles, publiées dans des revues et des anthologies littéraires, et lues dans différents programmes à la radio. Il signe ici son premier roman.

Mon avis : (lu en avril 2016)
Mickey Donnelly a 10 ans, il vit à Belfast dans les années 80 pendant les "Troubles". Il est le narrateur de ce roman, il rend compte des conflits entre catholiques et protestants, de son quotidien dans une famille où son père est alcoolique et boit ou joue les économies familiales. 
C'est un garçon attachant, intelligent, il est différent des autres garçons de son quartier. Il préfère lire et étudier ou s'occuper de P'tite Maggie sa petite soeur que de se battre avec les autres garçons. Son grand frère, Paddy, est un dur qui n'est pas le dernier pour le tourmenter, le traiter de "fille" ou de "pédé"...
Le récit commence le dernier jour d'école, à l'automne Mickey ira au Collège. Il a réussi l'examen pour entrer dans une Grammar school et il se réjouie d'abandonner enfin tous les garçons de son école. Sa joie sera courte car il va apprendre que son père est parti avec l'argent destiné à ses études et qu'il faudra qu'il intègre finalement le Saint-Gabriel, le collège ordinaire. C'est donc avec une angoisse certaine qu'il va passer ses deux mois de vacances d'été...
J'ai beaucoup aimé ce livre et découvrir la vie, pas toujours facile, et les interrogations de Mickey sur son avenir dans ce quartier difficile de Belfast durant les conflits entre catholiques et protestants.

Merci les éditions Philippe Rey pour cette lecture poignante.

Extrait : (début du livre)
Je suis né le jour où les Troubles ont commencé.
« Pas vrai, M’man ?
– C’est toi qui les as déclenchés », répond-elle, et on rit tous sauf Paddy. Je mets ça sur le compte de ses boutons et parce qu’il est vraiment moche. Ça doit être dur d’être heureux avec une tête pareille. J’ai presque pitié de lui. Je repère un gros suçon dégueulasse sur son cou que je garde comme munition pour riposter aux attaques à venir.
Une note fleurie de désinfectant m’emplit les narines et vient se mêler au goût sucré des Frosties dans ma bouche quand M’man passe avec le seau en fer-blanc et la brosse. Elle ne nettoie la cour que lorsqu’il arrive quelque chose. C’est sans doute P’pa, comme d’habitude.
« Tu veux que je t’aide, M’man ? je demande.
– Non, fiston. » Elle disparaît derrière, sans même me regarder. Je m’inquiète pour elle à cause d’hier soir.
« Tu veux qu’je t’aide ? » répète Paddy d’une voix de fille. Lèche-cul.
« J’vais le dire à M’man.
– J’vais le dire à M’man… », fait Paddy en m’imitant.
Je jette un coup d’œil à P’tite Maggie, l’air de dire On le déteste, hein ? Elle me répond d’un regard qui signifie Et comment, c’est un gros cochon bien gras ! C’est un moine de Cave Hill qui m’a appris à lancer des regards. Je me suis entraîné comme un Chevalier Jedi, mais moi, mon sabre laser c’est mon visage. Je suis devenu Look Skywalker. Ma mission : défendre les faibles et les petits dans les familles contre la plaie que sont les grands frères. P’tite Maggie est ma disciple.
Pour tester son niveau en télépathie, je lui envoie : T’inquiète pas, il va se faire renverser par une bagnole, puis un camion va lui rouler dessus et ses yeux vont lui sortir de la tête. P’tite Maggie sourit. Elle a pigé. Je crois qu’en fait on est des jumeaux mais pas nés en même temps, une super expérience génétique en éprouvette de la CIA.
Paddy se lève et laisse son bol sale sur la table comme s’il était le roi Farouk.
« Le laisse pas à M’man, je dis.
– Le fifils à sa maman.
– Ta gueule. Au moins moi j’ai pas un gros suçon dégueulasse. »
P’tite Maggie rit et s’étouffe. Des Frosties jaillissent de sa bouche sur le pull de Paddy, exactement comme fait la fille dans L’Exorciste, que j’ai vu à la Maison des jeunes du pape Jean-Paul II.
« C’est ta faute, p’tit pédé ! » Paddy me tape sur la tête.
J’essaie de lui balancer un coup, mais mon tibia cogne contre le pied de la table.
Paddy rigole, essuie son pull. « Et paraît que t’es intelligent ? Grammar school ? Ben voyons.

– Je suis plus intelligent que toi, andouille. Au fait, ta copine, elle aime sucer les boutons sur ton cou ? »
Paddy me fonce dessus et m’agrippe par le pull pour me faire descendre de ma chaise.
« M’man ! je crie vers l’arrière-cour.
– Quoi ? » hurle M’man. La maison tremble comme quand des bombes explosent. Paddy me lâche. Personne, même pas Mohamed Ali, ne se frotterait à M’man.
« Rien », je réponds toujours en criant. Paddy attrape son blazer sur le dossier de la chaise et s’en va. Je hausse les sourcils et souris à P’tite Maggie. « À moi la victoire ! » Je ris comme le Comte dansSesame Street.
La belle table de M’man est sale. Je me précipite vers l’évier, mouille l’éponge et reviens en courant avant que M’man rentre et tue quelqu’un. Quelqu’un = moi. J’ai beau être le bon fils de la famille, c’est moi qui trinque si P’tite Maggie fait une bêtise, parce que c’est la plus jeune et que je m’occupe d’elle. Même si ma sœur me transformait en torche, c’est moi qui prendrais une raclée pour avoir laissé les allumettes à sa portée.

 Challenge Voisins, Voisines
voisins voisines 2016
Irlande du Nord

16 avril 2016

La Maison de vacances - Anna Fredriksson

Lu en partenariat avec les éditions Denoël

B26652 Denoël - mars 2016 - 352 pages

traduit du suédois par Lucas Messmer

Titre original : Sommarhuset

Quatrième de couverture : 
Eva a complètement coupé les ponts avec son frère Anders et sa sœur Maja. Alors qu’ils n’ont eu aucun contact depuis plusieurs années, la mort brutale de leur mère les réunit. Très vite, une violente dispute éclate concernant l’héritage : Eva estime que la maison de vacances sur l’archipel suédois que sa mère aimait tant lui revient de droit, mais Anders et Maja ne sont pas du même avis. Eva se réfugie alors sur l’archipel. Mais, quelques jours plus tard, Anders et Maja arrivent à leur tour avec conjoints et enfants… Au fil des jours, tous vont apprendre à se connaître, mais est-il encore possible de renouer des liens brisés depuis si longtemps ? 
Anna Fredriksson nous parle de ce lieu où se nouent et se dénouent les drames familiaux, où les liens se resserrent, dans ce roman émouvant et intelligent sur les relations fraternelles compliquées, le chagrin et l’amour.

Auteur : Anna Fredriksson est scénariste. Elle travaille aussi bien sur des longs métrages que sur des adaptations TV telles que la série Les Enquêtes de l'inspecteur Wallander, tirée des romans de Henning Mankell (diffusée sur Arte). La Maison de vacances est son premier roman publié en Suède. Il a rencontré un véritable succès auprès de la critique et du public. Denoël a déjà publié Rue du Bonheur.

Mon avis : (lu en avril 2016)
Eva est à un tournant de sa vie, 
sa mère vient de mourir brutalement et son fils qu'elle a élevé seule vient de quitter le foyer familiale pour s'installer avec sa petite amie. 
Après de nombreuses années sans nouvelles, elle va devoir renouer le contact avec Anders et Maja son frère et sa soeur. Suite à l'héritage, ils vont se disputer. En effet, la maison de vacances est au centre des disputes. Eva aime cette maison auquelle sa mère tenait. Toutes deux y passaient régulièrement leurs vacances. Pour Anders et Maja, cette maison ne représente qu'une valeur marchande et la possibilité de s'offrir une nouvelle voiture ou rembourser des dettes... 
Eva décide alors d'abandonner son travail et de partir s'installer dans la maison de l'archipel pour en éviter la vente... 
Quelques jours plus tard, Anders et sa famille et Maja et son compagne débarquent également dans la maison de vacances. Vont-ils arriver à cohabiter, apprendre à se connaître, à recréer des liens ?
J'ai lu très facilement ce livre et j'ai bien aimé cette histoire de famille et de maison d'été. Les différents personnages sont attachants, la description des relations entre frère et soeurs est réussie. J'ai également aimé la maison et cette petite île suédoise.

Merci Laila et les éditions Denoël pour ce livre qui donne une envie de vacances au bord de la mer...

Extrait : (début du livre)
Elle ouvre la porte tapissée de la penderie, sous les combles, libérant un petit nuage de poussière. Une odeur de vieux bois et de tissu défraîchi emplit ses narines. Quelques relents du puissant produit contre les capricornes persistent encore, alors que sa dernière utilisation remonte à plus de trente ans. C’est ici qu’est rangée une partie des habits de maman, ceux qu’elle portait quand il faisait chaud. Jusqu’à son dernier été.
Il faut quelques secondes à Eva pour se ressaisir. Puis elle commence à sortir les vêtements, plusieurs piles à la fois, à pleines brassées, comme s’il ne s’agissait que d’une banale tâche ménagère, un grand nettoyage de printemps avant la saison estivale. 
Elle dépose le tout sur un des lits dans la pièce attenante. Au terme de quelques allers-retours, il ne reste plus qu’une robe bleue et grise. Sans manches. En coton. Celle que maman avait pour habitude de porter le soir de la fête de la Saint-Jean. Elle se souvient de ces danses frivoles autour du mât fleuri, et de la main d’une vieille dame inconnue tendue vers elle. Elle se revoit prendre la fuite pour se réfugier chez sa mère, qui l’observait à distance. Sans doute n’assistait-elle aux festivités que pour faire acte de présence, l’esprit occupé par les problèmes sociaux de l’époque.
Elle effleure la robe du bout des doigts et la laisse pendre là, seule sur son cintre, avant de reporter son attention sur le reste des habits. Les uns après les autres, elle les tient à bout de bras, les plie puis les fourre dans un sac-poubelle noir. Des pantalons, des jupes, des cardigans, des chemisiers légèrement froissés au col court. Puis elle se retrouve soudain devant la robe rayée Marimekko. La fameuse. Elle la caresse, porte le tissu à son visage. Ses yeux se mettent à piquer. 
Elle ne prendra pas de décision maintenant. Eva met le vêtement de côté et ouvre les tiroirs de la commode. Elle en retire plusieurs culottes blanches en coton, qui atterrissent aussitôt dans le sac-poubelle, suivies de leurs consœurs et de quelques soutiens-gorge blancs rembourrés. Vient ensuite un pyjama en tricot d’une douceur incomparable. Un pull-over entre ses mains, elle se laisse submerger par l’émotion, sachant que ce bout d’étoffe avait reposé un jour sur les épaules de maman.
Le tiroir d’en dessous renferme un vieil écrin à bijoux. Elle l’ouvre pour découvrir tous ces trésors si familiers avec lesquels elle jouait étant petite, quand elle s’amusait à les trier par rangées et à les présenter soigneusement dans leurs compartiments respectifs. Elle saisit une paire de boucles d’oreilles vertes à clip. Quand maman les a-t-elle achetées ? Sans doute avant la naissance d’Eva, dans les années 1960. Elle les examine. Elle n’en a pas le moindre souvenir.

 

Déjà lu du même auteur :

rue du bonheur Rue du Bonheur 

 Challenge Voisins, Voisines
voisins voisines 2016
Suède

31 mars 2016

Le ravissement des innocents - Taiye Selasi

Lu en partenariat avec les éditions Folio

le ravissement 71H54JaCp5L

Folio - février 2016 - 432 pages

Gallimard - septembre 2014 - 384 pages

traduit de l'anglais par Sylvie Schneiter

Titre original : Ghana must go, 2013

Quatrième de couverture :
C’est l’histoire d’une famille, des ruptures et déchirements qui se produisent en son sein, et des efforts déployés par chacun pour œuvrer à la réconciliation. En une soirée, la vie de la famille Sai s’écroule : Kweku, le père, un chirurgien ghanéen très respecté aux États-Unis, subit une injustice professionnelle criante. Ne pouvant assumer cette humiliation, il abandonne Folá et leurs quatre enfants. Jusqu’à l'irruption d’un nouveau drame qui les oblige tous à se remettre en question.

Auteur : Taiye Selasi, née à Londres, a passé son enfance dans le Massachusetts et vit à Rome. Elle est titulaire d'une licence de littérature américaine de Yale et d'un DEA de relations internationales d'Oxford. Elle fait son entrée en littérature en 2011 en publiant dans Granta The Sex Lives of African Girls. Cette nouvelle, qui a fait sensation, a été reprise dans le recueil Best American Short Stories 2012. Le ravissement des innocents, son premier roman, a été traduit en 17 langues.

Mon avis : (lu en mars 2016)
Ce livre nous raconte l'histoire de la famille Sai, d'origine africaine, ils ont vécu également aux États-Unis. Cela commence avec la mort subite de Kweku, le père.  Sa mort va obliger toute la famille à se retrouver et à revenir au Ghana.
Le lecteur va découvrir peu à peu chacun de ces six personnages.
Des années plus tôt, Kweku, était chirurgien, il a quitté sa femme, ses quatre enfants et les États-Unis après avoir été injustement renvoyé de son travail. Il est retourné au Ghana. 
Flora, la mère, est restée aux États-Unis avec Sadie la petite dernière.
Olu, l'aîné, est envoyé en pension et deviendra un brillant médecin.
Taiwo et Kehinde, les jumeaux seront envoyés chez un oncle au Nigeria. 
Je referme ce livre avec un sentiment mitigé... En effet, j'ai eu beaucoup de mal à terminer ce livre touffu (j'avoue avoir survolé le dernier tiers) , avec ses longues descriptions, ses nombreux flashback... J'ai eu beaucoup de mal à m'y retrouver : le livre se situe soit en Afrique (Ghana, Nigeria), soit aux Etats-Unis, les personnages sont nombreux. 
L'écriture est poétique mais la construction trop brouillonne complique l'ensemble et je n'ai pas réussi à m'attacher vraiment aux différents personnages... J'ai fini par me lasser.

Merci les éditions Folio pour ce partenariat.

Extrait : (début du livre)
Kweku meurt pieds nus un dimanche matin avant le lever du jour, ses pantoufles tels des chiens devant la porte de la chambre. Alors qu’il se tient sur le seuil entre la véranda fermée et le jardin, il envisage de retourner les chercher. Non. Ama, sa seconde épouse, dort dans cette chambre, les lèvres entrouvertes, le front un peu plissé, sa joue chaude en quête d’un coin frais sur l’oreiller, il ne veut pas la réveiller. Quand bien même il le tenterait, il n’y parviendrait pas.
Elle dort comme un taro. Un tubercule privé de sensations. Elle dort comme la mère de Kweku, coupée du monde. Des Nigérians en sandalettes déboulant devant leur porte dans des chars russes rouillés pourraient dévaliser leur maison, sans la moindre discrétion, ainsi qu’ils y ont pris goût à Victoria Island (d’après ses amis en tout cas : grossiers rois du pétrole et cow-boys démobilisés dans la mégapole de Lagos, cette bizarre race africaine : intrépide et riche), elle continuerait à ronfler mélodieusement, on dirait une composition musicale, à rêver de bonbons et de Tchaïkovski. Elle dort comme une enfant.
La pensée l’a malgré tout accompagné de la chambre à la véranda, risque fictif de perturbation, numéro qu’il se joue. Une habitude depuis son départ du village, petite représentation en plein air destinée à un public composé d’une seule personne. Une ou deux : lui et son cameraman invisible qui s’est enfui à son côté dans l’obscurité avant l’aube, en lisière de l’océan, et ne l’a plus quitté. Filmant silencieusement sa vie. Ou la vie de l’Homme Qu’il Souhaite Être et Qu’Il a Laissé Devenir.
Dans ce plan-séquence, une scène d’intérieur : le Mari Prévenant.
Qui ne fait aucun bruit tandis qu’il sort furtivement du lit, repousse les draps, pose ses pieds l’un après l’autre sur le sol, s’efforce de ne pas réveiller sa femme plongée dans un sommeil de plomb, de ne pas se lever trop vite afin d’éviter de déplacer le matelas, traverse la pièce à pas de loup, ferme la porte très doucement. Et marche dans le couloir de la même façon, franchit la porte menant à l’atrium où, bien qu’elle ne puisse sûrement pas l’entendre, il reste sur la pointe des pieds. Il emprunte le court passage équipé d’un radiateur électrique qui relie l’aile de la chambre principale à l’aile du séjour, s’arrête l’espace d’un instant pour admirer sa maison.

 Challenge Voisins, Voisines
voisins voisines 2016
Angleterre

18 mars 2016

Ne tirez-pas sur l'oiseau moqueur - Harper Lee

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Audiolib - octobre 2015 - 11h35 - Lu par Cachou Kirsch

Editions de Fallois – janvier 2005 – 345 pages

LGF - août 2006 – 447 pages

Titre original : To Kill a Mockingbird, 1960

Quatrième de couverture :
Dans une petite ville d’Alabama, à l’époque de la Grande Dépression, Atticus

Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Avocat intègre et rigoureux, il est commis d’office pour défendre un Noir accusé d’avoir violé une Blanche. Ce bref résumé peut expliquer pourquoi ce livre, publié en 1960 – au coeur de la lutte pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis –, connut un tel succès.
Mais comment ce roman est-il devenu un livre culte dans le monde entier ? C’est que, tout en situant son sujet en Alabama dans les années 1930, Harper Lee a écrit un roman universel sur l’enfance. Racontée par Scout avec beaucoup de drôlerie, cette histoire tient du conte, de la court story américaine et du roman initiatique. Couronné par le prix Pulitzer en 1961, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur s’est vendu à plus de 40 millions d’exemplaires dans le monde entier.

Auteur : Harper Lee est née en 1926 à Monroeville, dans l’Alabama. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, qui sera resté pendant plus d’un demi-siècle son unique roman, a été couronné par le prix Pulitzer et s’est vendu à ce jour à près de 40millions d’exemplaires à travers le monde. En 2015, après plus d’un demi-siècle de silence, Harper Lee publie son deuxième roman, Va et poste une sentinelle (Grasset), où l’on retrouve Scout Finch, vingt ans plus tard.

Lecteur : Comédienne et musicienne bruxelloise, sociologue deformation, Cachou Kirsch jongle depuis 2003, avec unplaisir non dissimulé, entre grosses productions théâtraleset « petits » projets passionnants, entre la vivacité dujeune public et les studios d’enregistrement (livres audio,annonces non-commerciales, habillages de chaînes...). En2007, elle a été nommée comme Espoir féminin aux Prixdu Théâtre belge.Comédienne bruxelloise et sociologue de formation, Cachou Kirsch joue depuis 2003, sur les planches comme à l'écran... Elle est également chargée de production du Festival Esperanzah!, ainsi que musicienne. En 2007, elle a été nominée en tant qu'Espoir féminin aux Prix du Théâtre belge.

Mon avis : (relu en mars 2016)
J'avais déjà lu ce célèbre roman américain Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur et j'ai adoré cette relecture audio.
Scout, fillette de 9 ans, nous raconte trois années de son enfance. Elle vit dans les années 30, dans une petite ville de l'Alabama avec son frère Jem, âgé de 13 ans, leur père Atticus avocat juste et intègre les élève seul avec l'aide de Calpurnia, la cuisinière noire. 
La première partie est assez légère, Scout raconte son quotidien, ses jeux avec Jem et Dill, les voisins, sa relation respectueuse avec Atticus. Un père qui sait donner des valeurs à ses enfants mais qui leur laisse également une certaine liberté. 
La deuxième partie, est plus sérieuse, Atticus a accepté de défendre un homme noire accusé du viol d'une jeune femme blanche. Dans cette petite ville du Sud des États-Unis, où règnent intolérance et racisme, Atticus et sa famille va être confronté aux insultes et aux menaces des membres de la communauté. 
J'ai vraiment adoré cette relecture audio, même si la première partie m'a paru plus longue que dans mes souvenirs. Cette partie a toute son importance pour planter le décor et pour la conclusion de cette histoire.

Autres avis : Enna, Sylire

Extrait : (début du livre)
Mon frère Jem allait sur ses treize ans quand il se fit une vilaine fracture au coude mais, aussitôt sa blessure cicatrisée et apaisées ses craintes de ne jamais pouvoir jouer au football, il ne s’en préoccupa plus guère. Son bras gauche en resta un peu plus court que le droit ; quand il se tenait debout ou qu’il marchait, le dos de sa main formait un angle droit avec son corps, le pouce parallèle à la cuisse. Cependant, il s’en moquait, du moment qu’il pouvait faire une passe et renvoyer un ballon.
Bien des années plus tard, il nous arriva de discuter des événements qui avaient conduit à cet accident. Je maintenais que les Ewell en étaient entièrement responsables, mais Jem, de quatre ans mon aîné, prétendait que tout avait commencé avant, l’été où Dill se joignit à nous et nous mit en tête l’idée de faire sortir Boo Radley.
À quoi je répondais que s’il tenait à remonter aux origines de l’événement, tout avait vraiment commencé avec le général Andrew Jackson. Si celui-ci n’avait pas croqué les Creeks dans leurs criques, Simon Finch n’aurait jamais remonté l’Alabama et, dans ce cas, où serions-nous donc ? Beaucoup trop grands pour régler ce différend à coups de poing, nous consultions Atticus, et notre père disait que nous avions tous les deux raison.
En bons sudistes, certains membres de notre famille déploraient de ne compter d’ancêtre officiel dans aucun des deux camps de la bataille d’Hastings. Nous devions nous rabattre sur Simon Finch, apothicaire de Cornouailles, trappeur à ses heures, dont la piété n’avait d’égale que l’avarice. Irrité par les persécutions qu’en Angleterre leurs frères plus libéraux faisaient subir à ceux qui se nommaient « méthodistes », dont lui-même se réclamait, Simon traversa l’Atlantique en direction de Philadelphie, pour continuer ensuite sur la Jamaïque puis remonter vers Mobile et, de là, jusqu’à St Stephens. Respectueux des critiques de John Wesley contre le flot de paroles suscitées par le commerce, il fit fortune en tant que médecin, finissant, néanmoins, par céder à la tentation de ne plus travailler pour la gloire de Dieu mais pour l’accumulation d’or et de coûteux équipages. Ayant aussi oublié les préceptes de son maître sur la possession de biens humains, il acheta trois esclaves et, avec leur aide, créa une propriété sur les rives de l’Alabama, à quelque soixante kilomètres en amont de St Stephens. Il ne remit les pieds qu’une fois dans cette ville, pour y trouver une femme, avec laquelle il fonda une lignée où le nombre des filles prédominait nettement. Il atteignit un âge canonique et mourut riche.
De père en fils, les hommes de la famille habitèrent la propriété, Finch’s Landing, et vécurent de la culture du coton. De dimensions modestes comparée aux petits empires qui l’entouraient, la plantation se suffisait pourtant à elle-même en produisant tous les ingrédients nécessaires à une vie autonome, à l’exception de la glace, de la farine de blé et des coupons de tissus, apportés par des péniches remontant de Mobile.

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15 mars 2016

Après Sara - Amanda Coe

Lu en partenariat avec les éditions Denoël

Après Sara Denoël – février 2016 – 320 pages

traduit de l'anglais par Claire-Marie Clévy

Titre original : Getting Colder, 2014

Quatrième de couverture :
Années 1980. Patrick, jeune dramaturge charismatique et ambitieux, enfant terrible du théâtre, tombe follement amoureux de Sara. Mais Sara est déjà mariée. Elle abandonne mari et enfants pour vivre pleinement son destin de muse. Image parfaite du couple rêvé, alliant beauté et talent, Sara et Patrick deviennent les chouchous du public. 

Trente-cinq ans plus tard, Patrick vit seul après la mort brutale de Sara. Il ne lui reste que son whisky, son carnet de notes et une rage toujours intacte contre le monde entier. Louise et Nigel, les enfants de Sara, désormais adultes, cherchent à comprendre qui était leur mère et pourquoi elle a choisi de les abandonner. Sara, malgré son absence, va réunir ces trois personnes. Chacun à leur manière, ils devront apprendre à faire leur deuil et à se reconstruire malgré les blessures qui ne guériront jamais, les questions restées sans réponse et la perte d’un être que personne ne pourra jamais remplacer. 
Après Sara est un roman dérangeant, à l’humour féroce, terriblement juste sur le chagrin, l’égoïsme et la persistance des blessures anciennes.

Auteur : Amanda Coe est scénariste. Elle a remporté un BAFTA en 2013 pour son adaptation de Room at the Top de John Braine pour BBC 4. Après Sara est son second roman chez Denoël après Qui a peur du noir ? (2013). Il fait partie de la sélection pour le Encore Award.

Mon avis : (lu en mars 2016)
J'ai été attiré par la beauté de la couverture du livre et la quatrième de couverture a suscité ma curiosité... Mais la lecture n'a pas été à la hauteur des promesses.
C'est une histoire de famille, Sara vient de mourir, ses enfants Nigel et Louise découvrent la maison où vivait leur mère avec Patrick. Trente-cinq ans plus tôt, Sara avait quitté son mari et ses deux enfants par amour pour Patrick, un écrivain talentueux et prometteur. Nigel et Louise sont devenus adultes et parents, ils ont beaucoup d'interrogation sur cette mère qui les a abandonné, ils voudraient comprendre ce que Patrick pouvait avoir de plus.
Patrick est devenu un vieux monsieur désagréable et alcoolique, la maison est dans un désordre et une saleté innommable...
Le récit passe du passé au présent, j'ai eu du mal à m'attacher à l'un des trois personnages principaux, heureusement il y a un quatrième personnage, Mia, une jeune étudiante, venue faire un mémoire sur l'oeuvre de Patrick, suite à un échange de correspondances avec Sara. Malgré la mort de Sara, Mia va rester auprès de Patrick pour s'occuper de lui et mettre de l'ordre dans la maison.
J'ai lu ce livre sans difficulté, mais j'ai été déçue par l'ensemble, sans compter que l'histoire s'achève dans le flou...

Merci et les éditions Denoël pour ce partenariat.

Autre avis : Sylire 

Extrait : (début du livre)
Il n’y avait plus personne pour l’appeler Nidge. Ça avait été sa première pensée cohérente quand la voisine de Patrick avait téléphoné pour lui annoncer que leur mère était morte. En voyant Louise descendre du train le matin des obsèques, Nigel s’aperçut qu’elle aussi pouvait l’appeler Nidge, même si elle avait tendance à ne pas l’appeler du tout. Employer le surnom de son enfance était un petit pouvoir que Louise ne se savait pas capable d’exercer, et le fait qu’elle ne le sache pas ne fit qu’augmenter l’irritation de Nigel à la vue du manteau pelucheux et du décolleté mal avisé de sa sœur. Il y eut tout de suite bien pire, cependant, avec l’apparition inattendue de l’enfant qui sortit du wagon à sa suite pour l’aider à décharger un sac de voyage à roulettes sur le quai. Emmaillotée dans une doudoune qui accentuait son imposante corpulence — copie miniature de celle de sa mère —, elle avait beaucoup changé depuis la dernière fois que Nigel l’avait vue, quand elle devait avoir sept ans.
« J’étais obligée de l’emmener, dit Louise. Elle est malade, et je n’ai trouvé personne pour s’en occuper. On ne peut pas compter sur notre Jamie, hein, Hol ? »
Nigel laissa libre cours à la toux qu’il avait réprimée toute la matinée; le taux de pollen dans l’air devait battre des records. Holly. Sophie s’en serait souvenue tout de suite; c’était elle qui s’occupait des anniversaires et de Noël. Comme à plusieurs reprises depuis son arrivée en Cornouailles, Nigel se prit à regretter d’avoir décidé si rapidement que sa femme resterait à la maison avec les enfants pendant qu’il gérerait les obsèques de sa mère en solitaire. Holly. Il la salua d’un hochement de tête et s’intima l’ordre d’arrêter de tousser; l’envie le démangeait en permanence, et une fois que les muqueuses étaient enflammées, se retenir devenait une torture. Sa nièce lui rendit un morne salut en reniflant, heureusement trop apathique pour partager ses microbes. Elle avait un teint blafard et des yeux rouges assez rebutants: résultat de sa maladie, sûrement. Sa pré- sence à la cérémonie ne devrait pas poser problème, pensa Nigel. Il ne s’attendait pas spécialement à ce qu’il y ait foule au crématorium. Mais c’était tout de même exaspérant, cette habitude qu’avait Louise de le prendre par surprise.
« C’est bien de ta part de nous avoir tenus au courant », dit-elle pendant qu’il les emmenait du hall d’entrée de la gare à la voiture des pompes funèbres garée dehors. « Tu l’as vu ?
— On s’est parlé au téléphone. À propos de l’organisation de la journée. »
C’était l’idée de Nigel, de commencer par aller chercher Louise à la gare pour qu’ils affrontent leur beau-père ensemble. Évidemment, Patrick avait été trop bouleversé par la mort de leur mère pour se charger des coups de fil, ne serait-ce que du premier. La tâche était revenue à une voisine, Jenny, le genre de femme d’âge mûr efficace et pleine de bonne volonté qu’on exploitait sans vergogne. Patrick ne comptait pas s’en priver, mais la formation en droit de Nigel en faisait la personne la mieux placée pour gérer la suite des opérations, si son statut de fils n’avait pas suffi. Il était mieux placé que Louise, en tout cas, c’était certain. Après l’annonce initiale de Jenny, il s’était occupé des appels nécessaires et de tous les arrangements ultérieurs. Ça lui tombait dessus à une période chargée au travail, mais il avait fait des listes et s’y était attaqué petit à petit, comme toujours, malgré une sciatique qui lui envoyait une violente décharge électrique dans la jambe chaque fois qu’il s’asseyait. Dans les jours qui avaient suivi le décès de sa mère, Nigel avait passé plus d’un coup de fil avec des aiguilles d’acupuncture plantées dans le corps, telle une miniature de saint médiéval supplicié. Elles avaient fonctionné quand même, malgré les mises en garde de l’ostéopathe — si c’étaient bien les aiguilles qui avaient fait passer la douleur, plutôt que les fortes doses d’anti-inflammatoires que Nigel avait ingérées en secret au mépris des remèdes alternatifs disposés par Sophie sur sa table de nuit. En tout cas, il n’y avait que le rhume des foins qui l’accablait aujourd’hui. 

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