Dans l’or du temps - Claudie Gallay
Edition du Rouergue – janvier 2006 - 320 pages
Actes Sud – février 2008 – 365 pages
Présentation de l'éditeur
Le narrateur passe l'été en famille, avec sa femme et leurs jumelles de sept ans, dans leur maison normande au bord de la mer. II rencontre par hasard Alice, une vieille dame abrupte et bienveillante à la fois, volontiers malicieuse. Il lui rend visite à plusieurs reprises et une attente semble s'installer : l'homme est en vacances, vacant pour ainsi dire, intrigué et attiré malgré lui ; Alice a des choses à raconter, qu'elle n'a jamais pu dire à personne, des souvenirs qui n'attendaient que lui pour remonter à la surface et s'énoncer. Tout commence par un voyage à New York qu'elle a effectué dans sa jeunesse, en 1941, en compagnie de son père photographe et d'André Breton. Ensemble, ils ont approché les Indiens hopi d'Arizona, dont l'art et les croyances les ont fascinés. Dans l'or du temps plonge au plus intime de ses personnages par petites touches, l'air de rien. Hommage à la figure d'André Breton et à la culture sacrée des Indiens hopi, ce magnifique roman célèbre les rencontres exceptionnelles, celles qui bouleversent l'âme et modifient le cours des existences
Biographie de l'auteur
Née en 1961, Claudie Gallay vit dans le Vaucluse. Elle a publié L'Office des vivants (2000), Mon amour ma vie (2002), Les Années cerises (2004), Seule Venise (2004, prix Folies d'encre et prix du Salon d'Annonay) et Les Déferlantes (2008)
Mon avis : (lu en mars 2009)
Je suis en train de devenir une inconditionnelle de Claudie Gallais... J'ai adoré "Les Déferlantes" et pour "Dans l'or du temps" l'effet a été le même. Ce livre m'a transporté : cette rencontre entre le narrateur et Alice est pleine de tendresse et d'émotions.
A travers une très belle rencontre entre une vieille dame et un jeune homme en quête du sens de sa vie, ce roman raconte une transmission, c’est aussi une plongée dans la culture sacrée des Indiens Hopi et un hommage littéraire à la figure d’André Breton.
La vie quotidienne d’Alice et du narrateur alterne avec les souvenirs chez les Indiens hopi. Les phrases sont courtes, les descriptions rendent l’atmosphère particulière, il se dégage du texte une certaine poésie et on est comme hypnotisé par le livre et on ne le lâche plus ! (j'ai failli plusieurs fois rater ma station de train...) Passionnant et superbe !
Le titre fait écho à l'épitaphe de la tombe d'André Breton "Je cherche l'or du temps".
Ce livre est superbement documenté, entre autres, il fait référence au livre "Soleil hopi" de Don C. Talayesva (autobiographie d’un indien hopi).
Extrait : "Notre maison, La Téméraire, face à la mer, à quelques kilomètres seulement au sud de Dieppe. On l’a achetée juste après la naissance des filles. Un coup de cœur, a dit Anna.
On a emprunté pour dix ans.
L’hiver, La Téméraire prend toutes les tempêtes. On ne vient jamais l’hiver. L’été seulement. Et puis quelques week-ends au printemps. On trouve des troncs d’arbres et des bouées de bateaux dans le jardin. Du sable, des planches, des cadavres de mouettes. Il faut des jours pour tout nettoyer.
Quand on est arrivés il pleuvait. J’ai arrêté la voiture au plus près de la porte. Les jumelles ont pris leurs affaires et elles sont montées directement dans leur chambre. Elles avaient été sages, tout le trajet à remplir leur cahier de vacances. Des trucs de filles. Avec des garçons, on n'aurait pas eu ça.
- Ça quoi ? A demandé Anna.
Je n'ai pas eu envie d'expliquer.
On a ouvert les volets et on a commencé à décharger.
A midi, on a mangé des sandwichs. Les filles avaient trouvé des vieux livres de Martine dans une caisse au grenier. Anna ne voulait pas qu'elles lisent ça alors les filles les lisaient en cachette, à l'école ou quand elles allaient à la bibliothèque du quartier.
L'après-midi, la pluie s'est arrêtée et Anna a emmené les jumelles à la plage. Je suis resté sur la terrasse. C'était marée basse. Les filles couraient. Elles sont allées loin jusqu'à toucher le bord de l'eau.
Quand elles sont revenues, elles avaient faim. Anna a préparé des crêpes. Les filles se sont installées dehors, sur la table blanche de la terrasse."
Extrait : "Le camion était là. Je me suis garé sur le terre-plein. L'épicier avait déjà rabattu la moitié de son auvent. Quand il m'a vu, il a bloqué son geste. Il m'a demandé si je voulais quelque chose et j'ai dit, Oui, des fraises, un kilo. Il a relevé le battant. Il a mis les fraises dans un sac. Le sac, en papier brun. Et comme les fraises étaient rouges et vraiment appétissantes, je lui ai demandé d'en rajouter une poignée.
Je suis retourné à la voiture. Un chemin de terre s'enfonçait, humide, sous le couvert des arbres. Une vieille dame s'éloignait. Elle portait un panier. Elle faisait un pas, un autre. Son panier était plein. Elle devait souvent le poser pour changer de main.
- Voulez-vous que je vous aide ? j'ai demandé en prenant le chemin derrière elle.
Elle s'est arrêtée. Elle m'a toisé moi et elle a toisé la Deux Chevaux. J'ai soulevé le panier.
- Qu'est-ce que vous avez là-dedans pour que ce soit si lourd ?
- Cinq kilos de poires à confitures, elle a dit. Plus le sucre.
Sa voix était grave. Traînante. Je l'ai suivie, une centaine de mètres sur ce chemin de terre. Plus de boue que de la terre. Elle s'est arrêtée devant un portail, une grille en fer en partie envahie par du lierre. Il n'y avait pas d'autres maisons après celle-là. Simplement le sentier qui se resserrait encore et puis les arbres.
Elle a poussé la grille."