The Girls - Emma Cline
Audiolib - avril 2017 - 9h20 - Lu par Rachel Arditi
Quai Voltaire - août 2016 - 336 pages
traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean Esch
Titre original : The Girls, 2016
Quatrième de couverture :
Nord de la Californie, fin des années 1960. Evie Boyd, quatorze ans, vit seule avec sa mère. Fille unique et mal dans sa peau, elle n'a que Connie, son amie d'enfance. Lorsqu'une dispute les sépare au début de l'été, Evie se tourne vers un groupe de filles dont la liberté, les tenues débraillées et l'atmosphère d'abandon qui les entoure la fascinent. Elle tombe sous la coupe de Suzanne, l'aînée de cette bande, et se laisse entraîner dans le cercle d'une secte et de son leader charismatique, Russell. Caché dans les collines, leur ranch est aussi étrange que délabré, mais, aux yeux de l'adolescente, il est exotique, électrique, et elle veut à tout prix s'y faire accepter. Tandis qu'elle passe de moins en moins de temps chez sa mère et que son obsession pour Suzanne va grandissant, Evie ne s'aperçoit pas qu'elle s'approche inéluctablement d'une violence impensable.
Dense et rythmé, le premier roman d'Emma Cline est saisissant de perspicacité psychologique. Raconté par une Evie adulte mais otujours cabossée, il est un portrait remarquable des filles comme des femmes qu'elles deviennent.
Auteur : Emma Cline est née en Californie en 1989. Ses nouvelles ont paru aux Etats-Unis dans Tin House et The Paris Review. Elle est la lauréate du Prix Plimpton 2014. The Girls est son premier roman
Lecteur : Rachel Arditi est comédienne. Elle débute au théâtre avec Bernard Murat dans Le Libertin d'Eric-Emmanuel Schmitt. S'ensuivent de nombreuses collaborations avec des metteurs en scène variés (Julie Brochen, Stephan Meldegg, Adrien de Van...). Récemment, on l'a vue au théâtre dans Politiquement correct de Salomé Lelouch au théâtre de la Pépinière.
Elle tourne régulièrement pour le cinéma et la télévision, notamment avec Mona Achache, Mia Hansen-Love, Marina de Van, Alexandre Astier, Patrice Leconte... Depuis deux ans, elle adapte des romans pour la scène avec la metteure en scène Justine Heynemann, notamment Les Petites Reines de Clémentine Beauvais qu'elle a également enregistré en livre audio pour Audiolib.
Mon avis : (écouté en mai 2017)
La narratrice, Evie Boyd, se souvient de son adolescence en Californie, dans les années 60. Cet été là, Evie est âgée de 14 ans, elle est en conflit avec sa mère qui tente de refaire sa vie. Elle va faire la rencontre d'une bande de filles et fascinée par leur liberté, elle va céder à Suzanne qui l'attire et sait lui parler. Evie se retrouve embrigadée dans cette communauté de filles qui obéissent à un gourou toxique... L'auteur s'est inspirée de l'histoire de Charles Manson et de sa communauté hippie, elle s'est surtout attachée à développer les questions de la condition féminine ainsi que du mal-être et des errances de l'adolescence.
J'ai eu de la difficulté à écouter ce livre, est-ce la lassitude de l'exercice puisque c'est le dernier livre des 10 de la sélection pour le Prix Audiolib ou surtout la lenteur de la narration, en particulier la première partie qui traîne vraiment en longueur ou un peu des deux...
J'avais eu de bon retour sur ce livre et j'en attendais sans doute trop... J'aurai sans doute dû également lire plus attentivement la quatrième de couverture avant mon écoute pour être plus patiente et attentive à l'histoire... Pour ma part, c'est un rendez-vous manqué avec ce livre.
Extrait : (début du livre)
JE levai les yeux à cause du rire, et je continuai à regarder à cause des filles.
Je remarquai leurs cheveux tout d’abord, longs et pas coiffés. Puis leurs bijoux qui captaient l’éclat du soleil. Toutes les trois étaient trop loin, je ne voyais que les contours de leurs traits, mais ça n’avait pas d’importance : je savais qu’elles étaient différentes de toutes les autres personnes dans le parc. Les familles attendaient leur tour devant le grill pour acheter des saucisses ou des hamburgers. Des femmes en chemisiers à carreaux qui se collaient contre leurs amoureux, des enfants qui lançaient des boutons d’eucalyptus aux poules sauvages qui envahissaient l’allée. Ces filles aux cheveux longs semblaient glisser au-dessus de tout ce qui les entourait, tragiques et à part. Tels des membres de la famille royale en exil.
Je les observai bouche bée, sans honte, ni retenue : il me paraissait impossible qu’elles se tournent vers moi et me remarquent. J’avais oublié mon hamburger posé sur mes genoux, la brise transportait la puanteur du fretin venant de la rivière. C’était l’époque où j’examinais et classais immédiatement les autres filles, consciente chaque fois de tout ce qui me séparait d’elles, et je vis tout de suite que celle aux cheveux noirs était la plus jolie. Je m’y attendais, avant même d’avoir pu discerner leurs visages. Une impression surnaturelle flottait autour d’elle et une robe à smocks sale couvrait à peine son cul. Elle était flanquée d’une rouquine maigre et d’une fille plus âgée, aussi pauvrement vêtues. Comme si on les avait repêchées dans un lac. Leurs bagues bon marché ressemblaient à des jointures supplémentaires. Elles s’aventuraient le long d’une frontière tortueuse, entre la beauté et la laideur, créant dans leur sillage une onde d’agitation. Les mères cherchaient leurs enfants du regard, mues par un sentiment qu’elles ne pouvaient pas nommer. Les femmes prenaient la main de leur amoureux. Les rayons de soleil transperçaient, comme toujours, les arbres – les saules endormis, le vent chaud qui soufflait sur les couvertures de pique-nique –, mais l’ambiance ordinaire était perturbée par le chemin que traçaient les filles dans le monde normal. Aussi racées et inconscientes que des requins qui fendent les flots.