Gallimard – août 2009 -
Éditions France Loisirs – 2010
Folio – janvier 2011 – 209 pages
Folio – décembre 2011 - 210 pages
Quatrième de couverture :
« François pensa : si elle commande un déca, je me lève et je m'en vais. C'est la boisson la moins conviviale qui soit. Un thé, ce n'est guère mieux. On sent qu'on va passer des dimanches après-midi à regarder la télévision. Ou pire : chez les beaux-parents. Finalement, il se dit qu'un jus ça serait bien. Oui, un jus, c'est sympathique. C'est convivial et pas trop agressif. On sent la fille douce et équilibrée. Mais quel jus ? Mieux vaut esquiver les grands classiques : évitons la pomme ou l'orange, trop vu. Il faut être un tout petit peu original, sans être toutefois excentrique. La papaye ou la goyave, ça fait peur. Le jus d'abricot, c'est parfait. Si elle choisit ça, je l'épouse...
- Je vis prendre un jus... Un jus d'abricot, répondit Nathalie.
Il la regarda comme si elle était une effraction de la réalité. »
Auteur : Romancier, scénariste et musicien, David Foenkinos est né en 1974. Il a publié Entre les oreilles (2002), Inversion de l’idiotie (2002), Le potentiel érotique de ma femme (2004) et Qui se souvient de David Foenkinos ? (2007), Nos séparations (2008), La délicatesse (2009), Les souvenirs (2011).
Mon avis : (lu en février 2012)
Ce livre est très agréable à lire, l'histoire est plutôt banale mais les personnages savent toucher le lecteur.
Nathalie est une jeune femme heureuse dans la vie jusqu'au décès accidentel de son mari. Pendant plusieurs années, elle se réfugie dans le travail et se refuse à refaire sa vie. Son patron essaye pourtant de la séduire, mais elle reste insensible à ses avances. Mais un jour, au bureau, elle embrasse impulsivement le très discret Markus. Et c'est alors le début de leur histoire...
Il y a un petit côté « Amélie Poulain » dans le style très original du livre, avec des chapitres courts, des notes de bas de pages ou de très courts chapitres qui soulignent quelques détails du chapitre précédent (un menu, une définition, un dialogue d'un film...)
Ce mélange de légèreté, de fantaisie et d'humour décalé m'a bien amusé.
Ce livre a été adapté au cinéma en 2011 par David Foenkinos, Stéphane Foenkinos, avec Audrey Tautou, François Damiens, Bruno Todeschini. Je n’ai pas vu le film, mais je serais curieuse de le découvrir.
Un grand Merci à Sandrine qui m'a offert ce livre à l’occasion
du Swap Eros et Thanatos organisé par Canel.
Extrait : (début du livre)
1
Nathalie était plutôt discrète (une sorte de féminité suisse). Elle avait traversé l’adolescence sans heurt, respectant les passages piétons. À vingt ans, elle envisageait l’avenir comme une promesse. Elle aimait rire, elle aimait lire. Deux occupations rarement simultanées puisqu’elle préférait les histoires tristes.
L’orientation littéraire n’étant pas assez concrète à son goût, elle avait décidé de poursuivre des études d’économie. Sous ses airs de rêveuse, elle laissait peu de place à l’à-peu-près. Elle restait des heures à observer des courbes sur l’évolution du PIB en Estonie, un étrange sourire sur le visage. Au moment où la vie d’adulte s’annonçait, il lui arrivait parfois de repenser à son enfance. Des instants de bonheur ramassés en quelques épisodes, toujours les mêmes. Elle courait sur une plage, elle montait dans un avion, elle dormait dans les bras de son père. Mais elle ne ressentait aucune nostalgie, jamais. Ce qui était assez rare pour une Nathalie (1).
2
La plupart des couples adorent se raconter des histoires, penser que leur rencontre revêt un caractère exceptionnel, et ces innombrables unions qui se forment dans la banalité la plus totale sont souvent enrichies de détails offrant, tout de même, une petite extase. Finalement, on cherche l’exégèse en toute chose.
Nathalie et François se sont rencontrés dans la rue. C’est toujours délicat un homme qui aborde une femme. Elle se demande forcément : « Est-ce qu’il ne passe pas son temps à faire ça ? » Les hommes disent souvent que c’est la première fois. À les écouter, ils sont soudain frappés par une grâce inédite leur permettant de braver une timidité de toujours. Les femmes répondent, d’une manière automatique, qu’elles n’ont pas le temps. Nathalie ne dérogea pas à cette règle. C’était idiot : elle n’avait pas grand-chose à faire, et aimait l’idée d’être ainsi accostée. Personne n’osait jamais. Elle s’était plusieurs fois posé la question : ai-je l’air trop boudeuse ou trop paresseuse ? Une de ses amies lui avait dit : personne ne t’arrête jamais, car tu as l’allure d’une femme poursuivie par le temps qui passe.
Quand un homme vient voir une inconnue, c’est pour lui dire de jolies choses. Existe-t-il, ce kamikaze masculin qui arrêterait une femme pour asséner : « Comment faites-vous pour porter ces chaussures ? Vos orteils sont comme dans un goulag. C’est une honte, vous êtes la Staline de vos pieds ! »
Qui pourrait dire ça ? Certainement pas François, sagement rangé du côté des compliments. Il tenta de définir la chose la moins définissable qui soit : le trouble. Pourquoi l’avait-il arrêtée elle ? Il s’agissait surtout de sa démarche. Il avait senti quelque chose de nouveau, de presque enfantin, comme une rhapsodie des rotules. Il émanait d’elle une sorte de naturel émouvant, une grâce dans le mouvement, et il pensa : elle est exactement le genre de femme avec qui je voudrais partir en week-end à Genève. Alors, il prit son courage à deux mains — et il aurait même aimé en avoir quatre à cet instant. Surtout que pour lui, c’était vraiment la première fois. Ici et maintenant, sur ce trottoir, ils se rencontraient. Une entrée en matière absolument classique, qui détermine souvent le début des choses qui le sont moins, par la suite.
(1) Il y a souvent une nette tendance à la nostalgie chez les Nathalie.
Déjà lu de cet auteur :
Les souvenirs
Challenge Objectif PAL Swap
4/16
Swap Eros et Thanatos