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A propos de livres...
13 mars 2011

G229 - Jean-Philippe Blondel

G229 Buchet-Chastel – janvier 2010 – 240 pages

Quatrième de couverture :
" Je vous ai accordé une salle. Une salle, vous savez, ça n'a pas de prix. C'est la 229, bâtiment G. G229. Allez chercher la clé chez la concierge. Bon, je crois que cet entretien est terminé. Nous nous croiserons souvent désormais. Bienvenue ici. " Je remercie le proviseur, mais il ne m'écoute déjà plus. Un proviseur, ça a beaucoup de choses à penser. Un prof, non.. Un prof, ça ne pense qu'à une chose, ses classes. Puis soudain, il est de nouveau là, présent. Il me fixe. Il dit : " Le plus dur, dans le métier, vous savez, c'est de manier le on et le je. " Je réponds que euh, je ne suis pas sûr de comprendre. " C'est une institution, l'école. Vous entrez dans un bulldozer. Il faut arriver à en devenir membre sans perdre son individualité. Ce n'est pas aussi facile qu'on le croit, vous verrez. Le on et le je. Réfléchissez-y. Bonne chance ! "

Auteur : Jean-Philippe Blondel a publié huit romans - dont Le Baby-sitter (2010) - et trois romans pour adolescents. Il enseigne aussi l'anglais dans un lycée de province. Dans la salle G229, donc.

Mon avis : (lu en mars 2011)
Voilà un livre sans doute un peu autobiographique, car Jean-Philippe Blondel est lui-même professeur d'anglais depuis de nombreuses années dans le même lycée et dans la même salle !
Jean-Philippe Blondel nous parle autrement de l'Éducation Nationale, il porte un regard plein d'humanité sur son métier et sa carrière. Il évoque le temps qui passe, il parle de ses débuts dans l'enseignement et fait comme un bilan de sa vie de professeur.
Comme il nous l'explique dans la vidéo (jointe en fin d'article), il alterne des chapitres en « On » racontant des expériences générales aux professeurs et les chapitres en « Je » qui sont plus personnelles. Le lecteur passe par différentes émotions suivant les chapitres, J'ai beaucoup rit avec les souvenirs de voyages scolaires en Angleterre. J'ai été bouleversé par la réunion parents-profs avec la mère de Matthieu. J'ai compris le choc du professeur qui découvre que la mère de son élève a été également son élève lors des premières années où il enseignait. Et l'émotion du professeur est palpable lorsqu'un élève lui rend un devoir où il se confie au-delà de ce qu'il pouvait imaginer en donnant le sujet.

J'ai beaucoup aimé ce livre, tout d'abord voir l'envers du décors de la vie au lycée pour une ancienne élève ou une mère d'élèves c'est toujours intéressant. Mais c'est surtout la façon qu'à Jean-Philippe Blondel d'évoquer avec beaucoup de tendresse ses années de professeur, les élèves passent et le professeur reste dans sa salle G229 !

Extrait : (début du livre)
Il est dix-neuf heures trente. 3 décembre. La nuit est tombée depuis longtemps. Le conseil de classe vient de se terminer, trente-cinq élèves, une heure et demie, ça a été rondement mené. Je suis sur le point de rejoindre le parking. Je parle avec ma collègue de lettres. Elle se désole parce qu'elle va passer le week-end sur ses copies. Je lui réponds que c'est pareil pour moi et, au même moment, je me rends compte que je les ai oubliées dans ma salle, les copies. Je suis parti trop précipitamment tout à l'heure. J'ai laissé le tas de devoirs sur le bureau. Je le revois très nettement, maintenant. Je lance une injure tonitruante. Je cours voir la concierge. Elle me rappelle qu'à cette heure-ci tout est fermé. Je parlemente. Je négocie. Elle cède. Elle dit : « C'est bien parce que c'est vous, hein ! » J'ai quarante-cinq ans. J'enseigne dans ce lycée depuis vingt ans. Elle est là depuis l'ouverture. Nous avons traversé les grèves de 1995 ensemble. Je sais qu'elle y pense en me tendant les clés. Elle ajoute : « Mais vous faites vite, hein ? Moi, j'ai pas que ça à faire et, à huit heures, je mets l'alarme dans tous les bâtiments ! » Je souris. Une demi-heure, c'est bien plus qu'il n'en faut. Dix minutes tout au plus pour traverser la cour, monter au deuxième étage, longer le couloir, ouvrir la troisième porte sur la gauche. Et récupérer mon bien.



"G229" de Jean-Philippe Blondel par editionslibella

Déjà lu du même auteur :
 
juke_box Juke Box  au_rebond Au rebond le_baby_sitter Le Baby-sitter      

 

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10 mars 2011

Des éclairs – Jean Echenoz

des__clairs Les Éditions de Minuit – septembre 2010 – 174 pages

Quatrième de couverture :
Gregor a inventé tout ce qui va être utile aux siècles à venir. Il est hélas moins habile à veiller sur ses affaires, la science l'intéresse plus que le profit. Tirant parti de ce trait de caractère, d'autres vont tout lui voler. Pour le distraire et l'occuper, ne lui resteront que la compagnie des éclairs et le théâtre des oiseaux.

Fiction sans scrupules biographiques, ce roman utilise cependant la destinée de l'ingénieur Nikola Tesla (1856-1943) et les récits qui en ont été faits. Avec lui s'achève, après Ravel et Courir, une suite de trois vies.

Auteur : Né à Orange le 26 décembre 1947, grand nom de la littérature française contemporaine, Jean Echenoz s'impose avec un sens de l'observation unique et un style singulier. L'ancien étudiant en sociologie et en génie civil déclare être l'auteur de romans 'géographiques'. Il tâche en effet dans son oeuvre de tracer les conditions, les décors et les milieux qui fondent une existence, celle de personnages fictifs ou réels à l'instar de Ravel dans un roman éponyme ou d'Emile Zatopec dans 'Courir'. Amené à l'écriture suite à la découverte d''Ubu Roi' d'Alfred Jarry, Echenoz imprime sa propre empreinte avec un sens de la dérision hérité du dramaturge. Lauréat du prix Goncourt en 1999 pour 'Je m'en vais', l'auteur joue à détourner les codes du langage et les genres littéraires. Ainsi, il s'approprie le roman policier avec 'Cherokee' ou le roman d'espionnage avec 'Le Lac'. Ecrivain de la quête et de l'enquête, Jean Echenoz succède avec brio et innovation à la génération du Nouveau Roman, qui a fait la renommée de sa maison d'édition, Minuit.

Mon avis : (lu en mars 2011)
Après Ravel et Courir, Jean Echenoz réalise une biographie romancée de Gregor. Ce personnage est largement inspiré de Nikola Tesla (1856-1943), inventeur américain d'origine croate.
Gregor est moitié génie, moitié savant fou, c'est un visionnaire, il va faire de nombreuses découvertes autour de l'électricité : il défend le courant alternatif, il est précurseur et découvre le principe du radar, mais aussi « La radio. Les rayons X. L'air liquide. La télécommande. Les robots. Le microscope électronique. L'accélérateur de particules. L'Internet.» Ces contemporains ne mesurent pas la portée de ces inventions et elles resteront longtemps oubliées. Gregor n'y connait rien aux affaires, il se fait déposséder de ses plus grandes découvertes par d'autres comme Edison et Marconi.
Gregor vit à l'hôtel, il a la phobie des microbes, il aime la compagnie des pigeons et les multiples de 3. Ses seuls vrais amis sont le couple Axelrod, dont il va aimer en secret Ethel.

Gregor est un homme seul, il a un caractère « ombrageux, méprisant, susceptible, cassant ». Et il finira dans la misère.
Le personnage de Gregor est à la fois attachant et improbable, Echenoz est très agréable à lire et il réussit le tour de force de raconter en moins de 200 pages, les 87 ans de la vie d'un homme exceptionnellement intelligent et visionnaire.

J'ai bien aimé ce livre mais pas autant que Courir qui racontait la vie du coureur Emil Zátopek.

Extrait : (début du livre)
Chacun préfère savoir quand il est né, tant que c’est possible. On aime mieux être au courant de l’instant chiffré où ça démarre, où les affaires commencent avec l’air, la lumière, la perspective, les nuits et déboires, les plaisirs et les jours. Cela permet déjà d’avoir un premier repère, une inscription, un numéro utile pour vos anniversaires. Cela donne aussi le point de départ d’une petite idée personnelle du temps dont chacun sait aussi l’importance : telle que la plupart d’entre nous décident, acceptent de le porter en permanence sur eux, découpé en chiffres plus ou moins lisibles et parfois même fluorescents, fixé par un bracelet à leur poignet, le gauche plus souvent que le droit.

Or ce moment exact, Gregor ne le connaîtra jamais, qui est né entre vingt-trois heures et une heure du matin. Minuit pile ou peu avant, peu après, on ne sera pas en mesure de le lui dire. De sorte qu’il ignorera toute sa vie quel jour, veille ou lendemain, il aura droit de fêter son anniversaire. De cette question du temps pourtant si partagée, il fera donc une première affaire personnelle. Mais, si l’on pourra l’informer de l’heure précise à laquelle il est apparu, c’est que cet évènement se produit dans des conditions désordonnées.    

Livre 37/42 pour le Challenge du 6% littéraire1pourcent2010


Déjà lu du même auteur : courir Courir ravel_ Ravel

 

6 mars 2011

L’homme de Kaboul - Cédric Bannel

Lu en partenariat avec Canalblog et les Éditions Robert Laffont

l_homme_de_Kaboul Robert Laffont – mars 2011 - 396 pages

Quatrième de couverture : 
Quand Oussama Kandar, chef de la brigade criminelle de Kaboul, ancien héros de guerre contre les Russes et les talibans, découvre le cadavre de Wali Wadi, il n'imagine pas déclencher l'une de ces séries de minuscules événements qui se terminent en raz de marée. D'après Oussama, l'homme qui gît au milieu de son magnifique salon, une balle dans la tête, ne peut en aucun cas s'être suicidé, comme l'affirme le ministre de la Sécurité. Profondément intègre, opposé à la corruption qui gangrène son pays, Oussama croit en la justice. Par fidélité à ses principes, il refuse de classer l'affaire. Au contraire, en compagnie de ses fidèles adjoints, il s'acharne à remonter les pistes, à exhumer les vérités travesties. Dès lors, il est l'homme à abattre. Autour de lui, la violence se déchaîne. A l'autre bout du monde, en Suisse, le jeune Nick, analyste dans les services secrets, est lancé sur la piste d'un fugitif, dirigeant d'une entreprise très opaque aux ramifications internationales. L'homme s'est volatilisé avec un rapport secret qui paraît affoler plusieurs gouvernements.

Auteur : Cédric Bannel a commencé sa carrière à Bercy au service de contrôle des investissements étrangers en France et s’est occupé entre autres des sanctions financières contre la Libye et l’Irak, avant d’entamer une carrière de diplomate comme Attaché financier à Londres.
Il a ensuite quitté l’administration pour se lancer dans l’Internet, où il a fondé et dirigé plusieurs "start up", dont CanalBlog dont il est le PDG. Il pratique les arts martiaux à haut niveau depuis plus de 30 ans.
Il est l’auteur de 3 romans policiers, Le Huitième Fléau (1999), la Menace Mercure (2001) et Elixir (2004), tous les trois traduits dans de nombreuses langues.
Cédric Bannel est le père d’une petite fille de 6 ans.

Mon avis : (lu en mars 2011)
J'ai accepté de lire ce livre dans le cadre du Concours « L’homme de Kaboul » organisé par les Éditions Robert Laffont.
Il s'agit d'un roman d'espionnage dont l'essentiel de l'action se déroule en Afghanistan.
Oussama Kandar est le chef de la brigade criminelle de Kaboul, il est respecté car c'est aussi un ancien héros de guerre contre les Russes puis contre les talibans. Il est très surpris d'être appelé pour un suicide car en Afganistan, « Ceux qui parvenaient à échapper aux attentats, aux gangs, aux règlements de comptes, aux crimes familiaux et aux fatwas lancées par les talibans étaient assez peu portés sur le suicide. » Autre surprise, le ministre de la Sécurité est déjà sur place. Le Qomaandaan Oussama Kanda est vite convaincu que Wali Wadi, l'homme suicidé, a été assassiné. Très intègre et totalement opposé àla corruption, il refuse de classer l'affaire et au péril de sa vie et de celle de ses collaborateurs, il va tout mettre en œuvre pour résoudre cette enquête.
En parallèle, en Suisse, un homme d'affaire est traqué par une police secrète l'Entité car il est en possession d'un rapport confidentiel. Nick, un jeune analyste très intelligent,se lance sur sa piste sans imaginer le réel enjeu du fameux dossier Mandrake.
Bien sûr, ces deux histoires sont liées mais je n'en dévoilerai pas plus car ce livre captivant est plein de suspense, de rebondissements... 

Ce thriller est aussi l'occasion pour le lecteur de découvrir l'Afghanistan, un pays complexe mais également fascinant. L'auteur s'est très bien documenté et il décrit avec beaucoup de précision les conditions de vie, la guerre, les traditions, la culture, la religion sans oublier Kaboul et les superbes montagnes d'Afghanistan.
Plusieurs personnages sont très intéressants, en premier lieu Oussama Kandar le policier intègre, musulman pratiquant mais tolérant, sa femme Malalai, gynécologue qui se révolte discrètement contre la soumission imposée aux femmes. Il y a aussi le Mollah Bakir qui sera un allié surprenant de Kandar durant son enquête. Il imagine l'Afghanistan comme un état taliban moderne, il refuse intégrisme et les violences de l'état actuel.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre qui à travers une histoire d'espionnage captivante et haletante nous permet de faire sans aucun risque un beau voyage en Afghanistan. J'ai été très intéressée de découvrir la vie quotidienne afghane avec des valeurs et des repères si différents que ceux que nous avons nous occidentaux.

Merci à Canalblog et aux Éditions Robert Laffont pour m'avoir permis de découvrir ce livre.

Allez voir également le blog dédié au livre et les nombreux avis autour de ce livre

Extrait : (début du livre)

- A quoi pensais-tu en appuyant sur la détente ? Demanda Oussama.
- A appuyer sur la détente.
- Tu avais conscience que, au lieu de punir seulement l'homme que tu visais, tes balles risquaient de décimer toute une famille ? Les deux femmes d'Abdul sont décédées avec lui. Ses huit enfants sont à l'hôpital, dont deux entre la vie et la mort.
- Ce salaud d'Abdul, il m'a volé tout mon stock de tissu, tenta de plaider le prisonnier. Huit mille afghanis !

Oussama Kandar, commandant en chef de la brigade criminelle de Kaboul, se leva brusquement, en proie à un accès de colère. Solidement attaché à sa chaise par des menottes, le prisonnier eut un mouvement de crainte qui manqua de le faire tomber. Oussama n'y prêta pas attention. Il y avait bien longtemps qu'il avait cessé de remarquer les réactions que son physique hors norme provoquait. Âgé d'un peu plus de cinquante ans, Oussama mesurait deux mètres. Sec (il pesait à peine quatre-vingt-dix kilos), il en imposait avec sa barbe veinée de gris, taillé court, ses cheveux ras. Ses yeux d'un vert métallique hypnotisaient ses adversaires.
- Tu es un crétin et un meurtrier ! Tu as tiré sur toute une famille à la kalachnikov, pendant qu'elle déjeunait tranquillement. Tout ça pour un stock de tissu. Tu te rends compte, au moins, du mal que tu as fait ? Pour rien !
- Pas pour rien. Il m'avait volé pour huit mille afghanis, répéta le prisonnier, buté.

Oussama secoua la tête, dégoûté. La plupart des meurtres commis dans la capitale l'étaient à la kalachnikov, souvent à la suite de dettes non remboursées ou de vols, quand il ne s'agissait pas de meurtres d'honneur. Les coupables ignoraient que la pendaison les attendaient au bout du chemin. Renonçant à discuter avec un prisonnier aussi stupide, il s'apprêtait à appeler un de ses adjoints afin que ce dernier le remplace pour la suite de l'audition lorsqu'un planton entra dans son bureau. Jeune, les yeux bridés typique d'un Hazara. Une large cicatrice barrait sa joue gauche.

- Qomaandaan, on nous signale que le ministre de la Sécurité vient d'arriver sur les lieux d'un suicide.
- Un attentat suicide, veux-tu dire ?
- Na, un vrai suicide.
Surpris, Oussama dévisagea le policier. Le taux de mortalité à Kaboul étant l'un des plus élevés au monde, il ne chômait pas, mais les suicides étaient rares. Ceux qui parvenaient à échapper aux attentats, aux gangs, aux règlements de comptes, aux crimes familiaux et aux fatwas lancées par les talibans étaient assez peu portés sur le suicide. En Afganistan, chaque jour vécu en un seul morceau était un don de Dieu.

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
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"Géographie"

5 mars 2011

Le confident – Hélène Grémillon

leconfident Plon – août 2010 – 301 pages

Quatrième de couverture : 
Au milieu des mots de condoléances qu'elle reçoit à la mort de sa mère, Camille découvre une étrange lettre envoyée par un expéditeur inconnu. Elle croit à une erreur mais, les semaines suivantes, une nouvelle lettre arrive, tissant le roman de deux amours impossibles, de quatre destins brisés. Peu à peu, Camille comprend que cette correspondance recèle un terrible secret qui la concerne. Machination diabolique sur fond de Seconde Guerre mondiale, ce roman mêle récit historique et suspens psychologique dans un scénario implacable.

Auteur : Après une maîtrise de lettres et un DEA d'histoire, Hélène Grémillon s'est lancée dans le journalisme et la réalisation. Auteur de plusieurs courts-métrages et du clip de la chanson « la Jupe en laine » pour Julien Clerc. Elle a 32 ans. Le Confident est son premier roman.

Mon avis : (lu en mars 2011)
Ce sont les nombreux articles positifs de la blogosphèrequim'ont encouragée à découvrir ce premier roman.

Dès les première pages, j'ai beaucoup aimé ce livre, j'ai été pris par l'histoire.
Tout commence lorsque Camille découvre parmi toutes les lettres de condoléances reçues à la suite du décès de sa mère une enveloppe plus épaisse et plus lourde que les autres. Il s'agit d'une lettre longue et étrange envoyée par un expéditeur inconnu, un certain Louis. D'autres lettres vont suivre chaque mardi racontant petit à petit une histoire d'amour, puis de haine entre deux femmes et autour d'un enfant et d'un homme, à l'époque de la Seconde Guerre Mondiale.
C'est un roman à plusieurs voix autour d'un secret de famille, tout se dévoile très progressivement, le récit est captivant et très bien construit.
Les personnages de cette histoire sont vraiment très touchants, il est essentiellement question de maternité et de mensonges ou non dits qui vont gâcher et briser plusieurs vies.
Un très beau livre, très touchant et bouleversant.

Quelques billets qui m'ont donnée envie de découvrir ce livre : Canel, Stephie, Sandrine et Blog-O-Book

Extrait : (début du livre)
Un jour, j’ai reçu une lettre, une longue lettre pas signée. C’était un évènement, car dans ma vie je n’ai jamais reçu beaucoup de courrier. Ma boîte aux lettres se bornant à m’annoncer que la-mer-est-chaude ou que la-neige-est-bonne, je ne l’ouvrais pas souvent. Une fois par semaine, deux fois les semaines sombres, où j’attendais d’elles, comme du téléphone, comme de mes trajets dans le métro, comme de fermer les yeux jusqu’à dix puis de les rouvrir, qu’elles bouleversent ma vie.
Et puis ma mère est morte. Alors là, j’ai été comblée, pour bouleverser une vie, la mort d’une mère, on peut difficilement mieux faire.

Je n’avais jamais lu de lettres de condoléances. A la mort de mon père, ma mère m’avait épargné cette funèbre lecture. Elle m’avait seulement montré la convocation à la remise de médaille. Je me souviens encore de cette foutue cérémonie, j’avais treize ans depuis trois jours : un grand type me serre la main, il me sourit mais c’est un rictus que je reçois à la place, il a la gueule de travers et quand il parle, c’est pire.

- Il est infiniment déplorable que la mort ait été l’issue d’un tel acte de bravoure. Votre père, mademoiselle, était un homme courageux.
- Vous dites cette phrase à tous les orphelins de votre guerre ? Vous pensez qu’un sentiment de fierté fera diversion à leur chagrin. C’est très charitable de votre part, mais laissez tomber, je n’ai pas de chagrin. Et puis mon père n’était pas un homme courageux. Même la grande quantité d’alcool qu’il ingurgitait tous les jours ne l’y aidait pas. Alors disons que vous vous trompez d’homme et n’en parlons plus.
- Au risque de vous étonner, je maintiens, mademoiselle Werner, que c’est bien du sergent Werner – votre père – dont je vous parle. Il s’est porté volontaire pour ouvrir la voie, le champ était miné et il se savait. Que vous le vouliez ou non, votre père s’est illustré et vous devez prendre cette médaille.
- Mon père ne s’est pas « illustré », stupide grande gueule de travers, il s’est suicidé et il faut que vous le disiez à ma mère. Je ne veux pas être la seule à le savoir, je veux pouvoir en parler avec elle et avec Pierre aussi. Le suicide d’un père, ça ne peut pas être un secret.

Je m’invente souvent des conversations pour dire les choses que je pense, c’est trop tard, mais ça me soulage. En vrai, je ne suis pas allée à cette cérémonie pour la mémoire des soldats de la guerre d’Indochine et, en vrai, je l’ai dit une seule fois ailleurs que dans ma tête que mon père s’est suicidé, c’était à ma mère, dans la cuisine, un samedi.


Livre 36/42 pour le Challenge du 6% littéraire1pourcent2010

25 février 2011

Kyoto Limited Express - Olivier Adam

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Lecture commune avec Nymphette, Anne, achille49, mrs pepys, Sharon 

kyoto_limited_Express Points – octobre 2010 - 156 pages

Quatrième de couverture :
Pour Simon Steiner, revenir à Kyoto, c'est retrouver les lieux du bonheur enfui. Sa vie ne se ressemble plus, pourtant ici tout demeure inchangé. Il déambule, entre mélancolie et ravissement, dans la douceur apaisante des souvenirs et des paysages. Un pèlerinage japonais sur la trace des absentes, au fil des temples, des ruelles et des bars.

Auteur : Olivier Adam, né en 1974, est l'un des auteurs les plus doués de sa génération. Certains de ses romans ont été adaptés au cinéma. Passer l'hiver, Falaises, A l'abri de rien et Des vents contraires.

Photographies : Arnaud Auzouy est né en 1976. Après des études de cinéma, il devient caméraman. Passionné de photographie, il découvre le Japon en 2006. Il y séjourne à plusieurs reprises. Kyoto Limited Express est son premier livre.

Mon avis : (lu en février 2011)
Voilà roman inédit d’Olivier Adam en dialogue avec 76 photos en couleur d’Arnaud Auzouy. Le texte d'Olivier Adam en page de gauche, et les superbes photos d’Arnaud Auzouy en page de droite.
Olivier Adam nous raconte le retour à Kyoto de Simon Steiner. Trois ans auparavant, Simon y a vécu avec sa femme Marie et sa fille Chloé. Mais maintenant, tout est différent : Chloé a disparu avec « ses quatre ans pour toujours » et Marie l'a quitté.
L'écriture est belle, simple, puissante, pleine de poésie. Simon est plein de mélancolie. Les descriptions de Kyoto sont très belles, tout comme les photos qui subliment parfaitement le texte. J'ai pris beaucoup de plaisir à suivre les pas de Simon pour découvrir la ville de Kyoto magnifique et envoûtante.
J'aime beaucoup l'auteur Olivier Adam et dans ce livre inédit il fait même un petit clin d'œil (page 109) à son dernier livre Un cœur régulier qui se passe également au Japon. Bonne lecture !

Et maintenant, aller voir les avis de Nymphette, Anne, achille49, mrs pepys

Extrait : (début du livre)
Depuis combien de temps suis-je ici ? Des jours, des semaines, des mois. Peu importe. Dans cette ville le temps s'écoule sans forme ni contour, les jours se mêlent jusqu'à se confondre, fluides et désarmés. Il y a trois ans, lors de mon premier séjour ici, dès les premiers instants j'avais été saisi. Un sentiment de familiarité. D'accord immédiat. De Kyoto je n'avais rien découvert. J'avais tout reconnu. Comme si la ville, sa géographie, sa lumière, la texture de l'air, l'écoulement du temps étaient inscrits en moi depuis longtemps, depuis toujours. Parfois, au pied des collines, se devinaient un temple ou un sanctuaire, gardés par des animaux, des esprits, toutes ces créatures qui avaient émerveillé Chloé à l'époque, lui avaient donné l'illusion d'évoluer dans un de ces films qu'elle adorait. Miyazaki, Takahata. Elle entendait respirer les camphriers immenses du Shoren-in, elle touchait leurs racines à fleur de terre et ils lui murmuraient des secrets bien gardés, des trucs d'enfant, merveilleux et un peu mièvres. Je les regardais avec elle et je ne pouvais pas m'empêcher de me dire à mon tour que quelque chose les habitait, aujourd'hui encore assis sur le bois du temple, contemplant l'un d'eux, veillant immense et frissonnant sur le jardin de mousse aux reflets roux, je crois le voir frémir, j'entends battre son cœur, profond et doux, accordé au mien, délivré tant que je le fixe.

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Site d'Arnaud Auzouy

Lecture commune avec Nymphette, Anne, achille49, mrs pepys, Sharon  
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Livre 35/35 pour le Challenge du 5% littéraire1pourcent2010

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
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"Géographie"

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13 février 2011

Tout près le bout du monde – Maud Lethielleux

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Flammarion – novembre 2010 – 509 pages

Quatrième de couverture :
« Moi j'aime bien l'idée du journal. Il paraît que personne ne lira ce que j'écris alors je peux tout dire, c'est pratique, j'aime bien tout dire quand personne ne peut l'entendre. Je sais pas ce que je peux raconter, si je dois dire mon âge et me présenter, par exemple écrire sur la première page « Bonjour, je m'appelle Malo, je viens d'arriver chez Marlène... » ou si je dois parler de ce qu'on fait tous les jours, ou plutôt de mes pensées, de mes rêves ou de mes cauchemars. Je sais pas si je peux parler de Jul et de Solam. Je sais pas si je dois expliquer pourquoi je suis là, toute façon, je suis pas sûr et certain de savoir. »

Auteur : Maud Lethielleux est musicienne et metteur en scène. Elle a parcouru le monde, de l’Asie à la Nouvelle-Zélande. Elle a publié Dis oui Ninon en 2009 et D’où je suis, je vois la lune en 2010.

Mon avis : (lu en février 2010)
« Le bout du monde » est une ferme isolée où Marlène accueille trois jeunes en difficultés.
Il y a Malo, un jeune garçon sensible qui regrette de ne pouvoir vivre à Cynthia, sa mère. Il y a Jul, jeune fille anorexique qui n'arrive pas à oublier son petit ami qui lui a fait du mal. Et enfin, Solam qui déverse toute sa haine sur Marlène.
Jour après jour, ils vont devoir apprendre à vivre ensemble, ils vont se reconstruire et chaque soir, ils se confient en écrivant leur journal. C'est à travers les pages des trois journaux que le lecteur découvre peu à peu les douleurs, puis les transformations de chacun et chacune.
C'est un roman très émouvant qui m'a fait verser quelques larmes. Malo, Jul, Solam et Marlène sont très différents et très attachants.
Ce livre est pour moi un grand coup de cœur !

Extraits : (début des écrits de Malo, Jul et Solam)

Le plus difficile c'est de commencer. Il faut attendre que ça vienne sans se forcer et à un moment, sans qu'on s'en rende compte, ça vient tout seul.
C'est la première fois que j'écris un journal. J'ai essayé une fois à l'époque mais j'ai pas tenu plus de deux jours. Pourtant la patience ça me connaît, mais pas toujours aussi simple qu'on le croit. Il y a des choses qui paraissent simples aux autres, mais quand c'est à nous que ça arrive c'est pas simple du tout. Des fois c'est même compliqué.
Moi j'aime bien l'idée du journal. Il paraît que personne ne lira ce que j'écris alors je peux tout dire, c'est pratique, j'aime bien tout dire quand personne ne peut l'entendre. Je sais pas ce que je peux raconter, si je dois dire mon âge et me présenter, par exemple écrire sur la première page « Bonjour, je m'appelle Malo, je viens d'arriver chez Marlène... » ou si je dois parler de ce qu'on fait tous les jours, ou plutôt de mes pensées, de mes rêves ou de mes cauchemars. Je sais pas si je peux parler de Jul et de Solam. Je sais pas si je dois expliquer pourquoi je suis là, toute façon, je suis pas sûr et certain de savoir.


Ley.
Je vais partir cette nuit, je ne sais pas où exactement. La seule chose dont je suis sûre c'est que tu n'auras pas mon adresse. Ils m'ont fait promettre de ne pas te chercher, ni de t'écrire, j'ai dit oui pour avoir la paix mais tu t'en doutes, je n'en pense pas un mot.
Cette nuit, dans mon rêve je te cherchais. Tu avais disparu. Je courais dans les rues, je demandais où tu étais mais quand je disais ton prénom personne ne réagissait, comme si tu n'existais plus. Même Bidouille était différent. Papillon aussi. Je me suis réveillée en sueur, j'avais mal. J'ai toujours plus mal au réveil, tu sais.
On m'a laissé le choix entre une ferme et une maison au bord de la mer pour les filles comme moi. Quand ils ont dit « comme toi », j'ai fait semblant de ne pas comprendre. J'ai choisi la ferme parce que j'ai aimé son nom : Le bout du monde.
Ils ont besoin de bras, paraît-il, pour les aider à rénover une ruine. J'ai regardé mes bras...


La putrie de ta mort, quand j'y pense ça me débecte de savoir que c'est là qu'on m'a jeté ! T'as voulu que j'écrive ? Tu vas en avoir pour tes yeux, la vioque. Une page minimum que je vais t'arracher et coller à la porte de ta piaule pourrie, vieille meuf tu fais pitié à voir. T'es misérable dans ton pull de vioque, t'es moche à crever. Tu t'en fous des fautes d'orthographe ? Tu vas être gâtée, grognasse, fallait pas me la faire antiscolaire. Comment tu vas regretter ta décision ! J'vais tout niquer ta baraque qui pue la merde. Sur ma vie que tu vas le regretter. Tu veux me connaître, eh ben tu vas me connaître ! Tes champs de bouseux, je vais te labourer avec les dents tellement j'ai la haine. La haine, tu sais ce que ça veut dire ? Ça veut dire que tu vas en baver grave et que dans trois jours tu pleureras ta grand-mère. Qu'est-ce que je dis ? T'es trop vieille pour avoir une grand-mère, t'es carrément trop vieille, c'est pour ça que tu m'as fait venir, t'es pressée de clamser.
Tu veux qu'on écrive et tu fais croire que tu liras pas, tu nous prends pour des débiles, ma parole, on sait comment vous êtes alors tu vois, je te déchire la page et je te la colle sur ta face tordue.

22 janvier 2011

D'où je suis, je vois la lune - Maud Lethielleux

d_ou_je_suis_je_vois_la_lune Stock - mars 2010 - 304 pages

Quatrième de couverture :
Moon a choisi la rue parce qu’elle a décidé d’être « elle-même dans ce monde où les gens sont devenus des autres ». Elle ne fait pas la manche, elle vend des sourires, et observe avec malice le manège des gens pressés.
« Je dis : Avec cinquante centimes d'euros, qu'est-ce qu'on achète à notre époque ? J'insiste, il accélère, petite pirouette : Non sans déc’, à ce prix, franchement, tu trouves des trucs intéressants à acheter ? Le type finit par s'arrêter, il se demande où je veux en venir, et c'est là que je sors le grand jeu, tutti et compagnie, je dis : Un sourire à ce prix-là, c’est pas cher payé ! Et j'attends pas qu'il accepte, je lui refourgue un petit sourire façon majorette à dentelles, épaules en arrière et tête haute. Le type soupire, il pense qu'il se fait avoir. Il n'a que dix centimes mais je lui fais quand même le sourire en entier. Je suis pas une radine. »
Autour d’elle, il y a Michou et Suzie avec leur Caddie, Boule, son crâne rasé et sa boule de billard à dégainer en cas de baston, les kepons migrateurs avec leurs crêtes de toutes les couleurs, et surtout, il y a Fidji et ses projets sur Paname. Pour lui, elle a décidé d’écrire un roman, un vrai.
Et il y a Slam qui sort de prison, Slam qui aime les mots de Moon et a une certitude : un jour, elle décrochera la lune…

Auteur : Maud Lethielleux est musicienne et metteur en scène. Elle a parcouru le monde, de l’Asie à la Nouvelle-Zélande. Elle a publié Dis oui Ninon en 2009. D’où je suis, je vois la lune est son deuxième roman.

Mon avis : (lu en janvier 2011)
J’avais beaucoup aimé Dis oui Ninon et je me réjouissais de découvrir le deuxième roman de Maud Lethielleux. C'est un roman plein de tendresse et d'émotions.
Moon est une SDF, elle vit dans la rue dans des cartons, à côté d’une fleuriste, dans une ville de province. Elle vend ses sourires aux passants contre quelques pièces. Elle n'est pas seule, elle a son chiot Comète, son ami Fidji, Slam qui sort de prison, Michou et Suzie avec leur caddie. Un jour, Moon a l'idée de faire un cadeau pour le Noël de Fidji : elle va lui écrire une histoire. Et elle commence à écrire cette histoire dans un carnet volé et avec un bic volé également. Mots après mots, des pensées, des histoires et peu à peu Moon remplit plusieurs carnets mais Fidji a des projets qui l'éloigne de Moon, alors celle-ci décide d'écrire pour de vrai... Pourtant l'idée d'un futur lui fait peur, elle pense aux désillusions qui l'attendent plutôt qu'à un meilleur avenir.
A travers ses sourires, Moon partage son quotidien avec nous, elle nous transmet une nouvelle vision de ce que peut être la Rue. « Les sourires, c’est de l’énergie renouvelable, si t’as pas de pensées ensoleillées, tu vis dans le noir ». En écrivant, elle oublie son quotidien et se met à rêver.
Mais son manque de confiance en elle la maintient enfermée dans la carapace qu'elle a construite autour d'elle pour survivre dans la rue. « La vraie vie n'est pas à la hauteur de mes mots. La vraie vie est emballée dans du papier cadeau, quand tu l'ouvres, tu trouves une boîte, c'est comme les poupées russes, chaque boîte en contient une plus petite, l'espoir diminue au fur et à mesure que tu les ouvres, mais tu continues d'espérer, tu revois tes projets et tes ambitions à la baisse, les boîtes continuent d'être vides. Tu passes ton temps à les ouvrir et à la fin la dernière est tellement minuscule que tu ne fais même pas l'effort de l'ouvrir, tes doigts gelés sont trop gros pour elle, et tu ne veux plus être déçue, tu préfères la laisser là pour quelqu'un d'autre, à moins qu'elle ne soit écrasée par un passant pressé. La vraie vie, c'est une petite boîte dont plus personne ne veut, que même si elle était pleine, elle ne serait rien aux yeux des autres. Parce que les autres sont bien trop occupés avec leurs propres boîtes, et parce que les petites choses n'intéressent personne. »
Il y a beaucoup d'humanité et de poésie dans les mots et les pensées de Moon, elle est vraiment attachante ! A découvrir sans hésiter !
J'ai dans ma PAL son troisième livre, « Tout près, le bout du monde » et je compte le lire sans trop tarder...

Extrait : (début du livre)
Ça y est, ça a commencé l’acharnement, c’est toujours début novembre, t’as trois types qui se ramènent avec leur discours à la con, et vas-y que je t’enlève des degrés au thermo. Ils ont toujours des prévisions catastrophe, ils sont là avec leur talkie-walkie et leur ciré fluo, penchés au-dessus de toi comme si t’étais un clébard blessé à la patte. C’est toujours pire que l’année dernière, c’est toujours pire que l’année dernière, c’est toujours plus tôt dans l’année, ils se lamentent en chuchotant entre eux, et moi franchement je me fends la poire parce que je sais bien que tous les ans c’est pareil, c’est pas pire, c’est pas mieux, c’est les aléas et y’a pas à en faire tout un plat.
Le gars appelle un pote solidaire pour qu’il vienne lui filer un coup de main, il dit : Elle veut pas bouger d’un pouce, ramène quelque chose à manger. Il se tourne vers moi et il rajoute à son talkie : Et une couv de survie ! Les deux autres solidaires s’éloignent, ils ont dû apercevoir Michou et Suzie avec leur Caddie. Le type s’accroupit, il parle en me regardant en coin avec un air de chien battu. C’est toujours comme ça, parce que t’es une nana, on croit qu’on va t’avoir par les sentiments. Son pote me ramène un gobelet plastique et une assiette toute prête, il répète le même discours mais avec les points d’interrogation en plus, il pose des questions où on ne peut pas répondre par oui ou par non, alors je dis rien, ça lui apprendra à essayer de me piéger sous prétexte que c’est début novembre. Je fais non pour la couvrante de morgue et je ramène la mienne en laine jusqu’au cou. Comète sort son museau, elle a senti la viande.
De l’autre côté de la place, les gyrophares et tous les bénévoles du Samu d’hiver se préparent. Si ça commence comme ça, on est mal barrés… Je prends quand même le gobelet histoire de me chauffer les mitaines, Comète commence à s’exciter sur l’odeur, elle remue du pif et ça me gonfle qu’elle se fasse avoir pour un bout de viande.
Avant de partir, le type demande : T’as des copains qui sont dans le besoin ? Et là, je me marre toute seule, parce que si y’a des mecs qu’ont l’air d’être dans le besoin, c’est plutôt eux avec leur tronche d’humanitaire qui revient bredouille.

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
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"Géographie"

Déjà lu du même auteur :
dis_oui_ninon_p Dis oui, Ninon – Maud Lethielleux

19 janvier 2011

Une année chez les Français – Fouad Laroui

une_ann_e_chez_les_Fran_ais Julliard - août 2010 - 304 pages

Quatrième de couverture : 1969 : les Américains débarquent sur la Lune et Mehdi atterrit au lycée Lyautey de Casablanca. L'instituteur, impressionné par l'intelligence et la boulimie de lecture de son jeune élève, lui a obtenu une bourse dans le prestigieux établissement français. Avec cet humour corrosif qu'on lui connaît, Fouad Laroui raconte le choc culturel que représente pour le petit Marocain la découverte du mode de vie des Français: ces gens qui vivent dans le luxe, mangent des choses incomestibles, parlent sans pudeur et lui manifestent un intérêt qu'il ne comprend absolument pas. Entre Le Petit Chose et Le Petit Nicolas, l'histoire émouvante et cocasse d'un enfant propulsé dans un univers aux antipodes de celui de sa famille.

Auteur : Fouad Laroui né en 1958 à Oujda, est un économiste et écrivain marocain. Enseignant de littérature à l'université d'Amsterdam, romancier, poète et critique littéraire, Fouad Laroui a publié, entre autres Les Dents du topographe, De quel amour blessé, Méfiez-vous des parachutistes, La Femme la plus riche du Yorkshire, Le jour où Malika ne s'est pas mariée.

Mon avis : (lu en janvier 2011)
C’est sur le conseil du « Café Lecture » auquel je participe très régulièrement à la bibliothèque que j’ai lu ce livre.
C’est l’histoire de petit Medhi âgé de 10 ans, qui grâce à une bourse, est envoyé au Lycée Lyautey de Casablanca pour étudier. En 1969, il entre en sixième, jusqu’alors il n’a jamais quitté son village de Béni Mellal. Il comprend très peu l’arabe, il parle un français puisé dans les livres en particulier ceux de la Comtesse de Ségur auxquels il fait souvent référence.
C’est un petit garçon très doué, mais très timide. En arrivant au lycée, il arrive dans un nouveau monde. Il découvre l’argot, ne comprend pas les plaisanteries ou jeux de mots. A la cantine, il découvre le hachis Parmentier, au dortoir c'est l'usage du pyjama...
Peu à peu, il va trouver sa place, il se fera un ami français dont la famille l’accueillera les week-ends. Là aussi il découvrira les coutumes des français.

Un livre qui se lit vraiment facilement, Medhi est très attachant et plein de bon sens. A découvrir.

Extrait : (page 102)
Mehdi posa son bol de chocolat et fixa d'un regard incrédule Morel qui admirait son reflet dans une vitre du réfectoire, quelques mètres plus loin. Morel se retourna et vit qu'on le regardait avec insistance. Trois bonds souples et il était au-dessus de Mehdi, comme une tour humaine se penchant, menaçante, sur le petit Sarrasin.
  -Y a un problème, Fatima ? T'as perdu tes dindons ?
Mehdi, transi, ne bougeait plus. Morel insista :
 
- Eh ben quoi, parle, fils, quoi, quoi, qu'est-ce qu'il y a ?
Les sept commensaux de Mehdi s'étaient arrêtés de manger et le regardaient, ravis de le voir sur le point d'être dévoré tout cru par le surveillant. Mehdi espéra une grande explosion, qui ne vint pas, un raz de marée, qui ne vint pas non plus, puis s'entendit dire d'une voix mal assurée et trop aiguë :
 
- C'est que... vous dites « la fille à Chamayrac », m'sieur, mais il faut dire « la fille de Chamayrac ».
Les sept internes ouvrirent grand leurs yeux. On n'avait jamais vu ça. C'était trop beau ! Ce bizuth osait corriger Morel ! Il y avait de la gifle dans l'air, du coup de poing dans les gencives, peut-être un meurtre. Ledit Morel resta là, sidéré, la bouche ouverte, pendant quelques secondes ; puis, ayant enfin compris ce qu'on lui disait, il se redressa, passa la paume de sa main sur ses cheveux, hagard, et se mit à vagir...

Livre 34/35 pour le Challenge du 5% littéraire 1pourcent2010

18 janvier 2011

Villa des hommes - Denis Guedj

Lu dans le cadre du partenariat Livraddict et Points

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Robert Laffont - Août 2007 – 206 pages

Points – octobre 2010 – 312 pages

Quatrième de couverture :
En 1917, Hans Singer, vieux mathématicien de renom, entre à l'hôpital psychiatrique. Il partage sa cellule avec Matthias Dutour, un jeune soldat français, conducteur de locomotive et anarchiste convaincu. Tout les oppose, pourtant ils échangent sur leurs vies, Leurs secrets, leurs folies. Jour après jour, Les deux désespérés tissent Les Liens d'une improbable et indéfectible amitié.

Auteur : Né à Sétif, Denis Guedj (1940-2010), mathématicien, professeur d'histoire des sciences et du cinéma à l'université Paris-VIII, Denis Guedj est également l'auteur de plusieurs essais (La Révolution des savants, L'Empire des nombres, Le Mètre du monde) et romans Le Théorème du perroquet, Les Cheveux de Bérénice, La Méridienne, Zéro...) traduits dans de nombreuses langues.

Mon avis : (lu en janvier 2011)
Denis Guedj est un auteur que j'aime beaucoup et lorsque Livraddict a proposé ce partenariat, j'ai vraiment impatiente de découvrir ce livre et je n'ai pas été déçue !
« La chambre 14 de la Villa des hommes était occupée par deux revenants. L'un revenu de l'au-delà des nombres, y avait tracé son chemin, l'autre, revenu de l'au-delà des ombres, s'y était égaré. », voilà une phrase du livre qui résume bien cette belle histoire.
1917, ils sont deux, très différents, ensemble, ils sont les occupants de la chambre 14, au premier étage de la Villa des hommes de l'hôpital psychiatrique de Luftstadt.
Herr Singer est âgé de soixante-douze ans, c'est un vieux mathématicien de renom allemand, il est à l'hôpital pour son neuvième séjour depuis 1884.
Matthias est un soldat français de trente-trois ans, suite à son séjour sur le Front, il souffre du « syndrome du vent de l'obus ». Dans le civil, il était conducteur de locomotive.
Les journées à l'hôpital sont toutes les mêmes. Ils ont chacun leurs petites habitudes : Matthias commence toujours la journée par une douche quotidienne au aurore.
Herr Singer fume des cigares et suce des berlingots, il écrit chaque jour dans un carnet rouge.
Les premiers jours de cohabitation se passent, en silence, à s'observer, puis ils vont peu à peu se mettre à échanger en français.
Ensemble, ils discutent de leurs vies respectives. Herr Singer parle des mathématiques, en particulier sur l'infini, son sujet de prédilection. Matthias raconte les chemins de fer, la guerre sur le Front... Et peu à peu ces discussions décousues, baroques, parfois sans queue ni tête deviennent des moments de réflexions autour de leurs vies.
En évoquant à voix haute, pour l'autre, les pensées qui leur traversent la tête, en se posant mutuellement des questions, ils abordent des sujets qu'ils ne connaissaient pas avant leur rencontre.

J'ai vraiment beaucoup aimé l'histoire de ses deux hommes dont la rencontre était vraiment improbable, ils sont vraiment touchants et peu à peu à travers leurs échanges le lecteur découvre leur passé.
Un grand MERCI à Livraddict et aux Éditions du Points pour m'avoir permis de lire ce très beau livre.

Extrait : (page 30)
– Bonjour, Herr Singer, comment allez-vous aujourd’hui ?
Ce matin-là, il faisait atrocement chaud. La pièce à moitié vide réverbérait l’écho de la voix du Directeur.
— Je vous présente M. Matthias Dutour, fit-il en s’avançant vers le lit de Singer et en désignant un homme planté sur le pas de la porte. C’est un soldat français. Il va passer quelque temps avec nous ici. Et, si vous le voulez bien, il partagera votre Caverne, comme vous avez l’habitude de la nommer. Vous êtes le seul parmi nos patients à manier la langue de Voltaire, proclama-t-il avec une affectation un peu ridicule. Ainsi, vous pourrez parler ensemble. C’est important.
Sur le seuil de la chambre, le soldat français n’avait pas bougé. Très grand, très maigre, des cheveux d’un blond incendiaire, drôlement attifé, il regardait fixement devant lui.
Kommen, kommen, monsieur Dutour ! l’encouragea le Directeur en unissant le geste à la parole.
L’homme avança de trois pas et s’immobilisa au milieu de la pièce.
Histoire de briser la glace entre les deux hommes, le Directeur bonimenta le nouveau venu.
— Vous auriez été russe, monsieur Dutour, je vous aurais placé dans cette chambre. Anglais ? Également. Italien ? Également. Herr Singer parle toutes ces langues ! Turc ? Ah, là, je ne sais. Vous parlez turc, Herr Singer ?
Herr Singer lui aurait bien répondu que si cela pouvait améliorer les conditions de vie à l’hôpital, il s’y mettrait, au turc. Cela n’aurait pas manqué de faire plaisir à feu son père. Mais il ne répondit rien. Il se contenta de se lever pour ouvrir la fenêtre. Un peu plus de chaleur pénétra dans la pièce. Il la referma. Le Directeur continua de soliloquer.
Remarquant quelques papiers sur la table de Herr Singer, il l’interrogea.
— Avez-vous recommencé à travailler ?... Un peu ? Et à lire ?... Un peu ? Herr Singer est un grand mathématicien, l’un de nos meilleurs, expliqua-t-il à Matthias avant d’ajouter : Monsieur Dutour, vous informerez vous-même Herr Singer, si vous le désirez, bien sûr, de ce que vous faisiez en France, dans le civil.

Déjà lu du même auteur :
guedj_le_theoreme_ Le Théorème du Perroquet les_cheveux_de_b_r_nice Les Cheveux de Bérénice
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La Méridienne

7 janvier 2011

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants - Mathias Enard

Parle_leur_des_batailles Actes Sud – août 2010 – 153 pages

 

Prix Goncourt des lycéens 2010

Quatrième de couverture :
En débarquant à Constantinople le 13 mai 1506, Michel-Ange sait qu'il brave la puissance et la colère de Jules II, pape guerrier et mauvais payeur, dont il a laissé en chantier l'édification du tombeau, à Rome. Mais comment ne pas répondre à l'invitation du sultan Bajazet qui lui propose – après avoir refusé les plans de Léonard de Vinci – de concevoir un pont sur la Corne d'Or ?
Ainsi commence ce roman, tout en frôlement historiques, qui s'empare d'un fait exact pour déployer les mystères de ce voyage.
Troublant comme la rencontre de l'homme de la Renaissance avec les beautés du monde ottoman, précis et ciselé comme une pièce d'orfèvrerie, ce portrait de l'artiste au travail est aussi une fascinante réflexion sur l'acte de créer et sur le symbole d'un geste inachevé vers l'autre rive de la civilisation.
Car à travers la chronique de ces quelques semaines oubliées de l'Histoire, Mathias Enard esquisse une géographie politique dont les hésitations sont toujours aussi sensibles cinq siècles plus tard.

Auteur : Né en 1972, Mathias Enard a étudié le persan et l'arabe et fait de longs séjours au Moyen-Orient. Il vit à Barcelone. Il a publié La Perfection du tir (2003), Remonter l'Orénoque (2005) et Zone (2008).

Mon avis : (lu en janvier 2011)
J'étais très curieuse de découvrir ce livre au titre magnifique et mystérieux... Mathias Enard nous emmène faire un beau voyage dans l'Histoire : dans le Bosphore au début du XVIème siècle. Michel Ange est encore un jeune artiste. Il est un peu en froid avec le Pape Jules II pour lequel il est en train de travailler et lorsque le sultan Bajazet l’invite à venir à Constantinople
pour construire un pont qui enjambera la Corne d'Or. Avant lui, Léonard de Vinci avait proposé un projet qui a été refusé.
Avant de faire des croquis, Michel-Ange, en compagnie du poète Mesihi, s'imprègne de l'atmosphère de cette ville d'Orient qui le fascine, il découvre les beautés de l'architecture de la basilique Sainte-Sophie, mais aussi les marchés, les rues... La nuit, Mesihi l'entraîne dans les tavernes, avec ses danseurs, ses musiciens et ses poètes sans oublier l'alcool et l'opium...
Dans ses moments de solitude, Michel-Ange entretient une correspondance avec ses frères. Parfois il doute d'arriver à mener ce travail à bien, est-il à la hauteur ? Et Michel-Ange tombe sous les charmes d’une belle danseuse andalouse qui lui racontera des contes et légendes (dont est extrait le titre « Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants »). La relation qui existe entre Mesihi et Michel-Ange est complexe...

Avec ce livre, on découvre également l'influence de ce séjour à Constantinople pour la suite de l'œuvre de Michel Ange.
Le livre se lit facilement, il est constitué de chapitres très courts et l'écriture est faite de phrases et paragraphes courts. L'essentiel est dit, tout en poésie. Le lecteur a tous ses sens en éveil, les mots de Mathias Enard évoque des couleurs, des parfums, des odeurs...
Et pour finir, dans la note de fin du livre, l'auteur fait la part des choses entre la partie historique et la partie romancée de son livre.

Avec ce livre, j'ai fait un très beau voyage surprenant et fort agréable !

D'autres avis avec Constance93 et BoB

Extrait : (début du livre)
La nuit ne communique pas avec le jour. Elle y brûle. On la porte au bûcher à l’aube. Et avec elle ses gens, les buveurs, les poètes, les amants. Nous sommes un peuple de relégués, de condamnés à mort. Je ne te connais pas. Je connais ton ami turc ; c’est l’un des nôtres. Petit à petit il disparaît du monde, avalé par l’ombre et ses mirages ; nous sommes frères. Je ne sais quelle douleur ou quel plaisir l’a poussé vers nous, vers la poudre d’étoile, peut-être l’opium, peut-être le vin, peut-être l’amour ; peut-être quelque obscure blessure de l’âme bien cachée dans les replis de la mémoire.
Tu souhaites nous rejoindre.
Ta peur et ton désarroi te jettent dans nos bras, tu cherches à t’y blottir, mais ton corps dur reste accroché à ses certitudes, il éloigne le désir, refuse l’abandon.
Je ne te blâme pas.
Tu habites une autre prison, un monde de force et de courage où tu penses pouvoir être porté en triomphe ; tu crois obtenir la bienveillance des puissants, tu cherches la gloire et la fortune. Pourtant, lorsque la nuit arrive, tu trembles. Tu ne bois pas, car tu as peur ; tu sais que la brûlure de l’alcool te précipite dans la faiblesse, dans l’irrésistible besoin de retrouver des caresses, une tendresse disparue, le monde perdu de l’enfance, la satisfaction, le calme face à l’incertitude scintillante de l’obscurité.
Tu penses désirer ma beauté, la douceur de ma peau, l’éclat de mon sourire, la finesse de mes articulations, le carmin de mes lèvres, mais en réalité, ce que tu souhaites sans le savoir, c’est la disparition de tes peurs, la guérison, l’union, le retour, l’oubli.
Cette puissance en toi te dévore dans la solitude.
Alors tu souffres, perdu dans un crépuscule infini, un pied dans le jour et l’autre dans la nuit.

 

Livre 33/35 pour le Challenge du 5% littéraire1pourcent2010

 

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
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"Animal"

Challenge Prix Goncourt des Lycéens
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2010

 Challenge Goncourt des Lycéens
goncourt_lyceen_enna
chez Enna

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