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A propos de livres...
bretagne
22 février 2010

Ocean's Songs – Olivier de Kersauzon

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Le Cherche-Midi – septembre 2008 – 252 pages

Le Cherche-Midi – septembre 2009 – 252 pages

Présentation de l'éditeur

Partant du principe que l'homme libre part pour apprendre et revient pour rendre compte, Olivier de Kersauson a décidé de raconter sa géographie maritime. Il fait le portrait de ses mers comme il pourrait dresser le portrait d'une femme. Il nous révèle, surtout, son destin singulier de skipper d'exception. Pour la première fois peut-être, dans Ocean's Songs, il se dévoile.

Auteur : Né à Bonnetable en 1944, Olivier de Kersauson est l'un des navigateurs français les plus connus au monde. Après dix années aux côtés d'Éric Tabarly, il est devenu le plus grand chasseur de records océaniques.

Mon avis : (lu en février 2010)

Olivier de Kersauson est à la fois un grand marin, une grande gueule et on le sais moins, un grand cœur. Dans son livre, il nous raconte avec beaucoup de poésies et de pudeur la mer, ses voyages, ses compétitions.

Il décrit avec beaucoup de poésie chacun des océans : Indien, Pacifique, Atlantique ainsi que la mer d'Irlande et la mer d'Iroise. Il raconte ses navigations avec Éric Tabarly, son amour pour sa Bretagne et pour la Polynésie... Il est aussi assez nostalgique... Ce livre est un très beau voyage !

En bonus dans l'édition que j'ai lu, un DVD avec un reportage de la série « Empreintes » de France 5 : Olivier de Kersauson 20000 lieues sur les mers que j'avais déjà vu à la télévision et beaucoup aimé.

Extrait : (page 66)

Ouessant, Sein, Molène, l'une des zones du monde où il y a le olus de bouées et de balises, de phares et de feux. Entre l'île de Sein, Le Four, Ouessant, la pointe Saint-Mathieu, le cap de la Chèvre, la pointe du Raz, tout n'est qu'un jardin d'épines sur une mer médiévale qui se défendrait contre les intrus. Au couchant, on dirait un orchestre des ténèbres où brille l'éclat des cuivres. Un accordéon de récifs sur lequel viennent culbuter les forts courants. C'est la mer des grandes nefs et des grandes orgues. A la limite du plateau continental, c'est alors la pointe qui s'avance. La chaussée de Sein, par exemple, où la terre s'étire du cap Sizun, comme un carnassier jusqu'au phare d'Ar-Men. Un chaussée bouillonnante. La climatologie n'est pas vraiment riante. Beaucoup de brumes, beaucoup de pluies, beaucoup de gros temps et énormément de tempêtes.

L'Iroise est une mer sanguine qui plante ses couverts dans la table. On ne rentre pas en mer d'Iroise par effraction. En plus, elle a souvent le poil hérissé. On est à 48°30' nord. Le très mauvais temps est souvent centré à 49°50', 48°51', parfois 47°. Il s'agit d'une zone météorologiquement très attaquée par les dépressions. Une zone hennissante qui ouvre son poitrail en hiver. Ici, la tempête est toujours sur le feu de la gazinière. Prête à être servie. Une zone où il ne faut jamais se fier à la pitié du ciel. C'est une zone de courant puissants. Le territoire des cailloux. Évidemment très peu empruntée par les plaisanciers. Les Anglais passent la pointe du Raz mais toujours en compulsant l'annuaire des marées. Et trois fois pour être bien certains que l'annuaire des marées. Et trois fois pour être bien certains que l'annuaire dit vrai. Il y a quinze mois, le remorqueur Abeille Bourbon a découvert un nouveau caillou parmi ces cailloux innombrables qui entourent Molène. La mer d'Iroise peut vous éborgner comme un rien. Cette mer est habitée par le vent. Naviguer dans le nord d'Ouessant par vents contre et courants de noroît prend des allures de lutte. Le passage du Fromveur est ce chenal qui passe dans le sud d'Ouessant, entre les phares de la Jument et Kéréon. Le courant approche les dix nœuds et le marnage dépasse les sept mètres en eaux vives. On embouque le Fromveur avec dix noeuds de vent, grand-voile haute. Tout va bien, la mer est belle. Soudain, le vent est à contre-courant. Vite, un ris ! Et puis il y a ces creux absolument maudits ! C'est une mer de souffrance, de pêche, de travail. Une mer qui meurtrit, blesse et mord jusqu'au sang. Donc, une mer de ressources.

Les pêcheurs ne peuvent pêcher de dix ou quinze jours par mois. Dès que la marée est au-dessus d'un coefficient de 80, pas moyen de mettre les filets. Le courant va tout emporter. Rien ne tient, rien ne résiste. La mer va tout déchiqueter.

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8 décembre 2009

Terminus Finistère - Roland Sadaune

terminus_finist_re Editions du Bastberg - janvier 2002 – 224 pages

Quatrième de couverture :

Le soleil de juillet caresse Quimper, et l’agent immobilier Yves Madec a la pêche… Jusqu’au jour où le « maniaque au facteur » s’intéresse à lui. Survient d’abord l’assassinat d’un collègue, puis un rythme d’homicide ne décélérant pas.

Si bien que le capitaine Pélotti, policier coriace, se demande avec appréhension s’il n’est pas en présence d’un serial killer de l’immo. Sur la marelle diabolique, le malheureux Madec se situe très inconfortablement entre le givré et le flic. Il lui faut se sortir de ce champ de mines. Alors son unique espoir est d’affronter sa propre mort, de l’autre côté des Montagnes Noires, au bout de la nuit… Mais peut-on sortir indemne d’un pareil cauchemar ?

Auteur : Né à Montmorency, de mère polonaise, Roland Sadaune se passionne très tôt de littérature policière. Et sa carrière d’artiste peintre ne l’empêche pas d’écrire romans et nouvelles.
Pour lui, le Polar c’est l’évasion par les chemins de traverse défoncés par le destin, avec des phénomènes de société dissimulés derrière les haies. Saudane, qui n’en est pas à son premier essai, apprécie le ludisme noir qui fait rire jaune.

Mon avis : (lu en décembre 2009)

J’ai pris ce livre à la bibliothèque à l’occasion 6ème édition « Lire en communauté » qui pour thème le roman policier. Il fait partie d’une collection « Les Polars régionaux » et je l’ai choisi car il se passe en Bretagne.

Un tueur en série semble s’attaquer à des agents immobiliers. Yves Madec se sent menacé car un de ses confrères a été assassiné à sa place. Le capitaine Pélotti et son adjointe Gaëlle Tanguy cherchent à résoudre cette affaire et à arrêter le coupable.

Ce livre se lit facilement, l’intrigue est assez bien construite et Quimper et sa région est décrite avec précision mais j’ai trouvé un peu faible le mobile et l’explication de ces meurtres.

Comme polars régionaux de Bretagne, je préfère la série "Mary Lester" de Jean Failler.

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28 novembre 2009

L'ancre des rêves – Gaëlle Nohant

l_ancre_des_reves Robert Laffont – mars 2007 – 379 pages

Présentation de l'éditeur :

" - Dis donc, gamin, on t'a pas appris qu' c'était pas poli de zieuter comme ça ? J'aime pas les malins. Fais bien attention à toi. Les morts marchent, ce soir. Fais bien attention à toi. Un long frisson le frigorifia comme une bourrasque giflant un corps trempé. Les morts marchent, ce soir. Une comptine dont il avait perdu le souvenir lui traversa la tête. " Faut boire à la santé des gars Qui sont coulés, au fond, en tas. "

Dans un petit village de la côte bretonne, chaque nuit, les enfants Guérindel, Benoît, Lunaire, Guinoux et le petit Samson, sont en proie à des cauchemars terrifiants qu'ils taisent à leurs parents... Enogat, leur mère, a toujours interdit à ses quatre fils d'approcher le bord de l'eau. Est-ce seulement pour les protéger des dangers de la nature ? Ou d'une autre menace qui ne dit pas son nom ? Entre conte fantastique et roman d'initiation, L'Ancre des rêves sonde le mystère des peurs d'enfant.

Auteur : Gaëlle Nohant, trente-quatre ans, est lauréate avec Jennifer D. Richard (Bleu poussière) de l'édition 2007 de la Résidence du premier roman consacrée à la littérature fantastique.

Mon avis : (lu en novembre 2009)

J'ai découvert ce livre grâce aux blogs et comme le promettait les divers billets, je n'ai pas été déçue. Toutes les nuits les enfants Guérindel Benoît, Lunaire, Guinoux et Samson sont hantés par d'horribles cauchemars : chacun le sien et toujours le même. Ils habitent en Bretagne, non loin de la mer, et Enogat, leur mère refuse qu'ils s'en approchent. Pourquoi ? Voilà le point de départ de ce roman original qui oscille entre le fantastique et l'aventure. Mais un jour, Lunaire décide d'agir sur son rêve en notant à son réveil tous ce dont il se souvient. Avec l’aide d'Ardélia, vieille dame de 90 ans et dernier témoin vivant des faits rêvés par Lunaire, il va mener un enquête qui nous transporte au début du XXème siècle sur les traces des pêcheurs Terre-neuvas et découvrir un secret de famille.

Je n'ai pas pu lâcher ce livre car l'histoire est superbement construite et les personnages sont si touchants. L'atmosphère est inquiétante, la Bretagne si présente et le lecteur est en permanence entre rêves et réalité... Un très beau roman original et plein de poésie.

 

Extrait : (début du livre)

Comme tous les soirs, Benoît Guérindel avait reculé par mille stratagèmes l’heure de monter se coucher. Qui, à sa place, eût été pressé de retrouver les images violentes qui ébranlaient sa caboche ? Mais l’heure redoutée du sommeil venait toujours, comme la mort, que rarement on invite.
Ce soir-là, comme toujours, il épia malgré lui le pas de sa mère dans le couloir, sentit son hésitation devant la porte close de la chambre qu’il partageait avec son frère cadet qui dormait déjà. Elle n’entrait plus leur souhaiter bonne nuit depuis longtemps. Ils avaient obtenu ça d’un commun accord, son frère cadet et lui. Ils étaient arrivés à la même conclusion par des itinéraires différents et silencieux : il fallait la tenir à l’écart. Elle ne pouvait rien pour eux. C’était triste, surtout pour elle. C’était une bonne mère, ils n’en doutaient pas, au fond.
Elle ne leur avait imposé que deux diktats. Et l’un comme l’autre étaient restés en travers de la gorge de Benoît, parce qu’ils n’avaient aucun sens à ses yeux, à la différence des autres interdits qu’elle leur imposait.
Quand il était enfant, il la revoyait lui dire : « Non, ne t’approche pas du feu, ça brûle ! » Avec son petit cerveau en construction, Benoît comprenait sur quelle arche s’appuyait le non. Il approchait sa main, se ravisait. Plus que pour la braver : pour se braver lui-même. Il redescendait les marches de l’escalier quand elle se fâchait. Il pouvait tomber. Soit. Un jour son frère était tombé, et il avait eu peur pour lui-même. Leur mère leur signalait des dangers. Son frère et lui s’en agaçaient parce qu’ils auraient voulu tendre la main et traverser les flammes sans avoir mal. Elle leur rappelait sans cesse qu’ils étaient trop petits pour leurs ambitions. Eux dont l’appétit de vivre ne connaissait pas de bornes. Eux qui avaient voulu courir avant de savoir marcher. Même Samson, le dernier de ses trois frères, était un concentré d’énergie pure, et il n’avait pas deux ans.
Mais, pensa Benoît avec ironie, cette mère si aimante avait négligé le plus nécessaire des avertissements : « Ne dormez pas, mes agneaux. Ne fermez jamais l’œil. Jamais. Vous m’entendez ? »
Se brûler la main n’était rien à côté de ce qu’il endurait, une fois entraîné dans la danse macabre du sommeil.
Souvent, il la haïssait pour tout cela. Et puis il croisait son regard, et sa haine le brûlait de remords. Elle ignorait tant de choses. Elle avait l’air solide, mais le fond d’elle était trouble.
Est-ce que les autres s’en doutaient, ou était-ce son privilège d’aîné, cette perspicacité empoisonnée ?
Son frère cadet était trop malin pour ne pas deviner l’essentiel. Les autres... les autres ne voulaient pas voir ce qui leur crevait les yeux.
Mais les quatre frères protégeaient leur mère du mal qui
les
frappait.
Tard dans la nuit, quand son rêve l’eut rejeté comme une marionnette après la farce, Benoît resta groggy, cherchant dans le noir la forme de son frère endormi. Cette vision, même en ombre chinoise, le rassurait toujours. Benoît avait presque deux ans de plus que Lunaire. Il ne pouvait pas lui dire qu’il se raccrochait à lui pour calmer sa panique, ni à quel point sa présence comptait. S’il commençait à évoquer ces choses-là, il se désagrégerait. Et céderait toute la place à cet être sans courage et sans force qu’il était dans son rêve.
Petite, où es-tu ? Pourquoi ton corps n’est pas couché sous les eaux ?

Benoît revit les fins cheveux blonds et bouclés disparaissant sous la surface glauque.
À cet instant, dans le silence de la chambre, il perçut des pleurs d’enfant. Un instant, il pensa mourir de trouille.
Puis il reconnut les sanglots rauques de son petit frère Samson.
Il envisagea de bondir de son lit. La chambre de Samson se trouvait au fond du couloir. Leur mère était plus loin, à l’étage en dessous. C’était à lui de se lever, sûrement. Samson était un costaud qui ne se réveillait pas la nuit, à moins d’une bonne raison. Il devait être malade. Ou bien il avait perdu son ours en peluche à l’autre bout du lit. Il suffirait de le lui rendre et le petit bonhomme se rendormirait aussi sec.
La vérité, c’est qu’il en était incapable. Encore hanté par son rêve, Benoît ne se sentait pas le courage de déplier ses jambes, de se mettre debout.
Il entendit du bruit à l’étage du bas. Sa mère se levait. Il frémit de honte. Il n’était bon à rien, et il le savait : ce privilège, il le devait à son cauchemar.

5 novembre 2009

La Peine du Menuisier - Marie Le Gall

la_peine_du_menuisier Editions Phébus – mars 2009 – 283 pages

Présentation de l'éditeur
«J'étais la fille du Menuisier, je le savais. Jeanne, malgré sa folie, était plus normale que moi, côté filiation. Elle le nommait. Pas moi. Nous n'avions pas de mots l'un pour l'autre. Notre lien était un long fil continu que personne ne pouvait voir. Aucun mot ne s'y accrochait comme le font les notes sur une portée. Nous-même en étions ignorants, seulement soupçonneux de sa présence tenace.»

Son père est une ombre solitaire. sa maison bruisse de silences et les murs de pierre suintent le mystère... La narratrice grandit clans une atmosphère lourde de non-dits. Pourquoi celui qu'elle appelle le Menuisier est-il si lointain ? Pourquoi sa famille semble-t-elle perpétuellement en deuil ? Elle aimerait poser des questions. ruais on est taiseux dans le Finistère. Livrée à ses doutes et à ses intuitions., elle écoute les murmures, rassemble les bribes. Tisse patiemment une histoire. Des années lui seront nécessaires pour percer le secret de son ascendance. mesurer l'invisible fardeau dont elle a hérité. D'une plume à la fois vibrante et pudique. Marie Le Gall décrypte l'échec d'une relation père-fille et touche au cœur.

Biographie de l'auteur
Marie Le Gall est née en 1955 à Brest. Elle est professeur de lettres à Fontainebleau. La Peine du Menuisier est sont premier roman.

 

Mon avis : (lu en novembre 2009)

J'ai tout de suite été attirée par l'image de couverture de ce livre qui évoque si bien la Bretagne. Ce roman, qui est en parti autobiographique, raconte la relation entre un père et sa fille. Marie-Yvonne n'est pas une enfant désirée, à sa naissance sa mère à 42 ans et son père 52 ans. Jeanne leur première enfant a 19 ans mais elle est handicapée. Nous sommes dans les années 50, dans le Finistère nord à Brest ou dans le penn-ti à la campagne. Avec ce livre, Marie-Yvonne nous raconte son enfance et sa famille : son père qu'elle n'appelle que le Menuisier, sa mère Louise, sa sœur Jeanne, sa grand-mère Mélie. Mais il n'y a pas seulement les vivants, la mort est présente à chaque instant à travers les photos encadrées sur les murs des disparus, la proximité du cimetière...

Le Menuisier est un taiseux. « Son silence tenace et enveloppant, faisait partie intégrante de son être. Il lui appartenait plus que sa propre peau. » Marie-Yvonne souffre de ce silence et de cette non-relation qu'elle a avec son père. « Les mots n'étaient pas pour nous. Et quand parfois ils existaient, nous savions que ce n'était que de pauvres écrans. Les vibrations du silence étaient toujours les plus fortes. C'était quand je ne l'entendais pas que je l'entendais le plus, et lui de même. C'est à dire tout le temps. Nous avancions dans un silence assourdissant. » Que cache ce silence ? Un secret de famille ?

J'ai beaucoup aimé ce livre qui est bouleversant et très fort. Les phrases sont sobres, les mots sont justes tout en retenue, l'atmosphère est sombre et envoûtante. La Bretagne est décrite avec beaucoup de détails et tout au long du livre on rencontre des mots ou des expressions en breton ou en brestois avec un glossaire en fin de livre. A lire absolument !

penn-ti : petite maison (en breton)

Extrait : (début du livre)

Chacun de nous naît au moins deux fois. Le jour de l'accouchement de sa mère et celui de son premier souvenir.

Je suis née à quatre ans dans un face-à-face foudroyant avec la mort. Rescapée, je ne sais comment.

§

Le voisin Michel avait laissé tomber son frère. Denis était blanc, vêtu de blanc, sur un lit blanc.

Le lendemain de cette terrible journée, je descendis la route qui conduisait à la grève, une route étroite et grise, bordée de talus hauts comme des murailles d'où jaillissaient les fougères et les digitales. Après l'école Saint-Yves sur la gauche, il y avait une ferme, puis plus rien. Seulement les champs, à perte de vue. Je tenais la manche de grand-mère Mélie tandis qu'elle avançais, s'appuyant sur sa canne en ébène à pommeau d'argent ciselé. Elle marchait lentement, toute à ses prières. Près de la ferme, je jetai un regard au bouvreuil dans la petite cage au-dessus de la porte. Il était silencieux. C'était l'été, le soleil caressait la campagne, l'air était chaud, léger, tout vibrant d'insectes minuscules. Nous nous sommes arrêtées devant la grande maison neuve, la dernière à droite, le long du chemin creux qui menait au moulin de Parlevan. C'était là.

Grand-mère Mélie serrait ma main à présent, un peu fort, juste avant d'entrer sans frapper – la porte était ouverte. Nous traversâmes le couloir recouvert de mosaïques, la chambre était à gauche.

Devant moi, il y avait un enfant allongé sur un lit, immobile comme ne le sont jamais les enfants, une immobilité statutaire, souveraine. Près de lui, une femme assise ne bougeait pas, ne parlait pas. Je venais d'avoir quatre ans et j'apprenais que, même tout petit, on pouvait mourir. C'était une fin d'après-midi. A travers les persiennes mi-closes, la lumière du soleil encore haut dans le ciel dévoilait un sourire sur le visage tranquille de Denis. Le lendemain, sur le cercueil, il y avait un drap blanc.

18 octobre 2009

Tout seul – Christophe Chabouté

tout_seul Vents d’Ouest – septembre 2008 – 368 pages

Présentation :
50 ans qu’il vit ici, sur ce caillou, dans son vaisseau de granit. Bateau immobile qui ne l’emmène nulle part et qui ne rejoindra jamais aucun port...
Et pourquoi quitter ce lieu alors que le monde au-delà de cette satanée ligne d’horizon fait si peur ? Où s’évader lorsqu’on n’a nulle part où aller ? Comment combattre la solitude et empêcher que ce silence perpétuel ne devienne assourdissant ?...
Des années passées sur son rocher, avec l’imagination comme seule compagne...

Auteur : Né en 1967, d’origine alsacienne, Christophe Chabouté suit les cours des Beaux-Arts d’Angoulême, puis de Strasbourg. Vents d’Ouest publie ses premières planches en 1993 dans "les Récits", un album collectif sur Arthur Rimbaud. Mais il faut attendre 1998 pour que ce graphiste free-lance se fasse un nom dans la bande dessinée en publiant coup sur coup "Sorcières" aux Editions du Téméraire et "Quelques jours d’été" aux Editions Paquet. Deux albums remarqués et primés, le premier au Festival d’Illzach, le second à Angoulême où Christophe Chabouté décroche l’Alph’Art Coup de Coeur. Avec "Zoé" paru en 1999, Chabouté prouve que son talent a atteint sa pleine maturité, ce qu’il démontre avec encore plus d’évidence dans "Pleine Lune".

Mon avis : (lu en octobre 2009)

C'est grâce à Bellesahi que j'ai entendu parlé de ce livre pour la première fois il y a quelques mois. J'ai une certaine fascination pour les phares et donc j'avais très envie de découvrir cette Bande Dessinée si particulière.

C'est une invitation à la réflexion sur la solitude d'un homme qui depuis toujours vit dans un phare en pleine mer. Il est né dans ce phare et il y vivait avec ses parents, son père étant le gardien du phare. Mais depuis 15 ans, il est seul et il n'a jamais mis pied à terre. Un pêcheur vient le ravitailler toute les semaines. Personne ne l'a jamais vu. Il a comme seuls compagnons un poisson dans un bocal et un dictionnaire qui lui permet d'imaginer le monde.

Il y a très peu de texte, tout est dans la suggestion. Le dessin noir et blanc est superbe. Le premier chapitre nous montre en 16 pages le vol d’un goéland, fragile, au fil du vent, autour d’un phare isolé au milieu de l’océan. Il se dégage de ce livre une atmosphère de poésie, de simplicité, de tolérance. Un très beau voyage au cœur de la solitude que j'ai lu avec beaucoup d'émotion.

A découvrir absolument !

Extrait : (pages 1 à 4)

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Extrait : (pages 21 à 25)
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26 septembre 2009

La Théorie du panda – Pascal Garnier

la_th_orie_du_panda Zulma – janvier 2008 – 174 pages

Présentation de l'éditeur
Grâce à ses talents de cuisinier et son charisme indolent, Gabriel - à peine débarqué dont ne sait où - tisse des liens très forts avec les habitants d'une petite ville de Bretagne : une bien belle réceptionniste d'hôtel, deux junkies au bout du rouleau et surtout José, le patron du Faro, dont la femme est à l'hôpital. pareil au panda en peluche échoué sur le comptoir du Faro, Gabriel offre sa personne et son temps à celles et ceux qui viennent à lui, plus surpris ou séduits que méfiants. Et pourtant, s'ils savaient... Une fois de plus, Pascal Garnier déploie ici tout son charme.

Biographie de l'auteur
La vie de Pascal Garnier est à elle seule toute une histoire. On retiendra surtout qu'il est une figure originale du roman contemporain. Il a élu domicile dans un petit village d'Ardèche où il peint, et écrit aussi pour la jeunesse. On ne s'étonnera pas qu'il ait reçu le Grand prix de l'Humour noir (2006). Après les Hauts du bas, l'A26 ou Comment va la douleur ? (Livre de Poche, 2008), la Théorie du panda confirme, si besoin était, son immense talent.

 

Mon avis : (lu en septembre 2009)

Gabriel arrive d'on ne sait où dans un hôtel d'une petite ville de Bretagne. Très vite il sympathise avec José le patron d'un bar-restaurant, dont l'épouse est hospitalisée, puis avec Madeleine la réceptionniste de l'hôtel. Grâce à ses talents de cuisinier, il tente de faire du bien autour de lui en aidant les autres. Qui est réellement Gabriel ? Pourquoi a-t-il atterri dans cette petite ville ? au fil des chapitres on va découvrir l'histoire passé de Gabriel. Et la fin du livre a été pour moi totalement inattendue. Ce livre est à la fois plein d'humanité, d'humour (souvent noire) et de surréalisme. Je n'ai pas totalement adhéré à l'histoire, j'ai fini le livre en ressentant un certain malaise. En conclusion je suis déçue, j'espérais mieux.

Livre déjà lu du même auteur : Lune captive dans un œil mort

Extrait : (début du livre)

Il est assis, seul au bout d'un banc. C'est un quai de gare désert où s'enchevêtrent des poutrelles métalliques sur fond d'incertitude. La gare d'une petite ville de Bretagne, enfin, celle de l'intérieur, la mer est loin, insoupçonnable, rien de pittoresque. Il flotte dans l'air une vague odeur de lisier. Une pendule propose 17h18. Tête baissée, les coudes sur les genoux, il regarde les paumes de ses mains sales. Pas vraiment sales mais poisseuses de cette sueur grise, sous les ongles surtout, celle des autres qui ont touché avant avant vous les poignées, les accoudoirs, les tablettes. Il les referme, redresse la tête. Parce que l'immobilité totale qui l'entoure semble le provoquer, il se lève, empoigne son sac de voyage, remonte le quai sur une dizaine de mètres et emprunte le passage souterrain en direction de la sortie. Il ne croise personne.

18 avril 2009

Des vents contraires – Olivier Adam

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Edition de l'Olivier - janvier 2009 - 254 pages

Points – janvier 2010 – 282 pages

prix RTL-Lire 2009

Présentation de l'éditeur
« La nuit nous protégeait et à ce moment précis j’avoue avoir pensé que les choses allaient redevenir possibles, ici j’allais pouvoir recoller les morceaux et reprendre pied, nous arracher les enfants et moi à cette douleur poisseuse qui nous clouait au sol depuis des mois, à la fin la maison, les traces et les souvenirs qu’elle gardait de nous quatre, c’était devenu invivable, je ne sortais presque plus et les enfants se fanaient sous mes yeux. »

Depuis que sa femme a disparu sans jamais faire signe, Paul Andersen vit seul avec ses deux jeunes enfants. Mais une année s'est écoulée, une année où chaque jour était à réinventer, et Paul est épuisé. Il espère faire peau neuve par la grâce d'une retour aux sources et s'installe alors à Saint-Malo, la ville de son enfance.

Mais qui est donc Paul Andersen ? Un père qui, pour sauver le monde aux yeux de ses enfants, doit lutter sans cesse avec sa propre inquiétude et contrer, avec une infinie tendresse, les menaces qui pèsent sur leur vie. Dans ce livre lumineux aux paysages balayés par les vents océaniques, Olivier Adam impose avec une évidence tranquille sa puissance romanesque et son sens de la fraternité.

Auteur : Olivier Adam est né en 1974. Il a grandi en banlieue parisienne. Après avoir travaillé à Paris dans une agence d'ingénierie culturelle – où il a entre autres contribué à créer le festival littéraire « Les correspondances de Manosque » – puis aux Éditions du Rouergue en tant qu'éditeur, il s'est installé près de Saint-Malo. Il est l’auteur de nombreux romans dont Passer l’hiver (Goncourt de la nouvelle 2004), Falaises, salué de concert par le public et la critique en 2005 et À l’abri de rien, prix France Télévisons 2007 et prix Jean-Amila-Meckert 2008. Des vents contraires est son sixième roman. Plusieurs de ses livres ont été adaptés au cinéma, dont Poids léger et Je vais bien, ne t’en fais pas (primé aux Césars en 2007) dont il a écrit le scénario avec Philippe Lioret.

Mon avis : (lu en avril 2009)

J'avais très envie de lire ce livre depuis qu'il est sorti et c'est seulement maintenant que j'ai pu me le procurer à la bibliothèque. Je viens de le finir et à la fois, j'en suis chamboulée et mon plaisir est total ! L'histoire est triste, mais pudique à la fois. C'est l'histoire de Paul, il est perdu dans sa vie : sa femme a disparu, ses deux enfants Clément (9 ans) et Manon (4 ans) s'accrochent à lui. Il est écrivain mais depuis le départ de sa femme, il n'arrive plus à écrire. Il s'interroge sur le pourquoi de ce départ et il n'a aucune réponse satisfaisante à donner à ses enfants... Après plus d'un an d'attente, il part avec ses enfants se réfugier à Saint-Malo sa ville d'enfance où son frère lui propose un emploi de moniteur dans l'auto-école familiale. Paul va rencontrer d'autres personnages en détresse ou à aider (Justine, Élise, Bréhel, Thomas et son père...), il va beaucoup boire, peu dormir... A la fin, la recherche de la vérité a abouti et maintenant il va falloir vivre avec cette vérité...

On ressent superbement bien tout l'amour et la tendresse que Paul a pour ses enfants : il veut tout faire pour que Clément retrouve son espièglerie et Manon retrouve le goût de vivre.

J'ai également beaucoup apprécié les descriptions de la mer, des plages, des paysages (que je connais) ainsi que l'hiver, avec le vent et la tempête à Saint-Malo... C'est superbement décrit, on ressent parfaitement le climat, l'ambiance des lieux. Encore un livre d'Olivier Adam que j'ai aimé malgré son ton triste et désespérant...

Extrait : (page 21)

L'hôtel donnait sur la plage, demeure bourgeoise et surannée livrée aux embruns, de la salle à manger aux chambres c'était une débauche invraisemblable de tissus fleuris et de bouquets séchés, partout le bois des meubles luisait et diffusait un parfum doux de miel et d'encaustique. Manon s'est précipitée sur le matelas, un édredon profond comme une poudreuse le couvrait de roses. J'ai ouvert les rideaux et la mer éclaboussait la promenade, on la distinguait mal du ciel, des gerbes d'écume jaillissaient en éclats blanchâtres, surprenaient les passants rares, qui s'écartaient en poussant des cris aigus. La petite a sauté sur le lit pendant une bonne demi-heure. Les ressorts hurlaient à la mort. Clément l'ignorait, enfoncé dans un fauteuil, les jambes prises dans la liane de ses bras minces, il fixait le téléviseur où les chaînes défilaient à un rythme hypnotique. Je lui ai demandé de l'éteindre et nous sommes sortis sur le balcon, deux transats grelottaient sur le bois du plancher et la nuit s'argentait aux abords des lampadaires. La mer déferlait en un fracas croissant. On ne s'entendait plus parler. Je me suis mis à gueuler. Pour rien ni personne. Un cri noir et profond comme le monde.

Extrait : (page 179)

Le chemin glissait le long de la falaise, par les rochers on gagnait le sable et les voiliers à fond de cale. J'en ai choisi un blanc et bleu. Mes pieds s'enfonçaient dans la vase et dans certains creux, l'eau m'arrivait aux mollets. Je me suis hissé sur le pont, la cabine était ouverte et minuscule, j'ai sorti ma bouteille de la poche de mon manteau et je l'ai vidée allongé sur la banquette. Des hublots étroits j'apercevais le désert de sable et l'embouchure du havre. La pluie avait cessé et la lumière jaune mangeait le ciel noir en surplomb des eaux vert-de-gris. J'ai fermé les yeux sans dormir et j'ai attendu. Que la marée me prenne et m'emporte. De temps à autre j'y jetais un œil, je la voyais progresser. Bientôt j'ai senti le bateau s'élever. Il voguait immobile et cerné de toutes parts, un vent calme faisait tinter les filins d'acier le long du mât. Douces comme la soie, les vagues faisaient mine de m'emporter. Dans quatre ou cinq heures elles me déposeraient sur le sable et j'aurais le sentiment d'une traversée.

29 mars 2009

Ker Violette – Karine de Fougeray

Ker_Violette

Montalant – février 2008 – 254 pages

Présentation de l'éditeur :

« J’avais trente-cinq ans et je roulais en voiture. À vive allure, en rétrogradant sèchement dans les virages, en mordant la ligne blanche. Il faisait beau mais le temps qu’il faisait importait peu.
Il fallait que j’avance.
La route longeait la côte, tournait dans tous les sens. Au deuxième village je suis descendue sur le port et je me suis garée là, dans les odeurs de casiers fraîchement débarqués. On m’a regardée. On m’a dévisagée par-dessous les casquettes,
par-dessus les cols des cabans et des vestes de quart. Des hommes ont rivé leurs yeux sur moi parce que je leur étais inconnue et cela ne m’a pas dérangée. Au contraire. »
Venant de nulle part, Clara débarque un matin dans un port, en Bretagne. Elle recherche son cheval mais c’est Félix, un homme de mer qu’elle rencontre, puis Violette, une étrange vieille dame qui l’accueille dans sa maison d’hôtes.
L’indépendance de Clara, sa franchise, attirent les relations passionnées.
Libre, Clara sait exactement ce qu'elle veut. Pour autant, elle masque un passé difficile qui va lentement et sauvagement remonter à la surface. Sa quête emporte Félix, Violette et les nombreux personnages qui traversent son chemin.
Ker Violette, c’est l’histoire d'un bout de vie, avec son lot de rires, de surprises, d'emballements.
Ker Violette, c’est aussi l’histoire des mers qui pénètrent dans les terres, des chevaux et des bateaux qui scellent les cœurs à jamais.

Auteur : Karine Fougeray est née à Saint-Malo en 1963. Son premier recueil de nouvelles, Elle fait les galettes, c’est toute sa vie, est paru en 2005 aux Editions Delphine Montalant puis chez Pocket en 2007. Fine observatrice des femmes et des hommes de tout âge, elle débusque leurs passés sans la moindre complaisance. Son univers est composé de quatre sortes d’humains. Les vivants. Les morts. Ceux qui partent sur le pont d’un bateau. Ceux qui partent sur le dos d’un cheval.

Mon avis : (lu en mars 2009)

J'avais beaucoup aimé le recueil de nouvelles de Karine Fougeray "Elle fait les galettes, c’est toute sa vie" et ce premier roman m'a également enchanté. Une fois le livre commencé, je n'ai pas pu le lâcher, j'ai été transportée par l'histoire !

Clara 36 ans débarque un beau matin dans un petit port breton, elle est à la recherche de son cheval ! Elle va rencontrer alors Félix un pêcheur – peintre qui va la conduire chez Violette une vieille dame qui tient des chambres d'hôtes. On va découvrir petit à petit au fil des chapitres l'histoire de Clara, son passé et ses secrets, mais en parallèle on découvre qui sont Félix et Violette... Ils ont également un secret qui les hante. On est tour à tour dans le présent et dans le passé. C'est une histoire d'amour mais aussi d'abandon...

Chaque chapitre a pour narrateur un des personnages du roman et il s'exprime à la première personne du singulier... Il faut parfois quelques phrases avant de découvrir qui parle !

La Bretagne est très présente dans le livre, la mer mais aussi la campagne s'affronte. On est pris par les odeurs que peut susciter les descriptions : les embruns, les algues, l'écurie, la violette, les fleurs... Une lecture pleine d'émotions et de bonheur !

Extrait : (page 91)

"Pour ma naissance, mon père a eu une initiative remarquable. Une idée qui a ruiné sa vie, qui l'a mise en bouillie petit à petit, et ce sans qu'il ne puisse jamais rien faire pour que cette purée reprenne à un moment ou à un autre la consistance ferme et lisse de la matière d'une vie normale. C'était un cadeau magnifique, une arme fatale affûtée de mille petits hachoirs noirs, de mille surprises improbables et tranchantes.

Il a offert un cheval à ma mère.

Mon père était fou d'elle jusqu'à ce jour de septembre où je suis arrivée pour la première fois dans ma maison, où ma mère m'a déposée amoureusement dans le berceau emberlificoté sous les dentelles. Où, tout de suite après, elle a retiré ses sandales et est sortie dans le jardin pour sentir la terre sous ses pieds nus. Elle a vérifié chaque fleur, chaque pied de roses trémières, chaque buisson d'hortensias, et bien sûr, arborant son ventre encore flasque, elle est descendue au potager, heureuse, si heureuse, pour le plaisir de reconnaître ses tomates, pour s'assurer qu'elles ne s'étaient pas enfuies lors de son séjour à la clinique. Oui, elles étaient bien là, ses tomates charnues, rouges, rondes et quelquefois déformées d'excroissances incontrôlées. Les préférées de ma mère.

Mon père m'a raconté cette scène plusieurs fois et, les dernières fois, il fondait en larmes dès l'évocation des tomates. Mais j'insistais toujours, malgré le désespoir, malgré la voix cassée.

Raconte papa, raconte-moi quand maman a cessé de nous voir pour toujours. Raconte-moi comment c'est possible qu'elle ne m'ait regardée vraiment que huit jours. Les premiers huit jours de ma vie, dans une chambre de clinique, en compagnie des infirmières, des sages-femmes, des pédiatres, des cadeaux à déballer, de toutes ces choses qui m'empêchaient d'être seule avec elle.

Il faisait beau, ma mère venait d'avoir son unique enfant et elle est descendue au potager. C'était marée basse et l'air était saturé des senteurs de la vase. Alors ma mère, ma radieuse de jeune mère a tourné la tête au-delà du carré de légumes organisé en courtes allées, derrière, afin d'apercevoir le fil turquoise de l'eau qui serpentait parmi vert-de-gris. Il y avait la maison, le jardin, le potager, et puis la mer à reconquérir. Là, à cet endroit, au milieu des herbes qui entraînent pas à pas le jardin vers les vasières. Là où la terre se meurt pour la rivière, ma jeune mère a vu un cheval qui la regardait dans les yeux."

5 mars 2009

Comme une mère – Karine Reysset

comme_une_m_re L'Olivier – mars 2008 – 178 pages

Résumé : Elles se retrouvent côté à côte dans la salle des naissances. Elles sont toutes les deux venues
seules. Pour l’une comme pour l’autre, ce jour doit signer un nouveau départ. La très jeune Emilie accouche sous X et croit pouvoir « tout recommencer à zéro », transformer son passé chaotique, un mauvais souvenir. Judith, elle, attend avec une impatience folle et une joie teintée d’inquiétude la naissance de son fils Camille, un miracle après tant d’années de grossesses déçues.
Mais, pour l’une comme pour l’autre, rien ne se passera comme prévu. Judith perd son bébé et, dans un geste de détresse, enlève de la chambre voisine l'enfant promis à l'abandon.
Dès lors, le destin de ces deux femmes est irrémédiablement lié.

L’auteur : Karine Reysset est née en 1974. Elle a grandi entre Arras, Rouen et la banlieue parisienne. Après dix ans passés à Paris, elle s'installe à Saint-Malo. Elle a travaillé durant six ans dans le secteur de l'édition avant de se consacrer pleinement à l'écriture. En 2003, elle publie son premier roman, L'Inattendue, suivi d'En douce en 2004 aux Éditions du Rouergue et de À ta place aux Éditions de l'Olivier en 2006.

Mon avis : (lu en mars 2009)

C'est le premier livre que je lis de cette auteur, et cela m'a beaucoup plu. L'auteur nous raconte l'histoire d'Émilie, jeune de 18 ans qui accouche sous X et de Judith qui accouche le même jour d'un bébé qui ne vivra pas. Cette dernière va enlever Léa, le bébé d'Émilie. L'auteur nous parle alors de l'amour maternelle. Émilie va retrouver son enfant et va essayer de lui donner un avenir grâce à l'amour qu'elle a découvert pour Léa. Judith est seule, elle va vouloir retrouver cette enfant qu'elle a aimé si fort pendant dix jours. C'est un roman simple et plein de délicatesse, avec de superbes descriptions de Saint-Malo, ville où se déroule la plus grande partie du livre, du bord de mer. C'est un livre qui se lit très facilement malgré un sujet douloureux. On est touché par ces deux femmes si fragiles, avec leurs difficultés, leurs doutes...

Extrait : Émilie (page 32)

"- Je la mets dans le lit avec vous ?

Quand Mme Blanchot arrive avec Léa dans son berceau à roulettes, je suis émue que je ne le voudrais. Je flanche carrément.

- Non, à côté, je préfère.

Je ne peux pas. L'entendre, la voir, oui, peut-être, oui, il le faut bien, mais la serrer contre moi, c'est au-dessus de mes forces. Elle risque de rester collée. Elle a beaucoup de cheveux, comme moi à la naissance. Sa peau est belle, ses traits sont fins. Ses petits poings sont fermés. Elle est beaucoup trop mignonne.

- J'ai des choses à te dire...

Ma voix s'étrangle, je ne suis pas encore prête. Il faut que je mette de l'ordre dans mes pensées, sinon ça va être de la bouillie de mots, et elle ne va rien comprendre. C'est déjà suffisamment compliqué. Je suis épuisée. De toute façon, elle dort comme un loir. Quand on sera en forme toutes les deux, on pourra discuter. J'ai juste la force de rapprocher le berceau de mon lit. Je lui attrape la main, ça vaut peut-être mieux que tous les discours. Ses doigts s'enroulent autour de mon pouce.

Elle soupire dans son sommeil. Sa poitrine se soulève. Je pose mon autre main dessus. C'est moi qui ai fait ça. Comment ai-je réussi quelque chose d'aussi parfait ? J'ai une crampe, mais je ne retire pas mon doigt. Je me mords les joues pour ne pas pleurer."

Extrait : Judith (page 36)

"Ce que j'ai appris hier, c'est que tu avais vécu cinq minutes, et que ces minutes, tu les avais passées dans mes bras. Où sont-elles ces cinq minutes ? Qui me les a volées ? Où était ton père ? S'il avait été là, je lui aurais demandé de filmer. Et il aurait accepté, même si ses yeux avaient été des trous noirs. La caméra aurait vu pour lui, se serait souvenue pour nous.

J'ai si froid. Je plonge mes mains dans les manches de mon manteau et le bout de mes doigts touche quelque chose de pelucheux. Figée dans la foule, je n'arrive plus à avancer. Comment ai-je pu oublier de te laisser sous sa protection ? Les pas qui me ramènent sont plus faciles, c'est peut-être le vent qui me pousse vers toi, mon petit garçon, mon petit flocon...

Je voulais leur confier mon gri-gri pour qu'ils le mettent au creux de ton épaule, je n'ai pas la force de te voir une nouvelle fois, mais les portes du bureau sont closes, les équipes en réunion. Je suis désemparée, incapable de m'arracher encore à ce lieu où tout commence, où tout finit.

Dans la chambre au bout du couloir, par la porte entrouverte, j'aperçois la jeune fille, celle de la salle de travail. Elle est endormie. Un nouveau-né repose dans un berceau à ses côtés. J'entre sur la pointe des pieds. Je ne peux m'empêcher de les regarder, elles sont belles, chacune à leur manière. Tableau touchant, désarmant, désolant. Le drap découvre le tatouage sur son épaule. C'est encore une enfant. Elle est plutôt jolie avec ses cheveux blond foncé, sa pâleur et ses lèvres boudeuses.

Le bébé est une vraie poupée, un chef-d'œuvre de la nature. Les lèvres bien roses, ourlées en un baiser imaginaire, les mains ouvertes à la caresse, un teint de porcelaine, un nez retroussé, des cheveux abondants couleur miel. Je passe furtivement la main sur son front, sa peau est si douce."

14 janvier 2009

Elle fait des galettes, c’est toute sa vie – Karine Fougeray

Elle_fait_les_galettes__c_est_toute_sa_vie Pocket – février 2005 - 118 pages

Présentation de l'éditeur
" Elle nous nourrit de galettes. C'est sa façon à elle de donner de l'amour. " C'est la Bretagne avec un bistrot sur la cale, une chapelle en haut de la falaise, une grève à marée basse. Avec ses hommes de mer aimés par des femmes à terre, ses jeunes, ses petites vieilles, ses pêcheurs qui n'en sont pas, ses fillettes qui n'aiment pas naviguer. C'est aussi un stage de voile et des chansons de marins. Et ce sont, surtout, des caractères bien trempés... Une promenade inattendue qui vous laissera sur les lèvres un goût d'embruns et de beurre salé.

Biographie de l'auteur
Karine Fougeray est graphiste. Elle est née à Saint-Malo en 1963 où elle passe son enfance et son adolescence. Après 17 années de vie parisienne, elle revient s'installer en Bretagne, de retour dans sa région, l'envie d'écrire la gagne. Son premier ouvrage, Elle fait des galettes, c'est toute sa vie, a paru en 2005 aux éditions Delphine Montalant. Son premier roman est paru en 2008, Ker Violette.
Mon avis : 5/5 (lu en février 2008)

C'est un recueil de 14 nouvelles qui sentent bon la Bretagne mais pas seulement... C'est un hymne à la Bretagne et à la mer, aux gens de mer. Les personnages sont attachants, ils nous semblent familiers. Ce livre est un concentré de simplicité, de tendresse et d'humour mais aussi de dérision et de cruauté.
Moi qui aime la Bretagne et le bord de mer j'ai été ému et j'ai trouvé ce livre savoureux comme des galettes !
Extrait : (p.11)

« Pour la pâte, elle sait parfaitement comment s'y prendre, elle possède le coup de main comme on dit. A huit heures, chaque vendredi matin, le rituel se met en marche. Elle extirpe du placard la bassine en émail et la pose au fond de l'évier. A côté, sur l'égouttoir, elle place le paquet de sarrasin, libère au robinet un mince filet d'eau et fait en sorte que celui-ci ruisselle doucement sur la paroi de céramique blanche. Ses gestes sont si huilés, si répétés, si râpés aux coudes que son chat Mistigri pourrait les mimer s'il était moins gros.

Louise, ma cousine qui commence à avoir des seins, utilise des grands mots en racontant qu'elle monte sa pâte en plusieurs étapes religieuses et éternelles. Elle dit que c'est une messe de quatre heures, une confession d'amoureuse éternellement recommencée du fond de cette bassine cabossée.

Amoureuse de sa bassine, Mémé ? Moi, je vois juste de l'eau, de la farine. De la farine et de l'eau. On n'ose pas lui demander les quantités. On n'ose pas lui demander les proportions. On n'ose pas lui demander d'expliquer.

A midi, elle remonte des profondeurs de la cave le lourd galetier qui lui vient de sa mère, et qui, du temps de sa mère, lui venait de sa mère à elle. Mistigri lui jette un regard envieux au moment où elle enfonce dans le pot de saindoux le tampon à graisser, lui faisant opérer une légère rotation de gauche à droite pour l'imbiber suffisamment, mais pas trop. Le galetier est déjà chaud et, comme on n'a plus le droit d'être dans ses pattes, on entend sans le voir le grésillement de la graisse animale qui se liquéfie en traînées circulaires et brillantes sur la fonte noire et brûlante.

Elle nous nourrit de galettes. C'est sa façon à elle de donner de l'amour. »

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