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A propos de livres...
allemagne
21 novembre 2009

La vague – Todd Strasser

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JC GAWSEWITCH EDITEUR – mars 2008 - 220 pages

Pocket – février 2009 – 221 pages

Présentation de l'éditeur
Cette histoire est basée sur une expérience réelle qui a eu lieu aux Etats-Unis dans les années 1970. Pour faire comprendre les mécanismes du nazisme à ses élèves, Ben Ross, professeur d'histoire, crée un mouvement expérimental au slogan fort : " La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l'Action. " En l'espace de quelques jours, l'atmosphère du paisible lycée californien se transforme en microcosme totalitaire : avec une docilité effrayante, les élèves abandonnent leur libre arbitre pour répondre aux ordres de leur nouveau leader, lui-même totalement pris par son personnage. Quel choc pourra être assez violent pour réveiller leurs consciences et mettre fin à la démonstration?

Biographie de l'auteur
Todd Strasser, né en 1950, est new-yorkais. Il a publié de nombreux romans traduits dans plus d'une douzaine de langues. La Vague est parue en 2008 chez Jean-Claude Gawsewitch Éditeur. Vendu à plus d' 1,5 million d'exemplaires en Europe, le livre a été adapté au cinéma.

Mon avis : (lu en novembre 2009)

A la demande de mes fils aînés (16 et 14 ans), j'ai eu l'occasion de voir le film en mars dernier. Je voulais donc également lire le livre. Dans le film, l'histoire se passe en Allemagne et non aux États-Unis. La fin du film est différente de celle du livre sans doute pour mieux frapper les esprits. J'ai trouvé le film est aussi fort que le livre. Le livre raconte l'expérience qui a été faite aux États-Unis dans les années 1970 par un professeur d'histoire pour expliquer le mécanisme du nazisme et répondre à la question d'un élève "Comment ont-ils pu faire cela ?". Petit à petit, le professeur inculque à ses élèves les notions de discipline, de cohésion, d'action... En quelques jours, le mouvement créé par le professeur sous le nom de « La Vague » le dépasse lui-même. Comment va-t-il pouvoir arrêter l'expérience ?

Ce livre existe depuis 1981 en langue anglaise et en Allemagne il est devenu un manuel d'histoire. En France, il n'a été traduit et publié qu'en 2008. Ce livre décrit parfaitement comment le pouvoir d'un groupe peut conduire à la perte du libre arbitre de l'individu. A lire et à faire lire aux lycéens !

La Vague (die Welle) est un film allemand réalisé par Dennis Gansel en 2008. L'histoire se passe en Allemagne, un professeur de lycée (Gymnasium) qui suite à des questions de ses élèves sur le régime nazi lors d'une semaine thématique sur l'autocratie, décide de mettre en place dans son cours une communauté fonctionnant comme une unité possédant un symbole, un salut, un uniforme, des règles : la vague. Mais la situation finit par devenir incontrôlable.

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11 octobre 2009

Inconnu à cette adresse - Kathrine-Kressmann Taylor

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Postface de Whit Burnett

traduit de l'anglais (États-Unis) par Michèle Lévy-Bram

Autrement – juin 2004 - 59 pages

Livre de Poche – mai 2004 – 89 pages

Livre de poche jeunesse – aout 2007 – 93 pages

 

Quatrième de couverture :

1er août 1933. «Tu es un libéral, Martin. Tu vois les choses à long terme. Je sais que tu ne peux pas te laisser entraîner dans cette folie par un mouvement populaire qui, aussi fort soit-il, est foncièrement meurtrier.»
18 août 1933. «Tu dis que nous persécutons les libéraux, Max, que nous brûlons les livres. Tu devrais te réveiller : est-ce que le chirurgien qui enlève un cancer fait preuve de ce sentimentalisme niais ? Il taille dans le vif, sans états d'âme. Oui, nous sommes cruels. La naissance est un acte brutal ; notre re-naissance l'est aussi.»

1932. Martin Schulse, un Allemand, et Max Eisenstein, un Juif américain, sont marchands de tableaux en Californie. Ils sont aussi unis par des liens plus qu'affectueux - fraternels.
Le premier décide de rentrer en Allemagne. C'est leur correspondance fictive entre 1932 et 1934 qui constitue ce livre, écrit par une Américaine en 1938, et salué à l'époque, aux États-Unis, comme un chef-d'œuvre. Incisif, court et au dénouement saisissant, ce livre capte l'Histoire avec justesse. C'est un instantané, une photographie prise sur le vif qui décrit sans complaisance, ni didactisme forcené, une tragédie intime et collective, celle de l'Allemagne nazie.

Auteur : Américaine d'origine allemande, Kathrine Kressmann est née en 1903 à Portland, Oregon (États-Unis). Après un diplôme de littérature et de journalisme de l’université d’Oregon, en 1919, elle déménage à San Francisco où elle devient correctrice et rédactrice dans la publicité. Elle commence à écrire pendant son temps libre, et elle est publiée à l’occasion dans divers petits magazines littéraires. En 1928, elle épouse Elliott Taylor, propriétaire d’une compagnie publicitaire, et devient femme au foyer. En 1938, le couple déménage à New York, où Story magazine accepte de publier sa nouvelle. Elle écrit "Inconnu a cette adresse", l’éditeur Whit Burnett et Elliott jugent que « cette histoire est trop forte pour avoir été écrite par une femme », et décident du pseudonyme masculin de Kressmann Taylor, qu’elle utilisa ensuite jusqu’à la fin de sa vie. En 1995, alors qu’elle a 92 ans, Story press réédite Inconnu à cette adresse pour fêter le 50e anniversaire de la libération des camps de concentration. La nouvelle est traduite en 20 langues. Le livre sort en France en 1999 et se vend à 600000 exemplaires. C'est un immense succès. Elle est finalement publiée en Allemagne en 2001, et rééditée en Grande-Bretagne en 2002. En Israël, la traduction en hébreu est un best-seller et est adaptée pour le théâtre. Plus de 100 représentations ont lieu, et la pièce est filmée et diffusée à l’occasion du jour de commémoration de la Shoah. Kathrine Taylor est morte en juillet 1997, à l’âge de 94 ans.

 

Mon avis : (lu en janvier 2008 et relu en octobre 2009)

Ce livre est en fait une nouvelle qui se lit très facilement. La postface nous apprend que cette histoire a été créée en 1938 à partir de lettres réellement écrites.

C'est une correspondance entre Max Eisenstein, un juif Américain vivant à San Francisco et son associé Martin Schulse rentré en Allemagne. La première lettre date de novembre 1932, la dernière de mars 1934. Au début, on constate une belle amitié entre les deux hommes, mais l'arrivée d'Hitler au pouvoir en janvier 1933 va faire changer Martin. Dans un premier temps, Max a du mal à croire que son ami ait pu tellement changer, il va se venger d'une manière inattendue. L'intrigue est menée de main de maître et la chute est parfaite...

C'est également un témoignage historique sur l'arrivée au pouvoir et sur la popularité d'Hitler en Allemagne à cette époque.

Cette histoire bouleversante et très forte. A lire et à faire lire absolument aux adultes mais aussi aux adolescents (à partir de 14 ans).

Extrait : (page 19) le 25 mars 1933

Cher vieux Max,
Tu as certainement entendu parler de ce qui se passe ici, et je suppose que cela t'intéresse de savoir comment nous vivons les événements de l'intérieur. Franchement, Max, je crois qu'à bon nombre d'égards Hitler est bon pour l'Allemagne, mais je n'en suis pas sûr. Maintenant, c'est lui qui, de fait, est le chef du gouvernement. Je doute que Hindenburg lui-même puisse le déloger du fait qu'on l'a obligé à le placer au pouvoir. L'homme électrise littéralement les foules ; il possède une force que seul peut avoir un grand orateur doublé d'un fanatique. Mais je m'interroge : est-il complètement sain d'esprit ? Ses escouades en chemises brunes sont issues de la populace. Elle pillent, et elles ont commencé à persécuter les juifs. Mais il ne s'agit peut-être là que d'incidents mineurs : la petite écume trouble qui se forme en surface quand bout le chaudron d'un grand mouvement. Car je te le dis, mon ami, c'est à l'émergence d'une force vive que nous assistons dans ce pays. Une force vive. Les gens se sentent stimulés, on s'en rend compte en marchant dans les rues, en entrant dans les magasins. Il se sont débarrassés de leur désespoir comme on enlève un vieux manteau. Ils n'ont plus honte, ils croient de nouveau à l'avenir. Peut-être va-t-on trouver un moyen pour mettre fin à la misère. Quelque chose – j'ignore quoi – va se produire. On a trouvé un Guide ! Pourtant, prudent, je me dis tout bas : où cela va-t-il nous mener ? Vaincre le désespoir nous engage souvent dans des directions insensées.

Naturellement, je n'exprime pas mes doute en public. Puisque je suis désormais un personnage officiel au service du nouveau régime, je clame au contraire ma jubilation sur tous les toits. Ceux d'entre nous, les fonctionnaires de l'administration locale, qui tiennent à leur peau sont prompts à rejoindre le national-socialisme – c'est le nom du parti de Herr Hitler. Mais en même temps, cette attitude est bien plus qu'un simple expédient : c'est la conscience que nous, le peuple allemand, sommes en voie d'accomplir notre destinée ; que l'avenir s'élance vers nous telle une vague prête à déferler. Nous aussi nous devons bouger, mais dans le sens de la vague, et non à contre-courant. De graves injustices se commettent encore aujourd'hui. Les troupes d'assaut célèbrent leur victoire, et chaque visage ensanglanté qu'on croise vous fait secrètement saigner le cœur. Mais tout cela est transitoire ; si la finalité est juste, ces incidents passagers seront vite oubliés. L'Histoire s'écrira sur une page blanche et propre.

30 septembre 2009

Le liseur – Bernhard Schlink

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Gallimard – juin 1999 – 201 pages

Folio – février 1999 – 242 pages

Quatrième de couverture
A quinze ans, Michaël fait par hasard la connaissance, en rentrant du lycée, d'une femme de trente-cinq ans dont il devient l'amant. Pendant six mois, il la rejoint chez elle tous les jours, et l'un de leurs rites consiste à ce qu'il lui fasse la lecture à haute voix. Cette Hanna reste mystérieuse et imprévisible, elle disparaît du jour au lendemain. Sept ans plus tard, Michaël assiste, dans le cadre de des études de droit, au procès de cinq criminelles et reconnaît Hanna parmi elles. Accablée par ses coaccusées, elle se défend mal et est condamnée à la détention à perpétuité. Mais, sans lui parler, Michaël comprend soudain l'insoupçonnable secret qui, sans innocenter cette femme, éclaire sa destinée, et aussi cet étrange premier amour dont il ne se remettra jamais. Il la revoit une fois, bien des années plus tard. Il se met alors, pour comprendre, à écrire leur histoire, et son histoire à lui, dont il dit : "Comment pourrait-ce être un réconfort, que mon amour pour Hanna soit en quelque sorte le destin de ma génération que j'aurais moins bien su camoufler que les autres ?"

Auteur : Bernhard Schlink est né le 6 juillet 1944 à Bielefeld (Allemagne). Il étudie le droit à Heidelberg et à Berlin, et exerce comme professeur à Bonn et à Francfort. Depuis 1992, il est professeur de droit public et de philosophie du droit à l'université de Humboldt à Berlin. En 1987, il est également devenu juge au tribunal constitutionnel du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Il a débuté sa carrière comme écrivain par plusieurs romans policiers, dont le premier, Brouillard sur Mannheim, en collaboration avec Walter Popp. L'un de ces romans (Die gordische Schleife) a obtenu le prix Glauser en 1989. En 1995 il publie Der Vorleser (Le liseur, publié en France en 1996), un roman partiellement autobiographique. Ce livre devient rapidement un best seller et est traduit dans 37 langues. Il a été le premier livre allemand à arriver en première position sur la liste de best-sellers publiée par le New-York Times. En 1997 il a obtenu le prix Hans Fallada, une récompense littéraire allemande et le prix Laure Bataillon, prix décerné à des œuvres traduites en Français. En 1999 il a reçu le prix de littérature du journal 'Die Welt'.

Mon avis : (lu en septembre 2009)

J'ai découvert cet auteur en lisant "Le week-end" en juin dernier. Ce nouveau livre "Le liseur" m'a bouleversée. Ce livre se lit facilement, les chapitres sont courts et le récit nous incite sans cesse à lire le suivant sans lâcher le livre...L'histoire se déroule en trois parties. La première partie a lieu à la fin des années 50, Michaël, lycéen de 15 ans rencontre par hasard Hanna, femme de 35 ans, ils deviennent amants. Pendant près de six mois, Michaël va vivre sa première passion amoureuse. A chacune de leur rencontre, Hanna demande également à Michaël de lui faire la lecture. Et une jour, brutalement, Hanna disparaît sans explication. La deuxième partie se situe sept ans plus tard, Michaël est alors étudiant en droit. Alors qu'il assiste à un procès pour crime de guerre, il découvre avec stupeur qu'Hanna fait partie des accusés. Elle est très maladroite pour se défendre et est condamnée à la prison à perpétuité. Michaël devine alors le secret d'Hanna. La dernière partie commence avec l'après procès. Quelques années plus tard Michaël renoue avec Hanna en lui envoyant des livres enregistrés sur cassettes en prison... Hanna est un personnage mystérieux et secret que l'on va découvrir peu à peu au fil des pages .

Avec ce livre l'auteur ne nous raconte pas seulement une histoire d'amour. En effet, il nous parle des sentiments de l'Allemagne qui affronte son passé et des difficultés pour une jeunesse qui doit juger et condamner la génération de leurs parents. Il nous fait réfléchir sur la responsabilité, la culpabilité, et parfois l’indifférence face aux crimes de guerre.

Ce livre est très fort et ne peut nous laisser indifférent. A lire absolument !

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Une adaptation cinématographique "the Reader" a été réalisé par Stephen Daldry avec Kate Winslet, Ralph Fiennes, David Kross. Le film est sortie en France en juillet 2009.

Extrait :

Des années plus tard, je m'avisai que ce n'avait pas été simplement à cause de sa silhouette que je n'avais pu détacher mes yeux d'elle, mais à cause de ses attitudes et de ses gestes. Je demandai à mes amies d'enfiler des bas, mais je n'avais pas envie d'expliquer pourquoi, de raconter le face-à-face entre cuisine et entrée. On croyait donc que je voulais des jarretelles et des dentelles et des fantaisies érotiques, et on me les servait en posant coquettement. Ce n'était pas cela dont je n'avais pu détacher les yeux. Il n'y avait eu chez elle aucune pose, aucune coquetterie. Et je ne me rappelle pas qu'il y en ait jamais eu. Je me rappelle que son corps, ses attitudes et ses mouvements donnaient parfois une impression de lourdeur. Non qu'elle fût lourde. On avait plutôt le sentiment qu'elle s'était comme retirée à l'intérieur de son corps, l'abandonnant à lui-même et à son propre rythme, que ne venait troubler nul ordre donné par la tête, et qu'elle avait oublié le monde extérieur. C'est cet oubli du monde qu'avaient exprimé ses attitudes et ses gestes pour enfiler ses bas. Mais là, cet oubli n'avait rien de lourd, il était fluide, gracieux, séduisant - d'une séduction qui n'est pas les seins, les fesses, les jambes, mais l'invitation à oublier le monde dans le corps.

À l'époque, je ne savais pas cela - si du moins je le sais aujourd'hui, et ne suis pas en train de me le figurer. Mais en réfléchissant alors à ce qui m'avait tant excité, l'excitation revint. Pour résoudre l'énigme, je me remémorai le face-à-face, et le recul que j'avais pris en me faisant une énigme disparut. Je revis tout comme si j'y étais, et de nouveau je ne pouvais plus en détacher les yeux.

22 septembre 2009

Maus : un survivant raconte - Art Spiegelman

maus1 1 - Mon père saigne l'histoire

Flammarion – janvier 1994 – 159 pages

Prix Pulitzer 1992

maus2 2 - Et c'est là que mes ennuis ont commencé

Flammarion – janvier 1994 – 135 pages

Maus L'Intégrale, Maus : un survivant raconte

Flammarion – novembre 1998 – 296 pages 

Description
Maus raconte la vie de Vladek Spiegelman, rescapé juif des camps nazis, et de son fils, auteur de bandes dessinées, qui cherche un terrain de réconciliation avec son père, sa terrifiante histoire et l'Histoire. Des portes d'Auschwitz aux trottoirs de New York se déroule en deux temps (les années 30 et les années 70) le récit d'une double survie : celle du père, mais aussi celle du fils, qui se débat pour survivre au survivant. Ici, les Nazis sont des chats et les Juifs des souris.

Auteur : Art Spiegelman est un illustrateur et auteur de bande dessinée américain, né le 15 février 1948 à Stockholm (Suède). Figure phare de la bande dessinée underground américaine des années 1970-1980, il est à partir du milieu des années 1980 surtout connu pour sa bande dessinée Maus, qui lui a valu un Prix Pulitzer. C'est également un illustrateur reconnu. Il vit à New York avec sa femme, Françoise Mouly.

Mon avis : (lu en septembre 2009)

C'est un témoignage d'une force exceptionnelle. Art Spiegelman nous raconte l’histoire de son père, juif en Pologne au pire moment et rescapé d'Auschwitz. Il nous raconte aussi son histoire à lui aussi : Art, le fils, part à la recherche de la mémoire de Vladek, le père. Les relations sont difficiles entre le père et le fils, ils se chamaillent sans cesse et les deux histoires s'entremêlent habilement : les dialogues entre père et fils où Art essaie de soutirer la mémoire de Vladek et bien sûr les terribles souvenirs du père vrais moments d’Histoire. La vie de Vladek Spiegelman, marchand juif plus vrai qu'une caricature, est décrite sans complaisance. Sont présentes également, les persécutions nazies, depuis le début de la Seconde Guerre mondiale et l'invasion de la Pologne jusqu'à l'effondrement du Troisième Reich et l'immédiat après-guerre. Témoignage sur la Shoah, cette œuvre aborde la question de la survie à tout prix quand la loi est celle du plus fort, de l'antisémitisme juste après la Seconde Guerre mondiale.

Art Spiegelman a choisi de représenter les différentes nationalités par des animaux. Pour les Juifs, il a choisi une souris (Maus en allemand) c'est aussi en hommage à une célèbre Mouse américaine puisque le petit Mickey avait été mis à l'index des nazis.Les Allemands sont des chats, les Français des grenouilles, les Américains des chiens, les Polonais par des porcs. Les dessins permettent d'atténuer l'horreur que constitue ce qu'ont vécu les Juifs à l'époque, tout en exprimant le caractère sombre des événements grâce à la réalisation en noir et blanc.

Le résultat est efficace, puisque cette BD ne laisse pas indifférent, marque durablement les esprits et a un impact très puissant. C’est une œuvre très pédagogique à conseiller très vivement et à faire lire également à des ados.

Extrait :

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27 juin 2009

Le week-end - Bernhard Schlink

le_week_end Gallimard – octobre 2008 – 217 pages

Traduit de l’allemand par Bernard Lorthomary

Présentation de l'éditeur
Après plus de vingt ans passés derrière les barreaux, Jörg est gracié par le président de la République allemande. Pour ses premières heures en liberté, sa sœur Christiane a organisé des retrouvailles avec de vieux amis dans une grande demeure à la campagne, près de Berlin. Mais ce week-end, qu'elle avait souhaité paisible, est difficile à vivre pour tout le monde, tant les questions de responsabilité, de culpabilité et de pardon sont dans toutes les têtes. Car Jörg est un ancien terroriste de la Fraction Armée Rouge. Pendant trois jours, les coups de théâtre et de bluff des uns et des autres vont se succéder. Chacun cherche sa place, et le choc des biographies, des rêves et parfois des mensonges produit plus de questions que de réponses. L'amitié passe-t-elle avant tout jugement moral ? Le regret et le pardon sont-ils souhaitables, possibles, suffisants ?. Le week-end renoue avec la force et la concision du premier grand succès de Bernhard Schlink, Le Liseur, et prolonge avec beaucoup de talent les interrogations qui hantent son œuvre.

Biographie de l'auteur
Bernhard Schlink, né en 1944, est juriste. Il est l'auteur de romans policiers et du best-seller mondial Le liseur, traduit en plus de trente langues et paru aux Editions Gallimard comme toute son œuvre.

 

Mon avis : (lu en juin 2009)

C’est le premier livre que je lis de cet auteur. Ici, il nous raconte l’histoire de Jörg qui vient d’être libéré après 20 ans en prison. Il appartenait à la Faction Armée Rouge. Jörg va passer son premier week-end de liberté, dans une maison à la campagne. Sa sœur y a invité des anciens amis de lutte. Nous assistons à un huis clos à la campagne avec des personnages qui ont changé depuis vingt ans, chacun a trouvé sa place dans la société, ils ont fait leurs vies et ils ont un peu oublié leurs idéaux passés. Jörg est en décalage avec eux, il semble que sa vie se soit arrêtée pendant vingt ans entre les murs de la prison. Ce livre pose beaucoup de questions sur l'après : faut-il renier son passé ou lui rester fidèle ? A-t-il des remords, des doutes ? Quel est son avenir ? Peut-on encore justifier ses actes ?

J'ai trouvé ce livre très bien écrit et les discussions, les réflexions et les confrontations entre la dizaine de personnages très profondes. A découvrir !

Extrait : (page 91)

D'abord, le soleil inonde d'une vive lumière la couronne du chêne qui se trouve devant la maison. Les oiseaux qui l'habitent et bavardent déjà depuis l'aurore haussent alors le ton. Le merle chante si fort et si obstinément que, si l'on dort dans la chambre d'angle, on se réveille sans pouvoir se rendormir. La lumière du soleil descend progressivement sur la façade tournée vers la route, elle atteint derrière la maison l'autre chêne, le pavillon de jardin, les arbres fruitiers et le ruisseau. Elle vient éclairer aussi la cabane qui flanque au nord le pavillon de jardin et dont Margarete voudrait faire un poulailler avec son enclos. Elle aimerait bien être réveillée par le cri du coq.

A part les oiseaux, les matins sont silencieux. Les cloches de l'église du village ne sonnent qu'à sept heures, la grand-route est loin, la ligne de chemin de fer plus loin encore. La coopérative agricole, dont les machines démarraient au petit jour et dont on entendait les vaches beugler dans leurs étables quand le vent soufflait de là, n'existe plus depuis déjà longtemps ; ses étables et ses hangars sont vides, ses champs sont loués et cultivés par une ferme du village suivant. Si les habitants du village ont du travail, ce n'est pas ici ; ils partent le dimanche soir et rentrent le vendredi soir. Le samedi matin et le dimanche matin, ils dorment tard.

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25 juin 2009

Karambolage : tome 2 – Claire Doutriaux

lu dans le cadre de l'opération babelio

karambolage_2 Seuil – octobre 2007 – 197 pages

Présentation de l'éditeur
Le deuxième tome de KaramboLaGe ! De la Fernsehturm à la toile de Jouy, de la tâche au Hiztefrei, de la Kehrwoche au bal des pompiers, mais aussi de la prestation de serment d'Angela Merkel aux accolades des chefs d'État, ces autres objets, mots, expressions, symboles, rites et analyses d'images complètent la petite mythologie du quotidien des Français et des Allemands. Après le succès du premier tome, KaramboLaGe continue de creuser son sillon et décrypte avec jubilation les us et coutumes de part et d'autre du Rhin.

Les auteurs :

Claire Doutriaux a découvert l'Allemagne enfant dans une famille de Düren où elle passait régulièrement les vacances de Pâques. Plus tard, elle a vécu une quinzaine d'années à Hambourg et a rejoint ARTE dès sa création. Karambolage est né de l'envie de réunir les fils d'une existence qui navigue entre deux pays. Alexandra Brodin, Nathalie Karanfilovic, Marco Kasang, Eva Könnemann, Jeanette Konrad , Hajo Kruse , Waltraud Legros, Olaf Niebling, Nikola Obermann, Katja Petrovic, Maija-Lene Rettig, Rainer Rother, Hinrich Schmidt-Henkel, Karine Waldschmidt, Bettina Wohlfarth.

Mon avis : (lu en juin 2009)

Karambolage" est avant tout une émission de télévision diffusée sur Arte, le dimanche à 20h00 depuis janvier 2004, "qui jette un regard amusé sur les particularités des Allemands et des Français."

Karambolage

Depuis 3 ans, nous regardons très régulièrement cette émission en famille. Les deux aînés font de l’allemand en classe, le dernier commencera à la rentrée prochaine. Cette émission dure 10 minutes et nous apprenons beaucoup de choses sur nos habitudes et nos coutumes en France et en Allemagne. A la fin de chaque émission il y a une photo-devinette : la photo a-t-elle été prise en Allemagne ou en France, qu’elle est l’indice ?

Ce livre rassemble par chapitres des articles de chacune des chroniques de l'émission :

L'objet / der Gegenstand : description et utilisation d'un objet spécifique ou commun à l'Allemagne ou à la France - Exemples : la cabine de plage, der Fernsehturm (la tour de télévision)...

Le symbole / das Symbol : description et histoire de symboles importants pour la France ou pour l'Allemagne – Exemples : les drapeaux, les hymnes nationaux, la porte de Brandebourg...

Le mot / das Wort : étymologie et origine de mots ou d'expressions qui se retrouvent dans les deux langues - Exemples : choucroute, banc – bank - banque...

Le quotidien / der Alltag : Exemples : la numérotation des rues à Berlin, l'alliance portée à gauche en France et à droite en Allemagne...

Le rite / der Brauch : Exemple : der Maibaum (l'arbre de Mai), la chandeleur...

L'analyse d'image / die Bildanalyse : analyse de situations historiques – Exemples : La prestation de serment (die Eidesleistung), trois gestes historiques échangés entre chefs d'Etat français et allemands...

En bonus, tout au long du livre nous retrouvons douze photos-devinette : France - Deutschland avec les solutions en fin du livre !

Les textes sont bien écrits, courts avec un ton enjoué et beaucoup de sens critique.

Petit bémol pour les illustrations, issues d'image vidéo et comme le signale une note de l'éditeur au début du livre, qui sont parfois un peu pixellisées.

Aimant beaucoup l'émission Karambolage sur Arte, j'ai été contente de retrouver des chroniques vues à la télévision ou d'en découvrir des nouvelles.

lu dans le cadre de l'opération babelio

8 mai 2009

La forêt des ombres – Franz Thilliez

la_foret_des_ombres Le Passage – août 2006 – 394 pages

Présentation de l'éditeur
Hiver 2006. Cœur de la Forêt-Noire. Le froid, la neige, l'isolement... Les conditions idéales pour écrire sur un tueur en série, retrouvé pendu voilà plus d'un quart de siècle. Le Bourreau 125.

Arthur Doffre, riche héritier, vieil homme paraplégique, souhaite le ramener à la vie par l'intermédiaire d'un roman. Un thriller que David Miller, auteur de polar occasionnel et embaumeur de profession, a un mois pour écrire, enfermé dans un chalet avec sa famille, Doffre et sa jeune compagne. Mais il est des portes qu'il vaut mieux laisser fermées... et très vite, la psychose s'installe. Ne reste alors qu'une seule solution : combattre ses peurs, repousser la folie, grouper ses maigres forces ; et affronter l'impensable...

La Forêt des ombres, huis clos infernal, nous entraîne dans les méandres de la folie et de la perversion.

Biographie de l'auteur
Franck Thilliez est l'auteur de La Chambre des morts (Prix Quais du polar 2006).
 

 

Mon avis : (lu en mai 2009)

Ce polar m'a donné des frissons... Les personnages sont ambigus, ils ont des secrets... L'auteur nous embarque dans un monde de folie, il sait nous tenir en haleine et nous perdre sur plusieurs pistes. Je reconnais que l'histoire est bien construite : c'est un huis clos dans un chalet sous la neige perdu au milieu de la Forêt Noire. L'atmosphère est oppressante. On explore les limites de la cruauté humaine... Bien sûr ce n'est qu'à la fin que l'on découvre la vérité. Le mélange action et psychologie est parfaitement dosé.

Pour ma part, je me suis retenue d'imaginer les scènes décrites tellement l'horreur est présente. Je ne suis pas vraiment friande de ce genre de policier où il y a une escalade dans le gore...

A lire si vous aimez les thrillers !

A éviter si comme moi vous faites parti des âmes sensibles car les descriptions sont précises et surtout très écœurantes !

 

Extrait : (page 139)
Le jeune homme traîna son escabeau jusqu'au charmant Bundy, non sans réprimer un certain dégoût. Le sang, qui avait gelé en gouttelettes noires, outrageait la blancheur ouatée déposée par la nature. Cette mort-là, puant la charogne, n'était pas la sienne, pas celle qu'on pouvait masquer à l'aide de produits conservateurs ou à coups de bistouri. Elle se déployait ici librement, sans tabou, et creusait toujours plus ces sculptures, secondées par la lente maturation du temps. Cette mort-là était celle de l'enfant que le meurtrier enterre et laisse pourrir dans son jardin, celle de l'adolescente, abandonnée ligotée contre un arbre, en proie aux bêtes sauvages. Cette mort-là était celle dont on ne parle jamais.
Seul sous ces cosses morbides, David la défiait, le yeux dans le yeux.

 

Extrait : (page 190)
En d'autres circonstances, l'épopée de David dans ce feu d'artifice de verdure, au volant d'un puissant 4X4, aurait été fantastique. Des hectares de silence. Des infinis rendus violets par la réfraction de la lumière à travers la glace. Des sculptures irréelles, que seul l'hiver savait modeler. Mais les événements des dernières heures donnaient à l'endroit une toute autre tonalité. Nettement plus terne, plus macabre.
David fixait le GPS lorsque l'arrière du véhicule se mit à chasser dramatiquement. Il écrasa la pédale de frein, entraînant la masse d'acier sur le côté gauche puis, dans un contrecoup, sur le côté droit. Il plaqua ses paumes sur le volant. Qu'est-ce qui s'était passé ?... Etait-il possible que...
Il descendit, l'oeil rivé au sol. A ses pieds, des traces de pas de petite taille, orientées vers le chalet. Des traces de course... Des traces de fuite. Celle de la femme aux cheveux noirs.
L' héroïne, échappée de son roman. Encore elle.
David se retourna vers la voiture. Alors ses joues se creusèrent, sa gorge se serra. Pneus avant et arrière gauche crevés ! 'Eh merde !' Il souffla dans ses mains nues, contourna le véhicule. Juste pour vérifier.
Les quatre pneus étaient à plat !

Extrait : le quatrième chapitre est en libre accès sur le site des livres de poche Pocket.

1 mai 2009

Dans le berceau de l'ennemi – Sara Young

dans_le_berceau_de_l_ennemi traduit de l'anglais (États-Unis) par Florence Hertz

France Loisirs – 2008 - 473 pages

Résumé : Alors que l'étau se resserre autour de Cyrla, la jeune fille, à moitié Juive, n'a qu'un moyen d'échapper à la menace : endosser l'identité de sa cousine décédée après une tentative ratée d'avortement. Pourtant, le danger est colossal, car cela signifie faire confiance au soldat allemand qui a mis sa cousine enceinte et gagner le Lebensborn dans lequel celle-ci est inscrite. Pour survivre, il lui faudra se réfugier dans le sein même de l'ennemi...

Auteure de plusieurs publications destinées à la jeunesse, Sara Young a longtemps publié sous le nom de plume de Sara Pennypaker. Avec son dernier ouvrage Dans le berceau de l'ennemi, elle s'attaque à un genre qu'elle n'a encore jamais exploité, celui de roman d'amour sur fond historique. Un style qu'elle manie déjà à merveille et qui séduit un lectorat très vaste.

Mon avis : (lu en avril 2009)

Une histoire belle et émouvante un mélange de fiction et d'Histoire. En effet, ce livre nous entraine au cœur des Lebensborn (source ou fontaine de vie), organisation SS fondé en 1935 par Himmler.

Ce sont des foyers maternels dans lesquels étaient suivies les jeunes femmes enceintes, « valables d’un point de vue racial », afin de repeupler la nation et de lui donner de futurs soldats. Ensuite, les enfants étaient confié à l’adoption dans des familles allemandes, ou s'ils ne sont pas « conformes » ils étaient purement et simplement éliminés. C'est l'histoire de Cyrla moitié juive qui pour sauver sa vie va se réfugier dans un Lebensborn sous l'identité de sa cousine décédée suite à un avortement.

On va suivre la grossesse de Cyrla-Anneke au sein du Lebensborn et tous les sentiments qui l'envahisse : la peur et la détresse. Elle va rencontrer d'autres futurs mamans : des fanatiques, des résignées... Elle y rencontre aussi Ilse, une infirmière et Karl, le fiancé de sa cousine : des Allemands qui subissent malgré eux l'idéologie nazie et qui vont l'aider.

Ce livre est également intéressant du point vu historique, on y voit les années 41-42 aux Pays-Bas et en Allemagne, bien sûr la vie dans un Lebensborn. Ce livre se lit facilement, on est vraiment pris par la fiction et les personnages si attachants. A découvrir.

Extrait : (début du livre)

chapitre 1 : Septembre 1941

— Quoi, chez nous aussi ? Nee !
En franchissant la porte de la salle à manger, je vis ma tante renverser quelques gouttes de soupe sur la nappe. Le bouillon était maintenant si maigre que les taches partiraient vite, mais mon cœur se serra quand elle ne lâcha pas sa louche pour les essuyer. Depuis le début de l'occupation allemande, elle se refusait à affronter la réalité, paraissant même parfois tellement absente que j'avais l'impression de perdre ma mère une deuxième fois.
— Évidemment, ici aussi, Mies, s'emporta mon oncle, dont la peau pâle parsemée de taches de rousseur s'empourpra.
Il ôta ses lunettes pour en essuyer la buée avec sa serviette.
— Tu n'imaginais quand même pas que les Allemands avaient annexé les Pays-Bas pour le plaisir de donner une terre d'accueil aux Juifs ? Nous avons déjà de la chance que ça ne soit pas arrivé plus tôt.
Je m'assis après avoir posé le pain sur la table.
— Que se passe-t-il ?
— Des restrictions ont été imposées aux Juifs aujourd'hui, expliqua mon oncle. Ils ne pourront quasiment plus sortir de chez eux.
Il examina ses verres, rechaussa ses lunettes, puis me regarda.
Je me figeai d'angoisse, la main crispée sur ma cuillère, me souvenant soudain d'une scène dont j'avais été témoin dans mon enfance.
Alors que nous rentrions de l'école en groupe, nous avions vu un passant qui battait son chien. Nous lui avions crié d'arrêter - nous étions assez nombreux pour nous sentir ce courage - et certains des plus âgés avaient même essayé de lui arracher le pauvre animal. Mon attention avait été attirée par un garçon qui, je le savais, se faisait souvent maltraiter par les grands. Il hurlait comme nous : « Arrêtez ! Arrêtez ! », mais son regard m'avait glacée. J'y avais lu une satisfaction sournoise, cette même expression que je venais de reconnaître chez mon oncle quand il s'était tourné vers moi.
— Tout va changer, maintenant, Cyrla.
J'eus un coup au cœur et baissai la tête. Craignait-il qu'il ne soit trop risqué de me garder chez lui ?
En tout cas, il me signifiait que je n'étais pas chez moi. Je regardai fixement la nappe blanche, avec sa sous-nappe de soie bordée de franges dorées. À mon arrivée, j'avais trouvé étrange cette habitude de couvrir une table de salle à manger, mais à présent j'en connaissais toutes les couleurs, tous les motifs. Je relevai les yeux pour considérer cette pièce que j'avais appris à aimer, avec ses hautes fenêtres d'un blanc lumineux donnant sur notre petite cour, les trois aquarelles du Rijksmuseum accrochées l'une au-dessus de l'autre par une cordelière, le salon qui se profilait derrière la lourde tenture de velours bordeaux avec le piano dans un coin, couronné des photos de famille encadrées. Mon cœur battit encore plus fort. Où irais-je s'il ne voulait plus de moi ?
Je jetai un coup d'œil à ma cousine : Anneke était le sauf-conduit qui me protégeait dans le territoire périlleux des humeurs de mon oncle. Mais, distraite ce jour-là, elle écoutait à peine ce qu'on lui disait, absorbée par des pensées secrètes. Elle n'avait même pas entendu la menace brandie par son père.
Je demandai, tâchant de rester calme :
— Quoi ? Qu'est-ce qui va changer ?
Occupé à couper le pain, il ne s'interrompit pas, mais je surpris le regard qu'il lançait à ma tante pour la faire taire.
— Tout va changer, c'est tout.
Arrivé à la troisième tranche, il reposa le couteau d'un geste lent et ajouta.
— Rien ne sera plus pareil.
J'attirai la miche à moi, m'emparai du couteau à la manière précise et déterminée d'un joueur d'échecs, et coupai une quatrième tranche. Je parvins à reposer le couteau à pain sur la planche sans trembler, mais je dus ensuite mettre les mains sur mes genoux pour les soustraire à sa vue. Droite et fière, je lui dis sans ciller :
— Tu avais oublié une tranche, oncle Pieter.
Il sembla gêné mais son visage resta sombre comme une meurtrissure.
Quand le repas s'acheva enfin, mon oncle retourna à la boutique pour écouter la radio qu'il dissimulait dans l'atelier malgré l'interdiction. Ma tante, Anneke et moi, nous débarrassâmes la table puis nous nous attelâmes à la vaisselle. Nous nous activions en silence, moi toute à ma peur, ma tante cloîtrée dans sa tristesse, et Anneke obnubilée par son secret.
Au-dessus de l'évier, ma cousine poussa un cri. Le couteau à pain tomba par terre, et elle leva la main au-dessus du bac. Du sang coula dans l'eau savonneuse, teintant la mousse de rose. J'attrapai un torchon pour lui envelopper le doigt, puis la menai à la banquette sous la fenêtre. Elle s'assit, passive, contemplant sans réagir le sang qui imprégnait le tissu. Son inertie me fit peur. Anneke prenait grand soin de ses mains. Elle pouvait même se priver de sa ration de lait pour y tremper les ongles, et elle parvenait encore à trouver du vernis alors que plus personne en Hollande ne semblait en posséder. Si la perspective d'une cicatrice la laissait tellement indifférente, alors son secret devait être vraiment grave.
Ma tante s'agenouilla devant elle pour examiner la blessure, la grondant d'avoir été distraite. Anneke, tête en arrière et yeux clos, se contentait de se masser la gorge de sa main libre avec un sourire heureux. C'était l'expression que je voyais sur son visage quand elle rentrait sur la pointe des pieds dans notre chambre au milieu de la nuit : troublée, méditative, changée.
Je n'aimais pas Karl.
Soudain, je compris.
Dès que ma tante nous laissa pour chercher du désinfectant et une compresse, je chuchotai :
— Tu te rends compte de ce que tu as fait ?
— Plus tard, murmura-t-elle. Quand ils dormiront.
La soirée, occupée par du repassage et du raccommodage, me sembla interminable. Nous avions mis un disque de Hugo Wolf sur l'électrophone, que nous écoutions tout en travaillant, mais j'aurais préféré le silence, car, pour la première fois, je percevais à quel point la vie tragique de Wolf avait influencé sa musique. Le souffle du désespoir en rendait la beauté trop poignante. Quand ma tante annonça qu'elle montait se coucher, j'échangeai un regard avec Anneke, et nous la suivîmes.
Après de rapides ablutions, quand nous fûmes prêtes à nous mettre au lit, il ne me fut plus possible de contenir mon impatience.
— Alors... ?
Ma cousine se tourna vers moi avec un sourire. Je ne lui en avais jamais vu d'aussi radieux.
— C'est merveilleux, Cyrla, dit-elle en posant la main sur son ventre.
Sa coupure avait dû se rouvrir et du sang saturer son pansement car, alors qu'elle exprimait ainsi son bonheur, une fleur rouge s'épanouit sur le coton bleu hâle de sa chemise de nuit.

chapitre 2

— Je pars, je m'en vais !
Maintenant qu'elle avait commencé, Anneke était intarissable.
— Nous nous marierons ici, à Schiedam, à la mairie probablement. La famille de Karl vit juste à l'extérieur de Hambourg. Nous nous installerons peut-être là-bas après la guerre, avec un jardin pour les enfants, près d'un parc... Hambourg ! Tu imagines, Cyrla ?
— Chut ! Elle va nous entendre.
Ce n'était pas ma tante que nous redoutions, mais Mme Bakker qui vivait dans la maison mitoyenne. Elle était vieille et alimentait ses incessants commérages en espionnant ses voisins. Tous les matins, elle se postait dans son salon pour surveiller les allées et venues dans la Tielman Oemstraat grâce à deux miroirs fixés à ses fenêtres. Un soir, nous l'avions entendue tousser et en avions déduit que sa chambre à coucher devait se trouver de l'autre côté du mur. Nous la jugions fort capable de coller un verre à la paroi qui séparait nos deux appartements pour écouter nos conversations. Mais au fond, je me moquais bien de Mme Bakker. Avant tout, je cherchais à faire taire Anneke.
Je lui ôtai son pansement et nettoyai sa coupure avec l'eau de notre broc.
— Change ta chemise de nuit. Je descends te chercher une autre compresse.
Une fois dans le couloir, je pris le temps de me calmer, puis j'allai prendre le pansement ainsi qu'une tasse de lait et une assiette de spekulaas. Anneke n'avait quasiment rien avalé au dîner, et elle adorait les petits biscuits aux épices qu'elle subtilisait dans la boulangerie où elle travaillait. Si j'arrivais à détourner son attention, peut-être cesserait-elle de parler de départ. Et puis en lui démontrant à quel point je lui étais indispensable, je lui ferais comprendre ce qu'elle perdrait en nous quittant. Rien n'était plus terrible que les départs.
Je m'assis près d'elle sur le lit pour lui panser le doigt, incapable de la regarder en face. Elle, en revanche, ne me lâchait pas des yeux. Je voulais encore espérer.
— Tu es sûre ? Et si tu te trompais... Vous n'avez pas fait attention... ?
Elle détourna la tête.
— Ce sont des choses qui arrivent.
Sa gêne ne dura pas. Son sourire revint, ce sourire merveilleux qui me désarmait.
— Un bébé... tu imagines ?
Je passai un bras autour de sa taille et posai la tête sur son épaule, inspirant la bonne odeur qu'elle rapportait de la boulangerie, cet arôme de gâteau, sucré et chaud, qui lui allait si bien. Je me demandai quel parfum s'accrochait à ma peau. Celui du vinaigre que j'avais manipulé toute la semaine pour les conserves de légumes ? Ou du détergent avec lequel je faisais le ménage dans l'atelier de couture de mon oncle ?
Anneke essuya de ses caresses les larmes qui coulaient sur mes joues.
— Je suis désolée, Cyrla. Tu vas me manquer. C'est toi que je regretterai le plus.
Ma cousine savait être adorable. Parfois, il lui arrivait de me blesser, pas par méchanceté mais innocemment, comme le font les filles très belles qui n'ont pas dû apprendre à ménager les autres. Je lui en voulais, alors, mais sa gentillesse spontanée me faisait vite honte d'éprouver un tel sentiment.
— Si tu savais comme je suis heureuse ! s'exclama-t-elle comme si son air radieux ne m'avait pas assez convaincue. Il est tellement beau !

Extrait : (page 174)

Dès la porte franchie, on tombait sur un bureau en bois massif, aussi imposant qu'un deuxième mur, derrière lequel était accrochée une photo de Hitler. En dessous était assise une dame au chignon gris acier formé de tresses aussi serrées que les amarres d'une péniche sur un quai. Elle se leva et fit un salut au conducteur et au garde ; elle était aussi grande qu'eux. L'aigle nazi brillait à son revers. Je reculai d'un pas.

- Bonjour, Frau Klaus. Heil Hitler, dit le conducteur en lui tendant mon dossier.

Elle le compara à des papiers qui se trouvaient devant elle. Je lui tournai le dos pour leur cacher mon visage de menteuse.

Le long du mur s'alignaient d'autres photos de Hitler. Il recevait un bouquet des mains d'une fillette vêtue d'une robe blanche ; bras tendu, il saluait une mer de soldats ; il passait en voiture découverte devant des foules d'Allemands qui agitaient leurs mouchoirs. Il y en avait plusieurs d'autres de Heinrich Himmler qui, comme Isaak me l'avait appris, était le commandant en chef des Lebensborn. En face, je vis des affiches représentant des mères avec leurs enfants. LES MÈRES DE SANG PUR SONT SACRÉES ! disait l'une. LE BERCEAU EST PLUS FORT QUE LES CHARS ! disait une autre. Je n'arrivai pas à les regarder longtemps.

Le sol à losanges noirs et blancs brillait sous la lumière d'un lustre. Je n'avais plus l'habitude d'avoir autant de lumière le soir. A côté de moi, un guéridon en acajou sentait l'encaustique citronnée, odeur familière chez nous, par-dessus laquelle flottait un riche arôme de rôti de porc, que je n'avais pas senti depuis longtemps. A cela se mêlaient des effluves de pain qui cuisait dans un four, additionnés d'une note sucrée, vanillée. Le parfum d'Anneke. Mais Anneke, maintenant, c'est moi. Sur le guéridon était posé un énorme bouquet de chrysanthèmes roses et blancs, et, devant, une coupe de fruits : reinettes, poires rouges et brillantes, gros raisins si foncés qu'ils semblaient tout à fait noirs. Et tout cela n'était qu'une décoration pour le hall d'accueil... Depuis quand n'avais-je pas vu un tel luxe ?

- Suivez-moi, ordonna Frau Klaus d'un ton autoritaire.

18 janvier 2009

La voleuse de livres - Markus Zusak

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Editeur Oh ! - mars 2007 – 527 pages

Pocket Jeunesse - janvier 2007 - 559 pages

traduit par Marie-France Girod

Prix Millepages Jeunesse décerné par les librairies Millepages.

Résumé :

Allemagne, 1939. La Mort est déjà à l'oeuvre. Liesel Meminger et son jeune frère sont envoyés par leur mère dans une famille d'adoption, à l'abris, en dehors de Munich : le père de Liesel a en effet été emporté par le souffle d'un seul et étrange mot - communisme -, et Liesel a vu la peur d'un destin semblable se dessiner dans les yeux de sa mère. Sur la route, la Mort rôde autour des enfants, réussit à s'emparer du petit garçon mais c'est la petite fille qu'elle veut. Ce sera la première d'une longue série d'approches. Durant l'enterrement de son petit frère, Liesel ramasse un objet singulier pour elle qui ne sait pas lire, un livre, 'Le Manuel du fossoyeur', dont elle pressent qu'il sera son bien le plus précieux, peut-être sa protection. Commence alors entre elle et les mots une étrange histoire d'amour. Poussée par un incoercible besoin de comprendre ce qu'il se passe autour d'elle, Liesel, avec l'aide de Hans, son père adoptif, décide d'apprendre à lire. A mesure que l'histoire avance, la Mort s'empare de nombreuses vies mais Liesel et ses livres continuent à lui échapper.

Auteur : Markus Zusak est né à Sydney en 1975. Il est le benjamin de quatre enfants. Ses parents sont d’origine allemande et autrichienne. Markus Zusak écrit depuis presque toujours. Il a désormais entamé une grande carrière internationale et s’est déjà affirmé comme l’un des romanciers les plus novateurs et les plus poétiques d’aujourd’hui. La Voleuse de livres est parue en septembre 2005 en Australie et à l’automne 2006 aux Etats-Unis où il figure depuis son lancement sur les listes des meilleures ventes. Markus vit toujours à Sydney où il écrit et enseigne l’anglais à l’Université.

Mon avis : (lu en septembre 2007)

Ce livre est vraiment original et passionnant : c'est une histoire étrange et émouvante où il est question d'une fillette, de mots, d'un accordéoniste, d'allemands fanatiques, d'un boxeur juif, de vols...

Le style de narration est particulier, en effet comme le laisse entendre le sous-titre : « quand la mort vous raconte une histoire, vous avez intérêt à l'écouter ».La Mort est la principale narratrice. Mais, rassurez-vous, cette lecture n'a rien de morbide.

La Mort nous raconte comment et pourquoi elle a du travailler sans relâche pendant ce vingtième siècle à cause de la folie des hommes. Elle raconte son labeur quand elle vient prendre dans ses bras, les hommes, les femmes et les enfants qui sont au bout du chemin de la vie.

La Voleuse de livres célèbre également l'amour de la lecture, les liens familiaux, la solidarité humaine. De quoi attendrir la Mort elle-même.

Ce livre est plein de poésie et d'émotions, il fait parti des livres que l'on n'oublie pas.

La Voleuse de livres est destinée à la fois aux adolescents et aux adultes - d'où sa parution simultanée en jeunesse et au rayon adulte.

Extrait :

«Procédons dans l'ordre», dit Hans Hubermann cette nuit-là. Il lava les draps, puis les étendit. «Maintenant, on peut y aller, fit-il en revenant. La classe de minuit peut commencer.»
La poussière dansait dans la lumière jaune.
Liesel était assise sur des draps propres et froids, honteuse et ravie. L'idée qu'elle avait mouillé son lit la taraudait mais, en même temps, elle allait lire. Elle allait lire son livre.
L'excitation s'empara d'elle.
Faisant naître des images d'un génie de la lecture de dix ans.
Si seulement tout était aussi simple !
«Pour être franc, expliqua sans détour Papa, je ne lis pas très bien moi-même.»
Quelle importance, après tout ? C'était peut-être mieux, au contraire. Cela risquerait moins de frustrer la fillette qui, elle, n'en était pas capable.
Néanmoins, au début, quand Hans Hubermann prit le livre et le feuilleta, il n'était pas très à l'aise.
Il vint s'asseoir auprès d'elle sur le lit et s'installa, les jambes pendantes. Il examina de nouveau le livre, puis le posa sur la couverture. «Dis-moi, pourquoi une gentille enfant comme toi veut-elle lire une chose pareille ?»
Liesel haussa de nouveau les épaules. Si l'apprenti fossoyeur avait lu les oeuvres complètes de Goethe ou d'un autre grand écrivain, c'était ce qui se serait trouvé sur son lit maintenant. Elle tenta de l'expliquer. «Eh bien, quand... j'étais assise dans la neige et...» Les mots murmurés glissèrent sur le lit et tombèrent en pluie sur le sol.
Papa sut quoi répondre. Il savait toujours.
Il passa une main ensommeillée dans ses cheveux et déclara : «Promets-moi une chose, Liesel. Si je meurs bientôt, fais en sorte qu'on m'enterre dans les règles de l'art.»
Sérieuse, elle hocha affirmativement la tête."

30 décembre 2008

Trudi la naine – Ursula Hegi

Trudi_la_naine Galaade – août 2007 - 672 pages

Traduit de l’anglais par Clément Baude

Résumé du livre

De 1915 à 1952, dans une petite ville catholique allemande du nom de Burgdorf, vit Trudi la naine. Sujette à mille et une brimades, Trudi en profite, depuis la bibliothèque où elle travaille avec son père Léo, pour observer jour après jour ses contemporains, avec leurs bassesses, leurs compromissions mais aussi leurs heures de gloire, de l'humiliation de la défaite de 1918 jusqu'au terrible silence collectif sous le nazisme. Gardienne des secrets les plus sombres comme de la mémoire collective de Burgdorf, Trudi, méprisée autant que crainte, deviendra ainsi le témoin privilégié - et révolté - de la catastrophe annoncée.

Mot de l'éditeur : " Enfant, Trudi Montag croyait que chaque être humain savait ce qui se passait dans la tête des autres. C'était avant qu'elle comprenne en quoi sa différence faisait sa force. Et son angoisse. " De 1915 à 1946, dans une petite ville catholique allemande du nom de Burgdorf, vit Trudi la naine. Sujette à mille et une brimades, Trudi en profite, depuis la bibliothèque où elle travaille avec son père Leo, pour observer jour après jour ses contemporains, avec leurs bassesses, leurs compromissions mais aussi leurs heures de gloire, de l'humiliation de la défaite de 1918 jusqu'au terrible silence collectif sous le nazisme. Gardienne des secrets les plus sombres comme de la mémoire collective de Burgdorf, Trudi, méprisée autant que crainte, deviendra ainsi le témoin privilégié - et révolté - de la catastrophe annoncée. Dans cette vaste fresque romanesque en partie inspirée de faits réels, Ursula Hegi, elle-même d'origine allemande, aborde tout un pan de l'histoire de l'Allemagne, jusque dans ses détails les plus douloureux et les plus inavouables, en une tentative littéraire pour appréhender le glissement de la civilisation vers la barbarie.

Biographie de l'auteur
Née en 1946 en RFA, Ursula Hegi passe sa jeunesse en Allemagne avant de partir, à dix-huit ans, aux Etats-Unis. Critique littéraire pour le New York Times, le Los Angeles Times et le Washington Post, Ursula Hegi a reçu, depuis la parution de son premier roman Intuitions en 1981, de nombreux prix littéraires américains. Trudi la naine, sélectionné en 1994 pour le prix Pen Faulkner, est son premier livre traduit en français.

Mon avis : (lu en octobre 2007)

Trudi n'est peut-être pas grande par la taille mais elle a un coeur immense. Elle est terriblement attachante du haut de ses 1m18. Son regard est juste et sans concession. Ce livre nous amène à avoir une vaste réflexion sur la discrimination et ses conséquences.

Extrait :
"Le père de Trudi, qui était revenu bien avant les autres hommes, fut investi d'une sorte d'autorité officieuse, les anciens combattants exigeant de lui qu'il les réhabitue à cette vie qu'ils avaient quittée. Son consentement muet incita tous ces hommes à se rendre à la bibliothèque, où ils lui achetaient des rations de tabac tellement minuscules qu'ils tenaient là une bonne excuse pour revenir le lendemain. Beaucoup d'entre eux ne comprenaient pas comment l'Allemagne avait pu perdre cette guerre contre le monde entier, et ils spéculaient en permanence sur les complots et les puissances de l'ombre qui avaient mené le pays à une défaite aussi honteuse. Les traits figés par l'épuisement, ils marchaient de ce pas un peu fatigué et oscillant qui est celui des somnambules, parce qu'ils ne savaient plus comment dormir sans guetter l'ennemi. Ils n'avaient pas besoin de raconter à Léo leurs cauchemars faits d'os broyés et d'orbites vidées : il connaissait bien ces rêves qui vous sortaient de vos petites bulles de sommeil pour vous replonger dans les pires souvenirs, et cela même si vous n'aviez été au front que quelques mois."

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