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A propos de livres...
12 février 2011

Bons baisers de Cora Sledge - Leslie Larson

Lu dans le cadre d'un partenariat Blog-O-Book et Éditions 10/18

bons_baisers_de_cora_sledge 10/18 – janvier 2011 – 379 pages

traduit de l'américain par Michèle Valencia

Quatrième de couverture :
A quatre-vingt-deux ans, Cora est obèse, s'autorise un peu trop d'anxiolytiques et fume plus que de raison. Pourtant le jour où ses enfants la placent dans une maison de retraite, c'est l'électrochoc. Bien décidée à ne pas s'attarder dans ce cul de sac, Cora met tout en œuvre pour reprendre le contrôle de sa vie. Et pour cela, il lui faut affronter un passé trop longtemps tenu secret... Plus qu'un personnage, Cora est une rencontre, celle d'une femme intraitable et souvent irrévérencieuse, celle d'une voix juste et sincère à laquelle on ne peut que prêter l'oreille. Elle nous dit que la désobéissance est souvent le premier chemin vers la liberté, et surtout, qu'il n'est jamais trop tard... Un roman foisonnant d'énergie et d'émotion au plus près des choses de la vie.

Auteur : Leslie Larson est née à San Diego, Californie. Elle a écrit pour Faultline, l'East Bay Express, le Women's Review of books. Après Connexions, elle signe Bons baisers de Cora Sledge. Elle vit aujourd'hui à Berkeley.

Mon avis : (lu en février 2011)
Cora est une vieille dame de 82 ans, obèse, qui abuse des anxiolytiques, de la cigarette. Elle vit seule dans sa maison où règne le désordre, elle se laisse vivre sans s'obliger à quoique ce soit. Mais un jour ses enfants ne supportant plus son laisser-aller, la placent dans une maison de retraite appelée les Palisades, contre son gré.
Lorsque sa petite-fille Emma lui offre un cahier et un stylo, elle décide d'écrire son histoire : ses souvenirs de jeunesse, sa vie de femme et son quotidien aux Palisades. Elle raconte tout et n’épargne personne. Sa rencontre avec un homme, Vitus Kovic, va lui donner envie de faire des projets d’avenir…
Cora est très attachante malgré son caractère bougon, elle est drôle et n'hésite pas à remettre à leur place les pensionnaires qui l'exaspèrent...Elle est également très touchante, lorsqu'elle évoque son passé et le secretq ui la ronge depuis des années. J'ai pris vraiment beaucoup de plaisir à découvrir les souvenirs de Cora Sledge.

Merci à Blog-O-Book et aux Éditions 10/18 pour m'avoir permis de découvrir ce livre amusant.

Extrait : (début du livre)
C'est ma petite-fille Emma qui m'a donné ce cahier. La couverture est en toile à sac. Dessus, il y a une fleur séchée violette et, à l'intérieur, toutes les pages sont blanches. Je suis censée trouver ça beau. Le stylo violet qui va avec colle autant aux doigts que du chewing-gum mâchouillé. « Comme ça, tu n'auras pas mal à la main, mamie », m'a dit Emma. Je me suis mise à rire. La pauvre petite, si elle savait où ma main a pu se fourrer en quatre-vingt-deux ans, et pour quoi faire ! Mais bon, je suis restée poli et, de mon ton le plus aimable, je lui ai demandé à quoi ce truc pouvait bien me servir. « A noter tes pensées. Des souvenirs, des réflexions que tu aurais envie d'écrire. Un poème, peut-être, ou une impression qui a de l'importance pour toi. »
Cette gamine m'a toujours exaspérée.
Ils se sentent tous coupables parce qu’ils m’ont mise ici, alors ils font ce qu’ils peuvent pour que je ne perde pas la boule. Pour Noël, j’ai aussi eu un puzzle (comme perte de temps, il n’y a pas mieux) et un nécessaire à broderie (j’ai toujours eu horreur de ça). Dean, mon fils, m’a même offert des albums à colorier avec trois races de chiens : un caniche, un colley et un berger allemand. Ils me croient demeurée, retombée en enfance, ou quoi ?
Alors là, ils ne me connaissent vraiment pas.
J’ai laissé trainer ces cadeaux dans la salle de détente, et ils ont été chipés en un rien de temps. Le cahier, je l’ai glissé dans le tiroir du haut de ma coiffeuse en me disant que je pourrai toujours en arracher des pages si j’ai besoin d’un bout de papier. Ce machin est aussi gros qu’une fichue bible. Je ne vois vraiment pas comment une personne seine d’esprit arriverait à la remplir. Et puis, ce matin, je me suis levée tôt, le jour commençait à peine à filtrer à travers les stores. D’habitude, avec mes pilules, je suis assommée jusqu’au petit déjeuner, à l’heure où, en déambulateur ou en fauteuil roulant, le troupeau se dirige lentement vers la salle à manger. Mais ce matin, tout était calme. Personne n'appelait de son lit, personne ne donnait de grands coups en passant la serpillère. Les téléphones ne sonnaient pas encore au poste des infirmières, les jardiniers ne déplaçaient pas les feuilles avec leur maudite souffleuse, et les camions de livraison ne stationnaient pas devant ma fenêtre, moteur en marche.

Ce matin, donc, je me suis redressée brusquement dans mon lit comme si quelqu'un venait de prononcer mon nom. Souvent, je ne réussis pas à me sortir du plumard. J'y reste toute la journée, je somnole, je me réveille, je me rendors. Pour me calmer les nerfs, je force un peu sur mes chères petites pilules. Parfois des pans entiers de la journée s'effacent. Ça ne me dérange pas. Mais aujourd'hui, je me suis réveillée avec les idées on ne peut plus claires. Après un passage aux toilettes, je me suis assise à ma coiffeuse et je me suis mise à écrire.

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
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30 janvier 2011

Le pingouin – Andreï Kourkov

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Liana Levi – mars 2000 – 276 pages

Points – avril 2004 – 288 pages

Liana Levi - avril 2005 – 273 pages

traduit du russe par Nathalie Amargier

Quatrième de couverture :
A Kiev, Victor Zolotarev, journaliste au chômage, et son pingouin dépressif Micha, rescapé du zoo, tentent péniblement de survivre. Lorsque le patron d'un grand quotidien offre à Victor d'écrire les nécrologies de personnalités pourtant bien en vie, celui-ci saute sur l'occasion. Mais un beau jour, ces « petites croix » se mettent à disparaître à une vitesse alarmante... Crimes commandités par la mafia ou règlements de comptes politiques ?

Auteur : Écrivain ukrainien de langue russe né en 1961, Andreï Kourkov vit actuellement à Kiev. Très doué pour les langues étrangères – il en parle neuf – , il commence sa carrière littéraire pendant son service militaire où il est gardien de prison à Odessa, l’emploi idéal pour écrire… Son premier roman paraît en 1991, mais c’est avec Le Pingouin, paru en 2000, qu’il remporte un succès international.

Mon avis : (lu en janvier 2011)
Il y a quelques semaines, je découvrais « Les pingouins n'ont jamais froid » et lorsque j'ai vu à la bibliothèque que « Le Pingouin » était disponible, je me suis empressée de l'emprunter pour découvrir le début de l'histoire de Victor et de son pingouin Micha...
Victor est un personnage touchant et naïf, il se retrouve au centre d'histoires mafieuses depuis qu'il a accepté de rédiger des nécrologies, « des petites croix » pour le journal la Stolitchnaïa (les Nouvelles de la Capitale). Son animal de compagnie est un pingouin dépressif et maladif qui supporte mal le climat de Kiev qu'il a adopté, le zoo de la ville ne pouvant plus nourrir ses animaux. Ce livre se lit très facilement car il y a 76 chapitres pour 270 pages... C'est plein d'humour, de situations parfois cocasses ou dangereuses...
A travers ce roman décalé et un peu loufoque, le lecteur découvre la réalité sombre et anarchique de l'Ukraine ancien état de Union Soviétique.
Je me suis vraiment bien amusée à suivre les aventures de Victor et Micha !

Extrait : (page 181)
Le dégel était de retour. Début mars, il était plus que temps.

Victor attendait la belle saison, comme si la chaleur allait résoudre tous ses problèmes. Pourtant, lorsqu’il y pensait, il comprenait bien qu’il n’avait pas de réels ennuis. Il lui restait de l’argent, d’autant plus que son chef l’avait inopinément remboursé à l’aide du mystérieux « service postal nocturne » ; dans l’armoire, le sac qui contenait le pistolet recelait aussi une jolie liasse de billets verts, et même s’ils étaient à Sonia, il estimait, en tant que tuteur non officiel, avoir un droit moral sur une partie de ces dollars. Nina continuait à s’occuper de la petite du matin au soir, à la maison ou dehors, laissant Victor seul avec lui-même. Les nuits les réunissaient, et tout en sachant que ce n’était ni de l’amour, ni de la passion, il attendait que vienne le soir, son corps et ses mains l’attendaient. Pendant qu’il l’enlaçait, la caressait et faisait l’amour avec elle, il oubliait tout. La chaleur de sa peau lui semblait être ce printemps qu’il espérait avec impatience. Au milieu de la nuit, lorsqu’elle était plongée dans le sommeil, respirant avec un bruit discret, il gardait les yeux ouverts, empreint du sentiment étrange et douillet d’une vie bien ordonnée. Il pensait alors qu’il avait tout ce qu’il faut pour mener une existence normale : une femme, un enfant, un animal de compagnie. La fusion de ces quatre éléments restait artificielle, il en était conscient, mais rejetait cette idée au profit de son bien-être et de cette illusion provisoire de bonheur. Et de fait, peut-être que ce bonheur n’était pas aussi illusoire que le bon sens matinal de Victor l’affirmait. En tout cas, la nuit, il se fichait de ses réflexions du matin. La simple succession de la béatitude nocturne et du retour sur terre au réveil, la simple pérennité de cette succession semblaient démontrer qu’il était à la fois heureux et lucide. Donc tout allait bien, et la vie valait la peine d’être vécue.

Lu dans le cadre du Challenge Voisins, voisines
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Ukraine

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
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21 janvier 2011

On dirait vraiment le paradis – John Cheever

Lu dans le cadre d'un partenariat Blog-O-Book et Folio

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Éditions Joëlle Losfeld – mai 2009 -

Folio – novembre 2010 – 132 pages

traduit de l'américain par Laetitia Devaux

Quatrième de couverture :
Lemuel Sears mène une existence paisible à Manhattan. Conscient de son vieillissement, il vit dans la crainte de ne plus connaître l'amour avant de disparaître. Un jour, il se rend dans la petite ville de Janice pour patiner sur l'étang, et découvre que celui-ci est utilisé comme dépotoir. Révolté, il décide de tout mettre en œuvre pour rendre à Janice son paysage bucolique. Amené à côtoyer les riverains, il rencontrera certaines figures du crime organisé, des politiciens véreux ainsi que quelques bonnes âmes prêtes à l'aider qui utilisent pour ce faire des méthodes pour le moins radicales... Parmi ces personnes, Sears fera la connaissance d'une jeune femme dont il tombera amoureux.
On dirait vraiment le paradis, paru aux États-Unis en 1982, inédit en français, est le dernier roman de John Cheever. On y retrouve l'élégance de son style, l'humour omniprésent et l'immense tendresse qu'il porte à ses personnages.

Auteur : John Cheever (1912-1982) devient, dès les années 1930, le chef de file de l'école dite du New Yorker. Écrivain culte aux États-Unis, il est l'auteur de presque deux cents nouvelles et de cinq romans. Il est célébré par John Updike comme le meilleur styliste de sa génération, et encensé par Saul Bellow, Raymond Carver, Vladimir Nabokov ou encore Philip Roth.

 

Mon avis : (lu en janvier 2010)
« Cette histoire est destinée à être lue au lit dans une vieille maison par une soirée pluvieuse. Les chiens dorment, les chevaux de selle…s’agitent dans leurs stalles de l’autre côté du chemin en terre battue, par-delà le verger. » Voilà comment commence ce petit livre de 132 pages.
C'est peut-être parce que je n'ai pas suivi ce conseil que je n'ai pas été enthousiasmé par ce livre... Lemuel Sears est un homme âgé vivant à New-York, il retourne un jour dans sa ville natale Janice pour patiner sur l'étang de Beasley et découvre avec surprise qu'il sert de décharge. A son retour à New-York, il contacte ses avocats pour qu'ils enquêtent sur cette transformation de l'étang.
Ensuite, Sears rencontre une très jolie femme Renée, elle a moins de 40 ans, elle est agent immobilier. Elle accepte son invitation à dîner, puis et nous suivons leurs différents rendez-vous et Sears tombe vite amoureux.
A proximité de l'étang, vivent les familles Salazzo et Logan, ils sont voisins.
John Cheever va nous conter la vie de ces différents personnages et le lecteur finira par découvrir liens entre les différents personnages.
C'est très bien écrit, mais j'ai trouvé la construction de l'histoire un peu brouillonne, on passe d'un personnage à l'autre comme du coq à l'âne. La quatrième de couverture, nous vendait un livre autour de l'écologie et la protection de la nature et finalement, cette partie du livre est assez mince.

Merci à Blog-O-Book et aux éditions Folio pour ce partenariat.

Extrait : (début du livre)
Cette histoire est destinée à être lue au lit dans une vieille maison par une soirée pluvieuse. Les chiens dorment, les chevaux de selle – Dombey et Trey – s’agitent dans leurs stalles de l’autre côté du chemin en terre battue, par-delà le verger. La pluie fine est la bienvenue, même si elle n'a rien d'indispensable. Les nappes phréatiques sont à un niveau satisfaisant, la rivière voisine est bien remplie, les potagers et les vergers – c'est un moment crucial de la saison – sont parfaitement irrigués. Presque toutes les lumières sont éteintes dans le petit village non loin de la chute d'eau où la filature, voilà si longtemps, fabriquait du vichy.
Les murs en granit de la filature se dressent toujours sur les berges de la grande rivière et la demeure du propriétaire, cernée par ses quatre colonnes corinthiennes, trône encore sur la seule colline de la ville. On pourrait penser qu'il s'agit là d'un village assoupi, coupé d'un monde en pleine mutation, pourtant dans le journal hebdomadaire, on signale souvent des objets volants non identifiés. Ils ont été vus par des femmes au foyer qui étendent leur lessive ou des sportifs qui chassent l'écureuil, mais aussi par des membres éminents de la communauté tels le vice-président de la banque et l'épouse du chef de la police.
En traversant le village du nord au sud, on ne pouvait que remarquer le nombre de chiens, leur joie de vivre, et aussi qu'ils étaient, tous sans exception, des bâtards, mais des bâtards chez qui l'on distinguait encore la parenté et la race. On découvrait ainsi un caniche à poil lisse, un airedale aux pattes très courtes ou un animal qui ressemblait à un colley à l'avant et à un danois à l'arrière. Le mélange de ces sangs – un sang neuf, pourrait-on dire – donnait une meute des plus joyeuses qui filait par les rues désertes, comme si elle était en retard pour quelque réunion, dîner ou rendez-vous important, indifférente à la solitude dont semblait souffrir une partie de la population. La ville s'appelait Janice, du nom de la première épouse du propriétaire de la filature
.

Challenge 100 ans de littérature américaine 2011
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12 janvier 2011

Les pingouins n'ont jamais froid - Andreï Kourkov

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Liana Lévi – avril 2004 – 394 pages

Points – février 2005 – 397 pages

traduit du russe par Nathalie Amargier

Quatrième de couverture :
Victor, de retour d'Antarctique, n'a qu'une idée en tête : retrouver son pingouin Micha, qui a atterri dans le zoo personnel d'un richissime Moscovite. Victor parcourt l'Ukraine et la Russie et s'aventure jusque dans les plus sombres recoins de la Tchétchènie. En funambule virtuose, Kourkov sillonne le gouffre qui sépare le rire du drame avec une aisance incomparable.

Auteur : Écrivain ukrainien de langue russe né en 1961, Andreï Kourkov vit actuellement à Kiev. Très doué pour les langues étrangères – il en parle neuf – , il commence sa carrière littéraire pendant son service militaire où il est gardien de prison à Odessa, l’emploi idéal pour écrire… Son premier roman paraît en 1991, mais c’est avec Le Pingouin, paru en 2000, qu’il remporte un succès international.

Mon avis : (lu en janvier 2011)
Cela fait deux semaines que ce livre me fait « signe » sur le présentoir de la bibliothèque… La première fois, je me suis dit qu’il fallait que je lise auparavant Pingouin, mais celui-ci n’étant pas disponible je me suis dit : « Tant pis, je le lirai après celui-ci ! »
Au début du livre, Victor est en Antarctique dans la base Vernadski, il se cache. Avec un faux passeport polonais et la mission de remettre une lettre à Moscou, il trouve le moyen de rentrer en Ukraine. De retour à Kiev, il veut retrouver Micha son pingouin. Il apprend que celui-ci est à Moscou, dans un zoo privé. Mais avant de partir à Moscou, il doit s’occuper de Sonia, petite fille de 7 ans, dont il est devenu le second papa. Son voyage ne s’arrêtera pas à Moscou car Micha serait en Tchétchénie. Les aventures de Victor puis de Victor et Micha sont épiques et sont prétextes pour l’auteur de décrire les usages en vigueur dans cette région ex-soviétique où la corruption est presque devenu un art de vivre… L’histoire est rythmée, les personnages sont attachants, maintenant, j’ai vraiment très envie de découvrir la première aventure de Victor et Micha…

Extrait : (page 63)
Victor manquait de sommeil, mais la météo était revigorante. Le soleil déclinant l'aveuglait. Il prit un taxi de ligne jusqu'à la montée Kourenevski, puis termina à pied le trajet jusqu'à Nagornaïa. Il n'y avait presque pas de passants, uniquement des voitures qui filaient à toute vitesse, malgré une chaussée trouée comme du gruyère.

L'Afghan occupait le rez-de-chaussée d'un Institut de recherche, mais avait sa propre entrée. Au lieu de marches, c'était une petite rampe en béton encadrée de barrières qui conduisait au seuil. La porte double était ouverte, et Victor entra. Personne au comptoir, étrangement bas. La salle se réduisait à quelques tables, très basses elles aussi. Pas la moindre chaise. Surpris, il s'approcha du comptoir, regarda derrière. Une machine à espresso Siemens brillait de tout son chrome, près de quelques bouteilles entamées, sous des rangées bien ordonnées de verres tout propres, petits et grands, suspendus la tête en bas.

Il tira une pièce de monnaie de sa poche et frappa sur le comptoir.
- Une seconde ! cria une voix qui lui sembla familière.
Il fixa la porte blanche derrière le comptoir, entendit un grincement, et Liocha, toujours barbu, apparut dans l'encadrement, en fauteuil.
Victor le regarda avec stupeur. Il n'avait plus de jambes. Le reste était en tenue de camouflage.
- Oh ? s'étonna Liocha. C'est toi ? Ben dis donc!
Il n'ajouta rien. Sur son visage, l'embarras le disputait à l'incrédulité.
- Tu es vivant ? finit-il par dire.
- Oui. Et toi ?
Liocha eut un rire amer.
- Moi aussi. J'ai juste du mal à courir.
Il baissa les yeux sur les jambes de son pantalon militaire, roulées et attachées assez haut.
- Assieds-toi, je te prépare un café!
Victor, embarrassé, regarda autour de lui.
- Ah, c'est vrai! Va voir par là, lui indiqua Liocha en montrant la porte par laquelle il venait d'arriver. Il y a des fauteuils roulants pour les invités!
Dans le local de service, Victor découvrit trois fauteuils pliants nickelés rangés contre le mur. Il en prit un, le déplia d'un geste, s'assit, le cœur lourd, et posa les mains sur le cercle métallique externe des grandes roues. Il poussa, le fauteuil se dirigea vers la porte, roula vers le comptoir et heurta celui de Liocha, qui maniait le percolateur en expert.
- Fais pas l'idiot! Choisis une table et va t'installer!

Victor se redressa, fit passer le fauteuil, léger, par-dessus la tête de son ami, et le reposa de l'autre côté du comptoir, près de la première table. Il se rassit. A présent, le décor prenait un sens, les tables basses étaient au niveau idéal.

Liocha ne tarda pas à apporter deux cafés et un sucrier, posés sur un petit plateau fixé à son fauteuil. Il gagna la table en virtuose, s'arrêta sans que Victor comprenne comment et fit le service en un clin d'œil.
- Et voilà, dit-il en remuant son café. Ce qu'on perd d'un côté, on le gagne d'un autre...
- T'es devenu philosophe ? sourit Victor.
- Vaut mieux, sinon qu'est-ce qui me reste ?
Victor eut soudain l'impression que les mains de Liocha étaient beaucoup plus longues qu'avant. Plus longues et plus noueuses.
- Alors, qu'est-ce qui t'est arrivé?
- Tu sais, un démineur ne se trompe qu'une fois. Après, dans le meilleur des cas, il passe le reste de sa vie à le regretter... C'est ce que je fais depuis... Bousiller un enterrement pareil! Mon patron et ses deux lieutenants ont été déchiquetés; moi, j'ai juste été raccourci. Dans la même seconde, j'ai perdu mes jambes et mon travail. Plus un sou. Heureusement que j'ai eu des amis pour m'aider, dit-il en parcourant le café du regard. Me voilà patron de bar.

Liocha lui expliqua ensuite qu'officiellement ce café appartenait à l'Association des soldats internationalistes*, ce qui l'exemptait de taxes. Personne n'aurait risqué de venir fourrer son nez dans ses affaires, il n'y avait rien à tirer de ce genre d'établissement. A côté, un foyer abritait des mutilés de la guerre d'Afghanistan, entre autres.

Victor posa enfin la question qui lui tenait à cœur:
- Et Micha, qu'est-ce qu'il est devenu?
- Le pingouin?
Liocha, ennuyé, se gratta derrière l'oreille.
- On a eu un problème. Tu sais, avant ce dernier enterrement, mon patron était en mauvaise posture, on s'était fait doubler. Un jour, on avait reçu plusieurs wagons d'alcool, sans papiers, pour une valeur de trois cent mille dollars. Les papiers, on devait nous les amener le lendemain matin, mais dans la nuit, on nous a balancés à la Répression des fraudes, qui a confisqué toute la marchandise. Même pas moyen de la racheter. Et ça s'est répété. Au total, ça faisait près d'un million de dettes. Mon patron devait rembourser un type de Moscou qui a installé plusieurs stations-service ici... Du coup, ce type a pris ton Micha, en dédommagement. Il a un domaine près de Moscou, avec un zoo privé... Je n'ai rien pu faire...
- Je peux le trouver où, ce type?
- Il est reparti chez lui, à Moscou. Il s'est fait piquer ses stations-service par un de nos députés. Viré du sol ukrainien...
- Comment il s'appelle ?
- T'es sérieux, là ?
- Bien sûr.
Incrédule, Liocha secoua la tête.
- Son surnom, c'est «le Sphinx». Ilia Kovalev pour l'état civil. Il a une banque, à Moscou, la Banque commerciale du gaz. Tu te rends compte de ce que ça représente ?
- Une banque ? demanda Victor en haussant les épaules. Qu'est-ce que tu veux que ça représente ? Beaucoup d'argent, pas plus...
Liocha fit non de la tête.
- Une banque, ça veut dire des services secrets parallèles, une armée privée, la possibilité d'acheter ou de faire disparaître n'importe qui sans laisser de traces.
Victor poussa un lourd soupir.
- Tu sais que tu étais recherché, quand même ?
- Oui.
- Et ça te gêne pas de te balader comme ça en ville ?
- Je tiens à retrouver Micha.
- C'est beau, l'amour !

* Dénomination officielle de ceux que l'on envoie combattre à l'étranger.

Lu dans le cadre du Challenge Voisins, voisines
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9 janvier 2011

La double vie d’Irina - Lionel Shriver

Lu dans le cadre du partenariat  Livraddict et Belfond

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Belfond – septembre 2009 – 483 pages

Livre de Poche – octobre 2010 – 670 pages

traduit de l'américain par Anne Rabinovitch

Quatrième de couverture :
Le jour où Irina accepte de dîner seule avec Ramsey Acton, célèbre joueur de snooker et ami de son mari, elle ne se doute pas que sa vie va basculer. Qu'un instant d'hésitation va mettre son couple en question. Et que sa routine londonienne va voler en éclats. Qu'advient-il si on cède à la tentation ? Et que se passe-t-il si on n'y cède pas ? La passion amoureuse est-elle un dérivatif à une vie de couple un peu terne ? Ou bien l'homme séduisant qu'Irina a eu, l'espace d'un moment, une envie folle d'embrasser est-il l'amour de toute une vie ?

Auteur : Née en 1957 en Caroline du Nord, Lionel Shriver a fait ses études à New York. Diplômée de Columbia, elle a été professeur avant de partir parcourir le monde. Elle a notamment vécu en Israël, à Bangkok, à Nairobi et à Belfast. Après Il faut qu'on parle de Kevin (Belfond, 2006 ; Le Livre de Poche, 2008), lauréat de l'Orange Prize en 2005, La Double Vie d'lrina est son deuxième roman traduit en français. Lionel Shriver vit à Londres avec son mari, jazzman renommé.

Mon avis : (lu en janvier 2011)
Ce livre est le « bonus » que j'ai reçu avec le partenariat Livraddict et les Éditions Belfond pour « Double faute - Lionel Shriver ».
J’ai eu un peu de mal à commencer à le lire, j’ai trouvé la mise en route de l’histoire un peu longue. Irina et Lawrence sont un couple d’Américains installés en Grande Bretagne. Irina, la quarantaine, est illustratrice de livres pour enfants et partage depuis neuf ans la vie avec son compagnon Lawrence, un analyste politique souvent en voyage. Tout se passe pour le mieux pour ce couple jusqu’au jour où Irina va dîner seule avec un ami de Lawrence, le célèbre joueur de snooker Ramsey Acton. Pour Irina, ce dîner est plutôt une corvée, mais finalement la soirée est agréable et Irina tombe sous le charme de Ramsey. Et en fin de soirée, Irina est pris d’une folle envie d’embrasser Ramsey, mais par fidélité à son compagnon, elle hésite à le faire...
Et là, le lecteur découvre la construction très originale de ce roman, en effet le premier chapitre se termine avec la question suivante : Lors de ce dîner à deux, Irina a-t-elle oui ou non embrassé Ramsey Acton et été infidèle à Lawrence ? Si la réponse est oui, alors l'histoire continue dans les chapitres 2 à 12. Si la réponse est non, alors l'histoire continue dans les chapitres (2) à (11).
L'idée est originale, mais pour le lecteur les premiers chapitres X et (X) racontent pour chacune des versions une histoire assez proche et j'ai trouvé cela un peu lassant à lire... Puis, les deux histoires divergeant de plus en plus, je me suis laissée prendre au jeu.
J'ai été contente de découvrir ce livre, même s'il demande un certain effort de la part du lecteur.

Merci à Livraddict, aux Éditions Belfond et Livre de Poche pour m'avoir permis de découvrir ce livre et cette auteur.

Extrait : (début du livre)
Ce qui au départ n'avait été qu'une coïncidence était devenu une tradition : chaque année, le 6 juillet, ils dînaient avec Ramsey Acton pour son anniversaire.
Cinq ans plus tôt, en 1992, Irina et Jude Hartford, son épouse, avaient collaboré à un livre pour enfants. Jude avait fait les premiers pas. Évitant les hypocrisies en usage à Londres, du style il-faut-qu'on-se-voie-un-de-ces-jours, qui ne risquent pas d'encombrer votre planning d'une heure et d'un lieu de rendez-vous, la jeune femme avait semblé décidée à organiser un dîner à quatre afin de présenter Ramsey à son illustratrice. Ou plutôt – avait-elle rectifié –, « Ramsey Acton, mon mari ». La formule était curieuse. Irina avait supposé que Jude se glorifiait, à la manière lassante des féministes, de ne pas porter le patronyme de son époux.
Il est toujours difficile d'impressionner les ignorants. En négociant cette soirée avec Lawrence, Irina n'en savait pas assez pour préciser : « Figure-toi que Jude est mariée à Ramsey Acton. » Sinon il se serait précipité sur son agenda de l'Economist au lieu de grommeler que si elle était obligée de faire des ronds de jambe pour raisons professionnelles, elle pouvait du moins prévoir de dîner tôt puisqu'il voulait être rentré à temps pour NYPD Blue. Ne sachant pas qu'elle disposait de deux mots magiques susceptibles de vaincre l'hostilité de Lawrence pour les mondanités, Irina avait expliqué : « Jude souhaite me présenter son mari, Raymond Je-ne-sais-quoi. ».

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
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4 janvier 2011

Un monde sans fin – Ken Follett

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Robert Laffont – octobre 2008 – 1296 pages

Livre de Poche – janvier 2010 – 1337 pages

traduit de l'anglais par Viviane Mikhalkov, Leslie Boitelle et Hannah Pascal

Quatrième de couverture :
1327. Quatre enfants sont les témoins d'une poursuite meurtrière dans les bois : un chevalier tue deux soldats au service de la reine, avant d'enfouir dans le sol une lettre mystérieuse, dont le secret pourrait bien mettre en danger la couronne d'Angleterre. Ce jour scellera à jamais leurs destinées...
Gwenda, voleuse espiègle, poursuivra un amour impossible ; Caris, libre et passionnée, qui rêve d'être médecin, devra défier l'autorité de l'Église, et renoncer à celui qu'elle aime ; Merthin deviendra un constructeur de génie mais, ne pouvant épouser celle qu'il a toujours désirée, rejoindra l'Italie pour accomplir son destin d'architecte ; Ralph son jeune frère dévoré par l'ambition deviendra un noble corrompu, prêt à tout pour satisfaire sa soif de pouvoir et de vengeance.
Prospérités éphémères, famines, guerres cruelles, ravages féroces de la peste noire...

Auteur : Ken Follett est né au pays de Galles, en 1949. Dès son premier roman, en 1978 (L'Arme à l'œil), qui reçoit le grand prix Edgar du roman policier, il s'est imposé comme l'un des plus grands auteurs de romans d'espionnage. Peur blanche, Le Vol du frelon, Le Réseau corneille ont été traduits dans plus d'une vingtaine de pays. Trois de ses plus grands best-sellers ont été également adaptés au cinéma (Les Lions du Panshir, Le Code Rebecca et Le Troisième Jumeau).

Mon avis : (lu en décembre 2010)
J'avais lu il y a très longtemps Les piliers de la Terre que j'avais beaucoup aimé. Dans Un monde sans fin, on retrouve le même esprit. L'action se déroule deux siècles plus tard, au XIVème siècle dans la ville anglaise de Kingsbridge. Nous suivons pendant plus de trente ans, plusieurs intrigues autour de nombreux personnages : le plus attachants sont Caris et son esprit de femme moderne, Merthin le bâtisseur visionnaire, Gwenda.
Ken Follett décrit avec beaucoup de précisions les détails de la vie quotidienne à cette époque, comme la façon de travailler, de se nourrir, les maladies, le poids du servage. On découvre les luttes de pouvoir entre le Roi, l'Église et les marchands, on voit déjà pointer le commerce mondiale. Le lecteur est happé par une histoire captivante avec de nombreux rebondissements, mêlant le romanesque, le romantisme et un peu d'érotisme, mais aussi les injustices et la violence.
Il est question de la rénovation de la cathédrale, de l'effondrement et de la reconstruction du pont, d'une épidémie de peste... J'ai dévoré sans aucune difficulté les 1300 pages de ce livre avec beaucoup de plaisir et d'intérêts. L'histoire est passionnante !

Ce livre a été classé à tort dans la catégorie Polar pour le Baby-Challenge, il s'agit plutôt d'une fresque historique.

Extrait : (début du livre)
Gwenda n’avait pas peur du noir, et pour tant elle n’avait que huit ans.
  Quand elle ouvrit les yeux et ne vit que l’obscurité autour d’elle, elle n’en fut aucunement effrayée. Elle savait où elle se trouvait : étendue à même le sol sur de la paille, auprès de sa mère, dans le long bâtiment en pierre du prieuré de Kingsbridge qu’on appelait l’hospice. À en juger d’après la chaude odeur de lait qui chatouillait ses narines, Ma devait nourrir le bébé qui venait de naître et n’avait pas encore de nom. À côté d’elle, il y avait Pa et, juste après, Philémon, son frère de douze ans. Plus loin, d’autres familles se serraient les unes contre les autres, comme des moutons dans un enclos. Mais, bien que la salle soit bondée, dans le noir, on ne les distinguait pas. On sentait seulement l’odeur puis sante de leurs corps chauds.
  La naissance de l’aube annoncerait la Tous saint – fête d’autant plus remarquable cette année qu’elle tombait un dimanche. La nuit sur le point de s’achever clôturait une journée de grands dangers car, en cette veille du jour où l’on célébrait tous les saints, les esprits malins se déchaînaient et rôdaient en liberté de par le monde. Tout un chacun le savait, et Gwenda ne faisait pas exception. C’était pour se tenir à l’écart de ce péril que les centaines de fidèles à l’instar de sa famille étaient venus des villages voisins se réfugier dans ce lieu sacré qu’était le prieuré pour y attendre l’heure de se rendre à mâtines.
  Comme toute personne dotée d’un tant soit peu de raison, Gwenda se méfiait des esprits mauvais. Toutefois, il était une chose qu’elle appréhendait plus encore, une chose qu’elle devrait accomplir pendant l'office. Pour l’heure, elle s’efforçait de la chasser de ses pensées, tout en scrutant la morne obscurité alentour. Le mur en face d’elle était percé d’une fenêtre en ogive – plus exactement d’une ouverture sans vitre, car seuls les édifices les plus importants possédaient de véritables fenêtres avec des vitres, comme on le lui avait expliqué. Ici, une tenture en lin empêchait l'air froid de l'automne de pénétrer – une tenture épaisse assurément, car le mur était d'une même noirceur opaque d'un bout à l'autre. Pour une petite fille qui redoutait tant l'arrivée du matin, ces ténèbres avaient quelque chose de rassurant.

Lu dans le cadre du Challenge Voisins, voisines
voisin_voisine
Grande-Bretagne

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Lu pour le
Baby Challenge - Polar organisé par Livraddict
Livre 9/20 Médaille en chocolat

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Lu dans le cadre du Défi des Mille organisé par Fattorius

23 décembre 2010

Paranoïd Park - Blake Nelson

Lu dans le cadre du Partenariat  Blog-O-Book et Livre de Poche

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Hachette Littératures - Septembre 2007 – 214 pages

Livre de Poche - Avril 2009 – 186 pages

Livre de Poche Jeunesse - Avril 2010 – 192 pages

traduit de l'anglais (États-Unis) par Daniel Bismuth

Quatrième de couverture :
Bon, c'était la dernière semaine de l'été et on se trouvait dans le centre-ville quand Jared a suggéré qu'on fasse un tour à Paranoid Park, histoire de voir. Sur le coup, je n'ai rien dit. J'avais entendu parler de Paranoid, bien sûr, mais je n'avais jamais songé à y aller. Je me disais que ce n'était pas à ma portée. Mais lorsque j'ai fini par répondre que je ne pensais pas être prêt pour ça, Jared s'est marré et a répliqué un truc du style : " Personne n'est jamais prêt pour Paranoid Park. " Et c'est là que tout a commencé. Paranoid Park est l'histoire d'une innocence perdue, celle d'un jeune skater de dix-sept ans qui tue accidentellement un agent de sécurité. Un cadavre, pas de témoin. Sera-t-il capable d'affronter le monde réel et les conséquences de son acte ? Blake Nelson signe un thriller psychologique brillant autour des désarrois de l'adolescence. Paranoid Park a été adapté au cinéma par Gus Van Sant.

Auteur : Né à Portland, dans l’Oregon, Blake Nelson fait des études d’histoire à New York. Il est d’abord guitariste dans des groupes de trash metal. Puis il se consacre à l’écriture et rédige des chroniques pour un magazine. Depuis, Blake Nelson a publié onze romans, dont huit destinés aux adolescents.

Mon avis : (lu en décembre 2010)
« Paranoïd Park. C'est là que ça a commencé. » Paranoid Park est un parc mal famé de Portland où se retrouvent les meilleurs skaters de Californie et de la côte Est. Non loin de là, un jeune skateur de 17 ans est devenu meurtrier malgré lui, il s'est laissé entraîner par un jeune zonard à aller « brûler un dur », c'est à dire grimper dans un train marche alors que celui-ci roule à faible allure. Un agent de sécurité armé d’une matraque le repère et, pour se défendre, il lui donne un coup de skate sur la tête, le vigile tombe et se fait écraser par le train. Un cadavre, pas de témoin, que doit-il faire ? Appeler la police ? En parler à ses parents qui sont en train de se séparer ? Impossible. Comment doit-il assumer les conséquences de cette nuit de cauchemar ?
Le livre est écrit comme une confession à la première personne du jeune garçon, l'écriture est proche du langage parlé, il raconte non seulement les faits mais aussi les diverses émotions par lequel il passe. L'histoire est captivante car le récit nous livre peu à peu ses révélations avec parfois des rebondissements ce qui tient en haleine le lecteur du début à la fin. On a vraiment l’impression de lire le témoignage d’une aventure vécue.

Ce livre a été adapté au cinéma dans un film réalisé par Gus Van Sant avec Gabriel Nevins, Jake Miller, Daniel Liu. Je n'ai pas vu le film, mais après la lecture de ce livre, j'ai très envie de le découvrir.

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Merci à Blog-O-Book et au Livre de Poche pour m'avoir permis de découvrir ce livre.

Extrait : (page 85)
Qu'est-ce qui déconnait chez moi ? J'aurais voulu pleurer encore mais j'étais à sec. Je me suis demandé combien de temps ça allait mettre pour passer. J'ai essayé de m'imaginer dans cinq ans, ou dans dix ; est-ce que je pourrais encore marcher dans la rue ?
Encore était-ce le meilleur scénario possible. Il y avait toujours le risque de se faire poisser.
J'ai poursuivi mon chemin. J'ai observé les gens qui rentraient du boulot. Ils étaient en costume, en tenue de travail, et ils montaient dans de chouettes bagnoles. Ils trimbalaient probablement un passé – des erreurs, des mauvaises actions qu'ils avaient commises. Tel était sans doute le lot de chacun. J'ai pensé aux soldats en Irak, au Vietnam, et dans toutes les autres guerres. Eux devaient tuer des gens. Et ils devaient vivre avec ça. Tous les soldats faisaient de même depuis des siècles. Et ce n'était pas comme si le fait de tuer des gens était quelque chose d'insolite, qui n'arrivait jamais. A la télé, c'était toutes les deux minutes et demie que quelqu'un se faisait tuer. Et que faisait-on dans les jeux vidéo à part dézinguer des gens ?
Mais qu'est-ce qu'on était supposé faire avec ce poids ? Une fois qu'on l'avait sur soi ? Être un homme, tout bonnement ? Prendre sur soi, et puis voilà ? Peut-être bien. Peut-être que c'était là le vrai test. Peut-être que c'était exactement ça qui faisait de vous un homme : avoir la capacité de fonctionner tout en ayant le pire secret en tête. Ce pour quoi tant d'hommes adultes semblaient si ridicules. Ils n'avaient jamais senti ce poids. Ils n'avaient jamais senti cette responsabilité. Ils n'avaient pas passé le test, n'avaient pas fait leurs preuves ; c'étaient des petits garçons en habits d'adulte.
Comme mon père.

19 décembre 2010

Double faute - Lionel Shriver

Lu dans le cadre du partenariat  Livraddict et Belfond

double_faute Belfond – octobre 2010 – 444 pages

traduit de l'américain par Michèle Lévy-Bram

Quatrième de couverture :
Après Il faut qu'on parle de Kevin et La Double Vie d'Irina, Lionel Shriver passe à nouveau le couple au vitriol de sa plume impitoyable. Un roman magistral sur le pouvoir, l'ambition et le mariage, une brillante déconstruction du sentiment amoureux, pour une réinterprétation virtuose de la guerre des sexes. Un soir, à New York, lors d'un match de tennis improvisé, Willy rencontre Eric. Elle est joueuse professionnelle, battante et accrocheuse, il est tennisman dilettante mais étonnamment doué. Entre eux, c'est le coup de foudre. Ils se marient. Et les difficultés commencent. Car la douceur des débuts dans Ripper West Side fait bientôt place à la compétition. Une rivalité professionnelle et amoureuse acharnée, jusqu'à l'ultime balle de match, ce moment décisif où aucune faute n'est plus permise et où Willy aura à faire un choix crucial.

Auteur : Née en 1957 en Caroline du Nord, Lionel Shriver a fait ses études à New York. Diplômée de Columbia, elle a été professeur avant de partir parcourir le monde. Elle a notamment vécu en Israël, à Bangkok, à Nairobi et à Belfast. Après Il faut qu'on parle de Kevin (Belfond, 2006 ; J'ai lu, 2008), lauréat de l'Orange Prize en 2005, et La Double Vie d'Irina (Belfond, 2009 ; J'ai lu, 2010), Double faute est son troisième roman traduit en français. Lionel Shriver vit à Londres avec son mari, jazzman renommé.

Mon avis : (lu en décembre 2010)
Dans ce livre, il est question de tennis et d'amour. Et dès les premières phrases du livre, le lecteur est plongé dans le monde du tennis. Willy, l'héroïne de l'histoire, est sur le court, elle y fait un match et elle vient de faire un service face au soleil. C'est à cet instant qu'elle va faire la connaissance d'Eric, il est en train de l'observer jouer à travers le grillage du terrain de tennis. De cette rencontre fortuite, une passion va naître entre Willy et Eric, et rapidement ils vont se marier.
Depuis l'âge de cinq ans, Willy ne pense que tennis. A l'âge de dix-sept ans elle rencontre Max Upchurch qui accepte de l'entraîner dans son école de tennis. Elle n'a jamais été encouragé par ses parents à réussir dans cette voie, malgré cela, elle passe professionnelle tout en préparant une licence d'espagnol. Elle est fonceuse et battante, elle veut à tout prix monter dans le classement WTA.
Eric a toujours été idolâtré par ses parents, qui le voit comme le fils parfait. Il a commencé à jouer au tennis à l'âge de dix-huit ans et après son diplôme en Mathématique à l'Université de Princeton, il s'est donné deux ans pour devenir professionnel dans le tennis. Il est naturellement doué et il joue pour le plaisir que cela lui procure.

Avec ce livre, l'auteur (qui est une femme contrairement à ce pourrait faire penser son prénom) va analyser l'évolution des relations de ce jeune couple uni par la passion du tennis. Rapidement il va se créer au sein du couple une rivalité aussi bien sur les courts de tennis que dans la vie de tous les jours.

J'ai eu un peu de mal à rentrer dans cette histoire où le tennis est omniprésent, nous avons droit à de longues descriptions d'échanges de balles, de séances d'entrainements... J'aime regarder un match de tennis à la télévision, mais sans image, c'est vite rébarbatif ! Les personnages de Willy et Eric ne sont pas vraiment attachants, mais plutôt agaçants. Willy devient touchante dans les toutes dernières pages. J'ai donc un avis mitigé sur ce livre, l'histoire est intéressante, en particulier pour ceux qui connaissent un peu le tennis, mais j'ai trouvé certains passages un peu long.

Merci aux Éditions Belfond et à Livraddict de m'avoir permis de découvrir ce livre. Et en bonus pour ce partenariat, le livre précédent de Lionel Shriver, La double vie d'Irina, qui sortait en Livre de Poche, nous a été envoyé. Je le lirai donc prochainement.

Extrait : (début du livre)
La balle, en apesanteur, se figea au sommet de sa course. Servie face au soleil, elle l'éclipsa exactement. Willy laissa retomber son bras derrière son dos. La couronne flamboyante s'imprima sur sa rétine, un cercle de feu qui lui ferait jouer le reste du point en aveugle.
Clac. La gêne devait être négligeable, car la balle tomba pile dans le carré de service avant de poursuivre, en toute intégrité, sa véloce trajectoire pour se ficher, bing, dans un losange du grillage. Randy lutta pour l'extraire. Ça l'occupait.
Willy cligna des yeux. « Ne jamais regarder le soleil », lui ressassait-on quand elle était enfant. Typique de ses parents. « Ne pas regarder la gloire en face, s'effaroucher devant la beauté du métal en fusion. » Comme si, soi-même, on pouvait fondre.
Un froissement de feuilles à sa gauche, derrière le grillage, attira son attention. Le cercle de feu inscrit dans son champ de vision révéla le visage de l'inconnu dans une auréole pourpre, comme désigné à son attention par un marqueur violet. Ses doigts s'agrippaient au fil de fer galvanisé. Il avait des yeux avides et un sourire retors, d'une patience troublante, comme celui du lion nonchalant qui, à l'ombre, attend toute la journée que son repas passe à proximité. Ce dégingandé était jeune, avec un front qui tendait à se dégarnir. Il était trop blanc pour faire partie des résidents du Harlem voisin, ces garçons qui récupéraient les balles perdues pour jouer au stick-ball. Il avait, sans nul doute, fouillé les fourrés à la recherche de la sienne, puis il s'était arrêté pour la regarder jouer.

Livre 31/35 pour le Challenge du 5% littéraire 1pourcent2010

15 décembre 2010

Purge - Sofi Oksanen

purge_prixfemina_etranger Stock – août 2010 – 408 pages

traduit du finnois par Sébastien Cagnoli

Prix Fémina étranger 2010

Quatrième de couverture :
« Un vrai chef-d’oeuvre. Une merveille. J’espère que tous les lecteurs du monde, les vrais, liront Purge. »
Nancy Huston

En 1992, l’union soviétique s’effondre et la population estonienne fête le départ des Russes. Mais la vieille Aliide, elle, redoute les pillages et vit terrée dans sa maison, au fin fond des campagnes.
Ainsi, lorsqu’elle trouve Zara dans son jardin, une jeune femme qui semble en grande détresse, elle hésite à lui ouvrir sa porte. Ces deux femmes vont faire connaissance, et un lourd secret de famille va se révéler, en lien avec le passé de l’occupation soviétique et l’amour qu’Aliide a ressenti pour Hans, un résistant. La vieille dame va alors décider de protéger Zara jusqu’au bout, quel qu’en soit le prix.

Auteur : Sofi Oksanen est née en Finlande en 1977, d’une mère estonienne et d’un père finlandais. Elle est devenue en trois romans et quelques pièces de théâtre un personnage incontournable de la scène littéraire finlandaise. Purge a marqué la consécration de l’auteur, qui a reçu en 2008 l’ensemble des prix littéraires du pays, mais le roman a également enrichi le débat historiographique sur cette période de l’occupation soviétique.

Mon avis : (lu en décembre 2010)
Ce livre nous raconte l'histoire d'un pays l'Estonie, à travers le destin de deux femmes. L'auteur, Sofi Oksanen est née d'un père finlandais et d'une mère estonienne.
En 1992, l'Estonie est indépendante depuis peu, Aliide est une vieille Estonienne qui vit seule dans une ferme isolée. Un matin, elle trouve Zara dans son jardin. Elle est apeurée et dans un triste état.
Peu après la chute de l'URSS, Zara a quitté Vladivostok, elle espère gagner de l'argent à l'Ouest, et elle se laisse entraîner à Berlin et se trouve piégée par une filière de prostitution.
Aliide a elle-aussi subit des violences morales et physiques durant la Seconde Guerre Mondiale. Sa rencontre avec Zara va réveiller en elle de vieux souvenirs et secrets qu'elle avait voulu oublier. Après un temps d'observation, elles vont chacune à leur tour s'avouer mutuellement les violences et les humiliations qu'elles ont subies. Certains passages sont crus et aucun détail nous est épargné...
Au début du livre, une carte nous permet de situer les lieux évoqués dans le livre, à la fin, une chronologie de l'histoire de l'Estonie permet au lecteur de mieux se repérer. C'est bien utile.
L'histoire de ces deux femmes est comparable à celle de l'Estonie qui a subit, en 1939, l'occupation de l'Armée rouge, puis en 1941, celle des Allemands, en 1944, l'Estonie est reprise par les Russes et enfin elle obtient son indépendance le 19 août 1991. Un livre fort et poignant à découvrir !

Extrait : (page 16)
1992, ESTONIE OCCIDENTALE
C’est toujours la mouche qui gagne Aliide Truu fixait une mouche du regard et la mouche la fixait aussi. Elle avait des yeux globuleux et Aliide en avait la nausée. Une mouche à viande. Exceptionnellement grosse, bruyante, et qui ne demandait qu’à pondre. Elle guettait pour aller dans la cuisine et se frottait les ailes et les pattes, sur le rideau de la chambre, comme si elle s’apprêtait à passer à table. Elle était en quête de viande, de viande et rien d’autre. Les confitures et autres conserves ne craignaient rien, mais la viande… La porte de la cuisine était fermée. La mouche attendait. Elle attendait qu’Aliide se lasse de la traquer dans la chambre et qu’elle sorte, qu’elle ouvre la porte de la cuisine. La tapette fouetta le rideau de la chambre. Le rideau ondula, chiffonnant les fleurs de dentelle et dévoilant furtivement les oeillets d’hiver derrière la fenêtre, mais la mouche se déroba et alla déambuler sur la vitre à une bonne distance au-dessus de la tête d’Aliide. Du calme ! Elle en avait besoin, maintenant, pour garder la main ferme. La mouche avait réveillé Aliide ce matin-là en se promenant tranquillement sur ses rides comme sur une route nationale, l’asticotant avec impertinence. Aliide avait arraché sa couverture et s’était empressée de fermer la porte de la cuisine avant que la mouche ne parvienne à s’y glisser. Qu’est-ce qu’elle était bête. Bête et méchante. La main d’Aliide agrippa le manche de bois de la tapette lustré par l’usure, et elle frappa de nouveau. Le cuir craquelé de la tapette heurta la vitre, la vitre vibra, les anneaux cliquetèrent et la corde de coton servant de tringle fléchit derrière le cache-tringle, mais la mouche narquoise prit encore la tangente. Bien qu’Aliide tentât depuis une bonne heure de lui régler son compte, la mouche était sortie victorieuse de chaque round, et elle voletait maintenant au ras du plafond en bourdonnant grassement. Une mouche à viande dégueulasse, élevée dans une fosse à ordures. Elle finirait quand même par l’avoir. Elle allait se reposer un peu, la liquider, et puis se consacrer à écouter la radio et faire des conserves. Les framboises l’attendaient, et les tomates, les tomates mûres et juteuses.
Cette année, la récolte avait été particulièrement bonne. Aliide rajusta les rideaux. La cour pluvieuse dégoulinait de gris, les branches mouillées des bouleaux frémissaient, les feuilles ratatinées par la pluie, les herbes oscillaient et de leurs pointes suintaient des gouttelettes. Et dessous, il y avait quelque chose. Un ballot. Aliide s’abrita derrière le rideau. Elle jeta un œil à l’extérieur, tira le rideau de dentelle devant elle pour qu’on ne la voie pas de la cour, et retint son souffle. Ses yeux passèrent outre les pâtés de mouches sur la vitre et se concentrèrent sur le gazon au pied du bouleau fendu par la foudre. Le ballot ne bougeait pas et il n’avait rien de spécial à part sa taille.
L’été dernier, sur ce même bouleau, la voisine Aino avait été témoin d’un phénomène lumineux tandis qu’elle se rendait chez Aliide, du coup elle n’avait pas osé aller jusqu’au bout, elle avait rebroussé chemin et téléphoné à Aliide pour lui demander si tout allait bien chez elle, s’il n’y avait pas un ovni dans sa cour. Aliide n’avait rien remarqué d’anormal, mais Aino était certaine qu’il y avait des ovnis devant la maison d’Aliide, exactement comme chez Meelis. Depuis, Meelis ne parlait plus que d’ovnis. Le ballot avait quand même l’air d’être de ce monde, assombri par la pluie, il se fondait dans le terrain, il était de taille humaine. Peut-être un des poivrots du village s’était-il endormi dans sa cour. Mais Aliide n’aurait-elle pas entendu, si on avait fait du vacarme sous sa fenêtre ? Elle avait l’ouïe fine, Aliide. Elle sentait l’odeur de la vinasse à travers les murs. Récemment, une bande de poivrots du voisinage était passée devant chez elle avec un tracteur et de l’essence volée, et ce bruit n’avait pas pu passer inaperçu. À plusieurs reprises, ils avaient traversé le fossé et quasiment arraché la clôture d’Aliide. Ici, il n’y avait plus que des ovnis, des vieux et une horde de voyous mal dégrossis. Plus d’une fois, la voisine Aino avait débarqué chez elle au milieu de la nuit, quand les garçons devenaient violents. Aino savait qu’Aliide n’avait pas peur des garçons et qu’elle leur tiendrait tête en cas de besoin.

Lu dans le cadre du Challenge Voisins, voisines
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Finlande / Estonie

Livre 30/35 pour le Challenge du 5% littéraire 1pourcent2010

Lu dans le cadre du Challenge Viking Lit' Viking_Lit

7 décembre 2010

La malédiction des Colombes - Louise Erdrich

la_mal_diction_des_colombes Albin Michel – août 2010 - 496 pages

traduit de l’américain par Isabelle Reinharez

Quatrième de couverture :
"L’homme répara le fusil et la balle glissa en douceur dans la chambre. Il l’essaya plusieurs fois, puis se leva et se tint au-dessus du berceau... L’homme épaula le fusil. Autour de lui, dans la pièce close, l’odeur du sang frais montait de toute part."

Considérée comme l’une des grandes voix de la littérature américaine contemporaine, Louise Erdrich bâtit, livre après livre, une œuvre polyphonique à nulle autre pareille. Dans ce roman riche et dense, elle remonte le fil de l’histoire collective et individuelle, explore le poids de la culpabilité et le prix de l’innocence.

Depuis toujours, la petite ville de Pluto, Dakota du Nord, vit sous "la malédiction des colombes" : les oiseaux dévorent ses maigres récoltes comme le passé dévore le présent. Nous sommes en 1966 et le souvenir de quatre innocents lynchés cinquante ans auparavant hante toujours les esprits. En écoutant les récits de son grand-père indien qui fut témoin du drame, Evelina, une adolescente pleine d’insouciance, prend conscience de la réalité et de l’injustice…

Auteur :  Karen Louis Erdrich est née le 7 juillet 1954 à Little Falls, dans le Minnesota, d'une mère ojibura (famille des Chippewa), donc amérindienne, et d'un père germano-américain. Elle grandit dans le Dakota du Nord, aux États-Unis, où ses parents travaillaient au Bureau des Affaires Indiennes.
Elle rencontra Michael Dorris, un autre auteur de la Renaissance amérindienne, au Dartmouth College, où ils enseignaient tous les deux, et ils se marièrent en 1981. Elle adopta les trois enfants de Michael, Reynold Abel, Jeffrey Sava et Madeline Hannal, et le couple en eut trois autres, Persi Andromeda, Pallas Antigone et Aza Marion. Ce couple était aussi uni dans le travail et chacun contribua au travail de l'autre. Ils écrivirent même ensemble sous le pseudonyme de Milou North.
Elle vit désormais dans le Minnesorta avec ses filles et est la propriétaire d'une petite librairie indépendante appelée Birchbark Books, "birchbark" signifiant "écorce de bouleau" en anglais.
Le premier livre qu'elle publie est un recueil de poèmes intitulé Jacklight. Elle obtient le prix du Meilleur roman décerné en 1985 par le Los Angeles Times. Son oeuvre se distingue par sa prose lyrique, le thème récurrent de la magie et les personnages Indiens.

Mon avis : (lu en décembre 2010)

J'ai découvert avec bonheur Louise Erdrich avec son livre « La Chorale des Maîtres Bouchers ». J'avais donc hâte de découvrir ce livre d'autant que j'ai eu l'occasion de voir l'interview de Louise Erdrich à La Grande Librairie et qu’elle m'a beaucoup plu. C'est grâce à ce livre, que j'ai découvert l'origine amérindienne de Louise Erdrich.

L'histoire se déroule autour d'une réserve indienne du Dakota du Nord et de la petite ville voisine de Pluto  qui vit sous « la malédiction des colombes » : les oiseaux dévorent ses  récoltes.

L'auteur nous raconte la vie de plusieurs personnages, Evelina, le juge Coutts, le prédicateur Billy et sa femme Marn et enfin le Docteur Cordelia. A travers toutes ces voix et les péripéties qu'elles nous racontent, le lecteur découvre  la grande Histoire de Pluto, ce village peuplé d'indiens et de métisses issus de quatre anciennes familles (Milk, Harp, Peace, Coutts). Un drame a eu lieu dans le village des années auparavant et il a marqué très fortement ses habitants : une famille du village a été assassinée et des indiens présumés coupables ont été injustement lynchés.
Dans ce livre, nous croisons de nombreux  personnages, sur plusieurs générations, on pourrait un peu s'y perdre, mais l'auteur nous offre à la fin du livre une généalogie des personnages.

Louise Erdrich sait parfaitement raconter des histoires et le lecteur est plongé avec un total dépaysement dans la vie de cette réserve indienne où la nature fait partie intégrante de la vie de tous. De nombreux sujets sont abordés comme le racisme vis-à-vis des indiens, les sectes religieuses, l’homosexualité, la délinquance, la drogue… J’ai lu ce livre avec beaucoup de plaisir, d’émotions et également de rire.

Extrait : (début du livre)
Le fusil s'enraya après le dernier coup de feu et le bébé resta debout, cramponné aux bords du berceau, les yeux fous, hurlant à pleins poumons. L'homme s'assit dans un fauteuil capitonné et se mit à démonter son arme pour voir pourquoi elle ne tirait pas. Les cris du bébé lui mettaient les nerfs en boule. Il posa le fusil et des yeux chercha un marteau, mais aperçut le gramophone. Il s'en approcha. Il y avait déjà un disque sur le plateau, alors il tourna la manivelle et abaissa l'aiguille. Il se rassit dans le fauteuil et reprit son travail tandis que la musique inondait la pièce. Le bébé se calma. Un mystérieux solo de violon, au milieu du disque, força l'homme à s'arrêter, les pièces du fusil en main. Il se leva quand la musique s'arrêta, remonta le gramophone et remit l'enregistrement. Et cela, par trois fois. Le bébé s'endormit. L'homme répara le fusil et la balle glissa en douceur dans la chambre. Il l'essaya plusieurs fois, puis se leva et se tint au-dessus du berceau. Le violon atteignit un crescendo d'une étrange douceur. L'homme épaula le fusil. Autour de lui, dans la pièce close, l'odeur de sang frais montait de toutes parts.   

En 1896, mon grand-oncle, l'un des premiers prêtres catholiques de sang indien, lança un appel à ses paroissiens pour qu'ils se retrouvent à l'église St. Joseph le cou ceint d'un scapulaire et munis de leur missel. De là, ils iraient parcourir les champs en un long rang ondoyant, et à chaque pas chasseraient les colombes à coups de bruyantes prières. Ses ouailles s'étaient mises à la charrue et cultivaient la terre aux côtés des pionniers allemands et norvégiens. Ces gens-là, contrairement aux Français qui se mêlaient à mes ancêtres, montraient très peu d'intérêt pour les femmes indiennes et ne se mariaient pas avec elles. À vrai dire, les Norvégiens ignoraient tout le monde sauf les leurs, et entretenaient un véritable esprit de clan. Mais les colombes dévoraient leurs récoltes tout autant.   

Quand les oiseaux arrivèrent en masse, Indiens et Blancs allumèrent de grands feux et s'efforcèrent de les rabattre dans des filets. Les colombes picorèrent les semis de blé, le seigle, et commencèrent à s'attaquer au maïs. Elles dévorèrent les pousses des fleurs nouvelles, les bourgeons des pommiers, les feuilles rudes des chênes et même la balle de l'année passée. Les colombes étaient dodues, et délicieuses fumées, mais on pouvait tordre le cou à des centaines ou des milliers d'entre elles sans obtenir de diminution visible de leur nombre. Les maisons de perches et de torchis des Metis et les cabanes en écorce des Indiens s'affaissaient sous le poids des oiseaux. Qui étaient rôtis, brûlés vifs, apprêtés en tourtes, en ragoûts, mis au sel dans des tonneaux, ou assommés à coups de bâtons et laissés là à pourrir. Mais ceux qui étaient morts ne faisaient rien d'autre que nourrir les vivants, et chaque matin quand les gens s'éveillaient c'était au bruit des grattements et des battements d'ailes, des susurrations murmurantes, de l'affreux babil roucoulant, et à la vue, pour ceux dont les carreaux étaient encore intacts, des douces et curieuses têtes de ces animaux.   

Mon grand-oncle avait hâtivement fabriqué des treillis de branchages pour protéger les vitres de ce qu'on appelait, pompeusement, le presbytère. Dans un coin de cette cabane d'une seule pièce, son frère cadet, qu'il avait sauvé d'une vie de liberté excessive, dormait sur un grabat de branches de sapin et un matelas bourré d'herbe. C'était le lit le plus moelleux dans lequel il ait jamais couché, et le jeune garçon ne voulait pas le quitter, mais mon grand-oncle lui jeta des habits d'enfant de choeur et lui dit de briquer le chandelier qu'il porterait dans la procession. 

Livre 29/35 pour le Challenge du 5% littéraire 1pourcent2010

Lu dans le cadre du challenge_100_ans_article_300x225

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