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A propos de livres...
5 janvier 2009

La maladie de Sachs – Martin Winkler

la_maladie_de_Sachs la_maladie_de_sachs_p

POL – janvier 1998 – 474 pages

J'ai lu - novembre 1999 - 632 pages

prix du Livre Inter 1999

Quatrième de couverture
" Pourquoi venez-vous me voir, ce soir ? Parce que je ne sais plus quoi faire. Parce que ça fait trop longtemps que ça dure. Parce que ça ne peut plus durer. Parce que je n'ai pas trop le choix, si ça ne dépendait que de moi, vous savez, les médecins, moi, moins j'en vois, mieux je me porte... " Dans la salle d'attente du docteur Bruno Sachs, les patients souffrent en silence. Dans le cabinet du docteur Sachs, les plaintes se dévident les douleurs se répandent. Sur des feuilles et des cahiers, Bruno Sachs déverse le trop-plaint de ceux qu'il soigne. Mais qui soigne la maladie de Sachs ?

Résumé :

Etant entendu que la maladie de Sachs c’est, très certainement, additionnées à longueur d’année, celles de ses patients, parents, amis. Personne, bien sûr, ne peut soigner ça. Alors Martin Winckler, qui connaît la question de très près, va tenter cette gageure d’une description qui serait aussi une proposition de thérapie. Décrire tout à la fois le quotidien des patients et celui du médecin, dans le même mouvement, au même rythme, comprendre celui qui soigne comme lui-même comprend ses malades au point de vivre leurs souffrances réelles ou imaginaires - mais il n’est pas de souffrances imaginaires.

Ce roman est un étrange objet littéraire : indéniablement roman, avec toutes les ressources du genre, tous les registres, jusqu’au quasi policier, c’est aussi un document sur l’état de la médecine en France aujourd’hui, du côté du médecin comme de celui de ses malades et aussi une réflexion, un pamphlet, un portrait, une comédie humaine riche et contrastée.

Le procédé narratif, très simple, est d’une grande efficacité : le héros du livre, le docteur Sachs, nous est décrit par ses clients, ses amis, ses proches - de sa femme de ménage à ses collègues -, ses parents. De lui, directement, nous n’aurons que de rares documents rédigés dans sa jeunesse, par exemple, ou arrachés à ses carnets, par lesquels il essaie d’exister indépendamment du regard que l’on porte sur lui.

Mon avis : (lu en 1998)

Le docteur Sachs a de la patience, il écoute ses patients, il les rassure de leurs angoisses, il écoute leurs mots pour mieux soigner leurs maux. Ce livre est une succession de récits qui semblent anodins mais qui se rejoignent et se complètent et qui vont trouver un sens. En tant que lecteur, on se reconnaît soi-même en partie ou on reconnaît un proche dans un des patients. On est proche des situations décrites dans le livre. Ce livre nous met face à la maladie, les traitements, la mort. Nous sommes face à un médecin humain qui sait écouter ses patients pour les soigner. J’ai beaucoup aimé ce livre et j’ai trouvé le docteur Sachs très attachant et très touchant.

la_maladie_de_Sachs_film

Une adaptation cinématographique de ce livre a été faite en 1999, par Michel Deville avec Albert Dupontel. Mais c'est difficile de vouloir faire un film d'un livre de presque 500 pages. Pour ma part j'ai été un peu déçue et je suis restée sur ma faim...

Extrait :

3. UNE CONSULTATION

- Eh bien, je ne sais pas par où commencer...

Tu hoches la tête, Mmmhh. Tu pivotes vers les étagères, tu fouilles dans une des boîtes grises. Tu en sors une enveloppe brune. Tandis que je t'explique le motif de ma venue, tu sors de l'enveloppe un bristol quadrillé au format carte postale et tu le poses sur le plateau de bois peint ; tu tires un stylo plume noir de la poche de poitrine de ta blouse, tu dévisses le capuchon, tu l'ajustes sur le corps du stylo, tu tires un trait sur le bristol, tu marques la date près du bord gauche.

- Eh bien, voilà...

Penché sur le bristol quadrillé, tu écris.

*

Quand tu écris, tu te tiens voûté au-dessus du plateau de bois peint. Derrière toi, à travers les rideaux de voile jaunissants et les feuilles de plastique opaque mais translucide qui recouvrent les vitres, la grande fenêtre déverse une vive clarté. Sans lâcher ton stylo, tu tournes la tête vers moi. Les verres de tes lunettes sont légèrement teintés, je ne sais si tu regardes ma bouche ou mes yeux. De temps à autre, tu baisses les yeux vers le bristol quadrillé et tu traces quelques mots. Tu interromps parfois mon récit pour poser des questions :

- Quand est-ce que ça a commencé ? C'était la première fois ? Tous les jours ? Pendant ou entre les repas ? Y a-t-il des jours où vous ne sentez plus rien ? Et la nuit ? Et aujourd'hui, par exemple ? Est-ce que vous avez pris quelque chose contre la douleur ?

Tu commentes mes réponses d'un Mmmhh, ou d'un Je vois. Tu écris sur le bristol quadrillé, tu hoches la tête, Oui, ce doit être très pénible... Finalement, tu reposes le stylo.

Tu tournes le dos au plateau de bois peint et tu désignes le lit bas placé à deux mètres de nous, contre la cloison qui sépare le cabinet médical de la salle d'attente.

- Eh bien nous allons voir ça. Je vais vous demander de vous déshabiller et de vous allonger, si vous le voulez bien.

*

Pendant que j'enlève mes chaussures, tu traverses la pièce. De l'autre côté de la pièce, au-delà du grand rayonnage bardé de livres qui sert de paravent, j'aperçois un petit évier surmonté d'un chauffe-eau électrique, une table roulante portant des instruments divers et l'extrémité d'une table d'examen à tubulures chromées. Contre le mur, face à la porte, un pèse-bébé trône au sommet d'un meuble en pin verni.

Tu fais couler l'eau, tu verses du savon liquide dans le creux de tes mains, tu les savonnes.

- Avez-vous bon appétit ?

- Euh. c'est moyen.

Je pose mes vêtements (ma chemisette ou mon chemisier, mon short ou ma jupe) sur la chaise placée sous la fenêtre, entre le lit bas et les étagères. Tu te rinces les mains et tu les essuies avec des serviettes en papier que tu jettes dans une petite poubelle métallique à pédale. Je reste debout, en sous-vêtements. Tu reviens vers moi. Tu me désignes le lit bas.

- Installez-vous, je vous en prie.

Je fais deux pas, je m'allonge sur le drap blanc, un peu froid, un peu rêche. Ma tête s'enfonce dans un traversin un peu trop mou. Allongé le long de la cloison, j'entends des voix bruire dans la salle d'attente. Tu retires mes vêtements du dossier de la chaise, tu les reposes sur le siège que j'occupais il y a quelques instants et tu rapproches la chaise du lit bas.

Tu t'assieds près de moi.

*

Sur un petit meuble à tiroirs placé à la tête du lit bas, tu prends l'appareil à tension, je te tends le bras droit, tu l'entoures du brassard gris. Tu prends le stéthoscope, tu ajustes les écouteurs à tes oreilles, tu poses le pavillon à la saignée de mon coude, tu saisis la poire en caoutchouc de l'appareil à tension, tu visses la molette et tu te mets à gonfler. Ça serre. Du bout des doigts, tu dévisses doucement la molette. Ça siffle.

- Treize-huit, c'est bien.

Tu défais le brassard et tu le reposes sur le petit meuble à tiroirs. Brandissant le pavillon du stéthoscope, tu te penches vers moi et tu l'appliques sous mon mamelon gauche. C'est froid. De l'autre main, délicatement, tu me prends le pouls.

Tu écoutes.

- Vous avez un cœur bien régulier. Respirez profondément.

Entre deux inspirations, tu déplaces l'instrument de part et d'autre de ma poitrine, de haut en bas, puis plus à gauche.

- Bien. Asseyez-vous.

Je me redresse.

- Penchez-vous en avant.

Je m'incline. Tu fais passer le pavillon du stéthoscope dans ta main gauche, tu poses délicatement ta main droite sur mon épaule.


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