Le Club des policiers yiddish - Chabon Michael
Robert Laffont – janvier 2009 – 486 pages
traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle D. Philippe
Quatrième de couverture :
Drôle d’époque pour les Juifs. L’Alaska est leur nouvelle patrie, froide, sombre, désolée, lointaine. La vie y est dure, mais rien de neuf à ça. Les rabbins ont versé dans la criminalité, les criminels se sont tournés vers Dieu, et l’inspecteur Landsman a sombré dans la bouteille. Son mariage, sa carrière, l’alcool… Autant de problèmes dont il se passerait bien. Et puis il y a ce corps avec un trou dans la tête, en bas, dans le hall de l’hôtel.
Présentation de l'éditeur
Après le succès des Extraordinaires Aventures de Kavalier & Clay, prix Pulitzer 2001,
Le Club des policiers yiddish est le nouveau chef-d'œuvre de Michael Chabon.
Le district de Sitka, en Alaska, est le nouvel Israël. Y vivent deux millions de Juifs parlant le yiddish. L'inspecteur Meyer Landsman, de la brigade des homicides, est chargé de faire régner la paix dans cette communauté désobéissante et encline aux mystères. Ainsi, dans un hôtel minable, Landsman découvre un junkie assassiné qui s'avère être le fils du plus puissant rabbin de Sitka, le chef des verbovers, des Juifs ultra-orthodoxes. Des ordres venant de l'étranger exigent la clôture de l'enquête mais Landsman s'obstine : ce mort lui plaît et il refuse de laisser son assassinat impuni... Le rabbin aurait-il commandité le meurtre de son fils ? Dans quel but ? Et quels liens entretient la communauté verbover avec d'étranges commandos parlant hébreu ?
Dans une tradition typiquement américaine, Michael Chabon emprunte à tous les genres avec allégresse : légendes des émigrés juifs d Europe de l'Est, roman noir, roman d'anticipation, critique politique de l'après - 11 Septembre et réflexion morale sur les dérives religieuses. Hommage à Chandler et à Charyn, Le Club des policiers yiddish, lauréat du prix Hugo 2008 va être adapté au cinéma par les frères Coen (The Big Lebowski, Fargo, No Country for Old Men...) et a reçu un accueil enthousiaste aux États-Unis : « Une réussite, comme si Raymond Chandler et Philip K. Dick avaient fumé un joint en compagnie d'Isaac Bashevis Singer... » New York Review of Books.
Biographie de l'auteur
L'auteur : Michael Chabon vit en Californie, avec sa femme Ayelet Waldman, écrivain elle aussi, et leurs quatre enfants. Il est l auteur de nombreux romans et recueils de nouvelles. Les Mystères de Pittsburg (Fixot 1988, réédité en janvier 2009 dans la collection Pavillons Poche) ; Avenue de l Océan (Nouvelles, Fixot, 1991) ; Des garçons épatants (Nouvelles, Robert Laffont, 1995 et 2001) ; Les Loups-garous dans leur jeunesse (Robert Laffont, 1999). Son talent a été consacré par le prix Pulitzer pour Les Extraordinaires Aventures de Kavalier & Clay (Robert Laffont, 2004).
Mon avis : (lu en août 2009)
Au début j'ai été un peu dérouté par les termes en yiddish et en argot qui sont couramment utilisés tout au long du livre, il y a heureusement un glossaire en fin de livre.
Le livre commence dans un hôtel miteux et glauque à Sitka en Alaska, c'est la que vit l'inspecteur Landsman, dans une chambre voisine, on retrouve le corps d'un junkie tué par balle. Landsman et son co-équipier Berko commencent leur enquête... Cette enquête les va mener dans l'univers fermé des Verbovers, sorte de mafia juive orthodoxe.
L'enquête en elle-même est assez classique, mais le décor est original et l'Histoire un peu revisité : en effet l'éditeur nous dit que "le district de Sitka, en Alaska, est le nouvel Israël. Y vivent deux millions de Juifs...". Les membres de cette communauté trouvent avec leurs religions et coutumes des arrangements assez tordus et souvent risibles. A Sitka, on peut vous menacer de mort mais en même temps vous souhaiter un fraternel "bon shabbat !", parce que tout les vendredis soir, on respecte certains principes...
On rencontre des personnages originaux et attachants : l'inspecteur Landsman est un anti-héros, il est alcoolique et divorcé, son équipier Berko est un colosse indien par sa mère et juif par son père il est lui-même marié, père de 2 jeunes garçons.
On pénètre dans un univers entre réalité et imaginaire et on se trouve plongé dans cet univers juif où se mêle humour, dérision et fantaisie... J'ai passé un bon moment, mais, j'ai été un peu déçue par rapport aux critiques dithyrambiques de la quatrième de couverture.
Les frères Coen travaillent à l’adaptation de ce livre pour le cinéma. A suivre...
Extrait : (début du livre)
Neuf mois que Landsman crèche à l’hôtel Zamenhof sans qu’aucun des autres pensionnaires ait réussi à se faire assassiner. Et maintenant quelqu’un a logé une balle dans la cervelle de l’occupant du 208, un Yid du nom d’Emanuel Lasker.
- Il n’a pas répondu au téléphone, il ne voulait pas ouvrir, explique Tenenboym, le gérant de nuit, en venant tirer Landsman de son lit.
Landsman, lui, est au 505, avec vue sur l’enseigne au néon de l’hôtel situé de l’autre côté de Max Nordau Street. Celui-là s'appelle le Blackpool, mot qui revient souvent dans les cauchemars de Landsman.
- … Il a bien fallu que j'entre dans sa chambre.
Le gérant de nuit est un ancien marine américain, qui a décroché de l'héroïne dans les années 1960, après être revenu de la sale guerre cubaine. Il porte un intérêt tout maternel aux clients du Zamenhof. Il leur fait crédit et veille à ce qu'on leur fiche la paix quand c'est ce qu'ils veulent.
- Tu n'as touché à rien dans la pièce ? demande Landsman.
- Juste au fric et aux bijoux.
Landsman met son pantalon, se rechausse et remonte ses bretelles. Lui et Tenenboym tournent ensuite leurs regards vers la poignée de porte, à laquelle pend une cravate rouge barrée d'une grosse rayure marron, déjà nouée pour gagner du temps. Landsman a huit heures à tuer avant son prochain service. Huit misérables heures à biberonner dans son aquarium garni de sciure de bois. Il soupire et tend la main vers sa cravate. Il l'enfile par la tête, puis resserre le nœud. Il endosse son veston, palpe la poche poitrine à la recherche de son portefeuille et de sa plaque, tapote le sholem qu'il porte dans un holster sous l'aisselle, un Smith & Wesson à canon scié modèle 39.
- J'ai horreur de vous réveiller, inspecteur, reprend Tenenboym. Mais j'ai remarqué que vous ne dormez pas vraiment.
- Si, je dors, réplique Landsman, ramassant le verre qui ne le quitte plus en ce moment, un souvenir de l'Exposition universelle de 1977. Simplement je dors en caleçon et chemise...
Il lève son verre et trinque aux trente années écoulées depuis l'Exposition universelle de Sitka.
Un sommet de la civilisation juive dans le Nord, prétend-on, et qui est-il pour discuter ? Meyer Landsman avait quatorze ans cet été-là, il venait de découvrir les charmes des femmes juives, pour qui 1977 avait dû être en effet une sorte d'apothéose.