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A propos de livres...
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23 octobre 2010

Sans un adieu – Harlan Coben

sans_un_adieu Belfond – octobre 2010 – 459 pages

traduit de l'américain par Roxane Azimi

Quatrième de couverture :
Suspense magistral, intrigue machiavélique à souhait, tension psychologique à son comble. Des côtes australiennes aux parcs de Boston et aux banlieues new-yorkaises, le tout premier roman de celui qui allait révolutionner le monde du thriller.
Laura Ayars et David Baskin, l'ancienne top model devenue femme d'affaires et la superstar de l'équipe de basket des Celtics : un couple béni des dieux !
Mais, en pleine lune de miel, la tragédie frappe.
David part nager et disparaît.
Sans un adieu...

Accident ? Meurtre ? Suicide ? Laura se lance dans l'enquête et découvre bientôt des secrets vieux de trente ans, que ses proches ont tout fait pour enfouir...

Mensonges, trahisons, jalousies, meurtres... Quand le passé menace de ressurgir, un tueur tapi dans l'ombre est prêt à tout pour empêcher la vérité d'éclater.

Auteur : Harlan Coben est né et a grandi dans le New Jersey, où il vit avec sa femme et leurs quatre enfants. Ne le dis à personne... (2002), prix des Lectrices de Elle et adapté au cinéma par Guillaume Canet, Disparu à jamais (2003), Une chance de trop (2004), Juste un regard (2005), Innocent (2006), Promets-moi (2007), Dans les bois (2008), Sans un mot (2009) et Sans laisser d'adresse (2010).

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Dès la préface, le lecteur est prévenu, ce livre a été écrit par Harlan Coben il y a une bonne vingtaine d'années et il n'a pas voulu le réécrire et il nous livre tel quel son premier polar.
Voici un couple idéal, Laura Ayars et David Baskin. Elle est un ancien mannequin et elle dirige sa propre marque de vêtements. Lui est un grand champion de basket de l'équipe des Celtics. Ils sont tous les deux superbes et fous amoureux. Ils sont partis clandestinement pour leur lune de miel en Australie. Pour ses affaires, Laura part à un rendez-vous professionnelle. Lorsqu'elle revient à l'hôtel, David est parti nager. Malheureusement, David ne reviendra pas…
Voilà comment commence ce livre. L'histoire est bien construite : le lecteur est spectateur de l'intrigue, il comprend certaines choses avant les protagonistes, l'intrique est captivante. En effet, lorsqu'on commence ce livre, on a du mal à le lâcher, car le suspens est là en permanence, les pistes vraies et fausses sont multiples et le livre nous entraîne de rebondissements en rebondissements. Je croyais avoir compris avant la fin la conclusion de l'histoire et bien sûr je m'étais trompée...
J'ai pris vraiment beaucoup de plaisir à lire ce premier Harlan Coben, vraiment réussi.

Un grand MERCI à Romane de l'agence Athomedia et aux éditions Belfond pour l'envoi de ce livre.

Extrait : (début du livre)
PROLOGUE
29 mai 1960
CE SERAIT UNE ERREUR DE LA REGARDER EN FACE pendant qu’elle parle. Ses paroles, il le savait, n’auraient aucun effet sur lui. Son visage et son corps, si.
Tandis qu’elle refermait la porte, Sinclair pivota vers la fenêtre. Il faisait beau : dehors, un grand nombre d’étudiants se prélassaient au soleil. Quelques-uns jouaient au touch football, mais la plupart étaient allongés – les amoureux blottis l’un contre l’autre –, livres ouverts pour faire croire à leurs intentions studieuses.
Un reflet d’or attira son regard sur une chevelure blonde. Se tournant, il reconnut la jolie fille de son cours de 14 heures, entourée d’une demi-douzaine de garçons qui se disputaient son attention dans l’espoir de lui arracher son plus beau sourire. Par la fenêtre d’une chambre, on entendait beugler à travers tout le campus le dernier single de Buddy Holly. Il jeta un nouveau coup d’œil sur la ravissante blonde qui n’arrivait pas à la cheville de la beauté brune derrière lui.
— Alors ? fit-il.
À l’autre bout de la pièce, la sublime créature hocha la tête avant de se rendre compte qu’il lui tournait le dos.
— Oui.
Il poussa un énorme soupir. Sous la fenêtre, quelques-uns des garçons s’écartèrent de la blonde, la mine déconfite, comme s’ils venaient de se faire éliminer de la compétition, ce qui du reste devait être le cas.
— Tu es sûre ?
— Évidemment.
Sinclair hocha la tête sans trop savoir pourquoi.
— Et que comptes-tu faire ?
Elle le contempla, incrédule.
— Corrige-moi si je me trompe, commença-t-elle avec une exaspération manifeste, mais il me semble que ça te concerne aussi.
Une fois de plus, il hocha la tête, sans aucune raison apparente. Dehors, sur la pelouse, un autre garçon s’était fait éjecter du ring. Ne restaient en lice que deux candidats aux faveurs potentielles de la blonde. Il reporta son attention sur la partie de touch football et suivit des yeux le ballon qui traversait lentement l’air humide. Un garçon au torse nu tendit les mains. Le ballon décrivit une spirale, rebondit sur le bout de ses doigts et retomba à terre. Sinclair se concentra sur le jeu, partageant la déception du joueur, s’efforçant d’ignorer l’emprise qu’elle exerçait sur son esprit. Son regard revint par inadvertance sur la blonde. Elle avait fait son choix. Tête basse, le perdant s’éloigna, bougon.
— Tu veux bien te retourner, dis ?
Un sourire joua sur ses lèvres. Il n’était pas fou au point de s’exposer à son arsenal dévastateur, de se laisser prendre dans ses filets. Il regarda le jeune homme qui avait réussi à conquérir la blonde. Même de sa fenêtre au premier étage, on pouvait lire la concupiscence dans les yeux agrandis du garçon, lorsqu’il s’empara de la proie tant convoitée et l’embrassa. Ses mains se mirent à vagabonder.
Le butin au vainqueur.
Il se tourna vers la bibliothèque. Maintenant que leur relation avait pris un tour plus physique, il avait l’impression de violer l’intimité du jeune couple. Il glissa une cigarette dans sa bouche.
— Va-t’en.
— Quoi ?
— Va-t’en. Fais ce que tu veux, mais je ne veux plus te voir ici.
— Tu n’es pas sérieux.
— Si.
Il alluma la cigarette.
— On ne peut plus sérieux.
— Mais j’allais annoncer…
— N’en parle à personne. C’est déjà allé trop loin.
Il y eut un moment de silence. Lorsqu’elle reprit la parole, ce fut d’un ton implorant, un ton qui lui écorcha les nerfs.
— Mais je croyais…
Il tira sur sa cigarette comme s’il avait voulu la terminer en une seule bouffée.
De la pelouse lui parvint le bruit retentissant d’une gifle. La blonde avait coupé court aux débordements hormonaux du jeune homme qui avait tenté de franchir le stade du simple pelotage.
— Eh bien, tu as eu tort. Maintenant va-t’en.
Sa voix n’était plus qu’un murmure.
— Salaud.

Livre 17/21 pour le Challenge du 3% littéraire 1pourcent2010

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20 octobre 2010

Haïti kenbe la ! - Rodney Saint-Eloi

Livre lu dans le cadre du partenariat Livraddict et Michel Lafon

haiti_kenbe_la Michel Lafon – septembre 2010 – 266 pages

Préface de Yasmina Khadra

Quatrième de couverture :
" J'ai écrit ce livre pour faire taire en moi les fureurs du goudou-goudou, ce séisme désormais ancré dans les entrailles de tous les Haïtiens. Haïti, en plus de la violence de l'Histoire, de la misère, n'avait pas besoin de séisme. C'est une violence de trop. L'esclavage, la colonisation, l'exploitation, les occupations auraient amplement suffi. La nuit, je me sens balancé. La terre vacille au moindre mouvement. Je me mets à lire ou à écrire pour oublier que la terre, qui sait nourrir, peut aussi trembler et tuer. J'ai écrit ce livre pour dire que la vie ne tremble jamais. Un peuple debout cherche sa route, à la lueur des bougies. Un peuple debout cherche de l'eau et du pain, et enterre ses morts. Car les morts savent traverser les jardins et frapper aux fenêtres des rêves pour apporter aux vivants l'espoir. "
Rodney Saint-Eloi

Auteur : Né à Cavaillon au sud d'Haïti, Rodney Saint-Eloi partage son temps entre l'écriture et l'édition. Ecrivain, professeur de littérature, activiste culturel, il a fondé en 1991 à Port-au-Prince les éditions Mémoire et en 2001 à Montréal les éditions Mémoire d'encrier, qui publient de nombreux ouvrages d'auteurs haïtiens, caribéens et africains.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Le titre de ce livre en créole signifie Haïti, redresse-toi ! Ce livre est le témoignage de Rodney Saint-Eloi qui était à Haïti, le 12 janvier 2009 lors du séisme. Vivant d'ordinaire à Montréal, il était là avec Dany Laferrière et d'autres écrivains venus à Port au Prince à l'occasion du Festival Étonnants Voyageurs.
On donne des noms aux tempêtes et aux cyclones, mais pas aux tremblements de terre, alors Rodney Saint-Eloi le nomme goudou-goudoupour nommer, par les sons, les vacillements et les balancements, la terre qui a tremblé.») et en 35 secondes le pays bascule dans l’horreur.
Pour exorciser sa peur après le tremblement de terre, Rodney Saint-Eloi nous raconte les cinq jours qu'il passe au milieu d'un pays en ruines. Il décrit la terre qui vacille, qui balance, qui tremble, qui se crevasse, les bâtiments qui se fendillent et qui s'ouvrent et s'affaissent... Et puis c'est le silence. Puis les appels aux secours. Il raconte que c'est grâce à un transistor qu'il apprend l'ampleur de la catastrophe : un séisme de magnitude 7,3 qui a frappé Haïti. Les communications sont coupées avec le pays mais aussi avec le monde entier. Mais naturellement, l'entraide s'organise. Il raconte la souffrance, l'espérance, la dignité du peuple haïtiens.
Au fil de son récit, Rodney Saint-Eloi revient sur l'histoire de son pays, sur la violence de la société haïtienne, sur le passé colonial, sur la pauvreté matérielle du pays et la particularité de sa richesse culturelle.
J'ai lu d'une traite ce livre fort et bouleversant que je conseille à ceux qui veulent connaître un peu plus Haïti.

Merci à Livraddict et aux éditions Michel Lafon pour m'avoir permis de découvrir ce superbe témoignage.

Extrait : (début du livre)
- Ça va ?
- Oui... Ça va... Maman est sous les décombres.
- Attention... Les trous pour les cadavres, ça doit aller jusqu'à huit pieds.
C'est au milieu de ses voix atones que je me réveille. On réapprend à parler bref. L'expression est pressante et grave. On emploie les termes exacts. On évite paraphrases et hyperboles. La parole est transparente, sans anicroches ni détours. Pas de mais. Pas de si. Pas de quoique. Aucune incise n'est permise. On touche à la chair des mots.
- Ça va... Maman est sous les décombres. La maison s'est effondrée.
- Il ne reste plus de pays.
- La terre nous a trahis.
- La terre a fait goudou-goudou.

Goudou-goudou pour nommer, par les sons, les vacillements et les balancements, la terre qui a tremblé.
Les voix sont lourdes de chocs et de violences.
La terre a fait goudou-goudou.
Plus rien !

Et la nuit a été si longue...

Trente-cinq secondes.
Trente-cinq secondes.
Et tout tremble avec la terre.
Trente-cinq secondes de saccage.

Livre 16/21 pour le Challenge du 3% littéraire 1pourcent2010

Autres livres autour de Haïti :
yanvalou_pour_Charlie Yanvalou pour Charlie – Lyonel Trouillot
tonton_clarinette_p Tonton Clarinette – Nick Stone

en_attendant_la_mont__des_eaux En attendant la montée des eaux – Maryse Condé

18 octobre 2010

De deux choses l'une – Christine Détrez

Lu dans le cadre du partenariat Blog-O-Book et des éditions Chèvre-feuille étoilée

de_deux_choses_l_une Chèvre-feuille étoilée - août 2010 – 168 pages

Quatrième de couverture :
Jeanne et Jeanne, les sœurs siamoises, les inséparables.
Vierge folle et vierge sage. Et inversement. A l'écart des autres. Il y avait elles, et nous. Comme dans les histoires d'enfants où dans les clairières peuvent survenir les loups, et parce que les libellules, en anglais, s'appellent dragons, c'est l'histoire d'une petite fille qui se fait manger par un ogre. C'est également l'histoire d'une amitié en miroir, entre deux Jeanne, où dans les jeux de reflets, l'une d'elle finit par se retrouver. C'est enfin l'histoire d'une rivière et de la lumière entre les feuilles, qui peut dissiper les ombres quand on apprend à la regarder. Christine Détrez joue avec bonheur de l'art de la fiction et du suspense. Elle réussit à nous tenir en haleine et à nous surprendre jusqu'à la dernière page de ce deuxième roman qui confirme son talent.

Auteur : Christine Détrez est écrivaine. Elle est agrégée de lettres classiques et docteur en sociologie. Elle s'intéresse également aux représentations du corps dans la littérature et dans le discours social et médiatique. Ses ouvrages font aujourd'hui figure de référence sur ces thématiques. Ce livre est son second roman.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Drôle de lecture... Ce livre est troublant, en lisant la quatrième de couverture, on ne comprend pas vraiment ce que va être ce livre. Le premier chapitre est plutôt obscure et j'ai eu peur de ne pas comprendre ce livre. Ensuite, l'auteur nous raconte la première rencontre entre les deux « Jeanne » au collège et ce prénom désuet qui va les lier. Ensuite alterne des chapitres qui parlent du présent ou de leur enfance. Au fil des chapitres, nous découvrons des petites comptines connues. Mais peu à peu l'histoire nous dévoile des zones d'ombres, l'histoire est plus complexe que ce que l'on imagine, un terrible secret va faire basculer le livre. Pour ma part, la surprise a été totale avec une révélation finale inattendue.

J'ai du mal à dire si oui ou non j'ai aimé ce livre... Il m'a dérangé, j'ai eu beaucoup de questions restées sans réponse, et j'ai pourtant relu certains passages après avoir terminé le livre pour tenter de répondre à mes interrogations.

Ce livre se lit facilement et il est très bien écrit. L'auteur sait installer une ambiance qui devient de plus en plus pesante.

Merci à Blog-O-Book  aux éditions Chèvre-feuille étoilée de m'avoir permise de découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)
Elle grossira, je maigrirai. Plus elle enflera, plus je me creuserai. Plus elle épaissira, moins je pèserai. Elle, pieds fichés en terre, plus que jamais soumise aux lois de la gravité, et moi, légère comme une plume, presque envolée. On ne verra plus qu’elle, peau du ventre bien tendue, et moi, je disparaitrai, m’effacerai. Elle resplendira, et moi reflet inversé. Elle, la photo, toute en sourires, moi, le négatif embrumé d’obscurité. Brioche levée, chairs moelleuses où se moirera la lumière, et moi, morceau de pain sec, épaules et hanches osseuses. Elle, le fruit, la chair pulpeuse, la fertile. Moi, branche noueuse et tordue, sèche comme du sureau, comme disait ma grand-mère – c’est du poison, les graines de sureau, et pourtant, on en fait de la gelée. Et pourquoi les oiseaux ne s’en empoisonnent-ils pas ?
     Moi, l’écorchée des planches anatomiques de Vésale, et on pourra lire le dessin de mes veines, de mon squelette, de mes muscles sous ma peau transparente à force d’être fine. La peau sur les os. Elle, opulente, toute en seins, la Vénus de Gautier D’Agoty, qui, l’air de rien, absente et maquillée, au fait c’est à moi que vous parliez, présente son ventre ouvert où dort un fœtus. Elle va avoir un bébé.
     Comme des vases communicants, les deux parties jumelles d’un sablier, sœurs siamoises, ce qui remplit l’une vide l’autre, par osmose, par écoulement harmonieusement équilibré. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». L’étreinte accomplie, où nos formes s’épouseront parfaitement. L’une complète l’autre, deux pièces d’un puzzle, elle en relief, moi en creux. À nous deux, on sera cette bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Elle pleine et ample, épanouie – c’est toujours beau une femme enceinte – moi avalée de vide, comme aspirée de l’intérieur.
Chair de ses entrailles, leur chair et leur sang mêlés. Question de liquide. C’est bien une question de fluide, de liquide, après tout, il a suffi de quoi, ça représente quoi, une toute petite goutte, rien du tout, invisible à l’œil nu. Elle, son corps nu, et lui en elle, il a bien fallu. Et voilà, une tache noire sur une échographie, flottant dans cet espace inconnu, amniotique, c’est donc ça, juste ça, l’intérieur de son ventre, ce balayage de pois gris en arc de cercle comme la trace des essuie-glaces sur un pare brise, hop, effacée la tache, un détritus ramassé dans une pelle à poussières. Un petit coup de chasse d’eau, et ça disparaitrait dans le tourbillon, adieu. Non, à la place des cataractes en trombe, comment dit-on, ils nagent dans un océan de bonheur ? Une vague de joie les a submergés...

Livre 14/14 pour le Challenge du 2% littéraire 1pourcent2010

5 octobre 2010

En cuisine – Monica Ali

Lu dans le cadre de babelio_masse_critique

en_cuisine

Belfond – août 2010 – 627 pages

traduit de l'anglais par Isabelle Maillet

Quatrième de couverture :
Après l'extraordinaire succès de Sept mers et treize rivières, Monica Ali nous plonge dans le melting-pot des cuisines d'un grand restaurant londonien. Profonde, douce-amère, une œuvre ambitieuse qui dépeint les désarrois d'une société attachée à ses traditions, confrontée à un monde nouveau qu'elle ne comprend pas. Chef des cuisines de l'hôtel Imperial, un palace plus vraiment à la hauteur de sa splendeur d'antan, Gabriel I.ightfoot doit composer chaque jour avec une équipe cosmopolite et chahuteuse, une petite amie chanteuse qui se pose des questions sur leur relation et un père malade qui lui laisse des messages aussi laconiques que culpabilisants sur son répondeur. Une mort va faire voler en éclats son fragile équilibre : le corps d'un des plongeurs est retrouvé dans les sous-sols du restaurant. Une mort solitaire, anonyme, parmi ces travailleurs immigrés interchangeables. Soudain, Gabriel prend conscience que ses cuisines cachent bien des secrets : trafics en tous genres, prostitution, chantages, violence quotidienne... Surgit Lena, une fille de l'Est, mystérieusement liée à la mort du plongeur. Irrésistiblement attiré par cette femme en perdition, Gabriel va prendre une décision qui remettra en question tout ce en quoi il avait cru jusqu'ici...

Auteur : Née en 1967 à Dacca (ex-Pakistan oriental), Monica Ali a émigré en Angleterre à l'âge de trois ans. Sélectionnée par la revue Granta parmi les vingt meilleurs romanciers britanniques de la décennie avant même que son premier roman, Sept mers et treize rivières (2004), ne soit publié, finaliste du Man Booker Prize 2003, lauréate de nombreux prix, Monica Ali est devenue en moins de un an un véritable phénomène dans le paysage littéraire international. Après le recueil de nouvelles Café; Paraiso (2007), En cuisine est son deuxième roman à paraître chez Belfond. Monica Ali vit à Londres avec son mari et leurs deux enfants.

Mon avis : (lu en octobre 2010)

Ce roman a pour cadre  la cuisine d’un grand restaurant londonien, le personnage principal est le chef de cuisine Gabriel, il a été embauché il y a quelques mois pour redorer le blason de l’ancien palace, mais il avait tout planifié : un an à l’Impérial avant d’ouvrir son propre restaurant à Londres puis son mariage avec sa petite amie Charlie. Mais l'évènement qui ouvre le livre va bouleverser sa vie tranquille. Cet événement, c'est la découverte du corps de Yuri, un des employés à la plonge, dans les caves de l’établissement.

Gabriel va réaliser que pratiquement toute son équipe est constituée de clandestins qui viennent du monde entier d’Inde, d’Afrique ou des pays de l’Est de l’Europe. Il va faire la rencontre de Lena une jeune plongeuse, qui s’était installée avec Yuri dans les catacombes du restaurant. Comme elle est seule et à la rue, Gabe va l’accueillir chez lui. En parallèle, il apprend que son père va mourir d’un cancer. Sa relation avec son père n’ayant jamais été très bonne, il va faire l’effort de renouer avec lui. Mais Gabriel Lightfoot va perdre peu à peu pied, et devenir dépressif.

Malgré des descriptions parfois un peu longue, j’ai plutôt aimé ce livre qui nous plonge dans les coulisses d’un grand restaurant mais aussi dans l’univers des clandestins avec les abus et la misère dans laquelle ils sont obligés de survivre.

Merci à Babelio et aux éditions Belfond pour m’avoir permis de découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)
Avec le recul, il avait le sentiment que la mort de l'Ukrainien marquait le début de la débâcle. Il n'aurait pu affirmer qu'elle en était la cause, ni même que c'était une cause en soi, car les événements qui avaient suivi lui paraissaient à la fois inévitables et imprévisibles ; s'il parvenait aujourd'hui à les assembler pour former une trame susceptible de lui apporter du réconfort, il avait cependant suffisamment changé pour comprendre qu'il s'agissait juste d'une histoire à raconter, et que les histoires sont en général peu fiables. Tout n'en avait pas moins commencé, à son sens, avec la mort de l'Ukrainien puisque, dans la mesure où l'on peut dire d'une existence qu'elle prend parfois un tournant décisif, la sienne était partie en vrille dès le lendemain.

En cette matinée de la fin octobre, Gleeson, le directeur de la restauration, s'assit en face de Gabriel pour leur réunion habituelle. Il semblait avoir perdu son charme professionnel tout d'onctuosité.
«Vous êtes bien conscient que ça s'est produit sur votre secteur, dit-il. Vous en êtes conscient, n'est-ce pas ?»
C’était la première fois que Gabe voyait se lézarder la façade du personnage. Lui-même savait parfaitement que le plongeur ukrainien faisait partie de son « secteur ». Donc, qu’est-ce qui tracassait Gleeson ? Dans ce métier, tant qu’on ne connaît pas toutes les données, mieux vaut ne pas poser de questions. Gabe tapota le col du vase en cristal posé sur la table en déclarant : « Les fleurs en plastique, c’est bon pour les relais routiers et les funérariums. »

Déjà lu du même auteur :

sept_mers_et_treize_rivi_res Sept mers et treize rivières

Livre 11/14 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

En cuisine par Monica Ali

En cuisine

En cuisine

Monica Ali

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2 octobre 2010

Le secret du bayou - John Biguenet

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book et Livre de Poche

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Albin Michel - mars 2008 – 407 pages

Livre de Poche – juin 2010 – 413 pages

traduction de l'anglais (États-Unis) par France Camus-Pichon

Quatrième de couverture : 
1957, côte de Louisiane. Dans le monde impitoyable des pêcheurs d'huîtres à la drague en haute mer, une flamboyante saga familiale tissée de haine, de violence, d'amour et de souffrance, aussi inexorable qu'une tragédie grecque. Fidèle à la tradition des grands romans du Sud profond aux accents faulkneriens, le superbe portrait d'une femme indomptable et farouche.

Auteur : Ecrivain résident à l'université de l'Arkansas puis à l'université du Texas, John Biguenet a publié des nouvelles, des essais et des poèmes dans de nombreuses revues (Esquire, Story, Zoetrope), ainsi que plusieurs ouvrages. Ses nouvelles, notamment, lui ont valu un O Henry Award. Président de l'American Literary Translators Association, John Biguenet enseigne actuellement à l'université Loyola de La Nouvelle-Orléans.

Mon avis : (lu en septembre 2010)
Ce livre nous raconte une histoire de rivalité entre deux familles propriétaires de parcs à huîtres en Louisiane.

D’un côté, il y a Horse Bruneau et ses trois fils, de l’autre la famille Petitjean, Félix et Mathilde, les parents et Alton et Thérèse, le fils et la fille.

Horse désire épouser Thérèse âgée de 18 ans en échange d’une dette de Félix. Mais Thérèse ne le veut pas et elle piège Horse et le tue. Les trois fils d’Horse sont convaincus que leur père a été tué par Alton et dès le soir de l’enterrement ils lui tendent une embuscade, le poignarde et le jette dans le bayou.

On découvre le monde rude et sans pitié des bayous, la vie difficile des pêcheurs d’huîtres et de crevettes. Une saga familiale à la fois dépaysante et captivante que j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir.

Un grand merci à Blog-O-Book et au Livre de Poche pour m’avoir permis de découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)
Le claquement sourd de la pagaie contre l’eau noire trahissait l’impatience de Horse alors que sa pirogue, invisible sous la voûte sombre des arbres de la rive, s’engageait sur le bayou des Petitjean. Mais la progression du bateau était ralentie par des racines de cyprès inondés qui raclaient sa coque étroite, et par des branches basses ployant peut-être sous le poids de gros mocassins d’eau. À cette pensée, Horse tira son couteau de l’étui et le planta dans le bois du siège près de lui.
Bien qu’il fût près de minuit, la chaleur alourdissait toujours l’air. Plus tard, juste avant l’aube, la fraîcheur s’installerait. Les dormeurs, s’éveillant sous le lent tournoiement des pales d’un ventilateur, remonteraient sur leur corps frissonnant le drap chiffonné entre leurs pieds. Les épouses s’assiéraient dans leur lit pour remettre la chemise de nuit arrachée un peu plus tôt par leur mari. Les enfants iraient se blottir dans le lit d’un frère ou d’une sœur. D’ici là, quelques heures durant, la chaleur continuerait à suinter entre les lattes du parquet des maisons, à dégouliner des aiguilles de pin. Et la main d’un homme à fendre l’air humide comme l’aileron d’un requin l’océan.
Une lueur vacilla dans la nuit encombrée de formes enchevêtrées. Elle clignota plusieurs fois tandis que la pirogue glissait au ras des troncs noirâtres bordant la rive, jaillissant parfois même des eaux du bayou. Horse savait que ce fanal était l’éclairage extérieur de Felix Petitjean. Il se rappela que pour atteindre le mouillage à l’autre bout de la clairière, il lui faudrait franchir à découvert l’appontement de son vieux rival. La pleine lune, même à peine levée, l’inquiétait.
Alors qu’il cherchait un moyen de passer inaperçu, les arbres s’espacèrent. Il distinguait la maison, en retrait à une vingtaine de mètres du bayou. Aucune lumière à l’intérieur : toute la famille devait dormir.
Horse se pencha par-dessus bord, se propulsant le long de la berge à la force du poignet là où il le pouvait, pagayant de son mieux le reste du temps. Même s’il se vantait souvent, après une ou deux bières au R&J’s, d’être à cinquante-deux ans le pêcheur d’huîtres le mieux bâti de la paroisse de Plaquemines, il regrettait d’avoir fait à la rame le trajet depuis son repaire de Bayou Dulac. Ses épaules l’élançaient, son dos commençait à lui faire mal. «Mais qu’est-ce qui m’a pris de sortir cette pirogue ?» se répétait-il.
À l’approche du ponton mal équarri, il s’agrippa à un pilotis, laissant le courant paresseux amener l’embarcation contre les pneus fixés aux traverses. Au mouillage de l’autre côté, la Mathilde semblait somnoler.
Horse se redressa un peu et chuchota dans l’obscurité.
– Therese ?
Entre les pins à l’arrière du ponton, une silhouette surgit lentement de l’ombre. Une jeune fille pieds nus et en robe légère s’avança. Horse amarra sa pirogue.
– Non, protesta Therese, dénouant l’amarre. Allons faire un tour sur le bayou.
– Mais certainement, ma chère, tes désirs sont des ordres…
Il aida Therese à descendre dans la pirogue qui tanguait dangereusement.
– … C’est pour cette raison que tu m’as fait venir en bateau ?
– Contentez-vous de nous éloigner de la maison de mon père, répliqua-t-elle depuis l’avant, sans se retourner.
D’une poussée, Horse s’orienta vers les profondeurs du bayou. La présence de Therese à bord l’enhardissait, même si la lune montait peu à peu dans le ciel. Malgré ses épaules douloureuses, il ramait énergiquement.
La puissance de ses coups de pagaie soulevait presque l’embarcation hors de l’eau.
À l’entrée du chenal, quelque cinq cents mètres plus loin, la jeune fille demanda à Horse d’amarrer le bateau. Il le fit glisser entre les roseaux, l’immobilisant dans la vase de la rive marécageuse. La poupe était entraînée par les remous, alors il jeta par-dessus bord un seau rempli de béton en guise d’ancre et noua la corde au manche robuste du couteau qu’il avait planté dans le siège.
Therese pivota sur elle-même.
– Vous croyez que ça va tenir ?
– De toute façon, on ne s’en va pas, la rassura
Horse, faisant un dernier nœud autour du manche.
Il écrasa un moustique sur son cou.

Lu dans le cadre du challenge_100_ans_article_300x225

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26 septembre 2010

Hello monsieur Hulot – David Merveille

Lu dans le cadre du partenariat  Masse Critique de Babelio et Éditions du Rouergue

hello_monsieur_hulot Éditions du Rouergue - octobre 2010 – 56 pages

D’après le personnage de Jacques Tati.

Présentation de l'éditeur :
Après les tribulations amoureuses de M Hulot dans "Le Jacquot de M Hulot", David Merveille met à nouveau en scène le personnage de Jacques Tati dans une série de 22 strips où l'on retrouve toute la poésie, l'humour et le caractère subversif de M Hulot. Encore une fois, David Merveille nous montre combien Hulot est à la fois décalé et toujours d'actualité, par les jeux graphiques, les références cinématographiques ou littéraires et les clins d'œil à l'actualité, qu'il glisse dans ces mini-BD menées avec brio.

Auteur : David Merveille vit à Bruxelles. Il travaille pour la presse, la publicité et l'édition jeunesse et est enseignant à l'Institut Saint-Luc de Bruxelles, en graphisme et illustration.
Il a illustré de nombreuses campagnes publicitaires en France et en Belgique, réalise des affiches et des illustrations hebdomadaires de nouvelles qui paraissent dans le quotidien belge " La Libre Belgique". Il est l'auteur de plusieurs albums édités chez différents éditeurs ( Mijade, Rouergue, Nathan, Hachette, etc)

Mon avis : (lu en septembre 2010)
Quelle bonne surprise de trouver dans ma boîte aux lettres le livre « Hello monsieur Hulot » de David Merveille. J'avais sélectionné ce livre parmi mes choix lors de Critique en Masse de Babelio.
Or, un autre livre m'ayant été attribué, je ne m'attendais pas du tout à recevoir celui-ci.
A peine l'enveloppe ouverte que j'étais déjà en train de le lire... ou plutôt de le regarder, car il n'y a comme seul texte les titres de chacune des petites histoires.
Chaque histoire tient en deux pages : sur le recto il y a le début de l'histoire en plusieurs cases et au recto (il faut donc tourner la page) il y a la chute en pleine page. On retrouve le personnage de Monsieur Hulot créé par Jacques Tati, sa fantaisie, son étourderie, sa poésie, son humour, son côté enfantin.
Les dessins sont simples et colorés mais avec beaucoup de petits détails à découvrir, des clins d'œil à l'actualité, au personnage de Monsieur Hulot...
Le livre en lui-même est un belle objet avec un dos toilé.

Dès que j'ai terminé de le regarder, tour à tour mes fils et mon mari ont voulu le découvrir également. Cela s'est terminé par une lecture commune... chacun ayant vu des petits détails que les autres n'avaient pas vu !
L'avis de la famille est unanime : un très beau livre qu'on prend beaucoup de plaisir à lire et qui nous révèle beaucoup de surprise !

Un GRAND MERCI  aux éditions du Rouergue pour ce jolie cadeau.

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Extraits :

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Pour découvrir un peu plus l'auteur : Blog de David Merveille

25 septembre 2010

La maison d'à côté - Lisa Gardner

Livre lu dans le cadre du partenariat Livraddict et Albin Michel

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Albin Michel – septembre 2010 – 432 pages

traduit de l’américain par Cécile Déniard

Quatrième de couverture :
Un fait divers dans une banlieue résidentielle de Boston passionne les médias. Sandra Jones, jeune maîtresse d'école et mère modèle a disparu. Seul témoin : sa petite fille de 4 ans. Suspect N°1 : un mari Jason. Dès qu'elle pénètre dans la villa douillette des Jones, l'inspectrice D.D. Warren sent que quelque chose cloche. Aux yeux de tous, Sandra et Jason Jones avaient tout du jeune couple amoureux. Mais de toute évidence, cette apparente normalité dissimulait des zones d'ombre redoutables. Au fil des jours, la disparition de la jeune femme devient de plus en plus inquiétante. Pourtant Jason Jones semble plus intéressé à faire disparaître les preuves et isoler sa fille que par rechercher sa femme « chérie ». Le parfait époux essaierait-il de brouiller les pistes ou cherche-t-il simplement à se cacher ? Mais de qui ?

Auteur : Les suspenses de Lisa Gardner sont des best-sellers aux États-Unis et en Grande Bretagne. Sauver sa peau (2009) a connu un vrai succès en France.
Lisa vit aux États-Unis, dans un petit hameau des montagnes du New Hampshire.

Mon avis : (lu en septembre 2010)
« Autopsie d'une famille au-dessus de tout soupçon : un couple de rêve, une maison de rêve, et quelques secret... inavouables. » Voilà ce qui est fort bien résumé sur la première page de la jaquette du livre. Cela commence par la disparition d'une jeune et jolie femme de sa maison de Boston sans laisser de traces. Le seul témoin de sa disparition est Ree, sa petite fille âgée de 4 ans. Le premier suspect est son mari Jason Jones. C'est l'inspectrice D.D Warren qui mène l'enquête et dès le début elle trouve bizarre le comportement de Jason... Il cache quelque chose. D'autres personnages vont entrer dans l'histoire, chacun a des secrets et chacun pourrait être le coupable idéal...
Voilà un livre dont l'intrigue est très bien construite, le suspens se met en place peu à peu, des indices apparaissent, des fausses pistes également. Le lecteur suit l'histoire à travers plusieurs voix celle du narrateur, celle de Sarah et celle d'Aidan Brewster. Et j'avoue avoir été surprise par le dénouement du livre, que je n'avais pas vu venir.
A travers cette histoire, l'auteur aborde les sujets des enfants maltraités et du fichage des délinquants sexuels. J'ai passé un très bon moment avec ce livre dont l'histoire m'a captivée.

Merci à Livraddict et aux éditions Albin Michel pour m'avoir permis de découvrir ce livre et cette auteure.

Extrait : (début du livre)
JE ME SUIS TOUJOURS DEMANDÉ ce que ressentaient les gens pendant les toutes dernières heures de leur existence. Savent-ils qu’un drame est sur le point de se produire ? Pressentent-ils la tragédie imminente, étreignent-ils leurs proches ? Ou bien est-ce que ce sont juste des choses qui arrivent ? La mère de famille qui couche ses quatre enfants en s’inquiétant des covoiturages du matin, du linge dont elle ne s’est pas encore occupée et du bruit bizarre que fait à nouveau la chaudière, quand elle entend soudain un craquement sinistre au bout du couloir. Ou l’adolescente qui rêve de son shopping du samedi avec sa Meilleure Amie pour la Vie et qui découvre en ouvrant les yeux qu’elle n’est plus seule dans sa chambre. Ou le père qui se réveille en sursaut et se demande Mais qu’est-ce que ? juste avant de recevoir un coup de marteau entre les deux yeux.
Pendant les six dernières heures du monde tel que je le connais, je donne son dîner à Ree. Des macaronis au fromage de chez Kraft avec des morceaux de saucisse de dinde. Je coupe une pomme en tranches. Ree mange la chair blanche croquante et laisse des demi sourires de pelure rouge. Toutes les vitamines sont dans la peau, lui dis-je. Elle lève les yeux au ciel – elle a quatre ans, mais là on dirait quatorze. C’est déjà la bagarre pour les vêtements : elle aime les jupes courtes, son père et moi préférons les robes longues ; elle veut un bikini, nous tenons à ce qu’elle porte un maillot de bain
une pièce. J’imagine que c’est l’affaire de quelques semaines avant qu’elle ne demande les clés de la voiture.
Ensuite elle veut partir à la «chasse au trésor» dans le grenier. Je lui réponds que c’est l’heure du bain. De la douche, en fait. Depuis qu’elle est bébé, nous nous lavons ensemble dans la vieille
baignoire à pattes de lion dans la salle de bains de l’étage. Ree savonne deux Barbie et un canard princesse en caoutchouc. Je la savonne, elle. Lorsque nous avons fini, nous sentons toutes les deux la lavande et la salle de bains carrelée de noir et blanc est une étuve.
J’aime le rituel qui suit la douche. Nous nous enveloppons dans d’immenses serviettes, puis nous filons tout droit par le couloir froid jusqu’au Grand Lit de la chambre que je partage avec Jason ; nous nous y allongeons, côte à côte, les bras emmaillotés, mais les doigts de pied qui dépassent et se frôlent. Notre chat tigré orange, M. Smith, saute sur le lit et nous dévisage de ses grands yeux dorés en remuant sa longue queue.
«Quel moment tu as préféré aujourd’hui ?» demandé-je à ma fille.
Ree plisse le nez. «Je ne me souviens plus.»
M. Smith s’éloigne de nous, se trouve un coin bien douillet près de la tête de lit et commence sa toilette. Il sait ce qui vient ensuite.
«Mon moment préféré, c’est quand j’ai eu droit à un gros câlin en rentrant du collège.» Je suis enseignante. Nous sommes mercredi.
Le mercredi, je rentre vers quatre heures. Jason part à cinq. Ree a l’habitude de cette organisation à présent. Papa s’occupe d’elle la journée, maman le soir. Nous ne voulions pas que notre enfant soit élevée par d’autres et nous avons ce que nous voulions.
«Je peux regarder un film?» demande Ree. Sempiternelle question. Elle passerait sa vie enchaînée au lecteur de DVD si on la laissait faire.
«Pas de film, réponds-je avec légèreté. Raconte-moi l’école.»
Elle revient à la charge :
«Un petit film, dit-elle avant de proposer d’un air triomphant : Nos amis les légumes !
– Pas de film», répété-je en dégageant un peu mon bras pour la chatouiller sous le menton. Il est près de huit heures du soir et je sais qu’elle est fatiguée et têtue. J’aimerais éviter un beau caprice
aussi près de l’heure du coucher. «Alors, raconte-moi l’école. Qu’est-ce que vous avez eu comme collation ?»
Elle libère ses bras et me chatouille sous le menton. «Des carottes !
– Ah oui ?» Encore des chatouilles, derrière son oreille. «Qui les a apportées ?
– Heidi ! »
Elle essaie d’atteindre mes aisselles. Je bloque adroitement sa manœuvre. «Arts plastiques ou musique ?
– musique !
– Chant ou instrument ?
– Guitare ! »
Elle enlève sa serviette et me saute dessus pour me chatouiller partout où elle le peut de ses petits doigts vifs, dernier débordement d’énergie avant l’effondrement de la fin de journée. J’arrive à la
repousser, mais roule en riant jusqu’à tomber du lit. J’atterris lourdement sur le parquet, ce qui ne fait que redoubler l’hilarité de Ree tandis que M. Smith émet un miaulement de protestation. Il sort de la chambre en trottinant, impatient désormais que notre rituel du soir s’achève.
Je sors un long tee-shirt pour moi et une chemise de nuit Petite Sirène pour elle. Nous nous brossons les dents ensemble, côte à côte devant le miroir ovale. Ree aime que nous crachions en même temps. Deux histoires, une chanson et une demi-comédie musicale plus tard, elle est enfin couchée, Doudou Lapine entre les bras et M. Smith roulé en boule à ses pieds.
Vingt heures trente. Notre petite maison est officiellement à moi. Je m’installe au bar de la cuisine. Je prends un thé en corrigeant des copies, le dos tourné à l’ordinateur pour ne pas être tentée.
L’horloge en forme de chat que Jason a offerte à Ree pour Noël miaule pour sonner l’heure. Le bruit résonne dans les deux étages de notre pavillon des années 1950, qui paraît ainsi plus vide qu’il
ne l’est réellement.
J’ai froid aux pieds. C’est le mois de mars en Nouvelle-Angleterre, les journées sont encore fraîches. Je devrais mettre des chaussettes, mais j’ai la flemme de me lever.
Vingt et une heures quinze, je fais ma ronde. Je pousse le verrou de la porte de derrière, vérifie les coins en bois enfoncés dans tous les châssis de fenêtre. Pour finir, je ferme le double verrou de la porte d’entrée métallique. Nous vivons à South Boston, dans un quartier résidentiel sans prétention, avec des rues bordées d’arbres et des parcs pour les enfants. Beaucoup de familles, beaucoup de clôtures de piquets blancs.
Je vérifie quand même les verrous et je renforce les fenêtres. Jason et moi avons chacun nos raisons.

Livre lu dans le cadre du partenariat et Albin Michel

Livre 9/14 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

20 septembre 2010

En attendant la montée des eaux – Maryse Condé

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book et  JC Lattès

en_attendant_la_mont__des_eaux Jean-Claude Lattès – août 2010 – 364 pages

Présentation de l'éditeur :
Babakar est médecin. Il vit seul avec ses souvenirs d’une enfance africaine, d’une mère aux yeux bleus qui vient le visiter en songe, d’un ancien amour, Azelia, disparue elle aussi, et autres rêves de jeunesse d’avant son exil en Guadeloupe, berceau de sa famille. Mais le hasard ou la providence place une enfant sur sa route et l’oblige à renoncer à sa solitude, à ses fantômes.

La petite Anaïs n’a que lui. Sa mère, une réfugiée haïtienne, est morte en la mettant au monde, lui léguant sa fuite et sa misère. Babakar veut lui offrir un autre avenir. Ils s’envolent pour Haïti, cette île martyrisée par la violence, les gouvernements corrompus, les bandes rebelles, mais si belle, si envoûtante. Babakar recherche la famille d’Anaïs, une tante, un oncle, des grands-parents peut-être, qui pourraient lui raconter son histoire. Mais Babakar ne rencontre personne et ne peut compter que sur lui et sur ses deux amis Movar et Fouad. Des hommes qui lui ressemblent, exilés, solitaires, à la recherche d’eux-mêmes et qui trouvent à Haïti des réponses à leur quête, un lieu de paix au milieu des décombres.

Auteur :  Née en 1934 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), Maryse Condé est l’auteur d’une œuvre considérable : la trilogie Ségou, La Migration des cœurs, La Traversée de la mangrove, Désirada, La Belle Créole, Histoire de la femme cannibale, Les Belles Ténébreuses, publiée aux Editions Robert Laffont et au Mercure de France. Elle a reçu le prix Tropiques, le prix de l’Académie Française et le prix Marguerite Yourcenar. Après avoir longtemps enseigné à l’Université de Columbia, elle se partage aujourd’hui entre Paris et New York.
On retrouve dans
En attendant la montée des eaux ses thèmes et ses paysages de prédilection, l’empire de Ségou, les sociétés antillaises, la terrible Haïti.

Mon avis : (lu en septembre 2010)
C'est l'histoire de trois hommes et d'une petite fille en quête de ses origines. Babakar est médecin obstétricien en Guadeloupe, il recueille une petite fille, Anaïs, dont la mère vient de mourir en la mettant au monde. Cette femme est une clandestine haïtienne.
Avec l'aide de Movar, lui-même clandestin haïtien qui habitait avec Reinette la mère d'Anaïs, il va partir pour Haïti à la recherche de la famille de la petite fille. Il va rencontrer Fouad, un cuisinier libanais.
L'écriture est fluide et imagée rendant facile la lecture de ce livre. Mais l'histoire est un peu compliquée. En effet, la trame principale du livre est entrecoupée par les histoires des différents personnages, chacun ayant eu une histoire chaotique.
Les descriptions de Haïti, nous montre un pays ravagé par les guerres civiles, les désordres politiques et également par les cyclones…
Entre Afrique et Antilles, dans un environnement sombre et hostile, on ressent beaucoup d’humanité dans cette histoire.

Merci à Blog-o-Book et JC Lattès pour m'avoir permis de découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)

Babakar fut précipité de la tiédeur du sommeil à la clameur d'une nuit d'orage et atterrit, étourdi, saisi dans un vacarme. Le tonnerre grondait. Les tôles du toit grinçaient. Les branches des pié bwas craquaient avant de se fracasser à terre tandis que les mangots tombaient drus comme roches. Pendant son sommeil, il avait vu sa mère, souriante, radieuse, ses yeux de bleuet lumineux et rafraîchis comme si, au milieu du désordre des éléments, elle apportait un rameau d'olivier. Elle venait lui signifier que les pages noires de deuil étaient tournées et que se dessinait enfin la promesse du bonheur.

La pendule marquait 23 h 15. Il songea aux hommes qui en ce moment buvaient du rhum agricole, jouaient aux dés ou aux dominos et caressaient les seins durcis des femmes qu'ils s'apprêtaient à baiser. Lui, dormait déjà dans un pyjama de coton rayé.

Personne ne comprenait rien de rien à cet hivernage-là. Des semaines qu'on aurait dû en voir le bout. Mais la pluie n'arrêtait pas de flageller la Nature avec violence et de faire déborder les ravines les plus secrètes. Frissonnant dans l'humidité, Babakar enfila un peignoir et glissa sur ses pieds nus à travers l'enfilade de pièces de sa villa meublée sans goût, à la va-vite. Les maisons s'expriment à leur manière. Celle-là parlait de solitude et d'exclusion. Dans la cuisine, il se versa un verre de lait qu'il but trop hâtivement, en se salissant le menton. Il ne touchait jamais à l'alcool, non par souci de religion, mais parce que cela lui donnait des aigreurs qui ajoutaient au goût déjà si mauvais de sa vie.

Il emplissait à nouveau son verre quand la sonnerie de l'entrée retentit avec violence, pressée par une main fiévreuse.

Babakar sortit sur la galerie et, malgré la pluie, traversa en courant la pelouse, ses pieds nus s'enfonçant dans la gadoue puis s'en arrachant avec un bruit de succion. Un homme se tenait derrière la grille, s'abritant d'une feuille de bananier. Il était jeune. Beau. L'air craintif. Noir. Très noir. Habillé de hardes, curieusement chaussé de conver- ses rouges qui prenaient l'eau de toutes parts. Il s'agissait visiblement d'un Haïtien, innombrables dans la région malgré les arrestations et les reconduites aux frontières de plus en plus féroces de la police. Il balbutia :

- Fô li vini kounye-a. Li pral mouri !

Babakar ne s'était pas trompé : il reconnut le créole haïtien qu'il ne comprenait pas plus que le guadeloupéen et interrogea en français :

- De qui s'agit-il ? D'une de mes patientes ?

L'homme se borna à répéter avec plus de force :

- Li pral mouri !

Babakar retourna à l'intérieur de la maison pour s'habiller et prendre sa trousse. Puis, il rejoignit l'Haïtien qui, la tête entre les mains, s'était accroupi dans un coin du garage. Ils prirent place dans la vieille Mercedes, achetée pour une bouchée de pain à un VAT qui retournait à Angoulême, son contrat terminé. C'était une de ces nuits où ne peuvent germer que l'étrange ou l'insolite. Par une nuit semblable, Dieu avait dû créer l'homme avec tous les déboires que cela avait entraînés.

Après un virage, ils entrèrent dans un hameau enfoui sous un amoncellement de verdure.

- Nou rivé, fit l'Haïtien.

Il désigna une case abritée d'un bouquet de beaux ébéniers droits comme des I. Un homme âgé, les cheveux grisonnants et une femme rondouillarde en pleurs se tenaient devant la porte d'entrée. A leur approche, l'homme dit en se signant :

- I pati, Movar. I pa atan ou...

Il se signa à nouveau tandis que les sanglots de la femme redoublaient et que le jeune Haïtien fondait en larmes à son tour.

- Elle ne souffre plus, conclut l'homme en fixant Babakar d'un air théâtral...

Babakar crut reconnaître ce nègre solennel, dignement engoncé dans un costume élimé à la coupe d'avant-guerre. L'autre lui tendit la main :

- Docteur, je suis Cyprien Aristophane, le directeur de l'école communale Pierpont III.

Il présenta ses compagnons :

- Elle, c'est Yvelise Dentu et lui, c'est Movar Pompilius, un Haïtien comme la défunte, Reinette Ovide.

Brusquement, il reprit en créole :

- Pran kouwaj, Movar.

En effet, le malheureux semblait sur le point de tomber en léthargie, affalé à terre. Babakar sympathisa avec ce chagrin. D'expérience, il savait ce que cela signifiait de perdre un être qui vous est cher.

Il entra à l'intérieur de la maison.

Livre 7/7 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

8 septembre 2010

Des gifles au vinaigre – Tony Cartano

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book et Albin Michel

des_gifles_au_vinaigre Albin Michel – août 2010 – 272 pages

Quatrième de couverture :
« Faire d’un père l’objet d’une fiction n’est pas un sacrilège, surtout si l’on considère qu’il fut un être d’illusion, entièrement façonné par l’utopie. »
Février 1939. Franco a gagné. Les armées républicaines se replient sur la frontière française. A. fuit avec ses troupes villes et villages dévastés. Il laisse derrière lui son passé et ses faits d’armes : femme et enfant, la bataille de Teruel et la traversée de l’Ebre. Mêlant l’histoire trouble de la guerre civile espagnole, visions hallucinées du siècle et souvenirs d’enfance interdits et imaginaires, son fils tente, des années plus tard, de reconstituer la trajectoire de cet homme dont il ignore presque tout.
Et, à travers la réécriture de cette histoire vécue ou fantasmée, c'est le mystère de la littérature qu'explore le romancier Tony Cartano, dans un récit aussi ambitieux que personnel

Auteur : Écrivain, éditeur, Tony Cartano, né à Bayonne en 1944, est l'auteur de plusieurs romans dont Blackbird (1980), Bocanegra (1984), et Milonga (2004).

Mon avis : (lu en septembre 2010)
Dans ce livre l'auteur nous raconte en alternance ses souvenirs d'enfance et la Guerre d'Espagne de son père, Alfonso. Tony Cartano est né en 1944 à Bayonne d'un deuxième mariage.
En février 1939, Alfonso fait partie de l'armée républicaine, qui se replie vers la frontière française. A. rejoint le centre de triage de La Tour de Carol.. Il est emprisonné au camp de Gurs puis ayant travaillé comme tourneur ajusteur chez Hispano Suiza à Barcelone, il est envoyé à Toulouse pour travailler chez Breguet. C'est à Bayonne qu'il fera connaissance avec Sixta, la mère de Tony Cartano. Petit à petit on reconstitue la vie de son père mais il reste beaucoup de non-dits.

Les faits sont relatés dans le désordre et heureusement que certains chapitres sont datés pour que le lecteur s'y retrouve un peu. Il y a également de nombreuses digressions qui embrouillent encore plus la lecture de ce livre. Je n'ai pas été convaincu par ce livre.

Le titre de ce livre vient d'une expression espagnole « Hostias en vinaigre » qui nous est longuement expliquée dans un chapitre du livre, c'est un juron qu'utilise souvent Alfonso...

Merci à Blog-O-Book et les éditions Albin Michel pour ce partenariat.

D'autres avis : Fashion a aimé

Extrait : (début du livre)
3 février 1939
« Roberto, amène-toi. Viens voir. »
Adossé contre le pneu de la camionnette, encapuchonné sous sa couverture de campagne, le canonnier s'était assoupi une heure ou deux, se jurant bien que le brouillard et le froid nocturne ne le tueraient pas. Avec ses vingt-cinq ans et sa solide carrure d'avant-centre du club de football de Gérone, Roberto ne craignait rien plus que l'obscurité glacée, trompeuse, qui donne l'illusion du repos salvateur mais qui, en réalité, s'apprête à vous saisir aux poumons et à vous liquéfier de l'intérieur. Le sifflement des balles, la violence des escarmouches, ça ne lui faisait pas peur. Du moment qu'il avait décidé d'affronter le danger. Le plus dur, c'était le reste : tout ce qui rampait, sournois, le sommeil abruti, les poux de la tignasse et du pli des couilles – le désespoir. Depuis trente et un mois, il avait tout donné de sa vie à la guerre. Mieux qu'un entraînement permanent.
A. secoua le corps tétanisé de son compagnon qui s'ébroua.
« Que se passe-t-il ? Les Navarrais attaquent ? »
A. avait assuré son tour de garde, le dernier de la nuit, assisté de Jordi et Anselmo, ses deux meilleurs tireurs. Ils avaient ensemble grillé deux ou trois cigarettes roulées avec le peu de tabac qu'il leur restait et marché de long en large sans arrêt pour oublier leurs ampoules aux pieds et leurs doigts gourds. Pour surveiller aussi la petite route en contrebas du tertre où la quinzaine d'hommes demeurés sous les ordres de A. avaient trouvé refuge derrière un rideau de bouleaux.
Le jour était loin de se lever encore. De toute façon, avec le grésil qui ne s'était pas arrêté de la nuit, la visibilité aurait été limitée, peut-être même opaque jusqu'à la route distante d'à peine deux cents mètres. Ce qui avait attiré l'attention de A., sur le coup de cinq heures, c'était comme un vaste murmure sorti du néant, une vague de mugissements de plus en plus lourds, inquiétants, le halètement sauvage d'un immense troupeau prisonnier d'une nature hostile, un univers en délabrement.
A. décida d'envoyer Jordi en reconnaissance. D'où venait ce vacarme ? Il fallait en avoir le cœur net. Pourtant, à cet instant, c'était plutôt son estomac creux qui préoccupait le commissaire délégué à la 5e batterie de DCA, groupe 2. Depuis plusieurs jours, on avait commencé à compter et réduire les rations alimentaires. Il n'y avait plus grand-chose à se mettre sous la dent. Même la camionnette qui tirait le petit et obsolète canon anti-aérien de fabrication soviétique n'avait plus d'essence. Elle gisait à demi-renversée dans un fossé neigeux, sur le chemin de rocaille menant à la clairière où A. avait installé le campement.
La bâche grisâtre froissée par le froid abritait quatre ou cinq kilos de pommes de terre germées que les rats n'avaient pas dénichées. Malgré les risques, et notamment le signal que cela pouvait procurer aux troupes de choc ennemies progressant chaque heure avec leurs maudites bottes de sept lieues, A. alluma un brasero à partir du petit bois ramassé dans la clairière. Dans cette vallée montagneuse, c'était la seule chose que l'on pouvait se procurer en abondance.
La veille, Anselmo – un paysan du delta de l'Èbre qui n'avait de compte à rendre à personne et sans doute le plus débrouillard des hommes de A. – était, de son propre chef, parti en vadrouille. C'était l'expression utilisée pour se dédouaner auprès de son supérieur. A. l'avait engueulé. Mais Anselmo avait rapporté de son échappée quelques navets d'un champ voisin et un lapin chapardé dans un clapier d'une ferme située à plus d'un kilomètre. « Solidarité ouvrière ! » s'était-il sobrement exclamé en guise de justification. A. s'était contenté d'acquiescer en maugréant lui aussi quelque formule magique issue du vocabulaire révolutionnaire. Ils avaient tous faim.

Livre 4/7 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

2 septembre 2010

Le Délégué – Didier Desbrugères

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book et  Gaïa

le_d_l_gu_ Gaïa – août 2010 – 304 pages

Quatrième de couverture :
Dans une vaste République jamais nommée, un homme s'apprête à prendre ses fonctions de Délégué. Un voyage en train de dix jours, en troisième classe, doit l'emmener jusqu'au bout de la steppe, au bourg de Lurna. Alors le Délégué Josef Strauber pourra servir dignement l'Administration, remplir la mission qu'on lui a confiée et jouir des avantages de son rang.
Mais le cours des choses ne s'accordera pas à ses aspirations profondes. Lurna, village autrefois brûlé, lui réserve un non-accueil. Josef S. est un homme seul. Porté à la réflexion, la lecture et la contemplation, il n'est pas effrayé par la rudesse de la vie qui l'attend ou la compagnie fruste d'une gouvernante flanquée de son petit garçon. Lorsque surgit le doute, ou que pointe la résignation, quelle flamme vacillera la première ? Celle de sa droiture ou celle de sa raison ?

Auteur : Didier Desbrugères est né en 1960 et vit en Bretagne. Esprit éclectique, il s’est essayé à la peinture et à la sculpture sans jamais rompre ni avec la lecture ni avec l’écriture, pôles magné­tiques de son existence. Il a tenu une galerie d’art tout en menant une carrière professionnelle dans l’aéronautique et en poursuivant son apprentissage de l’écriture. Le Délégué est son premier roman.

Mon avis : (lu en août 2010)
J'ai eu beaucoup de mal à lire ce livre. Cette lecture a été laborieuse en partie du fait que l'écriture du livre est très dense, le premier chapitre s'achève à la page 124, le second chapitre à la page 240... L'écriture est très littéraire, il y a beaucoup de détails et de descriptions.

Cela commence par un très long voyage en train. Josef Strauber (ou S.) doit aller prendre ses nouvelles fonctions de Délégué dans la ville lointaine de Lurna. Il voyage en troisième classe, c'est bruyant et plein d'odeurs et ils rencontre de nombreux personnages. Lors d'un arrêt pour se ravitailler dans une toute petite gare Yépan qui n'est même pas mentionnée sur sa carte, S. va rencontrer Britov qui va lui faire comprendre que son futur rôle ne sera pas aussi facile qu'il l'imagine.

La deuxième partie se passe à Luna, S. découvre qu'il n'est pas vraiment attendu car cela fait plus d'une génération qu'il n'y a plus de Délégué dans cette région éloignée. On lui donne la maison de l'ancien Délégué qui se trouve être en mauvais état et à l'écart du village actuel. Mona et son fils André âgé de sept ans, sont là pour tenir la maison. S. se retrouve donc isolé, cherchant à définir son rôle de Délégué. Il semble subir sa vie.

J'ai du mal à définir ce livre, est-ce un conte ? Une fable ? Ce voyage représente-t-il notre chemin de la vie avec ses rêves, ses désirs, ses joies mais aussi la réalité, les renoncements et les malheurs.

J'avoue ne pas avoir aimé ce livre, j'ai été vraiment hermétique à ce premier roman. J'ai pas su comprendre qu'elles étaient les intentions de l'auteur. Dommage.

Merci cependant à Blog-O-Book et aux Éditions Gaïa pour m'avoir permis de découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)
La lumière tombe des fenêtres à meneaux. Rongée par l'humidité comme une fresque d'église, l'immense carte de la République habille les quatre murs de la salle des Délégués, enjambe portes et fenêtres, et empiète par endroits sur les corniches du plafond. Elle date. Sans doute la doit-on à un artiste de second ordre. Elle est peinte à la détrempe. Des vignettes aux couleurs crayeuses, aux prétentions réalistes, distribuent villes, fleuves, montagnes et plaines. L'étendue du territoire étourdit et sa diversité étonne. Édifices coiffés de coupoles ou de bulbes, flèches gothiques, portes monumentales parées de bas-reliefs de céramique, figures monolithiques arrachées à la roche. Tous les mythes, toutes les croyances cohabitent. La République expose sa domination universelle.
Lettre de nomination en main, Josef Strauber parcourt des yeux l'interminable itinéraire pour rejoindre son poste ; encore la Providence l'a-t-elle favorisé, car le bourg de Lurna n'est pas le plus éloigné de la capitale. Loin s'en faut. Néanmoins, selon son estimation, plusieurs semaines de voyage l'attendent. De fait, l'étendue de la République est telle qu'il est inconcevable de penser réunir, ne serait-ce qu'une fois par décennie, l'ensemble des Délégués. Pas même par zone, ni par région. Si bien que la salle vaste et dénudée ne sert jamais. C'est pour cette même raison que les autorités gouvernementales ont inlassablement favorisé l'amélioration des moyens de communication. Le service des agents de liaison, assimilé à un corps militaire, appartient à l'élite de la République. Il est envié des nations voisines. L'esprit d'innovation technique l'anime. Grâce à lui, les Délégués sont reliés aux organes centraux.

Livre 3/7 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

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