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A propos de livres...

13 novembre 2016

Grossir le ciel - Franck Buysse

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Manufacture de livres - octobre 2014 - 240 pages

Livre de Poche - janvier 2016 - 240 pages

Quatrième de couverture : 
Les Doges, un lieu-dit au fin fond des Cévennes. C’est là qu’habite Gus, un paysan entre deux âges solitaire et taiseux. Ses journées : les champs, les vaches, le bois, les réparations. Des travaux ardus, rythmés par les conditions météorologiques. La compagnie de son chien, Mars, comme seul réconfort. C’est aussi le quotidien d’Abel, voisin dont la ferme est éloignée de quelques mètres, devenu ami un peu par défaut, pour les bras et pour les verres. Un jour, l’abbé Pierre disparaît, et tout bascule : Abel change, des événements inhabituels se produisent, des visites inopportunes se répètent.
Un suspense rural surprenant, riche et rare.

Auteur : Franck Bouysse, né en 1967, vit à Limoges. Il a publié Noir Porcelaine, Vagabond et Pur Sang.

Mon avis : (lu en novembre 2016)
Voilà un roman noir très original que j'ai découvert grâce à Canel
Dans les Cévennes, au lieu-dit Les Doges vit Gus, un paysan ayant la cinquantaine, taiseux et solitaire qui n'a que son chien, Mars, comme seul compagnie et réconfort. Son seul voisin, Abel est lui aussi un paysan solitaire et il a vingt ans de plus. Tous deux ne sont pas vraiment amis, mais se fréquentent et s'échangent des services et quelques verres... Voilà le cadre de ce huis clos campagnard posé. 

Un jour d'hiver, Gus entend des cris et des coups de feu en provenance de la ferme de son voisin, pourtant il fait comme s'il ne s'était rien passé et en effet le lendemain tout semble normal, Abel est à sa tâche... Et pourtant quelque chose à changé... Petit à petit, le suspense s'installe, la tension monte... Le lecteur comprendra le sens du titre « grossir le ciel » dans les toutes dernières pages de ce roman sombre et dépaysant.
Un petit bémol pour la conclusion que je n'ai pas trouvé à la hauteur du reste de ce roman... A vous de découvrir ce roman néanmoins marquant !

Extrait : (début du livre)
C’était une drôle de journée, une de celles qui vous font quitter l’endroit où vous étiez assis depuis toujours sans vous demander votre avis. Si vous aviez pris le temps d’attraper une carte, puis de tracer une ligne droite entre Alès et Mende, vous seriez à coup sûr passé par ce coin paumé des Cévennes. Un lieu-dit appelé Les Doges, avec deux fermes éloignées de quelques centaines de mètres, de grands espaces, des montagnes, des forêts, quelques prairies, de la neige une partie de l’année, et de la roche pour poser le tout. Il y avait aussi des couleurs qui disaient les saisons, des animaux, et puis des humains, qui tour à tour espéraient et désespéraient, comme des enfants battant le fer de leurs rêves, avec la même révolte enchâssée dans le cœur, les mêmes luttes à mener, qui font les victoires éphémères et les défaites éternelles.

Le hameau le plus proche s’appelait Grizac, situé sur la commune du Pont-de-Montvert. Une route les reliait et devait bien mener quelque part : si on prenait le temps de s’y attarder.
Gus vivait ici, depuis plus de cinquante hivers. C’était en décembre que ce pays l’avait pris et que sa mère l’avait craché sur des draps durs et épais comme des planches de châtaignier, sans qu’il se sente dans l’obligation de crier, comme pour marquer son empreinte désastreuse dans un corps ancestral, une manière de se cogner à la solitude, déjà, dans ce moment qui le faisait devenir quelqu’un par la simple entrée d’une coulée d’air dans sa bouche tordue. Des gens diraient plus tard qu’on n’aurait pas dû le secouer comme on l’avait fait pour lui extorquer le fameux cri et que, si dans le futur il s’était mis à parler plus volontiers aux animaux qu’aux hommes, c’était un peu à cause de ce retard à l’allumage. Mais qui peut dire ce qu’il serait advenu si tout s’était déroulé normalement ? Et qui aurait pu soutenir que, justement, la volonté du Tout-Puissant n’était pas de changer la donne pour Gus, et que cette singularité n’augurait pas d’un destin supérieur ? Ce qui était certain, c’était que même les âmes les plus charitables ne se gênaient pas pour montrer du doigt ce poisson-là qui nageait à contre-courant depuis sa naissance.
La ferme de Gus était pinquée dans la partie la plus haute des Doges, à une dizaine de kilomètres à vol d’oiseau du Pont-de-Montvert. Elle était constituée de vieux bâtiments, de terres cultivées et de taillis acoquinés en forêt de châtaigniers, de pins, de chênes, de hêtres et de mélèzes, pour l’essentiel. Le tout s’étendait sur vingt-quatre hectares. Pour être précis, il faudrait dire qu’entre Les Doges et le village les kilomètres ne duraient pas pareil, selon qu’on était en bonne ou en mauvaise saison. Les distances, dans ce coin-là, c’est du temps, pas des mètres. Et Gus n’était pas un oiseau.



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10 novembre 2016

S'enfuir, récit d'un otage - Guy Delisle

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Quatrième de couverture : 
En 1997, alors qu'il est responsable d'une ONG médicale dans le Caucase, Christophe André a vu sa vie basculer du jour au lendemain après avoir été enlevé en pleine nuit et emmené, cagoule sur la tête, vers une destination inconnue. Guy Delisle l'a rencontré des années plus tard et a recueilli le récit de sa captivité – un enfer qui a duré 111 jours. Que peut-il se passer dans la tête d'un otage lorsque tout espoir de libération semble évanoui ? Un ouvrage déchirant, par l'auteur de "Pyongyang", de "Shenzhen", de "Chroniques birmanes" et de "Chroniques de Jérusalem".

Auteur : Guy Delisle est né en 1966 à Québec. Il suit des études d'arts plastiques et d'animation et embarque pour l'Europe en 1988. Il entame alors une carrière d'animateur, métier qu'il exercera pendant dix ans, avant de réaliser son propre court-métrage, Trois Petits Chats. Il publie ses premiers albums à l'Association : outre Shenzhen, un récit de voyage lié à son métier d'animateur, citons Aline et les autres, remarquable exercice de style, proche de son travail en animation, suivi en 2001 par Albert et les autres. Par ailleurs, Guy Delisle n'hésite pas à s'aventurer dans d'autres univers avec la série humoristique Inspecteur Moroni ou Louis à la plage et Louis au ski, deux récits autobiographiques pleins de charme et sans parole. Par son regard, à la fois acéré et bienveillant, sur une culture étrangère, Chroniques birmanes constitue le prolongement de la démarche initiée avec Shenzhen et Pyongyang et poursuit la série d'ouvrages que Guy Delisle a consacrés à ses voyages en Asie.

Mon avis : (lu en octobre 2016)
Dans cet album, Guy Delisle raconte l'enlèvement de l'humanitaire Christophe André en 1997 en Ingouchie, une petite république de Russie située à l'ouest de la Tchétchénie. L'otage est enfermé dans une pièce avec une fenêtre fermée avec des planche, une ampoule au plafond, un matelas, il est menotté à un radiateur. La vie d'un otage est longue, monotone, rien ne se passe, trois fois par jour on lui apporte son repas, toujours le même menu : une tasse de thé et un bol de bouillon... Un peu de bouillon renversé, une cigarette offerte, un menu différent, ce sont des évènements marquants pour une journée !
Avec la répétition des journées, des semaines passées sans aucune information, le lecteur ressent la tension qui s'installe peu à peu, l'angoisse de l'otage qui compte les jours sans savoir quand viendra la fin de sa captivité... Pour éviter l'ennui et les pensées négatives, Christophe rejoue dans sa tête les grandes batailles napoléoniennes qu'il connait par coeur...
Voilà une histoire bouleversante où il se passe presque rien et qui est pourtant haletante.
A découvrir !

Extrait :

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Déjà lu du même auteur : 

chroniques_de_J_rusalem Chroniques de Jérusalem shenzhen  Shenzhen pyongyang Pyongyang 

le_guide_du_mauvais_p_re Le Guide du Mauvais Père tome 1 71bYqARivUL Chroniques Birmanes 

louis au ski Louis au ski guide du mauvais père_t2 Le Guide du mauvais père tome 2

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9 novembre 2016

Masse Critique Imaginaire Babelio

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Rendez-vous le mercredi 9 novembre 2016

à partir de 7h00

c'est maintenant !

Découvrez la sélection Masse Critique

8 novembre 2016

Mon petit bled au Canada - Zarqa Nawaz

Lu en partenariat avec les éditions Denoël

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traduit de l'anglais (Canada) par Isabelle D. Taudière

Titre original : Laughing All The Way To The Mosque, 2014

Quatrième de couverture : 
Zarqa Nawaz n’a que six ans quand ses parents, musulmans pakistanais aisés, s’installent au Canada. Le choc culturel est rude pour la fillette, qui doit affronter les préjugés de ses camarades autant que le conservatisme religieux de ses pairs… Jeune femme, elle a tôt fait de s’autoproclamer sultane de la dérision, et elle nous plonge dès les premières pages de ce roman tendre et hilarant dans la peau de cette enfant impertinente et lucide. Des mésaventures scolaires de la petite Zarqa à l’amour vache qui la lie à son flegmatique mari en passant par l’éducation de ses enfants, tout est délicieusement absurde, réaliste et d’une infinie tendresse dans ce récit d’une famille éternellement confrontée à sa différence culturelle et religieuse… et le résultat est savoureux, politiquement incorrect et salutaire.

Auteur : Née en 1968 à Liverpool, Zarqa Nawaz est une journaliste et réalisatrice britannico-canadienne d'origine pakistanaise.

Mon avis : (lu en octobre 2016)
J'ai beaucoup aimé cette lecture qui utilise un ton léger pour aborder des thèmes plus profond. Zarqa Nawaz vient d'une famille d'origine pakistanaise, sa famille est arrivée au Canada alors qu'elle avait six ans. Elle a donc été élevée avec cette double culture, à l'école elle découvre les habitudes canadiennes et la liberté et chez elle, les coutumes sont musulmanes et plus conservatrices... Zarqa est tour à tour naïve, révoltée, critique, elle pose pleins de questions, elle refuse à se plier aux exigences de sa communauté sans comprendre le pourquoi du comment, elle exige souvent de connaître la référence exacte de telle ou telle obligation ou interdiction. Gaffeuse mais au caractère bien trempé, elle bouscule les convictions des uns et des autres mais reste toujours fidèle à ses convictions religieuses.

Dans ce livre, elle raconte chronologiquement des instants de sa vie de son enfance à maintenant où elle mène de front sa vie de mère de famille de 4 enfants et sa carrière de journaliste et réalisatrice. Ils illustrent ce choc des cultures avec humour, ironie et autodérision.
C'est au cours de ma lecture et vers la fin du livre que j'ai découvert que Zarqa est la créatrice de la série "La Petite Mosquée dans la prairie" (Little Mosque on the Prairie).
Voilà un roman autobiographique intelligent et drôle pour aller au delà des préjugés.

Merci Chloé et les éditions Denoël pour cette lecture instructive mais également pleine d'humour.

Extrait : (début du livre)
À sept ans, j’ai approché un petit garçon dans la cour d’école. C’était un petit rondouillard aux cheveux noirs ondulés, assis tout seul sur les balançoires, une grosse sucette dans le bec.
« Dis-moi, Davy, tu crois en Dieu ? »
Il m’a regardée d’un drôle d’air et a haussé les épaules.
« Parce que tu sais, c’est très important de croire en Dieu. »
Il comprit tout de suite qu’il avait affaire à une fondamentaliste enragée.
« Si tu me pousses tout le temps que je veux sur la balançoire, je veux bien croire en Dieu. » 
Mes récrés virèrent au cauchemar. J’avais les bras tout engourdis. Mais que n’aurais-je fait pour sauver l’âme de Davy ?
Je fus d’ailleurs bien récompensée de ma B.A. car, quelque temps plus tard, j’étais invitée à son goûter d’anniversaire. J’étais aux anges. En prenant place autour de la table bien garnie, j’avais l’eau à la bouche. Mais j’avais à peine commencé à vider les plats, que la maman de Davy m’arrêta :
« Non, ne mange pas ça !
— Mais c’est drôlement bon, protestai-je en continuant de m’empiffrer.
— C’est du jambon, expliqua-t-elle en fronçant les sourcils. Tu es musulmane, n’est-ce pas ? »
J’engloutis une dernière tranche aussi vite que ma conscience coupable me le permit. C’était si savoureux que j’aurais cru manger un bout de paradis. Je regardai tristement s’éloigner le plateau de charcuteries. Ma petite mine implorante n’y fit rien.
Quand ma mère vint me chercher, notre hôtesse se crut obligée de lui raconter l’incident. 

« Je pensais qu’elle était assez grande pour reconnaître du porc… »
Ma mère regarda sa gloutonne de fille et soupira.
« Nous l’envoyons aux cours d’instruction religieuse à la mosquée, mais je ne sais pas trop ce qu’elle en retient. »
J’étais un peu vexée. J’avais tout de même compris qu’il fallait croire en Dieu. Et comment aurais-je pu faire le rapport entre les grandes images de jolis cochons roses barrés d’un immense X noir et ces délicieuses tranches de charcuterie sur une assiette ?
Davy me considéra d’un œil nouveau :
« Alors tu vas aller en enfer ?
— Bien sûr que non, voyons ! s’indigna sa mère. Elle a fait une erreur, mais, comme nous l’apprenons à l’église, Dieu sait pardonner.
— Parce que Davy va à l’église ?
— Naturellement. Nous sommes catholiques, tu sais. Et il est même enfant de chœur. »
Dès lors, je continuais à pousser Davy sur la balançoire parce que je m’y étais engagée, même si c’était pour de mauvaises raisons. Mais je décidai d’être plus attentive pendant les heures d’éducation religieuse. Dieu avait sans doute voulu me donner une leçon : m’occuper d’abord de mon âme, et apprendre à repérer les innombrables périls qui la guettaient en permanence. La religion était décidément une affaire bien compliquée.

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7 novembre 2016

C'est lundi, que lisez-vous ? [279]

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par Galleane

Qu'est-ce que j'ai lu cette semaine ? 

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La mort nomade – Ian Manook 
Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? - Zidrou et Roger
La différence invisible - Julie Dachez et Mademoiselle Caroline

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?

Mon petit bled au Canada - Zarqa Nawaz (partenariat Denoël)
Le fils de l'Ursari - Xavier-Laurent Petit (Masse Critique Babelio)

Que lirai-je les semaines prochaines ?

Grossir le ciel - Franck Buysse
Irmina - Barbara Yelin 
Mourir partir revenir Le jeu des hirondelles - Zeina Abirached
Au bout du chemin - Patricia Hespel
Les Derniers Jours de Rabbit Hayes - Anna Mc Partlin 

Bonnes lectures et bonne semaine.

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5 novembre 2016

La différence invisible - Julie Dachez et Mademoiselle Caroline

la différence invisible Delcourt - août 2016 - 96 pages

Quatrième de couverture :
Marguerite se sent décalée et lutte chaque jour pour préserver les apparences. Ses gestes sont immuables, proches de la manie. Son environnement doit être un cocon. Elle se sent agressée par le bruit et les bavardages incessants de ses collègues. Lassée de cet état, elle va partir à la rencontre d'elle-même et découvrir qu'elle est autiste Asperger. Sa vie va s'en trouver profondément modifiée.

Auteurs : Julie Dachez s’intéresse aux attitudes à l’égard de l’autisme, aux représentations sociales de l’autisme, aux stratégies de coping des personnes autistes adultes ainsi qu’au concept de neurodiversité. Elle-même porteuse du syndrome d’Asperger, elle a une double casquette de militante et jeune chercheuse. Elle est aussi conférencière et l’auteure du blog http://emoiemoietmoi.over-blog.com et du carnet de recherche autismesdi.hypotheses.org.
Mademoiselle Caroline est née à Paris et réside en Haute-Savoie. Elle est l’auteure de plusieurs albums humoristiques et autobiographiques : Quitter Paris et Je commence lundi, le régime anti-régime. En 2013, elle a publié Chute libre, carnets du gouffre, un récit sur ses trois dépressions qui a suscité l’engouement des médias et des lecteurs. Elle est la dessinatrice de Touriste avec Julien Blanc-Gras au scénario et, plus récemment, l’auteure et dessinatrice de Enceinte ! C’est pas une mince affaire et Le Mariage pour les Nuls en BD.

Mon avis : (lu en octobre 2016)
J'ai beaucoup aimé cette bande dessinée qui fait découvrir de très belle manière ce qu'est le syndrome d'Asperger et apprend au lecteur à vivre avec quelqu'un de différent sans le juger. 
Depuis toujours Marguerite s'est sentie différente, elle est hypersensible aux bruits, aux odeurs, elle a des difficultés à discuter avec plusieurs personnes à la fois... Et pourtant, elle a un travail, des amis, un fiancé, aucun handicap visible et de un bon niveau intellectuelle. Ainsi chaque jour, Marguerite survit à sa journée à travers des rituels et des habitudes routinières, elle s'efface, se fait oublier, elle n'aspire qu'à une chose : retrouver son appartement et son chat. Et un jour, elle décide de rechercher sur internet tous les symptômes qui la fait souffrir, elle découvre alors qu'elle souffre sans doute d'une forme d'autisme légère : le syndrome d'Asperger... Sa vie va pouvoir enfin changer !

Bravo à Mademoiselle Caroline, la dessinatrice, qui a su rendre compte de l'état d'esprit de Marguerite grâce au dessin : le jeu des couleurs est superbe, au début du noir et blanc, du rouge pour tous les sons envahissants puis après le diagnostic, la couleur entre dans la BD comme dans la vie de Marguerite, elle va pouvoir enfin aller de l'avant, prendre sa vie en main et ne plus subir !
Une histoire touchante, un vrai coup de coeur à découvrir et à faire découvrir !
Sans oublier en annexe, des informations sur le syndrome d'Asperger et des références utiles pour s'informer encore plus.

Extrait : 

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3 novembre 2016

Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? - Zidrou et Roger

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Quatrième de couverture : 
Un duo inédit pour un album plein d'humanité et de tendresse : Zidrou et Roger, le dessinateur de Jazz Maynard, signent le one-shot Pendant que le Roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? Eh bien, c'est sa maman ! Madame Hubeau, elle, s'occupe seule de son grand enfant de 40 ans, Michel, handicapé. Un quotidien certes difficile, mais joyeux et qu'elle assume avec courage et générosité. Un magnifique hommage à toutes ces personnes admirables qui se battent dans l'ombre.

Auteurs : Zidrou (Benoît Drousie) est né en 1962 à Bruxelles. D'abord instituteur, il se lance au début des années 1990 dans l'écriture de livres et de chansons pour enfants. En 1991, il rencontre le dessinateur Godi avec qui il crée L'Elève Ducobu. Sa carrière de scénariste de bande dessinée est lancée ! Il signe de nombreuses séries pour enfants et adolescents, des Crannibales à Tamara, de Scott Zombi à Sac à Puces, assure la reprise de La Ribambelle. Il est également l'auteur des plus réalistes, mais non moins sensibles, La Peau de l'ours, Lydie, Folies Bergères, La Mondaine, Les 3 Fruits. En 2015, Zidrou revient en force avec trois nouveaux albums : en août Le Bouffon avec Francis Porcel, en septembre, une nouvelle série familiale, Les Beaux Etés avec Jordi et en octobre, en duo avec P. Berthet, un polar dans les régions reculées de l'Australie, "Crime qui est le tien". Pour 2016, l'auteur continue d'écrire les souvenirs de vacances de la famille Faldéraut dans "Les Beaux Étés" et proclame la fin de Venise dans "Marina".
Roger Ibanez Ugena a étudié la B.D. à l'école Joso. En 1993, il réalise plusieurs courtes BD humoristiques (sc. A. GARCIA) pour le fanzine "GN" et, en 1994, il gagne le premier concours manga des éditions Norma qui publient dans leur revue manga "Otaku" plusieurs de ses histoires courtes (sc. R. GONZALEZ). Pour les éditions Cameleon, il dessine dans le périodque "Sukube" (sc. N. PERIS) et produit "Hiromi" (sc. A. GARCIA). De 1999 à 2001, il signe 14 BD (sc. RAULE) dans le magazine "Penthouse Comix" des éditions El Jueves. Sous le pseudonyme de Nono, il réalise en outre des BD pour divers magazines érotiques américanis dont "Sizzle" (NBM). En 2002 et 2003, avec RAULE aux scénarios, il publie "Hole'n'Virgin", "Amores muertos" et "Cabos sueltos" aux éditions Amaniaco. Présentée au salon de la BD de Barcelone, cette dernière réalisation séduit le scénariste J.D. MORVAN qui la soumet à DARGAUD. De là naît au festival d'Angoulême 2004, le projet du triptyque "Jazz Maynard".

Mon avis : (lu en septembre 2016)
Tout commence dans un train, Catherine voyage seule vers la mer. Elle s'est accordée une journée de liberté, de repos et pourtant elle ne peut s'empêcher d'appeler chez elle pour savoir si tout va bien. Elle n'arrive pas à rester loin de son fils.

A soixante-douze ans, Catherine s'occupe quotidiennement et inconditionnellement de son fils, Michel, ce dernier a quarante-trois ans, c'est un colosse avec l'âme d'un enfant, il est handicapé. Il a ses petites habitudes et ses rituels, il est très gourmand, Puissance 4 est son jeu favori, il regarde chaque jour la même émission à la télévision... L'abnégation et la bienveillance de cette mère est admirable et touchante.
Voilà un album tout en simplicité, authentique, pleins d'humanité, d'amour, de tendresse et de joie de vivre. Grâce à sa maman si dévouée, Michel a une vie simple et belle pour lui.
Une très belle découverte avec comme seule interrogation : le titre de cette bande dessinée...
Je n'ai pas compris le pourquoi du titre de cette BD... Etait-ce pour se distinguer avec un très très long titre ? Si quelqu'un a une explication, je suis preneuse...

Extrait :

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1 novembre 2016

La mort nomade – Ian Manook

Lu en partenariat avec Albin Michel 

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Quatrième de couverture :
Usé par des années de lutte stérile contre le crime, l'incorruptible commissaire Yeruldelgger a quitté la police d'Oulan-Bator. Plantant sa yourte dans les immensités du désert de Gobi, il a décidé de renouer avec les traditions de ses ancêtres. Mais sa retraite sera de courte durée. Deux étranges cavalières vont le plonger bien malgré lui dans une aventure sanglante qui les dépasse tous. Eventrée par les pelleteuses des multinationales, spoliée par les affairistes, ruinée par la corruption, la Mongolie des nomades et des chamanes semble avoir vendu son âme au diable !
Des steppes arides au coeur de Manhattan, du Canada à l'Australie, Manook fait souffler sur le polar un vent plus noir et plus sauvage que jamais. 

Auteur : Ian Manook a sûrement été le seul beatnick à traverser d'Est en Ouest tous les États-Unis en trois jours pour assister au festival de Woodstock et s'apercevoir en arrivant en Californie qu'il s'ouvrait le même jour sur la côte Est, à quelques kilomètres à peine de son point de départ. C'est dire s'il a la tête ailleurs. Et l'esprit voyageur ! Journaliste, éditeur, publicitaire et désormais romancier, Yeruldelgger est son premier roman, et le premier opus d'une série autour du personnage éponyme qui nous conduit des steppes oubliées de Mongolie aux bas-fonds inquiétants d'Oulan-Bator.

Mon avis : (lu en octobre 2016)
C'est la troisième 
et dernière aventure de Yeruldelger. Pour ma part, je n'ai pas lu la seconde par manque de temps... Ce dernier a quitté la police d'Oulan-Bator, il s'est réfugié dans sa yourte au milieu de l'immensité du désert de Gobi pour renouer avec les traditions de ses ancêtres. Et voilà que deux étranges cavalières viennent le déranger dans sa retraite...
J'ai moins aimé cette épisode que premier, car au début j'étais perdu par la multitude de personnages, de meurtres, d'évènements un peu partout autour de la Terre : dans les steppes arides de la Mongolie, au cœur de Manhattan, au Canada, en Australie... Puis peu à peu le puzzle se met en place et je comprends mieux l'intrigue de cette histoire centrée sur la corruption et les multinationales qui exploitent sans état d'âme les mines de la Mongolie, n'hésitant pas à défigurer un pays pour des profits. Les morts sont nombreux, la violence est là sans oublier les rebondissements et les traditions de Mongolie...
J'aime toujours beaucoup le personnage de Yeruldelger avec ses défauts, ses qualités et sa complexité, je lirai donc certainement un jour l'épisode 2.

Merci Aurore et les éditions Albin Michel pour cette lecture palpitante et dépaysante

 

Extrait : (début du livre)
Le petit combi russe bleu tout-terrain crapahutait, en équilibre instable, vers la ligne de crête. En dodelinant dangereusement, sa carcasse peinturlurée écrasait sous ses pneus ramollis des cailloux chauds qui fusaient en cognant sous le châssis. La pente et les soubresauts décidaient de sa trajectoire plus que les efforts du chauffeur, cramponné de ses mains d’ogre au fin volant de bakélite ivoire.
– On va finir par verser et rouler jusque dans la vallée si tu continues comme ça. Et c’est moi qui suis à la place du mort.
Al éclaboussait de Chinggis tiède son T-shirt Yes We Khan à chaque couinement des ressorts à lame de la suspension malmenée.
– Si on verse, tout le monde meurt, philosopha Zorig, son corps de géant voûté pour tenir dans l’habitacle, les genoux dans le volant et la tête contre le pare-brise. Mais ça n’arrivera pas. Ces engins-là c’est comme des tiques. Ça suce la route et ça ne la lâche plus. 
– Sauf le jour où tu nous as fait basculer dans le lac Airag, au sud de Khyargas, rappela Naaran, cramponné au skaï de la banquette arrière, la tête cognant contre la tôle de métal brut.
– Ce jour-là, c’était les freins.
– Et la ravine, dans le Khangai Nuruu ? insista Erwan, brinquebalé par les chahuts cahotiques du van. C’était les freins aussi peut-être ?
– Ce jour-là c’était les pneus ! bouda Zorig.
– Et la sortie de piste sur la route de Tchor ? Tu te souviens, la longue piste bien droite et toute plate, c’était quoi déjà ?
– …
– C’était pas les éléphants, par hasard ?
Tous éclatèrent de rire, sauf Zorig, vexé, qui s’abîma dans sa conduite erratique.
– Ce jour-là, tu nous as bien jetés dans un dévers pour éviter un éléphant, non ?
– Et alors, je me suis trompé, ça arrive, non ? Je sais bien qu’il n’y a pas d’éléphants dans la steppe. Je ne suis pas aussi con que ça. Ça devait être autre chose, un yack, ou un chameau, je ne sais plus. J’étais fatigué.
– Fatigué ? Ivre, oui ! Rétamé, cuivré comme une bassine à myrtilles, plein comme une vessie de yack ! Tu devrais me laisser le volant, s’inquiéta Naaran.
– Jamais de la vie. C’est mon UAZ. C’est moi qui le conduis.
– Zorig, s’il n’y a rien de praticable de l’autre côté de cette crête, on ne pourra jamais faire demi-tour, pas même marche arrière.
– On pourra. Il passe partout. Et puis il y a toujours quelque chose après les choses.
C’était une sentence à la Zorig. Une affirmation non discutable à laquelle le futur donnait quelquefois raison. Al, Naaran et Erwan cherchèrent une réplique pour le principe, mais ce qu’ils découvrirent en atteignant la crête les laissa sans voix. Zorig stoppa le van dans un soubresaut qui faillit les faire glisser dans le ravin et colla son visage de colosse contre le pare-brise constellé d’impacts.
– Magnifique, siffla-t-il entre ses dents.
– Macabre, oui, murmura Al.
– Morbide, corrigea Naaran depuis le siège arrière.
– C’est quoi la différence ? s’enquit Erwan en glissant la tête entre les épaules de Zorig et d’Al pour mieux voir.
– Macabre évoque une mort dans des circonstances tragiques, alors que morbide n’a rien à voir avec la mort. C’est juste quelque chose de malsain et d’anormal, expliqua Al.
– Alors c’est plutôt morbicabre, trancha Zorig.
– Et beau.
– Morbicabre et beau, approuvèrent les autres en descendant du van.
Devant eux, l’homme nu était allongé sur le dos, comme enroulé sur un rocher. Son corps, cambré au-delà du probable, épousait très exactement la forme de la pierre presque ronde. Jusqu’à sa nuque. Jusqu’à ses bras désarticulés aux épaules et tendus au-delà de sa tête renversée, lestés par une lourde pierre au bout d’une corde nouée à ses poignets. D’un côté ses pieds étaient attachés à la base du gros rocher et de l’autre cette pierre immobile pendait dans le vide et l’étirait, cintré, sur le rocher lisse.
– Il est mort ? demanda Erwan sans oser s’approcher.
– Qui a fait ça ? gronda Zorig.
– Je n’en sais rien. Une sorte de crime rituel peut-être…
– Je ne parle pas de ce mec, je parle de mes dessins !

 challenge12016br
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Déjà lu du même auteur :

9782356418470-T Yeruldelgger 

31 octobre 2016

C'est lundi, que lisez-vous ? [278]

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par Galleane

Qu'est-ce que j'ai lu cette semaine ? 

112791048 113028667 113157997

A coucher dehors - Aurélien Ducoudray & Anlor 
Je m'appelle Leon - Kit de Waal 
Petit pays - Gaël Faye 

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?

La mort nomade - Ian Manook (partenariat Albin Michel)
Mon petit bled au Canada - Zarqa Nawaz (partenariat Denoël)

Que lirai-je les semaines prochaines ?

Le fils de l'Ursari - Xavier-Laurent Petit (Masse Critique Babelio)
S'enfuir, récit d'un otage - Guy Delisle
Irmina - Barbara Yelin 
Mourir partir revenir Le jeu des hirondelles - Zeina Abirached
Au bout du chemin - Patricia Hespel
Les Derniers Jours de Rabbit Hayes - Anna Mc Partlin 

Bonnes lectures et bonne semaine.

29 octobre 2016

Petit pays - Gaël Faye

petit pays Grasset - août 2016 - 224 pages

Prix Goncourt des Lycéens 2016

Quatrième de couverture : 
En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel  voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…
« J’ai écrit ce roman pour faire surgir un monde oublié, pour dire nos instants joyeux, discrets comme des filles de bonnes familles: le parfum de citronnelle dans les rues, les promenades le soir le long des bougainvilliers, les siestes l’après-midi derrière les moustiquaires trouées, les conversations futiles, assis sur un casier de bières, les termites les jours d’orages... J’ai écrit ce roman pour crier à l’univers que nous avons existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous avions des bonheurs qui ne cherchaient qu’à le rester avant d'être expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d’exilés, de réfugiés, d’immigrés, de migrants. »
Avec un rare sens du romanesque, Gaël Faye évoque les tourments et les interrogations d’un enfant pris dans une Histoire qui le fait grandir plus vite que prévu. Nourri d’un drame que l’auteur connaît bien, un premier roman d’une ampleur exceptionnelle, parcouru d’ombres et de lumière, de tragique et d’humour, de personnages qui tentent de survivre à la tragédie.

Auteur : Franco-rwandais, Gaël Faye est auteur compositeur interprète de rap. Aussi influencé par les littératures créoles que par la culture hip hop,  il sort un album en 2010 avec le groupe Milk Coffee & Sugar (révélation Printemps de Bourges). En 2013 paraît son premier album solo,  Pili Pili sur un Croissant au Beurre. Enregistré entre Bujumbura et Paris, il se nourrit d’influences musicales plurielles : du rap teinté de soul et de jazz, du semba, de la rumba congolaise, du sébène… Petit pays est son premier roman.

Mon avis : (lu en octobre 2016)
En 1992, Gabriel est un petit garçon de 10 ans, qui vit dans le bonheur. Il vit à Bujumbura, la capitale du Burundi, dans un quartier résidentiel avec avec sa petite soeur Ana, son père français et sa mère rwandaise. 
La famille de sa maman sont des réfugiés, dans les années 60, ils ont fuit le Rwanda, lors des massacres contre les Tutsi et ils espèrent pouvoir un jour retourner au pays.
L'impasse où il habite est aussi le lieu des jeux et des rencontres avec sa bande de copains de toutes origines avec lesquels il fait les 400 coups. C'est une enfance enchantée et Gabriel aimerait qu'elle ne s'arrête jamais... 
Mais en toile de fond, il y a la situation politique du pays et du monde et Gabriel découvre qu'il est français, rwandais et tutsi. 
Gabriel a besoin de mettre à distance la violence du monde, il préfère se réfugier dans l'insoucience de enfance, dans la lecture pour garder son innocence le plus longtemps possible. Les évènements, la guerre et la violence auour de lui vont pourtant obliger Gabriel à grandir plus vite que la normale... 
Pour écrire ce premier roman, Gaël Faye s'est largement inspiré de sa jeunesse au Burundi, à l'époque il n'avait pas la même conscience que Gabriel sur la violence qui se passait dans le pays, heureusement ses parents avaient su préserver l'enfant qu'il était encore...
L'écriture est très imagée, pleine de poésie, on ressent parfaitement l'Afrique, sa chaleur, ses odeurs, ses couleurs... Les personnages sont attachants et le lecteur les voit évoluer au cours de l'histoire, en particulier les enfants.
Voilà un livre poignant sur une enfance bouleversée par l'Histoire du "Petit Pays" et la guerre civile. 

Extrait : (début du livre)
Je ne sais vraiment pas comment cette histoire a commencé.
Papa nous avait pourtant tout expliqué, un jour, dans la camionnette.
– Vous voyez, au Burundi c’est comme au Rwanda. Il y a trois groupes différents, on appelle ça les ethnies. Les Hutu sont les plus nombreux, ils sont petits avec de gros nez.
– Comme Donatien ? j’avais demandé.
– Non, lui c’est un Zaïrois, c’est pas pareil. Comme Prothé, par exemple, notre cuisinier. Il y a aussi les Twa, les pygmées. Eux, passons, ils sont quelques-uns seulement, on va dire qu’ils ne comptent pas. Et puis il y a les Tutsi, comme votre maman. Ils sont beaucoup moins nombreux que les Hutu, ils sont grands et maigres avec des nez fins et on ne sait jamais ce qu’ils ont dans la tête. Toi, Gabriel, avait-il dit en me pointant du doigt, tu es un vrai Tutsi, on ne sait jamais ce que tu penses.
Là, moi non plus je ne savais pas ce que je pensais. De toute façon, que peut-on penser de tout ça ? Alors j’ai demandé :
– La guerre entre les Tutsi et les Hutu, c’est parce qu’ils n’ont pas le même territoire ?
– Non, ça n’est pas ça, ils ont le même pays.
– Alors... ils n’ont pas la même langue ?
– Si, ils parlent la même langue.
– Alors, ils n’ont pas le même dieu ?
– Si, ils ont le même dieu.
– Alors... pourquoi se font-ils la guerre ?
– Parce qu’ils n’ont pas le même nez. 
– Ouais, et lui là-bas, avec le chapeau, il est immense, tout maigre avec un nez tout fin, c’est un Tutsi.
– Et lui, là-bas, avec la chemise rayée, c’est un Hutu.
– Mais non, regarde, il est grand et maigre.
– Oui, mais il a un gros nez !
C’est là qu’on s’est mis à douter de cette histoire d’ethnies. Et puis, Papa ne voulait pas qu’on en parle. Pour lui, les enfants ne devaient pas se mêler de politique. Mais on n’a pas pu faire autrement. Cette étrange atmosphère enflait de jour en jour. Même à l’école, les copains commençaient à se chamailler à tout bout de champ en se traitant de Hutu ou de Tutsi. Pendant la projection de Cyrano de Bergerac, on a même entendu un élève dire : « Regardez, c’est un Tutsi, avec son nez. » Le fond de l’air avait changé. Peu importe le nez qu’on avait, on pouvait le sentir.
La discussion s’était arrêtée là. C’était quand même étrange cette affaire. Je crois que Papa non plus n’y comprenait pas grand-chose. À partir de ce jour-là, j’ai commencé à regarder le nez et la taille des gens dans la rue. Quand on faisait des courses dans le centre-ville, avec ma petite sœur Ana, on essayait discrètement de deviner qui était Hutu ou Tutsi. On chuchotait :
– Lui avec le pantalon blanc, c’est un Hutu, il est petit avec un gros nez.

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