La Lettre de Helga - Bergsveinn Birgisson
Zulma - août 2013 - 144 pages
traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson
Titre original : Svar við bréfi Helgu, 2010
Quatrième de couverture :
« Mon neveu Marteinn est venu me chercher à la maison de retraite. Je vais passer le plus clair de l’été dans une chambre avec vue plongeante sur la ferme que vous habitiez jadis, Hallgrímur et toi. » Ainsi commence la réponse – combien tardive – de Bjarni Gíslason de Kolkustadir à sa chère Helga, la seule femme qu’il aima, aussi brièvement qu’ardemment, d’un amour impossible.
Et c’est tout un monde qui se ravive : entre son élevage de moutons, les pêches solitaires, et sa charge de contrôleur du fourrage, on découvre l’âpre existence qui fut la sienne tout au long d’un monologue saisissant de vigueur. Car Bjarni Gíslason de Kolkustadir est un homme simple, taillé dans la lave, pétri de poésie et d'attention émerveillée à la nature sauvage.
Ce beau et puissant roman se lit d’une traite, tant on est troublé par l’étrange confession amoureuse d’un éleveur de brebis islandais, d’un homme qui s’est lui-même spolié de l’amour de sa vie.
Auteur : Bergsveinn Birgisson est né en 1971. Titulaire d’un doctorat en littérature médiévale scandinave, il porte la mémoire des histoires que lui racontait son grand-père, lui-même fermier et pêcheur dans le nord-ouest de l’Islande. Immense succès dans les pays scandinaves ainsi qu’en Allemagne, la Lettre à Helgaest enfin traduit en français.
Mon avis : (lu en octobre 2013)
Bjarni Gíslason a aimée Helga à la folie. Elle vivait dans une ferme voisine avec son mari Hallgrimur et leurs deux enfants. Lui était marié avec Unnur, qui ne pouvait pas avoir d'enfant. Durant une année, ils se sont vus en secret et se sont aimés passionnement.
Cette lettre est la dernière confession d'un vieux fermier islandais à la femme qu'il a aimé mais pour laquelle il n'a pas su quitter sa vie tranquille de fermier... A travers cette lettre, il revient sur sa longue vie, il avoue sa lâcheté de n'avoir pas su quitter sa femme pour suivre Helga et il explique pourquoi. Bjarni est un homme sincère et attachant, aimant sa terre, ses animaux, appréciant le souffle du vent, les odeurs de la ferme, du foin... Mêlant humour, autodérision, poésie, douceur et passion il nous raconte son quotidien de fermier, ses sensations et les souvenirs de ses rencontres secrètes avec Helga... C'est une jolie lecture pleine de sensibilité et d'émotion.
Extrait : (début du livre)
À Kolkustadir, le 29 août 1997
Chère Helga,
Certains meurent de causes extérieures. D’autres meurent parce que la mort depuis longtemps soudée à leurs veines travaille en eux, de l’intérieur. Tous meurent. Chacun à sa façon. Certains tombent parterre au milieu d’une phrase. D’autres s’en vont paisiblement dans un songe. Est-ce que le rêve s’éteint alors, comme l’écran à la fin du film? Ou est-ce que le rêve change simplement d’aspect, acquérant une autreclartéet des couleurs nouvelles ? Et celui qui rêve, s’en aperçoit-il tant soit peu ?
Ma chère Unnur est morte. Elle est morte en rêvant, une nuit où il n’y avait personne. Bénie soit sa mémoire.
Pour ma part, la carcasse tient encore le coup, à part la raideur des épaules et des genoux. La vieillesse fait son œuvre. Il y a, bien sûr, des moments où l’on regardeses pantoufles en pensant qu’un jourelles serontencorelà, tandis qu’on n’y sera plus pour les enfiler. Mais quand ce jour viendra, qu’il soit le bienvenu, comme dit le psaume. C’est comme ça, ma Belle ! Bien assez de vie a coulé dans ma poitrine. Et j’ai eu l’occasion d’y goûter – à la vie.
Ah, je suis devenu un vieillard impossible qui prend plaisir à raviver de vieilles plaies. Mais on a tous une porte de sortie. Et nous aspirons tous à lâcher notre moi intérieur au grand air. Mon issue de secours à moi, c’est la vieille porte de la bergerie de feu mon père, celle que le soleil traverse par les fentes, en longs et fins rayons entre ses planches disjointes. Si la vie est quelque part, ce doit être dans les fentes. Et ma porte à moi est désormais tellement faussée, branlante et déglinguée qu’elle ne sépare plus vraiment l’intérieur de l’extérieur. Devrais-je mettre au crédit du charpentier ce travail bâclé ? Car toutes ces lézardes, ces interstices, laissent passer le soleil et la vie.
Bientôt, ma Belle, j’embarquerai pour le long voyage qui nous attend tous. Et c’est bien connu que l’on essaie d’alléger son fardeau avant de se mettre en route pour une telle expédition. Assurément, j’arrive après la soupe en t’écrivant cette lettre maintenant que nous sommes tous plus ou moins morts ou séniles, mais je m’en vais la griffonner quand même. Si tu vois cela d’un mauvais œil, tu n’auras qu’à jeter ce gribouillis. Mes paroles partent d’un bon sentiment. Je ne t’ai jamais voulu que du bien, tu le sais, ma chère Helga.
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