Ecoutez Lire - février 2012 - 5 h - Lu par Isabelle Carré
Gallimard - août 2011 – 208 pages
A Vue d'Oeil - février 2012 - 322 pages
Folio - février 2013 - 240 pages
Prix Goncourt des Lycéens 2011
Lire dans le noir - décembre 2009 - 1h45 - lu par l'auteur
Intervista - mai 2006 - 111 pages
J'ai Lu - juin 2009 - 111 pages
J'ai Lu - juin 2012 - 111 pages
Quatrième de couverture :
" Pourquoi tu dors tout habillée avec ton cartable, Rachel ? ". A la question que lui pose madame Trebla, la psychologue pour enfants, Rachel commence par répondre " Parce que j'ai envie ". Puis, au fil des séances, elle se laisse aller à quelques confidences.
Malgré sa coupe de lord anglais imposée par maman, Rachel n'a rien d'une petite fille modèle. Elle fait jouer des scènes d'amour torrides à ses poupées, invente des blagues téléphoniques avec Hortense, sa meilleure amie (la seule qui vient à ses goûters d'anniversaire), elle a la tête pleine de rires, de bêtises, de colères et de questions, qui désarçonnent parfois la thérapeute. Au fait, quand on est mort, est-ce qu'on le sait ?
Auteur : Auteur et comédienne, Raphaële Moussafir a d'abord écrit (et interprété) Du vent dans mes mollets pour le théâtre, et confirme dans Et pendant ce temps-là les araignées tricotent des pulls autour de nos bilboquets (2007) son talent pour ressusciter le monde de l'enfance.
Mon avis : (écouté en mars 2014)
Avant d'écouter ce livre, j'ai eu l'occasion de voir l'adaptation cinématographique que j'ai beaucoup aimé et qui est un peu différente que le livre.
J'ai pris beaucoup de plaisir à écouter ce livre, Rachel est une petite fille pleine de vie, attachante qui se pose beaucoup de questions. Avec Hortense sa meilleure amie, elles s'amusent beaucoup, font des bêtises... Rachel ne comprend pas toujours les adultes et réciproquement. Elle n'a pas sa langue dans sa poche.
Je me suis un peu retrouvée dans cette petite fille et se retour en enfance fait toujours du bien.
C'est drôle, tendre, émouvant et la lecture par l'auteur est une vraie valeur ajoutée sans oublier en fin de CD un entretien avec l'auteur très intéressante.
Lisez-le ! Ecoutez-le !
Le livre a été adapté au cinéma par Carine Tardieu en 2012 avec Agnès Jaoui, Denis Podalydès, Isabelle Carré, Isabella Rossellini, Judith Magre
Autres avis : Sandrine, Aifelle, Clara, Enna
Extrait : ici
Challenge Petit Bac 2014
Gros mot (1)
Lu dans le cadre du Challenge
"Ecoutons un livre"
Livraphone - avril 2006 - Lu par Jacques Frantz
Hermé - 1991 - 235 pages
Viviane Hamy - mars 1996 - 213 pages
J'ai Lu - août 2002 - 219 pages
J'ai Lu - juin 2005 - 224 pages
Magnard - juin 2006 - 256 pages
PRIX DU FESTIVAL DE SAINT-NAZAIRE 1992
Quatrième de couverture :
« Victor, mauvais sort, que fais-tu dehors ? »
Depuis quatre mois, cette phrase accompagne des cercles bleus qui surgissent la nuit, tracés à la craie sur les trottoirs de Paris. Au centre de ces cercles, prisonniers, un débris, un déchet, un objet perdu : trombone, bougie, pince à épiler, patte de pigeon...
Le phénomène fait les délices des journalistes et de quelques psychiatres qui théorisent : un maniaque, un joueur.
Le commissaire Adamsberg, lui, ne rit pas. Ces cercles et leur contenu hétéroclite sont de mauvais augure. Il le sait, il le sent : bientôt, de l'anodin saugrenu on passera au tragique.
Il n'a pas tort. Un matin, c'est le cadavre d'une femme égorgée que l'on trouve au milieu d'un de ces cercles bleus.
Auteur : Fred Vargas est née à Paris en 1957. Fred est le diminutif de Frédérique. Vargas est son nom de plume pour les romans policiers. Pendant toute sa scolarité, Fred Vargas ne cesse d'effectuer des fouilles archéologiques. Après le bac, elle choisit de faire des études d'histoire. Elle s'intéresse à la préhistoire, puis choisit de concentrer ses efforts sur le Moyen Âge. Elle a débuté sa « carrière » d'écrivain de roman policier par un coup de maître. Son premier roman Les Jeux de l'amour et de la mort, sélectionné sur manuscrit, reçut le Prix du roman policier du Festival de Cognac en 1986 et fut donc publié aux éditions du Masque. Depuis elle a écrit : Un lieu incertain (2008), Dans les bois éternels (2006), Sous les vents de Neptune (2004), Coule la Seine (2002), Pars vite et reviens tard (2001), Petit traité de toutes vérités sur l'existence (2001), Les quatre fleuves (en collaboration avec Edmond Baudoin) (2000), L'homme à l'envers(1999), Sans feu ni lieu (1997), Un peu plus loin sur la droite (1996), Debout les morts (1995),Ceux qui vont mourir te saluent (1994), L'homme aux cercles bleus (1992)
Mon avis : (écouté en mars 2013)
C'est la première enquête du Commissaire Adamsberg, le personnage récurent de Fred Vargas. Il vient d'être nommé à Paris et l'inspecteur Danglard devient son adjoint.
Dans la nuit de Paris, un inconnu trace des cercles à la craie bleue autour d'objets abandonnés. Tout cela est bien anodin, mais Adamsberg pressent que cela va devenir plus grave... Il n'a pas tort car bientôt c'est le cadavre d'une femme qui est retrouvé dans un cercle à la craie bleue... L'intrigue est très bien construite, et l'histoire est palpitante, de nombreux personnages haut en couleurs gravitent autour de l'enquête. C'est l'un de mes livres préférés de Fred Vargas.
J'ai pris vraiment beaucoup de plaisir à l'écouter et à redécouvrir cette enquête pleine de rebondissements.
Une adaptation à la télévision très réussite de ce roman a été faite par José Dayan et diffusée en 2009. C'est le troisième téléfilm de la série Collection Fred Vargas. Il y a donc quelques différences avec le livre car Josée Dayan a pris le partie d'en faire une suite à son premier téléfilm "Sous les vents de Neptune" (1 et 2), alors que "L'homme aux cercles bleus" est le premier roman de Vargas où apparaît le commissaire Adamsberg.
La distribution : Jean-Hugues Anglade (Jean-Baptiste Adamsberg), Charlotte Rampling (Mathilde Forestier), Jacques Spiesser (Adrien Danglard), Jean-Pierre Léaud (Louis Le Nermord), Stanislas Merhar (Charles Reyer), Hélène Fillières (Camille Forestier), Corinne Masiero (Violette Retancourt), Didier Terron (Joseph Favre), Philippe Magnan (Vercors-Laury)
Déjà lu du même auteur :
Ceux qui vont mourir te saluent
L'Homme aux cercles bleus
Debout les morts
Un peu plus loin sur la droite
Sans feu ni lieu
L'Homme à l'envers
Pars vite et reviens tard
Sous les vents de Neptune
Dans les bois éternels
Un lieu incertain
Les Quatre fleuves (BD)
L'Armée furieuse
Challenge Petit Bac 2014
Couleur (3)
Challenge Trillers et Polars
catégorie "Même pas peur" : 24/25
Ecouté dans le cadre de Masse Critique avec Audiolib
Audiolib - janvier 2014 - 2h54 - Lu par Rufus
Zulma - août 2013 - 144 pages
traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson
Titre original : Svar við bréfi Helgu, 2010
Quatrième de couverture :
Au seuil de sa fin de vie, Bjarni – fermier islandais – décide de rompre le silence et d’écrire une longue lettre à son grand amour perdu, Helga, sa belle voisine. Il y raconte l’existence qui s’est écoulée, de l’après-guerre à nos jours, les temps qui changent, la solitude glacée, mais surtout livre le secret d’une âme simple et le regret qui la torture : n’avoir pas su rompre avec son mode de vie immémorial en fuyant avec elle à Reykjavík. Bouleversante, brûlante et souvent drôle, cette Lettre à Helga est aussi prétexte à l’évocation d’un monde révolu : celui d’une vie paysanne traditionnelle islandaise qu’anime une âme pétrie de lectures bibliques et de légendes, entre mer et glace. Un roman épistolaire rafraîchissant et grave à la fois.
Rufus interprète La Lettre à Helga en usant de toutes les facettes de son immense talent, mélange de mélancolie et de passion brûlante.
Auteur : Bergsveinn Birgisson est né en 1971. Titulaire d’un doctorat en littérature médiévale scandinave, il porte la mémoire des histoires que lui racontait son grand-père, lui-même éleveur et pêcheur dans le nord-ouest de l’Islande. Immense succès dans les pays scandinaves ainsi qu’en Allemagne, La Lettre à Helga est enfin traduit en français.
Lecteur : Rufus est né le 19 décembre 1942 à Riom. Comédien et humoriste, Il mène de front sa carrière au théâtre, du Café de la gare aux pièces de Beckett, et au cinéma en jouant des rôles importants entre autres pour Lelouch, Godard, Mocky ou Jean-Pierre Jeunet, pour qui il sera le père d’Amélie dans Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain.
Mon avis : (écouté en février 2014)
J'avais beaucoup aimé le livre papier et j'ai adoré le relire en version audio.
Bjarni Gislason est un vieux monsieur proche de la mort lorsqu'il écrit cette lettre à Helga, la femme qu'il a aimé le plus au monde mais qu'il n'a pas su garder. Ils étaient voisins et mariés l'un et l'autre lorsque leur liaison a commencé. Un jour, il a fallu choisir, partir vivre avec Helga loin de son village, de ses terres, de son bétail ou rester avec sa femme dans cette belle campagne islandaise.
Dans cette lettre, Bjarni revient sur sa longue vie, sur ses regrets... Il nous raconte son quotidien à la ferme, les souvenirs de sa passion avec Helga mais aussi quelques épisodes dignes des racontars de Jørn Riel...
Bjarni est bouleversant de sincérité, il regrette encore le choix qu'il a fait et qui a gâché plusieurs vies. Une histoire dépaysante dans une nature rude mais authentique.
Le comédien Rufus exprime avec beaucoup de talent les différentes émotions contenues dans cette histoire.
Seule réserve, la couverture du livre audio...
Merci Babelio et Audiolib pour m'avoir permis de découvrir cette histoire touchante.
Autre avis : Valérie
Extrait lu : voir ici
Version papier :
Challenge Voisins Voisines 2014
Islande
Challenge Petit Bac 2014
Objet (4)
Audiolib - mars 2013 - 2h30 - Lu par l'auteur
Editions de Minuit - octobre 2012 - 123 pages
Quatrième de couverture :
Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d'entre eux. Reste à savoir s'ils vont revenir. Quand. Et dans quel état.
Comme il l’avait fait pour Courir et Des éclairs, c’est Jean Echenoz lui-même qui lit 14, donnant ainsi à son roman cette dimension d’intimité et d’humanité que ne peut écraser le terrifiant chaos qui va broyer des millions d’hommes.
Auteur : Né à Orange le 26 décembre 1947, grand nom de la littérature française contemporaine, Jean Echenoz s'impose avec un sens de l'observation unique et un style singulier. L'ancien étudiant en sociologie et en génie civil déclare être l'auteur de romans 'géographiques'. Il tâche en effet dans son oeuvre de tracer les conditions, les décors et les milieux qui fondent une existence, celle de personnages fictifs ou réels à l'instar de Ravel dans un roman éponyme ou d'Emile Zatopec dans 'Courir'. Amené à l'écriture suite à la découverte d''Ubu Roi' d'Alfred Jarry, Echenoz imprime sa propre empreinte avec un sens de la dérision hérité du dramaturge. Lauréat du prix Goncourt en 1999 pour 'Je m'en vais', l'auteur joue à détourner les codes du langage et les genres littéraires. Ainsi, il s'approprie le roman policier avec 'Cherokee' ou le roman d'espionnage avec 'Le Lac'. Ecrivain de la quête et de l'enquête, Jean Echenoz succède avec brio et innovation à la génération du Nouveau Roman, qui a fait la renommée de sa maison d'édition, Minuit.
Mon avis : (écouté en février 2014)
La quatrième de couverture résume parfaitement ce court roman sur la Première Guerre Mondiale : "Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d'entre eux. Reste à savoir s'ils vont revenir. Quand. Et dans quel état".
Anthime, Charles, Bossis, Arcenel et Padioleau sont originaires tous les cinq du même coin de Vendée. Début août, une belle journée d'été et tout à coup les cloches se sont mises à sonner le tocsin, c'était la guerre. Ils sont partis la fleur au fusil persuadés d'être de retour pour Noël... Laissant au village Blanche qui fait battre le cœur des deux frères, Charles et Anthime. En s'inspirant de carnets écris jours après jours par un appelé, l'auteur nous raconte le quotidien dans les tranchées. Beaucoup de sujets sont évoqués : les combats en première ligne, les début de l'aviation militaire, le gaz, le morale des troupes, les blessés, les déserteurs, le retour à la maison... L'essentiel est dit avec peu de mots. Un livre fort pour ne pas oublier le sacrifice de tous ses soldats.
La lecture de ce livre par l'auteur est formidable.
Extrait : (début du livre)
Comme le temps s'y prêtait à merveille et qu'on était samedi, journée que sa fonction lui permettait de chômer, Anthime est parti faire un tour à vélo après avoir déjeuné. Ses projets : profiter du plein soleil d'août, prendre un peu d'exercice et l'air de la campagne, sans doute lire allongé dans l'herbe puisqu'il a fixé sur son engin, sous un sandow, un volume trop massif pour son porte-bagages en fil de fer. Une fois sorti de la ville en roue libre, pédalé sans effort sur une dizaine de kilomètres plats, il a dû se dresser en danseuse quand une colline s'est présentée, se balançant debout de gauche à droite en commençant de suer sur son engin. Ce n'était certes pas une grosse colline, on sait jusqu'où montent ces hauteurs en Vendée, juste une légère butte mais assez saillante pour qu'on pût y bénéficier d'une vue.
Anthime arrivé sur cette éminence, un coup de vent tapageur s'est brutalement levé qui a manqué faire s'enfuir sa casquette puis déséquilibrer sa bicyclette - un solide modèle Euntes conçu par et pour des ecclésiastiques, racheté à un vicaire devenu goutteux. Des mouvements d'air d'une aussi vive, sonore et brusque ampleur sont plutôt rares en plein été dans la région, surtout sous un soleil pareil, et Anthime a dû mettre un pied à terre, l'autre posé sur sa pédale, le vélo légèrement penché sous lui pendant qu'il revissait la casquette sur son front dans le souffle assourdissant. Puis il a considéré le paysage autour de lui : villages éparpillés alentour, champs et pâturages à volonté. Invisible mais là, vingt kilomètres à l'ouest, respirait aussi l'océan sur lequel il lui était arrivé d'embarquer quatre ou cinq fois même si, ne sachant guère pêcher, Anthime n'avait pas été bien utile aux camarades ces jours-là - sa profession de comptable l'autorisant quand même à tenir le rôle toujours bienvenu de relever et dénombrer les maquereaux, merlans, carrelets, barbues et autres plies au retour à quai.
Nous étions au premier jour d'août et Anthime a laissé traîner un coup d'oeil sur le panorama : depuis cette colline où il se trouvait seul, il a vu s'égrener cinq ou six bourgs, conglomérats de maisons basses agglutinées sous un beffroi, raccordés par un fin réseau routier sur lequel circulaient moins de très rares automobiles que de chars à boeufs et de chevaux attelés, transportant les moissons céréalières. C'était sans doute un plaisant paysage, quoique momentanément troublé par cette irruption venteuse, bruyante, vraiment inhabituelle pour la saison et qui, contraignant Anthime à maintenir sa visière, occupait tout l'espace sonore. On n'entendait rien d'autre que cet air en mouvement, il était quatre heures de l'après-midi.
Déjà lu du même auteur :
Challenge Petit Bac 2014
"Moment/Temps" (3)
Ecoutez lire - février 2013 - 8h - Lu par Carole Bouquet, Sara Forestier, Jacques Weber et l'auteur
Plon – août 2010 – 301 pages
Folio - mars 2012 - 320 pages
Prix Lire dans le noir 2013
Quatrième de couverture :
Camille vient de perdre sa mère. Parmi les lettres de condoléances, elle découvre un étrange courrier, non signé. Elle croit d’abord à une erreur mais les lettres continuent d’arriver, tissant le roman de deux amours impossibles, de quatre destins brisés. Peu à peu, Camille comprend qu’elle n’est pas étrangère au terrible secret que cette correspondance renferme.
Dans ce premier roman sur fond de Seconde Guerre mondiale, Hélène Grémillon mêle de main de maître récit historique et suspens psychologique.
Auteur : Après une maîtrise de lettres et un DEA d'histoire, Hélène Grémillon s'est lancée dans le journalisme et la réalisation. Auteur de plusieurs courts-métrages et du clip de la chanson « la Jupe en laine » pour Julien Clerc. Elle a 32 ans. Le Confident est son premier roman.
Mon avis : (écouté en février 2014)
J'ai redécouvert ce roman en version audio avec beaucoup de plaisir. Après le décès de sa mère, Camille découvre parmi les lettres de condoléance reçues une lettre mystérieuse non signée. Au début, elle croit à une erreur mais plusieurs lettres du même genre arrivent jours après jours. Sur fond de Seconde Guerre Mondiale, elles racontent une histoire d'amour, puis de haine entre deux femmes à propos d'un enfant et d'un homme. Ce roman à plusieurs voix dévoile petit un petit l'histoire d'un secret de famille très intelligement construite.
L'histoire est poignante et j'ai beaucoup aimé la redécouvrir grâce aux voix de quatre lecteurs formidables : Hélène Gremillon, Jacques Weber, Sara Forestier et Carole Bouquet.
Extrait : (début du livre)
Un jour, j’ai reçu une lettre, une longue lettre pas signée. C’était un évènement, car dans ma vie je n’ai jamais reçu beaucoup de courrier. Ma boîte aux lettres se bornant à m’annoncer que la-mer-est-chaude ou que la-neige-est-bonne, je ne l’ouvrais pas souvent. Une fois par semaine, deux fois les semaines sombres, où j’attendais d’elles, comme du téléphone, comme de mes trajets dans le métro, comme de fermer les yeux jusqu’à dix puis de les rouvrir, qu’elles bouleversent ma vie.
Et puis ma mère est morte. Alors là, j’ai été comblée, pour bouleverser une vie, la mort d’une mère, on peut difficilement mieux faire.
Je n’avais jamais lu de lettres de condoléances. A la mort de mon père, ma mère m’avait épargné cette funèbre lecture. Elle m’avait seulement montré la convocation à la remise de médaille. Je me souviens encore de cette foutue cérémonie, j’avais treize ans depuis trois jours : un grand type me serre la main, il me sourit mais c’est un rictus que je reçois à la place, il a la gueule de travers et quand il parle, c’est pire.
- Il est infiniment déplorable que la mort ait été l’issue d’un tel acte de bravoure. Votre père, mademoiselle, était un homme courageux.
- Vous dites cette phrase à tous les orphelins de votre guerre ? Vous pensez qu’un sentiment de fierté fera diversion à leur chagrin. C’est très charitable de votre part, mais laissez tomber, je n’ai pas de chagrin. Et puis mon père n’était pas un homme courageux. Même la grande quantité d’alcool qu’il ingurgitait tous les jours ne l’y aidait pas. Alors disons que vous vous trompez d’homme et n’en parlons plus.
- Au risque de vous étonner, je maintiens, mademoiselle Werner, que c’est bien du sergent Werner – votre père – dont je vous parle. Il s’est porté volontaire pour ouvrir la voie, le champ était miné et il se savait. Que vous le vouliez ou non, votre père s’est illustré et vous devez prendre cette médaille.
- Mon père ne s’est pas « illustré », stupide grande gueule de travers, il s’est suicidé et il faut que vous le disiez à ma mère. Je ne veux pas être la seule à le savoir, je veux pouvoir en parler avec elle et avec Pierre aussi. Le suicide d’un père, ça ne peut pas être un secret.
Je m’invente souvent des conversations pour dire les choses que je pense, c’est trop tard, mais ça me soulage. En vrai, je ne suis pas allée à cette cérémonie pour la mémoire des soldats de la guerre d’Indochine et, en vrai, je l’ai dit une seule fois ailleurs que dans ma tête que mon père s’est suicidé, c’était à ma mère, dans la cuisine, un samedi.
Déjà lu du même auteur :
Lu dans le cadre du Challenge
"Ecoutons un livre"
Ecoutez Lire - février 2012 - 5 h - Lu par Isabelle Carré
Gallimard - août 2011 – 208 pages
A Vue d'Oeil - février 2012 - 322 pages
Folio - février 2013 - 240 pages
Prix Goncourt des Lycéens 2011
Quatrième de couverture :
En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire « oui » : elle veut s'offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe...
Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et ce souffle l'entraînera jusqu'en Terre sainte.
Carole Martinez donne ici libre cours à la puissance poétique de son imagination et nous fait vivre une expérience à la fois mystique et charnelle, à la lisière du songe.
Auteur : Carole Martinez, née en 1966, a été comédienne avant de devenir enseignante. Son premier roman, Le cœur cousu (2007) a connu un grand succès de librairie et a reçu de nombreux prix littéraires, dont le prix Renaudot des lycéens et le prix Ouest-France Étonnants Voyageurs.
Mon avis : (écouté en janvier 2014)
Voilà un livre que j'ai beaucoup aimé en version papier, je suis donc ravie de le relire en version audio avec comme lectrice Isabelle Carré, une actrice que j'aime beaucoup.
Une histoire originale qui nous entraîne au Moyen-Age. Plutôt que d'épouser l'homme que son père a choisi pour elle, Esclarmonde, 15 ans, préfère s'offrir à Dieu et être emmurée dans une petite cellule avec seulement une petite ouverture sur le monde l'extérieur.
Cette vie de recluse est pleine de rebondissements inattendus. Un destin émouvant
C'est l'occasion pour l'auteur de traiter les thèmes de la religion, des croyances et superstitions, mais aussi des relations entre père et fille, de l'amour maternel...
Ce conte médiéval est admirablement lu par Isabelle Carré qui arrive à sublimer toute la poésie du texte.
Belle redécouverte !
Extrait : (page 17)
Je suis l'ombre qui cause.
Je suis celle qui s'est volontairement clôturée pour tenter d'exister.
Je suis la vierge des Murmures.
A toi qui peux entendre, je veux parler la première, dire mon siècle, dire mes rêves, dire l'espoir des emmurées.
En cet an 1187, Esclarmonde, Damoiselle des Murmures,
prend le party de vivre en recluse à Hautepierre, enfermée
jusqu'à sa mort dans la petite cellule scellée aménagée pour elle
par son père contre les murs de la Chapelle qu'il a bâtie sur
ses terres en l'honneur de sainte Agnès, morte en martyre à
treize ans de n'avoir pas accepté d'autres époux que le Christ.
J'ai tenté d'acquérir la force spirituelle, j'ai rêvé de ne plus être qu'une prière et d'observer mon temps à travers un judas, ouverture grillée par où l'on m'a passé ma pitance durant des années. Cette bouche de pierre est devenue la mienne, mon unique orifice. C'est grâce à elle que j'ai pu parler enfin, murmurer à l'oreille des hommes et les pousser à faire ce que jamais mes lèvres n'auraient pu obtenir, même dans le plus doux des baisers.
Ma bouche de pierre m'a offert la puissance de la sainte. J'ai soufflé ma volonté depuis la fenestrelle et mon souffle a parcouru le monde jusqu'au portes de Jérusalem. Mes yeux, dans la tombe entrouverte, ont suivi les croisés en route vers Saint-Jean-d'Acre, jadis nommée Ptolémaïs.
Mais ma voix a déplu, on me l'a arrachée. Et les phrases avalées, les mots mort-nés m'étouffent. La foule des peines souterraines me tourmente.
Déjà lu de cette auteur : Le cœur cousu
Du domaine des murmures
Challenge Petit Bac 2014
"Bâtiment" (1)
Ecouté en partenariat avec Audiolib
Audiolib - janvier 2014 - 8h50 - Lu par Ingrid Donnadieu
Fleuve Noir - novembre 2011 - 350 pages
Pocket - avril 2013 - 404 pages
Pocket - novembre 2013 - 406 pages (édition spécial Noël)
Quatrième de couverture :
Et vous, quel est le truc le plus idiot que vous ayez fait de votre vie ? Au début, c'est à cause de son nom rigolo que Julie s'est intéressée à son nouveau voisin. Mais très vite, il y a eu tout le reste : son charme, son regard, et tout ce qu'il semble cacher... Parce qu'elle veut tout savoir de Ric, Julie va prendre des risques de plus en plus délirants... Un succès surprise porté par plus de 600 000 lecteurs enthousiastes.
Une interprétation pleine d’émotion, qui laisse filtrer ses « morceaux de soi » que l’on nomme intériorité. Bénéfique et joyeuse.
Auteur : Avec cette première comédie, Gilles Legardinier – déjà remarqué pour ses deux thrillers L’Exil des Anges et Nous étions les hommes – révèle une nouvelle facette d’une imagination qui n’a pas fini de surprendre. Drôle, percutant, terriblement touchant, son nouveau roman confirme ce que tous ceux qui ont lu un de ses livres savent déjà : Gilles a le don de raconter des histoires qui nous entraînent ailleurs tout en faisant résonner notre nature la plus intime. Voici un livre qui fait du bien !
Lecteur : Ingrid Donnadieu a joué au théâtre sous la direction de Jean- Luc Moreau, Nicolas Briançon, Paulo Correa, Pierre Beffeyte et Christophe Lidon. Au cinéma et à la télévision, on l’a notamment aperçue dans Le Serpent d’Eric Barbier et dans VDM réalisé par Fouad Benhammou. Elle prête sa voix à de nombreuses actrices telles que Maggie Grace (Taken, Taken 2, Lock Out), Zoa Saldana (Avatar, Star Treck 1 et 2) ou encore Sienna Miller.
Mon avis : (écouté en janvier et février 2014)
Après ma découverte de Gilles Legardinier est son livre Complètement cramé !, j'étais curieuse de découvrir son premier livre et avec la sortie de ce livre début 2014 en version audio, j'ai sauté sur l'occasion.
Voilà une histoire sans prétension, pleine d'humour et de fraîcheur. Julie est une trentenaire avec une bonne bande d'amis, un nouveau nommé Ric Patatras vient d'emménager dans son immeuble. Julie va user de stragèmes les plus loufoques pour arriver à le rencontrer... Finalement la rencontre se fera devant les boîtes à lettres, Julie avec sa main coincée dans la boîte à lettres de Ric... Puis sous le charme, Julie fera tout pour se rapprocher de Ric...
Au début cette histoire m'a fait penser "L'accro au shopping" mais autant Becky est insupportable, autant Julie est attachante, maladroite, gaffeuse, le coeur sur la main, prête à rendre service, à faire du bien autour d'elle. L'intrigue est distrayante, c'est une lecture qui fait du bien... Pour le chat et le bonnet péruvien de la couverture... leur présence est vraiment anecdotique !
Côté audio, c'est un livre très agréable et pratique à écouter, les chapitres sont assez courts et la numérotation du chapitre est indiquée à chaque début. C'est donc très pratique si on a perdu le fil de l'histoire ou pour savoir où l'on doit "mettre le marque page"...
En fin de CD, il y a également un entretien avec l'auteur très intéressant.
Merci à Margaux et aux éditions Audiolib pour m'avoir permis d'écouter ce livre qui m'a fait passer un bon moment.
Extrait : (début du livre)
Vous avez déjà rencontré des gens qui font une fête pour leur divorce ? Moi, oui. D'habitude, ce sont plutôt les futurs mariés qui s'amusent. On les entend klaxonner le samedi quand ils roulent en cortège vers la mairie, on les croise la veille en bandes, dans les rues, habillés en clown ou quasi nus. À grand renfort de trompettes et de tambourins, ils exhibent aux badauds ternes leur joie d'enterrer leur vie de jeunes célibataires - parfois à plus de trente-cinq ans... Mais moins d'un an plus tard, quand les 19% des statistiques se séparent, plus personne ne lance de confettis. Eh bien, Jérôme, si.
Je n'ai pas assisté à ses deux premiers mariages; mais j'étais présente au troisième. Trois mariages et trois divorces à trente-deux ans, ça interpelle. Le proverbe dit : «A ton deuxième naufrage, n'accuse pas la mer.» La sagesse populaire ne s'est pas aventurée jusqu'au troisième.
De vous à moi, je trouve sa fête de divorce bien plus sympa que ses noces. Plus question de frime, plus de codes sociaux, adieu les passages obligés, envolée la robe dans laquelle on étouffe, rangés les escarpins hauts comme des falaises qui peuvent vous tuer si vous trébuchez, plus de quête pour la réfection de l'église, pas de menu avec des plats qui se la racontent dans des sauces indigérables, et plus aucune blague débile de son oncle Gérard - qui d'ailleurs n'est pas invité. Simplement des gens avec qui il a de vrais liens et à qui il a eu l'honnêteté de dire : «C'est encore loupé mais je tiens à vous.» Je crois que même sa première femme est là.
Et c'est ainsi que je me retrouve, un samedi soir d'octobre, dans un bel appartement bondé, au milieu de gens qui s'amusent vraiment grâce à Jérôme. Il est encore tôt, on sourit, on échange au hasard, et tout le monde parle de ce qu'il a raté, de ce qu'il regrette, dans une ambiance assez surréaliste mais légère. On se croirait aux «Foireux anonymes». C'est Jérôme qui a ouvert le bal :
- Merci à tous d'être là. Il n'y a rien à célébrer sinon le plaisir que j'ai de vous connaître. Chacun de vous fait partie de ma vie. Je préfère préciser immédiatement que les cadeaux que vous aviez généreusement offerts - enfin surtout pour certains - ne seront pas remboursés. Ce soir, je n'ai plus de beau costume, je ne compte plus sur vous pour financer mon voyage de noces, je n'ai d'ailleurs même plus de femme. Par une perversion dont je ne me savais pas capable, je me demande si ce divorce d'avec Marie n'était pas uniquement motivé par l'envie de cette soirée avec vous. Alors j'assume tout. Je vous fais le cadeau d'être le pire, d'être la référence par le bas, d'être le trente-septième dessous. Si un jour vous vous sentez minable, si vous culpabilisez sur vos échecs et que vous vous en voulez, pensez à moi et j'espère sincèrement que vous irez mieux.
Tout le monde a ri, tout le monde a applaudi, et puis une fille a commencé à raconter comment elle s'était fait virer de son boulot trois semaines plus tôt parce qu'elle a éclaté de rire au nez d'un petit excité qui la draguait. Elle l'a pris pour un commercial testostéroné alors que c'était le jeune et fringant P.-D.G. du plus gros client de son patron... Au chômage et morte de rire. Et tout le monde a suivi.
Challenge Petit Bac 2014
"Moment/Temps" (3)
Déjà lu du même auteur :
Gallimard - mai 2012 - 6h50 - lu par Sylvain Tesson
Gallimard - septembre 2011 - 267 pages
Folio - avril 2013 - 304 pages
Prix Médicis essai 2011
Mon avis : (écouté en janvier 2014)
C'est le récit autobiographique de Stéphane Tesson qui a vécu six mois, de février à juillet 2010, dans une cabane au bord du lac Baïkal. Loin de tout, avec comme provisions, des kilos de pâtes, du tabasco, du ketchup et des litres de vodka, pour se chauffer du bois à couper et pour lire de nombreux livres... Ces six mois, c'est l'occasion de se poser, de se retrouver spectateur de la nature, d'apprécier le silence, de voir passer le temps...
J'ai beaucoup aimé ce livre, de plus lu par son auteur, je l'ai trouvé apaisant et passionnant.
J'ai aimé les descriptions de la nature, le cycle des saisons avec la neige, le lac pris par les glaces, puis la fonte des neiges et la débâcle avec l'arrivée du printemps, les animaux rencontrés, du plus petit ou plus gros (mésanges, oies, phoques ou les ours...).
Sylvain bouge un peu accueilli par ses plus proches voisins qui sont à une journée ou deux de marche. Il utilise le kayak, une pulka tirée par des chiens... Il a également quelques visiteurs qui arrivent selon la saison en camion ou en bateau...
Ce journal de bord mêle descriptions, réflexions, anecdoctes... Je n'ai pas vu le temps passer et j'ai beaucoup imaginé cette retraite paisible...
Coup de cœur !
Note : ♥♥♥♥♥
Extrait : (début du livre)
La marque Heinz commercialise une quinzaine de variétés de sauces. Le supermarché d’Irkoutsk les propose toutes et je ne sais quoi choisir. J’ai déjà rempli six caddies de pâtes et de Tabasco. Le camion bleu m’attend. Micha, le chauffeur, n’a pas éteint le moteur, et dehors, il fait – 32.
Demain, nous quittons Irkoutsk. En trois jours, nous atteindrons la cabane, sur la rive ouest du lac. Je dois terminer les courses aujourd’hui. Je choisis le « super hot tapas » de la gamme Heinz. J’en prends dix-huit bouteilles : trois par mois.
Quinze sortes de ketchup. À cause de choses pareilles, j’ai eu envie de quitter ce monde.
9 février
Je suis allongé sur mon lit dans la maison de Nina, rue des Prolétaires. J’aime les noms de rues en Russie. Dans les villages, on trouve la « rue du Travail », la « rue de la révolution d’Octobre », la « rue des Partisans » et, parfois, la « rue de l’Enthousiasme » où marchent mollement de vieilles Slaves grises.
Nina est la meilleure logeuse d’Irkoutsk. Autrefois, pianiste, elle se produisait dans les salles de concerts de l’Union soviétique. À présent, elle tient une maison d’hôte.
Hier elle m’a dit : « Qui eût cru que je me transformerais un jour en usine à crêpes ? » Le chat de Nina ronronne sur mon ventre. Si j’étais un chat, je sais le ventre où je me réchaufferais.
Je suis au seuil d’un rêve vieux de sept ans. En 2003, je séjournai pour la première fois au bord du Baïkal. Marchant sur la grève, je découvris des cabanes régulièrement espacées, peuplées d’ermites étrangement heureux. L’idée de m’enfouir sous le couvert des futaies, seul, dans le silence, chemina en moi. Sept ans plus tard, m’y voilà.
Il faut que je trouve la force de repousser le chat. Se lever de son lit demande une énergie formidable. Surtout pour changer de vie. Cette envie de faire demi-tour lorsqu’on est au bord de saisir ce que l’on désire. Certains hommes font volte-face au moment crucial. J’ai peur d’appartenir à cette espèce.
Le camion de Micha est chargé ras la gueule. Pour atteindre le lac, cinq heures de route à travers des steppes englacées : une navigation, par les sommets et les creux d’une houle pétrifiée. Des villages fument au pied des collines, vapeurs échoués sur des hauts-fonds. Devant pareilles visions, Malevitch écrivit : « Quiconque a traversé la Sibérie ne pourra plus jamais prétendre au bonheur. »
Au sommet d’une croupe, le lac apparaît. On s’arrête pour boire. Cette question après quatre rasades de vodka : par quel miracle la ligne du littoral épouse-t-elle aussi parfaitement les contours de l’eau ?
Challenge Petit Bac 2014
"Géographie" (1)
Lu dans le cadre du Challenge
"Ecoutons un livre"
Audiolib - octobre 2010 - 2 heures - lu par Edouard Baer
Livre de Poche - janvier 2013 - 128 pages
Livre de Poche Jeunesse - avril 2013 - 128 pages
Folio bilingue - octobre 2013 - 192 pages
Fernand Nathan - octobre 2013 - 131 pages
Thélème - mars 2010 - Lu par Jacques Weber
Livre de Poche -
traduit de l'allemand par Jacqueline Des Gouttes, révisée par Brigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent
Titre original : Schachnovelle, 1943
Quatrième de couverture :
Qui est cet inconnu capable d'en remontrer au grand Czentovic, le champion mondial des échecs, véritable prodige aussi fruste qu'antipathique ? Peut-on croire, comme il l'affirme, qu'il n'a pas joué depuis plus de vingt ans ?
Les circonstances dans lesquelles l'homme a acquis sa science du jeu sont terribles. Elles renvoient aux expérimentations nazies sur les effets de l'isolement absolu, lorsque, aux frontières de la folie, le cerveau humain parvient à déployer ses facultés les plus étranges.
Dans cette fable inquiétante parue parue en 1943, un an après son suicide, Zweig porte un regard désespéré sur une époque qui ne laisse comme alternative que la démence ou la mort.
Edouard Baer donne toute sa dimension à ce grand texte où l’angoisse est sans cesse à fleur de mots.
Auteur : Stefan Zweig est né en 1881 à Vienne, d’un père juif, riche industriel, et d’une mère issue d’une famille de banquiers italiens. Il étudie la philosophie, et l’histoire de la littérature. A l’âge de vingt-trois ans, il est reçu docteur en philosophie. Pacifiste et humaniste convaincu, sa vie est bouleversée par l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Il s’installe alors à Londres. En 1941, il fuit cette fois l’Europe pour le Brésil, où il espère trouver la paix de l’esprit. Mais en février 1942, il se donne la mort en compagnie de son épouse.
Lecteur : Comédien, auteur, metteur en scène, Edouard Baer marque ses succès de sa personnalité aux facettes changeantes, drôle, lunaire, féroce ou tendre. Sa lecture de Pedigree de Patrick Modiano, toute de finesse et d’émotion retenue, le place premier plan des très grandes voix françaises.
Mon avis : (lu en janvier 2014)
« Le joueur d'échecs » est la dernière nouvelle écrite par Stefan Zweig avant son suicide et publiée à titre posthume.
Sur un paquebot qui vogue vers l'Argentine, le narrateur croise Mirko Czentovic, le champion du monde d'échecs. Ce dernier est atypique, il est très doué pour les échecs, mais antipathique, inculte et assez prétentieux... Le narrateur, curieux de mieux connaitre Czentovic, il va tenter de nombreux stratagèmes pour obtenir une partie d'échecs avec lui. Alors qu'il est en train de se faire battre un mystérieux M.B vient à son secours et le jeu s'achève sur partie nulle. Le narrateur va alors s'intéresser à son sauveur, âgé d'une quarantaine d'années, humble et sympathique, celui-ci lui raconte longuement dans quelle circonstance terrible, il s'est mis aux échecs.
Mirko Czentovic et M.B vont faire une partie d'échecs qui va dévoiler au lecteur le caractère de chacun des deux joueurs que beaucoup de choses opposent...
Une courte histoire captivante, fascinante, mais aussi terrifiante.
Je n'aime pas particulièrement les intonations de la voix d'Edouard Baer et je n'ai pas été sensible à son ton durant le début de la nouvelle mais je reconnais que son énergie dans la lecture de la seconde partie m'a fait changer d'avis.
Extrait : (début du livre)
Sur le grand paquebot qui à minuit devait quitter New York à destination de Buenos-Aires, régnait le va-et-vient habituel du dernier moment. Les passagers embarquaient, escortés d’une foule d’amis ; des porteurs de télégrammes, la casquette sur l’oreille, jetaient des noms à travers les salons ; on amenait des malles et des fleurs, des enfants curieux couraient du haut en bas du navire, pendant que l’orchestre accompagnait imperturbablement ce grand spectacle, sur le pont. Un peu à l’écart du mouvement, je m’entretenais avec un ami, sur le pont-promenade, lorsque deux ou trois éclairs jaillirent tout près de nous – apparemment, un personnage de marque que les reporters interviewaient et photographiaient encore, juste avant le départ. Mon compagnon regarda dans cette direction et sourit : « Vous avez à bord un oiseau rare : Czentovic. » Et, comme je n’avais pas vraiment l’air de comprendre ce qu’il voulait dire, il ajouta en guise d’explication : « Mirko Czentovic, le champion mondial des échecs. Il a traversé les États-Unis d’est en ouest, sortant vainqueur de tous les tournois, et maintenant il s’en va cueillir de nouveaux lauriers en Argentine. »
Je me souvins alors de ce jeune champion et de quelques particularités de sa fulgurante carrière. Mon ami, qui lisait les journaux mieux que moi, compléta mes souvenirs d’une quantité d’anecdotes.
Il y avait environ un an, Czentovic était devenu tout d’un coup l’égal des maîtres les plus célèbres de l’échiquier, comme Aljechin, Capablanca, Tartakower, Lasker ou Bogoljubow. Depuis qu’en 1922 Rzecewski, le jeune prodige de sept ans, s’était distingué au tournoi de New York, on n’avait vu personne d’aussi obscur attirer avec autant d’éclat l’attention du monde sur l’illustre confrérie des joueurs d’échecs. Car les facultés intellectuelles de Czentovic n’eussent permis en aucune façon de lui prédire un brillant avenir. D’abord tenu secret, le bruit courut bientôt que ce champion était incapable en privé d’écrire une phrase, même dans sa propre langue, sans faire des fautes d’orthographe, et que, selon la raillerie d’un partenaire rageur, « son inculture dans tous les domaines était universelle ». Czentovic était le fils d’un misérable batelier slave du Danube, dont la toute petite embarcation fut coulée une nuit par un vapeur chargé de blé. Son père mourut ; l’enfant qui avait alors douze ans, fut recueilli par le charitable curé de son village et l’excellent prêtre s’efforça honnêtement de faire répéter à ce garçon au large front, apathique et taciturne, les leçons qu’il n’arrivait pas à retenir à l’école. Mais ses tentatives demeurèrent vaines. Mirko fixait d’un oeil vide les caractères d’écriture qu’on lui avait déjà expliqués cent fois ; son cerveau fonctionnant avec effort était impuissant à assimiler, même les notions les plus élémentaires. À quatorze ans, il s’aidait encore de ses doigts pour compter et quelques années après, il ne lisait encore un livre ou un journal qu’au prix des plus grands efforts. On n’eût pu dire cependant qu’il y mettait de la mauvaise volonté ou de l’entêtement. Il faisait avec docilité ce qu’on lui ordonnait, portait l’eau, fendait le bois, travaillait aux champs, nettoyait la cuisine ; bref, il rendait consciencieusement, bien qu’avec une lenteur exaspérante, tous les services qu’on lui demandait. Mais ce qui chagrinait surtout le bon curé, c’était l’indifférence totale de son bizarre protégé. Il n’entreprenait rien de son propre chef, ne posait jamais une question, ne jouait pas avec les garçons de son âge et ne s’occupait jamais spontanément, si on ne lui demandait rien ; sitôt sa besogne finie, on voyait Mirko s’asseoir quelque part dans la chambre, avec cet air absent et vague des moutons au pâturage, sans prendre le moindre intérêt à ce qui se passait autour de lui. Le soir, le curé allumant sa longue pipe rustique, faisait avec le maréchal des logis ses trois parties d’échecs quotidiennes. L’adolescent approchait alors de la table sa tignasse blonde et fixait en silence l’échiquier, avec des yeux qu’on croyait endormis et indifférents sous leurs lourdes paupières.
Challenge Petit Bac 2014
"Objet" (2)
Sixtrid - septembre 2011 - lu par Marc-Henri Boisse
Points - février 2011 - 384 pages
Point2 - mars 2013 - 576 pages
Point - novembre 2013 - 384 pages
traduit du suédois par Anna Gibson
Titre original : Italienska skor, 2006
Quatrième de couverture :
A soixante-six ans, Fredrik Welin vit reclus depuis une décennie sur une île de la Baltique avec pour seule compagnie un chat et un chien et pour seules visites celles du facteur de l'archipel. Depuis qu'une tragique erreur a brisé sa carrière de chirurgien, il s'est isolé des hommes. Pour se prouver qu'il est encore en vie, il creuse un trou dans la glace et s'y immerge chaque matin. Au solstice d'hiver, cette routine est interrompue par l'intrusion d'Harriet, la femme qu'il a aimée et abandonnée quarante ans plus tôt. Fredrik ne le sait pas encore, mais sa vie vient juste de recommencer.
Auteur : Henning Mankell, né en 1948, partage sa vie entre la Suède et le Mozambique. Lauréat de nombreux prix littéraires. Outre la célèbre « série Wallander », il est l'auteur de romans sur l'Afrique ou sur des questions de société, de pièces de théâtre et d’ouvrages pour la jeunesse.
Lecteur : Marc-Henri Boisse acteur et réalisateur.
Mon avis : (écouté en décembre 2013)
C'est un relecture de ce livre sous forme audio. Je gardais un très bon souvenir de cette lecture et je confirme mon coup de cœur avec cette relecture.
Depuis douze ans, Fredrik Welin vit seul avec son chien et son chat dans une île de la Baltique. Il a comme seul contact le facteur qui passe le voir tous les jours même s'il ne reçoit pas de courrier. En plein hiver, Fredrik voit apparaître sur la glace, une vieille femme avec un déambulateur. C'est Harriet, la femme qu'il a abandonnée sans explication, il y a trente-sept ans. Elle est très malade et elle est venue lui demander de tenir une promesse faite autrefois : aller voir un lac aux eaux noirs. Ils partent donc tous les deux pour un voyage en voiture dans la forêt suédoise enneigée et silencieuse à la recherche de ce lac. A la fin du voyage, au fond des bois, Fredrik va faire la rencontre de Louise, puis de Giaconelli, un vieux cordonnier de génie qui lui confectionnera ses chaussures italiennes... Fredrik est alors rattrapé par son passé qu'il décide enfin d'affronter...
Ce livre reste pour moi un grand coup de cœur, les personnages sont attachants, les lieux sont dépaysants et apaisants... Beaucoup de douceur, de poésie et de sensibilité se dégage de ce roman magnifique et poignant.
Extrait : (début du livre)
Je me sens toujours plus seul quand il fait froid.
Le froid de l'autre côté de la vitre me rappelle celui qui émane de mon propre corps. Je suis assailli des deux côtés. Mais je lutte, contre le froid et contre la solitude. C'est pourquoi je creuse un trou dans la glace chaque matin. Si quelqu'un, posté sur les eaux gelées avec des jumelles, me voyait faire, il me prendrait pour un fou. Il croirait que je prépare ma mort. Un homme nu dans le froid glacial, une hache à la main, en train de creuser un trou ?!
Au fond je l'espère peut-être, ce quelqu'un, ombre noire dans l'immensité blanche qui me verra un jour et se demandera s'il ne faut pas intervenir avant qu'il soit trop tard. Pour ce qui est de me sauver, en tout cas, c'est inutile. Je n'ai pas de projets de suicide.
Dans un autre temps, juste après la catastrophe, il m'est arrivé, oui, de vouloir en finir. Pourtant, je ne suis jamais passé à l'acte. La lâcheté a toujours été une fidèle compagne de ma vie. Maintenant comme alors, je pense que le seul enjeu, pour un être vivant, est de ne pas lâcher prise. La vie est une branche fragile suspendue au-dessus d'un abîme. Je m'y cramponne tant que j'en ai la force. Puis je tombe, comme les autres, et je ne sais pas ce qui m'attend. Y a-t-il quelqu'un en bas pour me recevoir ? Ou n'est-ce qu'une froide et dure nuit qui se précipite à ma rencontre ?
La glace se maintient.
L'hiver est rude, en cette année des débuts du nouveau millénaire. Quand je me suis réveillé ce matin, dans l'obscurité de décembre, j'ai cru entendre la glace chanter. Je ne sais pas d'où me vient cette idée que la glace chante. Peut-être de mon grand-père, qui est né sur cette île ; peut-être est-ce quelque chose qu'il me racontait quand j'étais petit.
Le bruit qui m'a réveillé ne venait pas de la chatte, ni de la chienne. J'ai deux animaux qui dorment plus profondément que moi. Ma chatte est vieille et pleine de courbatures ; ma chienne est sourde de l'oreille droite et elle entend mal de l'oreille gauche. Je peux passer à côté d'elle sans qu'elle s'en aperçoive.
Mais ce bruit ?
J'ai écouté dans le noir. Vu la provenance du son, ce devait être la glace qui bougeait, malgré tout – bien qu'ici, au fond de la baie, elle ait une épaisseur d'au moins dix centimètres. Un jour de la semaine dernière où j'étais plus inquiet que d'habitude, je suis parti à pied vers l'endroit où la glace rencontre la mer. J'ai vu alors que la glace s'étendait sur plus d'un kilomètre au-delà des derniers îlots. Ici, au fond de la baie, elle ne devrait donc pas être en mesure de bouger. Pourtant, ce matin, elle bougeait. Elle se soulevait, s'abaissait, craquait et chantait.
Déjà lu du même auteur : Tea-Bag
Les chaussures italiennes
Meurtriers sans visage
Les chiens de Riga
L'homme inquiet
Le Retour du professeur de danse
La lionne blanche
Profondeurs
Le Chinois
L’homme qui souriait
Le guerrier solitaire
La faille souterraine et autres enquêtes
La cinquième femme
Challenge Voisins Voisines 2014
Suède
Challenge Petit Bac 2014
"Objet" (1)