Déjà lu du même auteur :
Retour à Killybegs
Mon traître
Le petit Bonzi
La légende de nos pères
Le quatrième mur
Audiolib - juin 2014 - 7h41 - Lu par Chloé Lambert
Actes Sud - janvier 2014 - 272 pages
Quatrième de couverture :
Fascinée par le destin de la miraculeuse petite gymnaste roumaine de quatorze ans apparue aux JO de Montréal en 1976 pour mettre à mal guerres froides, ordinateurs et records au point d’accéder au statut de mythe planétaire, la narratrice de ce roman entreprend de raconter ce qu’elle imagine de l’expérience que vécut cette prodigieuse fillette, symbole d’une Europe révolue, venue, par la seule pureté de ses gestes, incarner aux yeux désabusés du monde le rêve d’une enfance éternelle. Mais quelle version retenir du parcours de cette petite communiste qui ne souriait jamais et qui voltigea, d’Est en Ouest, devant ses juges, sportifs, politiques ou médiatiques, entre adoration des foules et manipulations étatiques ? Le roman acrobate de Lola Lafon, aussi audacieux que les figures de l’enfant entrée dans la légende, rend l’hommage d’une fiction à celle-là même qui permit aux petites filles de l’été 1976 de rêver, elles aussi, de s’élancer vers le ciel.
Une interprétation en miroir, dans laquelle, comme chez la jeune héroïne dont est contée l’histoire, la poésie et la grâce naissent d’une parfaite maîtrise faisant, un temps, taire les vociférations d’une époque écartelée.
Auteur : Écrivain et musicienne, Lola Lafon est l’auteure de trois romans parus aux éditions Flammarion : Une fièvre impossible à négocier (2003) ; De ça je me console (2007) et Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce (2011) qui reparaît en poche en mai 2014 (Actes Sud – Babel). Elle a également signé deux albums chez Harmonia Mundi : Grandir à l’envers de rien (2006) et Une vie de voleuse (2011).
Lecteur : De formation dramatique, Chloé Lambert joue sur les planches du Théâtre Edouard VII, du Festival d’Avignon, du Rond Point… aux côtés de Pierre Arditi, Fabrice Luchini, ou encore sous la direction de Florian Zeller et Danièle Thompson. Elle interprète aussi régulièrement des rôles face caméra, notamment dans le film Mariages ! ou le téléfilm Chez Maupassant - L’Héritage aux côtés d’Eddy Mitchell.
Mon avis : (écouté en octobre 2014)
Juillet 1976, Jeux Olympiques de Montréal, Nadia Comaneci entre dans l'histoire de la gymnastique et devient l'emblème de son pays : la Roumanie alors sous l'emprise du dictateur communiste Ceausescu.
Pour raconter la vie de l'athlète de 1969 à 1990, l'auteur imagine un échange entre Nadia et la narratrice. Elle s'appuie sur les événements et les dates connues, pour le reste c'est un travail de fiction très bien documenté. Cela permet d'avoir les points de vues de quelqu'un de l'Est et de quelqu'un de l'Ouest...
J'ai beaucoup aimé écouter ce livre, le personnage de Nadia est attachant, avec son parcours le lecteur découvre les méthodes d'entraînement des petites gymnastes, le régime communisme en Roumanie... Les victoires de Nadia ont permis à la Roumanie de sortir de l'ombre. Mais sa vie n'a pas été facile, lorsque son corps se transforme et qu'elle devient femme, j'ai été touchée par sa douleur, même si elle continue à s'entraîner sans relâche, son corps ne lui permet plus de renouveler ses exploits. Puis, elle va être accusée d'être complice du régime de Ceausescu. Quinze jours avant la chute de ce dernier, elle fuit la Roumanie pour les États-Unis où la conquête de sa liberté ne sera pas facile...
En 1976, Nadia Comaneci a fait rêver le monde ce livre nous permet de découvrir le revers de ses belles médailles. Et si Nadia ne souriait pas, c'est qu'elle était concentrée pour réussir au mieux son travail... gagner des médailles pour son pays.
J'ai bien aimé le lecteur de ce livre audio, même si la construction du livre fait qu'il y a de nombreuses interruptions de la lecture par des jingles que je trouvais un peu pénible à la longue...
L'entretien avec l'auteur en fin du livre audio est vraiment très intéressant, il complète bien la lecture du livre.
Merci Babelio et les éditions Audiolib pour ce partenariat.
Autres avis : Enna, Sandrine, Saxaoul, Liliba, Sylire
Extrait : (début du livre)
Quel âge a-t-elle, demande la juge principale, incrédule, à l’entraîneur. Ce chiffre, quatorze, lui donne un frisson. Ce que la petite a effectué à l’instant dézingue le déroulement des chiffres, des mots et des images. Il ne s’agit plus de ce que l’on comprend. On ne saurait noter ce qui vient d’advenir. Elle jette la pesanteur par-dessus son épaule, son corps frêle se fait de la place dans l’atmosphère pour s’y lover.
Mais pourquoi personne ne les a prévenus qu’il fallait regarder par là, ragent ceux qui ratent le moment où, sur les dix centimètres de largeur de la poutre, Nadia C. se lance en arrière et, les bras en croix, donne un coup de pied à la lune, saut à l’aveugle, et ils se tournent les uns vers les autres, est-ce que quelqu’un a compris, est-ce que vous avez compris ?
Le panneau électronique affiche COMANECI NADIA, ROMANIA suivi de 73, son dossard, et là où il devrait y avoir sa note : rien.
On attend. Blêmes, les gymnastes soviétiques vont et viennent dans les travées réservées aux entraîneurs et aux compétitrices qui ont terminé. Elles savent. Les coéquipières de la Roumaine, elles, semblent au désespoir, Dorina tient ses mains jointes, Mariana murmure une phrase en boucle, une autre est affalée, les yeux fermés ; Nadia, elle, un peu à l’écart, sa queue de cheval de travers, ne jette pas un regard au tableau d’affichage. Et c’est lui qu’elle voit en premier, Béla, son entraîneur, debout, les bras au ciel, la tête renversée en arrière ; elle se tourne enfin et découvre sa sanction, ce terrible 1 sur 10 qui s’inscrit en nombres lumineux face aux caméras du monde entier. Un virgule zéro zéro. Elle repasse de possibles fautes dans sa tête, l’arrivée du périlleux arrière éventuellement, pas assez stable, qu’est-ce qu’elle a pu faire pour mériter ça ? Béla la serre dans ses bras, t’en fais pas chérie, on va déposer une réclamation. Mais un des juges attire son attention. Parce que le Suédois se lève. Parce qu’il a les larmes aux yeux et la fixe. Et tous raconteront cet instant tant et tant de fois qu’elle n’est plus sûre aujourd’hui de l’avoir vécu, peut-être l’a-t-elle vu à la télé, peut-être cet épisode a-t-il été écrit pour un film. Le public s’est levé et de leurs dix-huit mille corps provient l’orage, leurs pieds grondent rythmiquement au sol et le Suédois dans le vacarme ouvre et ferme la bouche, il prononce des mots inaudibles, des milliers de flashs forment une pluie d’éclats inégaux, elle entrevoit le Suédois, que fait-il, il ouvre ses deux mains et le monde entier filme les mains du juge vers elle. Alors, la petite tend ses deux mains vers lui, elle demande confirmation, c’est un… dix ? Et lui, doucement, hoche la tête en gardant ses doigts ouverts devant son visage, des centaines de caméras lui cachent l’enfant, les gamines de l’équipe roumaine dansent autour d’elle, oui, amour, oui, ce un virgule zéro zéro est un dix.
Version papier :
La petite communiste qui ne souriait jamais
Editions VDB - juillet 2012 - 14h30 - Lu par José Heuzé et Isabelle Miller
Presse de la Cité - janvier 2012 - 532 pages
Pocket - mars 2013 - 570 pages
Quatrième de couverture :
Lyse-Rose ou Emilie ? Quelle est l’identité de l’unique rescapé d’un crash d’avion, un bébé de trois mois ? Deux familles, l’une riche, l’autre pas, se déchirent pour que leur soit reconnue la paternité de celle que les médias ont baptisée Libellule.
Dix-huit ans plus tard, un détective privé prétend avoir découvert le fin mot de l’affaire, avant d’être assassiné, laissant derrière lui un cahier contenant tous les détails de son enquête.
Du quartier parisien de la Butte-aux-Cailles jusqu’à Dieppe, du Val-de-Marne aux pentes jurassiennes du mont Terrible, le lecteur est entraîné dans une course haletante jusqu’à ce que les masques tombent.
Hasards et coïncidences ne sont-ils que les ricochets du destin ?
Ou bien quelqu’un, depuis le début, manipule-t-il tous les acteurs de ce drame ?
Auteur : Il est professeur de géographie et directeur du laboratoire de modélisation et traitements graphiques en géographie. Comme chercheur universitaire, il publie depuis une vingtaine d’années des articles et ouvrages scientifiques.
Lecteurs :
Isabelle Miller est comédienne de théâtre de formation classique, elle prête sa voix à des personnages de séries TV (Desperate housewives…) et de cinéma (Les 4 Fantastiques…). Elle a également été amenée à travailler pour la télévision (documentaires) et la radio (fictions).
José Heuzé
Mon avis : (écouté en septembre 2014)
Tout commence le 23 décembre 1980, lorsque l'avion Paris-Istanbul décroche et s'écrase sur les pentes du Mont Terrible dans le Jura. A bord de l'avion il y a 169 personnes, il y aura 1 seul survivant, une petite fille aux grands yeux bleus de quelques mois éjectée de l'appareil avant qu'il prenne feu... Qui est ce bébé ? Lyse-Rose ou Emilie ? La petite-fille de Léonce et Mathilde de Carville, riches industriels du Val de Marne ou celle de Pierre et Nicole Vitral, commerçants ambulants à Dieppe ? A l'époque, les tests ADN n'existent pas encore, impossible d'établir avec certitude l'identité de l'enfant, c'est finalement la justice qui tranche et Lylie est confiée aux Vitral. Mathilde de Carville engage à grands frais Crédule Grand-Duc, détective privé, pour enquêter jusqu'au 18 ans de Lylie et établir avec certitude son origine.
Dix-huit ans plus tard, Crédule Grand-Duc vient de terminer de rédiger le cahier de ses 18 ans d'enquêtes qu'il compte remettre à Lylie. L'enquête n'ayant pas abouti, déprimé, il s'apprête à mettre fin à ses jours et soudain, il comprend...
Avec la lecture de ce cahier, le lecteur découvre l'histoire de Lylie et son dénouement incroyable.
La construction de l'histoire est palpitante et la version audio à deux voix est très réussie.
Extrait :
23 décembre 1980, 00 h 33
L'Airbus 5403 Istanbul-Paris décrocha. Un plongeon de près de mille mètres en moins de dix secondes, presque à la verticale, avant de se stabiliser à nouveau. La plupart des passagers dormaient. Ils se réveillèrent brusquement, avec la sensation terrifiante de s'être assoupis sur le fauteuil d'un manège de foire.
Ce furent les hurlements qui brisèrent net le fragile sommeil d'Izel, pas les soubresauts de l'avion. Les bourrasques, les trous d'air, elle en avait l'habitude, depuis presque trois ans qu'elle enchaînait les tours du monde pour Turkish Airlines. C'était son heure de pause. Elle dormait depuis moins de vingt minutes. Elle avait à peine ouvert les yeux que sa collègue de garde, Meliha, une vieille, penchait déjà vers elle son décolleté boudiné.
- Izel ? Izel ? Fonce ! C'est chaud. C'est la tempête, dehors, il paraît. Zéro visibilité, d'après le commandant. Tu prends ton allée ?
Izel afficha l'air lassé de l'hôtesse expérimentée qui ne panique pas pour si peu. Elle se leva de son siège, réajusta son tailleur, tira un peu sur sa jupe, admira un instant le reflet de son joli corps de poupée turque dans l'écran éteint devant elle et avança vers l'allée de droite.
Les passagers réveillés ne hurlaient plus, mais ouvraient des yeux plus étonnés qu'inquiets.
L'avion continuait de tanguer. Izel entreprit de se pencher avec calme sur chacun d'entre eux.
- Tout va bien. Aucun souci. On traverse simplement une tempête de neige au-dessus du Jura. On sera à Paris dans moins d'une heure.
Le sourire d'Izel n'était pas forcé. Son esprit vagabondait déjà vers Paris. Elle devait y rester trois jours, jusqu'à Noël. Elle était excitée comme une gamine à l'idée de jouer lesStambouliotes libérées dans la capitale française.
Ses attentions rassurantes se posèrent successivement sur un garçon de dix ans qui s'accrochait à la main de sa grand-mère, sur un jeune cadre à la chemise froissée qu'elle aurait volontiers recroisé le lendemain sur les Champs-Élysées, sur une femme turque dont le voile, sans doute mal ajusté à cause du réveil brutal, lui barrait la moitié des yeux, sur un vieil homme recroquevillé sur lui-même, les mains coincées entre ses genoux, qui lui jetait un regard implorant...
- Tout va bien. Je vous assure.
Izel progressait calmement dans l'allée quand l'Airbus pencha à nouveau sur le côté.
Quelques cris fusèrent. Un jeune type assis sur la droite d'Izel, qui tenait à deux mains un baladeur-cassette, cria d'un air faussement enjoué :
- C'est pour quand, le looping ?
Challenge Trillers et Polars
2014-2015
catégorie "Même pas peur" : 6/25
Déjà lu du même auteur :
Lu dans le cadre du Challenge
"Ecoutons un livre"
Audiolib - juin 2011 -17h50 - Lu par Nathalie Hons, Nathalie Hugo, Cachou Kirsch et Valérie Lemaître
Jacqueline Chambon Editions - septembre 2010 – 525 pages
Babel - octobre 2013 - 624 pages
traduction de l'anglais (États-Unis) par Pierre Girard
Titre original : The Help, 2009
Quatrième de couverture :
En 1962, à Jackson, Mississipi, chez les Blancs, ce sont les Noires qui font le ménage et élèvent les enfants. Sans mot dire, sous peine de devoir prendre la porte. Est-ce le cas de Constantine, l’employée des Phelan, dont on n’a plus aucune nouvelle ? Mais franchement, qui s’en soucierait ? Ses amies, Minny et Aibileen, et surtout Skeeter, la propre fille des Phelan. La jeune étudiante blanche et les deux employées noires vont lier une alliance imprévisible pour « comprendre ». Passionnant de bout en bout, La Couleur des sentiments a déjà conquis plus de deux millions de lecteurs, connu le succès au cinéma (The help) et obtenu le Grand prix des lectrices de Elle en 2011. Timbres différents, conviction ou verve identiques : Marie Lemaître, Nathalie Hons, Nathalie Hugo et Cachou Kirsch marient leurs voix comme les héroïnes du roman leur volonté que « les choses changent ». Leur lecture a été récompensée par le Prix du livre audio Lire dans le noir en 2011.
Auteur : Kathryn Stockett a grandi à Jackson, Elle vit actuellement à Atlanta avec son mari et leur fille, et travaille à l’écriture de son deuxième roman.
Lecteurs : Nathalie Hons : Comédienne de théâtre, elle découvre le monde du doublage. Depuis elle ne l’a jamais quitté et prête sa voix à de nombreux personnages.
Nathalie Hugo : Cette comédienne de théâtre au riche parcours exerce également ses talents dans des comédies musicales, le doublage de films de cinéma ou de télévision et celui de dessins animés.
Cachou Kirsch : Comédienne bruxelloise et sociologue de formation, Cachou Kirsch joue depuis 2003, sur les planches comme à l'écran... Elle est également chargée de production du Festival Esperanzah!, ainsi que musicienne. En 2007, elle a été nominée en tant qu'Espoir féminin aux Prix du Théâtre belge.
Valérie Lemaître : Formée au conservatoire d’art dramatique de Bruxelles, Valérie Lemaître mène une carrière exigeante au cinéma et au théâtre. Elle écrit et met en scène pour le théâtre et la télévision.
Mon avis : (écouté en août 2014)
J'ai adoré cette relecture en mode audio de ce livre que j'avais tellement aimé.
Il y a 4 lectrices pour ce livre, mais c'est surtout le texte en lui-même qui permet de différencier les trois personnages principaux, sans oublier que cela est bien notifié au début de chaque chapitre.
Nous sommes à Jackson, petite ville du Mississipi dans les années 60. Elles sont trois femmes : Aibileen et Minny deux bonnes noires et Miss Steeker une jeune femme blanche. On découvre une ségrégation qui perdure malgré tout, car des lois continuent à séparer les deux populations. De la rencontre improbable entre Miss Steeker, jeune bourgeoise blanche et Aibileen et Minny va naître une amitié et surtout un livre racontant les histoires des bonnes noires au service des maîtres blancs. Elles évoquent les vexations, les colères contenues et leurs tendresses immenses pour les enfants qu'elles élèvent.
Une histoire simple avec des personnages très attachants qui fait passer le lecteur par toutes les émotions de la tristesse à la colère sans oublier le rire car certaines situations sont vraiment pleines d’humour…
Plus de 3 ans après ma première lecture ce livre reste un grand coup de cœur !
Extrait : (début du livre)
AIBILEEN
Août 1962
Mae Mobley, elle est née de bonne heure un dimanche matin d'août 1960. Un bébé d'église, comme on dit. Moi je m'occupe des bébés des Blancs, voilà ce que je fais, et en plus, de tout le boulot de la cuisine et du ménage. J'en ai élevé dix-sept de ces petits, dans ma vie. Je sais comment les endormir, les calmer quand ils pleurent et les mettre sur le pot le matin, avant que les mamans aient seulement le temps de sortir du lit.
Mais un bébé qui hurle comme Mae Mobley Leefolt, ça j'en avais jamais vu. Le premier jour que je pousse la porte je la trouve toute chaude et toute rouge à éclater et qui braille et qui se bagarre avec son biberon comme si c'était un navet pourri. Miss Leefolt, elle a l'air terrifiée par son propre enfant. "Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Pourquoi je ne peux pas arrêter ça ?"
Ça ? Tout de suite, je me suis dit : il y a quelque chose qui cloche ici.
Alors j'ai pris ce bébé tout rouge et hurlant dans mes bras. Je l'ai un peu chahuté sur ma hanche pour faire sortir les gaz et il a pas fallu deux minutes pour que Baby Girl arrête de pleurer et me regarde avec son sourire comme elle sait faire. Mais Miss Leefolt, elle a plus pris son bébé de toute la journée. Des femmes qui attrapent le baby blues après l'accouchement, j'en avais déjà vu des tas. Je me suis dit que ça devait être ça.
Mais il y a une chose avec Miss Leefolt : c'est pas juste qu'elle fronce tout le temps les sourcils, en plus elle est toute maigre. Elle a des jambes tellement fines qu'on les dirait poussées de la semaine dernière. A l'âge de vingt-trois ans, la voilà efflanquée comme un gamin de quatorze. Même ses cheveux bruns sont tellement fins qu'on voit à travers. Elle essaie de les faire bouffer, mais ça les fait seulement paraître plus fins. Et sa figure, elle ressemble à celle du diable rouge sur la bonbonnière, avec le menton pointu et tout. Pour tout dire, elle a le corps tellement plein de pointes et de bosses qu'il faut pas s'étonner si elle arrive jamais à calmer ce bébé. Les bébés, ils aiment les grosses. Ils aiment fourrer la tête sous votre bras pour s'endormir. Ils aiment les grosses jambes, aussi. Ça, je peux vous le dire.
Mae Mobley, à un an, elle me suivait déjà partout où j'allais. Quand arrivait cinq heures elle se cramponnait à mes Scholl, elle se traînait par terre et elle bramait comme si j'allais jamais revenir. Après, Miss Leefolt me regardait de travers, à croire qu'il aurait pas fallu décrocher ce bébé qui criait à mes pieds. Je pense que c'est le risque qu'on prend, quand on laisse quelqu'un d'autre élever ses enfants.
Challenge Petit Bac 2014
"Couleur" (11)
Lu dans le cadre du Challenge
"Ecoutons un livre"
Audiolib - février 2011 - 5h11 - Lu par Christine Boisson
Editions de l’Olivier – août 2010 – 231 pages
Points - août 2011 - 216 pages
Quatrième de couverture :
« De loin, on ne voit rien », disait souvent Nathan. Depuis la mort de ce frère tant aimé, Sarah se sent de plus en plus étrangère à sa vie. En plein désarroi, elle se réfugie dans un village japonais où Nathan disait avoir trouvé la paix, auprès d’un certain Natsume. Sarah espère se rapprocher ainsi de ce frère disparu. Mais c’est sa propre histoire qu’elle va redécouvrir, non sans périls.
Dans ce roman qu’on pourrait dire impressionniste, Olivier Adam scrute les plus infimes mouvements du cœur tout en posant les grandes questions qui dérangent…
Il fallait beaucoup de finesse pour déplier la délicate étoffe des sentiments qui liaient Sarah à son frère Nathan. L’interprétation de Christine Boisson restitue à merveille la complexité de ces émotions qui affleurent à peine à la conscience.
Auteur : Olivier Adam est né en 1974. Après avoir grandi en banlieue et vécu à Paris, il s’est installé à Saint-Malo. Il est l’auteur de nombreux livres souvent primés, dont Passer l’hiver (Goncourt de la nouvelle 2004), À l’abri de rien, (prix France Télévisons 2007 et prix Jean-Amila-Meckert 2008), Des vents contraires (Prix RTL-Lire 2009).
Lecteur : Christine Boisson ne craint pas les textes, les réalisateurs ou metteurs en scène exigeants. Elle fut Cora dans Extérieur nuit, de Jacques Bral, Ida, dans Identification d’une femme, d’Antonioni, joua Racine sous la direction de Roger Planchon et Harold Pinter, sous celle de l’auteur. D’indiscutables gages d’excellence.
Mon avis : (écouté en juillet 2014)
Sarah a une vie bien réglée, mariée, mère de deux adolescents, une belle maison et un travail. Mais son frère, Nathan, s'est tué dans un accident de voiture et lorsque qu'elle apprend le drame, Sarah ne peut s'empêcher de penser : « il l’a fait exprès ». Car Nathan a toujours été un jeune homme instable. Pendant l'enfance et l'adolescence, Sarah et Nathan étaient très proches et Sarah se reproche le geste de son frère, elle s'est peu à peu éloignée de lui. Dans ce livre, Sarah nous raconte sa fuite au Japon sur les pas de son frère. Elle se retrouve dans un petit village japonais situé au pied de falaises. Nathan y avait rencontré Natsume, un ancien policier qui sauve des vies.
Je n'ai pas autant apprécié cette écoute que ma lecture du livre papier. J'ai d'abord eu du mal à m'habituer à la lectrice dont le ton ne m'était pas agréable. Ensuite, même en connaissant l'histoire, j'ai eu du mal à distinguer par l'oreille les noms des personnages japonais, il faudra que je relise ce livre sous forme papier...
Extrait : (début du livre)
C'est une nuit sans lune et c'est à peine si l'on distingue l'eau du ciel, les arbres des falaises, le sable des roches. Seules scintillent quelques lumières, de rares fenêtres allumées, une dizaine de lampadaires le long de la plage, deux autres aux abords du sanctuaire, le néon d'un bar, un distributeur de boissons, myriade de canettes multicolores sous l'éclairage cru. Plus grand monde ne s'attarde à cette heure. La fin de l'été a ravalé les touristes, les dernières cigales crissent dans les jardins de la pension, nous sommes fin septembre mais il fait encore tiède. Par la baie entrouverte monte la rumeur du ressac. S'y mêlent le froissement des feuilles, le balancement des bambous, les craquements des cèdres. Les singes se sont tus peu après la tombée du jour, tout à l'heure ils hurlaient de panique, puis l'obscurité a tout recouvert et ils ont renoncé. Je rentrais des falaises par ce chemin sinueux que j'emprunte depuis déjà six jours. Sous la voûte des grands arbres où se croisaient les premières chauves-souris et les dernières buses, au milieu des fougères et des tapis de mousse, je longeais des lanternes déjà familières, des rosa rugosa encore fleuris des camélias aux feuilles luisantes, des érables encore verts, des maisons de bois par les fenêtres desquelles se devinaient des mobiliers à ras du sol, des cloisons de papier, l'écru blond des tatamis. Il n'était pas sept heures, mais déjà des repas s'y préparaient, répandaient leurs parfums moites de bouillon et d'algues, de thé vert et de soja. Trois gamins en tenue de base-ball me suivaient en bavardant, la batte sur l'épaule. Ils ont bifurqué dans mon dos sans que je m'en aperçoive, quand je me suis retournée il n'y avait plus personne, j'aurais aussi bien pu avoir été filée par des fantômes. Arrivée à la pension, je me suis installée près des fenêtres, accroupis autour d'une table en bois laqué nous n'étions que cinq à dîner, Katherine, moi-même et trois Japonais : un couple élégant et silencieux, tous deux vêtus de kimonos sobres et parfaitement coupés, visages aux traits si fins qu'on les aurait dits échappés d'un film, d'une photo. Et, légèrement en retrait, un homme d'une cinquantaine d'années, costume anthracite sur chemise claire, dont la bouche arborait en permanence une cigarette entièrement blanche. Il les sortait d'un paquet souple et bleu ciel et ne s'interrompait que pour avaler quelques bouchées ou boire une gorgée de bière d'une longueur inhabituelle, comme s'il tentait de vider son verre en un seul trait.
Déjà lu du même auteur :
A l'abri de rien
Falaises
Des vents contraires
Je vais bien, ne t'en fais pas
Le cœur régulier
Kyoto Limited Express
A l'ouest
Les lisières
Comme les doigts de la main
Lu dans le cadre du Challenge
"Ecoutons un livre"
Audiolib - janvier 2011 - 21h - Lu par Charles Borg
Sonatine – octobre 2010 – 688 pages
Livre de Poche - février 2012 - 736 pages
traduit de l'anglais par Clément Baude
Titre original : A simple act of violence, 2008
Quatrième de couverture :
Washington. Quatre meurtres aux modes opératoires identiques. Il semblerait qu’un serial killer soit à l’œuvre. Pour l’inspecteur Miller, une investigation classique. Jusqu’au moment où il découvre qu’une des victimes vivait sous une fausse identité. Et ce qui semblait être une banale enquête prend une ampleur toute différente, et va conduire Miller dans les arcanes de la CIA et le confronter aux secrets les mieux gardés du gouvernement américain. Alliant la polémique à un suspense digne des plus grands polars, R. J. Ellory invente le thriller du siècle nouveau.
Charles Borg joue avec talent de l’écriture à « double fond » d’Ellory - mi dénonciation virulente, mi suspense haletant. Aussi fascinant que dérangeant…
Auteur : Écrivain anglais, R-J Ellory est né en 1965. Après l'orphelinat et la prison, il devient guitariste dans un groupe de rythm'n'blues, avant de se tourner vers la photographie. Après Seul le silence et Vendetta, Les Anonymes est son troisième roman publié en France.
Lecteur : Comédien, Charles Borg touche aussi à la chanson : il défend particulièrement le répertoire d'Herbert Pagani. Au cinéma, il a travaillé avec Eric Rohmer et Myriam Boyer. Il a réalisé un court métrage, "Performant".
Mon avis : (écouté en juin 2014)
Je gardais un très bonne impression de ce thriller lu fin 2010 mais en commençant son audition je ne me rappelais pas grand chose de l'intrigue... J'ai vraiment eu l'impression de lire un nouveau livre. L'auteur est anglais mais le livre ressemble à un policier américain.
En prologue, le lecteur assiste au meurtre de Catherine Sheridan, celle-ci semble attendre son exécution... L'inspecteur Miller va traquer le "Tueur au ruban", à qui l'on attribue déjà le meurtre de trois femmes. Les victimes ont toutes de fausses identités... L'enquête ne va pas être simple ! En parallèle à cette enquête de police, le lecteur découvre les mémoires d'un homme mystérieux qui dit appartenir aux anonymes...
J'ai eu un peu de mal à me plonger dans ce livre audio et en particulier de suivre à la fois l'enquête et la confession de l'homme mystérieux. N'écoutant pas très régulièrement mon livre audio, je perdais vite le fil de l'histoire...
Pour être presque à l'heure du rendez-vous "Ecoutons un livre", j'ai abandonné mon écoute à la moitié du livre pour le poursuivre sous forme papier...
Un bon thriller que j'ai finalement relu avec plaisir.
Extrait : (Chapitre 1)
Washington DC n'était pas le centre du monde, même si une grande partie de ses habitants pouvaient vous le faire croire.
L'inspecteur Robert Miller n'était pas de ceux-là.
Capitale des États-Unis d'Amérique, siège du gouvernement fédéral, une histoire vieille de plusieurs siècles, et pourtant, malgré ce long passé, malgré l'art et l'architecture, malgré les rues bordées d'arbres, les musées, les galeries, malgré un des métros les plus performants d'Amérique, Washington possédait encore ses parts d'ombre, ses angles morts, ses ventres mous. Dans cette ville, tous les jours des gens se faisaient encore assassiner.
Le 11 novembre fut une journée froide et désagréable, un jour de deuil et de souvenir pour mille raisons. L'obscurité tomba comme une pierre à 17 heures, la température avoisinait les -6 degrés, et les lampadaires qui s'étendaient à perte de vue en lignes parallèles semblaient vous inviter à les suivre et à prendre la fuite. Justement, l'inspecteur Robert Miller avait très récemment songé à prendre la fuite et à trouver un autre boulot dans une autre ville. Il avait ses raisons. Des raisons nombreuses – et douloureuses – qu'il avait cherché à oublier depuis de longues semaines. Mais pour l'instant il se trouvait à l'arrière de la maison de Catherine Sheridan, sur Columbia Street NW. Les bandes rouges et bleues des véhicules de patrouille garés autour de lui se reflétaient sur les fenêtres, au milieu d'une cohue bruyante et agitée, trop de gens qui avaient trop de choses à faire – les agents en uniforme, les experts médico-légaux, les photographes, les voisins avec leurs gamins, leurs chiens et leurs questions vouées à rester sans réponse, les sifflements et les grésillements des talkies-walkies, des radios de la police...
Le bout de la rue n'était qu'un carnaval de bruit et de confusion qui n'éveillait chez Miller rien d'autre que le changement de cadence qu'il avait parfaitement prévu : le pouls qui accélérait, le cœur qui cognait contre la poitrine, les nerfs qui palpitaient dans le bas du ventre. Trois mois de mise à pied – le premier passé chez lui, les deux autres derrière un bureau – et il se retrouvait là. A peine une semaine de service actif, et le monde avait déjà retrouvé sa trace. Il avait quitté la lumière du jour et plongé tête baissée dans le cœur sombre de Washington, qui l'accueillait maintenant comme un parent depuis longtemps disparu. Et pour dire sa joie, le cœur sombre lui avait laissé un cadavre tabassé dans une chambre du premier étage qui donnait sur Columbia Street NW.
Déjà lu du même auteur :
Challenge Voisins Voisines 2014
Grande-Bretagne
Challenge Trillers et Polars
catégorie "Même pas peur" : 32/25
Audiolib - mai 2014 - 4h42 - lu par Philippe Calvario
Seuil - janvier 2014 - 220 pages
Quatrième de couverture :
« Je suis parti en courant, tout à coup. Juste le temps d'entendre ma mère dire Qu'est-ce qui fait le débile là ? Je ne voulais pas rester à leur côté, je refusais de partager ce moment avec eux. J'étais déjà loin, je n'appartenais plus à leur monde désormais, la lettre le disait. Je suis allé dans les champs et j'ai marché une bonne partie de la nuit, la fraîcheur du Nord, les chemins de terre, l'odeur de colza, très forte à ce moment de l'année. Toute la nuit fut consacrée à l'élaboration de ma nouvelle vie loin d'ici. »
En vérité, l'insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n'a été que seconde. Car avant de m'insurger contre le monde de mon enfance, c'est le monde de mon enfance qui s'est insurgé contre moi. Très vite j'ai été pour ma famille et les autres une source de honte, et même de dégoût. Je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre.
L’interprétation de Philippe Calvario, d’une impeccable justesse, rend dramatiquement présent le douloureux cheminement, entre violences et humiliations, d’un jeune garçon confronté à sa « différence ».
Auteur : Édouard Louis a 22 ans. Il est étudiant en philosophie et en sociologie à l’École Normale Supérieure. En finir avec Eddy Bellegueule est son premier roman. Il a déjà publié aux PUF les actes d’un colloque sur Bourdieu et participé à la réalisation d’un documentaire sur Foucault pour Arte.
Lecteur : Philippe Calvario, né en 1973, est un comédien et metteur en scène français.
Mon avis : (écouté en juin 2014)
Cette écoute est une relecture, voilà comment je présentais ce livre en février dernier :
Ce n'est pas facile de s'appeler Eddy Bellegueule et d'avoir une attitude efféminée lorsque l'on vient d'un milieu ouvrier et pauvre de Picardie. Eddy ne comprend pas pourquoi il est le vilain petit canard, il est l'aîné d'une famille de quatre enfants, son père est depuis longtemps au chômage après s'être abîmé le dos en travaillant à l'usine, sa mère est aide à domicile. Dès sa petite enfance sa différence est suspecte, dans son village et son milieu, on n'aime pas les "pédés"... Il fera tout pour se faire accepter par les siens et devenir un "vrai homme", c'est à dire jouer au football, sortir avec les filles... En vain, c'est au lycée en quittant les siens qu'il va pouvoir commencer à devenir lui-même et pas celui que les siens voulaient qu'il soit.
Dans la version imprimée, les passages en langage "familier" sont mis en italique par rapport au passage plus littéraire. Dans la version audio, le lecteur ne peut pas rendre cette différentiation, c'est à l'auditeur de faire la part des choses en fonction du vocabulaire employé.
La force des mots est décuplée dans la version audio et même si je découvrais ce texte pour la seconde fois, la violence des mots m'a frappée tout autant que la première fois. Certains passages deviennent dérangeants car la souffrance d'Eddy est si forte que j'en avais les larmes aux yeux.
En bonus avec ce livre audio, un entretien avec l'auteur très intéressante.
Merci Babelio et les éditions Audiolib pour ce partenariat.
Extrait : (début du livre)
De mon enfance je n’ai aucun souvenir heureux. Je ne veux pas dire que jamais, durant ces années, je n’ai éprouvé de sentiment de bonheur ou de joie. Simplement la souffrance est totalitaire : tout ce qui n’entre pas dans son système, elle le fait disparaître. Dans le couloir sont apparus deux garçons, le premier, grand, aux cheveux roux, et l’autre, petit, au dos voûté. Le grand aux cheveux roux a craché Prends ça dans ta gueule. Le crachat s’est écoulé lentement sur mon visage, jaune et épais, comme ces glaires sonores qui obstruent la gorge des personnes âgées ou des gens malades, à l’odeur forte et nauséabonde. Les rires aigus, stridents, des deux garçons Regarde il en a plein la gueule ce fils de pute. Il s’écoule de mon œil jusqu’à mes lèvres, jusqu’à entrer dans ma bouche. Je n’ose pas l’essuyer. Je pourrais le faire, il suffirait d’un revers de manche. Il suffirait d’une fraction de seconde, d’un geste minuscule pour que le crachat n’entre pas en contact avec mes lèvres,mais je ne le fais pas, de peur qu’ils se sentent offensés, de peur qu’ils s’énervent encore un peu plus.
Je n’imaginais pas qu’ils le feraient. La violence ne m’était pourtant pas étrangère, loin delà. J’avais depuis toujours, aussi loin que remontent mes souvenirs, vu mon père ivre se battre à la sortie du café contre d’autres hommes ivres, leur casser le nez ou les dents. Des hommes qui avaient regardé ma mère avec trop d’insistance et mon père, sous l’emprise de l’alcool, qui fulminait Tu te prends pour qui à regarder ma femme comme ça sale bâtard. Ma mère qui essayait de le calmer Calme-toi chéri, calme-toi mais dont les protestations étaient ignorées. Les copains de mon père, qui à un moment finissaient forcément par intervenir, c’était la règle, c’était ça aussi être un vrai ami, un bon copain, se jeter dans la bataille pour séparer mon père et l’autre, la victime de sa saoulerie au visage désormais couvert de plaies. Je voyais mon père, lorsqu’un de nos chats mettait au monde des petits, glisser les chatons tout juste nés dans un sac plastique de supermarché et claquer le sac contre une bordure de béton jusqu’à ce que le sac se remplisse de sang et que les miaulements cessent. Je l’avais vu égorger des cochons dans le jardin, boire le sang encore chaud qu’il extrayait pour en faire du boudin (le sang sur ses lèvres, son menton, son tee shirt) C’est ça qu’est le meilleur, c’est le sang quand ilvient juste de sortir de la bête qui crève. Les cris du cochon agonisant quand mon père sectionnait sa trachée artère étaient audibles dans tout le village.
J’avais dix ans. J’étais nouveau au collège. Quand ils sont apparus dans le couloir je ne les connaissais pas. J’ignorais jusqu’à leur prénom, ce qui n’était pas fréquent dans ce petit établissement scolaire d’à peine deux cents élèves où tout le monde apprenait vite à se connaître. Leur démarche était lente, ils étaient souriants, ils ne dégageaient aucune agressivité, si bien que j’ai d’abord pensé qu’ils venaient faire connaissance. Mais pourquoi les grands venaient ils me parler à moi qui étais nouveau ? La cour de récréation fonctionnait de la même manière que le reste du monde : les grands ne côtoyaient pas les petits. Ma mère le disait en parlant des ouvriers Nous les petits on intéresse personne, surtout pas les grands bourges.
Dans le couloir ils m’ont demandé qui j’étais, si c’était bien moi Bellegueule, celui dont tout le monde parlait. Ils m’ont posé cette question que je me suis répétée ensuite, inlassablement,des mois, des années, C’est toi le pédé ? En la prononçant ils l’avaient inscrite en moi pour toujours tel un stigmate, ces marques que les Grecs gravaient au fer rouge ou au couteau sur le corps des individus déviants,dangereux pour la communauté. L’impossibilité de m’en défaire. C’est la surprise qui m’a traversé, quand bien même ce n’était pas la première fois que l’on me disait une chose pareille. On ne s’habitue jamais à l’injure.
En finir avec Eddy Bellegueule
Livraphone - novembre 2004 - Lu par François Berland
Viviane Hamy - octobre 2001 - 346 pages
J'ai Lu - octobre 2004 - 346 pages
Audiolib - mars 2012 - 10h12 - Lu par Thierry Janssen
PRIX DES LIBRAIRES 2000
GRAND PRIX DES LECTRICES DE ELLE 2002
PRIX DU MEILLEUR POLAR FRANCOPHONE 2002
DEUTSCHER KRIMIPREIS 2004 (Allemagne)
Quatrième de couverture :
On l’a peint soigneusement sur les treize portes d’un immeuble parisien : un grand 4 noir, inversé, à la base élargie. Le commissaire Adamsberg les photographie, et hésite : simple graffiti, ou menace ? A l’autre bout de la ville, Joss, l’ancien marin breton devenu Crieur de nouvelles est perplexe. Depuis trois semaines, une main glisse à la nuit d’incompréhensibles missives dans sa boîte à messages. Un amuseur ? Un cinglé ? Son ancêtre murmure à son oreille : « Fais gaffe à toi, Joss. Il n’y a pas que du beau dans la tête de l’homme ».
Auteur : Fred Vargas - de son vrai nom Frédérique Audoin-Rouzeau - est née en 1957. Médiéviste et titulaire d’un doctorat d’Histoire, elle est chercheur en Histoire et Archéologie au CNRS. La quasi totalité de son oeuvre – les « rompols » comme elle appelle ses textes policiers – est publiée chez Viviane Hamy. A plusieurs reprises primée, adaptée au cinéma et à la télévision, elle est traduite dans plus de 40 langues, et ses livres sont des best-sellers en France mais également en Allemagne et en Italie.
Lecteur : François Berland est un acteur français. Spécialisé dans le doublage, il est également la voix off de nombreuses émissions, publicités et jeux télévisés. Il est la voix officielle de la radio RFM depuis septembre 2011.
Mon avis : (écouté en mai 2014)
C'est le neuvième roman de Fred Vargas et le sixième avec le commissaire Adamsberg, l'un de mes préférés. Adamsberg vient d'être nommé sur Paris. Des mystérieux 4 à l'envers sont peints sur les portes d'appartements de certains immeubles. D'étranges et inquiétants messages sont déposés dans la boîte de Joss, ancien marin breton devenu "crieur de rues". Puis un cadavre est retrouvé, la peau couverte de charbon... La peste serait elle revenue à Paris ? Voilà une enquête originale, déroutante et complexe comme sait bien le faire Fred Vargas. J'ai beaucoup aimé les personnages qui gravitent autour de la place Edgar Quinet et son crieur : Joss Le Gern, Hervé Decambrais, Eva, Lizbeth...
Danglard est toujours le second d'Adamsberg. Une nouvelle relecture que j'ai savouré.
Un film réalisé par Régis Wargnier a été tiré de ce livre et est sortie le 24 janvier 2007 avec José Garcia, Lucas Belvaux, Marie Gillain, Olivier Gourmet, Nicolas Cazalé, Linh Dan Pham, Michel Serrault. Un film que j'ai beaucoup aimé. Paris y est particulièrement bien filmé.
Extrait : (début du livre)
Les types, à Paris, marchent beaucoup plus vite qu’au Guilvinec, Joss l’avait constaté depuis longtemps. Chaque matin, les piétons s’écoulaient par l’avenue du Maine à la vitesse de trois nœuds. Ce lundi, Joss filait presque ses trois nœuds et demi, s’efforçant de rattraper un retard de vingt minutes. En raison du marc de café qui s’était déversé en totalité sur le sol de la cuisine.
Ça ne l’avait pas étonné. Joss avait co mpris depuis longtemps que les choses étaient douées d’une vie secrète et pernicieuse. Hormis peut-être certaines pièces d’accastillage qui ne l’avaient jamais agressé, de mémoire de marin breton, le monde des choses était à l’évidence chargé d’une énergie tout entière concentrée pour emmerder l’homme. La moindre faute de manipulation, parce qu’offrant à la chose une liberté soudaine, si m inime fût-elle, amorçait une série de calamités en chaîne, pouvant parcourir toute une gamme, du désagrément à la tragédie. Le bouchon qui échappe aux doigts en était, sur le mode mineur, un modèle de base. Car un bouchon lâché ne vient pas rouler aux pieds de l’homme, en aucune manière. Il se love derrière le fourneau, mauvais, pareil à l’araignée en quête d’inaccessible, déclenchant pour son prédateur, l’Homme, une succession d’épreuves variables, déplacement du fourneau, rupture du flexible de raccordement, chute d’ustensile, brûlure. Le cas de ce matin avait procédé d’un enchaînement plus complexe, amorcé par une bénigne erreur de lancer entraînant fragilisation de la poubelle, affaissement latéral et épandage du filtre à café sur le sol. C’est ainsi que les choses, animées d’un esprit de vengeance légitimement puisé à leur condition d’esclaves, parvenaient à leur tour par moments brefs mais intenses à soumettre l’homme à leur puissance larvée, à le faire se tordre et ramper comme un chien, n’épargnant ni femme ni enfant. Non, pour rien au monde Joss n’aurait accordé sa confiance aux choses, pas plus qu ’aux hommes ou à la mer. Les premières vous prennent la raison, les seconds l’âme et la troisième la vie.
En homme a guerri, Joss n’avait pas défié le sort et avait ramassé le café comme un chien, grain par grain. Il avait accompli sans broncher la pénitence et le monde des choses avait reflué sous le joug. Cet incident matinal n’était rien, rien en apparence qu’un désagrément négligeable mais, pour Joss qui ne s’y trompait pas, il était le clair rappel qu e la guerre des hommes et des choses se poursuivait et que, dans ce combat, l’homme n’était pas toujours va inqueur, loin s’en fallait. Rappel des tragédies, des vaisseaux démâtés, des chalutiers écartelés et de son bateau, Le Vent de Norois, qui avait fait eau le 23 août en mer d’Irlande à trois heures du matin avec huit hommes à bord. Dieu sait pourtant si Joss respectait les exigences hystériques de son chalutier et Dieu sait si l’homme et le bateau étaient conciliants l’un pour l’autre. Jusqu’à cette foutue nuit de tempête où, pris d’un coup de sang, il avait frappé le plat-bord du poing . Le Vent de Norois, déjà presque couché sur tribord, avait brusquement fait eau à l’arrière. Moteur noyé, le chalutier avait dérivé dans la nuit, les hommes écopant sans relâche, pour s’immobiliser enfin sur un récif à l’aube. C’était il y a quatorze ans et deux hommes étaient morts. Quatorze ans que Joss avait déglingué l’armateur du Norois à coups de botte. Quatorze ans que Joss avait quitté le port du Guilvinec, après neuf m ois de taule pour coups et blessures avec intention de donner la mort, quatorze ans que sa vie presque entière avait coulé par cette voie d’eau.
Déjà lu du même auteur :
Ceux qui vont mourir te saluent
L'Homme aux cercles bleus
Debout les morts
Un peu plus loin sur la droite
Sans feu ni lieu
L'Homme à l'envers
Pars vite et reviens tard
Sous les vents de Neptune
Dans les bois éternels
Un lieu incertain
Les Quatre fleuves (BD)
L'Armée furieuse
Challenge Trillers et Polars
catégorie "Même pas peur" : 30/25
Lu dans le cadre du Challenge
"Ecoutons un livre"
Editions Naïve - avril 2005 - 2h - Lu par l'auteur
Albin Michel – novembre 2002 – 99 pages
Magnard - juin 2006 - 115 pages
Albin Michel - novembre 2009 - 99 pages
Quatrième de couverture :
Voici les lettres adressées à Dieu par un enfant de dix ans.
Elles ont été retrouvées par Mamie Rose, la " dame rose " qui vient lui rendre visite à l'hôpital pour enfants. Elles décrivent douze jours de la vie d'Oscar, douze jours cocasses et poétiques, douze jours pleins de personnages drôles et émouvants.
Ces douze jours seront peut-être les douze derniers. Mais, grâce à Mamie Rose qui noue avec Oscar un très fort lien d'amour, ces douze jours deviendront légende.
Auteur : Dramaturge, romancier, nouvelliste, essayiste, cinéaste, traduit en 50 langues et joué dans autant de pays, Eric-Emmanuel Schmitt est un des auteurs les plus lus et les plus représentés dans le monde. Il a été récompensé par l'Académie Française en juillet 2001 avec le Grand Prix du théâtre, pour l'ensemble de son oeuvre. En 2009, Ulysse from Bagdad lui a valu le Prix des grands espaces littéraires. En 2010, il a obtenu le prix Goncourt de la nouvelle pour son recueil Concerto à la mémoire d'un ange.
Son roman La Femme au miroir lui a valu en 2011 le prix du roman historique, Prix Agrippa d'Aubigné.
Eric-Emmanuel Schmitt a été reçu cette année à L'Académie Royale de langue et de littérature françaises de Belgique au fauteuil 33 qu'occupait Hubert Nyssen, et qu'ont occupé Colette et Cocteau.
Co-directeur du Théâtre Rive Gauche à Paris, Eric-Emmanuel Schmitt y a vu jouée son adaptation théâtrale du Journal d'Anne Frank, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, et actuellement la pièce The Guitrys.
Mon avis : (écouté en mai 2014)
C'est bien sûr une relecture car ce livre, je l'ai lu plusieurs fois sous forme papier et cette fois-ci en audio avec l'auteur comme lecteur. Oscar, le narrateur, est un petit garçon de 10 ans qui est malade. Sur les conseils de Mamie Rose, Oscar écrit dix lettres à Dieu. Cette histoire est bouleversante, Oscar a compris que ces jours était comptés même si les adultes (ses parents, les médecins) lui cachent la gravité de sa maladie. Seule Mamie Rose est honnête avec lui et sait répondre la vérité à ses questions.
La relation qui s'est créée entre Oscar et Mamie Rose est très touchante.
Même si j'ai déjà lu plusieurs fois cette histoire, je n'ai pas pu m'empêcher de verser des larmes en écoutant cet audiolivre.
Un livre à lire et à faire lire !
Le roman a été adapté par l'auteur au théâtre en 2003, avec Danielle Darrieux.
Le roman a été adapté au cinéma par Éric-Emmanuel Schmitt en 2009. Je n'ai toujours pas vu le film.
Extrait :
- Si tu écrivais à Dieu, Oscar ?
- Ah non, pas vous, mamie-Rose !
- Quoi, pas moi ?
- Pas vous ! Je croyais que vous n’étiez pas menteuse.
- Mais je ne te mens pas.
- Alors pourquoi vous me parlez de Dieu ? On m’a déjà fait le coup du Père Noël. Une fois suffit !
- Oscar, il n’y aucun rapport entre Dieu et le Père Noël.
- Si. Pareil. Bourrage de crâne et compagnie !
- Est-ce que tu imagines que moi, une ancienne catcheuse, cent soixante tournois gagné sur cent soixante-cinq, dont quarante-trois par KO, L’Etrangleuse du Languedoc, je puisse croire une seconde au Père Noël ?
- Non.
- Eh bien je ne crois pas au Père Noël mais je crois en Dieu. Voilà.
Évidemment, dit comme ça, ça changeait tout.
- Et pourquoi est-ce que j’écrirais à Dieu ?
- Tu te sentirais moins seul.
- Moins seul avec quelqu’un qui n’existe pas ?
- Fais-le exister.
Elle s’est penchée vers moi.
- Chaque fois que tu croiras en lui, il existera un peu plus. Si tu persistes, il existera complètement. Alors, il te fera du bien.
- Qu’est-ce que je peux lui écrire ?
- Livre-lui tes pensées. Des pensées que tu ne dis pas, ce sont des pensées qui pèsent, qui s’incrustent, qui t’alourdissent, qui t’immobilisent, qui prennent la place des idées neuves et qui te pourrissent. Tu vas devenir une décharge à vieilles pensées qui puent si tu parles pas.
- OK
Et puis, à Dieu, tu peux lui demander une chose par jour. Attention ! Une seule.
- Il est nul, votre Dieu, Mamie-Rose. Aladin, il avait droit à trois vœux avec le génie de la lampe.
- Un vœu par jour, c’est mieux que trois dans une vie, non ?
- OK. Alors je peux tour lui demander ? Des jouets, des bonbons, une voitures…
- Non, Oscar. Dieu n’est pas le Père Noël. Tu ne peux demander que des choses de l’esprit.
- Exemple ?
- Exemple : du courage, de la patience, des éclaircissements.
- OK. Je vois.
Et tu peux aussi, Oscar, lui suggérer des faveurs pour les autres.
- Un vœu par jour, Mamie-Rose, faut pas déconner, je vais d’abord le garder pour moi !
Oscar et la dame rose
Odette Toulemonde et autres histoires
La rêveuse d'Ostende
Ulysse from Bagdad
Le sumo qui ne pouvait pas grossir
L'enfant de Noé
Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent...
Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran
Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus
La tectonique des sentiments
La Part de l'autre
Les perroquets de la place d'Arezzo
The Guitrys
Challenge Petit Bac 2014
"Couleur" (6)
Sixtrid - mars 2014 - 15h25 - Lu par Marc-Henri Boisse
Seuil - mars 2002 - 426 pages
Points - mars 2003 - 528 pages
traduit du suédois par Anne Gibson
Titre original : Brandvägg, 1998
Quatrième de couverture :
L'automne est revenu à Ystad. Tynnes Falk, consultant en informatique, s'écroule mort devant un distributeur bancaire. Au même moment, deux adolescentes tuent sauvagement un chauffeur de taxi. La plus âgée s'enfuit du commissariat. Son corps est retrouvé à l'intérieur d'un transformateur à haute tension. C'est alors que Wallander découvre le sanctuaire clandestin de Falk. L'univers qui se dévoile peu à peu aux enquêteurs - grâce à la complicité d'un jeune hacker surdoué - est vertigineux. L'ennemi se révèle à la fois omniprésent, omnipotent et invisible. A ceci près qu'il menace les centres financiers de la planète. Confronté à l'enquête la plus difficile de sa carrière, Wallander est plus seul que jamais. Peut-il encore se fier à ses collègues ? Qu'en est-il de la Suède où des adolescentes passent à l'acte à coups de marteau ? Et où ceux qui le peuvent cherchent à quitter le pays. Wallander, lui, n'a pas le choix. Il reste. Contre toute attente, une femme va croiser sa route...
Auteur : Henning Mankell, né en 1948, partage sa vie entre la Suède et le Mozambique. Lauréat de nombreux prix littéraires. Outre la célèbre « série Wallander », il est l'auteur de romans sur l'Afrique ou sur des questions de société, de pièces de théâtre et d’ouvrages pour la jeunesse.
Lecteur : Marc-Henri Boisse acteur et réalisateur.
Mon avis : (écouté en avril 2014)
Tynnes Falk, consultant en informatique, est retrouvé mort devant un distributeur bancaire. Au même moment, deux adolescentes tuent sauvagement un chauffeur de taxi. Toutes deux sont arrêtées et interrogées. Un peu plus tard dans la soirée, l'une des deux s'enfuit du commissariat...
Dans cet huitième enquête de Wallander, ce dernier n'est pas à la fête... Il souffre de la solitude et hésite à rencontrer quelqu'un grâce aux petites annonces. Il est l'objet d'une plainte à cause d'une gifle qu'il a donné à la plus jeune des deux ados qui allait frapper sa mère. Mais personne ne veut croire sa version des faits, en particulier sa hiérarchie, Wallander est dégoûté, prêt à démissionner. Mais sa conscience professionnelle lui fera poursuivre son travail.
Ecrite en 1998, l'intrigue nous entraîne sur la piste de piratage informatique autour de la finance mondiale. C'est donc très contemporain et très réaliste.
Je suis une inconditionnelle de Kurt Wallander, j'ai donc passé un très bon moment en écoutant ce livre audio. Malheureusement, il ne me reste plus qu'une seule aventure à découvrir... Mais je compte bien relire un jour les premières enquêtes.
En 2008, ce livre a été adapté par la BBC dans la série télévisée Wallander (saison 1 – épisode 2) réalisé par Andy Wilson avec Kenneth Branagh, Benedict Taylor, David Sibley, Roland Hedlund, Rupert Graves. Cette adaptation très réussie est assez proche du livre et nous permet de découvrir de très beaux paysages de Suède. Je compte regarder prochainement cet épisode.
Extrait : (page 28)
Wallander soupira et se força à redevenir policier. Il ouvrit le dossier et le parcourut en constatant comme d’habitude que Martinsson avait rédigé un rapport clair et succinct. Il s’enfonça dans son fauteuil et réfléchit à ce qu’il venait de lire.
Deux filles, âgées de dix-neuf et quatorze ans, avaient téléphoné d’un restaurant à vingt-deux heures le mardi soir pour commander un taxi. Elles avaient ensuite demandé à être conduites à Rydsgard. L’une des deux était montée à l’avant ; à la sortie de la ville, elle avait demandé au chauffeur de s’arrêter, disant qu’elle préférait tout compte fait voyager à l’arrière. Le taxi s’était arrêté au bord de la route. La fille assise à l’arrière avait alors brandi un marteau et frappé le chauffeur à la tête pendant que l’autre lui enfonçait un couteau dans la poitrine. Elles l’avaient dépouillé de son portefeuille et de son portable avant de prendre la fuite. Malgré ses blessures, le chauffeur – Johann Lundberg, soixante ans, dont quarante au volant de son taxi – avait réussi à donner l’alerte et à fournir un bon signalement des deux filles. Martinsson, qui s'était chargé de l'affaire ce soir-là, les avait identifiées sans trop de mal en interrogeant les clients du restaurant. Elles avaient été arrêtées à leur domicile. Celle de dix-neuf ans était restée en garde à vue. En raison de la gravité du crime, on avait décidé de retenir aussi la plus jeune. Johan Lundberg était conscient à son arrivée à l'hôpital ; puis son état s'était brusquement aggravé. Les médecins hésitaient à se prononcer. Selon Martinsson, les deux filles avaient justifié l'agression par un « besoin d'argent ».
Wallander fit la grimace. Il n’avait jamais de sa vie été confronté à une chose pareille : deux jeunes filles passant à l’acte avec une violence incontrôlée. D'après les notes de Martinsson, la plus jeune allait à l'école, c'était même une excellente élève. La plus âgée avait déjà travaillé comme réceptionniste dans un hôtel et comme jeune fille au pair à Londres, et s'apprêtait à entamer des études de langues. L'une et l'autre n'étaient connues ni de la police ni des services sociaux.
Déjà lu du même auteur : Tea-Bag
Les chaussures italiennes
Meurtriers sans visage
Les chiens de Riga
L'homme inquiet
Le Retour du professeur de danse
La lionne blanche
Profondeurs
Le Chinois
L’homme qui souriait
Le guerrier solitaire
La faille souterraine et autres enquêtes
La cinquième femme
Les morts de la Saint-Jean
Les chaussures italiennes
Challenge Voisins Voisines 2014
Suède
Challenge Petit Bac 2014
"Bâtiment" (3)
Challenge Trillers et Polars
catégorie "Même pas peur" : 27/25
Ecouté en partenariat avec Audiolib
Lu dans le cadre du Challenge
"Ecoutons un livre"
Audiolib - mars 2014 - 9h10 - Lu par Féodor Atkine
Grasset - août 2013 - 327 pages
Prix Goncourt des Lycéens 2013
Prix Goncourt Choix de l’Orient 2013
Quatrième de couverture :
« L'idée de Sam était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé. Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne... »
Féodor Atkine, par son intensité contenue, réussit à réinstaller le pouvoir des mots dans les tumultes des combats et l’horreur des massacres : une interprétation qui est un hommage au roman bouleversant de Sorj Chalandon.
Auteur : Sorj Chalandon est né en 1952. Journaliste au Canard enchaîné, il a reçu le prix Albert Londres en 1988 pour ses reportages dans Libération et publié cinq romans chez Grasset dont Une Promesse (2006, prix Médicis), Mon traître (2008, Prix Joseph Kessel) et Retour à Killybegs (2011, Grand Prix du roman de l’Académie française).
Lecteur : Difficile de présenter ce comédien talentueux, à la carrière exemplaire et au parcours surprenant. Féodor Atkine a tourné avec W. Allen, O. Stone, R. Ruiz, G. Alghion, et tant d’autres encore. Grand admirateur de Mandela, il a participé en 2010 au documentaire de Joël Calmettes : Nelson Mandela au nom de la liberté.
Mon avis : (écouté en avril 2014)
Après la conférence de Sorj Chalandon à l'occasion du Festival Rue des Livres à Rennes fin mars, j'ai eu le grand plaisir de relire ce livre coup de cœur en version audio. Entre mes deux lectures, j'ai eu l'occasion de lire la pièce Antigone de Jean Anouilh, ce n'est pas nécessaire pour la compréhension du livre de Sorj Chalandon mais c'est un plus de connaître la pièce.
J'ai pris beaucoup de plaisir à retrouver Georges et Sam. J'ai pris mon temps pour relire ce livre et vraiment apprécier tous les détails. Dans la première partie du livre, l'auteur nous raconte la rencontre de Sam, réfugié grec d'origine juive, et Georges, le narrateur français, à la fac et leur amitié dans le combat syndical estudiantin. Dix ans plus tard, Sam est très malade, Georges est marié, papa d'une petite fille. Sam demande à Georges de prendre sa place pour mener à bien son projet un peu fou : monter Antigone à Beyrouth en pleine Guerre du Liban. Il a imaginé faire interpréter tous les rôles par ceux qui s’opposent sur le champ de bataille : Créon serait chrétien, Antigone palestinienne, Hémon Druze, il y aurait également des Chiites, des Chaldéens... Réunir le temps d'une trêve théâtrale de deux heures des acteurs que la guerre a rendu ennemis.
Avec ce livre, Sorj Chalandon a voulu parler de la guerre car en 1982, il était dans les tous premiers journalistes à entrer dans les camps de Sabra et Chatila. "Dans le roman, c'est donc un homme plein de larmes, de colère, de tristesse qui peut enfin parler de son désarroi." Tout au long du livre, Sorj Chalandon s'interroge sur la paix et la guerre, sur les horreurs des massacres et l'espoir des hommes.
En version papier ce livre était déjà pour moi un grand coup de cœur, la version audio est également un formidable coup de cœur !
Sans en faire trop, le lecteur met vraiment très bien en valeur le texte poignant et percutant de Sorj Chalandon.
En bonus du livre audio, il y a un entretien avec Sorj Chalandon qui est aussi fort que celui auquel j'ai assisté à Rennes.
Un grand merci Margaux et les éditions Audiolib pour m'avoir permis de redécouvrir ce livre coup cœur d'une autre manière.
Autres avis : Enna, Sandrine et Sylire
Note : ♥♥♥♥♥
Extrait audio : voir ici
Challenge Petit Bac 2014
"Bâtiment" (3)
Déjà lu du même auteur :
Retour à Killybegs
Mon traître
Le petit Bonzi
La légende de nos pères
Le quatrième mur