Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
A propos de livres...
japon
23 septembre 2010

Le cœur régulier - Olivier Adam

le_coeur_r_gulier Editions de l’Olivier – août 2010 – 231 pages

Quatrième de couverture :
" Vu de loin on ne voit rien ", disait souvent Nathan. Depuis la mort de ce frère tant aimé, Sarah se sent de plus en plus étrangère à sa vie, jusque-là " si parfaite ". Le cœur en cavale, elle s'enfuit au Japon et se réfugie dans un petit village au pied des falaises. Nathan prétendait avoir trouvé la paix là-bas, auprès d'un certain Natsume. En revisitant les lieux d'élection de ce frère disparu, Sarah a l'espoir de se rapprocher, une dernière fois, de lui. Mais c'est sa propre histoire qu'elle va redécouvrir, à ses risques et périls. Grâce à une écriture qui fait toute la place à la sensation, à l'impression, au paysage aussi bien intérieur qu'extérieur, Olivier Adam décrit les plus infimes mouvements du cœur et pose les grandes questions qui dérangent.

Auteur : Olivier Adam est né en 1974. Après avoir grandi en banlieue et vécu à Paris, il s’est installé à Saint-Malo. Il est l’auteur de nombreux livres dont Passer l’hiver (Goncourt de la nouvelle 2004), Falaises, À l’abri de rien (prix France Télévisons 2007 et prix Jean-Amila-Meckert 2008), Des vents contraires (Prix RTL/Lire 2009).

Mon avis : (lu en septembre 2010)
Voilà un livre que j’avais hâte de découvrir. Dans ce livre on retrouve la grande sensibilité d’Olivier Adam. Il nous raconte la fuite de Sarah au Japon. Sarah est la mère de deux adolescents, elle a un mari parfait, une belle maison et un travail, une vie bien réglée. Mais Nathan, son frère, s’est tué dans un accident de voiture. Lorsque sa sœur Clara lui apprend la mauvaise nouvelle, Sarah répond «il l’a fait exprès». En effet, Nathan est un jeune homme instable, qui n'a jamais vraiment trouvé sa place dans la société. Il avait déjà fait plusieurs tentatives de suicides. Sarah et Nathan étaient très proches et complices pendant leur enfance et adolescence. Après la mort de Nathan, Sarah va chercher à comprendre qui était vraiment son frère. Elle va retourner sur les lieux que son frère aimait, en particulier dans ce petit village japonais au pied de falaises. Nathan y avait rencontré Natsume, un ancien policier qui sauve des vies.

J'aime beaucoup les livres d'Olivier Adam et celui-ci m'a également conquise. Ces personnages sont attachants, les descriptions sont superbes, j'ai l'impression de voir les paysages décrits devant mes yeux. Une bien belle histoire !

Extrait : (début du livre)
C'est une nuit sans lune et c'est à peine si l'on distingue l'eau du ciel, les arbres des falaises, le sable des roches. Seules scintillent quelques lumières, de rares fenêtres allumées, une dizaine de lampadaires le long de la plage, deux autres aux abords du sanctuaire, le néon d'un bar, un distributeur de boissons, myriade de canettes multicolores sous l'éclairage cru. Plus grand monde ne s'attarde à cette heure. La fin de l'été a ravalé les touristes, les dernières cigales crissent dans les jardins de l'hôtel, nous sommes fin septembre mais il fait encore tiède. Par la baie entrouverte monte la rumeur du ressac. S'y mêlent le froissement des feuilles, le balancement des bambous, les craquements des cèdres. Les singes se sont tus peu après la tombée du jour, tout à l'heure ils hurlaient de panique, puis l'obscurité a tout recouvert et ils ont renoncé. Je suis rentrée des falaises par ce chemin sinueux que j'emprunte depuis déjà six jours. Sous la voûte des grands arbres où se croisaient les premières chauves-souris et les dernières buses, au milieu des fougères et des tapis de mousse, j'ai longé des lanternes devenues familières, des rosa rugosa encore fleuris, des camélias aux feuilles luisantes, des érables encore verts, des maisons de bois par les fenêtres desquelles se devinaient des mobiliers à ras du sol, des cloisons de papier, l'écru blond des tatamis. Il n'était pas sept heures, mais déjà des repas s'y préparaient, répandaient leurs parfums moites de bouillon et d'algues, de thé vert et de soja. Trois gamins en tenue de base-ball me suivaient en bavardant, la batte sur l'épaule. Ils ont bifurqué dans mon dos sans que je m'en aperçoive, quand je me suis retournée il n'y avait plus personne, j'aurais aussi bien pu avoir été filée par des fantômes. Arrivée à l'hôtel, je me suis installée près des fenêtres, accroupis autour d'une table en bois laqué nous n'étions que cinq à dîner, Katherine, moi-même et trois Japonais : un couple élégant et silencieux, tous deux vêtus de kimonos sobres et parfaitement coupés, visages aux traits si fins qu'on les aurait dits échappés d'un film, d'une photo. Et, légèrement en retrait, un homme d'une cinquantaine d'années, costume anthracite sur chemise claire, dont la bouche arborait en permanence une cigarette entièrement blanche. Il les sortait d'un paquet souple et bleu ciel et ne s'interrompait que pour avaler quelques bouchées ou boire une gorgée de bière d'une longueur inhabituelle, comme s'il tentait de vider son verre en un seul trait. Nous nous sommes salués en hochant la tête, bustes inclinés et sourires de convenance, puis chacun s'est de nouveau penché sur son assiette. La patronne m'a servi un bol de riz et d'anguille avant de s'installer à l'écart pour prendre son repas elle aussi, en compagnie de sa fille Hiromi, une gamine d'une quinzaine d'années que j'avais croisée plus tôt dans la journée, sitôt quitté l'école elle avait remonté sa jupe de plusieurs centimètres, défait trois boutons de son chemisier, maquillé ses yeux et sorti son téléphone portable de son sac, d'où pendaient une dizaine de breloques : porte-bonheur shinto, figurines de manga, créatures issues de films de Miyazaki et la galerie complète des Aristochats. J'ai pensé à ma propre fille en la voyant, elle ne me manquait pas encore, est-ce que les enfants nous manquent une fois entrés dans l'adolescence, je n'en étais pas certaine. Romain non plus ne me manquait pas, Anaïs avait bientôt seize ans et lui quatorze à peine, depuis pas mal de temps déjà nous ne faisions plus que nous croiser, nous ne vivions plus ensemble mais les uns à côté des autres, sous un même toit, en colocation en quelque sorte, j'avais mis du temps à m'en rendre compte mais vu d'ici, vu de si loin, oui, c'est ainsi que m'apparaissaient les choses. "Vu de loin on ne voit rien", disait souvent Nathan à tout propos, et cette phrase semblait recouvrir à ses yeux une vérité essentielle. Je n'ai jamais compris ce que mon frère entendait par là mais aujourd'hui je sais qu'il avait tort, que c'est exactement le contraire : vu de près, pris dans le cours ordinaire, on ne voit rien de sa propre vie. Pour la saisir il faut s'en extraire, exécuter un léger pas de côté. La plupart des gens ne le font jamais et ils n'ont pas tort. Personne n'a envie d'entrevoir l'avancée des glaces. Personne n'a envie de se retrouver suspendu dans le vide. Nos vies tiennent dans un dé à coudre. Je ne sais plus qui disait ça l'autre jour, c'était à la radio je crois. Ou bien l'ai-je lu dans un livre. Je ne sais plus. Mais cette phrase m'a saisie, Nathan aurait pu la prononcer, ai-je pensé, l'ajouter aux dizaines d'autres, tout aussi définitives et désenchantées, qui lui servaient de viatique, dessinaient une ligne de conduite qui ne l'a jamais mené nulle part. J'avais pris le premier avion pour Tokyo, le cœur en cavale, dans un état de confusion totale, fuyant une menace indéfinissable dont je sentais qu'elle n'allait pas tarder à m'engloutir. Quand j'ai appelé les enfants, une fois arrivée ici, pour leur annoncer que voilà, j'étais partie au bout du monde pour quelque temps, que j'avais besoin d'une pause, de me retrouver, qu'un élan m'avait tirée vers l'est, vers ce pays, ces rues, ces paysages, ils se sont contentés d'acquiescer. Au fond je crois qu'ils s'en foutaient, pour eux ça ne devait pas signifier grand-chose. Pas beaucoup plus qu'une de ces lubies d'adulte névrosé dont ils avaient été plutôt protégés jusqu'alors, bien au chaud derrière les murs épais de notre maison confortable, la réserve feutrée et la pondération de leurs parents solides et raisonnables, mais dont regorgeaient les allées bien peignées de notre si jolie résidence : crises de nerfs, pétages de plombs, perversions, dépressions alcool adultère, vide et ressentiment en tout genre, il n'y avait qu'à se baisser, les rues et les maisons voisines en étaient pleines, comme partout ailleurs. Et il leur suffisait d'allumer la télé pour contempler des galeries entières de parents en tout point identiques aux leurs et à ceux de leurs camarades, rentrant chaque soir de leur travail valorisant et rémunérateur, dotés de voitures propres aux marques prestigieuses, suédoises ou allemandes, de résidences secondaires en Normandie en Bretagne ou dans le Pays basque, pratiquant le tennis, le golf et le jogging du dimanche matin, toujours impeccablement vêtus, goûtant le repos dans des pavillons rangés et entretenus, à la décoration choisie, et dont le vernis s'écaillait à la première occasion, laissant à nu des secrets putrides, les viscères du mensonge et de la dissimulation. Ils avaient raccroché en lâchant un "bon, ben... à bientôt maman" dubitatif et vaguement inquiet. Alain, leur père, avait dû prendre son air compréhensif et désolé, mon si parfait mari, votre mère est fragile en ce moment, avait-il dû leur confier, le front barré d'une ride soucieuse, après ce qui s'est passé il faut la comprendre, nous allons respecter son choix et attendre patiemment son retour, que pourrions-nous faire d'autre ? Ils avaient dû l'écouter sans réagir, impuissants et dépassés, ne sachant trop si cet événement en était vraiment un, ni ce qu'on attendait d'eux en pareilles circonstances.

Déjà lu du même auteur :

a_l_abri_de_rien A l’abri de rien  falaises Falaises

Des_vents_contraires Des vents contraires je_vais_bien_ne_t_en_fait_pas_p Je vais bien, ne t'en fais pas

Livre 8/14 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

Publicité
Publicité
22 mars 2010

Park Life – Shuichi Yoshida

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (15/26)

park_life park_life_p

Editions Philippe Picquier – septembre 2007 - 95 pages

Picquier poche - janvier 2010 – 128 pages

traduit du japonais par Gérard Siary et Mieko Nakajima-Siary

Présentation de l'éditeur :

Ce petit roman est une bouffée d'air pur dans la vie affairée et raisonnable des citoyens du XXIe siècle que nous sommes. Un air venu du parc de Hibiya à Tôkyô, où l'on pénètre sur les pas d'un jeune employé légèrement excentrique, et soudain " l'exhalaison de terre et d'herbe vous chatouille les narines ". Là, il croise une triathlonienne consommatrice de bains moussants, rencontre un vieil homme qui fait voler un capricieux aérostat rouge, rêve, médite, s'exerce à chambouler la perspective pour voir le monde autrement. Il arrive que s'y nouent des idylles, à peine plus tangibles que le bruissement des pigeons qui s'envolent. Ce récit a le charme des parenthèses qui s'ouvrent parfois dans la vie pour laisser entrer l'enchantement, comme un léger vertige teinté de déraison. La ville n'est pas loin, les buildings cernent l'horizon, mais dans cet espace clos et protégé, se jouent les menues aventures qui donnent son goût unique à l'existence, la petite musique d'un grand parc au cœur d'une immense capitale. Park Lift a été couronné en 2002 du prix Akutagawa, le Goncourt japonais.

Auteur : Né en 1968 à Nagasaki. Après des études de gestion à l'Université Hosei de Tôkyô, Yoshida Shuichi écrit plusieurs romans. En 2002, il a obtenu le Prix Akutagawa pour Park Life, après l'avoir laissé échapper quatre fois.

Mon avis : (lu en mars 2010)

Un livre qui se lit très facilement. L'histoire commence dans le métro lorsqu'un jeune homme (le narrateur) s'adresse par erreur à une inconnue. Il la rencontre un peu plus tard dans le parc Hibiya de Tokyo. Ils vont se revoir au même endroit plusieurs fois pendant leur pause-repas et ils observent les habitués de ce parc qui est une bouffée d'air dans cette ville trépidante. Entre temps, le narrateur nous raconte son quotidien insolite, ainsi que ses souvenirs. C'est frais, exotique mais en lisant la quatrième de couverture, j'attendais plus de ce livre.

Extrait : (page 8)

En empruntant cet escalier un peu sombre, on débouche derrière l'îlot de police du parc. Si, pour y pénétrer, on enjambe la barrière basse à côté des toilettes publiques, on respire un autre air que dans l'enceinte du métro, l'exhalaison de terre et d'herbe vous chatouille les narines. Une fois entré, j'ai marché le plus possible tête baissée. Tout en m'efforçant de ne pas regarder au loin, j'ai avancé dans le sentier qui entoure la mare de Shinji, passé les allées de ginkgos et le petit kiosque à musique, et pénétré dans le square au grand jet d'eau. Les pigeons s'y acharnent à donner des coups de bec dans la nourriture. Veillant à ne pas leur marcher dessus, j'ai traversé le square pour aller m'asseoir confortablement à l'un des bancs autour du jet d'eau. Il ne faut surtout pas relever trop vite la tête. J'ai d'abord desserré ma cravate, siroté une gorgée du café en canette que j'avais acheté dans une boutique du métro. Juste avant de relever la tête, il vaut mieux fermer les yeux, même quelques secondes. Après avoir respiré lentement et profondément, j'ai levé la tête d'un seul trait et écarquillé les yeux. Quand j'écarquille soudain les yeux, le grand jet d'eau, les arbres d'un vert foncé et l'Hôtel Impérial, qui présentent respectivement un paysage proche, à mi-distance et éloigné, font brusquement irruption dans mon champ visuel en chamboulant la perspective. C'est dur pour mes yeux habitués aux étroites voies souterraines. La tête me tourne. Je savoure un léger état de transe.

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (15/26)

17 octobre 2009

Le poids des secrets – tome 5 : Hotaru – Aki Shimazaki

hotaruhotaru

Actes Sud – juin 2009 – 132 pages

Quatrième de couverture :

A la saison des lucioles (hotaru), lorsqu'elle rend visite à sa grand-mère Mariko Takahashi, Tsubaki est loin de se douter que celle-ci lui confiera bientôt le secret qui ronge sa vie depuis cinquante ans, incapable qu'elle fut de le révéler à son mari. Etudiante en archéologie, Tsubaki apprend à travers cette confession les lois cruelles de la vie : l'innocence et la naïveté des jeunes filles sont souvent abusées par les hommes de pouvoir et d'expérience, et leur destinée s'en trouve à jamais bouleversée.

Auteur : Née au Japon, Aki Shimazaki vit à Montréal depuis 1991. Sa pentalogie Le Poids des secrets, amorcée avec Tsubaki, s'est terminée par l'obtention du prix du Gouverneur général avec Hotaru en 1005. Depuis, elle a publié Mitsuba en 2006 et Zakuro en 2008.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

C'est le dernier volume de la pentalogie "Le poids des secrets". Hotaru signifie luciole en japonais. Dans ce tome, Mariko Takahashi est âgée de 84 ans, elle sent qu'elle est proche de la fin de sa vie et elle se confie à sa petite fille de 19 ans Tsubaki le secret qui l'a ronge depuis toujours et qu'elle n'a jamais avoué à son mari. Dans ce dernier tome l'histoire ne révèle au lecteur aucune surprise puisque pour boucler la boucle l'on voit réapparaître tous les personnages avec également en toile de fond les bombes atomiques sur Nagasaki.

Cependant, la lecture de ce livre est aussi agréable que pour les livres précédents, tout en simplicité et en poésie. Un ensemble de 5 livres qui m'ont vraiment beaucoup plu !

Extrait : (page 23)

Dans l'obscurité clignotent les lucioles. J'en ai attrapé deux tout à l'heure en traversant le jardin. Je les garde dans mon petit aquarium, resté vide depuis l'année passée. Elles rampent lentement sur des feuilles de fougère. L'une suit l'autre comme un couple. Je compte les emporter à mon appartement.

Allongée sur le futon, je songe à Obâchan, qui a un air déprimé. Je me demande pourquoi elle regrette maintenant le départ d'Ojîchan en Sibérie. Qu'est-ce qui la dérange ? Je sens qu'elle est tourmentée et cela m'attriste.

Je me rappelle le moment où Ojîchan est mort. Il était entouré de nous tous : Obâchan, mes parents, ma sœur, mon frère et moi. Je ne me souviens plus des détails, car je n'avais que six ans à l'époque. Néanmoins, je sentais dans mon cœur d'enfant qu'il reposerait en paix. Son regard était doux. Selon ma mère, Ojîchan a dit à Obâchan, en tenant sa main : «Quelle vie heureuse ! J'ai eu de la chance d'avoir une famille si bonne. » Nous étions sa seule famille. Quand il est mort, il avait soixante-dix-neuf ans. Il était malade du coeur. Les lucioles clignotent toujours. En fixant les yeux sur leurs lumières, je me rappelle une lointaine conversation avec Ojîchan.

- Ojîchan, pourquoi les lucioles émettent-elles de la lumière ?

Il répond : - Pour attirer des femelles.

Je suis étonnée : -Alors, les lucioles sont-elles mâles ?

- Oui. Les femelles sont des vers luisants. Elles émettent aussi de la lumière, mais elles ne volent pas. Les deux s'échangent des messages amoureux en clignotant.

Je m'exclame : - Comme c'est romantique !

- Oui, dit Ojîchan. Au moins pour nous, les Japonais.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- En France, il existe une superstition étrange : ces lumières seraient les âmes des enfants morts sans avoir reçu le baptême. Pour les gens qui y croient, ces insectes sont bien sinistres.

Le mot « sinistre » me fait penser à la scène du soir de la bombe atomique qu'Obâchan m'a racontée une fois : « J'ai vu une volée de lucioles au-dessus du ruisseau, qui était écrasé par les ruines des bâtiments. Les lumières de ses insectes flottaient dans le noir comme si les âmes des victimes n'avaient pas su où aller. » Je me demande où ira l'âme d'Obâchan. Va-t-elle errer pour toujours entre ce monde et l'autre monde ? Ses jours sont comptés. J'espère qu'elle trouvera le calme et pourra mourir en paix, comme Ojîchan.

Obâchan : grand-mère, vieille femme.

Ojîchan : grand-père, vieil homme.

Autres volumes de la pentalogie "Le poids des secrets" :

tsubaki Tsubaki  hamaguri Hamaguri

tsubame Tsubame Wasurenagusa Wasurenagusa

18 septembre 2009

Le poids des secrets, Tome 4 : Wasurenagusa - Aki Shimazaki

wasurenagusa_  Wasurenagusa    

Leméac / Actes Sud - 8 mai 2003 – 123 pages

Actes de Sud – février 2009 - 125 pages

Présentation de l'éditeur
Après un premier mariage raté, Kenji Takahashi découvre qu'il est stérile. Accablé, il quitte la maison familiale. Seule compte encore pour lui sa nurse, Sono. Lorsqu'il fait la connaissance de Mariko, qui vit seule avec son fils Yukio, il en tombe amoureux et l'épouse contre l'avis de ses parents, qui le déshéritent. Quarante-six ans plus tard, retraité et affaibli, il recherche les traces de Sono. Au moment où il retrouve sa tombe, sur laquelle est inscrit le nom de la fleur de myosotis (wasurenagusa), il découvre le secret de ses origines et le malheur qui a frappé ses parents.

Biographie de l'auteur
D'origine japonaise, Aki Shimazaki vit à Montréal. Wasurenagusa est le quatrième volet de sa pentalogie Le Poids des secrets, qui comprend également Tsubaki, Hamaguri, Tsubame et Hotaru, prix du Gouverneur général du Canada. Wasurenagusa a reçu le prix Canada- Japon.

Mon avis : (lu en septembre 2009)

Wasurenagusa signifie myosotis (ne m’oubliez pas) en japonais. Un nouveau regard, une quatrième histoire : celle de Kenji Takahashi, le père adoptif de Yukio.

Dans ce livre l’auteur nous parle de la descendance et du mariage au Japon, en effet Kenji Takahashi appartient à une vieille japonaise, par amour, il préfèrera quitter sa famille pour se marier avec Mariko « qui est d’origine douteuse » et adopter son fils Yukio. Dans les toutes dernières pages, Kenji Takahashi découvrira également un secret sur ses origines...

Je suis toujours autant touchée par cette série de livres et j’attends avec impatience de connaître la cinquième et dernière histoire avec le tome 5 : Hotaru.

Extrait : (début du livre)

Le matin du premier dimanche de mai.

Je suis assis dans un fauteuil de bambou, installé dans l’espace entre la fenêtre et la pièce de tatamis où je me couche. Un vent frais effleure ma joue. Rin… rin… rin… Au-dessus de ma tête, le fûrin de cuivre tinte doucement. Je lève les yeux, mon regard reste immobile quelques instants.

Je tiens un livre dans une main et un signet dans l’autre. C’est un ouvrage pharmaceutique, rédigé par mon collègue, monsieur Horibe. J’en ai grand besoin pour mes recherches. J’essaie de me concentrer, mais j’ai du mal à lire. Mes yeux lisent plusieurs fois les mêmes lignes. Je ne saisis pas bien le sens du contenu. Je me demande : « Qu’est-ce qui me dérange ? »

Je regarde distraitement le signet de petites fleurs séchées. La couleur est passée. Au bout est écrit un mot en katakana : niezabudoka. Je ne connais pas ce mot d’origine russe, mais ce doit être le nom de la fleur. Il s’agit d’un souvenir envoyé récemment par Sono, qui séjourne à Harbin, en Mandchourie. Chaque fois que je vois ce signet, je pense à elle. Je la connais depuis mon enfance, elle était ma nurse quand j’avais quatre ans. Elle est maintenant dans la soixantaine.

fûrin : clochette qui tinte au vent.

katakana : écriture syllabique japonais, utilisée principalement pour les mots d’origine étrangère.

16 septembre 2009

Le poids des secrets, Tome 3 : Tsubame - Aki Shimazaki

Tsubame_  tsubame

Actes Sud – novembre 2001 – 123 pages

Actes Sud – janvier 2008 - 118 pages

Présentation de l'éditeur
Lors du tremblement de terre de 1923, qui a dévasté la région du Kanto et entraîné plus de cent quarante mille morts, la Coréenne Yonhi Kim devient, question de survie, la Japonaise Mariko Kanazawa. A la fin de sa vie, alors qu'elle est veuve, mère d'un chimiste et grand-mère de trois petits-enfants, le mystère de sa naissance lui est dévoilé : le prêtre catholique qui l'avait recueillie dans son église lors du tremblement de terre, surnommé monsieur Tsubame, était-il l'instrument du destin qui a permis à cette hirondelle de s'élancer hors du nid ?

Biographie de l'auteur
D'origine japonaise, Aki Shimazaki vit à Montréal depuis 1991. Tsubame est le troisième volet de sa pentalogie Le Poids des secrets, qui comprend également Tsubaki, Hamaguri, Wasurenagusa et Hotaru. Hamaguri a remporté le prix Ringuet de l'Académie des lettres du Québec, Wasurenagusa le prix Canada Japon et Hotaru le prix du Gouverneur général du Canada.

Mon avis : (lu en septembre 2009)

Tsubame signifie hirondelle en japonais. La première partie du roman commence en 1923 lors d’un tremblement de terre au Japon. Yonhi a douze ans, elle est coréenne. Pour la protéger, sa mère la confie à un orphelinat catholique avant de disparaître. Yohni est accueilli par un prêtre européen surnommé Monsieur Tsubame qui lui donnera une nouvelle identité japonaise et Yohni Kim devient Mariko Kanzawa. Toute sa vie, Mariko gardera le secret de ses origines. La seconde partie se situe 59 ans plus tard, Mariko vit avec son fils Yukio, sa femme et ses enfants. C'est donc à travers les yeux de Mariko, la mère de Yukio que l'on comprend les événements dans ce nouveau tome. L’auteur met également en lumière la manière le Japon traita la Corée et les coréens au début du siècle : invasion du pays, discriminations et massacres des travailleurs coréens.

La langue est belle, le style épuré, l’histoire est touchante, je suis toujours autant éblouie par cette série de petits livres. Je vais commencer sans tarder le tome 4 : Wasurenagusa qui est dans ma PAL.

Extrait : (début du livre)

Je lève les yeux.

Couvert de nuages épais, le ciel s’étend à l’infini. Il fait anormalement chaud et humide pour une fin d’été. C’est encore tôt le matin. Pourtant, je sens ma chemise déjà trempée de sueur.

Au-dessus de moi, un couple d’hirondelles passe rapidement. Elles vont et viennet entre le toit d’une maison et un fil électrique. Elles partiront bientôt vers un pays chaud. J’aimerais bien voyager librement comme elles.

Ma mère m’a dit une fois : « Si on pouvait renaître, j’aimerais renaître en oiseau. »

Je marche dans le petit chemin qui longe l’étang, un raccourci pour aller chez mon oncle. Je dois lui remettre des épis de maïs que ma mère vient de faire cuire à l’eau. La chaleur se propage à travers le papier journal. Mon oncle travaille à la journée sur une digue d’Arakawa où l’on construit un canal d’évacuation. Il transporte de la terre et du gravier avec une brouette. « La paye est minimale, mais c’est mieux que rien. »

En passant devant l’étang, j’aperçois des acores en pleine floraison. Je m’arrête et les regarde quelques instants. Je pense : « C’est étrange. Ces fleurs ne s’épanouissent d’habitude qu’au mois de mai ou de juin. » Il n’y a pas de vent, la surface de l’eau demeure immobile.

Après un moment, je me rappelle ce que ma mère m’a dit hier soir : « On n’a pas trouvé de rats dans la maison depuis plusieurs semaines. » Pour moi, c’était une bonne nouvelle, car le bruit des rats dérangeait notre sommeil. Pourtant, le visage de ma mère me semblait inquiet.

Je jette un caillou dans l’étang. Les ronds dans l’eau s’étendent en ondulant. Je les observe jusqu’à ce qu’ils disparaissent. Puis je continue à marcher d’un pas rapide.

Publicité
Publicité
14 septembre 2009

Le poids des secrets, Tome 2 : Hamaguri - Aki Shimazaki

Hamaguri_ hamaguri 

Actes de Sud – janvier 2007 - 118 pages

Présentation de l'éditeur
Deux petits enfants de Tokyo, Yukio et Yukiko, scellent un pacte de fidélité en inscrivant leurs noms à l'intérieur d'une palourde, comme un serment d'amour éternel. Devenus adolescents, ils se retrouvent à Nagasaki sans se reconnaître ; les sentiments qui les habitent désormais, qui les troublent profondément, leur seraient-ils interdits ? Aux dernières heures de sa vie, la mère de Yukio cherchera à ouvrir les yeux de son fils en lui remettant ce coquillage sorti du tiroir de l'oubli.

Biographie de l'auteur
Née au lapon, Aki Shimazaki vit à Montréal. Hamaguri est le second volet de sa pentalogie Le Poids des secrets, qui comprend Tsubaki, Tsubame, Wasurenagusa et Hotaru. Hamaguri a remporté le prix Ringuet de l'Académie des lettres du Québec, Wasurenagusa le prix Canada-Japon, et Hotaru le prix du Gouverneur général du Canada.

Mon avis : (lu en septembre 2009)

Hamaguri (qui signifie palourdes en japonais) est le second tome de la série Le poids des secrets d'Aki Shimazaki. J'ai lu ce court roman en moins d'une heure. J'y ai retrouvé la poésie et la simplicité de l'écriture et de l'histoire du premier tome. On revit l'histoire de Tsubaki à travers les yeux de Yukio le demi-frère de Yukiko, le personnage principal du tome 1. Yukio nous raconte son histoire, sa relation avec sa mère, son père adoptif et surtout son amour impossible avec Yukiko. La partie historique, la seconde guerre mondiale et l’explosion de la bombe nucléaire sur Nagasaki est à peine évoquée, au profit de l’histoire d’amitié amoureuse entre Yukio et Yukiko qui ignorent qu’ils sont frère et sœur.

Une merveille encore une fois et je me lance sans tarder dans la lecture du tome 3 : Tsubame !

Extrait : (page 21)

Aujourd’hui, ELLE apporte des coquillages qui s’appellent hamaguri. ELLE les met par terre en deux rangs. Ils sont vraiment grands, mais toutes les dents de la charnière sont séparées. Je prends l’une des coquilles dans ma main. Elle est plus grande que le creux de ma main. Nous les comptons en ordre. Un, deux, trois, quatre… Je sait compter seulement jusqu’à dix. Après dix, je me tais. ELLE continue. Et en touchant à la dernière , ELLE crie :

- Vingt ! Il y en a vingt en tout. On va jouer au kaïawase.

Je répète le mot que j’ai entendu pour la première fois : - Kaïawase ?

- Oui. Les règles du jeu sont très simples : trouver les deux coquilles qui formaient la paire originale.

Je dis : - Mais les grandeurs et les motifs sont tous pareils.

- Non. Regarde bien, dit-ELLE.

ELLE prend deux coquilles et les colle l’une à l’autre. ELLE me montre le coquillage ainsi fermé et dit : - Ces deux coquilles ne sont pas de la même grandeur, n’est-ce pas ?

Je les regarde de très près et dis : - Tu as raison.

- Alors, il faut trouver la bonne paire. Ce n’est pas facile.

Je prends deux coquilles et j’essaie de les joindre, mais elles n’appartiennent pas à la même paire. Je les dépose par terre. ELLE continue. Puis ce sera mon tour. Ainsi, nous répétons le jeu jusqu’à ce que nous ayons reformé les dix coquillages.

Aujourd’hui, ELLE a trouvé sept paires et moi, j’en ai trouvé trois. ELLE m’a dit : « chez les hamaguri, il n’y a que deux parties qui vont bien ensemble. »

10 août 2009

Le poids des secrets, Tome 1: Tsubaki – Aki Shimazaki

tsubaki1 tsubaki

Leméac/Actes sud - septembre 1999 – 121 pages

Actes Sud – octobre 2005 – 114 pages

Présentation de l'éditeur
Dans une lettre laissée à sa fille après sa mort, Yukiko, une survivante de la bombe atomique, évoque les épisodes de son enfance et de son adolescence auprès de ses parents, d'abord à Tokyo puis à Nagasaki. Elle reconstitue le puzzle d'une vie familiale marquée par les mensonges d'un père qui l'ont poussée à commettre un meurtre.
Obéissant à une mécanique implacable qui mêle vie et Histoire, ce court premier roman marie le lourd parfum des camélias (tsubaki) à celui du cyanure. Sans céder au cynisme et avec un soupçon de bouddhisme, il rappelle douloureusement que nul n'échappe à son destin.

Biographie de l'auteur
Née au Japon, Aki Shimazaki vit à Montréal depuis 1991. Bien que sa langue maternelle soit, le japonais, elle écrit tous ses livres directement en français. Tsubaki est le premier volet de sa pentalogie Le Poids des secrets, qui comprend également
Hamaguri, Tsubame, Wasurenagusa et Hotaru (tous publiés par Leméac/Actes Sud). Elle a remporté le prix Ringuet de l'Académie des lettres du Québec pour Hamaguri et le prix Canada-Japon pour Wasurenagusa.

Mon avis : (lu en août 2009)

J'ai découvert ce titre grâce à la blogosphère. Tsubaki (qui signifie camélia en japonais) est le premier tome de la série Le poids des secrets d'Aki Shimazaki.

C'est l'histoire d'une Japonaise qui laisse une lettre à sa fille dans laquelle elle raconte sa vie, son enfance à Nagasaki, de la bombe atomique, mais surtout elle va dévoiler des secrets de famille. Les personnages de cette histoire sont profondément attachants et humains, et en toile de fond nous assistons à l'horreur de la Seconde Guerre Mondiale et des bombes atomiques ...

Le livre est très court et se lit très vite, trop vite. L'écriture est juste, subtile pleine d'une poésie délicate dans la pure tradition japonaise. Ce récit est émouvant et j'ai vraiment hâte de pouvoir lire la suite de cette série.

Extrait : (début du livre)

Il pleut depuis la mort de ma mère. Je suis assise près de la fenêtre qui donne sur la rue. J'attends l'avocat de ma mère dans son bureau où travaille une seule secrétaire. Je suis ici pour signer tous les documents relatifs à l'héritage : l'argent, la maison et le magasin de fleurs dont elle s'occupait depuis le décès de mon père. Il est mort d'un cancer de l'estomac voilà sept ans. Je suis la seule enfant de la famille et la seule héritière déclarée.
Ma mère tenait à la maison. C'est une vieille maison entourée d'une haie d'arbustes. Derrière, un jardin avec un petit bassin rond et un potager. Au coin, quelques arbres. Parmi eux, mes parents avaient planté des camélias peu après l'achat de la maison. C'était ma mère qui aimait les camélias.

Le rouge des camélias est aussi vif que le vert des feuilles. Les fleurs tombent à la fin de la saison, une à une, sans perdre leur forme : corolle, étamines et pistil restent toujours ensemble. Ma mère ramassait les fleurs par terre, encore fraîches, et les jetait dans le bassin. Les fleurs rouges au cœur jaune flottaient sur l'eau pendant quelques jours.

Un matin, elle dit à mon fils : « J'aimerais mourir comme tsubaki. Tsubaki, c'est le nom du camélia en japonais. »

Maintenant, comme elle le voulait, ses cendres sont répandues sur la terre autour des camélias alors que sa pierre tombale est à côté de celle de mon père au cimetière.

26 juin 2009

Le sumo qui ne pouvait pas grossir - Éric-Emmanuel Schmitt

le_sumo_qui_ne_voulait_pas_grossir Albin Michel – avril 2009 - 101 pages

Quatrième de couverture :

Sauvage, révolté, Jun promène ses quinze ans dans les rues de Tokyo, loin d’une famille dont il refuse de parler.

Sa rencontre avec un maître du sumo, qui décèle un « gros » en lui malgré son physique efflanqué, l’entraîne dans la pratique du plus mystérieux des arts martiaux. Avec lui, Jun découvre  le monde insoupçonné de l force, de l’intelligence et de l’acceptation de soi.

Mais comment atteindre le zen lorsque l’on est que douleur et violence ? Comment devenir sumo quand on ne peut pas grossir ?

Derrière les nuages, il y a toujours un ciel…

Après Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la dame rose, L’Enfant de Noé, Éric-Emmanuel Schmitt poursuit « Le Cycle de l’Invisible » avec ce nouveau récit qui mêle enfance et spiritualité, nous conduisant ici à la source du bouddhisme zen.

Auteur : Né en 1960, normalien, agrégé de philosophie, docteur, Éric-Emmanuel Schmitt s’est d’abord fait connaître au théâtre avec Le Visiteur, cette rencontre hypothétique entre Freud et peut-être Dieu, devenue un classique du répertoire international. Rapidement, d’autres succès ont suivi : Variations énigmatiques, Le Libertin, Hôtel des deux mondes, Petits crimes conjugaux, Mes Evangiles, La Tectonique des sentiments… Plébiscitées tant par le public que par la critique, ses pièces ont été récompensées par plusieurs Molière et le Grand Prix du théâtre de l’Académie française. Son œuvre est désormais jouée dans plus de quarante pays.
Il écrit le Cycle de l’Invisible, quatre récits sur l’enfance et la spiritualité, qui rencontrent un immense succès aussi bien sur scène qu’en librairie : Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la dame rose et L’Enfant de Noé. Une carrière de romancier, initiée par La Secte des égoïstes, absorbe une grande partie de son énergie depuis L’Evangile selon Pilate, livre lumineux dont La Part de l’autre se veut le côté sombre. Depuis, on lui doit Lorsque j’étais une œuvre d’art, une variation fantaisiste et contemporaine sur le mythe de Faust et une autofiction, Ma Vie avec Mozart, une correspondance intime et originale avec le compositeur de Vienne. S'en suivent deux recueils de nouvelles : Odette Toulemonde et autres histoires, 8 destins de femmes à la recherche du bonheur,  inspiré par son premier film, et la rêveuse d'Ostende, un bel hommage au pouvoir de l'imagination. Dans Ulysse from Bagdad, son dernier roman, il livre une épopée picaresque de notre temps et interroge la condition humaine. Encouragé par le succès international remporté par son premier film Odette Toulemonde, il adapte et réalise Oscar et la dame rose. Sortie prévue fin 2009
.

Mon avis : (lu en juin 2009)

J’avais beaucoup aimé Oscar et la dame rose, L’Enfant de Noé et Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran du « Cycle de l’Invisible » d’Éric-Emmanuel Schmitt. Cette fois-ci, j’ai été déçu par ce livre très court. Je n’ai pas été touchée par les personnages du livre. J’ai trouvé l’histoire un peu simpliste, manquant de profondeur et je m’attendais à en apprendre plus sur les sumos, la culture japonaise et sur le bouddhisme. Cependant on ne peut pas nier que ce livre est plein d’optimiste.

Extrait : (début du livre)

Alors que j'étais maigre, long, plat, Shomintsu s'exclamait en passant devant moi :

- Je vois un gros en toi.

Exaspérant ! De face, j'avais l'air d'une peau de hareng séchée sur du bois d'allumette ; de profil... on ne pouvait pas me voir de profil, je n'avais été conçu qu'en deux dimensions, pas en trois ; tel un dessin, je manquais de relief.

- Je vois un gros en toi.

Les premiers jours, je n'avais pas répliqué parce que je me méfie de moi : il m'arrive souvent de penser que les gens m'agressent en paroles, en grimaces, en gestes, puis de découvrir mon erreur , j'ai interprété, déformé, voire rêvé.

Paranoïa, je crois, on appelle ce genre d'illusion à répétition, oui, je fais de la paranoïa, en plus de l'allergie.

- Jun, calme-toi, tu te massacres, me sermonnai-je. Ce vieux bancal n'a pas pu dire ça.

La troisième fois, à l'approche de Shomintsu, inutile de préciser que j'avais les oreilles aussi écartées que les jambes d'un gardien avant un tir au but : pas question de manquer un mot, de rater une syllabe, j'intercepterais le moindre grognement que cet enfariné m'enverrait.      

- Je vois un gros en toi.

- Va te faire foutre !

Ce coup-là, j'étais certain d'avoir bien entendu.

Lui, en revanche, semblait ne pas avoir enregistré ma réponse : il sourit et reprit sa promenade comme si je n'avais pas réagi.

Le lendemain, en s'arrêtant, il s'écria, avec la mine inspiré de celui qui venait de l'inventer à l'instant :

- Je vois un gros en toi.

- Tu as le cerveau en potage ou quoi ?

Pas moyen de s'en désengluer ! Vlan, tous les jours, il remettait ça.

- Je vois un gros en toi.

- Soigne-toi !

Voilà désormais ce que je répondais, chaque matin, avec, selon mon degré d'exaspération, des variantes telles : « Mets des lunettes, grand-père, tu vas rentrer dans le mur », « On a enfermé des fous pour moins que ça ! », voire : « Me gonfle pas sinon je t'oblige à avaler les trois dents qui te restent. »

Imperturbable, Shomintsu remuait le museau et poursuivait son chemin, hilare, paisible, imperméable au fait que je lui avait gueulé dessus. Une tortue. J'avais l'impression de converser pendant trente secondes avec une tortue, tant son visage était ridé, kaki, dépourvu de poils, percé d'yeux minuscules que masquaient d'antiques paupières, oui, une tortue dont le cou desséché ployait sous le crâne lourd puis disparaissait dans les plis de son costume impeccable, amidonné, carapace rigide. J'en venais à me demander quelle maladie motivait son immuable comportement : était-il aveugle, sourd, crétin ou lâche ? Avec lui, question tares, on n'avait que l'embarras du choix.   

4 avril 2009

Soie – Alessandro Baricco

soie Albin Michel – janvier 1997 – 120 pages

Traduit de l'italien par Françoise Brun

Quatrième de couverture
"Ceci n'est pas un roman. Ni même un récit. C'est une histoire. Elle commence avec un homme qui traverse le monde et finit avec un lac qui est là, comme ça, dans les journées du vent. L'homme s'appelle Hervé Joncour. Le lac, on ne sait pas.

On pour-ait dire que c'est une histoire d'amour. Mais si c'était seulement ça, ça ne vaudrait pas la peine de la raconter. Il y a aussi dans cette histoire des désirs et des souffrances, de celles qu'on connaît parfaitement, mais le vrai nom pour les dire, on ne le trouve jamais. Et de toutes façons, ce n'est pas amour. (C'est très ancien, ça. Quand on n'a pas de nom pour dire les choses, on se sert d'une histoire. Ça fonctionne comme ça. Depuis des siècles).

Toutes les histoires ont leur musique. Celle-ci a une musique blanche. C'est important de le dire, parce que la musique blanche est une drôle de musique, déconcertante quelquefois : elle se joue doucement, et elle se danse lentement. Quand elle est bien jouée, c'est comme si on entendait jouer le silence, et ceux qui la dansent comme des dieux, on les regarde et on a l'impression qu'ils ne bougent pas. C'est terriblement difficile, la musique blanche.

Il n'y a pas grand-chose à ajouter. Peut-être faudrait-il préciser que l'histoire se passe au XIXème siècle : juste pour que personne ne s'attende à y trouver des avions, des machines à laver et des psychanalystes. Il n'y en a pas ici."

Auteur : Né à Turin en 1958, Alessandro Baricco a étudié la philosophie et la musique. Il a commencé à travailler comme rédacteur dans une agence de publicité, tout en écrivant des critiques et des éditoriaux pour les quotidiens La Republica et La Stampa. Ses romans sont guidés par son amour de la littérature et de la musique. En 1995, avec 'Les Châteaux de la colère', il obtient le prix Médicis étranger. La sensibilité musicale de Baricco transparaît dans 'Novecento pianiste', roman rythmé par les notes s'échappant du piano du personnage éponyme. Il a travaillé avec Gabriele Vacis et le Teatro Settimo de Turin pour la mise en scène de 'Novecento'. En 1994, Baricco a fondé avec un groupe d'amis une école d'écriture appelée Holden. Il continue son activité débordante, en publiant régulièrement des romans, dont 'Sans sang', en 2002, et des scénarios, comme 'La Partition espagnole', rédigée en 1987. Avec 'Soie', véritable succès en Italie où plus de 250.000 exemplaires sont vendus, il s'impose comme un des grands écrivains de la nouvelle génération.

Mon avis : (lu en avril 2009)

C’est un roman court et très poétique. Nous sommes en 1861, Hervé Joncour est un voyageur qui achète et vend des œufs de vers à soie. Pour éviter les maladies, il va chercher ses œufs de l'autre côté de la Méditerranée en Égypte et en Syrie. Il est marié, il n'a pas d'enfant. Un jour, il doit partir «jusqu'au bout du monde» c'est à dire au Japon. Et c'est là-bas qu'Hervé Joncour va croiser une femme mystérieuse qui va bouleverser sa vie. Il fera plusieurs fois le voyage vers le Japon mais toujours il reviendra vers sa propre femme Hélène.

Le style est tout en légèreté, c'est une narration en 65 chapitres très courts avec des chapitres qui se répètent.

Ce livre me rappelle certains livres de Maxence Fermine comme Neige, Opium ou l’Apiculteur ou alors l’Alchimiste de Paulo Cuehlo. On a vraiment une sensation de plénitude, de bien-être en lisant ce livre.

Extrait :

"Hervé Joncour partit avec quatre-vingt mille francs-or, et les noms de trois hommes que Baldabiou lui avait procurés : un Chinois, un Hollandais et un Japonais. Il passa la frontière près de Metz, traversa le Wurtemberg et la Bavière, pénétra en Autriche, atteignit par le train Vienne puis Budapest et poursuivit jusqu'à Kiev. Il parcourut à cheval deux mille kilomètres de steppe russe, franchit les monts Oural, entra en Sibérie, voyagea pendant quarante jours avant d'atteindre le lac Baïkal, que les gens de l'endroit appelaient : mer. Il redescendit le cours du fleuve Amour, longeant la frontière chinoise jusqu'à l'Océan, resta onze jours dans le port de Sabirk en attendant qu'un navire de contrebandiers hollandais l'amène à Capo Teraya, sur la côte ouest du Japon. A pied, en empruntant des routes secondaires, il traversa les provinces d'Ishikawa, Toyama, Niigata, pénétra dans celle de Fukushima et arriva près de la ville de Shirakawa, qu'il contourna par l'est, puis attendit pendant deux jours un homme vêtu de noir qui lui banda les yeux et qui le conduisit jusqu'à un village dans les collines où il passa la nuit, et le lendemain matin négocia l'achat des oeufs avec un homme qui ne parlait pas et dont le visage était recouvert d'un voile de soie. Noire. Au coucher du soleil, il cacha les oeufs dans ses bagages, tourna le dos au Japon, et s 'apprêta à prendre le chemin du retour.

Il avait à peine laissé les dernières maisons du village derrière lui qu'un homme le rejoignit, en courant, et l'arrêta. Il lui dit quelque chose sur un ton excité et péremptoire, puis le fit revenir sur ses pas, avec courtoisie et fermeté.

Hervé Joncour ne parlait pas japonais et ne l'entendait pas non plus. Mais il comprit qu'Hara Kei voulait le voir."

Extrait :

"Un panneau de papier de riz glissa et Hervé Joncour entra dans la pièce. Hara Kei était assis sur le sol, les jambes croisées, dans le coin le plus éloigné de la pièce. Il était vêtu d'une tunique sombre, et il ne portait aucun bijou. Seul signe visible de son pouvoir, une femme étendue près de lui, la tête posée sur ses genoux, les yeux fermés, les bras cachés sous un ample vêtement rouge qui se déployait autour d'elle, comme une flamme, sur la natte couleur de cendre. Hara Kei lui passait lentement la main sur les cheveux: on aurait dit qu'il caressait le pelage d'un animal précieux, et endormi.
Hervé Joncour traversa la pièce, attendit un signe de son hôte, et s'assit en face de lui. Ils restèrent silencieux, se regardant dans les yeux. Survint, imperceptible, un serviteur, qui posa devant eux deux tasses de thé. Puis disparut. Alors Hara Kei commença à parler, dans sa langue, d'une voix monotone, diluée en une sorte de fausset désagréablement artificiel. Hervé Joncour écoutait. Il gardait les yeux fixés dans ceux d'Hara Kei, et pendant un cours instant, sans même s'en rendre compte, les baissa sur le visage de la femme.
C'était le visage d'une jeune fille.
Il releva les yeux."

14 janvier 2009

Neige – Maxence Fermine

Neige neige_p
Arlea - novembre 2000 – 128 pages

Points - décembre 2000 - 96 pages

illustrations par Georges Lemoine

Résumé :
À la fin du XIXe siècle, au Japon, le jeune Yuko s'adonne à l'art difficile du haïku. Afin de parfaire sa maîtrise, il décide de se rendre dans le sud du pays, auprès d'un maître avec lequel il se lie d'emblée, sans qu'on sache lequel des deux apporte le plus à l'autre. Dans cette relation faite de respect, de silence et de signes, l'image obsédante d'une femme disparue dans les neiges réunira les deux hommes.

Auteur : Maxence Fermine, né en 1968 à Albertville, est un écrivain français. Il a vécu à Paris puis en Afrique où il a travaillé dans un bureau d'études. Il vit aujourd'hui en Haute-Savoie avec sa femme et ses deux filles

Mon avis : (lu juin 2004)

Ce livre est de la pure poésie. Le livre est court et se lit facilement. Il nous emmène au Japon, le pays des haïkus, petits poèmes de 3 vers et 17 pieds.
Ce petit livre est donc le poème de la neige et l'histoire de son poète Yuko. C'est également une très belle histoire d'amour écrite avec beaucoup de délicatesse.

J'ai vraiment été envouté par la beauté, la pureté de ce livre aussi bien pour le texte que les illustrations. Cette histoire ne peut que vous émouvoir. A lire absolument.

Extrait :
"Yuko vénérait l'art du haïku, la neige et le chiffre sept.
Le chiffre sept est un chiffre magique.
Il tient à la fois de l'équilibre du carré et du vertige du triangle.
Yuko avait dix-sept ans lorsqu'il avait embrassé la carrière de poète.
Il écrivait des poèmes de dix-sept syllabes.
Il possédait sept chats.
Il avait promis à son père d'écrire seulement soixante-dix-sept haïku par hiver.

Le reste de l'année, il resterait à la maison et oublierait la neige."

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 > >>
A propos de livres...
Publicité
A propos de livres...
Newsletter
55 abonnés
Albums Photos
Visiteurs
Depuis la création 1 381 698
Publicité