La vérité et autres mensonges - Sascha Arango
Audiolib - mars 2015 - 8h31 - Lu par Olivier Cuvellier
Albin Michel - janvier 2015 - 331 pages
traduit de l'allemand par Dominique Autrand
Titre original : Die Wahrheit und angere Lügen, 2014
Quatrième de couverture :
Henry Hayden sort de nulle part, il n’a pas de travail fixe, pas d’amis ni de famille, et un passé à cacher, qu’on devine lourd. Un matin, après une nuit alcoolisée, il se réveille à côté d’une femme inconnue et, contre toute attente, devient en quelques mois le mari idéal et un auteur de bestsellers adulé. Tout irait pour le mieux, si ce n’est qu’Henry n’écrit pas ses romans – c’est sa femme qui en est l’auteur– et quand sa maîtresse – son éditrice – vient lui annoncer qu’elle est enceinte, il essaie de se débarrasser d’elle. Mais c’est sa femme qu’il élimine par erreur, mettant en péril sa carrière et l’existence qu’il s’est construite. Pourtant, un dernier chapitre de son livre arrive quand même sur le bureau de son éditeur… Un suspense qui éblouit autant par son style sobre, drôle, sec, maitrisé, que par son intrigue retorse, imprévisible et jubilatoire. Le portrait d’un usurpateur, d’un manipulateur cynique que l’on devrait haïr mais que l’on ne peut parvenir à détester. C’est la grande force de ce formidable coup de maître.
Auteur : Sascha Arango est un scénariste allemand très réputé. Il écrit pour la télévision, la radio et le théâtre. Son travail a été récompensé à plusieurs reprises, dont deux fois par le Prix Grimme.
Lecteur : Olivier Cuvellier est un comédien belge très actif dans différents domaines audiovisuels. Sa voix ne vous est peut-être pas inconnue : il fait beaucoup de doublage pour le cinéma et la télévision. Il joue aussi au théâtre, fait des misesen scène et enseigne le théâtre depuis plus de vingtans. En 2014, il a participé à différents projets artistiques autour du bicentenaire de la bataille de Waterloo, avec notamment les réalisateurs Gérard Corbiau et Hugues Lanneau.
Mon avis : (écouté en mai 2015)
Ce livre qui se lit comme un roman policier. Henry a une vie idéale, marié, auteur de livres à succès et pourtant la vérité est autre... Martha, sa femme est la véritable auteur des livres, préférant rester discrète, elle a laissé Henry devenir son prête-nom. Henry aime énormément Martha, mais il a pris comme maîtresse Betty, son éditrice. Lorsque cette dernière lui annonce qu'elle est enceinte, les ennuis commencent pour Henry... Comment va-t-il pouvoir gérer son épouse et la future mère de son enfant ? Entre tromperies, mensonges et disparitions, Henry va se révéler machiavélique, manipulateur...
Extrait : (début du livre)
Fâcheux. Un bref regard sur l’image suffit pour donner de la consistance au sombre pressentiment de ces derniers mois. L’embryon était recroquevillé comme un amphibien, un oeil braqué sur lui. Ce truc, là, était-ce une patte ou bien un tentacule au-dessus de cette espèce de queue de dragon ?
Les moments de certitude absolue sont rares dans une vie. Mais à cet instant-là, Henry eut une vision de l’avenir. Ce têtard allait grandir, devenir une personne. Il aurait des droits, des revendications, il poserait des questions et à un moment ou un autre il apprendrait tout ce qui est nécessaire pour devenir un être humain.
Sur l’échographie, à peu près de la taille d’une carte postale, on voyait à droite de l’embryon une échelle graduée, à gauche des lettres, et en haut la date, le nom de la mère et celui du médecin. Henry n’eut pas le moindre doute : tout cela était bel et bien vrai.
Betty était assise à côté de lui au volant de la voiture, elle fumait, et elle vit des larmes dans ses yeux. Elle posa la main sur sa joue. Elle croyait qu’il pleurait de joie. Alors qu’il pensait à sa femme Martha. Pourquoi n’était-elle pas foutue de tomber enceinte de lui ? Pourquoi fallait-il qu’il se retrouve dans cette voiture avec cette autre femme ?
Il se méprisait, il avait honte, il était sincèrement désolé. La vie te donne tout, telle était la devise inébranlable d’Henry, mais jamais tout en même temps.
C’était l’après-midi. Du bas de la falaise montait le roulement monotone des vagues, le vent couchait les hautes herbes et frappait contre les vitres latérales de la Subaru verte. Henry n’aurait eu qu’à démarrer le moteur, appuyer sur l’accélérateur, la voiture aurait foncé dans le vide et serait allée s’écraser en bas dans les vagues. En cinq secondes tout aurait été terminé, le choc de l’impact les aurait tués tous les trois. Mais pour cela il aurait fallu qu’il quitte le siège du passager et change de place avec Betty. Beaucoup trop compliqué.
« Qu’est-ce que tu dis ? »
Qu’aurait-il pu dire ? La situation était déjà assez grave, ce machin dans son utérus commençait certainement à remuer, et si Henry avait appris une chose, c’était bien à ne rien révéler de ce qui doit demeurer non dit.
Au cours des années écoulées, Betty ne l’avait vu pleurer qu’une fois, c’était quand on lui avait remis son titre de docteur honoris causa au Smith College du Massachusetts. Jusque-là, elle croyait qu’Henry ne pleurait jamais. Il était assis au premier rang, immobile, et pensait à sa femme.
Betty se pencha vers lui par-dessus le levier de vitesse et le prit dans ses bras. Ils restèrent ainsi, en silence, chacun écoutant le souffle de l’autre, puis Henry ouvrit la portière de son côté et vomit dans l’herbe. Il revit les lasagnes qu’il avait préparées pour Martha au déjeuner.
Challenge Voisins Voisines 2015
Allemagne