La Part de l'autre d’Éric-Emmanuel Schmitt
Albin Michel - décembre 2005 – 518 pages
Livre de poche – septembre 2003 – 503 pages
Quatrième de couverture :
« 8 octobre 1908 : Adolf Hitler recalé.
Que se serait-il passé si l'Ecole des beaux-arts de Vienne en avait décidé autrement ? Que serait-il arrivé si, cette minute-là, le jury avait accepté et non refusé Adolf Hitler, flatté puis épanoui ses ambitions d'artiste ? Cette minute-là aurait changé le cours d'une vie, celle du jeune, timide et passionné Adolf Hitler, mais elle aurait aussi changé le cours du monde... »
Auteur : Né en 1960, normalien, agrégé de philosophie, docteur, Éric-Emmanuel Schmitt s’est d’abord fait connaître au théâtre avec Le Visiteur, cette rencontre hypothétique entre Freud et peut-être Dieu, devenue un classique du répertoire international. Rapidement, d’autres succès ont suivi : Variations énigmatiques, Le Libertin, Hôtel des deux mondes, Petits crimes conjugaux, Mes Evangiles, La Tectonique des sentiments… Plébiscitées tant par le public que par la critique, ses pièces ont été récompensées par plusieurs Molière et le Grand Prix du théâtre de l’Académie française. Son œuvre est désormais jouée dans plus de quarante pays.
Il écrit le Cycle de l’Invisible, quatre récits sur l’enfance et la spiritualité, qui rencontrent un immense succès aussi bien sur scène qu’en librairie : Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la dame rose et L'enfant de Noé. Une carrière de romancier, initiée par La Secte des égoïstes, absorbe une grande partie de son énergie depuis L’Evangile selon Pilate, livre lumineux dont La Part de l’autre se veut le côté sombre. Depuis, on lui doit Lorsque j’étais une œuvre d’art, une variation fantaisiste et contemporaine sur le mythe de Faust et une autofiction, Ma Vie avec Mozart, une correspondance intime et originale avec le compositeur de Vienne. S'en suivent deux recueils de nouvelles : Odette Toulemonde et autres histoires, 8 destins de femmes à la recherche du bonheur, inspiré par son premier film, et la rêveuse d'Ostende, un bel hommage au pouvoir de l'imagination. Dans Ulysse from Bagdad, son dernier roman, il livre une épopée picaresque de notre temps et interroge la condition humaine. Encouragé par le succès international remporté par son premier film Odette Toulemonde, il adapte et réalise Oscar et la dame rose.
Mon avis : (lu en juin 2012)
J’avais envie depuis longtemps de découvrir ce livre et je ne regrette pas d’avoir enfin fait. Voilà un livre surprenant et culotté… Ecrire autour du sujet Hitler est toujours délicat, Éric-Emmanuel Schmitt a imaginé qu’Adolph.H réussisse son examen pour l’école des Beaux-Arts de Vienne et l’Histoire du monde aurait alors été différente.
Pour sa forme, la narration alterne entre des paragraphes racontant l’histoire d’Hitler et celle d’Adolph H. On connaît la vie d’Hitler tout d’abord sans un sou, devenu caporal avec la Croix de fer durant la Première Guerre Mondiale, puis c’est le dirigeant du parti national-socialiste qui devient un dictateur fou…
Son double, Adolph H. va rencontrer Freud et celui-ci va l’aider à se libérer de ses névroses. Il va devenir un grand artiste du mouvement surréaliste, il va vivre des passions, son existence sera riche et accomplie et alors l'Histoire est radicalement modifiée…
Ce livre est passionnant du point de vue historique car très bien documenté mais il force également le lecteur à s’interroger sur lui-même et son propre parcours de vie.
A la fin de la version de poche, on trouve des extraits du journal qu’Éric Emmanuel Schmitt a tenu pendant la rédaction du roman. C’est très intéressant car on découvre que l’écriture de ce livre a été difficile pour l’auteur.
Cette lecture a été tour à tour dérangeante, surprenante et passionnante. Un roman très réussi.
Extrait : (début du livre)
— Adolf Hitler : recalé.
Le verdict tomba comme une règle d'acier sur une main d'enfant.
— Adolf Hitler : recalé.
Rideau de fer. Terminé. On ne passe plus. Allez voir ailleurs. Dehors.
Hitler regarda autour de lui. Des dizaines d'adolescents, oreilles cramoisies, mâchoire crispée, le corps tendu sur la pointe des pieds, les aisselles mouillées par l'affolement, écoutaient l'appariteur qui égrenait leur destin. Aucun ne faisait attention à lui. Personne n' avait remarqué l'énormité qu'on venait d'annoncer, la catastrophe qui venait de déchirer le hall de l'Académie des beaux-arts, la déflagration qui trouait l'univers : Adolf Hitler recalé.
Devant leur indifférence, Hitler en venait presque à douter d'avoir bien entendu. Je souffre. J'ai une épée glacée qui me déchire de la poitrine aux entrailles, je perds mon sang et personne ne s'en rend compte ? Personne ne voit le malheur qui me plombe ? Suis-je seul, sur cette terre, à vivre avec autant d'intensité ? Vivons-nous dans le même monde ?
L'appariteur avait fini la lecture des résultats.
[...]
Voilà ce qui se passait ce 8 octobre 1908. Un jury de peintres, graveurs, dessinateurs et architectes avait tranché sans hésiter le cas du jeune homme. Trait malhabile. Composition confuse. Ignorance des techniques. Imagination conventionnelle. Cela ne leur avait pris qu'une minute et ils s'étaient prononcés sans scrupule : cet Adolf Hitler n'avait aucun avenir.
Que se serait-il passé si l'Académie des beaux-arts en avait décidé autrement ? Que serait-il arrivé si, à cette minute précise, le jury avait accepté Adolf Hitler ? Cette minute-là aurait changé le cours d'une vie mais elle aurait aussi changé le cours du monde. Que serait devenu le vingtième siècle sans le nazisme ? Y aurait-il eu une Seconde Guerre mondiale, cinquante-cinq millions de morts dont six millions de Juifs dans un univers où Adolf Hitler aurait été un peintre ?
— Adolf H.: admis.
Une vague de chaleur inonda l'adolescent. Le flux du bonheur roulait en lui, inondait ses tempes, bourdonnait à ses oreilles, lui dilatait les poumons et lui chavirait le cœur. Ce fut un long instant, plein et tendu, muscles bandés, une crampe extatique, une pure jouissance comme le premier orgasme accidentel de ses treize ans.
Déjà lu du même auteur :
Oscar et la dame rose
Odette Toulemonde et autres histoires
La rêveuse d'Ostende
Ulysse from Bagdad
Le sumo qui ne pouvait pas grossir
L'enfant de Noé
Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent...
Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran
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15 /20 Médaille de bronze