Mon doudou divin – Katarina Mazetti
Gaïa – mars 2012 – 214 pages
traduit du suédois par Lena Grumbach et Catherine Marcus
Titre original : Mitt himmelska kramdjur, 2007
Quatrième de couverture :
Pigiste pour la presse féminine, Wera a épuisé tous les sujets. Et ses liquidités ! Elle tombe à la caisse d'un supermarché sur une petite annonce proposant un stage en spiritualité. Un sujet en or ! C'est parti pour trois semaines d'immersion à La Béatitude, en compagnie d'un apprenti gourou, d'une « petite mère », et de quatre autres participants en manque de spiritualité. Il y a un médecin radié, un musulman iranien, une femme invisible, et Madeleine qui porte en permanence son sac à dos comme un fardeau. Ressortiront-ils adeptes d'une nouvelle religion ou déchargés de leurs préjugés ? Car tous, même Wera et son pseudo-cynisme, sont en quête de sacré. N'avons-nous pas tous besoin d'un doudou divin à dorloter ?
Auteur : Née en 1944, Katarina Mazetti est journaliste, productrice radio et auteur de livres pour la jeunesse et de romans pour adultes. La France caracole largement en tête des pays où elle connaît un immense succès, notamment avec Le mec de la tombe d'à côté et Le caveau de famille.
Mon avis : (lu en avril 2012)
Journaliste en mal d'inspiration, Wera tombe sur une petite annonce pour un stage de spiritualité. Elle décide de s'y inscrire et se retrouve en pleine campagne dans une ferme en compagnie de six autres personnes pour un séjour de trois semaines à La Béatitude. Il y a Adrian, apprenti gourou, Annette, les organisateurs du stage, un médecin radié, un musulman iranien, une femme presque invisible et Madeleine avec son sac à dos. Wera et Madeleine sont tour à tour les narratrices de cette histoire. Elles font le portrait ce cette surprenante « communauté ». Ils tous et toutes des idées différentes sur les religions ou les croyances, ils sont là pour échanger, se réconcilier avec le spirituel et avec eux-même.
En y ajoutant l'humour piquant de Katarina Mazetti, je m'attendais à un cocktail plutôt détonnant...
Malheureusement, la mayonnaise n'a pas totalement prise, certains passages sont très bien mais par moment il y a des longueurs et cela manque un peu d'originalité.
J'ai passé un bon moment de lecture mais je m'attendais à mieux...
Extrait : (début du livre)
Comment me suis-je retrouvée à La Béatitude ?
Ben… faut bien gagner sa croûte. Je travaille comme journaliste free-lance dans une petite localité. Si petite que les automobilistes de passage sont sidérés de tomber sur le panneau « Merci de votre visite, à bientôt » alors qu’ils croyaient tout juste arriver. Oui, il est parfaitement possible de louper complètement la ville, si on n’y prend garde. Je projette de déménager, mais il faudra d’abord que ma vieille mère se décide à mourir, elle n’en a plus que pour un an ou deux, au grand maximum. On n’est pas les meilleures amies du monde, mais on observe une sorte de neutralité armée, et je suis son seul enfant.
Les piges haut de gamme atterrissent rarement sur les genoux des journalistes indépendants dans de si petites villes. Ici, pas la moindre affaire municipale louche à dégoter que toute la ville ne connaisse de longue date et qui n’ait déjà été largement punie par la surveillance citoyenne. Ou alors les coupables jouissent de la protection gracieuse de l’Homme Fort local (président de parti, sang bleu ou gros contribuable) et les articles ne sont pas publiés. Je mets du beurre dans les épinards en faisant des piges pour des magazines nationaux et des suppléments du dimanche, mais les alouettes viennent rarement voleter toutes rôties autour de moi.
J’étais donc en train de pister des scoops, le nez dans le bitume, comme d’habitude. Tous mes articles ayant déjà été payés, je n’avais plus de rentrées d’argent, et mon compte en banque se vidait lentement mais sûrement.
Puis un jour j’entre dans la supérette en bas de chez moi et je trouve une petite annonce sur le tableau d’affichage, parmi les offres de baby-sitting et de skis d’occasion. Elle était écrite à la main, le bord inférieur divisé en petits talons détachables soigneusement marqués à la règle, avec un numéro de téléphone. Stage à La Béatitude clamait l’en-tête tracé aux feutres de toutes les couleurs avec une écriture qui tenait du cours du soir de calligraphie. Grande majuscule avec un serpent joliment dessiné et en bas à côté, une pomme.
Si j’avais vu cette annonce dans une de ces revues New Age indigestes, je ne lui aurais pas accordé la moindre attention.
Tu es à la recherche d’une foi ? D’un mode de vie ? Tu essaies de trouver ton Dieu au moyen de cérémonies et rituels divers, tu te laisses absorber par différentes doctrines – pour les abandonner aussitôt ? Alors tu aimerais peut-être nous accompagner au domaine de La Béatitude, pour trois semaines de stage en octobre, et essayer de trouver – ou de créer – ta propre foi en toute tranquillité, de forger ta propre image d’un dieu, de suivre ta voix intérieure. Seul et dans la rencontre avec d’autres, en quête comme toi. Nous concevons ce stage comme un cercle d’études et notre but n’est pas de gagner de l’argent sur ton dos, nous participons aussi et nous ne facturons que la nourriture et le gîte. Appelle-nous ! Adrian et Annette.
Puis tout en bas, un PS en grosses lettres d’imprimerie : Attention !!! Nous ne détenons pas de réponses !
Un stage pour créer son propre dieu ! Ça a immédiatement fait tilt, pour la journaliste que je suis, mais aussi pour la personne privée. Certes, je n’étais pas activement préoccupée par la quête d’un dieu, mais j’ai tout de suite eu envie de savoir ce qui pouvait bien pousser les gens à chercher !
Ma truffe s’est mise à vibrer comme celle d’un limier. J’étais aussi à la recherche d’un bon sujet d’article à placer dans un magazine classieux, de ceux sur papier glacé qui payent bien. Quelque chose d’Authentique et de Grand Public, mais qui offre une Qualité pour lecteurs difficiles. Dans le genre chou farci pour la jet-set. Un pays comme la Suède, qui vient de vendre son État providence pour un plat de lentilles, se vautre volontiers dans la nostalgie du bien-être démocratique, de l’instruction pour tous, du bandy* et des remerciements fleuris aux maisons de retraite – et puis ce stage à La Béatitude avait aussi une touche philosophique, furieusement tendance par les temps qui courent. Sans parler des aspects politiques : les antagonismes religieux sont devenus bien plus branchés que la défunte Guerre froide. Dans la peau clandestine d’une chercheuse de dieu, je m’appliquerais à explorer ce besoin de divin ! J’ai réussi à vendre l’idée à un rédacteur, pour un bon prix et tous frais payés. Rapports réguliers envoyés par mail. Heureusement, c’était possible avec mon téléphone portable, rien ne disait que des lieux de stage paumés à la campagne disposent d’une connexion.
* Lointain ancêtre du hockey sur glace, encore en vogue dans les pays nordiques et en Russie. (note des traductrices)
Déjà lu du même auteur :
Entre Dieu et moi, c’est fini
Le caveau de famille
Challenge Voisins, voisines
Suède
Lu dans le cadre du Défi Scandinavie blanche
Suède : Katarina Mazetti
Challenge Littératures Nordiques
Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012
"Objet"