Le septième fils – Arni Thorarinsson
Métailié – septembre 2010 – 350 pages
traduit de l'islandais par Éric Boury
Quatrième de couverture :
Les soirées sont longues sans le port d'Isafjördur, la capitale des fjords de l'ouest de l'Islande, quand on est chargé de traquer le scoop par un rédacteur en chef avide de sensationnel et qu'on rêve de retrouver sa nouvelle petite amie laissée à Reykjavik. Et puis on découvre que les bars des hôtels abritent des célébrités intéressantes, une séduisante vedette du football national et son copain d'enfance, qui le suit comme son ombre et profite de ses conquêtes, une chanteuse pop, qui a failli gagner le titre de Nouvelle Star, les groupies respectives de ces gens importants, et une petite troupe d'adolescents en révolte. Des maisons brûlent, des tombes sont profanées, des touristes lituaniens sont volés et soupçonnés de trafic de drogue, des droits de pêche ont été bradés, tout s'emballe, tandis qu'à Reykjavik on retrouve le corps d'un homme politique, nouvel espoir de la gauche et ex-mari de la mère de la presque Nouvelle Star. Einar, le correspondant du Journal du soir, malmené par la séduisante commissaire de police, mène l'enquête avec son air désabusé, sa nonchalance et une ironie qui lui permettent d'apprivoiser les témoins et de porter un regard sans préjugés sur les événements. Ce périple dans une Islande mondialisée nous montre les transformations d'une société au bord de la crise économique, et nous fait voyager au rythme du blues et du rock chers à l'auteur.
Auteur : Arni Thorarinsson est né en 1950 à Reykjavik, où il vit actuellement. Après un diplôme de littérature comparée à l'université de Norwich en Angleterre, il travaille pour différents grands journaux islandais. Il participe à des jurys de festivals internationaux de cinéma et a été organisateur du Festival de cinéma de Reykjavik de 1989 à 1991. Ses romans Le temps de la sorcière et Le dresseur d'insectes sont traduits en Allemagne et au Danemark.
Mon avis : (lu en novembre 2010)
Dans ce troisième livre, nous retrouvons le journaliste Einar correspondant au Journal du soir dans la ville de Akureyri au Nord de l'Islande. Son patron lui demande d'aller faire un reportage état des lieux sur la région des fjords du Nord-Ouest du pays, à Isafjordur. Cette région est confrontée à la crise de la pêche, au chômage, à l'exode de sa population vers Reykjavik, la capitale.
Dans cette région reculée d'Islande où ordinairement il se passe rien... La veille de l'arrivée d'Einar, une vieille maison brûle dans circonstance suspecte, une tombe est profanée et peu de jours après Karl Olafsson, une ex-vedette de football reconvertie en homme d'affaire, et son copain d'enfance qui le suit comme son ombre Hallgrimur sont retrouvés dans un camping-car calcinés. Ce camping-car ayant été précédemment volé à des touristes lituaniens. Parallèlement à Reykjavik, le parlementaire Fjalar Teitsson a mystérieusement disparu, il a vécu pendant plusieurs années à Isafjordur. Étant sur place, Einar va en profiter pour mener son enquête autour de tous ces faits. Il va interviewer de nombreuses personnes de cette petite ville. En particulier, la Commissaire de la ville, Alda Sif Arngrimsdottir et le brigadier-chef Brandur Brandsson, qui deviendra son logeur. Il aura également de l'aide de la par d'une de ses collègue de Reykjavik. Le lecteur mène l'enquête en même temps qu'Einar et le suspense est préservé jusqu'aux dernières pages.
Ce que j'aime chez Arni Thorarinsson, c'est que le personnage principal de ces livres c'est l'Islande. Au fil des pages, on découvre un pays, une ville, une région, des Islandais. J'ai vraiment eu l'impression de faire un beau voyage en Islande, pays qui au fur et à mesure de mes lectures me fascine. J'ai vraiment passé un bon moment de lecture.
Extrait : (début du livre)
UN VENDREDI DE LA FIN OCTOBRE
Je me réveille tôt le matin qui suit l’incendie. J’ignore complètement que l’événement s’est produit pendant la nuit.
Du reste, ça n’a pas la moindre importance. La maison brûle.
On ne sait jamais rien des projets et des manigances des gens un peu partout, que ce soit à l’autre bout du pays ou de l’autre côté du globe. Méfaits et bonnes actions. On ne sait même pas ce que trament les occupants de l’appartement d’à côté. Parfois, on s’interroge sur ceux qui nous sont les plus proches. Il arrive même qu’on aille jusqu’à douter de soi.
Il existe partout des énigmes irrésolues dont, pour la plupart, on ignore l’existence. Alors on passe sa vie à chercher des réponses. Mais comment diable résoudre un mystère dont on ne connaît même pas la nature ?
On reprend un peu de café, des cornflakes, et on jette un œil par la fenêtre. Voilà, c’est l’une de ces journées-là.
Surviennent alors trois gamins de douze ans qui croient tout savoir.
Vers midi, je rédige à grand-peine le quota d’articles que je dois expédier pour l’édition du week-end. L’info la plus importante est, encore une fois, un scandale lié à l’aménagement de la capitale du Nord : une petite maison privée doit-elle céder la place à un grand bâtiment construit par une société ? Les forces nationales en faveur du développement répondent évidemment que oui. Les valeurs économiques priment sur toutes les autres.
Mais je sais que les pages du Journal du soir ont soif de nouvelles autrement plus juteuses que cet abondant et banal muesli quotidien.
Quelqu’un frappe sur le chambranle de la porte et Asbjörn apparaît à l’entrée de mon placard. – Au fait, annonce d’un ton enjoué le directeur de l’antenne d’Akureyri, j’ai reçu la visite d’une charmante petite bande de jeunes gens entreprenants qui voudraient que notre journal parle d’eux.
Je lui lance un regard interrogateur.
– En effet, poursuit-il. Ce sont des petits gars géniaux. Ne sommes-nous pas toujours à l’affût de sujets humains attrayants et positifs ?
– Eh bien, à entendre le rédacteur en chef de Reykjavik, j’ai plutôt l’impression qu’il préférerait qu’on lui serve des thématiques humaines déprimantes et négatives.
Asbjörn secoue la tête et la chair de ses joues tremblote.
– Trausti peut bien se torcher lui-même. Le moment est venu de mettre en lumière les côtés sympathiques et positifs que notre jeune génération porte en elle. Tous ces gamins ne sont pas de futurs voyous abrutis à coup d’ordinateurs, ou des junkies. Il y a ici un grand nombre de jeunes créatifs qui débordent d’imagination et quand ils trouvent la manière adéquate d’exprimer leur talent, notre devoir est d’en parler, tout autant que du reste.
Ils s’appellent Ingi, Gudjon et Alex Thor. Assis au coin-café à l’accueil, silencieux et posés, ils m’ont l’air un peu tendus.
Asbjörn glisse sa bedaine derrière le comptoir et annonce avec un sourire tout en me désignant :
– Je vous présente Einar, c’est le journaliste qui va vous interviewer.
– Bonjour les gars, dis-je en m’installant face à eux. Que voulez-vous me raconter ?
– Nous venons de fonder une entreprise, explique Ingi, celui qui semble être le chef.
Il porte un bonnet bleu qui lui tombe sur les yeux, il a des cheveux roux, des joues bien rouges et rien d’autre sur le dos que son tee-shirt en dépit de la température extérieure qui avoisine zéro.
– Ça fait partie de l’actualité, n’est-ce pas ? me demande-t-il d’un air sérieux.
– Bien sûr que ça en fait partie, pépie Asbjörn par-dessus son ordinateur.
Vêtu d’un blouson à capuche noire, Gudjon adresse un sourire à Alex Thor, lequel porte une doudoune verte et s’exclame : “Yes !” Ils se frappent mutuellement la main, comme ils ont vu faire à la télévision. Sur quoi, ils m’annoncent qu’ils ont l’intention de proposer à leurs concitoyens un service de laveurs de carreaux.
Déjà lu du même auteur :
Le Temps de la Sorcière
Le dresseur d'insectes
Livre 21/21 pour le Challenge du 3% littéraire
Lu dans le cadre du Challenge Viking Lit'