Tonton Clarinette – Nick Stone
Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book et Folio
Gallimard – février 2008 – 605 pages
Folio – mars 2010 – 678 pages
traduit de l'anglais par Marie Ploux et Catherine Cheval
Ian Fleming Steel Dagger 2006
le Macavity Award 2007 du meilleur premier roman
Prix SNCF du polar européen 2009
Présentation de l'éditeur :
Sur l'île d'Haïti, l'héritage sanglant des Duvalier, père et fils, est encore vivace et des mères donnent aux enfants des pâtés de boue qu'ils mangent pour tromper la faim. Le vaudou domine les esprits. Dans la jungle ou les rues colorées et misérables des villes, des enfants disparaissent depuis des décennies. Et si la population invoque dans le secret des murmures un dieu charmeur et terrifiant qui hypnotiserait ses victimes en jouant de la flûte, Max Mingus, à la recherche d'un disparu, s'efforce avec de plus en plus de mal à rester rationnel. Tueur en série ? Voleur d'âmes ? Meurtres en famille, rites sacrificiels ou " prélèvements " pour les filtres des sorciers ?... En Haïti, ce sont les morts qui gouvernent. A trop l'oublier, on croise vite leur route...
Auteur : Nick Stone est né à Cambridge en 1966. Son père, Norman Stone, est historien et sa mère descend des Aubry, une des plus anciennes familles haïtiennes. Après avoir vécu ses premières années en Haïti, Nick est retourné en Angleterre en 1971 afin d'y achever ses études. C'est lors d'une année passée à Port-au-Prince, au milieu des années 1990, que l'intrigue de Tonton Clarinette a commencé à prendre forme. Nick Stone est marié et vit à Londres.
Mon avis : (lu en avril 2010)
Autrefois, Max Mingus était un policier de Miami spécialisé dans les disparitions d'enfants. Lors d'une enquête qui concernait la fille d'un de ses amis, Max tua de sang-froid les trois meurtriers et il fut condamné à une peine de sept ans de prison à New York. À sa sortie, de retour à Miami, Max fait la rencontre de Carver, un banquier haïtien qui veut l’engager pour retrouver son fils, Charlie, disparu depuis deux ans. Le banquier promet une récompense de plusieurs millions de dollars ! Pour oublier son passé et le souvenir de sa femme morte dans un accident juste avant sa libération, Max s’envole pour Port-au-Prince rencontrer la famille Carver et commencer son enquête. L'histoire se situe fin 1996, René Préval est président, l'île est ruinée et sous occupation de l’armée américaine et de l’ONU.
L'auteur n'est pas à proprement dit haïtien, mais il nous décrit magnifiquement l'île d'Haïti, terre de pauvreté et de misère, ses habitants, ses croyances et ses mœurs.
Ce livre n'est pas seulement un thriller mais un voyage à Haïti, on découvre l'ambiance d'un pays de tous les contrastes : celle du quartier de la Cité Soleil, immense bidonville de Port-au-Prince, l'importance de la religion vaudoue ou de la magie noire... L'auteur nous rappelle également la sanglante et accablante histoire politique de la république haïtienne.
Un excellent livre bien écrit, ensorcelant, à la fois un superbe roman policier avec son intrigue implacable, ses personnages hauts en couleurs et un voyage fascinant et fort bien documenté en Haïti. A découvrir !
Mais qui est donc Tonton Clarinette ? « Tonton Clarinette c'est une légende urbaine, une histoire que les parents racontent aux enfants pour leur faire peur. « Sois sage ou Tonton Clarinette va venir te chercher ! » Il fait comme le joueur de flûte d'Hamelin : avec sa musique, il ensorcelle les gamins, les entraîne à sa suite, et ils disparaissent à jamais. »
Un grand merci à Blog-O-Book et aux éditions Folio pour cette lecture magnifique.
Extrait : (page 117 et page 120)
Vu du ciel, Haïti ressemble à une pince de homard dont on aurait croqué le meilleur – le gros bout charnu. Après Cuba, si verdoyante, et toutes les autres petites Antilles qu'ils avaient survolées, l'île avait quelque chose de totalement incongru. A voir ses paysages arides et comme décapés à l'acide et ses sols couleur rouille rouillée, c'était à se demander s'il y poussait des arbres ou de l'herbe. Lorsque l'avion passa au-dessus de la zone frontalière avec la République dominicaine voisine, le tracé de la ligne frontière entre les deux États sauta aux yeux de Max, aussi net que sur une carte de géographie : d'un côté, un désert sec comme un vieil os, de l'autre, une oasis luxuriante. [...]
En émergeant de l'avion, Max fut saisi par la chaleur irrespirable qui se plaqua sur lui telle une couverture, si lourde que la petite brise qui soufflait était impuissante à la déloger ou même à la soulever. A côté de ça, les pires canicules de Floride paraissaient frisquettes.
Il descendit la passerelle sur les talons de Wendy, son gros sac de voyage à la main, les poumons envahis par ce qui était moins de l'air que de la buée, et se mit aussitôt à transpirer par tous les pores de sa peau.
Côte à côte, ils emboîtèrent le pas aux autres passagers qui se dirigeaient vers le terminal. Wendy remarqua le visage congestionné de Max et son front luisant de sueur.
« Félicitez-vous que ça ne soit pas l'été ! lui lança-t-elle. Imaginez-vous en Enfer en manteau de fourrure et vous aurez une idée de ce que c'est ici ! »
Répartis par groupes de dix sur les pistes, des marines, manches retroussées, chargeaient des caisses et des cartons dans des camions, relax, décontractés, prenant tout leur temps. L'île était à eux pour toute la durée qu'il leur plaisait.