La maison des lumières - Didier Van Cauwelaert
Albin Michel – mars 2009 - 177 pages
Présentation :
Imaginez qu’une peinture ait le pouvoir de vous rendre la femme de votre vie, telle qu’elle était avant qu’elle vous quitte…
A vingt-cinq ans, Jérémy Rex, boulanger à Arcachon, est entré dans un tableau de Magritte. Que s’est-il passé, pendant son bref arrêt cardiaque au milieu d’un musée ? Asphyxie du cerveau, hallucination causée par le mélange d’alcool et d’antidépresseurs, expérience aux frontières de la mort ? Censée avoir duré moins de cinq minutes, la nuit d’amour qu’il a vécue à l’intérieur de cette huile sur toile va faire basculer son destin.
De Venise à Créteil en passant par la forêt amazonienne et les bords du lac Léman, alternant les rites chamaniques et les protocoles inquiétants de l’Institut de recherche avancée sur le cerveau, Jérémy n’aura de cesse d’aller retrouver le bonheur entrevu derrière la façade de La Maison des lumières.
Mais ceux qui l’aident à explorer les états modifiés de conscience veulent-ils vraiment son bien ? Scientifiques et sorciers, marchands d’art et agents immobiliers, tous le manipulent dans leur propre intérêt, afin de récupérer le secret qu’il détient.
Dans les romans de Didier Van Cauwelaert, la manipulation agit toujours comme un révélateur. Transformer un homme ordinaire en héros de l’impossible, capable de faire voler ses limites en éclats pour redonner un sens à sa vie, tel est l’enjeu romanesque de La Maison des lumières.
L’auteur : Né en 1960 à Nice, Didier van Cauwelaert cumule, depuis ses débuts, prix littéraires et succès public : Prix Del Duca pour son premier roman en 1982 (Vingt ans et des poussières), prix Roger Nimier, prix Goncourt (Un aller simple, 1994), Molière 1997 du meilleur spectacle musical (Passe-Muraille), Grand Prix du théâtre à l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre, Grand Prix des lecteurs du Livre de Poche (La Vie interdite, 1999), Prix Femina Hebdo du Livre de Poche (La Demi-pensionnaire, 2001), etc.
Mon avis : (lu en août 2009)
J'étais curieuse de lire ce livre qui tourne autour du tableau de Magritte "L'Empire des lumières". Ce livre qui se lit facilement. Jérémie Rex, boulanger à Arcachon est seul à Venise pour un voyage qu'il a gagné à un concours. Il se retrouve propulsé à l'intérieur d'un tableau de Magritte. Il va y vivre une nuit d'amour exceptionnelle avec la femme de sa vie, au temps où elle l'aimait encore... Après, il n'aura de cesse de vouloir retourner dans le tableau pour y retrouver le bonheur.
On se laisse porter par l'histoire mais elle nous laisse un goût de trop peu, d'inachevée... Je n'ai pas été conquise.
Extrait : (début du livre)
J'ai rencontré Philippe Necker dans une collision de gondoles. Deux hommes seuls à Venise, l'air en deuil ou largué de frais, fatalement ça crée un lien. Pendant que nos gondoliers remplissaient leurs constats, on a échangé quelques mots. Il venait de Paris, j'étais d'Arcachon. Son métier l'obligeait à passer vingt-quatre heures sur place ; moi j'avais gagné un séjour pour deux.
Chacun a médité la phrase de l'autre. Comme il avait l'air aussi déprimé que moi, je lui ai proposé de partager mon bon pour un dîner aux chandelles à la Luna del mare. Il m'a dit merci, mais qu'il devait travailler toute la nuit. On a échangé nos numéros de portables, au cas où, et on est repartis sous les Sole mio de nos gondoliers.
Je me suis retourné malgré moi, sur la banquette rouge en velours boutonné conçue pour les baisers romantiques. Lui aussi, de dos, enlaçait le vide. L'autre main traînant dans l'eau noire du canal, la tête basse, un peu voûté, les cheveux couleur cendres et le teint de cire, il avait une élégance naturelle en décalage avec son accoutrement ridicule. Le bermuda rayé vert pomme et le polo touristique avaient tout du camouflage. C'était peut-être un type des services secrets, ou alors un tueur à gages.
Je me suis demandé ce qu'il imaginait sur moi, de son côté. Sous mon physique balourd de plagiste en hiver, pouvait-on encore deviner la star que j'avais été de quatre à douze ans ? Ou bien ne voyait-on que le glandeur anxieux que j'étais devenu par la suite ?
Il ne s'est pas retourné. Il avait déjà dû m'oublier. Sa gondole a disparu sous un pont, et j'ai pensé qu'on en resterait là.
Je ne me doutais pas que ce désabusé en fin de course, qui avait deux fois mon âge et le cœur brisé par le même genre de femme, allait faire basculer mon destin.
L'hôtel où m'a conduit le gondolier est une espèce de ruine cachée par une bâche, qui représente sa façade telle qu'elle était autrefois. Le « charmant petit canal à l'écart des grands axes », d'après Internet, est un égout à ciel ouvert. A quoi bon râler : c'est gratuit.
La réceptionniste parle franco-italien avec un accent russe. La mondialisation. Elle épluche mon voucher, me félicite pour ma victoire au jeu-concours, s'étonne que je sois seul, et prend l'empreinte de ma carte de crédit pour les extras du minibar.
– Per favore, un petit autographe…
C'est fou comme ce mot continue de me crisper, dix ans plus tard. Si mon nom fait encore froncer des sourcils en France, à cause des rediffusions, ma tête heureusement ne dit plus rien à personne.
– Grazie mille, signore, juste une petite fiche de renseignements, scusi, et je vous laisse profiter de votre séjour.
– Y a pas de quoi.
A la rubrique « profession », je marque un temps, comme d'habitude. Que vais-je répondre, aujourd'hui ? Comédien en préretraite, musicien sans emploi, boulanger au chômage ? Il n'y a pas assez de cases pour me situer socialement. Autant écrire « touriste ».