La porte des Enfers – Laurent Gaudé
Actes Sud – août 2008 - 267 pages
4ème de couverture : Au lendemain d'une fusillade à Naples, Matteo voit s'effondrer toute raison d'être. Son petit garçon est mort. Sa femme, Giuliana, disparaît. Lui-même s'enfonce dans la solitude et, nuit après nuit, à bord de son taxi vide, parcourt sans raison les rues de la ville.
Mais, un soir, il laisse monter en voiture une cliente étrange qui, pour paiement de sa course, lui offre à boire dans un minuscule café. Matteo y fera la connaissance du patron, Garibaldo, de l'impénitent curé don Mazerotti, et surtout du professeur Provolone, personnage haut en couleur, aussi érudit que sulfureux, qui tient d'étranges discours sur la réalité des Enfers.
Et qui prétend qu'on peut y descendre...
Ceux qui meurent emmènent dans l'Au-Delà un peu de notre vie, et nous désespérons de la recouvrer, tant pour eux-mêmes que pour apaiser notre douleur. C'est dans la conscience de tous les deuils - les siens, les nôtres - que Laurent Gaudé oppose à la mort un des mythes les plus forts de l'histoire de l'humanité. Solaire et ténébreux, captivant et haletant, son nouveau roman nous emporte dans un "voyage" où le temps et le destin sont détournés par la volonté d'arracher un être au néant.
L'Auteur :
Romancier et dramaturge né en 1972, Laurent Gaudé a publié chez Actes Sud plusieurs pièces de théâtre : Combats de possédés (1999), Onysos le furieux (2000), Pluie de cendres (2001), Cendres sur les mains (2002), Le Tigre bleu de l’Euphrate (2002), Salina (2003), Médée Kali (2003), Les Sacrifiées (2004), L’Annulaire (in Les Cinq Doigts de la main, 2006) ; quatre romans : Cris (2001), La Mort du roi Tsongor (2002, prix Goncourt des lycéens 2002, prix des Libraires 2003), Le Soleil des Scorta (2004, prix Goncourt 2004, prix Jean-Giono 2004) et Eldorado (2006). Et un recueil de nouvelles, Dans la nuit Mozambique (2007).
Mon avis : (lu en février 2009)
J'ai eu la chance d'assister en direct à l'émission de La Grande Librairie en octobre 2008 et à la présentation de ce livre : j'avais beaucoup aimé ce qu'en avait dit Laurent Gaudé. Je n'ai pu lire son livre que maintenant et je n'ai pas été déçu.
C'est un très beau livre, qui nous raconte une histoire qui est à la fois tragique et mystique. Il y a beaucoup de poésie et l'écriture est simple et fluide. Les personnages sont attachants et plein d'humanité. L'histoire est à la fois passionnante et boulversante, elle nous entraîne dans une grande réflexion autour du deuil, de l'absence des êtres chers et sur l'Amour plus fort que la mort ! A lire absolument !
Extrait :
«Matteo ne le dit à personne, pas même à Giuliana,mais il vivait toujours la même journée. Il était toujours au même endroit, au coin de la via Forcella et du vicolo della Pace. Il ne parvenait pas à quitter ce trottoir. Il y passait des heures en pensée. Tout défilait sans cesse. La journée telle qu'elle s'était passée, la journée telle qu'elle aurait pu passer, les infimes et microscopiques changements qui auraient pu faire qu'elle ne se passe pas comme elle s'était passée. S'il avait marché un peu moins vite. S'il n'avait pas garé la voiture pour poursuivre à pied, ou s'il s'était garé ailleurs. Il lui aurait suffi de changer de trottoir, de passer du côté ombre – comme l'idée 'avait effleuré – ou de prendre le temps de s'agenouiller pour refaire le lacet de Pippo qui le lui avait demandé... Quelques secondes, chaque fois, auraient suffi, pour qu'ils soient ailleurs de quelques centimètres. Quelques secondes d'avance ou de retard et la trajectoire de la balle était évitée. Des événements dérisoires, une voix que l'on croit reconnaître et qui lui aurait fait marquer un temps d'arrêt. Une vespa qui déboule et qui les aurait obligés à faire un pas en arrière. Mais non. Tout avait concouru à la rencontre terrible du corps et de la balle. Quelle volonté avait voulu cela ? Quelle horrible précision dans le hasard pour que tout convergeât ainsi. Était-ce cela que l'on appelait le mauvais œil ? Et, si, oui, pourquoi les avait-il choisis, eux, ce jour-là ? Par ennui ou par désir de jouer un peu ? »