L'élégance des veuves - Alice Ferney
Lu en partenariat avec Audiolib
Audiolib - août 2016 - 2h54 - Lu par Dominique Reymond
Au rythme des faire-part de naissance et de mort, voici la chronique de destins féminins dans la société bourgeoise du début du xxè siècle. Fiançailles, mariages, enfantements, décès... le cycle ne s'arrête jamais, car le ventre fécond des femmes sait combler la perte des êtres chers. C'est avec l'élégance du renoncement que l'on transmet ici, de mère en fille, les secrets de chair et de sang, comme si la mort pouvait se dissoudre dans le recommencement. En toute éternité…
Auteur : Docteure en sciences économiques, Alice Ferney publie son premier livre en 1993, Le Ventre de la fée. Très vite appréciée des critiques et des libraires, elle publie ensuite une dizaine de romans, dont L’Élégance des veuves en 1995, Grâce et dénuement en 1997, ou, plus récemment, Cherchez la femme (2013) et Le Règne du vivant (2014). L’ensemble de son œuvre est imprégné de thèmes portant sur la féminité, la maternité, le sentiment amoureux.
Lecteur : Étudiante aux conservatoires de Genève puis de Paris, Dominique Reymond a été l’élève d’Antoine Vitez. Elle a joué sous sa direction comme sous celle d’autres grands dramaturges : Klaus Michael Grüber, Jacques Lassale, Bernard Sobel, Luc Bondy… Également présente à la télévision et au cinéma, on la voit chez Olivier Assayas, Claude Chabrol, Philippe Garrel et Benoît Jacquot mais aussi chez de jeunes réalisateurs… Elle a reçu un prix d’interprétation pour son rôle dans Y aura-t-il de la neige à Noël ? de Sandrine Veysset. Dominique Reymond a déjà enregistré pour Audiolib Suite française d’Irène Némirovsky.
Mon avis : (écouté en septembre 2016)
J'ai beaucoup aimé redécouvrir ce court roman dans sa version audio. L'écriture est limpide, douce, précise, pleine de poésie.
Voici un portrait sensible de femmes, de mères ou d'épouses sur trois générations.
Valentine mariée à Jules aura huit enfants. Après vingt ans de mariage, Jules laissera Valentine veuve.
Henri, l'un de leur fils, épousera Mathilde et ils auront beaucoup d'enfants. Gabrielle, la meilleure amie de Mathilde, épousera Charles, par obéissance à ses parents, après l'avoir rencontré une seule fois. Ils auront de nombreux enfants...
Le lecteur découvre la vie de ces femmes, du début du XXème siècle, destinées à se marier, à aimer un mari et à enfanter. Elles arrivent à trouver le bonheur et la force de vivre grâce aux bonheurs familiaux et malgré les drames qui endeuillent.
Ce livre vient d'être adapté au cinéma par Tran Anh Hung sous le titre d'Eternité avec Audrey Tautou, Mélanie Laurent, Bérénice Bejo, Jérémie Rénier et Pierre Deladonchamps
Extrait : (début du livre)
ARTHUR ET JULIE BOURGEOIS EURENT cinq filles. Deux d’entre elles moururent jeunes. Les trois autres, Hélène, Henriette et Valentine, convolèrent en justes noces. D’elles sont issus dix-huit petits-enfants, quarante-trois descendants à la deuxième génération, cent cinquante-quatre à la troisième, et à ce jour quatre-vingts déjà à la quatrième.
C’était un bourgeonnement incessant et satisfait. Un élan vital (qu’ils avaient canalisé), un instinct pur (dont ils ne voulaient pas entendre parler), une évidence (que jamais ils ne bousculaient), les poussaient les uns après les autres, à rougir, s’épouser, enfanter, mourir. Puis recommencer. Les uns après les autres ils savaient que telle était la meilleure tournure des choses : que le Seigneur bénisse des alliances, que les jeunes ventres enflent dans l’allégresse, et que les anciens bercent des nouveau-nés propres et emmaillotés. Le grand arbre familial étendait ses branches de plus en plus loin, année après année éparpillant des feuilles, au gré des mariages les enfants quittant les parents, dans l’espace entier. “Dieu ne nous a pas créées pour être inutiles”, telle était la devise des femmes de cette famille. Elles se la transmettaient de mère en fille, de même qu’elles se murmuraient l’instant venu – à demi-mot pour ne pas troubler la décence – des secrets de chair, de sang, et d’enfants. Car les épouses étaient toutes accaparées par cette tâche : procréer. Et Dieu qui les guidait, à qui chaque soir elles offraient leur journée, ce Dieu-là se chargeait de bénir leur couche, et de pardonner aux époux la douceur des caresses en soufflant autour d’eux des petits enfants. Ainsi les couples étaient féconds, comme si la terre avait été si belle qu’il fallait enfanter des êtres capables de s’en émerveiller. Ou si cruelle qu’il fallait apprendre à compter, parmi ceux qui naissaient, lesquels survivraient.
Déjà lu du même auteur :
Sortie de classe - Laurent Torres
Lu en partenariat avec Albin Michel
Albin Michel - septembre 2016 - 272 pages
Quatrième de couverture :
Issu d’une famille bourgeoise, Julien est professeur de français dans un collège de banlieue. Tout en racontant son quotidien difficile, il se remémore ses propres années de lycée. Dans les deux époques, un personnage sert d’ancrage : Louis, un ancien camarade de classe taciturne, et Sofiane un de ses élèves exclu. Dépassé par sa propre impuissance et par les paradoxes du système éducatif, Julien interroge sa fonction – de professeur, de citoyen et d'homme. Une saisissante radiographie de l’école, le roman d’une génération désenchantée.
Auteur : Laurent Torres a 40 ans. Sortie de classes est son premier roman.
Mon avis : (lu en septembre 2016)
Ce livre est classé comme un roman et je pense qu'il faut le prendre ainsi, plutôt que comme un livre témoignage.
Le narrateur, Julien est un professeur de français d'un collège de banlieue. Il est issu d'une famille aisée et il est en décalage avec ses élèves. Il nous parle de son quotidien dans ses classes, avec ses collègues, sa hiérarchie, les parents d'élèves...
Un jour, après avoir essayé d'interroger l'un de ses élèves, Sofiane, ce dernier reste muet et son malaise renvoit Julien vers son passé. Il va peu à peu se souvenir de sa propre scolarité et de sa rencontre avec Louis, un élève différent, avec lequel il était devenu ami.
Nous suivons donc en parallèle les souvenirs de Julien et son présent dans son collège de banlieue.
J'ai trouvé cette lecture intéressante et agréable à lire. Ces deux histoires font réfléchir le lecteur sur le système éducatif aujourd'hui et dans les années 80.
Merci Aurore et Albin Michel pour cette lecture instructive.
Extrait :
La suture - Sophie Daull
Lu en partenariat avec les éditions Philippe Rey
Philippe Rey - août 2016 - 208 pages
Quatrième de couverture :
Alors qu’elle vient de perdre Camille, sa fille de seize ans, Sophie Daull se penche sur le passé de sa mère, Nicole, une femme mystérieuse, disparue elle aussi, il y a trente ans. Munie de maigres indices – quelques lettres et photos tenant dans une boîte à chaussures –, elle entreprend de déchiffrer les lieux et paysages où Nicole a vécu, les visages qu’elle a connus, et tente de reconstituer ainsi une existence troublante.
À larges aiguillées joyeuses, poétiques ou bancales, l’auteure va coudre passé et présent, fiction et réalité, grand-mère et petite-fille, dans ce roman en forme d’enquête généalogique, qui vagabonde dans la France de l’après-guerre jusqu’aux années 80.
Se dessine ainsi la figure de Nicole, dont la frêle beauté et la timidité intriguent, porteuse d’une énigme qu’elle semble elle-même ignorer, chahutée depuis l’enfance par les rudesses d’une vie sans ménagement. Nicole, que le lecteur débusquera avec émotion derrière ses larges lunettes et la fumée de ses Gitanes…
Auteur : Sophie Daull est née dans l'est de la France. Comédienne, elle vit à Montreuil et travaille partout. Camille, mon envolée est son premier roman.
Mon avis : (lu en août 2016)
J'avais été bouleversée par le premier livre de Sophie Daull, j'étais donc curieuse de découvrir son deuxième livre. Après la perte brutale de Camille, sa fille, l'auteur se tourne vers le passé de sa mère, Nicole, décédée également trop tôt. L'auteur a en sa possession peu d'indices : quelques photos, des lettres, des bulletins de salaire... Elle va donc enquêter et partir sur les traces de sa mère à Coulommier, Le Blanc (Indre), Contrexéville et Belfort...
J'ai apprécié cette lecture, cette quête d'une fille qui cherche à mieux connaître sa mère. J'ai pensé au livre
Les gens dans l'enveloppe - Isabelle Monnin que j'avais découvert l'année dernière, mais ici l'auteur est plus impliquée dans l'histoire puisqu'elle enquête sur ses origines. Ce livre est l'occasion de faire revivre sa mère dans son souvenir. Régulièrement, Sophie Daull évoque Camille, la petite-fille qui n'a jamais connu sa grand-mère... Sophie Daull lui confie ses pensées, ses interrogations dans sa quête.
Une écriture agréable et une quête émouvante.
Merci Arnaud et les éditions Philippe Rey pour ce livre plein de sensibilité.
Extrait : (début du livre)
Ma mère avait 26 ans quand je suis née, 45 quand elle est morte, moi 19.
Elle n'a donc jamais connu ma fille, qui est née quand elle en aurait eu 58, j'en avais 32.
Ma fille est morte à 16 ans, quand j'en avais 48, ma mère en aurait eu 74.
Si l'on considère que ces deux disparitions furent, selon la formule consacrée, brutales, qu'elle est la probabilité que ces deux mortes bavardent au ciel ?
Voltigeante arithmétique.
On dirait un énoncé de problème de maths, avec des trains qui déraillent et des robinets qui fuient. Sauf que là, ce sont des vies qui fuient et des destins qui déraillent.
De cette mathématique du fracas et de la perte, je vais poser une équation à deux inconnues : le passé de ma mère, le futur de ma fille. Brouillons éternels. Clairement, ces deux inconnues le resteront pour toujours.
Je vais reprendre le fil générationnel que la mort a trouvé marrant de couper entre ses dents, telle une couturière capricieuse et impatiente, et je vais raccommoder les trous, faufiler des pièces aux coudes et genoux de ce grand squelette prématurément décharné. Je vais les coudre ensemble.
Déjà lu du même auteur : Camille, mon envolée
Un peu plus loin sur la droite - Fred Vargas
Lu en partenariat avec Audiolib
Audiolib - juin 2016 - 7h32 - Lu par Philippe Allard
Viviane Hamy - mars 1996 - 255 pages
J'ai Lu - octobre 2005 - 256 pages
Embusqué sur le banc 102, celui de la Contrescarpe, Kehlweiler, « l’Allemand », avise une drôle de « bricole » blanchâtre égarée sur une grille d’arbre.
Lecteur : Né à Bruxelles en 1968, Philippe Allard est comédien, improvisateur et musicien, mais également acteur de doublage (films, documentaires et séries) depuis 1995 : il a entre autres prêté sa voix à la version française de House of Lies (Don Cheadle). Il a déjà enregistré pour Audiolib, entre autres, Le vol des Cigognes, Une Vérité si délicate, Trois mille chevaux vapeur et Ceux qui vont mourir te saluent.
Mon avis : (écouté en août 2016)
Cette relecture en mode audio de ce livre de Fred Vargas m'a beaucoup plu. J'en gardais quelques souvenirs mais je l'ai redécouvert avec grand plaisir. Le héros de ce polar n'est pas comme d'habitude Adamsberg mais Louis-Ludwig Kehlweiler, ancien du ministère de l'intérieur, accompagné accompagné de Bufo, son fidèle crapaud... C'est un ami d'Adamsberg qui possède un réseau national d'indicateurs, tout commence avec la découverte d'un petit os humain dans une crotte de chien sur une grille d'arbre à côté du banc 102... Une découverte insignifiante, mais qui obsède Kehlweiler. Comment cet os est arrivé là ? A qui appartient cet os ? Avec l'aide de Marc (spécialiste du Moyen-Age) et Mathias (le préhistorien) déjà rencontrés dans "Debout les morts", l'enquête va mener Louis-Ludwig Kehlweiler entre Paris et la Bretagne...
Les nombreux personnages rencontrés sont hauts en couleurs, l'histoire est prenante et l'intrigue pleines de surprises et de rebondissements. J'ai passé de très bons moments en écoutant cette histoire captivante lu avec beaucoup de talent.
Merci Audrey et Audiolib pour cette relecture très plaisante.
Extrait : (début du livre)
- Et qu'est-ce que tu fous dans le quartier ?
La vieille Marthe aimait discuter le coup. Ce soir, elle n'avait pas eu son compte et elle s'était acharnée sur un mot croisé, au comptoir, avec le patron. Le patron était un brave type mais exaspérant pour les mots croisés.
Il répondait à côté, il ne respectait pas la consigne, il ne s'adaptait pas à la grille. Pourtant il aurait pu servir, il était calé en géographie, ce qui était curieux parce qu'il n'avait jamais quitté Paris, pas plus que Marthe. Coule en Russie en deux lettres verticales, le patron avait proposé "Ienisseï ".
Enfin, c'était mieux que de ne pas parler du tout. Louis Kehlweiler était entré au café vers onze heures. Ça faisait deux mois que Marthe ne l'avait pas vu et il lui avait manqué, en fait. Kehlweiler avait mis une pièce dans le flipper et Marthe regardait les trajets de la grosse boule. Ce jeu de dingue, avec un espace fait exprès pour paumer la boule, avec une pente à remonter au prix d'incessants efforts, et que, sitôt atteinte, on redévalait aussi sec pour se perdre dans l'espace fait exprès, l'avait toujours contrariée. Il lui semblait que cette machine n'avait de cesse, au fond, de donner des leçons de morale, une morale austère, injuste et déprimante. Et si, par emportement légitime, on lui foutait un coup de poing, elle tiltait et on était puni. Et il fallait payer pour ça en plus. On avait bien tenté de lui expliquer que c'était un instrument de plaisir, rien à faire, ça lui rappelait son catéchisme.
- Hein? Qu'est-ce que tu fous dans le quartier ?
- Je suis passé voir, dit Louis. Vincent a remarqué des trucs.
- Des trucs qui valent le coup ?
Louis s'interrompit, il y avait urgence, la boule du flipper filait droit vers le néant. Il la rattrapa d'une fourchette et elle repartit crépiter vers les hauteurs, mollement.
- Tu joues mou, dit Marthe.
- J'ai vu, mais tu parles tout le temps.
- Faut bien. Quand tu fais ton catéchisme, t'entends pas ce qu'on te dit. Tu ne m'as pas répondu. Ça vaut le coup ?
- Ça peut. Faut voir.
- C'est du quoi? Politique, crapuleux, indéterminé ?
- Ne braille pas comme ça, Marthe. Ça te fera des ennuis un jour. Disons que ce serait de l'ultraréac qui se trouve là où on ne l'attendrait pas. Ça m'intrigue.
- Du bon ?
- Oui, Marthe. Du vrai, appellation nationale contrôlée, mis en bouteille au château. Faudrait vérifier, bien sûr.
- Ça se Passe où ? C'est à quel banc ?
- Au banc 102.
Louis sourit et lança une boule. Marthe réfléchit. Elle s'embrouillait, elle perdait la main. Elle confondait le banc 102 avec les bancs 107 et 98. Louis avait trouvé plus simple d'attribuer des numéros aux bancs publics de Paris qui lui servaient d'observatoires. Les bancs intéressants, cela va de soi. C'est vrai que c'était plus commode que de détailler leur situation topographique précise, d'autant que la situation des bancs est généralement confuse. Mais en vingt ans, il y avait eu des changements, des bancs mis à la retraite, et des nouveaux dont il fallait s'occuper. On avait dû numéroter des arbres aussi, quand les bancs manquaient dans des emplacements clefs de la capitale. Il y avait aussi les bancs de passage, pour les petites histoires. À force, on en était au n°137, parce qu'on ne réutilisait jamais un ancien numéro, et ça se mélangeait dans sa tête. Mais Louis interdisait qu'on ait des aide-mémoire.
- Le 102, c'est celui avec le fleuriste derrière? demanda Marthe en fronçant les sourcils.
- Non, ça c'est le 107.
- Merde, dit Marthe. Paye-moi un coup au moins.
- Prends ce que tu veux au bar. Il me reste trois boules à jouer.
Marthe, elle n'était plus aussi performante. À soixante-dix ans, elle ne pouvait plus rôder comme avant dans la ville, entre deux clients. Et puis elle confondait les bancs. Mais enfin, c'était Marthe. Elle n'apportait plus beaucoup de renseignements mais elle avait d'excellentes intuitions. Son dernier tuyau remontait bien à dix ans. Ça avait foutu une merde salutaire, ce qui était l'essentiel.
- Tu bois trop, ma vieille, dit Louis en tirant le ressort du flipper.
- Surveille ta boule, Ludwig.
Marthe l'appelait Ludwig, et d'autres l'appelaient Louis. Chacun faisait son choix, il avait l'habitude. Ça faisait cinquante ans maintenant que les gens balançaient d'un prénom à l'autre. Il y en avait même qui l'appelaient Louis-Ludwig. Il trouvait ça idiot, personne ne s'appelle Louis-Louis.
- T'as amené Bufo ? demanda Marthe en revenant avec un verre.
Déjà lu du même auteur :
Ceux qui vont mourir te saluent
L'Homme aux cercles bleus
Debout les morts
Un peu plus loin sur la droite
Sans feu ni lieu
L'Homme à l'envers
Pars vite et reviens tard
Sous les vents de Neptune
Dans les bois éternels
Un lieu incertain
Les Quatre fleuves (BD)
L'Armée furieuse
En audio
Agatha Raisin enquête : Remède de cheval - M.C. Beaton
Lu en partenariat avec Albin Michel
Albin Michel - juin 2016 - 270 pages
traduit de l’anglais par Esther Ménévis
Titre original : The Vicious Vet, 1993
Quatrième de couverture :
Après la pluie, le beau temps ! Agatha Raisin est désormais bien installée dans son cottage de Carsely en compagnie de ses deux chats. Cerise sur le pudding, le nouveau vétérinaire du village ne semble pas insensible à ses charmes.
Quand le beau véto succombe à une injection de tranquillisant destinée à un cheval rétif, la police locale conclut à un malencontreux accident. Mais pour Agatha, dont le flair a permis de résoudre l'affaire de La Quiche fatale, il s'agit bien d'un meurtre. à l'étonnement de tous, le séduisant colonel James Lacey partage pour une fois l'avis de son entreprenante voisine. Et nos deux détectives-amateurs se lancent dans une enquête bien plus périlleuse qu'ils ne l'imaginaient...
Agatha Raisin, c'est une Miss Marple d'aujourd'hui. Une quinqua qui n'a pas froid aux yeux, fume comme un pompier et boit sec. Sans scrupule, pugnace, à la fois exaspérante et attendrissante, elle vous fera mourir de rire !
Auteur : Née en 1936 à Glasgow, Marion Chesney alias M.C. Beaton a été libraire et journaliste avant de devenir un des auteurs de best-sellers les plus lus de Grande-Bretagne avec ses deux séries de romans policiers : Hamish MacBeth et surtout Agatha Raisin (plus de 15 millions d’exemplaires vendus dans le monde).
Mon avis : (lu en août 2016)
J'ai retrouvé avec plaisir cette nouvelle héroïne qu'est Agatha Raisin... Cette dernière hésite toujours à quitter le village pour retourner à Londres... Elle n'est pas indifférente au charme de James Lacey, son voisin, mais ce dernier n'est pas dans les même dispositions...
Agatha a eu une proposition d'un ancien confrère pour se relancer dans les affaires, elle part donc quelques jours à Londres, mais elle va vite comprendre que la proposition est malhonnête et rapidement, la voilà de retour à Carsely avec un deuxième chat... C'est l'occasion de rencontrer le nouveau vétérinaire qui tourne la tête à toutes les dames du village... Celui-ci invite Agatha à un dîner et lorsqu'il se montre un peu trop empressé à conclure, notre héroïne s'enfuit... Et le lendemain, le vétérinaire est retrouvé mort, une seringue enfoncée en plein coeur. Les enquêteurs (professionnels) concluent rapidement à un accident, mais Agatha Raisin n'est pas convaincue, elle décide donc de mener sa propre enquête et, à son grand plaisir, James Lacey va la seconder...
J'aime beaucoup l'atmosphère du petit village de Carsely et ses habitants. L'intrigue policière est peut-être moins poussée que dans le premier tome mais cette épisode nous permet de mieux connaître Agatha . Elle devient de plus en plus sympathique, impulsive et gaffeuse, elle cherche à améliorer sa relation avec les autres. Elle se retrouve souvent au coeur de situations cocasses ou délicates...
Cette série comporte déjà 27 épisodes en Grande-Bretagne... Cela nous promet donc de nombreuses futures lectures, la sortie des deux prochains épisodes semblent être prévue pour novembre 2016.
Merci Aurore et les éditions Albin Michel pour cette suite toujours aussi amusante.
Extrait :

Grande-Bretagne
De terre et de mer - Sophie Van der Linden
Lu en partenariat avec Babelio et les éditions Buchet Chastel
Buchet Chastel - août 2016 - 144 pages
Quatrième de couverture :
Au début du siècle dernier, Henri, un jeune artiste, parvient sur l’île de B. après un long voyage.
Venu rendre visite à la femme qui s’est détournée de lui, il y séjournera vingt-quatre heures, le temps pour lui de déambuler dans ce paysage envoûtant, et d’y faire des rencontres singulières.
Jusqu’à la chute finale, le lecteur chemine à la suite du héros dans cette atmosphère vibrante, rendue par une écriture impressionniste aux multiples résonances.
De terre et de mer est le troisième roman de Sophie Van der Linden. Après La Fabrique du monde, L’Incertitude de l’aube, l’auteur confirme encore son talent et dépeint avec acuité l’expression des sensations et des sentiments.
Auteur : Née en 1973, Sophie Van der Linden vit à Conflans-Sainte-Honorine. Elle a publié des ouvrages de référence sur la littérature pour la jeunesse, dont elle est spécialiste. Elle a déjà publié deux romans (La Fabrique du monde et L'Incertitude de l'aube)
Mon avis : (lu en août 2016)
Début du vingtième siècle, Henri, jeune artiste peintre, arrive sur l’île de B. pour rendre visite à Youna, la jeune femme qu'il aime et qui ne répond plus à ses lettres. Il a entrepris ce long voyage pour avoir une explication. Sur l'île, la jeune femme s'est installée dans la maison de sa grand-tante et a repris son activité d'herboriste. Elle a conquis son indépendance et la liberté et rien ne l'empêchera de la garder. Econduit, Henri devra passer la nuit dehors et avant de reprendre le bateau du retour, il fera quelques rencontres...
Dans ce livre, tous nos sens sont en éveil, à travers l'œil du peintre, la description de cette petit île est pleine de couleurs et de nuances comme sur un tableau, les odeurs de la végétation, de la mer, les bruits de la nuit...
La couverture du livre est superbe, c'est un tableau de Jean-Baptiste Corot qui illustre parfaitement l'atmosphère de ce court roman. Voilà une jolie balade pleine de poésie de 24 heures sur cette petite île avec des rencontres improbables, amusantes ou marquantes et surtout une conclusion magnifique. J'ai beaucoup aimé !
Merci à Babelio et aux éditions Buchet Chastel pour cette très belle découverte
Extrait : (début du livre)
Les nuages n’étaient plus ici ceux, charnus et lourds, de la campagne de Paris. Mobiles, gracieux et diffus, ils semblaient, comme lui, attirés par la mer, pourtant encore lointaine. Depuis que son train avait quitté la halte Bel-Air sur ce dernier embranchement progressant vers le nord, Henri scrutait le paysage et guettait l’irruption de l’aplat bleu qui signalerait aussi bien l’arrivée imminente du train à sa destination que le début d’un autre voyage, celui pour l’île de B.
Enfin, ce n’était pas un voyage, tout juste une traversée. Et courte encore, une demiheure sans doute. Mais Henri n’avait jamais que peu vogué.
Son regard s’accrochait à la cime des arbres, s’attardait sur les mamelons, piquait dans les vallons, s’envolait dans les masses d’air frais que ce temps encore un peu instable ne manquait pas d’insuffler au calme paisible d’un ciel estival.
Le train parvint à R. sans qu’Henri eût aperçu la moindre perspective marine. Rien de bleu ne perça à l’horizon de ce diorama désarticulé qu’est le paysage fuyant sous l’oeil du voyageur ferroviaire.
De la gare, il gagna le port en traversant la ville. Débouchant d’une rue sombre et humide, comme le sont toutes les rues de cette cité granitique, encombrée par les charrettes à chevaux convoyant la production
maraîchère de l’arrière-pays, il vit enfin la mer, sans pouvoir cependant s’attarder à sa contemplation tant il était soucieux d’attraper le dernier sloup qui le déposerait sur l’île à une heure raisonnable pour rendre
visite.
Une fois le point d’embarcation repéré, il rejoignit une courte file de passagers. Lorsque vint son tour, Henri, dans la fatigue de son long voyage, dans l’encombrement de son bagage et de son bouquet de fleurs acheté à la hâte lors d’une correspondance, dans son impatience et, surtout, dans son trouble inexplicable, causé par le carillon de l’église sonnant quatre heures, posa un pied sur l’embarcation somme toute légère d’un mouvement qu’il aurait voulu leste mais qui, dans ce désordre, y imprima un bruit sourd et une franche oscillation. Les passagers ayant déjà pris place à bord durent se cramponner subitement pour ne point perdre l’équilibre. S’ils ne prononcèrent mot, ces îliens, pour la plupart, en eurent toutefois en réserve pour cet étranger sans usage ni manière.
De l’air ! Cet air-là ! Comme il m’a manqué en vérité. Henri oublia l’incident lorsqu’il put enfin lever le nez, humer les ressacs iodés de l’eau du port claquant le quai, et se tourner vers le large s’offrant maintenant à son regard. Il avait vécu son enfance et le début de sa jeunesse sur la côte.
Pourtant, ses origines paysannes l’avaient toujours maintenu éloigné de la navigation. La mer n’en demeurait pas moins pour lui une source de joie et d’apaisement.
Déjà lu du même auteur :
La fête est finie - Olivier Maulin
Lu en partenariat avec les éditions Denoël
Denoël - juin 2016 - 240 pages
Auteur : Olivier Maulin vit et travaille à Paris. Il a écrit plusieurs romans, dont En attendant le roi du monde, prix Ouest-France/Etonnants Voyageurs 2006. La fête est finie est son neuvième roman.
Mon avis : (lu en juillet 2016)
Mon avis sur ce livre est mitigé. J'ai bien aimé le début, puis au milieu du livre, j'ai eu une certaine lassitude et ensuite j'ai mis plusieurs jours à terminer cette lecture et j'ai eu beaucoup de mal à écrire ce billet.
Victor et Picot sont deux amis qui s'improvisent vigiles de nuit pour un besoin alimentaire. Ils vont chercher à la SPA les deux chiens nécessaires pour ce travail de vigile. Ils doivent surveiller un parc de camping-car à Lagny-sur-Marne. Le début de la nuit se passe plutôt bien, puis la fatigue étant là, ils décident d'être éveillés à tour de rôle, l'autre utilisant un des camping-car de luxe pour y faire une petite sieste... Finalement, ils s'endorment tous les deux, le véhicule est volé par une famille de roms et à au réveil de nos deux amis, ils se retrouvent vers Strasbourg. Les deux vigiles reprennent possession du véhicule mais ayant peur d'être accusé de vol, ils préfèrent se réfugier dans un petit camping discret où ils vont faire de nombreuses rencontres...
Une galerie de personnages hauts en couleur, un hymne à la nature, à l'écologie, de l'humour, des situations improbables...
Mais pour ma part, à mi-lecture, je me suis lassée : la cocasserie et les délires de l'auteur ont pris trop de place dans l'histoire et ont occulté le message écologique du livre.
Merci Laïla et les éditions Denoël pour ce partenariat.
Extrait : (début du livre)
Bach, je n’avais rien contre. Je veux dire : Bach, de temps en temps, je n’avais rien contre. Mais toute la sainte journée à fond les ballons, ça commençait franchement à me taper sur les nerfs ! Le Victor, il était capable de rester douze heures allongé sur le sofa sans bouger, à enquiller les disques. Seul un bras se dépliait parfois pour changer de CD ou écraser une cigarette dans le cendrier posé par terre. Et puis ça se repliait lentement et ça ne bougeait plus pendant une heure et demie. Deux ou trois fois, j’en étais arrivé à le pincer dans le gras du bide pour vérifier qu’il n’était pas claboté. Tout en gardant les yeux fermés, il soulevait alors lourdement son poing droit et me le montrait de l’index de sa main gauche. Dans le langage élaboré de la grosse outre, ça signifiait : attention, risque de pain dans la gueule ! C’était strictement interdit de le déranger quand il écoutait Bach, c’est-à-dire tout le temps.
À vrai dire, je n’avais jamais vu pareille loque humaine. Au physique, il ressemblait à Georges le solitaire, la dernière tortue des Galápagos. Au moral, il était à mi-chemin entre le flan et le potiron. En un sens, il était fascinant ; à lui tout seul, il donnait tort à la science. La grande activité de sa journée, pour ne pas dire la seule, c’était la préparation de son petit déjeuner. Allumer la machine à café, changer le filtre, beurrer les tartines... c’est là qu’il dépensait ses calories. Ensuite, la journée était pour ainsi dire finie ; il se collait sur son sofa et en avant pour le marathon : cantates, motets, oratorios, fugues, concertos, suites, partitas, préludes, sonates, tout y passait ! Et même les messes et les passions ! Et il chialait, le veau, fallait voir comment ! Des grosses larmes qui roulaient sur ses joues et son cou. Parfois, il secouait la tête, il s’agitait, faisait mine de se relever ; et puis il se laissait retomber en soupirant, comme terrassé. « Putain, c’est trop beau, Bach », disait-il.
C’était sa contribution à la critique musicale. C’est en piquant un disque au hasard qu’il l’avait découvert. Ça avait immédiatement collé entre Bach et lui. Il était tombé en extase sur les Motets et avait décidé de monter sa petite collection. C’est un autre avantage de Bach : très facile à voler ! Les rayons rap, électro, heavy metal, étaient bourrés de vigiles suspicieux. Chez Bach, on vous foutait la paix. Il allait donc faire son marché une fois par semaine, nourrissant sa passion. À présent, il comparait les versions, trouvait celle-ci plus émouvante, celle-là un peu forcée, telle autre un poil lyrique. Il n’avait jamais eu l’idée de taper « Bach » sur Internet, n’avait aucune idée de l’époque à laquelle le bonhomme avait vécu, mais sur la musique, pardon ! Un spécialiste ! Du genre à repérer une fausse note ! Tiens, le troisième violon, il n’aurait pas fait un la au lieu d’un si ? Bref, il avait pris le melon par-dessus le marché.
Évidemment, c’était difficile pour moi de me plaindre vu que cela faisait trois semaines que je m’étais incrusté chez lui. Je n’avais pas d’autre choix que de la fermer ou de prendre la porte. Du coup, pour me venger, je l’appelais Totor la grosse outre, Totor la grosse légume, Totor l’esthète de con ! Enfin je l’appelais comme ça dans ma tête, rapport au gros poing poilu.
— Si t’aimes pas Bach, t’as qu’à te casser ! me disait Totor.
— Je dis pas que j’aime pas Bach, Totor, il faut me comprendre, je dis que douze heures de suite ça fait un peu longuet, tu piges la différence ?
— Quand on aime Bach, on l’aime pendant douze heures. Sinon, c’est qu’on l’aime pas et on a qu’à dégager. La logique du gros Totor !
Le jour où Anita envoya tout balader - Katarina Bivald
Lu en partenariat avec les éditions Denoël
Denoël - mai 2016 - 464 pages
traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy
Titre original : Livet, motorcyklar och andra omöjliga projekt, 2015
Quatrième de couverture :
L'été de ses dix-huit ans, Anita Grankvist s'était fixé trois objectifs : apprendre à conduire une moto, acheter une maison et devenir complètement indépendante. Presque vingt ans plus tard, Anita n'a toujours pas réalisé ses rêves. Elle mène une petite vie tranquille, seule avec sa fille Emma, et travaille au supermarché local. Le départ d'Emma pour l'université va bouleverser ce quotidien un peu fade. Anita va devoir gérer quelque chose qui lui a cruellement manqué ces deux dernières décennies : du temps libre. Qu'à cela ne tienne, Anita commence à prendre des leçons de moto, se lance dans un projet impossible, apprend à connaître sa mère légèrement sénile, et tombe follement amoureuse. Finalement, n'est-ce pas merveilleux de réaliser ses rêves d'adolescence à l'approche de la quarantaine ?
Auteur : Katarina Bivald a grandi en travaillant à mi-temps dans une librairie. Aujourd'hui, elle vit près de Stockholm, en Suède, avec sa soeur et autant d'étagères à livres que possible. La Bibliothèque des coeurs cabossés, son premier roman, a été un best-seller international.
Mon avis : (lu en juin 2016)
Anita Grankvist, 38 ans, a une vie sans grand relief à Skogahammar, une petite ville de province. Elle est mère célibataire d'Emma et elle travaille chez Extra-Market. A 19 ans, Emma vient de quitter Skogahammar pour aller à l'Université de Karlskrona. Seule à la maison, Anita ne sait que faire pour occuper tout son temps libre... Elle se souvient alors de ses rêves d'adolescente : être propriétaire de sa maison, savoir faire de la moto, se débrouiller seule
A 38 ans seul le dernier des rêves de ses 18 ans a été réalisé, pour sortir de la morosité qui la gagne, Anita se décide à avoir de nouveaux rêves, ses deux amies d'Extra-Market Pia et Nessim vont l'aider à faire sa liste... Pour réaliser son premier rêve, Anita va prendre des leçons de moto... On va lui proposer de participer à l'équipe du projet d'organisation de la Journée de la Ville. Sa vie va changer au-delà de ses rêves...
Anita est attachante et pleine de fantaisies, ses amies et amis sont attentifs aux autres et cette petite ville, où il se passe rien, est synonyme de solidarité, d'amitié et d'humour également.
Voilà un livre à classer dans ceux facile à lire et qui font du bien.
Merci Laila et les éditions Denoël pour cette lecture pleine d'optimisme.
Extrait : (début du livre)
Mon chemin vers la folie commence ici. Je suis assise par terre dans l’entrée et je parle avec ma porte.
Il y a quelques secondes, elle s’est refermée dans un claquement. Dix-neuf ans envolés dans un bruit sourd. Puis le pling impitoyable de l’ascenseur lorsqu’il arrive à notre étage et le raclement de la valise à roulettes sur le sol.
— Merde, je dis en entendant l’ascenseur redescendre.
Ma porte n’a aucune réaction. Sans réfléchir, je me lève et je me précipite sur le balcon.
— Attends! je crie en me penchant au-dessus de la balustrade. Ne me laisse pas ! J’ai dit quelque chose de mal ? Je peux changer, je te le jure ! Donne-moi une dernière chance !
Mon hurlement fait sursauter un couple de passants qui lève la tête vers moi. Une partie de moi se dit que mon comportement n’est pas très convenable. Mais je m’en fous. La personne à la valise s’est arrêtée elle aussi. Elle se retourne.
— Haha, maman, dit Emma, ma fille, le soleil de ma vie, le centre de mon existence, qui en ce moment est en train de me quitter.
Elle aussi lève la tête vers moi et le balcon comme si elle nous voyait pour la dernière fois. Je pourrais jurer qu’il y a une pointe de nostalgie dans son regard.
Elle me ressemble mais dans une version plus déterminée. Elle a mes cheveux bouclés et indisciplinés, mais, à elle, ça lui donne une allure d’aventurière et de femme libre. Ils sont le prolongement de l’énergie rayonnante qui émane d’elle, constamment en route pour des directions variées.
— Mais maman, je ne suis même pas arrivée à l’arrêt de bus, répond-elle en haussant les épaules.
— Je me disais que tu avais peut-être changé d’avis et que tu voulais que j’aille à Karlskrona avec toi ? je suggère. — Pour que tu puisses m’accompagner à la fac le premier jour et t’assurer que j’ai bien pris tous mes livres ?
— Pourquoi pas ?
— On est dimanche. Demain tu travailles.
Je me penche encore au-dessus de la balustrade. Le soleil est sur le point d’apparaître derrière l’immeuble d’en face, de l’autre côté de la rue. Si ça n’avait pas été le jour du déménagement d’Emma, ce dimanche aurait été sublime. Mais peut-être n’est-ce pas trop tard.
— J’ai besoin de vacances. Il me reste quelques jours de congé à prendre.
— Bien sûr. Tu veux partir comme ça sans prévenir et laisser le pauvre Roger seul avec ses mises en place de pâtes. Roger c’est mon chef. Il a un avis très tranché sur l’importance de la mise en place des produits dans les rayons. Je ne peux pas dire que le commentaire d’Emma rende mon existence plus légère.
— J’ai entendu dire que Karlskrona est magnifique en août, je déclare.
— Tu y es déjà allée. Tu sais très bien qu’il n’y a rien à voir dans cette ville, à part les rues pavées de galets.
Challenge Voisins, Voisines
Suède
Déjà lu du même auteur :
Snjór - Ragnar Jónasson
Lu en partenariat avec les éditions de La Martinière
La Martinière - mai 2016 - 350 pages
traduit de la version anglaise d’après l’islandais par Philippe Reilly
Titre original : Snjóblinda, 2010
Quatrième de couverture :
Snjór. La neige, en islandais. Celle qui tombe sans discontinuer sur la ville la plus au nord de l'Islande, Siglufjördur. Un village de pêcheurs auquel on ne peut accéder que par un tunnel étroit, creusé à même la montagne. Ari Thór, qui vient de terminer l'école de police à Reykjavik, y est envoyé pour sa première affectation. Sa fiancée refuse de le suivre dans ce trou paumé. Siglufjördur, la ville où il ne se passe rien, où personne ne ferme jamais sa porte à clef. Mais voilà : une jeune femme est retrouvée morte, à moitié nue dans la neige ; un vieil écrivain renommé fait une chute mortelle dans le théâtre local... Ari Thór se retrouve plongé au coeur d'une petite communauté où chacun tient l'autre par ses mensonges et ses secrets. Une avalanche et des tempêtes de neiges incessantes ferment temporairement l'accès du tunnel. La nuit polaire ne réserve plus une seule minute de jour... Un effroyable sentiment de claustrophobie submerge peu à peu Ari, que viennent également tourmenter des résurgences de son passé. L'étau se resserre autour du policier, aveuglé par la neige et les faux-semblants, sombrant dans sa propre noirceur. Angoissant, entêtant, Snjór est le premier roman de la série Dark Iceland.
Auteur : Ragnar Jónasson est né à Reykjavik en 1976. Ses grands-parents sont originaires de Siglufjördur, la ville où se déroule Snjór, et où a grandi son père. Grand lecteur d'Agatha Christie dès son plus jeune âge - et plus tard de P. D. James ou Peter May -, il entreprend la traduction, à 17 ans, de quatorze de ses romans en islandais. Avocat et professeur de droit à l'Université de Reykjavik, il est aussi écrivain et le cofondateur du Festival international de romans policiers " Iceland Noir ". C'est l'agent d'Henning Mankell qui a découvert Jónasson et vendu les droits de ses livres dans près de dix pays, dont les Etats-Unis et l'Angleterre.
Mon avis : (lu en mai 2016)
Snjór est le premier roman d’une série intitulée Dark Iceland. J'ai été surprise de découvrir que le livre publié en France était la traduction de la version anglaise... Snjór signifie neige, en islandais.
Ari Thór, jeune policier, qui vient de sortir de l’école, est envoyé pour sa première affectation à Siglufjördur, la ville la plus au nord de l'Islande. Il part seul là-bas, Kristin, sa fiancée, refusant de le suivre dans un endroit aussi reculé.
Siglufjördur est une ville où il ne se passe rien, où personne ne ferme jamais sa porte à clef. Et pourtant, en l'espace de quelques jours, un vieil écrivain renommé est retrouvé mort après une chute mortelle dans le théâtre local puis une jeune femme est retrouvée à moitié nue dans la neige, dans un état critique... Au cœur de cette petite communauté où tout ce sait et Ari Thór est considéré comme un étranger...
Siglufjördur est un personnage à part entière de ce roman, une avalanche et des tempêtes de neiges ont fermé temporairement l’accès à la ville, cette enquête est devenue un vrai huis clos...
Voilà une nouvelle série islandaise originale qui donne envie de poursuivre la découverte de ce lieu si particulier et de retrouver ses personnages !
Merci Arnaud et les éditions La Martinière pour roman policier envoûtant...
Extrait : (page 13)
Il n’était pas loin de minuit mais il faisait encore clair. Les jours rallongeaient. À cette époque de l’année, chaque nouvelle journée, plus lumineuse que la veille, portait en elle l’espoir de quelque chose de meilleur et, de fait, la vie d’Ari Thór Arason venait de connaître une embellie. Sa petite amie Kristín avait enfin emménagé dans son modeste appartement d’Öldugata. Ce n’était au fond qu’une simple formalité : elle y passait déjà la plupart de ses nuits sauf les veilles d’examen, quand elle préférait réviser au calme dans la maison confortable de ses parents, jusque tard dans la nuit.
Kristín sortit de la douche, une serviette autour de la taille, et entra dans la chambre.
– Bon sang, je suis crevée… Parfois je me demande ce qui m’a pris de choisir médecine. Ari Thór leva la tête de son petit bureau et se retourna.
– Tu vas être un docteur fantastique.
Elle s’allongea sur le lit, s’étira sur la couverture. Sa chevelure blonde projetait comme un halo blanc sur les draps.
On dirait un ange, songea Ari Thór. Il l’admira tandis qu’elle tendait les bras et les posait doucement sur sa poitrine.
Un ange de neige…
– Merci mon chéri. Et toi un flic brillant. Mais je continue de penser que tu aurais dû finir ton mémoire de théologie…
Elle n’avait pas pu s’empêcher de le dire.
Nul besoin qu’elle le lui rappelle. Il avait commencé par étudier la philosophie, vite abandonnée pour se consacrer à la théologie, à laquelle il renonça aussi pour finalement postuler pour l’école de police. Incapable de se fixer dans une direction, toujours en quête de ce qui pourrait convenir à son tempérament, il cherchait sans cesse cette petite dose d’excitation. Il admettait volontiers qu’il s’était tourné vers la théologie comme pour défier ce Dieu à l’existence duquel il n’avait jamais cru. Ce Dieu qui l’avait privé de tout espoir de grandir normalement lorsque, à treize ans, il avait perdu sa mère et que son père s’était évanoui sans laisser de trace. C’est seulement après avoir rencontré Kristín et résolu – deux ans plus tôt – l’énigme de la disparition de son père qu’Ari Thór connut une certaine sérénité. L’idée de l’école de police germa alors dans son esprit, avec l’intuition qu’il serait sans doute meilleur flic qu’ecclésiastique. Sa formation de policier lui permit d’acquérir une solide condition physique et une carrure sculptée par les haltères, la natation et la course à pied. Évidemment, jamais il n’aurait obtenu ce résultat en passant ses jours et ses nuits sur les commentaires des Pères de l’Église.
– Oui, je sais, répondit-il, piqué. Je n’ai pas renoncé à la théologie, je l’ai juste mise entre parenthèses.
– Tu devrais faire un effort et terminer ton travail pendant que toutes tes connaissances sont encore fraîches. Ça va être très dur de reprendre si tu t’arrêtes trop longtemps…
Elle parlait d’expérience. Elle était toujours venue à bout de tout ce qu’elle entreprenait, survolant avec aisance un examen après l’autre. Rien ne semblait capable de l’arrêter et elle venait juste de boucler la cinquième des six années de son cursus médical. Il n’était pas jaloux – simplement fier. Tôt ou tard, ils devraient s’installer à l’étranger pour qu’elle puisse suivre sa spécialisation, mais ils n’en parlaient pas.
Elle glissa un oreiller sous sa tête et regarda son ami.
– Tu ne trouves pas ça bizarre, que le bureau soit dans la chambre ? Est-ce que cet appartement ne serait pas beaucoup trop petit ? – Petit ? Non, je l’adore. Je détesterais avoir à déménager vers le centre-ville.
Elle se laissa aller en arrière, enfonçant sa tête dans l’oreiller.
– Bah, de toute façon rien ne presse…
Ari Thór se leva.
– On a tout l’espace qu’on veut ! On doit juste se tenir chaud…
Il dénoua la serviette et s’étendit doucement sur Kristín, en l’embrassant longuement et profondément. Elle lui rendit son baiser, passa les bras autour de ses épaules et l’attira contre elle.
Challenge Voisins, Voisines
Islande
À l'orée du verger - Tracy Chevalier
Lu en partenariat avec Quai Voltaire
Quai Voltaire - mai 2016 - 336 pages
traduit de l'anglais par Anouk Neuhoff
Titre original : At the Edge of the Orchard, 2016
Quatrième de couverture :
En 1838, dans l’Ohio, la famille Goodenough s'installe sur les terres marécageuses du Black Swamp, dans l'Ohio. Chaque hiver, la fièvre vient orner d'une nouvelle croix le bout de verger qui fait péniblement vivre cette famille de cultivateurs de pommes. Tandis que James, le père, tente d'obtenir de ces terres hostiles des fruits à la saveur parfaite, la mère, Sadie, en attend plutôt de l'eau-de-vie et parle à ses enfants disparus quand elle ne tape pas sur ceux qui restent.
Quinze ans et un drame plus tard, leur fils Robert part tenter sa chance dans l'Ouest. Il sera garçon de ferme, mineur, orpailleur, puis renouera avec la passion des arbres en prélevant des pousses de séquoias géants pour un exportateur anglais fantasque qui les expédie dans le Vieux Monde. De son côté, sa sœur Martha n'a eu qu'un rêve : traverser l'Amérique à la recherche de son frère. Elle a un lourd secret à lui faire partager...
Tracy Chevalier nous plonge dans l’histoire des pionniers et dans celle, méconnue, des arbres, de la culture des pommiers au commerce des arbres millénaires de Californie. Mêlant personnages historiques et fictionnels, des coupe-gorge de New York au port grouillant de San Francisco, À l’orée du verger peint une fresque sombre mais profondément humaniste, et rend hommage à ces femmes et ces hommes qui ont construit les États-Unis.
Auteur : Tracy Chevalier est américaine et vit à Londres depuis 1984 avec son mari et son fils. Spécialiste des romans historiques et des portraits de femmes, elle est l'auteur du Récital des anges (2002), de La Dame à la Licorne (2003), de La Vierge en bleu (2004), de L'Innocence (2007), de Prodigieuses créatures (2010), La dernière fugitive (2013) et de La Jeune Fille à la perle (2000) adapté au cinéma par Peter Webber en 2002, et interprété par Scarlett Johansson.
Mon avis : (lu en mai 2016)
Début du XIXe siècle, dans l’Amérique des pionniers, James et Sadie Goodenough se sont installés dans l’Ohio sur des terres peu hospitalières des marais du Black Swamp et ont plantés des pommiers. Arrivés avec dix enfants, les uns après les autres , 5 d’entre eux vont mourir à cause des fièvres d’été véhiculées par de nombreux moustiques. Le couple se déchirent autour de leurs arbres, Sadie préfère les pommiers à cidre, James ne jure que par ses reinettes dorées, des pommes à couteaux venant d’Angleterre... Cela se termine par un drame dont le lecteur découvrira le récit bien plus tard dans le livre.
Ensuite, l'histoire va se concentrer sur Robert, l’un des jeunes fils Goodenough, il a quitté la famille et est parti vers l’Ouest. Régulièrement, il envoit une lettre à sa famille en donnant de ses nouvelles et en attendant en retour. Cela permet au lecteur de suivre son périple au travers des États-Unis jusqu'à son arrivée en Californie.
Là reprend un récit plus traditionnel, toujours autour de Robert qui découvre de nouveaux arbres qui le fascine les redwoods et surtout les séquoias géants. Il rencontre alors William Lobb qui ramasse des graines, des plants d'arbres et les expédie en Angleterre. Robert va travailler pour William Lobb et faire enfin un métier qui le passionne.
Le lecteur va ensuite découvrir la suite des aventures de la famille Goodenough dans l’Ohio...
J'ai beaucoup aimé ce livre où Tracy Chevalier mêle réalité et fiction, en fin du livre (dans les Remerciements), elle nous explique comment l'idée de cette histoire est née, à partir de personnages réels.
La construction est originale, elle fait varier les points de vue et mélange les formes d'expression, donnant à ce récit épique du rythme et un peu de suspense. L'histoire est passionnante et les personnages attachants et touchants...
Voilà un roman magnifique à lire pour les amoureux des arbres !
Merci Arnaud et les éditions Quai Voltaire pour cette lecture coup de cœur !
Ils se disputaient encore à propos des pommes. Lui voulait cultiver davantage de pommes de table, pour les manger ; elle voulait des pommes à cidre, pour les boire. Cette querelle s’était répétée si souvent qu’ils jouaient désormais leurs rôles à la perfection ; leurs arguments s’écoulaient fluides et monotones autour d’eux car ils les avaient l’un comme l’autre entendus assez fréquemment pour neplus avoir à écouter.
Si la dispute d’aujourd’hui entre le sucré et l’acide s’avérait différente, ce n’était pas parce que James Goodenough était fatigué ; il était sans arrêt fatigué. Ça vous épuisait un homme, de se tailler une vie dans le BlackSwamp… Si elle était différente, ce n’était pas parce que Sadie Goodenough avait la gueule de bois ; elle avait souvent la gueule de bois. Non, elle était différente parce qu’ils avaient eu la visite de John Chapman la veille au soir. De tous les Goodenough, seule Sadie était restée l’écouter parler jusque tard dans la nuit, jetant de temps à autre des pommes de pin dans le feu, histoire de le ranimer. L’étincelle dans les yeux et le ventre de l’homme mais peut être aussi ailleurs, allez savoir, avait bondi sur elle telle une flamme se frayant naturellement un chemin d’un copeau bouclé à un autre. Elle était toujours plus heureuse, plus effrontée et plus sûre d’elle-même après une visite de John Chapman.
En dépit de sa fatigue, James n’avait pas réussi à s’endormir alors que la voix bourdonnante de John Chapman s’insinuait dans la cabane avec la persistance d’un moustique des marais. Il y serait peut-être parvenu s’il avait rejoint ses enfants dans le grenier, mais il n’avait pas envie de quitter le lit qui, placé face à la cheminée, constituait une invite trop tentante. Au bout de vingt ans de vie commune, il ne désirait plus Sadie autant qu’avant, surtout depuis que l’eau-de-vie de pomme avait fait ressortir son côté hargneux. Mais quand John Chapman venait voir les Goodenough, James se surprenait à noter l’opulence des seins de sa femme sous sa robe bleue élimée, et l’attrait étonnant de sa taille, épaissie mais encore intacte après dix enfants. Il ignorait si John Chapman remarquait lui aussi ce type de détails ; pour un homme de soixante ans révolus, il était encore mince et vigoureux, malgré les mèches gris acier dans ses cheveux en bataille. James n etenait pas à savoir. John Chapman cultivait des pommiers et parcourait les rivières de l’Ohio dans un double canoë rempli d’arbres qu’il vendait aux colons. Les Goodenough venaient d’arriver dans le Black Swamp quand l’homme était apparu pour la première fois avec sa cargaison d’arbres, leur rappelant gentiment qu’ils étaient censés faire pousser une cinquantaine de fruitiers sur leur parcelle dans un délai de trois ans, s’ils voulaient en être légalement propriétaires. Aux yeux de la loi, un verger constituait le signe indéniable qu’un colon avait l’intention de rester sur place. James avait acheté une vingtaine d’arbres séance tenante. Il se refusait à accuser John Chapman de leurs déboires ultérieurs, mais de temps en temps il faisait la grimace en repensant à cette vente initiale. L’homme avait à proposer des plants d’un an ou des jeunes arbres de trois ans, lesquels coûtaient trois fois le prix des plants mais produiraient des fruits deux ans avant. S’il avait été raisonnable – et il l’était ! –, James se serait contenté d’acheter une cinquantaine de plants meilleur marché, aurait aménagé pour eux une pépinière et les aurait laissés grandir pendant que, dans ses moments de loisir, il se serait appliqué à défricher un terrain pour en faire un verger. Mais la chose aurait également signifié se priver de pommes pendant cinq ans. James Goodenough ne se croyait pas capable d’endurer cette privation si longtemps. Pas dans la tristesse du Black Swamp, avec ses eaux stagnantes, ses relents de pourri et de moisi, son épaisse boue noire que même en frottant on n’arrivait pas à désincruster de sa peau et de ses vêtements. Il lui fallait une compensation sucrée pour adoucir le malheur d’avoir atterri dans ce bourbier. Planter des jeunes arbres voulait dire qu’ils obtiendraient des pommes deux ans plus tôt. Il avait donc acheté une vingtaine de jeunes arbres qu’il n’avait pas réellement les moyens de s’offrir, et consacré un temps dont il ne disposait pas réellement à défricher pour eux une portion de terrain. Cette tâche l’avait retardé dans ses autres cultures, de sorte que leur première récolte avait été maigre, et qu’ils avaient contracté des dettes qu’il continuait encore à rembourser, neuf ans après.
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