En Afrique - Éric Fottorino
Lu en partenariat avec les éditions Denoël
Denoël - octobre 2014 - 256 pages
Photographies de Raymond Depardon
Quatrième de couverture :
« Longtemps j'ai sillonné l'Afrique ou plutôt les Afriques. J'y ai appris le questionnement, donc le journalisme. Rien n'est jamais tout noir, rien n'est jamais tout blanc. Ce continent était l'endroit privilégié pour s'en convaincre. C'est là-bas que, pendant plus d'une décennie, j'ai été un "envoyé spécial" du Monde, témoin des soubresauts, des drames et des espoirs de populations inoubliables.
Dans ce recueil d'enquêtes et de reportages, j'ai voulu saisir au plus près ce qui faisait le quotidien d'un reporter au milieu des années 1980, avant la révolution numérique, avant les mails et les portables, quand le temps gardait son épaisseur, et les distances leur longueur. Si le journalisme a changé de forme, il n'a pas changé de sens : informer, expliquer, trier, raconter. J'ai voulu remonter à la source de mon métier, le contact irremplaçable avec le réel. Et la lutte permanente pour préserver son indépendance. »
Auteur : Écrivain, journaliste, Éric Fottorino est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages, dont Baisers de cinéma (prix Femina 2007), L'homme qui m'aimait tout bas (Grand Prix des Lectrices de Elle 2010) et Questions à mon père. Il a passé vingt-cinq ans au journal Le Monde, qu'il a dirigé de 2007 à 2010. Il est le cofondateur de l'hebdomadaire.
Mon avis : (lu en novembre 2014)
Dans ce livre Éric Fottorino revient sur ses années d'envoyé spécial en Afrique avec ce recueil des articles qu'il a écrit depuis 1986 jusqu'en 2011. Dans une première partie nous trouvons des reportages en Éthiopie, au Mali, à Madagascar, au Bénin, au Kenya, en Afrique du Sud et au Gabon avec pour chaque destination une petite introduction pour situer les circonstances du reportages. Dans une deuxième partie, l'auteur ressence différentes enquêtes sur les trafics de drogues, sur l'agriculture, sur le sida, sur la France-Afrique... Puis pour terminer il nous livre des chroniques d'humeur sur l'Afrique.
C'est un livre très intéressant mais plus exigeant à lire qu'un roman. Si vous aimez l'Afrique et si vous vous intéressez au métier de journaliste vous apprendrez beaucoup. La dizaine de belles photos noir et blanc de Raymond Depardon sont un bon complément au texte.
Merci Célia et les éditions Denoël pour cette découverte enrichissante.
Extrait : (début du livre)
J'ai toujours su partir. J'ai toujours eu peine à revenir. Le reportage demeure à mes yeux la vocation première de ce métier. Se rendre compte sur place. Respirer le même air que ceux dont on parle, les écouter, vouloir les connaître pour mieux les comprendre. Garder la trace, les traces, de ces moments hors de soi, hors les murs de notre existence. S'imprégner d'une époque. Justifier qu'on a vu de ses propres yeux, ne pas l'oublier, même si on a fini par rentrer... De mes reportages les plus marquants sont restés des images, des odeurs - mille odeurs de l'Afrique à peine ouverte la porte de l'avion -, des visages, des noms. La sensation de ne faire que passer. Mon compagnon de bureau d'alors au Monde, Michel Boyer, prétendait qu'on ne connaissait un pays qu'en y demeurant trois jours ou trente ans. Trois jours pour être étonné. Trente ans pour savoir que tout est plus compliqué qu'il n'y paraît. Ces Afriques ont composé en moi une multitude de petites vies dans ma vie, creusant des souterrains qui me traversent encore, et que ces pages baignent à nouveau de lumière. Dois-je préciser que ces vérités fragiles étaient glanées au XXe siècle, dans un temps ralenti où ni les ordinateurs ni les téléphones portables n'existaient ? Enfin, pour avoir si longtemps hésité à partager les eaux du journalisme et de la littérature, pour m'être si souvent cabré face à ceux, qui me sommaient de choisir, me voici au clair. Ces reportages furent ceux d'un journaliste. La démarche qui me pousse à les conserver est celle d'un écrivain pour qui rien n'est vraiment vécu qui n'ait été écrit. Pourquoi renoncer à être deux qui font un ?
Challenge Petit Bac 2014
"Géographie" (13)
A comme... Destination Afrique du Sud
L'Afrique du Sud a été dans l'actualité, avec la mort de Nelson Mandela le 5 décembre dernier...
Pleure, ô pays bien-aimé – Alan Paton
Un roman bouleversant écrit en 1947 par un sud africain blanc.
Il décrit et dénonce la réalité brutale et injuste de l'apartheid.
L'église des pas perdus - Rosamund Hadden
C'est l'histoire de l'amitié entre 2 femmes, une blanche et une noire,
en Afrique du Sud. Un récit poignant très bien écrit.
Un polar écrit par un françaisqui nous dresse un portrait de l'Afrique du Sud sombre et violent après l'apartheid.
Avec une intrigue policière très bien construite, l’auteur dénonce le nouvel « apartheid social »
dont sont victimes les plus pauvres et les plus faibles.
Vénus noire - Abdellatif Kechiche et Renaud Pennelle
Emmanuel Proust - octobre 2010 - 132 pages
Quatrième de couverture :
Voici l'incroyable histoire de Saartjie Baartman, esclave magnifique venue d'Afrique du Sud, à Londres, au début du XIXe siècle et qui défraya la chronique. Dotée d'une particularité physique inconnue en occident (un fessier surdéveloppé), elle devient l'objet de toutes les convoitises... et de toutes les humiliations. Exhibée comme une bête de foire, prostituée de force, la Vénus Hottentote devra se battre contre tous pour prouver son humanité.
Cette histoire vraie est le prochain film du réalisateur Abdellatif Kechiche, le roman graphique s'en est inspiré et sort en même temps.
Auteur : Renaud Pennelle est scénariste, dessinateur, coloriste de bande dessinée.
Mon avis : (lu en mai 2014)
Voici un des albums que j'ai gagné au Loto BD organisé par Valérie sur le thème des adaptations (roman ou film). Merci Loula. Voici l'adaptation du film de Abdellatif Kechiche du même nom.
Ce film et cette bande-dessinée sont inspirés de l'histoire vraie de Saartjie Baartman, noire et esclave, née en Afrique du Sud à la fin du XVIIIème siècle. Elle a été achetée à ses maîtres pour devenir une artiste en Europe. En réalité, elle sera exhibée dans les foires ou dans les théâtres comme un animal sous le nom de Vénus Hottentote. Sa particularité anatomique fait d'elle un objet de curiosité malsaine...
L'histoire est émouvante, tragique et dérangeante. J'ai été sensible aux dessins et aux couleurs avec des tons sépia.
Cette histoire m'a également fait penser au livre Cannibale de Didier Daeninckx.
Extrait :
Challenge Petit Bac 2014
"Couleur" (9)
Nelson Mandela
Voici quelques livres d'auteurs d'Afrique du Sud
ou dont les histoires se déroulent en Afrique du Sud
Pleure, ô pays bien-aimé – Alan Paton
L'âme du chasseur – Deon Meyer
L'église des pas perdus - Rosamund Hadden
Jeu de pistes – Marcel Theroux
La lionne blanche – Henning Mankell
Zulu – Caryl Férey
Autres idées chez...
Valérie : Au plus noir de la nuit d'André Brink
Mimipinson : Le sable était brûlant
L'Apartheid
Mandela, le dernier héros du XXe siècle
L'Afrique du Sud, une histoire séparée, une nation à réinventer
Pleure, ô pays bien-aimé – Alan Paton
Albin Michel – 1950 – 342 pages
Albin Michel – mai 1966 – 316 pages
Livre de Poche – janvier 1967 – 429 pages
Livre de Poche – 1978 – 429 pages
Livre de Poche – 1984 – 351 pages
Livre de Poche – juin 1997 -
Albin Michel – juin 1999 -
traduit de l'anglais par Denise Van Moppès
Titre original : Cry, the beloved country, 1948
Quatrième de couverture :
Appelé par sa sœur, Stephen Koumalo, le vieux pasteur noir d'un village d'Afrique du Sud doit se résigner à partir pour Johannesburg. Plusieurs de ses parents, dont son fils unique Absalon, sont déjà dans cette ville redoutable, le royaume des Blancs. Koumalo qui, tout au long de son existence, ne fut qu'amour et charité, découvre à Johannesburg la réalité brutale de l'apartheid, de la misère et de la déchéance qui règnent parmi les Noirs transplantés dans la grande ville.
Auteur : Alan Stewart Paton est un écrivain et un homme politique sud-africain, fondateur du parti libéral d'Afrique du Sud.
Il est né en 1903 dans la province du Natal, aujourd'hui appelée KwaZulu-Natal. Sa famille descendait des colons anglais en Afrique du Sud. Ses parents appartenaient à la communauté religieuse protestante des christadelphians. Alan Paton obtint à l'université du Natal une licence de sciences ainsi qu'un diplôme d'enseignement.
Il devint enseignant en lycée, puis, de 1935 à 1948, proviseur d'un centre de rééducation pour mineurs délinquants. Il y introduisit des réformes progressistes en assouplissant les conditions de vie et en proposant toutes sortes de permissions en cas de bonne conduite : dortoirs plus ouverts, autorisation de travail hors du centre. Il autorisa aussi l'hébergement dans des familles d'accueil avec contrôle par l'institution.
Alan Paton voulut s'engager lors de la seconde guerre mondiale mais fut réformé. Il décida alors de voyager, à ses propres frais, pour découvrir les systèmes éducatifs étrangers et tout particulièrement leurs centres de rééducation. Il visita ainsi une partie de l'Europe et les États-Unis. Lors de son passage en Norvège, il commença à écrire son premier roman, Pleure, ô pays bien-aimé. Il en finit l'écriture fin 1946 à San Francisco, où il rencontra également son éditeur.
Rentré au pays en 1947, il fonda en 1953 le parti libéral sud-africain qui militait pacifiquement contre l'apartheid fraîchement instauré. Il en resta président jusqu'à sa dissolution en 1968, la loi interdisant alors les partis multiraciaux. Il prit sa retraite à Botha's Hill, dans sa province natale, où il meurt le 12 avril 1988.
Mon avis :
Je me rappelle très bien avoir reçu ce livre comme cadeau d'anniversaire par mes parents, mais impossible de me souvenir pour quel âge exact, sans doute pour mes 15 ans.
Avec ce livre, j'ai découvert ce qu'était l'Afrique du Sud et la réalité brutale et injuste de l'apartheid.
C'est l'histoire d'un vieux pasteur zoulou Stephen Kumalo d'un petit village d'Afrique du Sud qui subit l'exode des hommes désignés pour le travail des mines d'or. Le vieux pasteur a reçu une lettre qui l'invite à se rendre à Johannesburg où son fils Absalon a disparu. Là-bas, il découvre la misère des populations noires, et après de longues et pénibles recherches il retrouve son fils en prison, lors d'un cambriolage Absalon a commis un meurtre sur un blanc. Il est condamné à mort.
Ce livre m'a marqué, beaucoup touché et adolescente, je l'ai relu plusieurs fois. Pour faire ce billet, j'en ai relu quelques passages et même si le style peu paraître un peu vieillot, j'ai retrouvé la force du livre.
Ce livre a été adapté à plusieurs reprises au cinéma :
Pleure, ô pays bien-aimé (Cry, the Beloved Country) est un film britannique réalisé par Zoltan Korda, en 1951.
Lost in the Stars, en 1974 est un film américain réalisé par Daniel Mann.
Pleure, ô pays bien-aimé (Cry, the Beloved Country) est un film sud-africano-américain réalisé par Darrell Roodt en 1995.
Extrait : (début du livre)
Il y a une jolie route qui mène d'Ixopo dans les collines. Ces collines sont couvertes de prairies, vallonnées et plus charmantes qu'on ne pourrait dire ou chanter. La route y monte pendant douze kilomètres jusqu'à Carisbrooke et, de là, lorsqu'il n'y a point de brouillard, l'on découvre à ses pieds l'une des plus belles vallées d'Afrique. Alentour s'étendent herbages et fougères et l'on entend au loin le cri mélancolique du titihoya (1), l'un des oiseaux du veld (2). Plus bas coule l'Umzikulu qui vient du Drakensberg et s'en va vers la mer et, de l'autre côté du fleuve, les hautes chaînes de collines se dressent les unes derrière les autres jusqu'aux montagnes d'Ingeli et d'East Griqualand.
La prairie est riche et touffue, l'on ne voit pas le sol. Elle retient la pluie et le brouillard qui pénètrent dans la terre, alimentant des ruisseaux dans tous les ravins. Elle est bien entretenue et il n'y a pas trop de troupeaux pour la paître, pas trop d'incendies pour la dévaster. Déchaussez-vous pour y marcher, car cette terre est sacrée et telle qu'elle sortit des mains du Créateur. Protégez-la, gardez-la, nourrissez-la, car elle protège les hommes, garde les hommes, nourrit les hommes. Détruisez-la et l'homme est détruit.
L'herbe alentour est riche et touffue et l'on n'aperçois pas le sol. Mais les riches collines vertes s'interroment. Elles descendent vers la vallée et, en descendant, changent de nature. Elles deviennent rousses, elles se dénudent ; elles ne retiennent plus la pluie ni le brouillard, et les ruisselets sèchent dans les ravins. Trop de troupeaux en paissent l'herbe et trop d'incendies les dévastent. Chaussez-vous bien pour marcher sur cette terre, car elle est rude et dure et les pierres sont coupantes sous les pieds. Elle n'est point entretenue, ni gardée ni nourrie, elle ne protège plus les hommes, ne garde plus les hommes, ne nourrit plus les hommes. Et il y a bien longtemps qu'on n'entend plus ici le cri du titihoya.
Les grandes collines rousses se dressent, désolées, et la terre s'en arrache comme de la chair. Les éclairs flamboient au-dessus d'elle, les nuages se déversent sur elle, les ruisseaux morts se remettent à couler gonflés du sang rouge de la terre. En bas, dans les vallées, les femmes grattent ce qui reste de terre arable et le maïs atteint à peine à la hauteur d'un homme. Ce sont des vallées de vieillards, de femmes et d'enfants. Les hommes sont partis, les jeunes sont partis. Le sol ne peut plus les nourrir.
(1) Onomatopée, désigne un oiseau de la famille du pluvier.
(2) Nom african, signifie prairie. Peut également servir à désigner l'herbe.
L'âme du chasseur – Deon Meyer
Lu dans le cadre du Challenge Un mot, des titres...
Le mot : ÂME
Seuil – janvier 2005 – 422 pages
Points – décembre 2005 - 472 pages
Points – janvier 2006 – 480 pages
Points collector – janvier 2011 -
traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Estelle Roudet
Titre original : The Heart of the Hunter, 2002
Quatrième de couverture :
Véritable force de la nature, « P'tit » Mpayipheli s'est refait une vie honorable après sa mise au chômage par les services secrets sud-africains lorsque la fille d'un vieux camarade de lutte lui demande son aide : son père a été enlevé et ses ravisseurs menacent de le tuer si elle ne leur livre pas la rançon bien particulière qu'ils exigent. Que faire ? Renouer avec un passé de meurtres et de corruption qu'il a eu du mal à mettre derrière lui pour sauver son ami ou le laisser tomber pour protéger sa nouvelle existence ? Il n'hésite pas et les ennuis commencent : derrière le kidnapping, c'est en effet tout autre chose qui se joue et l'oblige à jouer son va-tout. Superbe course poursuite à travers une Afrique du Sud toujours en proie à ses vieux démons. L'Âme du chasseur a été salué comme un grand livre par le maître du policier américain Michael Connelly.
Auteur : Deon Meyer, né à Paarl le 4 juillet 1958, est un auteur de romans policiers originaire d'Afrique du Sud. Il écrit en afrikaans. Il passe son enfance à Klerksdorp, dans la province du Nord-Ouest, région des mines d'or.
Il a fait ses études à l'université de Potchefstroom avant de travailler comme journaliste pour Die Volkablad, quotidien afrikaner de Bloemfontein. Son premier roman paraît en 1994, mais il n'est pas traduit en anglais. Ses œuvres suivantes ont été traduites dans plusieurs langues. Elles reflètent la diversité culturelle de l'Afrique du Sud contemporaine, ses tensions et ses efforts pour vaincre le sous développement. Meyer est marié et père de quatre enfants, il vit actuellement à Melkbosstrand une petite ville de la municipalité du Cap, sur la côte ouest, à 35 km au nord du Cap.
Mon avis : (lu en mai 2012)
C’est la première fois que je lisais un livre de cet auteur.
Thobela Mpayipheli est un ancien tueur de l'ANC, formé par les Pays de l'Est. Depuis que Nelson Mandela est arrivé au pouvoir en Afrique du Sud, il a changé de vie. Il a rencontré Miriam et son fils Pakamile, il a un travail comme homme à tout faire dans un garage et il suit des cours par correspondance, il aspire à une vie tranquille. Mais lorsque Monica, la fille de Johnny Kleintjes, vient lui demander de l'aide pour sauver son père, il ne peut refuser car il a une dette d'honneur envers lui. Il va renouer avec le passé et les ennuis vont commencer. Il va s'en suivre une sorte de road movie haletant à travers l'Afrique du Sud jusqu'en Zambie avec embûches et péripéties pour Thobela.
Un roman riche en émotions, où le lecteur découvre de superbes paysages d'Afrique du Sud mais aussi une société sud-africaine donc les codes ont évolués avec la démocratie naissante de l'Afrique du Sud.
Au fil des pages de ce roman, dans des flash-backs il est question de services secrets d'ici ou d'ailleurs, des luttes raciales d'hier entre Boers, Anglais et Xhosas...
L'histoire est palpitante, le contexte passionnant et le personnage de Thobela Mpayipheli vraiment attachant. Une belle découverte.
Extrait : (début du livre)
Il se tenait derrière l’Américain. Pratiquement collé à lui dans le métro bondé, l’esprit très loin de là, sur la côte du Transkei, où les vagues gigantesques viennent se briser dans un bruit de tonnerre.
Il se revoyait assis sur l’éperon rocheux d’où il contemplait la houle, sa progression linéaire à la surface de l’océan Indien, impressionné par ce long voyage solitaire qui s’achève en un déferlement sur les côtes accidentées du continent noir.
Entre deux lames règne un silence parfait, quelques secondes de calme absolu. Le moment est si tranquille qu'il entend la voix de ses ancêtres - Phalo et Rharhabe, Nquika et Maqoma, son sang, sa source, son refuge. Son heure venue, lorsqu’il sentira la lame effilée lui ôter la vie, c’est là qu’il retournera, il le sait. A ces moments suspendus entre deux fracas.
Il reprit peu à peu conscience, presque avec précaution. Vit qu’ils n’étaient plus qu’à quelques minutes de Saint-Michel. Pencha à demi la tête vers l’oreille de l’Américain. Ses lèvres, là, aussi proches que celles d’un amant.
- Tu sais où on va après la mort ? lui demanda-t-il d’une voix de basse, dans un anglais fortement teinté d’accent africain.
Son ennemi se ramassa sur lui-même, larges épaules voûtées, nuque contractée.
Il attendit calmement que l’homme se retourne dans la cohue compacte du wagon. Il attendit de voir ses yeux. C’était le moment auquel il aspirait. La confrontation, le défi qu’on lance. Son instinct l’y poussait, c’était sa vocation, son accomplissement. Le guerrier venu des plaines d’Afrique, muscles bandés pour cet instant. Son cœur s’accéléra, la sève guerrière courut dans ses veines, la divine folie du combat prit possession de lui.
Le corps pivota en premier, sans hâte, puis ce fut la tête et enfin les yeux. Regard perçant du prédateur sans crainte, sûr de lui, amusé même, un sourire sur les lèvres minces. Etrange intimité, à quelques centimètres l’un de l’autre.
Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012
"Métier"
Jeu de pistes – Marcel Theroux
Plon – novembre 2011 – 238 pages
traduit de l'anglais par Stéphane Roques
Titre original : The Confessions of Mycroft Holmes : A Paperchase, 2001
Quatrième de couverture :
Damien March a 35 ans. Il s'ennuie. Des nuits à écrire des voix off pour la BBC alors qu'il se rêvait grand reporter, du temps perdu, de vagues amis et quelques histoires oubliables. Jusqu'à ce télégramme : "Patrick mort. Papa". Son oncle est mort, il avait presque oublié qu'il était vivant. Pourtant il a fait de lui son unique héritier. Damien plaque tout et s'en va vivre dans la maison de Cape Cod de son oncle, ancien écrivain à succès dont l'originalité et la fantaisie peuplent ses souvenirs d'enfance. C'est un véritable cabinet de curiosités, où il déniche un manuscrit inachevé : Les Confessions de Mycroft Holmes, pastiche savoureux dont le héros est le frère méconnu de Sherlock Holmes. Et qui recèle des indices, menant eux-mêmes, de fausses pistes en détours, à un secret de famille insoupçonné. Jeu de pistes littéraire savamment mené, ce nouveau roman prouve l'étendue des talents de Marcel Theroux, son humour et son goût immodéré et exquis pour l'intrigue.
Auteur : Marcel Theroux est né en Afrique du Sud en 1968, il a grandi aux États-Unis et vit aujourd'hui en Angleterre. Il a déjà publié plusieurs romans des deux côtés de l'Atlantique, dont Au nord du monde (2010), sélectionné dans la shortlist du National Book Award 2010 et qui a remporté le Prix de l'Inaperçu 2011. Jeu de pistes, distingué par le Prix Somerset Maugham en Angleterre, est son deuxième roman traduit en France.
Mon avis : (lu en mars 2012)
J'ai découvert cet auteur avec ce livre et j'ai trouvé ce livre très agréable à lire et l'histoire très prenante.
Damien March, la trentaine, a une vie plutôt calme, il fait un travail dans l'ombre à la BBC, il n'a pas de femme. Un jour, il apprend la mort de son oncle Patrick et qu'il a hérité de sa maison qui se situe sur l'île de Ionia au large de Cape Cod. Il décide alors de quitter Londres et son travail et de s'installer pour quelques mois dans cette maison. La maison est elle-même un personnage à part entière du roman... En effet l'oncle Patrick était un écrivain ayant du succès pendant quelques temps, mais il était surtout un collectionneur de collections. Or une clause du testament stipule que rien ne devra être modifié dans la maison. La maison est le résultat d'une accumulation de bric à brac en tous genres, des souvenirs d'enfance revienne à sa mémoire et au milieu de ce fouillis, Damien va découvrir un manuscrit inachevé de son oncle : une histoire qui met en scène Mycroft Holmes, le frère aîné de Sherlock. Comme dans un jeu de pistes le lecteur est entraîné à découvrir la maison, son contenu, la personnalité de Patrick et enfin comme trésor final un secret de famille !
J'ai beaucoup aimé l'ambiance de ce livre, vivre un jour dans une petite maison dans une île et au bord de la mer a toujours été mon rêve et cette lecture m'a permis de vivre par procuration ce rêve...
Je compte poursuivre la découverte de Marcel Theroux avec son livre « Au nord du monde », présent également à la bibliothèque.
Extrait : (début du livre)
La nouvelle de la mort de mon oncle Patrick m'a sidéré, pas parce qu'elle était inattendue, mais parce que je le croyait mort depuis une éternité.
Patrick mort. Papa, c'est tout ce que disait le télégramme. Ma première réaction a été : Patrick qui ? Et puis je me suis rappelé.
Si j'avais pensé à lui ne fût-ce qu'une fois au long de toutes ces années, je suis sûr que je me serais rendu compte qu'il était encore en vie, même dans un monde qui n'avait plus rien à voir avec le mien. Simplement, j'avais fait de mon mieux pour oublier totalement ma famille, et j'avais beau recevoir un cadeau de Noël chaque année de la part de tante Judith à Boston, j'y arrivais plutôt bien.
Bien sûr que je me rappelais Patrick – je l'avais simplement remisé dans un compartiment de mon esprit comme une chaussette dépareillée : présent mais incomplet. Après tout, on ne disparaît pas du monde comme un signal sur l'écran d'un radar. Une vie se termine par une mort. Le télégramme était concluant : il le complétait. Patrick mort.
Et puis une chose étrange s'est produite : la nouvelle de sa mort l'a ressuscité dans mon imagination : le Patrick qui était en moi, son empreinte imperceptible mais indélébile qui était moi. Des pans entiers de ma mémoire étaient stimulés pour la première fois depuis des années. C'était comme si j'avais découvert un double fond dans une valise ; ou que mon minuscule appartement de Clapham s'était agrandi d'un étage en une nuit. J'ai pensé à Patrick et à son incroyable vieille maison à Iona, et le plus étrange, c'est qu'il a commencé à me manquer – un homme que je n'avais pas vu depuis près de vingt ans.
Challenge Voisins, voisines
Grande-Bretagne
Challenge God Save The Livre
Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012
"Sport/Loisirs"
La lionne blanche – Henning Mankell
Seuil – mars 2004 – 432 pages
Points – février 2005 – 487 pages
traduit du suédois par Anne Gibson
Titre original : Den vita lejoninnan, 1993
Quatrième de couverture :
Alors qu'en Afrique du Sud un groupe d'Afrikaners fanatiques commet un attentat, en Suède le corps d'une jeune mère de famille, Louise Åkerblom, est retrouvé au fond d'un puits. L'inspecteur Wallander enquête en vain. Jusqu'à ce qu'il découvre près du lieu du crime le doigt tranché d'un homme noir...
Y aurait-il un lien entre la réalité quotidienne de la province suédoise et la lutte politique sanglante qui se déchaîne à l'autre bout du monde ?
Auteur : Henning Mankell, né en Suède en 1948, est devenu mondialement célèbre grâce à ses fameuses enquêtes de l'inspecteur Kurt Wallander : une série de polars qui a commencé en 1991 avec Meurtriers sans visage et s'est vendue à des millions d'exemplaires dans le monde. Gendre d'Ingmar Bergman, dont il a épousé la fille Eva en secondes noces, Mankell a également écrit des livres pour la jeunesse, des romans dont le magnifique Les chaussures italiennes, paru en 2009, des pièces de théâtre. Depuis 1996, l'écrivain partage sa vie entre son pays natal et le Mozambique, où il dirige le Teatro Avenida.
Mon avis : (lu en octobre 2011)
J’ai pris beaucoup de plaisir à retrouver l’inspecteur Kurt Wallander dans sa troisième enquête. On sait qu’Henning Mankell partage sa vie entre la Suède et le Mozambique, pays voisin de l’Afrique du Sud. Avec La lionne blanche, il invente une intrigue où la Suède rejoint l’Afrique.
L’histoire commence en avril 1992 en Scanie, province de Suède, avec Louise Åkerblom, agent immobilière qui vient de conclure une affaire. Avant de retrouver sa famille pour le week-end, elle part visiter une maison dans la campagne, un peu perdue elle s’engage sur un chemin et se trouve face à un homme qui l'abat froidement d'une balle en plein front.
A l’autre bout du monde, en Afrique du Sud, Victor Mabasha, tueur professionnel, se voit proposer une mission très bien payée par un commanditaire Blanc. Sa cible est un homme politique de premier plan. Il n’en sait pas plus.
Le corps de Louise Åkerblom est retrouvé au fond d'un puits. Quelques jours plus tard, non loin de là, une maison explose. Dans les décombres, la police découvre des débris d’une radio émetteur-récepteur, de revolver et… un doigt tranché d’un homme noir. Kurt Wallander et son équipe sont sur cette enquête plutôt compliquée où les différents indices sont difficiles à interpréter...
Le lecteur découvre en parallèle à l’enquête suédoise, ce qu’il se passe à l’époque en Afrique du Sud. « En 1990, Nelson Mandela quittait la prison de Robben Island, après vingt-sept ans de détention.
Tandis que le reste du monde acclamait sa libération, beaucoup de Boers virent dans ce geste une déclaration de guerre. Le président De Klerk devenait à leurs yeux un traître, un pur objet de haine. »
Non seulement, nous suivons un enquête policière classique comme sait parfaitement les écrire Henning Mankell mais nous découvrons également une description de la réalité humaine et politique en Afrique du Sud. Ce livre est vraiment passionnant à double titre. Je suis devenue une inconditionnelle de cet auteur suédois !
Extrait : (page 27)
Le vendredi 24 avril, peu après quinze heures, l'agente immobilière Louise Åkerblom sortit des bureaux de la Caisse d'épargne de Skurup et s'attarda sur le trottoir pour respirer l'air printanier. Que faire ? Plus que tout, elle aurait voulu conclure sa journée de travail et rentrer chez elle. Mais elle avait promis de passer voir une maison du côté de Krageholm... Combien de temps lui faudrait-il ? Une bonne heure, pas beaucoup plus. Il fallait aussi acheter du pain. Robert, son mari, pétrissait d'habitude lui-même le pain de la famille. Cette semaine-là, il avait été trop occupé. Elle traversa la place et entra dans une boulangerie. Elle était la seule cliente. La boulangère, qui s'appelait Elsa Person, se rappellerait par la suite que Louise Åkerblom avait semblé de bonne humeur. Elles avaient un peu parlé du printemps qui était enfin arrivé, quelle joie.
Elle demanda un pain de seigle et décida dans la foulée de surprendre sa famille avec des pâtisseries pour le dessert. Son choix se porta sur des tartelettes pomme vanille. Elle se dirigea ensuite vers le parking où elle avait laissée sa voiture, derrière la Caisse d'épargne. En chemin, elle croisa le jeune couple de Malmö avec qui elle venait de faire affaire. Ensemble, ils avaient signé la promesse de vente, le chèque, les formulaires d'emprunt. Elle sympathisait avec leur joie de posséder enfin leur propre maison. Mais elle s'inquiétait un peu. Seraient-ils en mesure de faire face aux traites ? Elle avait soigneusement étudié l'état de leurs finances. A la différence d'autres jeunes, ils n'avaient pas fait collection inconsidérée de factures de Carte bleue. Et la jeune épouse lui semblait du genre économe ; ils y arriveraient sans doute. Dans le cas contraire, la maison se retrouverait sur le marché, et ce serait peut-être elle, ou Robert, qui s'occuperait à nouveau de la transaction. Pour eux, le fait de vendre la même maison deux ou trois fois en l'espace de quelques années n'avait plus rien d'inhabituel.
Elle déverrouilla les portières et composa le numéro de l'agence. Elle écouta la voix de Robert sur le répondeur, disant que l'agence Åkerblom avait fermé pour le week-end, mais qu'elle rouvrirait lundi matin à huit heures.
Lu dans le cadre du Défi Scandinavie noire
Suède : Henning Mankell
Lu dans le cadre du Challenge Voisins, voisines
Suède
Lu dans le cadre du Challenge Viking Lit'
Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
"Animaux"
Challenge Thriller
catégorie "Même pas peur" : 5/8
Déjà lu du même auteur : Tea-Bag
Les chaussures italiennes
Zulu – Caryl Férey
Gallimard – avril 2008 – 391 pages
Folio – avril 2010 -
Grand Prix des Lectrices de ELLE 2009
Présentation de l'éditeur :
Enfant, Ali Neuman a fui le bantoustan du KwaZulu pour échapper aux milices de l'Inkatha, en guerre contre l'ANC, alors clandestin. Même sa mère, seule rescapée de la famille, ne sait pas ce qu'elles lui ont fait... Aujourd'hui chef de la police criminelle de Cape Town, vitrine de l'Afrique du Sud, Neuman doit composer avec deux fléaux majeurs : la violence et le sida, dont le pays, première démocratie d'Afrique, bat tous les records. Les choses s'enveniment lorsqu'on retrouve la fille d'un ancien champion du monde de rugby cruellement assassinée dans le jardin botanique de Kirstenbosch. Une drogue à la composition inconnue semble être la cause du massacre. Neuman qui, suite à l'agression de sa mère, enquête en parallèle dans les townships, envoie son bras droit, Brian Epkeen, et le jeune Fletcher sur la piste du tueur, sans savoir où ils mettent les pieds... Si l'apartheid a disparu de la scène politique, de vieux ennemis agissent toujours dans l'ombre de la réconciliation nationale...
Auteur : Né en 1967, à Caen, remarqué lors de la parution de son troisième roman 'Haka', Caryl Férey s'inscrit rapidement parmi les figures importantes du polar à la française. La singularité de ses oeuvres : le dépaysement. Grand voyageur, l'écrivain situe ses romans noirs, parmi lesquels 'Zulu' ou 'Utu', aux quatre coins de la planète, de la Nouvelle-Zélande, où il a vécu, au Maroc en passant par la France ou l'Afrique du Sud. Inspiré par la culture rock, on lui doit des titres comme 'La Jambe gauche de Joe Strummer', référence directe à sa passion pour les Clash, ou 'D'amour et dope fraîche', qui constitue un nouvel épisode des aventures du Poulpe. Férey distille également son talent en direction d'un public plus jeune avec des livres comme 'Jour de colère' ou 'Ma langue de fer'. Lui qui a débuté auprès d'une petite maison d'édition rennaise, La Balle d'Argent, fait désormais partie des valeurs sûres de la prestigieuse Série noire.
Mon avis : (lu en mars 2010)
Dans ce livre, Caryl Ferey s'est beaucoup documenté sur l'Afrique du Sud et il dépeint la société sud-africaine après l'apartheid.
Ali Neuman est un personnage attachant, il est chef de la police criminelle Cap Town, il spécialiste de la question zoulou. Il est hanté par des démons du passé, enfant, il a vu son père pendu et son frère mourir sous la torture, il a été lui-même meurtri. Le corps d’une jeune femme blanche a été retrouvé sauvagement assassinée dans le jardin botanique. Avec l’aide de deux collègues blancs, Brian Epkeen et Dan Fletcher, Ali va mener l'enquête chez la "jet set" sud-africaine, chez les miliciens afrikaners, chez les gangs mafieux des bidonvilles ou encore chez les militants de la condition noire.
A travers une intrigue policière très bien construite, l’auteur dénonce le nouvel « apartheid social » dont sont victimes les plus pauvres, les plus faibles. Il nous dresse un portrait de l'Afrique du Sud sombre et violent. Les descriptions des paysages sont superbes mais la misère des townships, les traditions ancestrales, la drogue, le sida, la violence bestiale rendent ce livre parfois difficile à supporter. Un livre à la fois terrifiant et bouleversant ! A lire !
Extrait : (page 67)
"Le Jardin Botanique était vide à cette heure, l'aube encore un souvenir. Neuman marcha sur la pelouse taillée à l'anglaise, ses chaussures à la main. L'herbe était tendre et fraîche sous ses pieds. Les feuillages des acacias frémissaient dans l'oscurité. Neuman rabattit les pans de sa veste et s'agenouilla près des fleurs.
"Wilde iris (Dictes grandiflora)", disait l'affichette. Il y avait encore les rubans de la police, qui battaient dans la brise...
On n'avait pas retrouvé le sac de Nicole sur les lieux du crime. Le tueur l'avait emporté. Pourquoi ? L'argent ? Qu'est-ce qu'une étudiante pouvait avoir dans son sac à main ? Il leva les yeux vers les nuages affolés qui filaient sous la lune. Le pressentiment était toujours là, omniprésent, qui lui comprimait la poitrine."
L'église des pas perdus - Rosamund Hadden
Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Judith Roze
Edition Sabine Wespieser – mai 2006 - 368 pages
LGF – novembre 2008 – 283 pages
4ème de couverture : Quand Catherine King s'aventure seule dans la nuit pour aller voir les ossements humains mystérieusement apparus devant l'église de sa propriété, son amie Maria Dlamini la suit. C'est la fin de l'apartheid, les leaders noirs ont été relâchés. Les deux femmes sont âgées : elles ont été élevées ensemble, près de soixante-dix ans auparavant, dans cette ferme au nord-est de Johannesburg dont le père de Catherine, d'origine britannique, était le propriétaire et où la mère de Maria était la cuisinière noire.
Très tôt, la vie les a séparées : Maria est restée à la ferme, tandis que Catherine en était brutalement arrachée dès 1931. Quand elle revient vingt ans plus tard, Tom et Isobel Fyncham en sont les nouveaux propriétaires. Entre Catherine et Tom, l'attirance est immédiate mais des ombres rôdent. C'est en partant sur les traces de son père défunt que la jeune femme parviendra à démêler les raisons du malaise et les origines du drame qui s'est joué, à son insu, entre Tom, Isobel et elle-même. Tout au long du roman, Maria veille sur son amie, secondée en cela par un voisin afrikaner, Hendrik, lui aussi fasciné par la belle et fougueuse Catherine.
Roman du retour au pays natal, roman de la perte et de la trahison, de l'amitié et de la réconciliation, L'Église des pas perdus est un livre au suspense impeccablement orchestré, aux descriptions somptueuses, qui dit la complexité des relations entre les êtres dans un pays traversé par l'apartheid.
Biographie de l'auteur
Rosamund Haden fait partie de cette jeune génération d'auteurs talentueux d'Afrique du Sud, diplômés de l'Université du Cap. Elle a publié plusieurs livres pour la jeunesse. L'Eglise des pas perdus est son premier roman.
Mon avis : 4/5 (lu en janvier 2007)
Ce livre est tout d'abord beau : le papier et la typographie sont agréables à lire. C'est l'histoire de l'amitié entre 2 femmes, une blanche et une noire, à l'époque de la fin de l'apartheid en Afrique du Sud. Un récit poignant très bien écrit.
Extrait :
C'EST UNE PETITE FILLE qui trouva les os. Elle faisait route depuis le kraal de son père pour acheter du sucre au magasin de Hebron. L'orage éclata alors qu'elle atteignait le sentier qui grimpait, en serpentant parmi les koppiei, jusqu'à l'église en tôle construite sur la crête dominant les fermes. Tandis qu'elle escaladait les rochers de granit entre les euphorbes dressées comme des sentinelles, les nuages se déchirèrent et de grosses gouttes de pluie se mirent à marteler le sol. Elle chercha refuge sous un cussonia, mais les feuilles la frôlaient et elle fut bientôt trempée. Elle dut pousser plus loin parmi les rochers. Deux d'entre eux délimitaient une sorte de tunnel. Le passage était étroit, mais elle parvint à s'y faufiler et se retrouva sur une surface plane. En contrebas, la vallée s'étendait jusqu'aux montagnes qui marquaient la fin du haut veld ; au-delà, on descendait vers le Swaziland et le bas veld.
Elle s'accroupit, dos à la roche, et c'est là, dans la terre rouge transformée en boue, qu'elle trouva les os. Elle avait déjà vu des crânes d'animaux: de babouins, de vaches, de moutons, et même de chiens dont les restes gisaient, blanchis par le soleil, dans le veld; mais ce qu'elle avait sous les yeux était différent.
Incliné en arrière, le crâne la regardait fixement. L'eau s'engouffrait dans les orbites et entre les mâchoires, tournées vers le ciel comme pour boire la pluie. Il était entouré d'autres os qui devaient appartenir aux bras et aux jambes. Quelqu'un les avait déterrés : de longues entailles sillonnaient la terre.
Elle fit volte-face et se mit à courir, s'égratignant les jambes contre les épineux. Une fois dans l'église, elle s'assit, frissonnante, et attendit que les battements de son coeur ralentissent. Puis elle repartit, descendit en glissant la pente boueuse, dépassa l'étang formé par la rivière et suivit le sentier jusqu'à l'école de la ferme.
Un petit garçon montait et descendait les marches devant le bâtiment, disposant à la hâte des cuvettes en émail pour recueillir l'eau qui passait par le toit. «Ufunana ?» demanda-t-il, mais elle ne répondit pas et il rentra chercher de l'aide dans la salle de classe. Quand le maître d'école sortit, il trouva la fillette tremblante près de la porte.
Il plut jusqu'au lendemain, et quand la pluie cessa, les os avaient disparu. Quelqu'un les avait emportés.