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A propos de livres...
22 novembre 2009

Seule Venise - Claudie Gallay

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Éditions du Rouergue – mars 2004 – 304 pages

Actes Sud – décembre 2005 – 302 pages

Éditions du Rouergue – mai 2009 – 236 pages

Présentation de l'éditeur :

A quarante ans, quittée par son compagnon, elle vide son compte en banque et part à Venise, pour ne pas sombrer. C'est l'hiver, les touristes ont déserté la ville et seuls les locataires de la pension où elle loge l'arrachent à sa solitude. Il y a là un aristocrate russe en fauteuil roulant, une jeune danseuse et son amant. Il y a aussi, dans la ville, un libraire amoureux des mots et de sa cité qui, peu à peu, fera renaître en elle l'attente du désir et de l'autre.
Dans une langue ajustée aux émotions et à la détresse de son personnage, Claudie Gallay dépeint la transformation intérieure d'une femme à la recherche d'un nouveau souffle de vie. Et médite, dans le décor d'une Venise troublante et révélatrice, sur l'enjeu de la création et sur la force du sentiment amoureux

Auteur : Née en 1961, Claudie Gallay vit dans le Vaucluse. Elle est institutrice dans la campagne d'Orange, deux jours par semaine. Elle passe le reste de son temps à écrire dans son village natal, Saint-Savin, où elle puise toute son inspiration. Elle a publié plusieurs romans aux éditions du Rouergue : L'Office des vivants (2000), Mon amour ma vie (2002), Seule Venise (2004) et Dans l'or du temps (2006), Les déferlantes (2008).

Mon avis : (lu en novembre 2009)

J'ai découvert Claudie Gallay avec les déferlantes qui a été pour moi un vrai coup de coeur et depuis j'ai lu presque tous ses livres. « Seule Venise » (livre que je me suis offert) est dans ma PAL depuis très longtemps car j'ai toujours des livres de la bibliothèque plus pressés à lire...

Je profite donc du challenge « Les coups de cœurs de la blogosphère » et la proposition de Gil de découvrir l'auteur Claudie Gallay pour sortir de ma PAL « Seule Venise » et enfin le lire.

Ce livre est à la fois l'histoire de la narratrice femme de 40 ans qui vient d'être quittée et qui part sur un coup de tête à Venise et un hommage à cette ville mystérieuse et envoûtante. La narratrice loge dans une pension tenue par Luigi, elle y rencontre un prince russe en chaise roulante et un couple d'amoureux, Carla et Valentino. Elle se perd dans les rues de Venise pour la découvrir, elle va rencontrer un libraire, qui lui donne le goût des livres et lui fait découvrir les côtés cachés de Venise. On est sous le charme des descriptions précises et magnifiques de la Venise envoûtante en hiver, humide, désertée par les touristes et où l'on rencontre les vrais vénitiens. On ressent à la fois la mer, l'histoire, le vent et le froid. Ce roman est plein de mélancolie mais il va accomplir son rôle de guérison.

Pour imaginer Venise que je ne connais pas, je me suis souvenue d'un film vu il n'y a quelques mois sur Arte « Vacances à Venise » de David Lean avec Katharine Hepburn (film de 1955). Et en refermant le livre, j'éprouve une véritable envie de partir en voyage à Venise, de préférence à une époque sans touriste... Un très beau livre.

Extrait : (page 39)

Le matin, je marche. Je me perds. À midi, je rejoins les quais. Je déjeune dans une trattoria avec vue sur la lagune, l'île du Lido au loin et sur la droite, le palais des Doges. Il n'y a personne. Pas de touristes. C'est l'hiver.
Luigi m'a dit profitez-en, quand la bora va se mettre à souffler vous ne pourrez plus aller là-bas.
La bora, le vent des fous.
Un vent d'est qui descend des plateaux et vient se finir là, sur les bords de l'Adriatique.
Un vent voyageur.
La bora.
Début d'après-midi. Une brume légère tombe sur la ville, la lumière devient blanche, elle recouvre tout, elle trahit les formes, les ombres. Elle trompe les distances.
Un homme qui promène son chien m'explique qu'en face, sur l'île de la Cuidecca, il y a une prison pour femmes. Il dit que l'été, quand il fait très chaud, il les entend crier. Il dit aussi que les marins s'approchent pour entendre ces cris-là. Que certains en deviennent fous. Qu'ils ne veulent plus quitter Venise à cause de ces cris.
- Au printemps dernier, le Belem a accosté ici, Riva Degli Schiavoni.
- Le Belem ?
- Un voilier magnifique. Il fait le tour du monde.
Il me montre l'endroit. Il dit que c'est quelque chose de merveilleux la vue de ce trois-mâts à Venise. Dans cette lumière, avec toutes les hommes en salut sur le pont.

Extrait : "Toujours, des hommes et des femmes se sont rencontrés à Venise. Toujours, des hommes et des femmes se sont aimés. Ont bravé le vent.
Je vous regarde.
Je ne vous connais pas. Je vous rencontre.
- Vous rougissez.
Je détourne la tête.
Vous souriez.
C'est à cause de ça.
Votre sourire. Et votre voix. J'ai aimé votre voix comme on aime un corps.
On regarde ailleurs. L'eau découvre les marches, le bois pourissant des pieux.
Avec les lumières, on voit à l'intérieur des palais. Les lustres éclairés.
- Les vénitiens sont là. Ils seront là jusqu'à la fin.
Vous aussi vous êtes là, je dis, mais pas suffisamment fort. Vous n'entendez pas."

Lu dans le cadre du challenge coeur_vs3 proposition de Gil

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18 novembre 2009

L’été chagrin – Henri Husetowski

lu dans le cadre de l'opération babelio

L__t__chagrin Buchet-Chastel – août 2009 – 254 pages

Présentation de l'éditeur
Été 42. David ne s'en laisse pas raconter. Sa mère, veuve Yourguevitch, a eu l'intelligence de se remarier avec M. Duval. Pour plus de sécurité, elle a fait baptiser David. Elle est formelle. Maintenant, tous les deux sont de vrais français. Ils n'ont rien à craindre ! Il faut juste que David fasse plaisir à sa maman, qu'il ne soit pas un fainéant comme son père, et qu'il devienne ingénieur. Mais une nuit, cet été-là, des voitures noires et des camions viennent chercher tous les juifs du quartier. Par miracle, David leur échappe. Seul, soudain, son monde s'effondre. Seul, il comprend que sa mère et les adultes lui ont menti. Sur qui pourra-t-il compter désormais, alors qu'il lui faut tout quitter ?... L'Été chagrin est un premier roman bouleversant. Sans pathos, avec humour, Henri Husetowski brosse le portrait attachant d'un enfant pris dans la tourmente de l'histoire. Un roman fort, pour les adultes comme pour les adolescents.

Auteur : Né à Bordeaux de parents émigrés de Pologne, Henri Husetowski est un éducateur, aujourd’hui à la retraite. Il vit à Paris. L’Eté chagrin, son premier roman, est inspiré de faits réels.

Mon avis : (lu en novembre 2009)

David a bientôt 11 ans, il nous raconte, avec ses mots d'enfant de 11 ans et malgré tout de l'humour, 3 semaines de cette été 1942. Il vit à Paris dans un quartier juif et en juillet 1942 c'est la rafle du Vél d’Hiv. Sa mère est d'origine juive polonaise et s'est remariée avec Monsieur Duval, David a été baptisé. Elle n'arrête pas de lui affirmer qu'ils sont maintenant devenus tous les deux de vrais français. Et pourtant, il doit faire attention, certaines nuits sa mère même l'envoie dormir chez un voisin. C'est perturbant pour ce jeune garçon, qui se réfugie dans son imagination en inventant son propre monde où il est un grand résistant qui mène le combat et qui tue les allemands et les collabos qui viennent faire du mal à ses voisins et son copain Yacov, cela lui fait faire des bêtises qui vont le mettre en danger ainsi que les autres. Il échappera aux rafles et grâce au Père Noisiel et Madame Lafayette il va être envoyé à la campagne dans les Deux-Sèvres. On lui donnera un nouveau nom Daniel Renard. David est très touchant dans sa fragilité tantôt ange, tantôt petit diable. Le choc des évènements a réveillé en lui des peurs qui le hantent. Il se sent seul, il ne sait plus si il est ou n'est pas juif... La conclusion est constituée de lettres qui nous éclairent sur la fin de l'histoire.

Un très bon roman sur la guerre qui a été inspiré par des faits réels.

Merci aux éditions Buchet * Chastel de m'avoir permis de découvrir ce livre.

Extrait : (page 40)
« Yacov rigole maintenant, il jubile. Moi, j’ai des larmes sur les joues, je sais pas si je pleure ou si je ris. On sort, je claque la porte de la boutique le plus fort que je peux, l’étalage dans la vitrine s’effondre. Yacov redit « olé ! ». Il se place devant la vitrine effondrée et crie : « A bas Hitler, à bas Régéla ! »

Il est vraiment con ce con, on va se faire remarquer et c’est pourtant pas le moment avec tous les Allemands qu’on voit partout. Je lui dis : « Yacov, t’es con, tu peux pas savoir », mais il entend pas.
Et je suis brusquement inspiré. Je me plante devant la boutique pendant que dedans Fêtnat a l’air de discuter sec avec Régala, et je gueule : « Le garde champêtre qui pue qui pète, qui prend son cul pour une trompette ! » Elle est envoyée celle-là !
Yacov, jaloux qu’il est de moi, veut pas être en reste. A son tour il gueule : « Allô, allô, y’a d’la merde dans le tuyau ! »
Le menuisier ébéniste sort de son atelier, appuyé sur sa béquille. Il dit : « Nom de Dieu, mais c’est la révolution, comme en trente-six ! » Il gueule : « Vive la République ! » Et il s'en retourne dans son atelier. Le menuisier ébéniste, c’est Antonio Villafranca, il est arrivé en France en 1937 et s’est installé ici. Maman m’a dit qu’il a dû partir de l’Espagne parce qu’il ne s’entendait pas avec un certain Franco. Ce Franco, c'est un gars qu'a fait du mal à beaucoup de gens et qui n'aime personne, même pas les enfants, plein sont morts à cause de lui.

Là, j'ai pas cru maman, parce que quand on est un enfant on meurt pas, c'est évident. Alors je lui ai dit que c'est pas vrai et elle m'a répondu que c'est pas parce que je suis le plus intelligent de la France que j'ai toujours raison. »

lu dans le cadre de l'opération babelio avec buchet_chastel

17 novembre 2009

Les copains d'Aristide – Claude Michelet

les_copains_d_aristide Éditions France loisirs – janvier 2005 – 170 pages

Quatrième de couverture :

Il y a ceux qui naissent sous une bonne étoile, bénis des dieux, heureux au jeu et en amour et il y a... Aristide. Roi de la guigne, prince de la poisse, il a fait de la malchance son sport favori, son hobby à plein temps. Tout ça à cause d'un nom à coucher dehors, car notre Aristide s'appelle... Klobe.
Après une scolarité passée sur le banc des colles, un service militaire à l'ombre du trou et mille petits boulots ingrats, notre homme au nom impossible mais à la plume talentueuse se fait engager comme nègre chez un éditeur aussi âpre au gain qu'aux jupons. Mais ce jour-là, Aristide aurait sans doute mieux fait de se casser une jambe ou de briser un miroir !

Auteur : Claude Michelet est né en Corrèze en 1938, dernier d'une famille de sept enfants. Son premier roman, La Grande Muraille, paraît en 1969. Suivi d'Une fois sept (1970), Mon père Edmond Michelet (1971), Roche-flame (1973). Le succès vient en 1975 avec J'ai choisi la terre, et avec Cette terre est la vôtre (1977) sur le même thème. Et la consécration en 1980, quand le prix des Libraires couronne Des grives aux loups (paru en septembre 1979). Les palombes ne passeront plus, suite du précédent roman, paraît à l'automne de 1980. La série télévisée réalisée par Philippe Monnier a accru encore la diffusion de cette suite romanesque.

Mon avis : (lu en novembre 2009)

C'est un peu par hasard que j'ai pris ce petit livre à la bibliothèque. Ayant déjà lu des livres de Claude Michelet avec La Grande Muraille puis Des grives aux loups (tome 1 à 4) il y a quelques années, j'ai été attirée par celui-ci peut-être grâce aux canetons de la couverture ?

Ce livre ne ressemble en rien à ceux que j'avais déjà lu du même auteur. Ce livre commence par la citation d'Eugène Labiche « Les chanceux sont ceux qui arrivent à tout... Les malchanceux sont ceux à qui tout arrive. » En effet c'est l'histoire d'Aristide Klobe qui a toujours été malchanceux à cause de son patronyme difficile à prononcer et à retenir qui l'entraîne dans des situations difficiles à l'école, au service militaire puis dans la vie professionnel. Ce roman se lit très facilement et est plutôt amusant, mais sans plus. Cependant, je n'ai pas compris la raison de la présence des canetons sur la couverture du livre...

Extrait : (début du livre)

« Si leur ramassage n'était pas interdit – mais qu'est-ce qui n'est pas interdit de nos jours ? - il ferait un temps à chercher les escargots, pensa l'homme en regardant la pluie qui frappait avec violence la fenêtre située derrière sa persécutrice.

« Mais évidemment, avec la malchance qui me poursuit depuis sa naissance, il a fallu que cette virago me convoque aujourd'hui ! De toute façon, si cette imbécile qui se gargarise de mots – car elle adore s'écouter parler, c'est évident ! - oui, si elle me lâche avant midi j'aurai quand même le temps de faire un saut jusqu'à la forêt de Rambouillet ; je suis sûr qu'elle regorge de champignons. Depuis qu'il tombe cette pluie, encore tiède pour la saison, je suis persuadé que les lactaires et les russules pullulent, et les girolles aussi !

« Mais au lieu de m'oxygéner et de me ramener de quoi me confectionner quelques solides omelettes, je suis là à feindre d'écouter les remontrances de cette vilaine garce ! Car avec la gueule qu'elle a, c'est sûrement une garce, une chamelle ! Je ne jurerais pas qu'elle ait jamais réussi à mettre un homme dans son lit ; mais si c'est le cas, le pauvre bougre n'a pas dû y faire la grasse matinée, pressé d'aller se réchauffer ailleurs ! Elle doit être aussi impossible à dégeler qu'un congélateur en marche et elle me fout vraiment la trouille ! Elle a des yeux à vous expédier à la guillotine...

- Vous m'écoutez au moins ? Lança sèchement la femme.

- Mais oui madame le juge, assura l'homme d'un ton qui démentait son acquiescement.

- Je vous ai déjà dit qu'on disait madame LA juge !

-Bien sûr, bien sûr, quoique du point de vue grammatical ce soit on ne peut plus douteux..., dit-il en contemplant à nouveau le ruissellement de la pluie sur les carreaux.

- Alors puisque vous m'écoutez vous comprendrez donc qu'avec les charges qui pèsent sur vous...

- Non, les soupçons, de simples soupçons infondés, coupa-t-il.

- Je dis bien les charges et je sais ce que je dis ! Vu les charges donc, je ne peux faire à moins que de préparer votre mise en examen ; elle devrait être effective sous peu. Je vous incite donc à trouver un avocat. Vous avez jusque-là négligé d'en prendre un, je ne saurai trop vous conseiller de pallier au plus vite cette carence.

- J'essaierai d'y penser.

5 novembre 2009

La Peine du Menuisier - Marie Le Gall

la_peine_du_menuisier Editions Phébus – mars 2009 – 283 pages

Présentation de l'éditeur
«J'étais la fille du Menuisier, je le savais. Jeanne, malgré sa folie, était plus normale que moi, côté filiation. Elle le nommait. Pas moi. Nous n'avions pas de mots l'un pour l'autre. Notre lien était un long fil continu que personne ne pouvait voir. Aucun mot ne s'y accrochait comme le font les notes sur une portée. Nous-même en étions ignorants, seulement soupçonneux de sa présence tenace.»

Son père est une ombre solitaire. sa maison bruisse de silences et les murs de pierre suintent le mystère... La narratrice grandit clans une atmosphère lourde de non-dits. Pourquoi celui qu'elle appelle le Menuisier est-il si lointain ? Pourquoi sa famille semble-t-elle perpétuellement en deuil ? Elle aimerait poser des questions. ruais on est taiseux dans le Finistère. Livrée à ses doutes et à ses intuitions., elle écoute les murmures, rassemble les bribes. Tisse patiemment une histoire. Des années lui seront nécessaires pour percer le secret de son ascendance. mesurer l'invisible fardeau dont elle a hérité. D'une plume à la fois vibrante et pudique. Marie Le Gall décrypte l'échec d'une relation père-fille et touche au cœur.

Biographie de l'auteur
Marie Le Gall est née en 1955 à Brest. Elle est professeur de lettres à Fontainebleau. La Peine du Menuisier est sont premier roman.

 

Mon avis : (lu en novembre 2009)

J'ai tout de suite été attirée par l'image de couverture de ce livre qui évoque si bien la Bretagne. Ce roman, qui est en parti autobiographique, raconte la relation entre un père et sa fille. Marie-Yvonne n'est pas une enfant désirée, à sa naissance sa mère à 42 ans et son père 52 ans. Jeanne leur première enfant a 19 ans mais elle est handicapée. Nous sommes dans les années 50, dans le Finistère nord à Brest ou dans le penn-ti à la campagne. Avec ce livre, Marie-Yvonne nous raconte son enfance et sa famille : son père qu'elle n'appelle que le Menuisier, sa mère Louise, sa sœur Jeanne, sa grand-mère Mélie. Mais il n'y a pas seulement les vivants, la mort est présente à chaque instant à travers les photos encadrées sur les murs des disparus, la proximité du cimetière...

Le Menuisier est un taiseux. « Son silence tenace et enveloppant, faisait partie intégrante de son être. Il lui appartenait plus que sa propre peau. » Marie-Yvonne souffre de ce silence et de cette non-relation qu'elle a avec son père. « Les mots n'étaient pas pour nous. Et quand parfois ils existaient, nous savions que ce n'était que de pauvres écrans. Les vibrations du silence étaient toujours les plus fortes. C'était quand je ne l'entendais pas que je l'entendais le plus, et lui de même. C'est à dire tout le temps. Nous avancions dans un silence assourdissant. » Que cache ce silence ? Un secret de famille ?

J'ai beaucoup aimé ce livre qui est bouleversant et très fort. Les phrases sont sobres, les mots sont justes tout en retenue, l'atmosphère est sombre et envoûtante. La Bretagne est décrite avec beaucoup de détails et tout au long du livre on rencontre des mots ou des expressions en breton ou en brestois avec un glossaire en fin de livre. A lire absolument !

penn-ti : petite maison (en breton)

Extrait : (début du livre)

Chacun de nous naît au moins deux fois. Le jour de l'accouchement de sa mère et celui de son premier souvenir.

Je suis née à quatre ans dans un face-à-face foudroyant avec la mort. Rescapée, je ne sais comment.

§

Le voisin Michel avait laissé tomber son frère. Denis était blanc, vêtu de blanc, sur un lit blanc.

Le lendemain de cette terrible journée, je descendis la route qui conduisait à la grève, une route étroite et grise, bordée de talus hauts comme des murailles d'où jaillissaient les fougères et les digitales. Après l'école Saint-Yves sur la gauche, il y avait une ferme, puis plus rien. Seulement les champs, à perte de vue. Je tenais la manche de grand-mère Mélie tandis qu'elle avançais, s'appuyant sur sa canne en ébène à pommeau d'argent ciselé. Elle marchait lentement, toute à ses prières. Près de la ferme, je jetai un regard au bouvreuil dans la petite cage au-dessus de la porte. Il était silencieux. C'était l'été, le soleil caressait la campagne, l'air était chaud, léger, tout vibrant d'insectes minuscules. Nous nous sommes arrêtées devant la grande maison neuve, la dernière à droite, le long du chemin creux qui menait au moulin de Parlevan. C'était là.

Grand-mère Mélie serrait ma main à présent, un peu fort, juste avant d'entrer sans frapper – la porte était ouverte. Nous traversâmes le couloir recouvert de mosaïques, la chambre était à gauche.

Devant moi, il y avait un enfant allongé sur un lit, immobile comme ne le sont jamais les enfants, une immobilité statutaire, souveraine. Près de lui, une femme assise ne bougeait pas, ne parlait pas. Je venais d'avoir quatre ans et j'apprenais que, même tout petit, on pouvait mourir. C'était une fin d'après-midi. A travers les persiennes mi-closes, la lumière du soleil encore haut dans le ciel dévoilait un sourire sur le visage tranquille de Denis. Le lendemain, sur le cercueil, il y avait un drap blanc.

23 octobre 2009

Le cœur en dehors - Samuel Benchetrit

le_coeur_en_dehors Grasset & Fasquelle – août 2009 – 296 pages

Présentation de l'éditeur
"Tu sais Charly, il faut aimer dans la vie, beaucoup... Ne jamais avoir peur de trop aimer. C'est ça, le courage. Ne sois jamais égoïste avec ton cœur. S'il est rempli d'amour, alors montre-le. Sors-le de toi et montre-le au monde. II n'y a pas assez de cœurs courageux. II n'y a pas assez de cœurs en dehors... "

Biographie de l'auteur
Samuel Benchetrit est né en 1973. Il est écrivain (Chroniques de l'asphalte), cinéaste (J'ai toujours rêvé d'être un gangster) et dramaturge (Moins 2).

Mon avis : (lu en octobre 2009)

J'ai trouvé ce livre très émouvant. Le narrateur Charly est un petit garçon d'origine malienne qui vit dans une cité de la banlieue parisienne avec sa mère et Henri, son frère aîné. Son père les a abandonnés lorsque Charly avait un mois. Un matin, lorsqu’il part au collège, Charly va être témoin de l’arrestation de sa mère par la police. Il ne comprend pas pourquoi et il décide de chercher son frère. Le lecteur va suivre cette journée particulière de Charly, il part dans une errance à travers sa cité et il nous raconte ses copains, Yéyé et Karim, le collège, son amoureuse Mélanie Renoir, son frère Henry qui se drogue, sa mère Joséphine, est une femme digne et respectable qui fait tout pour élever ses enfants mais qui est sans-papiers. Le regard que pose Charly sur sa « cité » est à la fois drôle, naïf mais juste. Au début du livre, il croit que Rimbaud n’est qu’une tour, dans les dernières pages il sait que c’est un poète et il a aimé lire certains de ses poèmes. Charly est un petit garçon drôlement attachant et ce livre est à la fois plein de tendresse et d’humour. On peut être surpris par le style très actuel avec un langage parlé de jeune adolescent mais on s'y habitue très vite. A découvrir sans tarder.

Extrait : (début du livre)

Au début, je croyais que Rimbaud c’était une tour. Parce qu’on dit la tour Rimbaud. Et puis mon copain Yéyé m’a raconté que Rimbaud était un poète. Je voyais pas pourquoi on avait donné le nom d’un poète à ma tour. Yéyé a dit que c’était parce qu’il était connu et mort depuis longtemps. Je lui ai demandé s’il était mort après avoir vu la tour. Yéyé a dit que non, il était mort vraiment avant. J’ai dit que valait mieux pour lui, parce que la tour est sacrément moche et qu’il aurait eu drôlement les boules d’avoir son nom sur un truc pareil. Yéyé a dit que lui aimerait bien qu’on donne son nom à des machins. Je lui ai dit que je trouvais débile d’habiter tour Yéyé. Il m’a dit d’aller me faire foutre et que mon nom c’était pas mieux.

Je m’appelle Charly.

- Tour Charly ça fait encore plus con que tour Yéyé.

J’étais d’accord mais je lui ai quand même dit d’aller se faire foutre.

On a continué à parler comme ça, parce qu’il y a un paquet de poètes qui ont des choses à leur nom dans le quartier. Tour Verlaine. Cité Hugo. Centre d’activité Guillaume Apollinaire. Et tous ces machins sont plus moches les uns que les autres. Mais les poètes sont morts avant de le savoir, alors ça va. Monsieur Hidalgo, qui donne des cours de je sais pas quoi au collège où allait mon frère Henry, dit que c’est une honte de se servir de l’art pour habiller des horreurs. Mais la plupart des gens s’en moquent, parce que les cités et les tours sont baptisées autrement. Par exemple, ceux qui habitent tour René Char ne disent jamais qu’ils habitent tour René Char. Ils disent la tour bleue. Je sais pas pourquoi ils l’appellent comme ça parce que la tour est pas franchement bleue. Et entre nous, je peux vous dire qu’elle est grise. Mais allez savoir pourquoi, ils disent bleue. Pareil avec la cité picasso qui se trouve de l’autre côté du centre commercial. Personne ne dit jamais cité Picasso. Même s’il y a un arrêt de bus Picasso. Les gens disent cité des Rapaces. Et je vous jure qu’il n’y a pas plus de Picasso que de rapaces dans cette cité.

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22 octobre 2009

Question de l'être et beauté féminine – Jérémy Nabati

question_de_l__tre_et_beaut__f_minine Aux forges de Vulcain – septembre 2009 – 128 pages

Quatrième de couverture :

« Aldo, en proie à une soudaine inspiration, osa alors lui demander si elle voudrait bien prendre un verre avec lui : - L’air que vous parfumez dans votre sillage et qui vous suit me subtilise et m’extasie – mon être tout entier est absorbé dans le reflet mouvant de vos cheveux. Tout, autour de moi, s’évanouit – le temps même a cessé de battre. Vibration du possible, caractère brûlant de la passion, mise en suspens comme telle, aiguillon de l’action – je suis tenu en haleine, à la merci de vos moindres mouvements. Votre beauté n’a pas d’égal, ainsi soit-il – vous êtes la plus jolie, telle est mon unique certitude. Vous voir, c'est déjà – consentir à tomber sous le charme ; le reste, à côté, n’est que poésie. Dormir un long sommeil – et n’être réveillé que par cette séduisante façon que vous avez, je n’en doute pas, de porter un verre à vos lèvres carminées… »

Auteur : Jérémy Nabati est Normalien et enseigne la philosophie au lycée. Question de l'être et beauté féminine est son premier roman. Site de l’auteur.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Ce livre m'a été offert par les éditions Aux forges de Vulcain à la suite de ma critique sur Contretemps, livre que j'avais lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book et Aux forges de Vulcain.

"Question de l’être et beauté féminine" se compose de deux parties. La première (68 pages) est une nouvelle qui donne le titre au livre et la deuxième "Comment errez-vous ?" est une suite de six textes ou poème parfois très courts qui n’ont aucun lien.

"Question de l’être et beauté féminine" nous raconte Aldo qui est un homme sensible à son environnement et en particulier à la beauté féminine, il ose aborder la femme qui lui plaît, Flora et l’on va suivre le début de leur histoire. Cette nouvelle est touchante, avec un brin de poésie.

"Comment errez-vous ?" est plus difficile à résumer, et cette lecture a été pour moi un peu déroutante. Par exemple, le premier texte, "L'un l'autre" est un échange de SMS et de mail entre un prophète et Dieu. Le dernier texte, "Le temps de la pensée" est un poème. J’ai bien aimé la nouvelle "Dernier été".

Un grand merci aux éditions Aux forges de Vulcain pour m’avoir fait découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)

Lors vint le moment où sa pensée ne le quitta plus. Le jour, il espérait la croiser à chaque coin de rue, et la moindre passante, revêtant d’abord ses traits, l’arrachait à chaque fois brusquement à lui-même. La nuit, évidemment, il lui arrivait de rêver d’elle. Le temps s’écoulait ainsi ; un mois passa.

Puis, un soir, il avait eu cette intuition : il la reverrait le lendemain, c’était certain. Seulement, il ne savait pas exactement ce qui se passerait, ce qu’il devrait faire en fonction de la situation qui se présenterait, ce qu’il devrait faire en fonction de la situation qui se présenterait effectivement. Il la revit, donc : elle sortait, lui aussi – elle lui tient la porte ; il dit « merci », tout simplement, mais d’une voix suffisamment forte pour qu’elle se retourne, et qu’elle le voie… elle l’a vu, ça y est.

Elle est toujours aussi belle, toujours aussi resplendissante, inondant de joie tout ce qui vient à l’entourer. Ses cheveux sont fascinants, à la manière d’un fleuve glissant silencieusement dans la nuit étoilée – et ses yeux, deux aigues-marines. A la fois fine et musculeuse, ses traits racés sont les seuls auxquels une chair si incroyablement nerveuse ait pu se soumettre. Certes, sa façon de s’habiller ne varie pas beaucoup, ce qui d’ailleurs la rend aisément reconnaissable : jean clair, haut noir – col roulé en cachemire, ou tee-shirt décolleté et fin gilet de coton -, imperméable noir.

17 octobre 2009

Le poids des secrets – tome 5 : Hotaru – Aki Shimazaki

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Actes Sud – juin 2009 – 132 pages

Quatrième de couverture :

A la saison des lucioles (hotaru), lorsqu'elle rend visite à sa grand-mère Mariko Takahashi, Tsubaki est loin de se douter que celle-ci lui confiera bientôt le secret qui ronge sa vie depuis cinquante ans, incapable qu'elle fut de le révéler à son mari. Etudiante en archéologie, Tsubaki apprend à travers cette confession les lois cruelles de la vie : l'innocence et la naïveté des jeunes filles sont souvent abusées par les hommes de pouvoir et d'expérience, et leur destinée s'en trouve à jamais bouleversée.

Auteur : Née au Japon, Aki Shimazaki vit à Montréal depuis 1991. Sa pentalogie Le Poids des secrets, amorcée avec Tsubaki, s'est terminée par l'obtention du prix du Gouverneur général avec Hotaru en 1005. Depuis, elle a publié Mitsuba en 2006 et Zakuro en 2008.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

C'est le dernier volume de la pentalogie "Le poids des secrets". Hotaru signifie luciole en japonais. Dans ce tome, Mariko Takahashi est âgée de 84 ans, elle sent qu'elle est proche de la fin de sa vie et elle se confie à sa petite fille de 19 ans Tsubaki le secret qui l'a ronge depuis toujours et qu'elle n'a jamais avoué à son mari. Dans ce dernier tome l'histoire ne révèle au lecteur aucune surprise puisque pour boucler la boucle l'on voit réapparaître tous les personnages avec également en toile de fond les bombes atomiques sur Nagasaki.

Cependant, la lecture de ce livre est aussi agréable que pour les livres précédents, tout en simplicité et en poésie. Un ensemble de 5 livres qui m'ont vraiment beaucoup plu !

Extrait : (page 23)

Dans l'obscurité clignotent les lucioles. J'en ai attrapé deux tout à l'heure en traversant le jardin. Je les garde dans mon petit aquarium, resté vide depuis l'année passée. Elles rampent lentement sur des feuilles de fougère. L'une suit l'autre comme un couple. Je compte les emporter à mon appartement.

Allongée sur le futon, je songe à Obâchan, qui a un air déprimé. Je me demande pourquoi elle regrette maintenant le départ d'Ojîchan en Sibérie. Qu'est-ce qui la dérange ? Je sens qu'elle est tourmentée et cela m'attriste.

Je me rappelle le moment où Ojîchan est mort. Il était entouré de nous tous : Obâchan, mes parents, ma sœur, mon frère et moi. Je ne me souviens plus des détails, car je n'avais que six ans à l'époque. Néanmoins, je sentais dans mon cœur d'enfant qu'il reposerait en paix. Son regard était doux. Selon ma mère, Ojîchan a dit à Obâchan, en tenant sa main : «Quelle vie heureuse ! J'ai eu de la chance d'avoir une famille si bonne. » Nous étions sa seule famille. Quand il est mort, il avait soixante-dix-neuf ans. Il était malade du coeur. Les lucioles clignotent toujours. En fixant les yeux sur leurs lumières, je me rappelle une lointaine conversation avec Ojîchan.

- Ojîchan, pourquoi les lucioles émettent-elles de la lumière ?

Il répond : - Pour attirer des femelles.

Je suis étonnée : -Alors, les lucioles sont-elles mâles ?

- Oui. Les femelles sont des vers luisants. Elles émettent aussi de la lumière, mais elles ne volent pas. Les deux s'échangent des messages amoureux en clignotant.

Je m'exclame : - Comme c'est romantique !

- Oui, dit Ojîchan. Au moins pour nous, les Japonais.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- En France, il existe une superstition étrange : ces lumières seraient les âmes des enfants morts sans avoir reçu le baptême. Pour les gens qui y croient, ces insectes sont bien sinistres.

Le mot « sinistre » me fait penser à la scène du soir de la bombe atomique qu'Obâchan m'a racontée une fois : « J'ai vu une volée de lucioles au-dessus du ruisseau, qui était écrasé par les ruines des bâtiments. Les lumières de ses insectes flottaient dans le noir comme si les âmes des victimes n'avaient pas su où aller. » Je me demande où ira l'âme d'Obâchan. Va-t-elle errer pour toujours entre ce monde et l'autre monde ? Ses jours sont comptés. J'espère qu'elle trouvera le calme et pourra mourir en paix, comme Ojîchan.

Obâchan : grand-mère, vieille femme.

Ojîchan : grand-père, vieil homme.

Autres volumes de la pentalogie "Le poids des secrets" :

tsubaki Tsubaki  hamaguri Hamaguri

tsubame Tsubame Wasurenagusa Wasurenagusa

17 octobre 2009

Malavita – Tonino Benacquista

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Gallimard – avril 2004 – 320 pages

Folio – novembre 2005 - 373 pages

Présentation de l'éditeur
Une famille apparemment comme les autres.
Une chose est sûre, s'ils emménagent dans votre quartier, fuyez sans vous retourner...

Auteur : Né en 1961 de parents italiens, Tonino Benacquista a grandi à Vitry. Fasciné pendant son enfance par les séries télévisées, dont 'Les Incorruptibles', il s'est naturellement dirigé vers des études de cinéma et de littérature. Son père, ouvrier dans un chantier naval, lit peu cependant. Aujourd' hui, Tonino Benacquista lit peu lui-même. Il interrompt ses études pour multiplier les expériences et les petits boulots, qu'il choisit en fonction du temps qu'ils lui laissent pour écrire. Son premier roman, 'Epinglé comme une pin-up dans un placard de GI', est publié au Fleuve noir. 'La Commedia des ratés', dans laquelle il dépeint la vie des immigrés italiens à Vitry, reçoit trois prix de littérature policière. Il a écrit 'Les morsures de l'aube', adapté au cinéma par Antoine de Caunes, et co-écrit avec Jacques Audiard le scénario de 'Sur mes lèvres'. Collaboration qu'il renouvelle en 2004 pou le film 'De battre mon coeur s'est arrêté' qui remporte le césar de la meilleure adaptation. Avec 'Saga' et 'Quelqu'un d'autre', il délaisse le polar pour s'intéresser au 'conflit de l'individu avec lui-même'. Le public apprécie son écriture franche et drôle, cruelle mais jamais cynique : 'Je ne veux pas noircir la noirceur. Le spectacle de ceux qui s'amusent en attendant la bombe me dégoûte. Mes personnages vivent mal le désarroi d'autrui parce que je ne supporte pas ça', dit-il.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Malavita, c’est le nom du chien de cette drôle de famille. Une famille New Yorkaise qui s'installe dans un petit village normand, Cholong-sur-Avre, pour y trouver une vie paisible et ordinaire. Il y a Fred Blake, sa femme Maggie et ses enfants Belle et Warren. Fred se prétend écrivain et prépare un livre sur le Débarquement, Maggie fait du bénévolat dans une association caritative, Belle fait honneur à son prénom et Warren s’est créé une bande de copains autour de lui. En fait, le vrai nom de Fred est Giovanni Manzoni, c’est un repenti de la Cosa Nostra sous protection du FBI. Malavita, "la mauvaise vie" en sicilien est aussi un des multiples surnoms donné à la mafia… Comment vont-ils passer incognito et s’intégrer dans ce village tranquille ? Ce roman mélange à la fois l’humour, le cynisme, le burlesque et le suspens. Un vrai bon moment de détente.

Extrait : (début du livre)

" Ils prirent possession de la maison au milieu de la nuit. Une autre famille y aurait vu un commencement. Le premier matin de tous les autres. Une nouvelle vie dans une nouvelle ville. Un moment rare qu'on ne vit jamais dans le noir.

Les Blake, eux, emménageaient à la cloche de bois et s’efforçaient de ne pas attirer l’attention. Maggie, la mère, entra la première en tapant du talon sur le perron pour éloigner d’éventuels rats, traversa toutes les pièces et termina par la cave, qui lui parut saine et d’une humidité idéale pour faire vieillir une roue de parmesan et des caisses de chianti. Frederick, le père, mal à l’aise depuis toujours avec les rongeurs, laissa sa femme opérer et fit le tour de la maison, une lampe de poche à la main, puis aboutit dans une véranda où s’entassaient de vieux meubles de jardin recouverts de rouille, une table de ping-pong gondolée  et divers objets invisibles dans la pénombre.

La fille ainée, Belle de son prénom, dix-sept ans, grimpa l’escalier et se dirigea vers la pièce qui allait devenir sa chambre, un carré régulier, orienté sud, avec vue sur un érable et une bordure d’œillet blancs miraculeusement persistants – elle les devina à travers la nuit comme une giclée d’étoiles. Elle fit pivoter la tête du lit côté nord, déplaça la table de chevet et se plut à imaginer les murs recouverts de ses affiches qui avaient traversé les époques et les frontières. Le lieu se mit à vibrer de la seule présence de Belle. C’est là que désormais elle allait dormir, réviser ses cours, travailler sa gestuelle et sa démarche, bouder, rêver, rire, et parfois pleurer – sa journée type depuis l’adolescence. Warren, de trois ans son cadet, investit la chambre adjacente sans réelle curiosité ; peu lui importaient l’harmonie des volumes ou le panorama, seules comptaient l’installation électrique et sa propre ligne de téléphone. Dans moins d’une semaine, sa grande maîtrise des écrans informatiques lui permettrait d’oublier la campagne française et même l’Europe, et lui donnerait l’illusion d’être de retour chez lui, par-delà l’océan atlantique, d’où il venait et où il retournerait un jour."

12 octobre 2009

La traversée du Mozambique par temps calme – Patrice Pluyette

Seuil – août 2008 – 316 pages

Points – août 2009 – 314 pages

Quatrième de couverture :
Le capitaine Belalcazar, archéologue à la retraite et vague descendant d'un conquistador espagnol, met les voiles une nouvelle fois vers la jungle du Pérou pour trouver l'or de la mystérieuse cité inca de Païtiti. Un beau bateau, une belle équipe, un itinéraire rigoureusement planifié: cette tentative sera la bonne. Sauf que rien ne se passe comme prévu. Les obstacles se multiplient. On n'a pas fini d'être surpris. Et l'auteur semble y prendre un malin plaisir.

Biographie de l'auteur
Patrice Pluyette est né en 1977. Après des études de lettres modernes, il se lance dans l écriture. La Traversée du Mozambique par temps calme est son quatrième roman, sélectionné pour les prix Goncourt et Médicis 2008.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Ce livre a un titre aussi mystérieux qu'inexplicable car contrairement à ce qu'évoque le titre, nous ne traverserons pas le Mozambique, mais nous ferons un voyage et une quête vers Païtiti une cité inca du Pérou ! J'ai bien aimé le début car on embarque pour un voyage d'aventures peu ordinaire qui n'a rien de tranquille... Les personnages sont également haut en couleur : le capitaine Belalcazar, archéologue en retraite, à la recherche d'une cité légendaire, perdue dans la jungle amazonienne, Negook et Hug-Gluq, Indiens de l’Alaska, chasseurs d’ours, Fontaine, cuisinière et amoureuse du capitaine, Malebosse, un peu sorcière, Jean-Philippe un pirate... On retrouve un roman d'aventure évoquant Jules Verne, malheureusement, l'histoire est de plus en plus déjantée et j'ai été lassée et c'est avec soulagement que je suis arrivée à la fin de ce livre. Dommage !

Extrait :

Au même moment, après avoir aidé Fontaine à débarrasser la table en emportant le plat et les assiettes dans la cuisine sans tomber dans l'escalier - que Fontaine redoute plus que tout au monde, un jour il y aura un accident dit-elle -, Hug-Gluq et Negook, comme à leur habitude, se retrouvent pour parler à l'avant du bateau, sous la hune du mât de misaine. Negook va mieux. Hug-Gluq ne fait plus la tête. Negook mange des biscuits de mer dès qu'il se sent mal et porte son regard au loin pour faire passer le tournis. Fontaine fait la vaisselle. C'est elle qui lui a dit de ne jamais garder le ventre vide quand il commence à aller mal, ni de rester dans un endroit clos. Il faut sortir, respirer, manger, fixer quelque chose au loin, même si l'horizon est flou.
Le pizzicato des assiettes monte de la fenêtre entrouverte ; pour un peu le son métallique d'un transistor coréen se ferait entendre et, comme le fond de l'air est tiède, elle n'est pas loin la sensation d'une soirée d'été qui prend le large près de la corde à linge d'un jardin de ville au milieu des draps secs qu'un vent chaud gonfle et fait courir sur place, sans bruit, peuplant la nuit de fantômes inoffensifs et blancs, impeccablement propres, une taie rose et un slip battant pavillon Soupline sur l'herbe calme.

6 octobre 2009

Le ciel des chevaux – Dominique Mainard

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Gallimard – août 2004 – 257 pages

Folio – mai 2008 – 391 pages

Présentation de l'éditeur
Lorsque la rumeur commence à se propager dans la ville, elle parvient tout naturellement aux oreilles de Lena. On murmure qu'un jeune homme, presque un adolescent, hante le parc voisin, racontant des histoires aux enfants venus y jouer. Il est revenu... lui dont elle n'a jamais parlé à quiconque, l'homme qui a partagé ses jeux d'enfant... son frère. La seule personne qu'elle informe de cette réapparition est sa mère avec laquelle elle ne communiquait plus depuis des années. Depuis la mort de son père. Depuis le jour où son frère a disparu...
Aujourd'hui, Lena est mariée à un homme qui ne sait rien de sa vie passée et dont elle a un petit garçon. Pour autant, elle ne cesse de penser à l'adolescent qui a élu domicile dans le parc et ne peut s'empêcher, à l'insu de tous, de partir à sa rencontre...

Biographie de l'auteur
Dominique Mainard a publié quelques recueils de nouvelles et plusieurs romans parmi lesquels on peut citer : Le second enfant Grand Prix Prométhée de la nouvelle, 1994, et Le grenadier, Editions Gallimard,1997. Paraissent aux Editions Joëlle Losfeld La maison des fatigués, 2000, Le grand fakir, 2001, et Leur histoire en 2002 pour lequel l'auteur a obtenu le Premier Prix du roman FNAC et le prix Alain-Fournier.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

C’est une histoire poignante, pleine de tendresse mais aussi de détresse. Un livre où l’on trouve plein de secrets, de souvenirs, d'émotion et de non-dits. Lena a un mari, Adem, qui l’aime, un fils Mehli qui l’adore. Un jour, elle croit voir réapparaître un fantôme du passé : son petit frère avec qui Lena était si proche lorsqu’ils étaient enfants. Il a fuit l’hôpital et s’est réfugié dans le parc. Le récit bascule sans cesse entre réalité et imaginaire, entre le passé et le présent. Les personnages sont uniques, mystérieux et très attachants, l’histoire est tout en poésie.

Extrait : (début du livre)
J'étais chez le boucher quand j'ai entendu dire que quelqu'un vivait dans le parc de la ville, et aussitôt j'ai pensé que ce quelqu'un ne pouvait être que toi. Deux femmes discutaient en attendant leur tour et je fixais des yeux les carcasses exposées sur l'étal, quel lieu étrange où retrouver ta trace, me disais-je, mais en vérité où aurais-je pu entendre à nouveau parler de toi sinon en ces lieux si rouges, emplis d'une odeur de sang à peine masquée par un déodorant fleuri ?

Tout bas j'ai murmuré les mots prononcés autrefois – nous avons chevauché des chevaux morts - et aussitôt j’ai été submergée par une violente nausée. J’ai porté la main à mon visage, pressé ma manche contre ma bouche en respirant très fort l’odeur de pluie et de lessive pour lutter contre le vertige. Elles continuaient à parler de toi en t’appelant ce clochard, ce vagabond. Parfois il dresse une sorte de petit théâtre dans la parc avec des bouts de planche, disaient-elles, il raconte des histoires aux enfants, aux promeneurs, on lui donne un peu d’argent ou quelque chose à manger et c’est de cela qu’il vit. Une fois la représentation terminée il ramasse ses planches, enveloppe ses marionnettes dans un bout de tissu et disparaît dans les profondeurs du parc. Parfois on le trouve du côté des poneys harnachés qui promènent les enfants au moment des beaux jours, pour quelques pièces il leur porte des seaux d’eau, les brosse et balaie leur crottin. Personne ne sait où il dort, peut-être au-delà du bassin, dans le bois presque sauvage envahi de broussailles. Les petits adorent ses histoires, disaient les femmes, d’ailleurs ce ne sont pas ses seuls spectateurs, des vieilles dames du quartier et des promeneurs viennent l’écouter eux aussi. Mais quand même est-ce prudent, on entend tellement d’histoires, un jour on retrouvera peut-être le théâtre abandonné parmi les herbes, le vagabond disparu et un enfant envolé à jamais. Certes il a l’air doux et simple jusqu’à la bêtise, mais peut-on se fier à un langage enfantin, un visage d’ange ?   

Lu du même auteur :

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