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A propos de livres...
5 novembre 2010

L’insomnie des étoiles – Marc Dugain

l_insomnie_des__toiles Gallimard – août 2010 – 226 pages

Quatrième de couverture :
Automne 1945, alors que les Alliés se sont entendus pour occuper Berlin et le reste de l'Allemagne, une compagnie de militaires français emmenée par le capitaine Louyre investit le sud du pays. En approchant de la ville où ils doivent prendre leurs quartiers, une ferme isolée attire leur attention. Les soldats y font une double découverte : une adolescente hirsute qui vit là seule, comme une sauvage, et le corps calciné d'un homme. Incapable de fournir une explication sur les raisons de son abandon et la présence de ce cadavre, la jeune fille est mise aux arrêts. Contre l'avis de sa hiérarchie, le capitaine Louyre va s'acharner à connaître la vérité sur cette affaire, mineure au regard des désastres de la guerre, car il pressent qu'elle lui révélera un secret autrement plus capital.

Auteur : Né en 1957, après avoir vécu les sept premières années de sa vie au Sénégal, Marc Dugain revient en France avec ses parents. Il intègre quelque temps plus tard l'Institut d'études politiques de Grenoble, où il étudie les sciences politiques et la finance, avant de prendre la tête d'une compagnie d'aviation. Mais l'écriture l'a toujours démangé. Aussi, il se décide à prendre la plume, et signe 'La Chambre des officiers' en 1998. Ce premier roman reçoit près de vingt prix littéraires et est adapté au cinéma. Il sort ensuite 'Campagne anglaise', 'Heureux comme dieu en France', 'La Malédiction d'Edgar' et plus récemment 'Une exécution ordinaire' (2007), et se constitue peu à peu un lectorat fidèle. Friand d'horizons lointains, Marc Dugain vit au Maroc depuis 2001.

Mon avis : (lu en novembre 2010)
C'est le premier livre que je lisais de cet auteur. L'écriture est très belle. A travers ce roman, Marc Dugain évoque le nazisme. Le roman se déroule à l'automne 1945, au moment de la Capitulation. Nous sommes au sud de l'Allemagne, un lieu qui n'a pas été dévasté par les bombardements. Louyre, un capitaine français, astronome dans le civil, et ses hommes découvre une jeune fille de 15 ans affamée et seule dans une ferme abandonnée. Ils y trouvent également un corps calciné. Louyne va enquêter sur le passé de Maria Richter, la jeune fille et s'occuper d'elle et la protéger. Il est également intrigué par une maison de convalescence qui a été vidée de ses occupants pendant la guerre... Il pose des questions au maire de la ville et au curé, mais il n'obtient aucune réponse convaincante. Ce sont des lettres que Maria a reçu de son père et qu'elle n'a jamais pu lire faute de lunettes qui va lui donner des pistes pour comprendre le secret des lieux. Il va retrouver le docteur Halfinger, l'ancien directeur de la maison de convalescence, et lui faire subir un interrogatoire poussé, et lui faire avouer certaines horreurs du nazisme.

Ce livre nous fait ressentir une ambiance pesante et sombre, alors que la guerre est partout en Europe, Louyre a le sentiment d'avoir été oublié, il se sent désœuvré et il lui semble un devoir de comprendre qui est Marie et pourquoi était-elle seule dans cette ferme avec ce cadavre calciné. Les habitants de la ville sont silencieux. Ils cachent un terrible secret.
J'ai bien aimé cette histoire malgré la noirceur du sujet.

Extrait : (début du livre)
"Comment ai-je pu oublier, se dit Maria, c'est inadmissible. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même." Elle aurait voulu se gifler. Mais le froid s'en chargeait pour elle. Le début d'automne, timide et clément, s'était effacé pour laisser place à des journées glaciales. Il lui fallait déambuler dans les bois, courbée, le nez au ras du sol. A moins d'un mètre, elle n'y voyait pour ainsi dire que des ombres, des esquisses de formes surprenantes, parfois inquiétantes. Des visages se dessinaient dans la terre et leurs yeux immobiles et sévères se posaient sur elle avant de disparaître. Ces caricatures jonchaient le sol par centaines et, si son humeur l'y prédisposait, elle s'amusait à les effacer.

En cette fin d'automne, les couleurs s'étaient uniformisées, la nature se camou-flait. Il n'avait pas plu depuis deux jours, mais la terre suintait. Maria était aux aguets. Si les branches craquaient sous ses pieds, elle pouvait les ramasser. Celles qui se contentaient de grincer étaient encore trop vertes. Les dernières feuilles accrochées aux arbres tremblaient dans la brise. Rien ne cherchait plus à se distinguer, tout s'accordait à l'unisson dans un concert funè-bre et plat. Maria souffrait de toutes ses ex-trémités. Elle avait apprivoisé ces douleurs tenaces qui ne lui laissaient de répit que la nuit.

L'allée du bois conduisait à une plaine qui se confondait avec l'horizon. Elle fumait par endroits d'une brume légère et suspendue qui s'étirait parfois en d'étranges contorsions. Là où il y a encore quelques années on trouvait des cultures ordonnées, une steppe timide recouvrait ces longues étendues sans reliefs.

Chaque fois que Maria se penchait pour faire ses fagots, un filet au goût âcre, un mélange de sang et de salive lui coulait dans la bouche. Elle se relevait brusquement pour cracher. De temps en temps elle observait la lumière. A cette époque, le jour ne se levait jamais vraiment et se couchait avec la lenteur d'un grand malade.

L'adolescente parvint à ficeler une dizaine de fagots de bonne taille avant que la nuit ne lui impose cette oisiveté qu'elle redoutait au point de lui donner des palpitations. Avant que l'obscurité ne l'enferme tout à fait, elle allumait son feu dans un poêle en fonte né avec le siècle. Elle se blottissait près de cette forme qui prenait dans la pénombre des allures magistrales, imposant aux objets de la cuisine une autorité qui ne se desserrait qu'aux premières heures de la journée. Elle dormait dans un fauteuil à oreillettes où s'asseyait autrefois son arrière-grand-mère, une femme aux traits masculins. Sans ses cheveux gris ivoire tirés en chignon, rien ne la distinguait d'un homme, si ce n'est bien sûr sa robe noire épaisse qui traversait les saisons. De sa voix, Maria ne gardait aucun souvenir car la vieille femme prenait soin d'ordonner sans parler, d'un regard dur que percevaient même ceux qui lui tournaient le dos.

Maria dormait assise et se rapprochait du poêle pendant la nuit à mesure que la chaleur s'atténuait. Au petit matin, quand un premier rayon de lumière perçait le ciel, elle le ranimait avec deux grosses bûches qui se consumaient au cours de la matinée. Elle chassait les engourdissements en se rendant près des chevaux, deux grands oldenburgs efflanqués.

Livre 20/21 pour le Challenge du 3% littéraire 1pourcent2010

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1 novembre 2010

La tête en friche – Marie-Sabine Roger

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Éditions du Rouergue – août 2008 – 217 pages

Quatrième de couverture :
Ce qu'ils mettent au dos des romans,
je vais vous dire, c'est à se demander si c'est vraiment
écrit pour vous donner l'envie. En tout cas,
c'est sûr, c'est pas fait pour les gens comme moi.
Que des mots à coucher dehors - inéluctable, quête
fertile, admirable concision, roman polyphonique... -
et pas un seul bouquin où je trouve écrit simplement :
c'est une histoire qui parle d'aventures ou d'amour -
ou d'Indiens. Et point barre, c'est tout.

Auteur : Marie-Sabine Roger. Née en 1957, elle vit dans le Sud de la France. Depuis dix ans, elle se consacre entièrement à l'écriture. Son travail est très reconnu en édition jeunesse, où elle a publié une centaine de livres, souvent primés. Pour les adultes, elle a notamment écrit Un simple viol (Grasset, 2004), et des nouvelles publiées chez Thierry Magnier, La théorie du chien perché (2003) et les Encombrants (2007).

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Une histoire simple et pleine de tendresse.
Une histoire d'une amitié improbable entre Germain et Margueritte.
C'est Germain qui nous raconte cette histoire. Il a 45 ans, 110 kilos de muscles, il vit dans une caravane au fond du jardin de sa mère avec laquelle il n'a plus vraiment de relations. Il est intérimaire. Il aime retrouver ses copains au bar du coin. Il aime également aller au parc et s'amuser à compter les pigeons. C'est là, qu'il va faire la rencontre de Margueritte. Elle a bientôt 86 ans, elle vit dans la maison de retraite d'à côté, autrefois, elle était professeur. Petit à petit, ils vont s'attacher l'un à l'autre. Germain qui était presque illettré, va découvrir le monde des livres grâce à Margueritte qui lui lit des histoires. Avec Camus, Gary, Sepulveda Germain va accéder à la culture et découvrir qu'il n'est jamais trop tard pour apprendre.

C'est une histoire qui parle de gens simples et vrais, une histoire touchante et souvent drôle, une histoire pleine d'espoir.

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Ce livre a été adapté en un film réalisé par Jean Becker en juin 2010, avec Gérard Depardieu, et Gisèle Casadesus. Après avoir lu et beaucoup aimé ce livre, j'ai très envie de voir le film.

Extrait : (début du livre)
J'ai décidé d'adopter Margueritte. Elle va bientôt fêter ses quatre-vingt-six ans, il valait mieux pas trop attendre. Les vieux ont tendance à mourir.
Comme ça, s'il lui arrive un truc, je sais pas - tomber par terre dans la rue, ou se faire gauler son sac - je serai là. Je pourrai arriver tout de suite et pousser les gens du milieu, leur dire :
- Ok ! C'est bon, tirez-vous, maintenant ! Je m'en charge : c'est ma grand-mère.
Ce n'est pas écrit sur sa tête qu'elle est seulement adoptée.
Je pourrai lui acheter son journal, ses bonbons à la menthe. M'asseoir près d'elle dans le parc, aller la voir aux Peupliers, le dimanche. Et rester pour manger avec elle à midi, si je veux.
Bien sûr, avant aussi, j'aurais pu, mais je me serais senti en visite. Maintenant, ce sera par plaisir, et aussi par devoir. C'est ça qui est nouveau : les obligations familiales. C'est un truc qui va bien me plaire, je le sens.

Ça me change la vie, de l'avoir rencontrée, Margueritte. Avoir quelqu'un à qui penser avec plaisir, quand je suis seul – quelqu'un d'autre que moi, je veux dire – ça fait drôle. J'en ai pas l'habitude. Je n'avais jamais eu de famille avant elle.
Enfin, je me comprends. J'ai une mère, pas le choix. Seulement, elle et moi, mis à part d'avoir été imbriqués l'un dans l'autre neuf mois, on n'a pas partagé grand-chose, sauf le pire. Pour le meilleur, j'en ai pas souvenir. J'ai un père, aussi, forcément. Mais j'en ai pas profité bien longtemps, il a fait son affaire à ma mère, et basta. Ceci dit, ça m'a pas empêché de grandir, plutôt mieux que les autres en moyenne : cent dix kilos de muscles et pas un poil de graisse, un mètre quatre-vingt-neuf sous la toise, le reste à l'avenant. Si mes parents m'avaient voulu, j'aurais sûrement fait leur fierté. Pas de chance.

Déjà lu du même auteur :

vivement_l_avenir Vivement l'avenir

29 octobre 2010

Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent... – Eric-Emmanuel Schmitt

suivi de Kiki van Beethoven

quand_je_pense_que_Beethoven Albin Michel – septembre 2010 – 198 pages

Quatrième de couverture :
Lors d'une exposition de masques, Beethoven revient dans la vie d'Eric-Emmanuel Schmitt : surpris, il se rappelle l'avoir aimé passionnément pendant son adolescence. Pourquoi ne l'écoute-t-il plus ? Pourquoi n'a-t-il plus eu besoin de sa passion, sa véhémence, sa noblesse ? Réfléchissant à partir de sa propre vie, Schmitt médite sur notre époque qui ne croit ni en Dieu ni en l'homme, où l'individu se sent broyé et inutile. Il ausculte notre temps désespéré que l'idéal de grandeur a quitté
Un essai brillant et intime, fait d'émotions, de surprises et d'émerveillements où Schmitt élucide ce génie, créateur d'une ''messe pour l'humanité'', un homme infirme, seul, malheureux, accablé par le sort, qui écrit pourtant une oeuvre énergique couronnée par un hymne à la joie. Comment peut-on avoir le sens du tragique et se montrer optimiste ? Tel sera le défi pour notre siècle ; tel est le message de Beethoven : il nous propose une philosophie et une morale humaniste dont nous avons un urgent besoin.

Auteur : Dramaturge, essayiste, romancier, scénariste à succès, Eric-Emmanuel Schmitt est l'un des auteurs les plus célèbres en France et dans le monde (traduit dans 42 pays). Son dernier livre, Concerto à la mémoire d'un ange, a été un des best-sellers du printemps 2010.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Ce livre fait partie de la série "Le bruit qui pense",(en hommage à la phrase de Victor Hugo : "La musique, c’est du bruit qui pense"). Cette série a été créée par Éric-Emmanuel Schmitt en 2005 avec le titre "Ma vie avec Mozart",et il prévoit de la poursuivre avec Bach et Schubert.
Ce livre se divise en deux parties. Tout d'abord « Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent...» et son CD avec six œuvres de Beethoven. Dans cet essai l'auteur nous évoque les différentes émotions
qu'il a eu grâce à la musique de Beethoven. Tout en lisant Éric-Emmanuel Schmitt, on écoute la musique, et on comprend encore mieux ce que l'auteur nous raconte.
Et le titre du livre qui ne laisse personne indifférent... "Quand je pense que Beethoven est mort alors que d’autres crétins vivent", c’est une phrase que prononçait Mme Vo Than Loc le professeur de piano d'Éric-Emmanuel Schmitt.
Dans la deuxième partie, Éric-Emmanuel nous raconte l'histoire Kiki, femme ayant la soixantaine, elle va, grâce à un masque de Beethoven découvert dans une brocante, changer sa vie ainsi que celle de ses trois amies. Il est question de jeunesse perdue, d'émotions et de secrets ensevelis.
Une histoire drôle et émouvante.
A noter que Kiki van Beethoven sera créée sous forme de comédie monologue à partir du 21 septembre 2010, au théâtre de la Bruyère, dans une mise en scène de Christophe Lindon, interprétée par Danielle Lebrun.

Extrait : (début du livre)
Entre Beethoven et moi, ce fut une histoire brève mais forte.
Il apparut dans ma vie lorsque j’avais quinze ans puis la quitta quand j’atteignais les vingt. Pendant cette période, il s’installa, poussa les meubles, cala ses disques à côté de mon électrophone, empila ses partitions sur le piano droit, enseigna à mes doigts ses pages les plus passionnées, m’arracha des larmes avec ses symphonies et devint le maître de mes doigts ses pages les plus passionnées, m’arracha des larmes avec ses symphonies et devint le maître de mes émotions, m’en insufflant de nouvelles, bouleversantes. Afin de marquer son territoire dans ma chambre d’adolescent, il introduisit, par l’entremise d’une tante qui revenait d’Allemagne, son buste en résine peinte, sculpture tourmentée qu’il me conseilla de placer sur ma table de nuit, sous le portrait de Mozart épinglé au mur. Ce fut la seule fois où je lui résistai ; par je ne sais quelle prudence – sans doute la crainte de ne pas m’endormir auprès de ce front où saillaient les tumultes du génie -, je laissai trôner son effigie dans l’ombre de la bibliothèque paternelle, à plusieurs murs de distance.
Intensément présent pendant cinq années, il s’éclipsa les décennies suivantes. Son départ coïncida avec la fin de ma longue adolescence. Il fuit quand je désertai la maison familiale. Au loin, le Beethoven ! Absent, anéanti ! Je n’y pensais plus, je ne l’interprétais plus, je ne l’écoutais plus.

Livre 18/21 pour le Challenge du 3% littéraire 1pourcent2010

27 octobre 2010

Un secret - Philippe Grimbert

Lu durant le Read-A-Thon RAT_logo

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Grasset – mai 2004 – 192 pages

LGF – avril 2007 – 184 pages

LGF – septembre 2007 – 184 pages

Prix Goncourt des Lycéens 2004

Prix des Lectrices de Elle 2005

Quatrième de couverture :
Souvent les enfants s'inventent une famille, une autre origine, d'autres parents
Le narrateur de ce livre, lui, s'est inventé un frère. Un frère aîné, plus beau, plus fort, qu'il évoque devant les copains de vacances, les étrangers, ceux qui ne vérifieront pas... Et puis un jour, il découvre la vérité, impressionnante, terrifiante presque. Et c'est alors toute une histoire familiale, lourde, complexe, qu'il lui incombe de reconstituer. Une histoire tragique qui le ramène aux temps de l'Holocauste, et des millions de disparus sur qui s'est abattue une chape de silence
Psychanalyste, Philippe Grimbert est venu au roman avec La Petite Robe de Paul. Avec ce nouveau livre, couronné en 2004 par le prix Goncourt des lycéens et en 2005 par le Grand Prix littéraire des lectrices de Elle, il démontre avec autant de rigueur que d'émotion combien les puissances du roman peuvent aller loin dans l'exploration des secrets à l'œuvre dans nos vies.

Auteur : Philippe Grimbert est psychanalyste. Il a précédemment publié trois essais : Psychanalyse de la chanson, Pas de fumée sans Freud et Chantons sous la psy, et son premier roman, La Petite robe de Paul (2001).

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Ce livre est un roman autobiographique.
Le narrateur vit une vie simple et tranquille, fils unique élevé par des parents Maxime et Tania qui s'adorent. Ils sont l'un et l'autre deux grands sportifs, elle, championne de plongeon de haut vol et lui gymnaste et lutteur. Le narrateur est un enfant chétif et souvent malade.
Ce dernier a toujours ressenti la présence d'un frère, il croyait même l'avoir inventé. Un jour, en présence de sa mère, il découvre au grenier un vieux chien en peluche : d'où vient-il ? À qui a-t-il appartenu ? Il sent le malaise de sa mère. Lorsqu'il sera adolescent, grâce aux confidences que lui fait petit à petit Louise, une vieille amie de la famille, il apprendra peu à peu l'histoire bouleversante et tragique de ses parents. Le lecteur suit la démarche du narrateur, comment de l'enfance à l'âge adulte il met en place les différentes pièces d'un puzzle pour découvrir un terrible secret de famille. Il comprend que le silence de ses parents étaient, pour eux, un moyen de continuer à vivre.
Un Secret est un roman magnifique sur la culpabilité, sur le mensonge.

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Le Film : le livre a été adapté en 2007 dans un film de Claude Miller avec Cécile de France, Patrick Bruel, Julie Depardieur, Ludivine Sagnier. Un très beau film qui est resté très fidèle au texte.

Extrait : (début du livre)
Fils unique, j'ai longtemps eu un frère. Il fallait me croire sur parole quand je servais cette fable à mes amis de passage. J'avais un frère. Plus beau, plus fort. Un frère aîné, glorieux, invisible.
J'étais toujours envieux, en visite chez un camarade, quand s'ouvrait la porte sur un autre qui lui ressemblait quelque peu. Des cheveux en bataille, un sourire en coin qu'on me présentait en deux mots : « Mon frère. » Une énigme, cet intrus avec lequel il fallait tout partager, y compris l'amour. Un vrai frère. Un semblable dans le visage duquel on se découvrait pour trait commun une mèche rebelle ou une dent de loup, un compagnon de chambrée dont on savait le plus intime, les humeurs, les goûts, les faiblesses, les odeurs. Une étrangeté pour moi qui régnais seul sur l'empire des quatre pièces de l'appartement familial.

Unique objet d'amour, tendre souci de mes parents, je dormais pourtant mal, agité par de mauvais rêves. Je pleurais sitôt ma lampe éteinte, j'ignorais à qui s'adressaient ces larmes qui traversaient mon oreiller et se perdaient dans la nuit. Honteux sans en connaître la cause, souvent coupable sans raison, je retardais le moment de sombrer dans le sommeil. Ma vie d'enfant me fournissait chaque jour des tristesses et des craintes que j'entretenais dans ma solitude. Ces larmes, il me fallait quelqu'un avec qui les partager.

Challenge Prix Goncourt des Lycéens
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2004

Challenge Goncourt des Lycéens
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chez Enna

21 octobre 2010

Cosmétique de l'ennemi – Amélie Nothomb

Lu dans le cadre du Baby Challenge Contemporain 2011
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Baby Challenge - Contemporain Livraddict : 9/20 déjà lus
Médaille en chocolat

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Albin Michel – août 2001 – 140 pages

Livre de Poche – mai 2003 – 120 pages

Livre de Poche – mai 2003 – 120 pages

Digital publishing – 2007 - CD

Quatrième de couverture :
« Sans le vouloir, j'avais commis le crime parfait : personne ne m'avait vu venir, à part la victime. La preuve, c'est que je suis toujours en liberté. »
C'est dans le hall d'un aéroport que tout a commencé. Il savait que ce serait lui. La victime parfaite. Le coupable désigné d'avance. Il lui a suffi de parler. Et d'attendre que le piège se referme.
C'est dans le hall d'un aéroport que tout s'est terminé. De toute façon, le hasard n'existe pas.

Auteur : Née à Kobe (Japon) en 1967, issue d'une illustre famille bruxelloise, Amélie Nothomb découvre la Chine, New York, et l'Asie du Sud-Est lors des déplacements professionnels de son père, un ambassadeur belge. Née au Japon, elle reste profondément marquée par la culture nippone qu'elle porte dans son coeur et transpose dans ses écrits. Elle retourne en Belgique à l'âge de 17 ans et suit des études gréco-latines. En 1992, son roman 'Hygiène de l'assassin' est accueilli avec un énorme succès et se voit adapté sur grand écran. Frustrée de ne pas être restée au Japon, l'auteur y retourne et retranscrit cette expérience plus que déroutante dans 'Stupeur et tremblements', couronné Grand prix de l'Académie française en 1999. Ce livre marque une période de retrait médiatique pour l'écrivain qui aime provoquer, puis est adapté au cinéma en 2003. Se définissant elle-même comme une 'graphomane malade de l'écriture', elle sort un roman par an. Dans le 'Robert des noms propres', Amélie Nothomb romance la vie de son amie la chanteuse Robert. Son dix-huitième roman, 'Le voyage d'Hiver', est publié en 2009. Adulée, critiquée, marginale, Amélie Nothomb reste fidèle à ses idées, laisse vagabonder sa plume au gré des pages blanches et couche sur le papier des récits toujours plus originaux les uns que les autres.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Voilà un livre qui se lit d’une traite, l’action se situe dans un aéroport. Jérôme Angust attend son avion qui est annoncé avec un retard indéterminé. Son voisin Textor Texel commence a engager la conversation et commence à lui raconter sa vie. Le lecteur assiste au dialogue entre ses deux hommes et s’interroge, qui est ce Textor Texel ? Pourquoi a-t-il besoin de raconter sa vie à un inconnu ? Petit à petit, nous allons découvrir la psychologie des personnages et c’est après des rebondissements inattendus que nous comprendrons le fin mot de l’histoire dans les toutes dernières pages. Un livre typique de l’univers d’Amélie Nothomb.

Extrait : (début du livre)
Cosmétique, l’homme se lissa les cheveux avec le plat de la main. Il fallait qu’il fût présentable afin de rencontrer sa victime dans les règles de l’art.
Les nerfs de Jérôme Angust étaient déjà à vif quand la voix de l’hôtesse annonça que l’avion, en raison de problèmes techniques, serait retardé pour une durée indéterminée.
« Il ne manquait plus que ça », pensa-t-il.
Il détestait les aéroports et la perspective de rester dans cette salle d’attente pendant un laps de temps pas même précisé l’exaspérait. Il sortit un livre de son sac et s’y plongea rageusement.
- Bonjour, monsieur, lui dit quelqu’un avec cérémonie.
Il souleva à peine le nez et rendit un bonjour de machinale politesse.
L’homme s’assit à côté de lui.
- C’est assommant, n’est-ce pas, ces retards d’avion ?
- Oui, marmonna-t-il.
- Si au moins on savait combien d’heures on allait devoir attendre, on pourrait s’organiser.
Jérôme Angust approuva de la tête.
- C’est bien, votre livre ? demanda l’inconnu.
« Allons bon, pensa Jérôme, faut-il en plus qu’un raseur vienne me tenir la jambe ? »
- Hm hm, répondit-il, l’air de dire : « Fichez-moi la paix. »
- Vous avez de la chance. Moi, je suis incapable de lire dans un lieu public.
« Et du coup, il vient embêter ceux qui en sont capables », soupira intérieurement Angust.
- Je déteste les aéroports, reprit l’homme. (« Moi aussi, de plus en plus », songea Jérôme.) Les naïfs croient que l’on y croise des voyageurs. Quelle erreur romantique ! Savez-vous quelle espèce de gens l’on voit ici ?
- Des importuns ? grinça celui qui continuait à simuler la lecture.
- Non, dit l’autre qui ne prit pas cela pour lui. Ce sont des cadres en voyage d’affaires. Le voyage d’affaires est à ce point la négation du voyage qu’il ne devrait pas porter ce nom. Cette activité devrait s’appeler « déplacement de commerçant ». Vous ne trouvez pas que cela serait plus correct ?
- Je suis en voyage d’affaires, articula Angust, pensant que l’inconnu allait s’excuser pour sa gaffe.
- Inutile de la préciser, monsieur, cela se voit.
« Et grossier, en plus ! » fulmina Jérôme.

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20 octobre 2010

Haïti kenbe la ! - Rodney Saint-Eloi

Livre lu dans le cadre du partenariat Livraddict et Michel Lafon

haiti_kenbe_la Michel Lafon – septembre 2010 – 266 pages

Préface de Yasmina Khadra

Quatrième de couverture :
" J'ai écrit ce livre pour faire taire en moi les fureurs du goudou-goudou, ce séisme désormais ancré dans les entrailles de tous les Haïtiens. Haïti, en plus de la violence de l'Histoire, de la misère, n'avait pas besoin de séisme. C'est une violence de trop. L'esclavage, la colonisation, l'exploitation, les occupations auraient amplement suffi. La nuit, je me sens balancé. La terre vacille au moindre mouvement. Je me mets à lire ou à écrire pour oublier que la terre, qui sait nourrir, peut aussi trembler et tuer. J'ai écrit ce livre pour dire que la vie ne tremble jamais. Un peuple debout cherche sa route, à la lueur des bougies. Un peuple debout cherche de l'eau et du pain, et enterre ses morts. Car les morts savent traverser les jardins et frapper aux fenêtres des rêves pour apporter aux vivants l'espoir. "
Rodney Saint-Eloi

Auteur : Né à Cavaillon au sud d'Haïti, Rodney Saint-Eloi partage son temps entre l'écriture et l'édition. Ecrivain, professeur de littérature, activiste culturel, il a fondé en 1991 à Port-au-Prince les éditions Mémoire et en 2001 à Montréal les éditions Mémoire d'encrier, qui publient de nombreux ouvrages d'auteurs haïtiens, caribéens et africains.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Le titre de ce livre en créole signifie Haïti, redresse-toi ! Ce livre est le témoignage de Rodney Saint-Eloi qui était à Haïti, le 12 janvier 2009 lors du séisme. Vivant d'ordinaire à Montréal, il était là avec Dany Laferrière et d'autres écrivains venus à Port au Prince à l'occasion du Festival Étonnants Voyageurs.
On donne des noms aux tempêtes et aux cyclones, mais pas aux tremblements de terre, alors Rodney Saint-Eloi le nomme goudou-goudoupour nommer, par les sons, les vacillements et les balancements, la terre qui a tremblé.») et en 35 secondes le pays bascule dans l’horreur.
Pour exorciser sa peur après le tremblement de terre, Rodney Saint-Eloi nous raconte les cinq jours qu'il passe au milieu d'un pays en ruines. Il décrit la terre qui vacille, qui balance, qui tremble, qui se crevasse, les bâtiments qui se fendillent et qui s'ouvrent et s'affaissent... Et puis c'est le silence. Puis les appels aux secours. Il raconte que c'est grâce à un transistor qu'il apprend l'ampleur de la catastrophe : un séisme de magnitude 7,3 qui a frappé Haïti. Les communications sont coupées avec le pays mais aussi avec le monde entier. Mais naturellement, l'entraide s'organise. Il raconte la souffrance, l'espérance, la dignité du peuple haïtiens.
Au fil de son récit, Rodney Saint-Eloi revient sur l'histoire de son pays, sur la violence de la société haïtienne, sur le passé colonial, sur la pauvreté matérielle du pays et la particularité de sa richesse culturelle.
J'ai lu d'une traite ce livre fort et bouleversant que je conseille à ceux qui veulent connaître un peu plus Haïti.

Merci à Livraddict et aux éditions Michel Lafon pour m'avoir permis de découvrir ce superbe témoignage.

Extrait : (début du livre)
- Ça va ?
- Oui... Ça va... Maman est sous les décombres.
- Attention... Les trous pour les cadavres, ça doit aller jusqu'à huit pieds.
C'est au milieu de ses voix atones que je me réveille. On réapprend à parler bref. L'expression est pressante et grave. On emploie les termes exacts. On évite paraphrases et hyperboles. La parole est transparente, sans anicroches ni détours. Pas de mais. Pas de si. Pas de quoique. Aucune incise n'est permise. On touche à la chair des mots.
- Ça va... Maman est sous les décombres. La maison s'est effondrée.
- Il ne reste plus de pays.
- La terre nous a trahis.
- La terre a fait goudou-goudou.

Goudou-goudou pour nommer, par les sons, les vacillements et les balancements, la terre qui a tremblé.
Les voix sont lourdes de chocs et de violences.
La terre a fait goudou-goudou.
Plus rien !

Et la nuit a été si longue...

Trente-cinq secondes.
Trente-cinq secondes.
Et tout tremble avec la terre.
Trente-cinq secondes de saccage.

Livre 16/21 pour le Challenge du 3% littéraire 1pourcent2010

Autres livres autour de Haïti :
yanvalou_pour_Charlie Yanvalou pour Charlie – Lyonel Trouillot
tonton_clarinette_p Tonton Clarinette – Nick Stone

en_attendant_la_mont__des_eaux En attendant la montée des eaux – Maryse Condé

19 octobre 2010

Grandir - Sophie Fontanel

grandir Robert Laffont – août 2010 – 144 pages

Quatrième de couverture :
La longue histoire d'amour d'une fille pour sa mère.
"A 8 heures du matin, ça y est, j'avais accepté. Je me levai, je filai chez ma mère. je m'assis sur une chaise près du lit: "Maman, je lui disais pour la première fois depuis l'enfance: je t'aime. Tu es ma vie. Et comment, si je t'aime. toi qui es ma vie. je pourrais te laisser là dans ce lit, à l'abandon? Je ne le pourrais pas. Ecoute, je veux que tu me donnes l'autorisation d'appeler le docteur. qui appellera l'ambulance, et tu seras dans un hôpital mais tu seras soignée, et je t'aime. Et je te donnerai du courage, je le pourrai. Tu veux bien ?" La seconde inoubliable où je fus suspendue à sa réponse. "Oui à tout", elle avait annoncé. Et plus tard, dans l'ambulance, le sublime sourire retrouvé malgré les souffrances qu'elle endurait: "Sophie. tu me surprends." Grandir, c'est bien après la croissance, on dirait."

Auteur : Sophie Fontanel est romancière, essayiste et grand reporter à Elle.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Sophie Fontanel décrit avec beaucoup de pudeur et de tendresse sa relation avec sa maman de quatre-vingt-six ans qui devient dépendante. Elle décrit la difficulté qu'elle a eu de prendre la responsabilité de sa mère, il était temps pour elle de "Grandir" et d'inverser le rôle mère-fille.
Elle nous raconte avec beaucoup de délicatesse le quotidien de sa maman avec parfois des situations cocasses. Tout cela est vraiment à l'opposé du monde de la mode où travaille la narratrice. Sophie et sa maman sont très touchantes. Ce livre est un belle hommage d'une fille à sa mère. A découvrir.

Extrait : (début du livre)
Ces temps-ci, quand je pense à ce que j'essaie de sauver, je ressens un tel besoin d'aide que ça me fait trembler. Aider quelqu'un, je le sais maintenant, c'est avoir aussitôt soi-même besoin de secours. Et ces jours, je bois toute sympathie comme un buvard, et la moindre bonté me fait l'effet de l'amour. Jamais je n'ai eu autant la conscience des autres, moi qui ai fondé ma vie sur la liberté. J'ai depuis peu des idées nouvelles, par exemple sur ce que ça veut dire « être présent ». Je pense sans cesse qu'un jour moi aussi je serai âgée, moi aussi je passerai un cap et je devrai m'en remettre à la bienveillance d'autrui. Lorsque ce jour viendra, qui dans ce monde pourra faire pour moi ce que je fais pour ma mère ? Qui sera présent ? Qui me soutiendra quand, à mon tour, je serai une personne vulnérable ? Et est-ce que je me tuerai un jour, pour cause de ce manque d'amour très particulier qui est le manque d'aide ?

Je la regarde, cette mère épuisée de quatre-vingt-six ans, après que je l'ai couverte d'affection, de jonquilles pour sa maison, de soins, de paroles réconfortantes, d'une nouvelle robe, d'une galette des Rois, de bonbons au gingembre, de plaisanteries sur le cours des choses, de récits enjolivés de mon quotidien, de foi certaine dans le fait qu'à notre époque les gens vivent si longtemps qu'on ne peut plus dire, et qu'au bout du compte on ne peut plus donner aucune norme, je lui affirme qu'elle a meilleure mine, je la regarde, oui, et devant son insouciance retrouvée, la blague qu'elle a de nouveau la malice de faire, je me dis : « Encore un effort, et elle ne mourra pas. »

Livre 15/21 pour le Challenge du 3% littéraire 1pourcent2010

18 octobre 2010

De deux choses l'une – Christine Détrez

Lu dans le cadre du partenariat Blog-O-Book et des éditions Chèvre-feuille étoilée

de_deux_choses_l_une Chèvre-feuille étoilée - août 2010 – 168 pages

Quatrième de couverture :
Jeanne et Jeanne, les sœurs siamoises, les inséparables.
Vierge folle et vierge sage. Et inversement. A l'écart des autres. Il y avait elles, et nous. Comme dans les histoires d'enfants où dans les clairières peuvent survenir les loups, et parce que les libellules, en anglais, s'appellent dragons, c'est l'histoire d'une petite fille qui se fait manger par un ogre. C'est également l'histoire d'une amitié en miroir, entre deux Jeanne, où dans les jeux de reflets, l'une d'elle finit par se retrouver. C'est enfin l'histoire d'une rivière et de la lumière entre les feuilles, qui peut dissiper les ombres quand on apprend à la regarder. Christine Détrez joue avec bonheur de l'art de la fiction et du suspense. Elle réussit à nous tenir en haleine et à nous surprendre jusqu'à la dernière page de ce deuxième roman qui confirme son talent.

Auteur : Christine Détrez est écrivaine. Elle est agrégée de lettres classiques et docteur en sociologie. Elle s'intéresse également aux représentations du corps dans la littérature et dans le discours social et médiatique. Ses ouvrages font aujourd'hui figure de référence sur ces thématiques. Ce livre est son second roman.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Drôle de lecture... Ce livre est troublant, en lisant la quatrième de couverture, on ne comprend pas vraiment ce que va être ce livre. Le premier chapitre est plutôt obscure et j'ai eu peur de ne pas comprendre ce livre. Ensuite, l'auteur nous raconte la première rencontre entre les deux « Jeanne » au collège et ce prénom désuet qui va les lier. Ensuite alterne des chapitres qui parlent du présent ou de leur enfance. Au fil des chapitres, nous découvrons des petites comptines connues. Mais peu à peu l'histoire nous dévoile des zones d'ombres, l'histoire est plus complexe que ce que l'on imagine, un terrible secret va faire basculer le livre. Pour ma part, la surprise a été totale avec une révélation finale inattendue.

J'ai du mal à dire si oui ou non j'ai aimé ce livre... Il m'a dérangé, j'ai eu beaucoup de questions restées sans réponse, et j'ai pourtant relu certains passages après avoir terminé le livre pour tenter de répondre à mes interrogations.

Ce livre se lit facilement et il est très bien écrit. L'auteur sait installer une ambiance qui devient de plus en plus pesante.

Merci à Blog-O-Book  aux éditions Chèvre-feuille étoilée de m'avoir permise de découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)
Elle grossira, je maigrirai. Plus elle enflera, plus je me creuserai. Plus elle épaissira, moins je pèserai. Elle, pieds fichés en terre, plus que jamais soumise aux lois de la gravité, et moi, légère comme une plume, presque envolée. On ne verra plus qu’elle, peau du ventre bien tendue, et moi, je disparaitrai, m’effacerai. Elle resplendira, et moi reflet inversé. Elle, la photo, toute en sourires, moi, le négatif embrumé d’obscurité. Brioche levée, chairs moelleuses où se moirera la lumière, et moi, morceau de pain sec, épaules et hanches osseuses. Elle, le fruit, la chair pulpeuse, la fertile. Moi, branche noueuse et tordue, sèche comme du sureau, comme disait ma grand-mère – c’est du poison, les graines de sureau, et pourtant, on en fait de la gelée. Et pourquoi les oiseaux ne s’en empoisonnent-ils pas ?
     Moi, l’écorchée des planches anatomiques de Vésale, et on pourra lire le dessin de mes veines, de mon squelette, de mes muscles sous ma peau transparente à force d’être fine. La peau sur les os. Elle, opulente, toute en seins, la Vénus de Gautier D’Agoty, qui, l’air de rien, absente et maquillée, au fait c’est à moi que vous parliez, présente son ventre ouvert où dort un fœtus. Elle va avoir un bébé.
     Comme des vases communicants, les deux parties jumelles d’un sablier, sœurs siamoises, ce qui remplit l’une vide l’autre, par osmose, par écoulement harmonieusement équilibré. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». L’étreinte accomplie, où nos formes s’épouseront parfaitement. L’une complète l’autre, deux pièces d’un puzzle, elle en relief, moi en creux. À nous deux, on sera cette bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Elle pleine et ample, épanouie – c’est toujours beau une femme enceinte – moi avalée de vide, comme aspirée de l’intérieur.
Chair de ses entrailles, leur chair et leur sang mêlés. Question de liquide. C’est bien une question de fluide, de liquide, après tout, il a suffi de quoi, ça représente quoi, une toute petite goutte, rien du tout, invisible à l’œil nu. Elle, son corps nu, et lui en elle, il a bien fallu. Et voilà, une tache noire sur une échographie, flottant dans cet espace inconnu, amniotique, c’est donc ça, juste ça, l’intérieur de son ventre, ce balayage de pois gris en arc de cercle comme la trace des essuie-glaces sur un pare brise, hop, effacée la tache, un détritus ramassé dans une pelle à poussières. Un petit coup de chasse d’eau, et ça disparaitrait dans le tourbillon, adieu. Non, à la place des cataractes en trombe, comment dit-on, ils nagent dans un océan de bonheur ? Une vague de joie les a submergés...

Livre 14/14 pour le Challenge du 2% littéraire 1pourcent2010

15 octobre 2010

La vie de ma mère ! - Thierry Jonquet

Lu durant le Read-A-Thon RAT_logo

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Gallimard – novembre 1994 – 142 pages

Folio – novembre 2001 – 147 pages

Quatrième de couverture :
Ce n'est pas l'histoire de sa mère car de mère, il en a si peu. Elle n'est jamais là, elle travaille comme standardiste de nuit à Lariboisière. Elle fait de son mieux. Alors il vit sa vie tant bien que mal et la raconte dans son langage à lui, le môme des cités. Il n'est pas fort en rédaction, mais lui aussi fait de son mieux...

Auteur : Né à Paris en 1954, auteur de polars, Thierry Jonquet fait figure de référence dans ce genre littéraire et bien au-delà. Engagé politiquement dès son adolescence, il entre à Lutte ouvrière en 1970 sous le pseudonyme de Daumier (caricaturiste du XIXe siècle), puis à la Ligue communiste révolutionnaire l'année de son bac. Après des études de philosophie rapidement avortées et plusieurs petits boulots insolites, un accident de voiture bouleverse sa vie : il devient ergothérapeute et travaille successivement dans un service de gériatrie puis un service de rééducation pour bébés atteints de maladies congénitales, et enfin dans un hôpital psychiatrique où il exerce les fonctions d'instituteur. Inspiré par l'univers de Jean-Patrick Manchette, son premier roman, 'Le Bal des débris', est publié en 1984 bien qu'il ait été écrit quelques années plus tôt. 'Mémoire en cage' paraît en 1982, suivent 'Mygale' (1984), 'La Bête et la belle', 'Les Orpailleurs' (1993), qui confirment le talent de Thierry Jonquet pour le roman au réalisme dur, hanté par la violence et les questions de société. Ainsi, 'Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte', paru en 2006 évoque sans tabous la violence et l'antisémitisme qui sévissent dans certaines banlieues. Thierry Jonquet a également scénarisé plusieurs bandes dessinées parmi lesquelles 'Du papier faisons table rase', dessiné par Jean-Christophe Chauzy. Plébiscité par la critique, l'une des plus élogieuses est signée Tonino Benacquista qui écrit de lui : 'Jonquet sculpte la fiction, c'est le matériau qu'il façonne pour lui donner une âme, le même que celui d'Highsmith ou de Simenon, il est difficile d'en citer beaucoup d'autres.' Alors qu'il venait de publier 'Ad Vitam aeternam', Thierry Jonquet, décède en août 2009, après avoir lutté deux semaines contre la maladie.

Mon avis : (lu en octobre 2010)

Ce livre raconte l'histoire assez banale de Kevin, jeune adolescent. Son père a quitté la famille lorsqu'il était tout petit, il vit seul avec sa mère qui travaille de nuit au standard de l'hôpital Lariboisière. Sa grande sœur travaille dans la coiffure et vit avec un portugais. Son grand frère travaille dans un garage en province. Il est au collège en 6ème SES (section d'éducation spécialisé) et il tombe amoureux de Clarisse une élève du collège, il va être encouragé à travailler un peu plus à l'école. Mais il va également rencontrer une bande de petits délinquants...

L'originalité de ce livre, c'est la façon dont l'histoire est racontée, car c'est Kévin lui-même qui raconte sa vie, avec son regard, mais aussi son langage de jeune des cités. Pour ce livre, Thierry Jonquet a fait un gros travail sur la langue des banlieues. Au début, j'ai eu un peu de mal à comprendre ce langage mais en lisant à haute voix certaines phrases, je m'y suis habituée. Et j'ai pris du plaisir à lire ce livre.

Extrait : (début du livre)
Il me l'avait bien dit, monsieur Bouvier, que si je continuais à faire l'andouille, je pourrais jamais aller au collège normal, comme les autres copains de la classe. Monsieur Bouvier, c'était le maître qu'on avait en CM2. Il était vachement sévère, monsieur Bouvier. Il me punissait sans arrêt, mais faut dire qu'on faisait le souk dans la classe, moi, Farid, Mohand et Kaou !
Monsieur Bouvier, il nous avait mis au fond, tous les quatre, à côté de l'aquarium, pour pas qu'on gêne les autres. On faisait les cons quand même, mais à force on avait plus envie, c'était toujours la même chose, alors on se tenait peinards. Pendant qu'ils faisaient les dictées ou les problèmes, on jouait avec nos Mega-drive ou on écoutait IAM sur nos walkmans.
Quand même, le jour où avec Farid, on a versé de la Javel Lacroix dans l'aquarium, là, monsieur Bouvier il a pas aimé. Les poissons, ils étaient tous crevés ! Le dirlo, il nous a fait style la morale, comme quoi on devrait avoir honte de tuer des pauvres bêtes, qu'on avait même pas le respect des animaux, et tout ! Il nous a bien pris la tête, làçui, avec ses poissons, mais à la cantine, on en mange bien, des trucs en carré panés, cap'tain Igloo comme à la télé, alors qu'est-ce qu'il y a, où qu'il est le respect avec ces poissons-là ?
Du coup, quand on lui a dit ça, à monsieur Bouvier, il s'est vachement véner, et il nous a collé une baffe, à moi, Kaou, Mohand et Farid. Il avait pas le droit de nous taper, c'est marqué dans le règlement de l'école. Même qu'après, Béchir, le grand frère à Farid, il a voulu pécho monsieur Bouvier, mais il l'a pas fait, il a juste niqué les pneus de sa Clio avec un cutter, dans le parking.

Déjà lu de Thierry Jonquet :

Ils_sont_votre__pouvante Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte

les_orpailleurs_p Les orpailleurs  mon_vieux Mon vieux

du_pass__faisons_table_rase_p Du passé faisons table rase ad_vitam_aeternam_p Ad vitam aeternam

m_moire_en_cage Mémoire en cage  moloch_p Moloch  mygale_p Mygale

le_secret_du_rabin_p Le secret du rabbin  la_belle_et_la_bete_p La Belle et la Bête

le_bal_des_d_bris_2010 Le bal des débris

13 octobre 2010

Il a jamais tué personne, mon papa - Jean-Louis Fournier

Lu durant le Read-A-Thon RAT_logo

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Stock – janvier 1999 – 152 pages

Livre de Poche – décembre 1999 – 150 pages

Quatrième de couverture :
Il était docteur, le papa de Jean-Louis Fournier.
Un drôle de docteur qui s'habillait comme un clochard, faisant ses visites en pantoufles et bien souvent ne demandait pas d'argent. Ses patients lui offraient un verre. Il n'était pas méchant, seulement un peu fou quand il avait trop bu ; il disait alors qu'il allait tuer sa femme. Un jour il est mort : il avait quarante-trois ans. Longtemps après, son fils se souvient. A petites touches, en instantané, il trace le portrait de ce personnage étonnant, tragique et drôle à la fois.
Il a appris, en devenant grand, l'indulgence. Et qu'il ne faut pas trop en vouloir à ceux qui, plus fragiles, choisissent de " mauvais " moyes pour supporter l'insupportable. Il en résulte un livre drôle et poignant qui a bouleversé des dizaines de milliers de lecteurs.

Auteur : Jean-Louis Fournier est un écrivain, humoriste et réalisateur de télévision né à Arras le 19 décembre 1938. Il est le créateur, entre autres, de La Noiraude et d'Antivol, l'oiseau qui avait le vertige. Par ailleurs, il fut le complice de Pierre Desproges en réalisant les épisodes de La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, ainsi que les captations de ses spectacles au Théâtre Grévin (1984) et au Théâtre Fontaine (1986). C'est également à lui que l'on doit l'intitulé de la dépêche AFP annonçant le décès de l'humoriste: "Pierre Desproges est mort d'un cancer. Etonnant non ?". Il adore Ionesco.
Jean-Louis Fournier est l'auteur de nombreux succès depuis 1992 (Grammaire française et impertinente), Il a jamais tué personne mon papa (1999), Les mots des riches, les mots des pauvres (2004), Mon dernier cheveu noir (2006). Autant de livres où il a pu s entraîner à exercer son humour noir et tendre. Où on va, papa est peut-être son livre le plus désespérément drôle.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
C'est un beau livre, très court et poignant, qui parle de l'alcoolisme et de ses conséquences sur un ton léger, plein de poésie et de tendresse.
C'est à la manière d'un petit garçon, Jean-Louis Fournier nous parle de son père.
" Mon papa était docteur. Il soignait les gens, des gens pas riches, qui souvent ne le payaient pas, mais ils offraient un verre en échange, parce que mon papa, il aimait bien boire un coup, plusieurs coups même, et le soir, quand il rentrait, il était bien fatigué. Quelquefois, il disait qu'il allait tuer maman, et puis moi aussi, parce que j'étais l'aîné et pas son préféré. Il était pas méchant, seulement un peu fou quand il avait beaucoup bu. Il a jamais tué personne, mon papa, il se vantait. "
A travers de nombreuses anecdotes, Jean Louis Fournier rend un bel hommage à l'humanité de son père malgré tout.
"Un jour, il est rentré avec sa traction dans un troupeau. Il a abimé quelques moutons mais il a pas écrasé le berger, il s'est arrêté juste devant."
"Un jour, le patron d'un des cafés où papa avait ses habitudes, il a fait des gros travaux dans son bistrot. Il a acheté un nouveau comptoir. Tout le monde a dit que c'était le docteur Fournier qui avait subventionné les travaux. Je ne savait pas ce que ça voulait dire, "subventionner", j'ai regardé dans le dictionnaire, ça veut dire « aider financièrement ».  Pourquoi maman, elle a pas ouvert un bistrot?"

Déjà lu du même auteur :

ou_on_va_papa_p Où on va papa ? le_cv_de_Dieu Le CV de Dieu

l_arithm_tique_impertinente L'arithmétique appliquée et impertinente

la_grammaire_impertinente La grammaire française et impertinente

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