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A propos de livres...
2 juillet 2011

Le portail - François Bizot

Challenge Destination Cambodge : 2 juillet 2011
proposé par evertkhorus

Destination_Cambodge

Le challenge consistait à découvrir un pays à travers sa littérature et/ou sa culture. Pour cela, il s'agissait de lire un livre se passant au Cambodge ou écrit par un Cambodgien et d'en faire la critique pour aujourd'hui. Nous pouvions aussi ce jour-là présenter des recettes, de la musique, des photos, des carnets de voyage...

   

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La Table Ronde – août 2000 – 397 pages

Folio – janvier 2002 – 439 pages

Prix des lectrices d'Elle, catégorie Essai, 2001

Quatrième de couverture : 
François Bizot, membre de l'École française d'Extrême-Orient, est fait prisonnier au Cambodge par les Khmers rouges, en 1971. Enchaîné il passe trois mois dans un camp de maquisards. Chaque jour, il est interrogé par l'un des plus grands bourreaux du vingtième siècle, futur responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts, aujourd'hui jugé pour crimes contre l'humanité : Douch. Au moment de la chute de Phnom Penh, en 1975, François Bizot est désigné par les Khmers rouges comme l'interprète du Comité de sécurité militaire de la ville chargé des étrangers auprès des autorités françaises. Il est le témoin privilégié d'une des grandes tragédies dont certains intellectuels français ont été les complices. Pour la première fois, François Bizot raconte sa détention. Grâce à une écriture splendide et à un retour tragique sur son passé, l'auteur nous fait pénétrer au coeur du pays khmer, tout en nous dévoilant les terribles contradictions qui - dans les forêts du Cambodge comme ailleurs - habitent l'homme depuis toujours.

Auteur : Membre de l'École française d'Extrême-Orient, François Bizot a été affecté depuis 1965 dans différents pays de la péninsule indo-chinoise dont il étudie les religions. Directeur d'études à l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il est titulaire de la chaire de "Bouddhisme d'Asie du Sud-Est".

Mon avis : (lu en juin 2011)
Le Cambodge est un pays que je ne connais pas, je me suis donc contentée de lire un livre qui était dans ma bibliothèque depuis très longtemps. En effet, j'avais acheté ce livre lors d'une conférence organisée à la Bibliothèque de ma commune en 2002 et où l'auteur nous avait parlé de son expérience de prisonnier au Cambodge puis d'interprète auprès des Khmers rouges.

François Bizot est arrivé au Cambodge en 1965. Ethnologue, il venait étudier le bouddhisme de l’Asie du sud-est dans la région des temples d’Angkor. Le 10 octobre 1971, il est arrêté avec ses 2 assistants khmers et interné durant 3 mois dans le camp dirigé par Douch.

Durant cette captivité, il est longuement interrogé  par Douch car on l’accuse d’espionnage, ces interrogatoires évoluerons  peu à peu en longues  discutions à propos du Cambodge et de la révolution Khmers. Il s’interroge aussi sur la personnalité de Douch.

« Dans la nuit, le feu vacilla. Une ombre sinistre dédoubla son visage. J'étais effrayé. Jamais je n'aurais cru que le professeur de mathématiques, le communiste engagé, le responsable consciencieux, puisse être en même temps l'homme de main qui cognait. »

Je me rappelle que lors de sa conférence, François Bizot disait que cet homme paraissait équilibré et intelligent et de savoir qu’il soit devenu un tortionnaire lui faisait peur et il s’interrogeait lui-même à ce propos, « Aurait-il pu un jour, lui François Bizot, devenir  un bourreau ?»

En 1971, Douch était un jeune chef révolutionnaire et François Bizot lui doit la vie. Il est l’un des 3 seuls survivants de ce camp.

Plus tard il deviendra l'un des plus terribles chefs de guerre et tortionnaire cambodgien.

Douch  a été arrêté en 1999 et jugé en 2009 pour crime contre l'humanité. En juillet 2010, il est condamné à 30 ans de prison.

Dans la deuxième partie du livre décrit avec grande précision la chute de Phnom Penh en 1975, à cette époque, François Bizot a été désigné par les Khmers rouges comme l'interprète du Comité de sécurité militaire de la ville chargé des étrangers à l’Ambassade de France, il est donc le témoin privilégié des tractations entre français et khmers rouge.

En écrivant ce billet, je réalise que ce livre est vraiment d’actualité même s’il parle de faits qui ont plus de trente ans… Il est question d’un otage et un nouveau procès d’anciens dirigeants Khmers rouge s’est ouvert il y a quelques jours au Cambodge.

Voilà un témoignage passionnant et fort sur une période difficile de l’Histoire du Cambodge.

 

Extrait : (page 29)
De mes souvenirs surgit aujourd’hui l’image d’un portail. Il m’apparaît, et je vois l’articulation dérisoire qui fut dans ma vie à la fois un début et une fin. Fais de deux battants qui hantent mes songes, d’un treillis de fer soudé sur un châssis tubulaire, il fermait l’entrée principale de l’ambassade de France quand les Khmers rouges sont entrés dans Phnom Penh, en avril 1975.
Je l’ai revu treize ans plus tard, lors de mon premier retour Cambodge. C’était en 1988, au début de la saison des pluies. Ce portail m’a semblé beaucoup plus petit et fragile. J’y ai, sans attendre, posé mes yeux et mes mains aveugles, immédiatement surpris de mon audace, hésitant sur ce que je cherchais au juste, et surtout ignorant de ce que j’allais y trouver : de la serrure légèrement de travers, des soudures visibles, des plaques de renforcement posées dans les coins, de toutes ce cicatrices qui m’apparaissaient soudain cruciales – mes yeux passant au travers ne s’y étaient jamais arrêtés -, un surprenant mélange de confusion et de crainte m’envahit ; devenu réel et comme doté d’existence, il me faisait éprouver du plaisir en même temps que resurgissait l’horreur.
Ce n’était pas seulement le plaisir du déclenchement des larmes. Cette nouvelle réalité, recouvrant mon souvenir, me fit songer aux soudeurs qui avaient posé sans soin le grillage sur le cadre, et aux maçons qui avaient fiché les charnières dans le ciment. Auraient-ils pu imaginer de quel drame ce montage un jour serait l’instrument ? Je ne m’expliquais pas qu’une ambassade ait pu recevoir une porte de si mauvaise facture ; ni qu’un grillage si fragile ait résisté à tant d’espoirs si forts, se soit ouvert à tant de maux si lourds. J’avais conservé l’image d’une structure beaucoup plus imposante, faite pour retenir, pour refouler, lourde, infranchissable ; or, la ferronnerie, tout à coup mise au jour, et dont je voyais (comme avec gêne) le matériau, les lésions, les souffrances, m’apparaissait dérisoire.
La douceur inattendue qui m’envahissait au moment même où remontait l’horreur – mélange qui coule maintenant dans mes veines pour toujours – fit vaciller mon corps sans chasser l’affliction qui m’étouffait. Je ressentis avec force la dérision du temps et le jeu frivole des choses.

 

 

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
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"Objet"

 

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11 juin 2011

Un Juif pour l'exemple – Jacques Chessex

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Grasset & Fasquelle – janvier 2009 – 102 pages

Livre de Poche – septembre 2010 – 88 pages

Quatrième de couverture :
1942 : l’Europe est à feu et à sang, la Suisse est travaillée de sombres influences. À Payerne, ville de charcutiers « confite dans la vanité et le saindoux », le chômage aiguise les rancœurs et la haine ancestrale du Juif. Autour d’un « gauleiter » local, le garagiste Fernand Ischi, et du pasteur Lugrin, proche de la légation nazie à Berne, s’organise un complot de revanchards au front bas, d’oisifs que fascine la virilité germanique. Ils veulent du sang. Une victime expiatoire. Ce sera Arthur Bloch, marchand de bestiaux. À la suite du Vampire de Ropraz, c’est un autre roman, splendide d’exactitude, à l’atmosphère lourde, que nous donne Jacques Chessex. Les assassins sont dans la ville.

Jacques Chessex, notre nouveau Flaubert, n’a pas son pareil pour décrire sans trembler des abominations, pour hurler à voix basse, pour fouiller la culpabilité dans une prose de confessionnal. Jérôme Garcin, Nouvel Observateur.

Un petit chef-d’œuvre. Il écrit en peintre, mais sobre, incisif, mordant, effarant et bref. Beauté du monde, fatalité du mal, silence de Dieu, tout est là, qu’on reçoit comme une claque. Marie-Françoise Leclère, Le Point.

Auteur : Romancier, essayiste et poète, Jacques Chessex est né en 1934 dans le canton de Vaud, en Suisse. En 1973, il a obtenu le prix Goncourt pour L’Ogre et, en 2007, le Grand Prix Jean Giono pour l’ensemble de son œuvre. Jacques Chessex est décédé le 9 octobre 2009.

Mon avis : (lu en juin 2011)
Voilà un livre qui se lit d’une traite puisqu’il ne fait qu’une centaine de pages. L’auteur nous raconte un drame qui a eu lieu dans son village suisse en avril 1942, alors qu’il était âgé de huit ans. Cet évènement sordide semble l’avoir hanté toute sa vie.
En 1942 à Payerne « les lieux sont beaux, d'une intensité presque surnaturelle », « Campagnes perdues, forêts vaporeuses à l'odeur de bête froide à l'aube, vallons giboyeux déjà pleins de brume, harpes des grands chênes à la brise tiède. » La guerre est loin de ce village prospère. Et pourtant, quelques antisémites, quelques sympathisants fascistes comme le pasteur Philippe Lugrin ou Fernand Ishi cherchent à faire grandir leur cause, admiratifs de ce qui se passe en Allemagne... Ils « ont galvanisé son public de chômeurs, d'aigris, de paysans déçus, d'appauvris, de gueulards impuissants et convulsifs ». En avril 1942, Ishi et ses compagnons décident de passer à l'action, ils choisissent une victime, Arthur Bloch un marchand de bestiaux. Ils organisent et exécutent un assassinat bestial. Les coupables seront rapidement arrêtés et jugés. Jamais ils ne manifesteront de regrets par rapport à leur acte. Et Payerne ne réagira pas, le village s'empressera d'oublier cet épisode odieux, seul reste l'inscription sur la pierre tombale : « Gott weiss warum » (Dieu sait pourquoi).
Au crépuscule de sa vie, Jacques Chessex nous dévoile avec beaucoup de sobriété un visage caché de la Suisse, soi-disant neutre et sage. Le lecteur est saisi par cette histoire vraie qui nous est raconté de façon factuelle. Le fanatisme, la violence et la bêtise ont entraîné la mort d'Arthur Bloch, « Un Juif pour l'exemple ». En lisant ce livre, je me suis pris une vraie claque.

Extrait : (début du livre)
Quand cette histoire commence, en avril 1942, dans une Europe jetée à feu et à sang par la guerre d'Adolf Hitler, Payerne est un gros bourg vaudois travaillé de sombres influences à l'extrémité de la plaine de Broye, près de la frontière de Fribourg. La ville a été la capitale de la reine Berthe, veuve de Rodolphe II, roi de Bourgogne, qui l'a dotée d'une abbatiale dès le dixième siècle. Rurale, cossue, la cité bourgeoise veut ignorer la chute récente de ses industries et les gens qu'elle a réduits à la misère, cinq cents chômeurs qui la hantent sur les cinq mille habitants de souche.

Le commerce du bétail et du tabac fait la richesse apparente de la ville. Et surtout la charcuterie. Le cochon sous toutes ses formes, lard, jambon, pied, jarret, saucisson, saucisse au chou et au foie, tête marbrée, côtelettes fumées, terrine, oreille, atriaux, l'emblème du porc couronne le bourg et lui donne son aspect débonnaire et satisfait. Dans l'ironie des campagnes, on appelle les Payernois les « cochons rouges ». Cependant les courants opaques circulent et se cachent sous la certitude et le commerce. Teint rose et cramoisi, terres grasses, mais menaces dans la cloison.
C'est loin, la guerre, pense-t-on communément à Payerne. C'est pour les autres. Et se toute façon l'armée suisse nous garantit de son dispositif invincible. Infanterie helvétique d'élite, artillerie puissante, aviation aussi performante que celle des Allemands et surtout, un dispositif anti-aérien décisif avec le 20 millimètres Oerlikon et le canon de 7.5. Sur tout le territoire accidenté les barrages, les fortins surarmés, les toblerones, et si ça se gâte, ultime défense, l'imprenable « réduit national » dans les montagnes du Vieux-Pays. Bien malin celui qui nous prendra en défaut.
Et dès le soir, l'obscurcissement. Rideaux clos, volets fermés, toutes sources de lumières éteintes. Mais qui obscurcit quoi ? Qui cache quoi ? Payerne respire et transpire dans le lard, le tabac, le lait, la viande des troupeaux, l'argent de la Banque Cantonale et le vin de la commune qu'on va chercher à Lutry sur les bords du lointain Léman, comme au temps des moines de l'abbatiale. Le vin qui soûle solairement, depuis bientôt un millénaire, une capitale confite dans la vanité et le saindoux.
Au printemps où commence cette histoire les lieux sont beaux, d'une intensité presque surnaturelle qui tranche sur les lâchetés du bourg. Campagnes perdues, forêts vaporeuses à l'odeur de bête froide à l'aube, vallons giboyeux déjà pleins de brume, harpes des grands chênes à la brise tiède. A l'est les collines enserrent les dernières maisons, les vallonnements s'allongent dans la lumière verte et dans les plantations à perte de vue le tabac commence à monter au vent de la plaine.
Et les bois de hêtres, bocages aérés, bosquets de pins, haies profondes, taillis clairs qui couronnent les collines de Grandcour. Mais le mal rôde. Un lourd poison s'insinue. O Allemagne, Reich de l'infâme Hitler. O Niebelungen, Wotan, Walkyries, Siegfried étincelant et buté, je me demande quelle fureur instille ces fantômes vindicatifs de la Forêt-Noire dans la douce sylve de Payerne. Rêve dévoyé d'absurdes chevaliers teutoniques qui assomme l'air de la Broye, un matin du printemps 1942, où Dieu et une bande d'autochtones fous se sont fait berner, une fois de plus, par Satan en chemise brune.

 

Lu dans le cadre du Challenge Voisins, voisines
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Suisse

10 juin 2011

Les enfants de la liberté – Marc Levy

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Robert Laffont – mai 2007 – 433 pages

Pocket – juin 2008 – 375 pages

Pocket – décembre 2009 – 367 pages

Quatrième de couverture :
Jeannot, Tu leur diras de raconter notre histoire dans leur monde libre. Que nous nous sommes battus pour eux. Tu leur apprendras que rien ne compte plus sur cette terre que cette putain de liberté capable de se soumettre au plus offrant. Tu leur diras aussi que cette grande salope aime l'amour des hommes, et que toujours elle échappe à ceux qui veulent l'emprisonner, qu'elle ira toujours donner la victoire celui qui la respecte sans jamais espérer la garder dans son lit. Dis-leur Jeanne, dis-leur de raconter tout cela de ma part, avec leurs mots à eux, ceux de leur époque. Les miens ne sont faits que des accents de mon pays, du sang que j'ai dans la bouche et sur les mains.

Auteur : Né en 1961 à Boulogne dans les Hauts-de-Seine, il quitte la France pour les États-Unis à 23 ans et fonde une société spécialisée dans l'image de synthèse. Il reste en Amérique du Nord, sa seconde patrie, pendant sept ans et revient à Paris avec le projet de créer un cabinet d'architecture avec deux de ses amis. Il en est directeur pendant près de dix ans. Aimant raconter des histoires, Marc Levy se met à l'écriture en amateur. Finalement, il décide d'envoyer son manuscrit à plusieurs éditeurs et ce sont les éditions Robert Laffont qui le contacteront. Son premier roman 'Et si c'était vrai ...' est très bien accueilli par le public et adapté au cinéma en 2005. Depuis, il se consacre à l'écriture et emmène le lecteur dans son univers où tout est possible. 'La Prochaine Fois' paraît en février 2005. En janvier 2006, les ventes de ses cinq livres, toutes éditions et langues confondues, ont dépassé les dix millions d'exemplaires. Ses romans, 'Mes amis, mes amours' et 'Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites' sont venus confirmer l'engouement pour cet auteur. Marc Levy vit à Londres.

Mon avis : (relu en mai 2011)
Les enfants de la liberté est le septième roman de Marc Levy, il est très différent des histoires habituelles de l'auteur.
Ce livre est un bel hommage aux étrangers qui se sont battus pour la France lors de la Seconde Guerre Mondiale. Marc Levy raconte ici l'histoire de son père et de son oncle, deux jeunes Juifs qui rentrent dans la Résistance, ils combattent, ils ont peur, ils tuent, des camarades se font tuer ou se font arrêter, ils passeront quelques temps dans la prison St Michel de Toulouse, puis se feront déporter après un périple long et pénible en train... Malgré les trahisons, les arrestations et la mort, l'espoir, le courage et la liberté sont toujours présents pour les faire avancer et espérer à un avenir meilleur.

Ce livre est bouleversant, car ses jeunes sont des enfants devenus trop vite adultes qui rêvaient de liberté ! Je n'oublierai pas Jacques, Boris, Rosine, Ernest, François, Marius, Enzo, Antoine, Charles, Claude, Alonso, Catherine, Sophie, Marc, Emile, Robert, Damira... des copains, espagnols, italiens, polonais, hongrois, roumains, les enfants de la liberté.

Extrait : (page 13)
« Ce 21 mars 1943, j'ai dix-huit ans, je suis monté dans le tramway et je pars vers une station qui ne figure sur aucun plan : je vais chercher le maquis.
Il y a dix minutes, je m'appelais encore Raymond, depuis que je suis descendu au terminus de la ligne 12, je m'appelle Jeannot. Jeannot sans nom. A ce moment encore doux de la journée, des tas de gens dans mon monde ne savent pas ce qui va leur arriver. Papa et maman ignorent que bientôt on va leur tatouer un numéro sur le bras, maman ne sait pas que sur un quai de gare, on va la séparer de cet homme qu'elle aime presque plus que nous.
Moi je ne sais pas non plus que dans dix ans, je reconnaitrai, dans un tas de paire de lunettes de près de cinq mètres de haut, au Mémorial d'Auschwitz, la monture que mon père avait rangée dans la poche haute de sa veste, la dernière fois que je l'ai vu au café des Tourneurs. Mon petit frère Claude ne sait pas que bientôt je passerai le chercher, et que s'il n'avait pas dit oui, si nous n'avions pas été deux à traverser ces années-là, aucun de nous n'aurait survécu. Mes sept camarades, Jacques, Boris, Rosine, Ernest, François, Marius, Enzo, ne savent pas qu'ils vont mourir en criant « Vive la France », et presque tous avec un accent étranger.
Je me doute bien que ma pensée est confuse, que les mots se bousculent dans ma tête, mais à partir de ce lundi midi et pendant deux ans, sans cesse mon coeur va battre dans ma poitrine au rythme que lui impose la peur ; j'ai eu peur pendant deux ans, je me réveille encore parfois la nuit avec cette foutue sensation. Mais tu dors à côté de moi mon amour, même si je ne le sais pas encore. Alors voilà un petit bout de l'histoire de Charles, Claude, Alonso, Catherine, Sophie, Rosine, Marc, Emile, Robert, mes copains, espagnols, italiens, polonais, hongrois, roumains, les enfants de la liberté.

Lu dans le cadre du Baby Challenge Contemporain 2011
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Baby Challenge - Contemporain Livraddict :
12/20 déjà lus  Médaille de bronze

 

28 avril 2011

J'irai pas en enfer – Jean-Louis Fournier

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Stock – mars 2001 – 148 pages

Stock – avril 2009 – 148 pages

Livre de Poche – mars 2003 – 156 pages

Quatrième de couverture :
Il a mis la Sainte Vierge dans les W.-C. de l'institution Saint-Joseph.
Il regarde les dames toutes nues dans les livres.
Et, surtout, il a fait à Dieu une promesse qu'il ne va pas tenir.
Le petit Jean-Louis a toutes les bonnes raisons pour aller cuire dans les marmites de l'enfer. Pourtant, quelquefois, il va au ciel. Quand Alfred Cortot lui joue Chopin, quand Luis Mariano lui chante La Belle de Cadix...
Après ses démêlés avec un père alcoolique (Il a jamais tué personne, mon papa), ses démêlés avec le Père éternel.

Auteur : Jean-Louis Fournier est un écrivain, humoriste et réalisateur de télévision né à Arras le 19 décembre 1938. Il est le créateur, entre autres, de La Noiraude et d'Antivol, l'oiseau qui avait le vertige. Par ailleurs, il fut le complice de Pierre Desproges en réalisant les épisodes de La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, ainsi que les captations de ses spectacles au Théâtre Grévin (1984) et au Théâtre Fontaine (1986). C'est également à lui que l'on doit l'intitulé de la dépêche AFP annonçant le décès de l'humoriste: "Pierre Desproges est mort d'un cancer. Etonnant non ?". Il adore Ionesco.
Jean-Louis Fournier est l'auteur de nombreux succès depuis 1992 (Grammaire française et impertinente), Il a jamais tué personne mon papa (1999), Les mots des riches, les mots des pauvres (2004), Mon dernier cheveu noir (2006). Autant de livres où il a pu s'entraîner à exercer son humour noir et tendre. Où on va, papa est peut-être son livre le plus désespérément drôle. 

Mon avis : (lu en avril 2011)
Voilà un petit livre d'à peine 150 pages qui se lit très rapidement et qui m'a fait passer un très bon moment.
Le petit Jean-Louis est un enfant turbulent, qui n'excelle pas en classe contrairement à son jeune frère. « J'arrive pas à me faire remarquer par des choses bien, comme mon frère Yves-Marie, alors je me fais remarquer par des choses mal. Je fais des bêtises pour faire rire les autres. Pour faire rire, je suis prêt à tout. Même à faire pleurer. »
Malgré la menace de l'Enfer, Jean-Louis ne peut pas s'empêcher de faire des pitreries, des bêtises et des péchés mortels. Il se sent pourtant coupable des souffrances qu'il afflige à Jésus sur la croix à chacune de ses frasques... C'est plus fort que lui.
Il lui arrive également des moments de grâce, « J'ai toujours voulu aller au ciel. Pas seulement mon âme, mon corps aussi. » Jean-Louis imagine alors avec son frère de fabriquer un hélicoptère à pédales... et autre un jour « Je suis monté au ciel à violon, plus rapidement qu'avec un hélicoptère à pédales, avec Felix Mendelssohn et son Concerto pour violon en mi mineur. »
De même, un jour où il se retrouve dans « un jardin de campagne, pas très grand, avec de tout, des fleurs, des légumes, des fruits qui poussaient tous ensemble. » En goûtant les abricots et les prunes de ce verger, Jean-Louis s'est senti au paradis...

A travers des anecdotes de son enfance, Jean-Louis Fournier évoque avec humour, légèreté et poésie ce qu'on lui apprenait au catéchisme ou chez lui autour de la religion.
L'épisode où Jean-Louis transporte la Sainte Vierge dans les w-c est l'une de ses plus grosses bêtises, et j'ai beaucoup aimé sa justification « On m'avait appris que la Sainte Vierge était belle et pleine de grâce. Pourquoi l'avoir représentée aussi mal ? » « Si j'ai mis la Sainte Vierge dans les chiottes, c'était pas seulement pour faire rigoler. J'avais une bonne raison. Je trouvais la statue moche. » « C'était pas moi qu'il fallait punir. C'était celui qui avait fait la statue. »
Le bon sens et la naïveté du petit Jean-Louis est implacable !
Encore une fois, j'ai été touché par ce livre de Jean-Louis Fournier qui au-delà de la légèreté de ses textes sait aussi faire passer un message plus profond. Merci à Pimprenelle d'avoir organisé ce Rendez-vous avec Jean-Louis Fournier. 

Extrait : (page 11)
Il a pas l'air en forme. Il a les yeux blancs levés au ciel. Il est barbouillé de sang, il est pâle comme un mort. On l'a accroché au mur sur sa croix, bien haut pour qu'il voie tout. A cette place-là, maintenant, on met les radars pour les cambrioleurs.
Dans la maison, il y a plein de Jésus. Un dans chaque pièce, on peut pas y échapper, où qu'on aille il est là. Il n'y a que dans les w-c où il n'y en a pas. Peut-être qu'à la longue, on ne les voit plus, mais ils sont là. Ils ont l'air de dire : « Regarde dans quel état tu nous as mis, nous sommes cloués sur une croix, nous avons une couronne d'épines sur la tête, nous avons un trou de lance au côté droit, nous saignons. Sais-tu pourquoi nous saignons ? A cause de toi. Nous sommes venus racheter les péchés du monde. Chaque fois que tu fais un péché, on nous enfonce un nouveau clou dans la chair. »
Que répondre à ça ?
Je baisse la tête, confus, honteux. Je suis très mal à l'aise. Je pense à mes péchés : j'ai regardé longtemps dans le décolleté de la maîtresse quand elle se penchait vers moi ; j'ai piqué un paquet de Players à mon père ; j'ai mangé une plaque de chocolat... Quand je pense que c'est à cause de ces péchés-là qu'ils sont en train de sanguinoler sur la croix. Ça me paraît un peu cher payé. Et puis surtout, je leur ai rien demandé.
Le pire, c'est qu'ils ne disent jamais rien. Ils ne se plaignent pas. J'aimerais mieux qu'ils m'engueulent. Au lieu de ça, ils me regardent de leurs bons yeux tristes avec du sang autour, l'air de dire : « On t'en veut pas, on t'aime toujours, on souffre comme une bête à cause de toi mais c'est rien, mon petit Jean-Louis, continue tes conneries, c'est nous qui payons l'addition. »
Le petit Jean-Louis frémit, il tremble. Il se sent tout petit devant le grand crucifix. Il baisse les yeux, honteux, sur ses galoches. Il ose plus regarder en l'air, le ciel.
A l'époque, chaque fois que je faisais un péché, j'entendais derrière moi un cri de douleur, je comprenais qu'on venait de lui planter un nouveau clou. Au début, ça gâche un peu le plaisir, mais après on s'habitue.
Maintenant, le cri, je l'entends même plus.

Déjà lu du même auteur :

ou_on_va_papa_p Où on va papa ? le_cv_de_Dieu Le CV de Dieu

 

l_arithm_tique_impertinente L'arithmétique appliquée et impertinente

 

la_grammaire_impertinente La grammaire française et impertinente

 

il_a_jamais_tu__personne_mon_papa Il a jamais tué personne, mon papa

20 avril 2011

Derniers fragments d’un long voyage – Christiane Singer

Lu durant le Read-A-Thon Avril 2011RAT_9_10_04_2011

derniers_fragment_d_un_long_voyage Albin Michel – avril 2007 – 135 pages

Quatrième de couverture :
Le 1er septembre, un jeune médecin annonce à Christiane Singer qu'elle a encore six mois au plus devant elle. Le 1er mars, Christiane Singer clôt le carnet de bord de ce long voyage. " Le voyage - ce voyage-là du moins - est pour moi terminé. A partir de demain, mieux : à partir de cet instant, tout est neuf. Je poursuis mon chemin. Demain, comme tous les jours d'ici ou d'ailleurs, sur ce versant ou sur l'autre, est désormais mon jour de naissance. "

Auteur : Née à Marseille en 1943, romancière et essayiste au charisme étonnant, Christiane Singer place la dimension intérieure et spirituelle propre à chacun et l'éthique de soi au coeur de son oeuvre. Ses parents étant originaires d'Europe Centrale, elle vit en Suisse et en Allemagne avant de s'établir près de Vienne. Lectrice à l'Université de Bâle et chargée de cours à celle de Fribourg, Christiane Singer suit également l'enseignement de Graf Karlfried Dürckheim, un des disciples de Jung. De sensibilité chrétienne, elle se fait connaître dès l'âge de 22 ans avec son livre 'Les Cahiers d'une hypocrite' qui paraît en 1965. Auteur d'une vingtaine d'ouvrages, elle gagne le prix des libraires en 1978 pour 'La Mort viennoise' qui prend pour sujet la peste qui a ravagé Vienne en 1679. Le prix Camus récompense 'Histoire d'âme' en 1988 et 'La Divine tragédie' sorti en 2006 est salué par la critique. Atteinte d'un cancer qui lui ôtera la vie, Christiane Singer rédige le récit 'Derniers fragments d'un long voyage' qui, à travers la douloureuse épreuve de la maladie, conte un bouleversant hymne à la vie. Décédée à Vienne, Autriche le 04 avril 2007.

Mon avis : (lu en avril 2011)
C'est un collègue de travail qui m'a prêté ce livre qu'il avait beaucoup aimé. Je ne connaissais pas cette auteur, j'ai trouvé ce livre bouleversant et très courageux.
L'histoire est difficile, car l'auteur Christiane apprend qu'elle va mourir, un jeune médecin le lui dit « Vous avez encore six mois au plus devant vous », elle décide donc raconter ces six mois.

Ce récit n'a rien de triste ou de déprimant, c'est une magnifique leçon de courage et de force spirituelle. Christiane parle avec beaucoup de pudeur de sa douleur physique, on retient surtout son immense message d'amour et d'espoir. Elle parle de sa foi, des ses proches qui sont des forces pour supporter ces moments douloureux.
Six mois plus tard, elle écrira : « Derniers fragments d'un long voyage. Voilà. Le carnet de bord est clos. Le voyage – ce voyage-là du moins – est pour moi terminé. A partir de demain, mieux : à partir de cet instant, tout est neuf. Je poursuis mon chemin. »

Un témoignage magnifique et fort qui ne laisse pas indifférent.

Extrait : (début du livre)
28 août 2006
Ces jours qui viennent vont sans doute me révéler l'origine médicale de mon mauvais état. A l'avenant ! Il y a un soulagement à savoir à quoi s'en tenir sur un plan restreint du moins.
Voilà trois semaines que je cherche ce carnet. Aujourd’hui comme posé par d'invisibles mains, le voilà derrière mon lit ! Quelles retrouvailles !
Ce qu'il y a à vivre, il va falloir le vivre.

Un jour plus tard
J'ai eu l'aventure de connaître après une minuscule anesthésie une heure d'amnésie une heure d'amnésie totale : de l'instant où Giorgio est venu me chercher à l'hôpital jusqu'à celui où je me suis effondrée sur mon lit à Rastenberg : un vide total. Il m'a tout raconté en détail : j'ai même fait les courses et rempli mon grand panier avec une conscience aiguë et précise, parlé gaiement à la caissière.
L'étrange sensation qu'un temps viendra où toute notre existence disparaîtra dans pareille fissure.
Ensuite j'ai somnolé indéfiniment. Beaucoup d'âmes amicales m'ont appelée, se préoccupant de moi.
Chaque fois que je me levais, je tombais aussitôt d'épuisement. M. m'a conseillé de faire une vraie soupe de bœuf et de boire le liquide ; je l'ai fait avec l'aide de V. et j'ai senti les forces revenir ; mémoire des temps bénis, de ces maladies enfantines qu'on nous accordait encore le temps de traverser avec, à nos côtés, une mère qui connaissait les gestes pour guérir.
Giorgio me dit ce soir que cette mininarcose m'a délivrée d'une programmation triste et que je lui parais libre.

1er septembre, trois jours plus tard
après une cascade d'évènements
La journée qui a suivi a été lugubre. Je n'ai fait que me faire pitié. Comme si je n'avais jamais eu de pratique bouddhiste de toute ma vie ! J'adhère à ma vie comme si je n'avais jamais connu la moindre distance. Mon potentiel de ressentiment me sidère.
Et alors ?
Entre-temps hospitalisée à Krems, je rencontre un maître dans ma voisine de chambre. Au dernier stade d'un cancer généralisé, elle a une énergie extraordinaire.
Aïe ! Aïe ! Aïe !

15h25
Verdict :
« Vous sacrifierez un coq à Esculape ! » lança joyeusement Socrate lorsqu'on lui annonça le verdict : sa condamnation à mort. (Il était d'usage alors pour une guérison inespérée de sacrifier un coq à Esculape.) Je ne raffole pas de l'idée de considérer la Vie en soi comme une maladie dont il faille guérir. Mais impossible de ne pas trouver du panache – une indéniable grandezza – à la repartie du vieux philosophe.

« Vous avez encore six mois au plus devant vous », me dit le jeune médecin. Ou s'adresse-t-il plutôt au cliché d'un mètre carré qu'il tient en main ? Une fois que ces mots ont été prononcés, toute la brume se trouve dissoute. C'est un climat qui me convient. Je ne veux pas me prendre en pitié, j'ai été si richement dotée. Ma vie est pleine à ras bord.
Encore six mois au plus devant vous !

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18 avril 2011

Danbé – Aya Cissoko et Marie Desplechin

Lu en partenariat avec Blog-O-Book et Calmann-Lévy

Lu durant le Read-A-Thon Avril 2011RAT_9_10_04_2011

danb_ Calmann-Lévy – février 2011 – 192 pages

Quatrième de couverture :
« J’aimerais que celle ou celui qui lira ce petit livre mesure ce qu’il a de déchirant. Il est mon au revoir à ceux que je laisse sur le quai. (…) Il est mon au revoir à mon enfance de petite fille noire en collants verts, qui dévale en criant les jardins de Ménilmontant. »

Quand Marie Desplechin rencontre Aya Cissoko, elle est touchée par la singularité de son histoire. Née de parents maliens, Aya a connu une petite enfance habitée de souvenirs délicieux, qui prend fin avec la disparition de son père et de sa petite sœur dans un incendie. Élevée par sa mère dans le respect du danbé, la dignité en malinké, Aya apprend à surmonter les épreuves et trouve dans la boxe un refuge.

Auteurs : Aya Cissoko, trente et un ans, championne du monde de boxe anglaise en 2006, est aujourd’hui étudiante à l’Institut d’études politiques de Paris.
Marie Desplechin a écrit une trentaine de livres pour la jeunesse, et une dizaine pour les plus grands. Elle a publié avec Lydie Violet un récit intitulé La Vie sauve, qui a reçu en 2005 le prix Médicis Essai.

Mon avis : (lu en avril 2011)
Ce livre est un récit autobiographique qu'Aya Cissoko a écrit avec Marie Desplechin.
Dès le début du livre Aya nous parle de son père Sagui venu du Mali en France pour travailler puis de sa mère Massiré arrivée en France à l'âge de 20 ans. Le couple aura bientôt quatre enfants : Issa, le fils aîné, puis deux filles Aya et Moussa et un dernier garçon Massou. La vie n'est pas facile, Sagui n'a pas toujours de travail mais la joie règne dans cette famille. Et survient le drame, dans la nuit du 27 au 28 novembre 1986, un incendie ravage l'immeuble, Sagui, le père, et Moussa, la petite sœur, vont mourir. « le feu a  été allumé pour tuer ».
Massiré refuse de repartir vivre au pays comme lui demande la communauté malienne de Paris, et elle s’installe avec ses trois enfants au 140 rue de Ménilmontant. C’est là que Massou, le petit dernier, mourra à son tour, d’une méningite soignée au Doliprane par les médecins moins d'un an après son père et sa sœur. Aya a neuf ans, elle écrit « je suis dans une solitude désespérée » .
Aya est une bonne élève et lorsque sa mère l'inscrira dans un club de sport, elle choisira la boxe. Elle va trouver dans la boxe un refuge et malgré quelques mauvaises fréquentations, elle va tracer sa route : elle devient championne du monde de boxe française en 1999 puis en 2003. En 2006, elle gagne le Championnat du monde de boxe anglaise. Une grave blessure la contraint à abandonner sa carrière sportive et Aya se lance un nouveau défi, reprendre des études. Elle obtient alors une bourse pour suivre une formation à l'Institut d'études politiques de Paris.

Le titre du livre danbé signifie « dignité » en malinké. C'est le code de conduite que Massiré apprend à Aya à respecter pour aller de l'avant dans son existence. Cette mère est admirable et Aya est battante et courageuse.

Voilà un livre plein d'espoir, plein d'amour, un témoignage fort et poignant. J'ai lu ce livre facilement et d'une traite, j'ai été émue par ce beau récit, Aya est une très belle personne.
Merci à Marie Desplechin d'avoir accompagnée Aya Cissoko dans l'écriture de ce livre.

Un grand merci à Blog-O-Book et Calmann-Lévy pour ce partenariat.

Extrait : (page 20)
Quand elle suit son mari tout neuf, Massiré Dansira est donc l'une des premières à quitter le village. Elle y acquiert le statut prestigieux d'aînée. Ma mère, l'aînée, ne parlera jamais à ses proches autrement qu'en bambara. Elle ne s'habillera jamais autrement qu'en jupe longue de wax. Et elle ne laissera plus jamais à quiconque le soin de décider de sa vie. Mais pour le moment, officiellement, elle a vingt ans. Elle vient d'arriver en France. On est en 1976. Au calendrier grégorien. Au village, c'est l'an 1354 de l'Hégire.

Je garde la nostalgie des journées qui n'en finissent pas, de leur matière légère, cotonneuse, des jeux de cache-cache dans les terrains vagues. Mon enfance est une période d'une extrême douceur. Un an après son mariage, Massiré a donné naissance à son premier fils, Issa. Je suis née un an après, en 1978. La petite fille qui me suit, en 1981, porte le nom de Massou. Deux ans plus tard naît un petit garçon, Moussa. Nous vivons tous les six dans quinze mètres carrés, peut-être vingt, au 22 de la rue de Tlemcen à Paris, à proximité du cimetière du Père-Lachaise. Notre immeuble compte sept étages et cinquante-cinq studios. Huit logements par palier, répartis autour de la cage d'un escalier de bois. Nous, c'est le studio 45, au sixième. Même s'ils le voulaient, les habitants du 22 sont trop à l'étroit pour s'ignorer. Personne ne ferme sa porte. Les enfants passent d'un appartement à un autre. Quand Massiré ne peut pas s'occuper de nous, c'est la voisine du cinquième qui nous donne à manger, ou alors celle du premier.
La pièce que nous habitons est meublée d'un grand lit à deux places, d'un petit lit pliable, et d'un lit à barreaux où peut dormir un bébé. Je dors avec Moussa et mes parents dans le grand lit. Massou est dans le lit à barreaux. La nuit tombée, on ouvre pour Issa le lit pliant qu'on place contre la porte. L'espace est si petit, si encombré, que les enfants doivent se percher quand mon père fait sa prière. Sagui garde un lien très étroit à la religion, il fait ses ablutions et prie cinq fois par jour. Il sort alors son tapis de prières et nous grimpons sur le lit. Les prières ne durent pas très longtemps. Il a tôt fait de ranger son tapis et nous pouvons redescendre.

 

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 Semaine Marie Desplechin  du 18 au 24 avril 2011

 

 

12 avril 2011

Maria – Pierre Pelot

Lu durant le Read-A-Thon Avril 2011RAT_9_10_04_2011

maria Editions Héloïse d’Ormesson – janvier 2011 - 128 pages

Quatrième de couverture : 
Les Vosges, sous l’Occupation. Maria est institutrice. Un matin, les maquisards viennent la chercher devant sa classe. Jean, son mari, est collabo. Elle n’en savait rien. Pour avoir été la femme d’un traître, pour l’avoir aimé, Maria paiera. Marquée à vie par la cruauté de ceux que la France élève bientôt au rang de héros, elle ne révélera jamais le châtiment qui lui a été injustement infligé.
Soixante ans plus tard, un jeune homme arrive dans cette contrée, à la recherche d’une pensionnaire de la maison de retraite. Dans son périple l’accompagne la voix envoûtante d’une conteuse qui, sur les ondes de la radio locale, évoque l’histoire de ces terres où gèlent les eaux de la Moselle.
Avec Maria, Pierre Pelot revient à sa géographie intime, honorant, dans une langue percutante et sensible, une région rude et secrète.

Auteur : Né en 1945 à Saint-Maurice-sur-Moselle où il vit toujours, Pierre Pelot a signé plus d'une centaine de livres, du polar à la SF. Il est l'auteur notamment de L'Eté en pente douce, C'est ainsi que les hommes vivent (prix Erckmann-Chatrian), Méchamment dimanche (prix Marcel Pagnol), L'Ombre des voyageuses (prix Amerigo Vespucci) et La Montagne des boeufs sauvages.

 

Mon avis : (lu en avril 2011)
Après avoir vu la présentation de ce livre à la Grande Librairie, j'ai eu très envie de le découvrir.
« Méfiez-vous des apparences », c'est le sous-titre du livre, et il a son importance.
Tout commence de nos jours, sur une route, dans les Vosges, à la tombée de la nuit. Un jeune homme vient rendre visite à Maria, l'une des pensionnaires de la maison de retraite. Maria est également une conteuse, elle raconte chaque jour sur la radio associative locale l'Histoire des Vosges et des ses habitants depuis le Moyen-Age.
En parallèle, le lecteur découvre que Maria a été la victime d'un événement sous l'Occupation allemande en octobre 1944. Ces faits qui vont bouleverser sa vie à jamais.
Ce livre raconte l’histoire de Maria, une histoire émouvante, bouleversante, pleine d'humanité et qui va nous surprendre dans les toutes dernières pages par un rebondissement final inattendu.
Pierre Pelot a une très belle écriture et ses descriptions des Vosges sont pleine de poésie et d'amour pour sa terre et ses habitants.
Des longs passages racontant l'Histoire des Vosges entrecoupent l'histoire de Maria, j'avoue en avoir survolé certains passages car j'avais hâte de connaître la conclusion de cette courte histoire.
A découvrir !

Extrait : (début du livre)
Un peu de blanc dans beaucoup de pluie, la méchante neige s'était mise à tomber en même temps que la nuit, à la sortie de la ville illuminée.
Des nœuds de fatigue s'étaient serrés plus durs entre ses épaules, les ankyloses et les crampes dans ses cuisses et mollets. Il avait failli s'arrêter sur une aire de stationnement, puis dans un café en bord de rue du premier village traversé, après Remiremont, mais il avait résisté, se disant qu'il touchait au but, qu'il ne lui restait guère plus d'une vingtaine de kilomètres – une vingtaine de kilomètres, après plus de 700 -, et il avait pris la voie rapide au flanc de la vallée qui filait presque droit à l'écart des villages.
La neige pourrie s'était épaissie. Les flocons plaqués au pare-brise tenaient une seconde avant de fondre. Cette averse voltigeuse l'avait surpris. C'était peut-être un peu tôt dans la saison. Il y avait encore beaucoup de feuilles aux arbres, jaunes et flamboyantes, pareilles à des flammes durcies. La neige, en principe, tombait après la chute des feuilles, non ? Il l'avait toujours cru, en tout cas.
Mais en vérité il ne savait rien de l'hiver ici. Ni des températures de saison.

Il ne savait rien de la région. Ça ne lui était jamais vraiment venu à l'esprit qu'on pût y vivre. Son père qui en venait ne lui en avait jamais vraiment parlé. Ou alors si loin qu'il ne s'en souvenait plus, n'en gardait que des images brumeuses et vagues. Quelques clichés, bien sûr, à se mettre sous la dent, pas mieux. La ligne bleue des Vosges, les bûcherons vosgiens, la Bête des Vosges, l'affaire Grégory... Comme des sortes d'accrocs dans un paysage lisse de montagnes rondelettes couvertes de sapins.
Il les avait aperçues au loin, les montagnes, en cache dressé devant l'horizon, un peu avant que le ciel se change en encre boueuse et que la nuit mélangée à la fange céleste s'affale, écrabouille et noie tout cela dans la brume sale et la bouillasse de neige et de pluie.

 

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
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"Prénom"

29 mars 2011

Le Fils – Michel Rostain

le_fils Oh ! Éditions – janvier 2011 – 173 pages

Prix Goncourt du Premier Roman 2011

Quatrième de couverture :
« Le onzième jour après ma mort, Papa est allé porter ma couette à la teinturerie. Monter la rue du Couédic, les bras chargés de ma literie, le nez dedans. Il se dit qu'il renifle mon odeur. En fait, ça pue, je ne les avais jamais fait laver ces draps ni cette couette. Ça ne le choque plus. Au contraire : subsiste encore quelque chose de moi dans les replis blancs qu'il porte à la teinturerie comme on porterait le saint sacrement. Papa pleure le nez dans le coton. Il profite. Il sniffe encore un coup la couette, et il pousse enfin la porte du magasin.
Papa ne peut plus traîner. Condoléances, etc. Le teinturier recondoléances, etc. débarrasse papa de la couette. Papa aurait voulu que ça dure, une file d'attente, une livraison, une tempête, juste que ça dure le temps de respirer encore un peu plus des bribes de mon odeur. Papa se dépouille, il perd, il perd. »

Auteur : Michel Rostain vit à Arles. Né en 1942, metteur en scène d'opéras, il a dirigé la Scène nationale de Quimper Théâtre de Cornouaille de 1995 à 2008.

Mon avis : (lu en mars 2011)
Ce n'est pas un roman, mais un récit sur un sujet difficile : la mort d'un enfant.

Le 25 octobre 2003, Michel Rostain a perdu son fils Lion, âgé de 21 ans, emporté par une méningite foudroyante.
Sept ans plus tard, l'auteur raconte ce terrible événement du point de vue de son fils mort. En effet, c'est la voix tendre et ironique du fils qui raconte la détresse de son père et de sa mère. Il raconte le jour de la mort, les lendemains avec le marketing des pompes funèbres, la cérémonie des obsèques... Il se moque de son père qui pleure comme une madeleine, qui se pose des questions sur l'inconscient de son fils... Il raconte la mécanique des funérailles qui se met en marche dès son dernier souffle, ses parents devant le catalogue des pompes funèbres... les obsèques d'un ami de ses parents 3 mois plus tôt qui avaient tournées au burlesque et qui était la répétition de ce que ses parents ne voulaient surtout pas revivre pour l'enterrement de leur fils. Il raconte aussi la cruauté de la Sécu qui refuse de traiter des feuilles de maladie en retard sous prétexte que « Votre livret de famille n'est pas à jour ! Il faut faire rayer votre fils du livret. »
C'est un livre qui nous fait pleurer et rire à la fois.
J'ai été profondément touchée et émue à la lecture de ce livre qui est aussi une belle leçon de vie et d'amour, et la conclusion du livre se veut optimiste : il n'y a pas de remède à la douleur, mais « On peut vivre avec ça. »

Extrait : (début du livre)
Papa fait des découvertes. Par exemple ne pas passer une journée sans pleurer pendant cinq minutes, ou trois fois dix minutes, ou une heure entière. C'est nouveau. Les larmes s'arrêtent, repartent, elles s'arrêtent encore, et puis ça revient, etc. Plein de variétés de sanglots, mais pas une journée sans. Ça structure différemment la vie. Il y a des larmes soudaines – un geste, un mot, une image, et elles jaillissent. Il y a des larmes sans cause apparente, stupidement là. Il y a des larmes au goût inconnu, sans hoquet, sans la grimace habituelle ni même les reniflements, juste des larmes qui coulent.
Lui, c'est plutôt le matin qu'il a envie de pleurer.

Le onzième jour après ma mort, Papa est allé porter ma couette à la teinturerie. Monter la rue du Couédic, les bras chargés de ma literie, le nez dedans. Il se dit qu'il renifle mon odeur. En fait, ça pue, je ne les avais jamais fait laver ces draps ni cette couette. Des jours, des mois et des mois que je dormais dedans. Ça ne le choque plus. Au contraire : subsiste encore quelque chose de moi dans les replis blancs qu'il porte à la teinturerie comme on porterait le saint sacrement. Papa pleure le nez dans le coton. Il évite les regards, il fait des détours bien au-delà du nécessaire, il prend à droite, rue Obscure, il redescend, puis non il remonte, rue Le Bihan, rue Émile Zola, les Halles, quatre cents mètres au lieu des cent mètres nécessaires, il profite. Il sniffe encore un coup la couette, et il pousse enfin la porte du magasin.
Yuna de la Friche est là en train de mettre des sous dans la machine à laver automatique, papa ne peut plus traîner. Condoléances, etc. Le teinturier recondoléances, etc. débarrasse papa de la couette. Papa aurait voulu que ça dure, un coup de téléphone d'un client, une file d'attente, une livraison, une tempête, juste que ça dure le temps de respirer encore un peu plus des bribes de mon odeur. Papa se dépouille, il perd, il perd.

De retour à la maison, il trouve la chienne en train de mordiller mes pantoufles. Là aussi il y a mes odeurs. Papa tu ne vas quand même pas te disputer avec Yanka et te mettre à sucer mes pompes puantes, non ?

26 mars 2011

L’attentat – Yasmina Khadra

  Yasmina_khadra

l_attentat l_attentat_ l_attentat_pocket

Juillard – juillet 2005 – 268 pages

Pocket – juin 2006 – 245 pages

Pocket – janvier 2011 – 245 pages

Prix des libraires 2006

Quatrième de couverture :
Dans un restaurant de Tel-Aviv, une femme se fait exploser au milieu de dizaines de clients. A l'hôpital, le docteur Amine, chirurgien israélien d'origine arabe, opère à la chaîne les survivants de l'attentat. Dans la nuit qui suit le carnage, on le rappelle d'urgence pour examiner le corps déchiqueté de la kamikaze. Le sol se dérobe alors sous ses pieds : il s'agit de sa propre femme. Comment admettre l'impossible, comprendre l'inimaginable, découvrir qu'on a partagé, des années durant, la vie et l'intimité d'une personne dont on ignorait l'essentiel ? Pour savoir, il faut entrer dans la haine, le sang et le combat désespéré du peuple palestinien...

Auteur : Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohammed Moulessehoul, est né en 1955 dans le Sahara algérien. Écrivain de langue française, son oeuvre est connue et saluée dans le monde entier. La trilogie Les hirondelles de Kaboul, L'attentat et Les sirènes de Bagdad, consacrée au conflit entre Orient et Occident, a largement contribué à la renommée de cet auteur majeur. La plupart de ses romans, dont A quoi rêvent les loups, L'écrivain, L'imposture des mots, et Cousine K, sont traduits dans 40 langues.

Mon avis : (lu en mars 2011)
Ayant déjà lu Les sirènes de Bagdad et les hirondelles de Kaboul avant d’avoir mon blog, je voulais depuis longtemps lire L'attentat qui complète la trilogie de Yasmina Khadra consacrée au conflit entre l’Orient et l’Occident. Le Rendez-vous mensuel de Pimprenelle autour de cet auteur m’a permis de découvrir ce livre dont j’avais beaucoup entendu parlé.
L’histoire se passe en Israël. Amine Jaafari est un chirurgien israélien d’origine palestinienne. Il est bien intégré en Israël et vit heureux avec sa femme, Sihem. Un jour, un attentat suicide a lieu dans un restaurant bondé de Tel-Aviv, proche de l’hôpital où Amine travaille. Il va passer sa journée à opérer les nombreuses victimes de l'attentat. De retour chez lui pour se reposer, au milieu de la nuit, on le rappelle à l'hôpital. Son ami Naveed, policier, lui annonce alors que le kamikaze était sa femme. C’est un grand choc pour Amine, au début il n’y croit pas, il pense qu’elle est seulement une victime. Mais il reçoit une lettre que sa femme lui a postée la veille de l’Attentat et il découvre que sa femme n’était pas celle qu’il croyait. Avec ce geste, sa femme a complètement bouleversé la vie d’Amine. Et le lecteur va suivre Amine dans sa quête entre Jérusalem, Bethléem, Janin et Tel-Aviv qui veut comprendre Pourquoi ? Pourquoi Sihem s'est-elle fait exploser dans un restaurant rempli d'enfants ? Pourquoi ne lui a-t-elle rien dit ? Et comment lui, Amine, n'a rien vu venir ?

Ce livre nous permet de découvrir peu à peu les coulisses du terrorisme, Amine est très touchant et bouleversant. L’écriture est très précise, des phrases courtes percutantes, des descriptions fouillées très visuelles, comme au cinéma. L'auteur a su traiter ce sujet difficile avec beaucoup de pudeur.
J’avais beaucoup aimé Les sirènes de Bagdad et les hirondelles de Kaboul, pour L’attentat j'ai exactement le même avis. Superbe.

Extrait : (page 35)
Je me sens me désintégrer... Quelqu' un me saisit par le coude pour m'empêcher de m'écrouler. L'espace d'une fraction de seconde, l'ensemble de mes repères se volatilise. Je ne sais plus où j'en suis, ne reconnais même plus les murs qui ont abrité ma longue carrière de chirurgien... La main qui me retient m'aide à avancer dans un couloir évanescent. La blancheur de la lumière me cisaille le cerveau. J'ai l'impression de progresser sur un nuage, que mes pieds s'enfoncent dans le sol. Je débouche sur la morgue comme un supplicié sur l'échafaud. L'autel est recouvert d'un drap maculé de sang... Sous le drap maculé de sang, on devine des restes humains...
J’ai soudain peur des regards qui se retournent vers moi.
Mes prières résonnent à travers mon être telle une rumeur souterraine.
Le médecin attend que je récupère un peu de ma lucidité pour tendre la main vers le drap, guettant un signe de la brute de tout à l’heure pour le retirer.
L’officier secoue le menton.
- Mon Dieu ! m’écrié-je.

J’ai vu des corps mutilés dans ma vie, j’en ai raccommodé des dizaines ; certains étaient tellement abîmés qu’il était impossible de les identifier, mes les membres déchiquetés qui me font face, là sur la table, dépassent l’entendement. C’est l’horreur dans sa laideur absolue… Seule la tête de Sihem, étrangement épargnée par les dégâts qui ont ravagé le reste de son corps, émerge du lot, les yeux clos, la bouche ouverte, les traits apaisés, comme délivrés de leurs angoisses… On dirait qu’elle dort tranquillement, qu’elle va soudain ouvrir les yeux et me sourire.
Cette fois, mes jambes fléchissent, et ni la main inconnue ni celle de Naveed ne parviennent à me rattraper.

Déjà lu du même auteur : Les_sir_nes_de_Bagdad Les Sirènes de Bagdad

24 mars 2011

Les insurrections singulières - Jeanne Benameur

les_insurrections_singuli_res Actes Sud – janvier 2011 – 197 pages

Quatrième de couverture :
Au seuil de la quarantaine, ouvrier au trajet atypique, décalé à l'usine comme parmi les siens, Antoine flotte dans sa peau et son identité, à la recherche d'une place dans le monde. Entre vertiges d'une rupture amoureuse et limites du militantisme syndical face à la mondialisation, il lui faudra se risquer au plus profond de lui-même pour découvrir une force nouvelle, reprendre les commandes de sa vie.
Parcours de lutte et de rébellion, plongée au cœur de l'héritage familial, aventure politique intime et chronique d'une rédemption amoureuse, Les Insurrections singulières est un roman des corps en mouvement, un voyage initiatique qui nous entraîne jusqu'au Brésil.
Dans une prose sobre et attentive, au plus près de ses personnages, Jeanne Benameur signe une ode à l'élan de vivre, une invitation à chercher sa liberté dans la communauté des hommes, à prendre son destin à bras-le-corps. Parce que les révolutions sont d'abord intérieures. Et parce que « on n'a pas l'éternité devant nous. Juste la vie ».

Auteur : Née 1952, en Algérie d'un père tunisien et d'une mère italienne, Jeanne Benameur vit en France depuis l'âge de 5 ans. Elle débute sa carrière d'écrivain avec des livres de jeunesse comme 'Samira des quatre routes' ou 'Adil coeur rebelle', avant d'ouvrir son registre à la littérature pour adulte. Lauréate du prix Unicef en 2001, Jeanne Benameur se distingue sur la scène littéraire avec 'Les Demeurées', l'histoire d'une femme illettrée et de sa fille. Directrice de collection chez Actes Sud junior ainsi qu'aux éditions Thierry Magnier, l'auteur publie son autobiographie, 'Ça t'apprendra à vivre' en 1998. Influencée par ses origines culturelles, Jeanne Benameur s'inspire aussi de son expérience d'enseignante pour évoquer les thèmes de l'enfance (' Présent ?') mais aussi de la sensation et du corps (' Laver les ombres') dans un style pudique et délicat. Elle publie aussi 'Les Mains libres'.

Mon avis : (lu en mars 2011)
"Parce que les révolutions sont d'abord intérieures. Et parce qu'on n'a pas l'éternité devant nous. Juste la vie", cette phrase résume bien le fond de ce livre.
Antoine est un ouvrier de quarante ans, même avec un bac en poche, faute de motivation il a préféré travailler à l'usine comme son père. Lorsque le livre commence, Antoine fait le point sur sa vie, l'usine dans laquelle il travaille est menacée de délocalisation, sa compagne vient de le quitter et il est revenu s'installer chez ses parents. Rien a changé dans la maison familiale, l'image que lui renvoie ses parents l'effraye, il veut faire autre chose de sa vie.
Après sa rencontre avec Marcel un vieux bouquiniste et la lecture d'un livre, Antoine décide de partir au Brésil dans la ville où son usine doit être délocalisée. Un voyage inoubliable...

Une belle histoire, une écriture simple, précise, pleine de poésie. Des phrases courtes qui chantent comme une musique. J'ai beaucoup aimé ce livre, surtout la partie du voyage au Brésil.

Extrait : (début du livre)
Il y a longtemps, j'ai voulu partir. Ce soir, je suis assis sur les marches du perron. Dans mon dos, la maison de mon enfance, un pavillon de banlieue surmonté d'une girouette en forme de voilier, la seule originalité de la rue. Je regarde la nuit venir.

C'était un soir, dans la cuisine, celle qui est toujours là si je me retourne, que j'ouvre la porte et je fais six pas pour arriver au fond du couloir. C'était comme ce soir, trop chaud.
Mon père fignolait une de ses maquettes de bateaux anciens. Sur la toile cirée, ses doigts, quand ils avaient appuyé longtemps, laissaient une trace, comme la buée sur les vitres. Et puis la trace disparaissait.
Ce soir-là, j'ai eu peur. Peur, si je restais dans cette cuisine, dans cette maison, de devenir comme la trace des doigts de mon père. Juste une empreinte. Qui disparaîtrait aussi.
Je fixais la maquette.
Ma mère faisait la vaisselle. Le clapotis de l'eau dans l'évier pour accompagner tous les rêves de caravelle.
Et ma poitrine qui se serrait. J'avais huit ans. Les maquettes, c'était le monde en miniature, un monde qui tenait dans le creux d'une main. Réduit. Moi, le monde, je le voulais grand. Pas réduit.
Et ma respiration se cognait contre les bords.

Déjà lu du même auteur :
les_demeur_es Les Demeurées les_mains_libres_p_ Les Mains libres
c_a_t_apprendra___vivre Ça t'apprendra à vivre
 laver_les_ombres  Laver les ombres
si_m_me_les_arbres_meurent_2 Si même les arbres meurent
 pr_sent Présent ?

 

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