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A propos de livres...
22 mai 2013

Immortelle randonnée Compostelle malgré moi - Jean-Christophe Rufin

immortelle_randonnee Editions Guérin - avril 2013 - 258 pages

Quatrième de couverture :
Jean-Christophe Rufin a suivi à pied, sur plus de huit cents kilomètres, le «Chemin du Nord» jusqu'à Saint-Jacques-de-Compostelle. Beaucoup moins fréquenté que la voie habituelle des pèlerins, cet itinéraire longe les côtes basque et cantabrique puis traverse les montagnes sauvages des Asturies et de Galice. 

«Chaque fois que Ton m'a posé la question : "Pourquoi êtes-vous allé à Santiago ?", j'ai été bien en peine de répondre. Comment expliquer à ceux qui ne l'ont pas vécu que le Chemin a pour effet sinon pour vertu de faire oublier les raisons qui ont amené à s'y engager ? On est parti, voilà tout.»
Galerie de portraits savoureux, divertissement philosophique sur le ton de Diderot, exercice d'autodérision plein d'humour et d'émerveillement, Immortelle randonnée se classe parmi les grands récits de voyage littéraires.

Auteur : Jean-Christophe Rufin, médecin, pionnier du mouvement humanitaire, a été ambassadeur de France au Sénégal de 2007 à 2010. Il est l'auteur de romans désormais classiques tels que L'Abyssin, Globalia, Rouge Brésil, prix Concourt 2001. Il est membre de l'Académie française depuis 2008.

Mon avis : (lu en mai 2013)
Jeudi dernier, je voyais Jean-Christophe Rufin à La Grande Librairie et dès le lendemain, je commençais avec beaucoup de plaisir son nouveau livre... 

Dans ce livre, l’auteur partage avec nous son périple sur le Chemin de Saint Jacques de Compostelle. Il est parti d’Hendaye et a choisi le Chemin du Nord un chemin plus sauvage et moins emprunté, qui longe la mer.
Le récit est passionnant et sans concession, il s’y se mêle ses réflexions personnelles sur le Chemin, quelques explications historiques, des descriptions des paysages ou des lieux traversés, des portraits souvent plein d’humour des pèlerins divers et variés, et ses péripéties personnelles…
Le style est vivant et généreux, à aucun moment je ne me suis ennuyée !  
« Le Chemin est une force. Il s'impose, il vous saisit, vous violente et vous façonne. »
Partager  ce Chemin mythique avec l’auteur  est un vrai enchantement pour le lecteur et donne envie de tenter l’aventure à son tour…

Extrait : (début du livre)
LORSQUE, comme moi, on ne sait rien de Compostelle avant de partir, on imagine un vieux chemin courant dans les herbes, et des pèlerins plus ou moins solitaires qui l'entretiennent en y laissant l'empreinte de leurs pas. Erreur grossière, que l'on corrige bien vite lorsqu'on va chercher la fameuse credencial, document obligatoire pour accéder aux refuges pour pèlerins !
On découvre alors que le Chemin est l'objet sinon d'un culte, du moins d'une passion, que partagent nombre de ceux qui l'ont parcouru. Toute une organisation se cache derrière le vieux chemin : des associations, des publications, des guides, des permanences spécialisées. Le chemin est un réseau, une confrérie, une internationale. Nul n'est contraint d'y adhérer, mais cette organisation se signale à vous dès le départ, en vous délivrant la credencial, ce passeport qui est bien plus qu'un bout de carton folklorique. Car, dûment fiché comme futur-ancien-pèlerin, vous recevrez désormais des bulletins d'études savants, des invitations à des sorties pédestres et même, si vous habitez certaines villes, à des séances de restitution d'expériences, organisées autour de voyageurs fraîchement rentrés. Ces rencontres amicales autour d'un verre s'appellent « Le vin du pèlerin » !
J'ai découvert ce monde en entrant par une après-midi pluvieuse dans la petite boutique sise rue des Canettes à Paris, dans le quartier Saint-Sulpice, siège de l'association des Amis de Saint-Jacques. L'endroit détone, au milieu des bars branchés et des boutiques de fringues. Il fleure bon sa salle paroissiale et le désordre poussiéreux qui l'encombre a l'inimitable cachet des locaux dits « associatifs ». Le permanencier qui m'accueille est un homme d'un certain âge - on dirait aujourd'hui un « senior », mais ce terme n'appartient pas au vocabulaire jacquaire. Il n'y a personne d'autre dans la boutique et j'aurais l'impression de le réveiller s'il ne se donnait pas beaucoup de mal pour paraître affairé. L'informatique n'a pas encore pris possession du lieu. Ici règnent toujours la fiche bristol jaunâtre, les dépliants ronéotypés, le tampon baveux et son encreur métallique.
Je me sens un peu gêné de déclarer mon intention - pas encore arrêtée, pensé-je - de partir sur le Chemin. L'ambiance est celle d'un confessionnal et je ne sais pas encore que la question du « pourquoi » ne me sera pas posée. Prenant les devants, je tente des justifications qui, évidemment, sonnent faux. L'homme sourit et revient à des questions pratiques : nom, prénom, date de naissance.
Il me conduit peu à peu jusqu'au grand sujet : est-ce que je souhaite adhérer à l'association avec le bulletin - c'est plus cher - ou sans, c'est-à-dire en payant le minimum : il me donne les prix de chaque option. Les quelques euros de différence lui semblent suffisamment importants pour qu'il se lance dans une longue explication sur le contenu précis des deux formes d'adhésion. Je mets cela sur le compte d'un désir louable de solidarité : ne pas priver de Chemin les plus modestes. En cours de route, j'aurai l'occasion de comprendre qu'il s'agit de bien autre chose : les pèlerins passent leur temps à éviter de payer. Ce n'est souvent pas une nécessité, mais plutôt un sport, un signe d'appartenance au club. J'ai vu des marcheurs, par ailleurs prospères, faire d'interminables calculs, avant de décider s'ils commanderont un sandwich (pour quatre) dans un bar, ou s'ils feront trois kilomètres de plus pour l'acheter à une hypothétique boulangerie. Le pèlerin de Saint-Jacques, que l'on appelle un Jacquet, n'est pas toujours pauvre, loin s'en faut, mais il se comporte comme s'il l'était. On peut rattacher ce comportement à l'un des trois voeux qui, avec la chasteté et l'obéissance, marquent depuis le Moyen Âge l'entrée dans la vie religieuse ; on peut aussi appeler cela plus simplement de la radinerie.

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18 mai 2013

En souvenir d'André - Martin Winkler

en_souvenir_d_Andr_ POL - octobre 2012 - 197 pages

Quatrième de couverture :
Ça se déroulait toujours de la même manière. Une voix appelait sur mon cellulaire, tard le soir ou tôt le matin. Elle demandait à me rencontrer en tête-à-tête. Et donnait la phrase rituelle : 

« En souvenir d'André. »
Je me rendais à l'adresse indiquée et là, je rencontrais un homme, parfois seul, parfois avec une autre personne, de son âge ou plus jeune. On ne faisait pas de présentations. Ils connaissaient mon nom, ils m'avaient donné leur prénom. Lorsque le malade souffrait trop, l'autre personne était là pour m'expliquer. Je l'arrêtais très vite.
« Je vais d'abord m'occuper de la douleur. »

Auteur : Né à Alger, en 1955, sous le nom de Marc Zaffran, Martin Winckler part en 1962 d'Algérie pour la France avec ses parents. Il passe son enfance à lire durant des journées entières et à écouter la radio. Dès 13 ans, enfant solitaire, il se met à écrire des nouvelles fantastiques inspirées de ses lectures. Après le bac, il part un an en Amérique où il comprend que devenir écrivain n'est ni scandaleux ni extravagant. De retour en France, il s'inscrit à la Faculté de médecine de Tours et devient un fervent lecteur de Georges Pérec. En 1983, après la mort de sa mère, il écrit 'Les Cahiers Marcoeurs' et se joint à la rédaction de la revue médicale 'Prescrire'. Dès 1984, il publie ses premières nouvelles sous le pseudonyme de Martin Winckler dans la revue 'Nouvelles Nouvelles'. En 1989, son premier roman 'La vacation' est publié et est lauréat du Festival du Premier Roman de Chambéry en 1990. En 1993, Martin Winckler cesse d'exercer la médecine et se consacre totalement à la traduction et à l'écriture.

Mon avis : (lu en mai 2013)
Ce livre est bouleversant, avec beaucoup de douceur et de pudeur Martin Winckler nous parle de la fin de vie et de l'euthanasie. C'est un sujet grave qui nous interpelle tous et qui est traité ici avec beaucoup d'humanité. 

Le narrateur est un médecin qui assiste des malades en fin de vie. Lorsque l'on appelle sur son portable avec la phrase « En souvenir d'André », il prend rendez-vous pour rencontrer le patient, avant toute chose, il prendra du temps pour soulager les douleurs du patient et pour l'écouter. Ce livre raconte les différentes rencontre en ce médecin et ses patients. 
Avec ce roman, Martin Winkler exprime ses réflexions sur le sujet, dénonce l'indifférence de certains médecins, il donne différents points de vue : celui des souffrants, des parents, des médecins proches de leurs patients. C’est un roman intelligent et efficace.

Extrait : (début du livre)
D'abord, l'officier d'état civil a examiné tes papiers d'identité et constaté que ton nom, ta date de naissance et ton numéro matricule sont identiques à ceux qu'indique le document officiel. Puis il a consulté le dossier administratif attestant que le patient a bien subi - j'utilise le mot à dessein - son entretien psychiatrique. Que l'expert y affirme son bon équilibre mental et souligne l'absence de signes de dépression. Que la maladie est incurable et que, quoique bénéficiant de soins palliatifs de qualité, le patient a exprimé sa demande auprès de trois médecins différents, à trois semaines d'intervalle, comme la loi l'exige. Et que tous ont donné leur accord.
Une fois ces précautions prises, il t'a permis de lire le dossier. C'est un document médical anonyme, un peu technique : il retrace l'itinéraire du patient depuis les premiers symptômes, passe en revue les examens diagnostiques, les choix thérapeutiques effectués en conformité avec l'état des connaissances, la longue phase de rémission de cinq ans, les deux récidives et leurs traitements - manifestement efficaces puisqu'ils lui ont valu, respectivement, quatre ans et vingt-sept mois supplémentaires de répit. Pour en arriver à la rechute survenue il y a neuf mois, avec la découverte de lésions disséminées dans plusieurs organes vitaux, parmi lesquels le foie, les deux poumons, la colonne vertébrale et, possiblement - mais il a refusé l'examen qui aurait permis de le confirmer - le cerveau. Tu as lu tout cela avec curiosité et le malaise qu'on éprouve en découvrant des secrets qui ne nous appartiennent pas. Mais c'est la règle : que tu décides ou non de prendre contact, tu dois le faire en connaissance de cause.
Ton imagination s'envole. C'est comme ça, tu n'y peux rien, tu as besoin de remplir le vide et de le peupler de figures en trois dimensions, même floues. Comme d'autres l'auraient fait à ta place, tu t'es préparé à rencontrer une épave, un corps humain replié de douleur, amaigri par la maladie, déformé par les interventions qui lui ont retiré un organe par-ci, un organe par-là, et cloué au fauteuil ou au lit, bardé de tuyaux divers et variés.
Mais tu fais erreur. La maladie n'a pas dévoré un organe vital, elle a pris naissance dans une multitude de localisations et le patient a été traité par chimiothérapie, non par la chirurgie. Jusqu'à sa rechute, il y a quelques semaines, il était parfaitement valide. Selon les dernières observations - effectuées juste avant qu'on te communique le dossier -, il était en parfaite possession de ses moyens intellectuels. Certes, il est âgé - soixante-dix-sept ans -, mais au jour d'aujourd'hui, vu le nombre et l'état des centenaires, les moins de quatre-vingts ans sont souvent de première jeunesse.

 

la_maladie_de_sachs_p La maladie de Sachs  le_choeur_des_femmes Le Chœur des femmes

les_trois_m_decins_p Les Trois médecins 

   Challenge Petit BAC 2013
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"Prénom"

Challenge 7% Littéraire 2012

  logochallenge2  
43/49

 

14 mai 2013

La femme de nos vies - Didier van Cauwelaert

Lu dans le cadre du Prix Relay des Voyageurs 
Sélection mai

la_femme_de_nos_vies Albin Michel - mars 2013 - 294 pages

Quatrième de couverture :
Nous devions tous mourir, sauf lui. Il avait quatorze ans, il était surdoué et il détenait un secret. Moi, on me croyait attardé mental. Mais ce matin-là, David a décidé que je vivrais à sa place.

Si j’ai pu donner le change, passer pour un génie précoce et devenir le bras droit d’Einstein, c’est grâce à Ilsa Schaffner. Elle m’a tout appris : l’intelligence, l’insolence, la passion. Cette héroïne de l’ombre, c’est un monstre à vos yeux. Je viens enfin de retrouver sa trace, et il me reste quelques heures pour tenter de la réhabiliter.

Auteur : Né en 1960 à Nice, Didier van Cauwelaert cumule, depuis ses débuts, prix littéraires et succès public : Prix Del Duca pour son premier roman en 1982 (Vingt ans et des poussières), prix Roger Nimier, prix Goncourt (Un aller simple, 1994), Molière 1997 du meilleur spectacle musical (Passe-Muraille), Grand Prix du théâtre à l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre, Grand Prix des lecteurs du Livre de Poche (La Vie interdite, 1999), Prix Femina Hebdo du Livre de Poche (La Demi-pensionnaire, 2001), etc.

Mon avis : (lu en mai 2013)
J'ai dévoré ce livre inspiré d'une histoire vraie. C'est à la fois un roman d'aventure et un roman d'amour. 

David Rosfeld et Jürgen Bolt se sont rencontrés dans le même dortoir de l'hôpital d’Hadamar. C'était en janvier 1941, ils ont quatorze ans et treize ans et demi. L'un est juif et surdoué, l'autre est un jeune paysan considéré comme attardé mental par sa famille. David est à l'hôpital à cause des crises d'épilepsie depuis l'assassinat de sa mère Yael Rosfeld, une grande physicienne atomiste. Jürgen est envoyé à l'hôpital par sa famille parce qu'il a refusé de mener à l'abattoir un des veaux de la ferme. Mais l'hôpital psychiatrique  d'Hadamar est devenu l'un des six instituts d'euthanasie créés par le troisième Reich, ainsi lorsque David et Jürgen se rencontrent la « nouvelle salle de douche » est sur le point d'être inaugurée.
Ilsa Schaffner est une auxiliaire féminine de la Wehrmacht, elle est venue tester David pour l'emmener dans l'école d'enfants surdoués qu'elle dirige au château d’Helm avec son ami Gert qui lui, s'occupe de dresser des chiens pour l’armée nazie.
Mais David ne veut pas rejoindre cette école, « Je n'ai pas envie de survivre dans leur monde. Je refuse d’être le meilleur dans une société sans âme qui tue ceux qu’elle juge inférieurs. » Il choisit donc donner sa place avec Jürgen, en échangeant leurs identités. David donne à Jürgen la mission de vivre pour lui, d'être utile et heureux. Bernée par ce petit juif, Ilsa accepte malgré elle d'être la complice de cette imposture.  Lorsque le livre commence nous sommes soixante-dix ans après. David est au chevet d’Ilsa et il croise sa petite-fille Marianne Le Bret. Celle-ci a toujours détesté sa grand-mère qui n'est pour elle qu’une criminelle nazi. David va alors tenter de réhabiliter Ilsa auprès de sa petite fille en lui racontant son histoire.

J'ai trouvé original ce dialogue à une seule voix, le destin de David-Jürgen est incroyable. Le regard de l'autre à déterminé sa vie. Petit vacher considéré comme attardé par les siens, son ami David l'a vu comme quelqu'un de débrouillard avec l'esprit pratique et surtout avec l'intelligence du cœur. Devenu « enfant surdoué », le regard des autres a changé, et avec l'aide et le soutien d'Ilsa, il a su faire illusion puis il est devenu l'assistant des plus grands scientifiques. 

Un roman formidable et une grande leçon de vie.

Extrait : (début du livre)  
On n'attend plus rien de la vie, et soudain tout recommence. Le temps s'arrête, le cœur s'emballe, la passion refait surface et l'urgence efface tout le reste. Il a suffi d'une alerte sur mon ordinateur pour que, dès le lendemain, je me retrouve à six mille kilomètres de chez moi, l'année de mes quatorze ans. L'année où je suis mort. L'année où je suis né.

Peu de choses ont changé à Hadamar. C'est resté une charmante bourgade du bassin de Limburg, entourée de forêts, avec un centre-ville à colombages et un jardin public réputé pour ses roses. L'hôpital psychiatrique est toujours en activité. Simplement repeint dans des tons plus pastel, avec un mémorial et des panneaux pour touristes. La « nouvelle salle de douche », comme on nous disait à l'époque est devenue un musée.
C'est la première fois que je remets les pieds en Allemagne. Retrouver ici, à l'endroit même de notre rencontre, la femme que j'ai cherchée en vain toute ma vie, comment serait-ce le fruit d'une coïncidence ? Ironie subsidiaire, la chambre 313 est à l'étage où se trouvait jadis mon dortoir.

Je demeure figé sur le seuil, appuyé d'une épaule au chambranle. Telle qu'elle était soixante-dix ans plus tôt, mais vêtue à la mode d'aujourd'hui, Ilsa Schaffner se tient de trois quarts-dos, penchée au-dessus du lit médicalisé. Le même âge, la même blondeur, la même nuque si fine contrastant avec les épaules carrées, la même crispation au coin des lèvres... Seul un chignon a remplacé la coupe à la garçonne. Et un tailleur gris moule sa silhouette en lieu et place de l'uniforme.
Immobile au-dessus de la vieille dame endormie, elle est comme son fantôme avant terme, son duplicata d'autrefois. Sa doublure jeunesse - comme les gens de cinéma disent : « une doublure lumière ». A ce niveau de ressemblance, le doute n'est pas permis : la femme à qui je dois tout a eu, elle, une descendance. L'unique rêve de ma vie qui ne soit pas devenu réalité.

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Déjà lu du même auteur :

la_maison_des_lumi_re La maison des lumières le_pare_adoptac  Le père adopté 

 

11 mai 2013

La part du feu - Hélène Gestern

la_part_du_feu Arléa - janvier 2013 - 219 pages

Quatrième de couverture :
Ma fille aura vu l'archive d'un mouvement
dont plus personne ne se souvient.
Ces gens et ces événements ne sont
que des abstractions pour elle.
Elle ne fera jamais le lien.


À la suite d'une révélation qui la bouleverse, Laurence Emmanuel comprend que sa vie est peut-être moins simple qu'elle ne le pensait.
Elle décide d'en apprendre davantage sur le passé de ses parents. Très vite, ses recherches l'amènent sur la piste d'un militant d'extrême gauche, Guillermo Zorgen, qui a défrayé la chronique dans les années 70 avant de sombrer dans l'oubli. Qui était cet homme ? Un idéaliste dans une époque troublée ou un dangereux pyromane ? 
Et surtout : quels liens entretenait-il avec les parents de Laurence ?

Auteur : Née en 1971, enseignante-chercheuse en linguistique au CNRS, Hélène Gestern vit et travaille à Nancy. "Eux sur la photo" (2011), son premier roman a été primé plusieurs fois.

Mon avis : (lu en mai 2013)
J'avais beaucoup aimé "Eux sur la photo" le premier roman d'Hélène Gestern, j'étais donc curieuse de découvrir celui-ci. 
Laurence découvre à l'âge de 35 ans que celui qu'elle a toujours considéré comme son père n'est pas son père biologique. Un an plus tard, elle découvre dans des papiers de sa mère des coupures de journaux puis des lettres qui concerne un certain Guillermo Zorgen révolutionnaire de gauche, personnage fascinant et passionné. A travers le passé de ses parents, Laurence part secrètement en quête de son histoire, elle cherche le lien qu'ils peuvent avoir avec Guillermo, elle interroge les proches de ce dernier...
La forme et la thématique sont assez proches du premier livre d'Hélène Gestern, une partie d'un secret de famille est révélée et l'héroïne se lance dans une enquête poussée et minutieuse à partir d'articles de presse, d'anciennes lettres... Ici Laurence cherche un père et nous lecteurs, nous découvrons le monde de l'extrême-gauche anarchiste et violente des années 1970 avec idéaux et conscience politique. La mécanique fonctionne bien le récit est passionnant, à aucun moment le rythme faiblit et l'écriture est juste.
J'ai apprécié ce livre qui se lit facilement mais « Eux sur la photo » reste mon préféré.

Extrait : (début du livre)
J'ai appris la nouvelle de mon adoption il y a un peu plus de deux ans, presque par hasard. Mon père venait de se couper avec un couteau de cuisine, une profonde entaille à la main. Le sang dégouttait sur le carrelage blanc. Ma mère le regardait, consternée : il est vrai qu'il n'est pas très adroit, mais ses gestes à elle sont plus incertains encore depuis le début de sa maladie. C'est donc désormais à son mari qu'incombe la préparation des repas, un apprentissage difficile à soixante-deux ans passés. Souvent, Jacques se trompe. Parfois, comme ce jour-là, il se blesse.
J'ai pensé, en attrapant un torchon, puis en calant des épaisseurs de coton sous une bande Velpeau pour tenter d'endiguer l'hémorragie, que la vieillesse de mes parents était tout sauf simple. Puis j'ai accompagné mon père, stoïque, aux urgences de l'hôpital. Là-bas, nous avons attendu près d'une heure - qui m'a paru un siècle - avant d'être pris en charge par une jeune interne.
Pendant tout ce temps, Jacques n'a pas desserré les lèvres. C'est un homme qui parle peu et se plaint encore moins. Pourtant je voyais le sang, qui sourdait du bandage serré, ramper en mauvaise fleur rouge sur le blanc du linge. Quand, d'un seul coup, la ruche médicale a essaimé autour de lui et l'a emmené dans une salle d'examen, j'ai suivi le mouvement. Pendant que l'interne, qui avait assis Jacques sur un lit, défaisait rapidement le pansement imbibé de sang et préparait le matériel de suture («eh bien, vous ne vous êtes pas raté», a-t-elle lancé avec une intonation guillerette tout à fait déplacée), une infirmière a commencé la liturgie des interrogatoires hospitaliers : identité, âge, numéro de Sécurité sociale, antécédents, allergies, groupe sanguin. A toutes ces questions, mon père a répondu d'une voix monocorde, sauf à la dernière. A son énoncé, j'ai remarqué que son visage, déjà très pâle, avait changé de couleur, comme s'il virait au gris. Un éclat de panique a traversé son regard et il est resté muet. «Vous connaissez votre groupe sanguin, monsieur ?», a répété l'infirmière.
Le silence s'est épaissi dans la pièce surchauffée, saturée par l'odeur des antiseptiques.
L'infirmière s'est tournée vers moi : « Et vous, vous le savez ? »

Déjà lu du même auteur :

eux_sur_la_photo1 Eux sur la photo 

Challenge Petit BAC 2013
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"Couleur"

26 avril 2013

L'avant-dernière chance - Caroline Vermalle

l_avant_derni_re Calmann-Lévy - mars 2009 - 245 pages

Prix Nouveau Talent 2009

Quatrième de couverture :
A Londres, lors du tournage d'une fiction pour la télévision, Adèle, une jeune stagiaire française, reçoit un texto totalement inattendu et absolument irréel : son grand-père, mort quelques jours auparavant, lui souhaite un joyeux anniversaire... Adèle se remémore alors les événements de ce dernier mois. Son papy, Georges, quatre-vingt-trois ans, les pieds plantés dans son potager, enraciné dans sa bonne vieille terre du Poitou, a subitement décidé de partir pour un tour de France avec son voisin et ami Charles, soixante-seize ans. Sa petite-fille a découvert leur projet et, inquiète pour la santé de son aïeul, lui a fait promettre de lui envoyer des nouvelles tous les jours par texto. Commence alors une drôle de correspondance, tendre et complice, entre le grand-père et sa petite-fille, qui ne se sont pas vus depuis dix ans. Ce beau récit, touchant et juste, mêle à la gouaille des dialogues l'émotion de sentiments qui peinent à se révéler.

Auteur : Née dans l'Oise en 1973, Caroline Vermalle est une voyageuse, férue de dépaysement, d'aventure et de cinéma. Cette fille de pilote de chasse déménage dix fois avant de quitter le cocon familial à 17 ans. Elle décroche ensuite le diplôme de l'Ecole Supérieure d'Etudes Cinématographiques. Puis elle s'exile à Londres à 21 ans. Outre-manche, elle est embauchée par la BBC où elle grimpe les échelons et devient productrice associée. Et quand, en 2006, Caroline a enfin réalisé son rêve en faisant carrière dans la production audiovisuelle de documentaires, elle épouse un architecte sud-africain. Elle démissionne de la BBC, et déménage en France en décembre 2007. « L'Avant-dernière chance » est son premier roman.

Mon avis : (lu en avril 2013)
J'ai commencé ce livre l'été dernier et comme le début m'a beaucoup plu j'ai décidé d'en faire cadeau à l'une de mes tantes alors que j'étais de passage chez elle. Je n'avais pas eu le temps de finir le livre avant de l'offrir, et c'est seulement maintenant que je le termine après l'avoir emprunté à la bibliothèque...

Pour ses 23 ans, Adèle jeune stagiaire française sur un tournage d'un film à Londres reçoit un texto de Georges son grand-père. Sa surprise est totale et bouleversée elle revient sur ce qu'il s'est passé ce dernier mois... Georges 83 ans et Charles 76 ans, son voisin, ont décidé de partir faire les étapes du Tour de France 2008 non pas en vélo mais en voiture ! Une drôle d'idée pour deux séniors à la forme déclinante... « C'était la dernière chance de quitter la scène avec un grand coup de chapeau. Il n'avait même pas besoin d'être grand, le coup de chapeau. Juste digne. Et le bonhomme, juste debout. »
Pour rassurer sa famille, Georges s'engage à envoyer chaque soir un texto à Adèle pour dire où ils en sont dans Tour de France.
Alors commence ce road-movie à travers le Grand Ouest. C'est un livre plein de tendresse et d'émotions mais également plein d'humour en particulier dans les échanges SMS entre Georges et Adèle.
J'ai aimé ce voyage (dont certains lieux m'étaient familier...) et ses échanges intergénérationnelles. Une belle découverte. 

Extrait : (page 13)
Adèle n’en était pas à sa première scène de meurtre. Ça l’ennuyait beaucoup, alors elle rêvassait en attendant que ça se passe. Juste avant que son téléphone ne vibre, elle était en train de se dire que la jeune femme qui pleurait dans la chambre lui ressemblait un peu. Même âge, même cheveux longs, bruns, épais, même taille fine. Mais la fille dans la chambre, sans être forcément plus jolie, était mieux habillée, mieux apprêtée, ses mains étaient douces et elle avait l’habitude d’être le point de mire. Adèle, en comparaison, malgré les traits harmonieux de son visage, faisait davantage garçon manqué. En outre elle n’était pas riche, et on ne faisait jamais très attention à elle. Même le jour de son anniversaire. Elle trouvait en revanche que le mort n’avait pas la classe d’Irving Ferns. Irving Ferns. Son coeur se serra à sa pensée.
Adèle bouillait d’impatience – qui lui avait envoyé ce texto ? Le jeune avocat rencontré lors d’une fête un mois plus tôt ? Mais comment aurait-il pu deviner que c’était son anniversaire ? Elle regarda autour d’elle. Il y avait du monde dans le couloir encombré, une trentaine de personnes peut-être, qui ne bougeaient pas, de peur de faire craquer le parquet ; quelques-uns se grattaient le nez, d’autres se rongeaient un ongle. On communiquait en mimant, car même les chuchotements étaient inappropriés. Mais personne ne semblait regarder Adèle. Elle vérifia encore une fois que les dictateurs du silence n’étaient pas dans le couloir – non, ils étaient occupés avec le mort –, sortit son portable et ouvrit le texto qu’on venait de lui envoyer.
Elle dut l’approcher de ses yeux pour être sûre qu’elle lisait correctement. Elle ne put s’empêcher de pousser un petit cri étouffé et lâcha l’appareil, qui alla s’écraser sur le parquet de la vieille maison avec un bruit assourdissant. Tout le monde sursauta et se tourna vers Adèle. Immédiatement, on entendit une voix en colère venir de la chambre.
« COUPEZ ! COUPEZ ! Mais qu’est-ce qui se passe là-dedans, nom de Dieu ? » Et le premier assistant-réalisateur fit irruption dans le couloir. Adèle bredouilla : « Je suis vraiment désolée, John, je… »
Toute l’équipe de tournage se tourna vers Adèle, acteurs compris, puis on passa à autre chose. Ça arrivait souvent, et c’était une occasion pour tout le monde de se délasser deux minutes.

Challenge Petit BAC 2013
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"Sentiment"

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23 avril 2013

Le garçon qui n'existait pas - Patrice Leconte

Lu en partenariat avec les éditions Albin Michel

le_gar_on_qui_n_existait_pas Albin Michel - mars 2013 - 176 pages

Quatrième de couverture : 
« “Un jour, je traverserai la Manche à la nage, et ça leur clouera le bec à tous.” Voilà ce que je me suis dit un beau matin. Parce que, fatigué de n’être personne, j’ai envie de devenir quelqu’un, pour épater mes collègues de la banque où je travaille, mais surtout pour séduire Victoire, qui est la jeune femme la plus jolie que je connaisse. »

Le héros de Patrice Leconte possède le charme distrait et la poésie d’Antoine Doinel. Comme lui, il pense que les femmes sont magiques. Et comme lui, il va accomplir un exploit effarant pour gagner le cœur de l’une d’entre elles…
Une comédie sentimentale aussi cocasse que mélancolique.

Auteur : Dessinateur, scénariste, adaptateur, Patrice Leconte a réalisé une trentaine de films fréquemment en tête du box office et primés dans les festivals du monde entier.
En 2009, il publie son premier roman, Les femmes aux cheveux courts, qui connaît un très bon accueil de la critique et du public, et Riva Bella en 2011. Dans le registre de la comédie où il excelle, il récidive aujourd'hui avec Le garçon qui n'existait pas.

Mon avis : (lu en avril 2013)
Gérald n'en peut plus d'être « transparent » depuis toujours ou pour tout le monde. Dernier né et bébé non attendu d'une famille de cinq enfants, il a toujours été celui de trop, celui qu'on oubliait. C'est à l'âge de 12 ans qu'il expérimente un avantage de sa « transparence » en quittant le magasin de jouets sans payer avec une maquette de jonque chinoise...Il est maintenant âgé d'environ trente ans et travaille comme guichetier à la BNP de la rue d'Arago. Il a pu également avoir pendant un temps un double emploi puisqu'on personne ne s’aperçoit de sa présence ou de son absence à l'agence !

Cela ne peut plus durer, et comme il est subjugué par la belle Victoire qui travaille également à la banque, pour tenter de la séduire il décide de faire quelque chose d'exceptionnelle : traverser la Manche à la nage !
Sans aucune préparation physique, au petit matin d'un 21 juin, il se jette à l'eau depuis Douvres pour espérer gagner la plage de Calais où il a donné rendez-vous à Victoire...
J'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir ce livre de Patrice Leconte. Gérald est un personnage très attachant et son histoire est à la fois pleine d'humour, d'imagination et de poésie. J'ai retrouvé le ton de Patrice Leconte dans ses films ou lorsque je l'écoute à la radio dans la bande de Laurent Ruquier. En lisant ce livre, j'entendais son auteur me le lire avec ses expressions...

Merci à Carol et aux éditions Albin Michel pour cette belle découverte pleine d'humour et de poésie.

Extrait : (début du livre)
« Un jour, je traverserai la Manche à la nage, et ça leur clouera le bec à tous. »

Il est sans doute singulier, pour un employé de banque d'une trentaine d'années environ, sans aucun entraînement sportif ni goût particulier pour la natation, de vouloir traverser la Manche à la nage. Mais c'est cependant mon projet le plus cher. Et je compte bien passer à l'acte dans un avenir proche.
Je dis « un employé de banque d'une trentaine d'années environ », parce que, même si c'est difficile à croire, je ne sais pas trop quel âge j'ai. Lorsque je m'examine dans un miroir, je fais trente ans. Il arrive qu'on me donne dix ans de plus ou cinq de moins, en fonction des jours, de l'éclairage, de mon humeur. Les gens me considèrent toujours furtivement. Ils me regardent sans me voir. Plus précisement : me voient sans me regarder. Chez les commerçants, on me donne du « jeune homme » ou bien du « monsieur », ça dépend. C'est flou. En fait rien n'est précis chez moi. Je n'ai pas d'âge. Et le plus fort, c'est que j'ai fini pour oublier moi-même la date de ma naissance. Ce qui ne change pas grand chose, puisque personne ne pense jamais à me souhaiter mon anniversaire. Et ça a toujours été comme ça.

16 avril 2013

Père adopté - Didier Van Cauwelaert

Lu dans le cadre du Challenge
 "Ecoutons un livre"

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Lire dans le noir – avril 2007 – lu par l'auteur

Albin Michel – février 2007 – 282 pages

Livre de Poche – mars 2009 – 247 pages

Prix Marcel Pagnol 2007

Quatrième de couverture :
Quels drames et quels enjeux faut-il pour qu'un enfant décide de gagner sa vie comme écrivain, à l'âge où l'on perd ses dents de lait ? En révélant ses rapports avec son père, Didier van Cauwelaert nous donne les clés de son œuvre et nous offre son plus beau personnage de roman. Un père à l'énergie démesurée, à l'humour sans bornes et aux détresses insondables, qui a passé sa vie à mourir et renaître sans cesse. Un père redresseur de torts et fauteur de troubles, qui réenchanta le monde par l'incroyable force de son destin, de ses talents et de ses folies au service des autres. Drôle, bouleversant, généreux et tonique, Le père adopté est à la fois un merveilleux récit des origines et un irrésistible appel à inventer sa vie en travaillant ses rêves.  

Auteur : Né en 1960 à Nice, Didier van Cauwelaert cumule, depuis ses débuts, prix littéraires et succès public : Prix Del Duca pour son premier roman en 1982 (Vingt ans et des poussières), prix Roger Nimier, prix Goncourt (Un aller simple, 1994), Molière 1997 du meilleur spectacle musical (Passe-Muraille), Grand Prix du théâtre à l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre, Grand Prix des lecteurs du Livre de Poche (La Vie interdite, 1999), Prix Femina Hebdo du Livre de Poche (La Demi-pensionnaire, 2001), etc.

Mon avis : (écouté en mars 2013)
Un beau récit hommage de Didier van Cauwelaert pour son père. A travers tout un ensemble d'anecdotes haute en couleurs il raconte sa forte complicité avec son père qui l'encourage dans sa vocation d'écrivain. Ce livre est tour à tour plein d'humour et d'émotions avec une très belle écriture.
J'ai eu cependant du mal à entrer dans le livre sans doute à cause de l’absence de chronologie du livre. L'auteur passe d'une anecdote à l'autre, elles concernent aussi bien son enfance que la vie de son père avant sa naissance, il évoque même avec beaucoup d'humour les derniers jours de son père avec ces mots en conclusion « Je ne pleure pas mon père, je le ris ». Il est plein de tendresse et d'affection pour son père. 

J'ai également beaucoup apprécié que le lecteur soit l'auteur. La voix de Didier van Cauwelaert est très agréable à écouter.  

Extrait : (début du livre)
La première fois que tu es mort, j'avais sept ans et demi. J'étais rentré plus tôt que prévu d'un anniversaire et j'avais entendu ta voix, dans votre chambre :
- De toute façon, le jour où je ne peux plus marcher, je me tire une balle dans la tête. Vous n'allez pas me pousser dans un fauteuil roulant, non ? Je ne veux pas infliger ça à Didier.
Tu ne tenais déjà quasiment plus debout, entre tes cannes anglaises. Et pourtant j'ai souri, dans la montée des larmes. C'était bien toi, ça. Le sacrifice égoïste. Tant qu'à faire, j'aurais préféré pousser un fauteuil roulant plutôt que marcher derrière un cercueil. Mais c'était ta vie, tu avais choisi. Et je connaissais ton caractère : ce n'était pas la peine de plaider ma cause. C'était toi, l'avocat.
J'ai pris le deuil, ce jour-là, en décidant de devenir écrivain. Tu m'avais déjà passé le virus de l'imaginaire, avec les feuilletons à dormir debout que tu me racontais chaque soir au coucher. Quel plus beau métier que de construire des histoires, bien tranquille dans sa chambre, sans patron ni collègues ni clients sur le dos ? La vie était mon premier terrain d'écriture : j'y testais mes fictions, les peaufinais, les adaptais en fonction des réactions suscitées. Pour préparer mes contemporains à devenir mes lecteurs, je les transformais tout d'abord en cobayes. Je mentais avec une rigueur extrême, je m'inventais selon mes interlocuteurs des vies différentes que je notais sur des fiches pour ne pas me tromper ; je confondais sciemment la création littéraire et la mythomanie. 
Mais là, d’un coup, il fallait que je me prépare à devenir chef de famille. Si tu te donnais la mort, il fallait que je gagne ma vie à ta place, que je rapporte à la maison des droits d’auteur avec ce que tu m’avais d’ores et déjà légué : l’envie de secouer les gens en les faisant rêver, de marier l’humour à l’émotion, l’absurde à l’évasion, de « faire rire en donnant de l’air », pour reprendre l’une de tes expressions favorites. Influencé par tes goûts, je me lançai alors dans un genre littéraire que je pensais, en toute simplicité, avoir inventé : le thriller psychologique et social à base de satire sexuelle. J’appelais ça « études de mœurs ». Un tiers Simenon, un tiers San-Antonio, un tiers toi. Pour me donner du courage, j’écrivais sur la première page de mon cahier, avec des guillemets, ce qu’en dirait la presse : « Très nouveau, excellent, commercial. »
Je savais bien que tu étais né pour être artiste, mais que les circonstances – orphelin de guerre, soutien de famille, victime de trahisons multiples – ne t’avaient pas permis de faire carrière avec ton imagination. Alors je reprenais le flambeau. J’essayais de réaliser ton rêve d’enfance, avant que tu te suicides, pour que tu partes content. Disons, avec un regret en moins. La certitude que tu allais me quitter très vite, la sensation raisonnée de t’avoir déjà perdu, à titre préventif, m’ont fait entrer en vie active à sept ans et demi. Arrêt des devoirs scolaires, dix pages par jour dans mon cahier à spirale ; un roman par semestre. Les perturbations de Mai 68 me permirent de respecter mon planning. Dans mes cauchemars apprivoisés, j’assistais une ou deux fois par semaine à tes funérailles avec, au lieu du traditionnel brassard noir, une bande rouge marquée « Prix Goncourt ».

 

Déjà lu du même auteur :

la_maison_des_lumi_re La maison des lumières

22 mars 2013

La voie Marion - Jean-Philippe Mégnin

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Le Dilettante - août 2010 - 160 pages

J'ai Lu - septembre 2012 - 118 pages

Quatrième de couverture : 
Marion, fille d’Annecy, parents dignes et coudes au corps, ouvre à Chamonix une librairie, plaisir et défi tout à la fois. Un jour, dans la porte, s’encadre Pierre, géant de granit rose, colosse timide qui peu à peu l’entraîne dans ce qui lui sert d’élément et d’horizon : la montagne. La montagne est la vraie langue dans laquelle s’exprime Pierre à coups de piolets, à force de pitons, d’encordements ; taillant, dans la masse impavide des sommets, voies et parcours. Une fée vorace qui lui a également pris son père, disparu au fil d’une course. Peu à peu, Marion s’initie par lui à la discipline pratique du périple montagnard. À la cordée succède le lien amoureux. Mais l’enfant qui doit marquer cette victoire, cet accès au bonheur, se fait attendre. Au roman-fleuve, ample, lent, charriant masse énorme de faits, de figures, répond ce récit-glacier : court, ténu, brûlant comme la glace, inexorable en son avancée fatale. La Voie Marion ou les neiges éternelles n’existent pas.

Auteur : Jean-Philippe Mégnin vit pas très loin de Besançon et tout près de sa femme et de leurs deux enfants.
Quand il n’enseigne pas l’histoire des sciences, il se demande toujours ce qu’il préfère : écrire ou jouer du piano, Lascaux ou Soulages, le glacier du Géant ou le Quartier latin. Sans compter qu’il y a aussi la pointe du Raz...

Mon avis : (lu en mars 2013)
Marion est libraire à Chambéry, Pierre est guide de haute montagne. Marion et Pierre tombent amoureux, elle lui fait découvrir les livres, il lui fait découvrir la montagne. La vie s'est installée doucement. Mais quelques années plus tard, c'est la routine et...
Un roman très court avec comme décor de superbes paysages de montagnes, c’est beau, c’est tendre et cela devient imprévisible… Une belle découverte.

Extrait : (page 83)
Je l’ai dit, ce n’était pas la première fois que je me risquais à partager ma vie avec quelqu’un.

Qu’est-ce qui a fait que cette fois-là, je l’ai sentie comme plus… définitive ? Les sentiments? En toute honnêteté, pas seulement; je sais que c’est un peu dur de dire ça comme ça, mais après toutes ces années j’arrive à le dire, pas seulement. Seule dans le chalet de mon enfance, seule dans ma librairie, seule dans mes commandes, mes factures, mes traites, mes tracasseries administratives, seule dans mes soirées, dans mes bouquins, seule dans mes sonneries de réveil, j’ai dû croire à ce en quoi j’avais envie de croire. Il m’a rassurée, et c’est de ça que j’avais le plus besoin.
Et puis il y a eu ce manque. Cet enfant, il n’est jamais venu.
À la place, on a eu la lente transformation de l’optimisme heureux en attente anxieuse, puis celle de l’attente anxieuse en résignation douloureuse. Avec en plus le ballet obscène des consultations médicales, à Annecy, à Genève, à Lyon… les questions auxquelles il a fallu répondre, les examens qu’il a fallu subir… Et tout l’éventail des blouses blanches, de l’être rare à l’imbécile indifférent… Et toujours cette même réponse, que tout paraissait normal, que chacun de son côté avec un autre on aurait sans doute eu un enfant sans problème, mais que voilà, les deux… Je le sais bien, que j’ai changé aussi.
J’ai eu l’impression que tout ce que j’aimais devenait plus terne. Mes longues discussions avec les clients devenaient moins longues, mes copines boulangères ou vendeuses de génépi de la rue Vallot m’agaçaient, le soleil du matin sur le dôme du Goûter avait perdu son étincelle. Même les petits jeunes gens qui venaient le soir travailler à la maison avec Pierre me devenaient insupportables.
– Marion… Il y a quelque chose qui… ça ne va pas ?
– Non, non, laisse, Marie-Ève, ce n’est rien…
– Écoutez… (Elle n’avait pas pu se résoudre à me tutoyer; j’avais insisté, dès les premiers jours, mais elle n’avait pas pu.) Écoutez… Je ne voudrais surtout pas paraître indiscrète, mais…
La pauvre, elle tournait autour sans oser se lancer.
– ça va passer, Marie-Ève, ça va passer… 
Tout me devenait pesant. Moi qui m’enthousiasmais d’un rien, j’avais le sentiment de devenir une frigide de la vie.

Déjà lu du même auteur :

la_patiente La patiente

Challenge Petit BAC 2013
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"Prénom"

 Challenge Pour Bookineurs En Couleurs
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PAL Bleu

16 mars 2013

La Villa des Térébinthes - Jean-Paul Malaval

Lu dans le cadre du Challenge
 "Ecoutons un livre"

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la_villa_des_t_r_binthes_audio la_villa_des_t_r_binthes

Audiolib - septembre 2012 - lu par Colette Sodoyer

Calmann Lévy - août 2012 - 384 pages

Quatrième de couverture : 
1894. Quand Silvius épouse la fille d’un riche soyeux lyonnais, il pense se faire une place au soleil dans le milieu des négociants. En butte aux railleries des patrons comme des ouvriers, il comprend bien vite qu’on ne lui pardonnera pas ses origines de petit paysan ardéchois.
Avec l’arrivée de l’électricité et de la soie artificielle, se dessine le déclin de sa belle-famille. Seul Silvius prend la mesure des bouleversements qui vont affecter l’industrie lyonnaise, des canuts jusqu’aux éleveurs de cocons de mûrier. 
Mais le passé n’abdique jamais. Sa mère, abandonnée de tous dans la magnanerie familiale, sa cadette, mariée à un vigneron qui la maltraite, son orgueilleuse soeur aînée, institutrice en Ardèche, sauront le lui rappeler. Silvius devra payer le prix de ses ambitions.

Auteur : Après des études de lettres, Jean-Paul Malaval a été journaliste, notamment pour Le Nouvel Observateur, avant de se consacrer à la littérature. Il est l’auteur d’une oeuvre importante qui l’a imposé comme l’un des principaux auteurs contemporains de romans de terroir. Né à Brive, il est aujourd’hui maire de Vars-sur-Roseix en Corrèze.

Lecteur : Colette Sodoyer, cette jeune et talentueuse comédienne de formation classique s’est distinguée dans toutes les formes de son art, de la télévision au doublage sans oublier le théâtre et le cinéma ! Vous pouvez désormais apprécier son talent en livre audio.

Mon avis : (écouté en mars 2013)
C'est pour répondre au thème de la 3e session  "Ecoutons un livre" consacrée aux livres de la rentrée de septembre 2012 que j'ai emprunté ce livre audio à la bibliothèque, le seul du rayon répondant au thème...
Cette histoire se passe à la fin du XIXème siècle, début du XXème à Lyon et en Ardèche. Silvius est fils de paysans éleveurs de vers à soie. Il a quitté le monde rural pour Lyon où il est devenu négociant en soie, il a épousé Roxane, la fille d’un riche soyeux. Ils ont eu une petite fille Jade, mais leur couple est en crise. Le père de Silvius, Théodore Andrommas vient de mourir, sa femme se retrouve seule pour s'occuper de la ferme de vers à soie. Silvius a deux soeurs : Pauline est mariée à un vigneron qui la brutalise et Eugénie est institutrice. Le contexte économique change avec l'arrivée de la soie artificielle, de l'électricité... Entre roman du terroir et saga familiale, je n'ai pas été vraiment passionnée par cette lecture. Et après plus de la moitié du livre écouté, j'ai même réalisé que c'était le deuxième tome... 

 

Challenge 6% Littéraire 2012

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39/42

 

 

 

12 mars 2013

Indigo - Catherine Cusset

Lu dans le cadre du Prix Relay des Voyageurs 
Sélection mars

indigo Gallimard - janvier 2013 - 320 pages

Quatrième de couverture : 
Un festival culturel rassemble pendant huit jours en Inde quatre Français, deux hommes et deux femmes, qui ne se connaissent pas. Une surprise attend chacun d'eux et les confronte avec leur passé. Cette semaine bouleverse leur vie. De Delhi à Kovalam, dans le Sud, ils voyagent dans une Inde sur le qui-vive où, juste un an après les attentats de Bombay, se fait partout sentir la menace terroriste. Une Inde où leur jeune accompagnateur indien déclare ouvertement sa haine des États-Unis. Une Inde où n'ont pas cours la légèreté et la raison françaises, où la chaleur exacerbe les sentiments, où le ciel avant l'orage est couleur indigo. Tout en enchaînant les événements selon une mécanique narrative précise et efficace, ce nouveau roman de Catherine Cusset nous fait découvrir une humanité complexe, tourmentée, captivante.

Auteur : Catherine Cusset vit à Londres. Elle a récemment publié Le problème avec Jane (1999), Grand Prix des Lectrices de Elle 2000 , La haine de la famille (2001), Confessions d'une radine (2003), Amours transversales (2004), Un brillant avenir (2008), Prix Goncourt des Lycéens 2008 .

Mon avis : (lu en mars 2013) 
Géraldine, française mariée à un indien musulman, organise un festival culturel à Trivandrum dans le sud de l’Inde et reçoit plusieurs intellectuels comme Roland Weinberg, Raphaël Eleuthere et Charlotte Greene.
Roland est un philosophe de 64 ans, essayiste, séducteur. Il est accompagné de sa jeune et belle compagne italienne Renata. Il connaît bien l’Inde et espère profiter du voyage pour renouer avec Srikala une femme qu’il a connu il y a 28 ans.
Charlotte a 47 ans, professeur de littérature à l'université et cinéaste, mariée, mère de 2 enfants, elle vit à Manhattan. Elle espère secrètement revenir sur les traces de sa meilleure amie Debarati qui a vécu à Cochin et qui est morte il y a six mois.
Raphaël Eleuthère est un jeune écrivain, ténébreux, il a écrit un roman autobiographique sur son enfance tourmentée.
Avec ce voyage en Inde, nous allons suivre ces quatre personnages et leurs préoccupations, c'est comme une parenthèse dans leur vie ou un tournant...
Un livre très bien écrit et qui se lit bien mais je regrette que l'Inde soit seulement présente en arrière-plan et que l’on ressente assez peu l’ambiance de ce pays, cela manque de chaleur et d’exotisme. Cette histoire tourne surtout autour d’une analyse psychologique très fine des personnages occidentaux.

Extrait : (début du livre)
On ne passe plus. Alerte à la bombe." 
Le policier surgit au moment où Charlotte tendait sa carte d'embarquement à l'employé de l'aéroport qui gardait l'accès à la douane. 
Elle vit approcher d'autres policiers. "Je suis en transit entre New York et Delhi et je risque de rater mon avion. On embarque, regardez." 
Elle pointa du doigt l'heure sur la carte. Le jeune flic au nez en trompette reculait d'un pas quand deux personnes accoururent. Il dressa la paume et barra le passage. 
"S'il vous plaît ? reprit Charlotte d'une voix implorante. 
- Vous ne comprenez pas ? On ferme le périmètre." 
Le couple asiatique derrière elle tenait des propos inquiets dans une langue étrangère. Sans leur arrivée intempestive, le policier cédait. 
"Il y en a pour combien de temps ? 
- Un quart d'heure. 
- Vous êtes sûr ? Il y a deux ans j'ai raté un avion avec mes filles à cause d'une alerte à la bombe : il a décollé à la seconde où l'alerte a pris fin. 
- Aucun avion ne décolle. Les démineurs arrivent. Reculez, madame." 
Inutile d'argumenter. Les gens s'agglutinaient autour des policiers vers qui montait un brouhaha de questions anxieuses. Ils barrèrent le passage d'une bande jaune, comme si un crime avait eu lieu. Autant profiter de ce quart d'heure pour respirer un peu d'air frais avant de passer la journée dans l'avion. Charlotte franchit la porte à tambour. Il faisait froid et elle frissonna dans son manteau trop léger, qui lui serait utile à Delhi où la température descendait la nuit jusqu'à huit degrés. Par contre, trente-cinq degrés à Trivandrum, à l'autre extrémité de l'Inde, dans le Kerala au nom poétique où on les expédiait mardi. La valise n'avait pas été facile à faire. 
L'Inde. Elle y serait ce soir, et poserait le pied pour la première fois sur le continent asiatique. 
Un homme debout près d'elle alluma une cigarette, dont la fumée parvint à ses narines. Elle se déplaça à l'autre bout du banc métallique. A New York c'était encore le coeur de la nuit ; Adam et les filles dormaient profondément. Elle avait somnolé trois ou quatre heures mais ne sentait pas la fatigue. Elle était à Paris, dans la ville où elle avait grandi, et où elle ne faisait que passer. Seule, pour la première fois depuis dix ans. En sortant de l'avion tout à l'heure, elle avait aspiré une bouffée de liberté grisante. Pas d'enfant à réveiller et à porter, pas de doudou à ramasser, pas de poussette à déplier. Seule. Elle regarda autour d'elle. Le ciel était gris clair, les trottoirs gris foncé, les piliers de béton qui soutenaient la route en hauteur, gris souris, et les murs du terminal 2C de l'autre côté, gris-beige. Tout gris, hormis les panneaux d'Europcar vert vif. Sans doute tous les aéroports au monde étaient-ils gris, mais il y avait ici quelque chose de spécifiquement français : la ligne droite de la route portée par les piliers de béton, les bâtiments bas avec leurs toits plats aux motifs géométriques ? Quelque chose de plus petit, lisse et soigné qu'à New York. Et l'odeur, grise aussi, différente de celle de New York, une odeur intime qu'elle reconnaissait instantanément. Chez elle. 
De la grisaille surgit une image : Debarati, le dos très droit, ses cheveux noirs tombant sur ses épaules, assise nue dans la baignoire du Crillon et lavant ses chaussettes en nylon noir qu'elle avait enfilées sur ses avant-bras comme des gants de femme fatale. Deb illuminant de sa beauté la salle de bains en marbre du palace qui ressemblait la minute d'avant à une prison dorée. Deb poussant un cri de protestation en entendant le clic de l'appareil photo, avant même de voir Charlotte sur le seuil : "Non ! T'es chiante !" Deb éclatant de rire. 
C'était il y a quinze ans. A peine arrivée à Paris et descendue au Crillon, Charlotte s'était demandé ce qu'elle faisait là avec ce groupe de milliardaires américains cacochymes qui avaient fait le voyage depuis New York en jet privé et qu'émoustillait l'accent français de leur jeune conférencière. De sa chambre à mille euros la nuit, elle avait appelé son amie, qui avait débarqué une demi-heure après, vêtue d'un jean moulant et d'un perfecto plein de petites fermetures éclair lui donnant davantage l'air d'une prostituée de luxe que d'une étudiante américaine en histoire de l'art qui faisait des recherches en France. Charlotte s'était sentie revivre. 
Elle avait appelé Deb au secours ; Deb était accourue. 

Déjà lu du même auteur :

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