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A propos de livres...
7 septembre 2010

L'héritage impossible – Anne B. Ragde

l_h_ritage_impossible Balland – mai 2010 – 348 pages

traduit du norvégien par Jean Renaud

Quatrième de couverture :
« - Je n'y arriverai pas murmura-t-elle.
Il l'a pris à nouveau dans ses bras, la serra contre lui, lui envoya un souffle chaud dans les cheveux.
- Je n'y arriverai pas.
- Mais si, dit-il. Je vais vous aider. Je vais vous aider, Torunn.
Par-dessus son épaule, elle apercevait la fenêtre de la cuisine. La cuisine de Neshov. Elle était là, et il était mort. »

Dans ce troisième tome de la « Trilogie des Neshov », nous suivons les personnages de La Terre des mensonges et La Ferme des Neshov, jusque dans ce qui sera peut-être une toute nouvelle vie. Après la révélation du terrible secret qui a ébranlé la famille entière, les relations entre les frères se dégradent, pour se diluer dans de pesants non-dits. Jusqu'au jour où ils doivent, ensemble, faire face. Il fait une chaleur torride lorsque tout le monde se trouve réuni. Et Torunn, l'héritière de la ferme, détient la clé des destins de tous les autres...

Auteur : Née en 1957, elle a passé son enfance à Trondheim, ancienne professeur assistante de communication à l'Université de Trondheim, elle a écrit plus de quarante livres depuis 1986 aussi bien pour les adultes que pour les enfants. Anne B. Ragde est traduite dans plus de 15 langues. Ses romans se sont vendus à des millions d’exemplaires en Norvège. La trilogie d’Anne B. Ragde a été adaptée en série TV suivie par des millions de Norvégiens. La Ferme des Neshov a obtenu en Norvège le Prix des Libraires et des Lecteurs.

Mon avis : (lu en septembre 2010)
C'est le troisième tome de la « Trilogie des Neshov ». Le tome précédent "La Ferme des Neshov" se concluait sur un épisode dramatique : le suicide de Tor. Sa fille Torunn se sent coupable, elle reprend en main la ferme avec l'aide du remplaçant Kai Roger et elle s'occupe aussi du grand-père. Mais le cœur n'y ait pas, elle continue plus par devoir que par envie. D'un autre côté les deux frères Margido et Erlend ont des projets d'avenir concernant la ferme : Margido veut installer son dépôt de cercueil dans une des granges et payer un loyer qui aidera les finances de la ferme. Erlend prévoit d'aménager une maison de vacances dans un ancien silo. Mais ils ne s'aperçoivent pas du mal-être de Torunn et ils seront surpris et perdus lorsqu'elle disparaîtra de la ferme.

J'ai pris beaucoup de plaisir à retrouver cette famille atypique composée de personnages authentiques. On retrouve une ambiance de canicule dans cette campagne norvégienne.

Extrait : (début du livre)
Elle était au milieu de la cour lorsqu'il arriva. Les bras ballants, elle le regarda garer sa voiture comme d'habitude, entre la grange et la remise. A peine avait-il ouvert la portière qu'il lança :
- Désolé, je suis un peu en retard. On a passé une bonne soirée, hier soir, hein !

Elle entendit ses paroles, vit les contours de son corps, ses gestes, dans la lueur gris sale du matin. Mais elle vit surtout qu'il venait vers elle, et c'était indispensable, avant qu'elle ne s'écroule, une question de secondes.
- Kai...
- J'arrive ! Cria-t-il.
- Kai Roger.
Il avait soudain entendu quelque chose dans sa voix, peut-être un sanglot, une façon de geindre, elle l'ignorait, mais son corps se figea un court instant, avant qu'il ne s'élance jusqu'à elle.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Mon père. Il... Je l'ai tiré dans l'allée centrale et j'ai refermé la porte de la loge, hors de portée de Siri.
-Mais qu'est-ce que...
- Il s'est suicidé. J'ai trouvé le flacon de comprimés. Ceux qu'on lui avait prescrits pour sa jambe. Et des bouteilles de bière, je crois. Je n'ai pas vraiment réussi à... Il est mort en tout cas. Et Siri, sa truie, a... je ne sais pas... le nez et plusieurs doigts...
Il passa les bras autour d'elle.
- Mon Dieu, Torunn.
Elle sentit le poids de ses bras, ferma les yeux et pensa à celui des chevilles de son père entre ses mains, à la botte qui avait glissé quand elle s'était mise à le traîner, au regard excité de Siri, au sang qui commençait à sécher autour de sa gueule, aux cris des autres porcs.
- C'est de ma faute, dit-elle.
- Torunn.
- Il a abandonné et c'est de ma faute.
Kai Roger relâcha son étreinte, tout en la prenant par les épaules et en l'écartant de lui.
- Regardez-moi !
- Non.
- Écoutez-moi, alors ! Je vais à la porcherie et je le ramène dans la buanderie.
Pleurait-elle ? Elle ne le pensait pas. Elle essayait seulement de sentir ses propres larmes, mais elle n'avait aucune sensation.

Déjà lu du même auteur :

la_terre_des_mensonges La Terre des mensonges  la_ferme_des_Neshov La Ferme des Neshov

Lu dans le cadre du Challenge Viking Lit' Viking_Lit

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31 août 2010

L'amour est à la lettre A – Paola Calvetti

Lecture commune avec Cynthia, Enitram, George, Loulou, Mango et Miss Alphie

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Presse de la cité – avril 2009 – 381 pages

10/18 – juin 2010 – 470 pages

traduit de l'italien par Françoise Brun

Quatrième de couverture :
Tout quitter pour ouvrir la librairie de ses rêves, voilà le pari fou que fait Emma, une Milanaise énergique et romantique, à l'aube de ses cinquante ans.
Unique en son genre, la librairie Rêves & Sortilèges, spécialisée dans les romans d'amour, devient le lieu de rendez-vous des coeurs brisés, amoureux ou solitaires passionnés. Et c'est justement entre les rayons " Pour l'éternité " et " A corps libres " qu'Emma va retrouver Federico, son flirt de jeunesse. Marié, il vit aujourd'hui à New York. Pourtant une correspondance secrète s'établit entre les anciens amants qui, au fil des jours, vont réapprendre à se connaître et à s'aimer.
Un roman hors normes, vibrant hommage au pouvoir des mots et de la littérature.

Auteur : La Milanaise Paola Calvetti a longtemps été journaliste à La Repubblica, et écrit aujourd'hui dans le Corriere della Sera. De 1993 à 1997, elle a dirigé le bureau de presse du théâtre de la Scala de Milan. Premier de ses romans à être publié en France, L'amour est à la lettre A s'est placé dès sa parution en Italie en tête des meilleures ventes.

Mon avis : (lu en août 2010)
C’est une histoire d’amour, autour des livres et d’une librairie que j’aimerai bien explorer…
Emma est divorcée, elle est la mère de Mattia un adolescent de 18 ans. Elle vient d'ouvrir une librairie "Rêves & Sortilèges" à Milan. Cette librairie n’est pas comme les autres, elle est spécialisée dans la littérature amoureuse.
Un jour d’avril 2001, en époussetant les livres, Emma découvre dans un livre un post-it avec un prénom (Frederico) et un numéro de téléphone. Ce sont des retrouvailles après plus de trente ans. Frederico est architecte, il est marié à Anna et il a une grande fille Sarah, Frederico vit à New-York et travaille sur le projet de restauration et d’agrandissement de la Morgan Library. Et c’est le début d’un échange de lettres entre New-York et Milan. A travers leur correspondance, le lecteur suit en parallèle la vie de Frederico et l’évolution de son projet de la Morgan Library et la vie d’Emma dans sa librairie "Rêves & Sortilèges" à Milan.
J’ai trouvé cette lecture très plaisante, en particulier tout ce qui concerne la librairie où les livres sont rangés par thèmes comme «Cœurs brisés», «Géographies amoureuses», «Amour et crimes», « Amours sans espoir », « Maintenant et pour l’éternité »… Tout est organisé pour le bien-être du client : des fauteuils sont à la disposition de la clientèle, on lui offre le café ou le thé… 
J’ai eu du mal à quitter cette fabuleuse librairie que j’aimerai bien connaître dans la réalité.

Extrait : (début du livre)
Maintenant, je me réveille tôt.
Mais avant, juste avant, c'est à Alice et à la librairie que je dédie cet espace de béatitude qui sépare le sommeil de la veille. Il se présente autour de six heures, six heures et quart maximum, ce moment, quand l'infusion qui a remplacé les pilules tueuses de rêves a fait son devoir et que je me retrouve clouée sur le lit les yeux grands ouverts, avec cette surprise : c'est dans le silence creux de ma chambre que naissent les meilleurs idées.
Et mon cœur se calme.
Il y a une contrepartie à mes réveils précoces : aussitôt après le déjeuner, je glisse dans un piteux état de léthargie et mes paupières s'abaissent comme le rideau de fer d'une boutique. Si je pouvais, je croiserais les bras sur le comptoir de la librairie pour y poser ma tête et faire un somme, même court, ou bien je m'étendrais sur le kilim à mes pieds, nez entre les pattes et queue sur le côté comme Mondo, le setter gordon de Gabriella.
Évidemment je ne peux pas, et je résiste.
Pour m'arracher à cette torpeur, je monte à l'étage et, sous prétexte de remplir les thermos, je me réfugie dans le coin-repas. Oh, rien d'extraordinaire, ce n'est pas une cafétéria, simplement deux fauteuils, des tables et des chaises bistrots achetées au marché aux puces de Clignancourt, et expédiées jusqu'ici comme les reliques d'un saint pour un prix exorbitant.
A dix heures précises, Rêves&Sortilèges ouvre ses portes au monde.

Lecture commune avec Cynthia, Enitram, George, Loulou, Mango et Miss Alphie

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29 août 2010

Juliet, Naked – Nick Hornby

juliet__naked 10/18 – mai 2010 – 312 pages

traduit de l'anglais par Christine Barbaste

Quatrième de couverture :
A Gooleness, petite station balnéaire surannée du nord de l'Angleterre, Annie, la quarantaine sonnante, se demande ce qu'elle a fait des quinze dernières années de sa vie... En couple avec Duncan, dont la passion obsessionnelle pour Tucker Crowe, un ex-chanteur des eighties, commence sérieusement à l'agacer, elle s'apprête à faire sa révolution. Un pèlerinage de trop sur les traces de l'idole et surtout la sortie inattendue d'un nouvel album, Juliet, Naked, mettent le feu aux poudres. Mais se réveiller en colère après quinze ans de somnambulisme n'est pas de tout repos ! Annie est loin de se douter que sa vie, plus que jamais, est liée à celle de Crowe qui, de sa retraite américaine, regarde sa vie partir à vau-l'eau... Reste plus qu'à gérer la crise avec humour et plus si affinités...

Auteur : Nick Hornby est né en 1957. Il est devenu un auteur culte outre-Manche avec ses romans : Haute fidélité, A propos d'un gamin, La Bonté : mode d'emploi, Vous descendez ? (finaliste pour le Whitbread Award), Slam et Juliet, Naked. Il a également écrit des ouvrages de non-fiction, Carton jaune, qui obtient le William Hill Sports Book of the Year Award, et 31 songs, finaliste pour le National book Critics Circle Award. En 1999, Nick Hornby s'est vu remettre l'E.M. Forster Award de l'Académie américaine des Arts et Lettres et remporte en 2002 le W.H. Smith Award For Fiction. Il a signé récemment le scénario du film Une Education, réalisé par Lone Sherfig et nominé aux Oscars. Nick Hornby vit et travaille à Highbury, au nord de Londres.

Mon avis : (lu en août 2010)
Un livre plein d'humour et critique sur les fans de... et sur le temps qui passe.
Annie a quarante ans, elle travaille au musée local de Gooleness petite station balnéaire. Son compagnon, Duncan consacre tout son temps à Tucker Crowe, rock star américaine qui a stoppé brutalement et sans explication sa carrière il y a plus de vingt ans. Duncan lui a dédié un site internet et avec une communauté de fans, il imagine des théories les plus farfelues sur la vie de leur idole. Lorsqu'ils partent en vacances, c'est pour visiter aux États-Unis les lieux qui ont vus un jour Tucker Crowe... Annie ressent que Duncan et elle-même ne sont plus trop sur la même longueur d'onde concernant leur couple.
Un jour, Duncan reçoit un album inédit de Tucker Crowe, Juliet Naked, un recueil des démos du précédent album Juliet. L'excitation de Duncan est telle qu'il en fait une critique dithyrambique. Mais Annie n'est pas d'accord et publie une chronique plus négative sur le site de son compagnon. En retour, elle recevra un mail du « vrai » Tucker Crowe, avec qui elle nouera une e-correspondance régulière et secrète puis qu'elle finira par le rencontrer.

Des personnages attachants, de l'humour, une histoire très bien racontée font de ce livre une lecture vraiment plaisante. A lire sans hésiter !

Extrait : (début du livre)
Ils étaient venus d'Angleterre jusqu'à Minneapolis pour visiter des toilettes. La vérité pure de ce fait ne frappa Annie qu'une fois sur place : excepté les graffitis sur les murs, dont certains faisaient allusion à l'importance de ces toilettes dans l'histoire de la musique, l'endroit était froid et humide, chichement éclairé, malodorant et parfaitement banal. Les Américains avaient le don pour tirer le meilleur parti de leur héritage, mais là, il n'y avait pas grand-chose à en tirer.
« Annie, tu as l'appareil photo ? demanda Duncan.
- Oui. Mais tu veux faire une photo de quoi ?
- Eh bien, tu sais...
- Non.
- Eh bien... des toilettes.
- Quoi, les... Comment on appelle ça ?
- Les urinoirs. Ouais.
- Tu veux être sur la photo ?
- Je devrai faire semblant de pisser ?
- Si tu veux. »
Duncan se posta donc devant l'un des trois urinoirs, celui du milieu, plaça les mains de façon convaincante devant lui, et sourit à Annie par-dessus son épaule.
« C'est bon ?
- Je ne sais pas si le flash a marché.
- Prends-en une autre. Ce serait idiot d'avoir fait tout ce chemin et de ne pas en avoir une bonne. »

28 août 2010

Venir au monde – Margaret Mazzantini

venir_au_monde Robert Laffont - mars 2010 – 454 pages

traduit de l’italien par Nathalie Bauer

Quatrième de couverture :
"Il est écrit sur son passeport qu'il est né à Sarajevo. Il pense que cette ville est un no man's land où j'ai échoué par hasard, pour suivre un père qu'il n'a pas connu. Une seule fois, il m'a demandé comment il était né. Il était en neuvième, il fallait qu'il raconte sa naissance dans un devoir. Nous avons collé une photo de lui, bébé, sur une feuille cartonnée. "Qu'est-ce que j'écris, maman ?" [...] Puis j'ai vu son devoir affiché avec ceux des autres enfants sur le grand tableau scolaire de fin d'année. [...] J'ai fait face aux mots de mon fils, un gobelet d'orangeade à la main. Il avait décrit une naissance banale et douceâtre. Et cette banalité m'émouvait. Nous étions comme les autres - moi, une maman "très douce", et lui, un "nouveau-né joufflu". Notre histoire absurde se perdait parmi tous ces récits de naissances normales, aux rubans bleus et roses. Il avait inventé cela mieux que moi. Aussi maigre que son père, le visage pâle du citadin, tournant vers moi ses yeux paisibles de parfait complice, il m'a lancé : "Ça te plaît, maman ?" Une de mes larmes a coulé dans l'orangeade."

Auteur : Née à Dublin, fille d'une peintre irlandaise et d'un écrivain italien, Margaret Mazzantini a été révélée avec Ecoute-moi (2002), immense succès critique et public, traduit dans trente-deux pays et lauréat du prix Strega, le Goncourt italien. Venir au monde, salué par le prix Campiello, est son quatrième roman.

Mon avis : (lu en août 2010)
La couverture de ce livre est à la fois superbe et mystérieuse.
En 2008, Gemma reçoit un coup de téléphone de Bosnie pour l'inviter à une exposition de photos. Elle part à Sarajevo avec son fils Pietro âgé de 16 ans. C'est un retour sur le passé, c'est l'occasion pour Pietro de découvrir la ville où il est né et de d'aller sur les lieux où son père Diego, photographe, est mort sans vraiment le connaître.
En premier lieu, ce livre nous raconte l'histoire d'amour entre Diego et Gemma, ils se sont rencontrés à Sarajevo au cours des Jeux olympiques d’hiver de 1984 grâce Gojko, poète bosnien. A l'époque, Gemma était sur le point de se marier avec Fabio. Mais leur amour sera plus fort. Ils ont aussi un grand désir d'enfant, mais ce cheminement ne sera pas facile. En parallèle au destin de Diego et Gemma se mêle l'histoire de la ville de Sarajevo : la guerre, le siège, les snipers...
Le lecteur est plongé à la fois dans le cheminement pleins d'embûches de la maternité et dans le siège et la guerre de Sarajevo dont on a vu beaucoup d'images à la télévision mais la réalité est autrement féroce et injuste.
Ce livre est vraiment très fort et très bien écrit (et traduit). Les personnages sont terriblement attachants et l'histoire de Gemma, Diego et Pietro nous tient en haleine avec de nombreux rebondissements et une conclusion inattendue.
Ce livre m'a vraiment beaucoup émue, il faut le lire !

Extrait : (page 16)
Je vais dans la chambre de Pietro, j'ouvre les volets. D'un geste brusque, il remonte le drap sur sa tête. Je me plante à côté d'une momie.
Cette année, il a mué ; il a laissé ses os d'enfant, pour se transformer en un gros héron boiteux, qui ne maîtrise pas bien encore ses mouvements. Son regard est braqué au sol comme celui d'un chercheur d'or, il s'est mis à sortir sans dire au revoir, à manger debout devant le réfrigérateur. Au lycée, on l'a fait redoubler, il est devenu d'une stupidité désarmante, il n'a pas fourni le moindre effort, et ces derniers mois, au lieu de mettre les bouchées doubles, il s'est enfermé dans une arrogance ridicule. Je me retourne, agacée par son grognement hargneux qui ne s'adresse à moi que pour exiger, pour me reprendre. Qu'est devenue la petite voix plaintive qui m'a accompagnée pendant tant d'années ? Nous savions si bien parler ensemble, elle était comme accordée à la mienne.
A présent il me désole. Quand il dort, quand son visage est détendu, je me dis qu'à lui aussi, ce corps si aimable, dévoré depuis quelques mois par l'ogre de la puberté, doit manquer, et qu'il le cherche peut-être dans son sommeil. Que c'est pour cette raison qu'il ne veut pas se réveiller.
Je me penche, ôte le drap de sa tête, pose ma main sur ses cheveux ébouriffés. Il me repousse.
Il vit mal son redoublement. Maintenant que l'été est venu, il sort avec sa raquette de tennis et ses chaussures pointure 43, et revient furieux contre ses amis, en marmonnant qu'il ne veut plus les voir, parce qu'ils ne seront plus dans la même classe l'année prochaine, et qu'il lui semble qu'ils l'ont trahi.
« Il faut que je te parle. »
Il se redresse brusquement, torse nu.
« J'ai faim. »
Je lui parle donc à la cuisine, pendant qu'il étale du Nutella sur ses biscuits. Il se prépare de petits sandwiches qu'il avale d'une seule bouchée.
Il a la bouche sale, il a mis des miettes partout sur la table, il a mal ouvert et déchiré le paquet de biscuits.
Je ne dis rien, je ne peux pas le gronder en permanence. J'assiste en silence au banquet de mon fils, puis j'évoque le voyage.
Il secoue la tête.
« C'est hors de question, m'man. Vas-y toute seule.
- Tu sais, Sarajevo est une ville magnifique... »
Il sourit, joint les mains, les agite, me lance son habituel regard sympathique et rusé.
« Mais qu'est-ce que tu racontes, maman ! C'est pathétique, ce que tu dis. La Yougoslavie craint ! Tout le monde le sait. »
Je me raidis, croise les bras.
« On ne dis plus la Yougoslavie. »
Il avale un autre gâteau dégoulinant de Nutella. Il recueille les gouttes sur son doigt, et le lèche.
« C'est pareil.
- Ce n'est pas pareil. »
Je baisse le ton, je l'implore presque.
« Une semaine, Pietro, toi et moi... Ce sera sympa. »
Il pose les yeux sur moi, et pour la première fois me regarde vraiment.
« Je vois pas comment ça pourrait être sympa. Arrête, m'man...
- Nous irons sur la côte. La mer est sublime.
- Dans ce cas, allons en Sardaigne. »
Je me bats pour ne pas craquer, et voilà que cet imbécile me parle de la Sardaigne. Il se lève, s'étire, se retourne. Je contemple son dos, le duvet sur sa nuque.
« Vraiment, tu te moques de savoir où ton père est mort ? »
Il lâche sa tasse dans l'évier.
« Fait chier, m'man... »
Je le supplie, j'ai la voix d'une enfant, hésitante, incertaine, la voix qu'il avait quant il était petit.
« Pietro... Pietro.
- Quoi ? »
Je me lève à mon tour, renverse par mégarde le carton de lait.
« Comment ça, "quoi"? C'était ton père ! »
Il hausse les épaules, les yeux rivés au sol.
« Fait chier cette histoire. »
Cette histoire, c'est son histoire, notre histoire, mais il ne veut pas l'entendre. Quand il était petit, il était plus curieux, plus courageux, il posait davantage de questions. Il observait son père, jeune homme... cette photo de Diego sur le réfrigérateur, maintenue par un aimant, jaunie par les vapeurs de cuisine. Il se serrait contre moi, s'accrochait. En grandissant, il a cessé de m'interroger. Son univers s'est restreint à ses besoins, à son petit égoïsme. Il n'a pas envie de se compliquer la vie, ni les pensées. Pour lui, son père c'est Giuliano, c'est lui qui l'a accompagné à l'école, lui qui l'a amené chez le pédiatre. C'est lui qui lui a flanqué une gifle, un jour au bord de la mer, où il a plongé dans une eau trop peu profonde.

5 août 2010

Nicole Krauss – L'histoire de l'amour

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Gallimard – août 2006 - 356 pages

Folio – février 2008 – 459 pages

traduit de l’américain par Bernard Hoepffner avec Catherine Goffaux

Prix du meilleur livre étranger 2006

Quatrième de couverture :
A New York, la jeune Alma ne sait comment surmonter la mort de son père. Elle croit trouver la solution dans un livre que sa mère traduit de l'espagnol, et dont l'héroïne porte le même prénom qu'elle. Non loin de là, un très vieil homme se remet à écrire, ressuscitant la Pologne de sa jeunesse, son amour perdu, le fils qui a grandi sans lui. Et au Chili, bien des années plus tôt, un exilé compose un roman. Trois solitaires qu'unit pourtant, à leur insu, le plus intime des liens : un livre unique, L'histoire de l'amour, dont ils vont devoir, chacun à sa manière, écrire la fin. Cet admirable roman, hanté par la Shoah, offre une méditation déchirante sur la mémoire et le deuil. Mais c'est avant tout un hymne à la vie, écrit dans une langue chatoyante et allègre, l'affirmation d'un amour plus fort que la perte, et une célébration, dans la lignée de Borges, des pouvoirs magiques de la littérature. Il impose d'emblée Nicole Krauss comme une romancière de tout premier plan.

Auteur : Poétesse et romancière, Nicole Krauss est née en 1974 à New York. Elle publie en 2002 son premier roman Man Walks Into A Room, puis en 2005 L'histoire de l'amour, son premier livre traduit en français, récompensé par le prix du meilleur livre étranger en 2006. Elle publie fréquemment dans The New Yorker. Elle vit à Brooklyn, New York, avec son mari Jonathan Safran Foer

Mon avis : (lu en août 2010)
"L'histoire de l'amour", c'est le titre d'un manuscrit qui relie trois histoires. Celle de Leopold Gurski, un vieil émigré juif d'origine polonaise de New York, il a échappé à la Shoah et vit dans le souvenir d'Alma, son amour de jeunesse. Celle d'une adolescente de 14 ans, elle essaie de soutenir sa mère après la mort de son père. Un inconnu demande à sa mère de traduire un roman espagnol, « l'histoire de l'amour », dans lequel l'héroïne porte le prénom d'Alma, le prénom que lui ont donné ses parents après avoir lu ce même roman. Enfin, celle de Zvi Litvinoff, polonais exilé au Chili depuis 1941 et qui est l'auteur du roman.
Tour à tour chacun des trois personnages est le narrateur, et petit à petit le lecteur découvre les liens qui relient ces trois histoires.
En tête de chapitres, un petit dessin indique au lecteur qui est le narrateur : un cœur pour Leopold Gurski, une boussole pour la jeune Alma et une livre ouvert pour Zvi Litvinoff.
Dans L'histoire de l'amour, il est question de solitude, de deuils et de rendez-vous manqués. C’est un livre plein de sensibilité qui évoque l’amour des livres, de la lecture, de l’écriture et de l’influence que peut avoir un livre sur nos vie…
Un très beau livre que j’ai dévoré.

Un grand merci à Papillon (Journal d'une lectrice) qui m'a choisi ce livre lors du Swap in' Follies co-organisé par Amanda et Manu.

Extrait : (page 70)
1. MON NOM EST ALMA SINGER
Quand je suis née, ma mère m'a donné le nom de toutes les jeunes femmes qui se trouvaient dans un livre que mon père lui avait offert et qui s'appelait L'histoire de l'amour. A mon frère elle a donné le nom d'Emanuel Chaim, à cause de l'historien juif Emanuel Ringelblum qui avait enterré des bidons de lait remplis d'archives dans le ghetto de Varsovie, du violoncelliste juif Emanuel Feuermann, un des plus grands prodiges musicaux du vingtième siècle, également à cause de l'écrivain juif de génie Isaac Emmanuilovitch Babel et de Chaim, l'oncle de ma mère, un plaisantin, un véritable clown, qui faisait rire tout le monde comme des fous, et qui a été tué par les nazis. Mais mon frère refusait de répondre à ce nom. Quand on lui demandait comment il s'appelait, il inventait quelque chose. Il est passé par quinze ou vingt noms. Pendant un mois il a parlé de lui-même à la troisième personne comme étant Mr. Fruit. Le jour de son sixième anniversaire il a pris son élan et a sauté par une fenêtre du premier étage en essayant de voler. Il s'est cassé un bras et a désormais une cicatrice permanente sur le front, mais plus personne ensuite ne l'a jamais appelé autrement que Bird.

2. CE QUE JE NE SUIS PAS
Mon frère et moi, nous avions un jeu à nous. Je montrais une chaise et je disais : « CECI N'EST PAS UNE CHAISE. » Bird montrait une table. « CECI N'EST PAS UNE TABLE. » Je disais : « CECI N'EST PAS UN PLAFOND. » Nous continuions de la sorte. « IL NE PLEUT PAS DEHORS. » « MA CHAUSSURE N'EST PAS DÉLACÉE ! » hurlait Bird. Je montrais mon coude. « CECI N'EST PAS UNE ÉGRATIGNURE ! » Bird soulevait un genou.  « CECI N'EST PAS UNE ÉGRATIGNURE NON PLUS ! » « CECI N'EST PAS UNE BOUILLOIRE ! » « PAS UNE TASSE ! » « PAS UNE CUILLÈRE ! » « PAS DE LA VAISELLE SALE ! » Nous niions des pièces tout entières, des années, le temps qu'il faisait. Un jour, au plus fort de nos hurlements, Bird a respiré profondément. De toute la puissance de ses poumons, il a glapi : « JE ! N'AI PAS ! ÉTÉ ! MALHEUREUX ! TOUTE ! MA VIE ! » « Mais tu n'as que sept ans », lui ai-je dit.

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31 juillet 2010

Nage libre – Nicola Keegan

nage_libre Éditions de l'Olivier - mai 2010 – 424 pages

traduit de l'anglais (États-Unis) par Madeleine Nasalik

Quatrième de couverture :
Philomena n'est pas très à l'aise sur la terre ferme. Mais il lui suffit d'entrer dans l'eau pour se sentir à sa place. Quand elle nage, elle est puissante et libre. Lorsqu'un célèbre entraîneur la remarque dans une piscine du Kansas, une nouvelle vie commence pour elle. Philomena laisse place à "Pip", une jeune athlète promise à un avenir olympique. Une fois les médailles autour du cou, elle redevient fragile. Un autre défi l'attend. Parviendra-t-elle à le relever? Nage libre est bien plus qu'un récit initiatique sur une championne hors du commun. Ce texte atypique, porté par la voix étonnante de Pip, est une révélation. Nicola Keegan y imprime sa marque : un humour, une poésie et une énergie remarquables, salués dès sa sortie aux États-Unis.

Auteur : D'origine irlandaise, Nicola Keegan vit à Paris. Nage libre est son premier roman. Il est en cours de traduction dans une douzaine de pays.

Mon avis : (lu en juillet 2010)
Un livre plein d'émotions qui nous fait rire ou alors nous donne des larmes aux yeux.

Philomena est une drôle de fille. Le livre commence, elle est encore bébé et s'apprête à avoir son premier cours de bébés-nageurs. C'est l'instant où elle découvre que son élément c'est l'eau. Elle se réfugie à la piscine pour nager, nager, nager, sans réfléchir, sans penser... Elle oublie sa vie de tous les jours : la mort de sa sœur Bron, puis peu de temps après l'accident d'avion de son père. Elle oublie sa sœur Roxanne qui se drogue, son autre sœur Dot trop parfaite et sa mère devenue à moitié folle. Elle oublie ses complexes d'adolescente. Elle se sent libre et forte dans une piscine. Elle devient une championne, elle bat de nombreux records et gagne beaucoup de médaille. Mais malgré cela sa vie est difficile.

Philomena est à la fois touchante et parfois énervante. C'est une fille simple du Kansas qui a suivit un enseignement chez les sœurs, elle se sent en décalage avec ses camarades de classe ou de piscine. Elle est trop grande, sa famille est plutôt compliquée et Philomena est très lucide sur tout ce qu'elle vit... En résumé un très bon livre que je vous conseille de découvrir même si vous n'aimez pas aller à la piscine !

Extrait : (début du livre)
Assise dans les bras de Leonard, je lui saisis le nez. J'ai une frimousse préhistorique et je l'ignore encore, mon visage se fend d'un sourire béant, bouche grande ouverte, qui repousse un bourrelet sous mes yeux et me plonge momentanément dans le noir. Chaque fois que le monde s'obscurcit, je crie. La nature m'a dotée de sourcils étonnamment mobiles : quand je crie, ils crient avec moi. Leonard me tapote le dos, me fait sauter sur ses genoux ; il a les traits tirés, l'air hagard, le teint du même vert pomme que celui avec lequel les bonnes sœurs badigeonnent le rebord des fenêtres. Je me console en une fraction de seconde, j'appuie sur son gros nez de toutes mes forces sans soupçonner qu'une copie identique pointera au beau milieu de ma figure.

J'ai sept mentons aux dimensions et volumes divers , sept crevasses dans lesquelles se terrent des miettes que ma mère doit extirper avec minutie après le bain. Nous avons nos rituels : il ne se passe pas une matinée sans qu'elle se penche sur moi, un coton imbibé d'huile d'amande douce à la main et deux valises violettes sous les yeux, et sans que j'envoie valser, d'un mouvement de karatéka, la bouteille d'huile débouchée qu'elle tient de l'autre. Aujourd'hui, elle a éclaté en sanglots lorsque le flacon a projeté un jet d'huile luisante à travers la chambre après lui avoir frôlé l'oreille. Par solidarité, j'ai joint mes vagissements à ses larmes ; la graisse qui enrobe mes chevilles clapotait sur mes pieds monstrueux, tels des collants trop larges.

Je mène une vie simple : si quelque chose me déplaît, je crie tant que le problème n'est pas résolu. Je n'aime pas fermer les yeux car à l'intérieur de ma tête, la musique, les lumières et les gens que je connais s'échappent. Je n'aime pas rester seule, je n'aime pas rester seule avec Bron, je n'aime pas me retrouver seule dans mon lit ni me réveiller dans le siège-auto sans personne autour. Je n'aime pas sentir le silence autour de moi. Les fois où je m'endors bercée par les battements du cœur de ma mère, calquant le rythme de mon souffle sur le sien, et que je me réveille couchée sur le dos entre les barreaux de ma prison pastel, je me sens trompée, trahie. Je gémis, mes intestins vibrent sous l'effet de la rage et j'attends qu'on vienne s'occuper de moi ; c'est ma mère qui arrive généralement, inquiète et stupéfaite que sa deuxième petite soit l'antithèse absolue de la première, celle au nez en trompette et au sommeil de plomb. Jour, nuit, du pareil au même pour moi. Leonard essaie de réfléchir ; c'est peine perdue.

29 juillet 2010

La Chorale des maîtres bouchers – Louise Erdrich

Lu dans le cadre du challenge_100_ans_article_300x225

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Albin Michel – janvier 2005 – 480 pages

LGF – mai 2007 – 568 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Reinharez

Quatrième de couverture :
1918. De retour du front, Fidelis Waldvogel, un jeune soldat allemand, tente sa chance en Amérique. Avec pour seul bagage une valise pleine de couteaux et de saucisses, il s'arrête à Argus, dans le Dakota du Nord où, bientôt rejoint par sa femme et son fils, il décide d'ouvrir une boucherie et de fonder une chorale, en souvenir de celle des maîtres bouchers où chantait son père. Des années 1920 aux années 1950, entre l'Europe et l'Amérique, ce roman à la fois épique et intime retrace le destin d'une famille confrontée au tumulte du monde.

Auteur : Née dans le Dakota en 1954, Louise Erdrich est, avec Sherman Alexie, l'une des grandes voix de la nouvelle littérature indienne d'outre-Atlantique. Si elle écrit, c'est pour réinventer la mémoire déchirée de ces communautés qui, aux confins des Etats-Unis, vivent sur les décombres d'un passé mythique. Mais l'auteur de L'Epouse antilope n'est pas seulement une ravaudeuse de légendes. Elle sait aussi marcher sur les brisées de ses illustres aînés, Faulkner ou Toni Morrison.

Mon avis : (lu en juillet 2010)
Ce livre est une magnifique histoire d'amour.
Entre Europe et Amérique des années 20 au années 50, on suit l'histoire de Fidelis Waldvogel un jeune soldat qui part pour l'Amérique après la Première Guerre Mondiale avec sa valise de couteaux et de de saucisses. Il est issu d'une famille de maîtres bouchers. Il va s'installer à Argus, une petite ville du Dakota Nord. Sa femme Eva et son petit garçon Franz viendront le rejoindre, ensemble ils ouvrirent une boucherie et Fidelis créera une chorale avec quelques hommes du village. Ensuite ils eurent trois autres garçons, Markus et les jumeaux Emil et Erich. Mais la grande aventure des Waldvoogel ne va également commencer avec leur rencontre avec un couple improbable : Delphine et Cyprian...

Un livre plein d'émotion et de tendresse, on y croise de nombreux personnages qui sont souvent attachants, parfois surprenants. On découvre le Dakota du Nord à travers de belles descriptions de paysages. Et à travers ces histoires poignantes, l'auteur évoque de nombreux thèmes comme l'amour, l'amitié, la mort, l'intégration, les racines, la maternité, le non-dit et l'absurdité des guerres. Une très belle lecture et je vous conseille de découvrir ce livre.

Extrait : (page 29)
Les saucisses lui firent traverser Minneapolis et un paysage d'ondulantes prairies, entrer dans la brusque étendue de plaines, de ciel immense, entrer dans le Dakota du Nord, où il vendit le dernier chapelet. Il quitta le train et longea le bord du quai de chemin de fer d'une petite ville. La bourgade était un entassement de joyeux bâtiments trapus, certains encadrés de fausses façades en demi-étage au-dessus de bannes et de vitrines, un ou deux en pierre calcaire et trois au moins en briques solides. Contre l'épouvantable absence de relief, l'endroit tout entier paraissait désarmé et ridicule, se dit-il, totalement ouvert à l'attaque et, étant adossé à une rivière, privé de voie de fuite. Il avait le sentiment d'un lieu provisoire, presque un campement, qu'une grande tempête ou une guerre pourrait niveler. Il lut le panneau ARGUS à voix haute et en retint le son. Il décrivit un cercle pour se repérer, épousseta le costume de son père, évalua qu'il était arrivé avec trente-cinq cents et une valise, désormais vidée de ses saucisses, contenant six couteaux, un aiguisoir et des pierres à aiguiser graduées. A l'ouest s'étendait l'horizon, et au sud, l'horizon. Au nord, c'était des rues plantées d'arbres à mi-croissance et des maisons d'aspect solide. Dans la rue principale, une banque neuve en pierre calcaire et un pâté de magasins en briques richement décorées s'étiraient vers l'est. Autour de lui, le vent ronflait avec une vaste indifférence qu'il trouva à la fois insupportable et réconfortante.

Il ignorait qu'il ne repartirait jamais. Il pensa simplement qu'il lui faudrait rester là, et travailler là, usant des instruments de sa profession, jusqu'à ce qu'il ait gagné suffisamment d'argent pour rejoindre la destination qu'il avait choisie en raison du caractère rigoureux de son pain. Puis il se demanda où, dans cette bourgade, on fabriquait le pain, d'où pouvait venir la bière, où l'on gardait frais le lait et le beurre, où les saucisses étaient préparées, les côtes de porc découpées et tranchées et la viande abattue. Rien ne lui fournit d'indice. Toutes les directions se ressemblaient. Alors il enfonça le chapeau de son père sur sa tête, fit redescendre d'une secousse les revers de son pantalon, et empoigna la valise.

7 juillet 2010

Pirates – Michael Crichton

Livre lu dans le cadre du Partenariat avec Blog-O-Book et les éditions Robert Laffont

pirates Robert Laffont – juin 2010 – 301 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Bouchareine

Quatrième de couverture :
1665, la Jamaïque est une petite colonie britannique perdue au milieu des possessions de l'Empire espagnol.
Port Royal, capitale de l'île, n'est pas un endroit où s'établir si l'on veut vivre centenaire: c'est un véritable coupe-gorge où se bousculent aventuriers, loups de mer, filles de mauvaise vie et autres repris de justice. Du point de vue du capitaine Edward Hunter, cependant, la vie sur l'île est riche de promesses. Il faut juste s'y entendre un peu en matière de piraterie...

La rumeur circule justement qu'un navire chargé d'or est à quai dans le port voisin de Matanceros.
Gouvernée par le sanguinaire Cazalla, l'un des chefs militaires favoris du roi d'Espagne, l'île est réputée imprenable. Qu'à cela ne tienne! Hunter met rapidement sur pied une équipe pour s'emparer du galion. Une femme pirate, fine gâchette dotée de la meilleure vue des Caraïbes, un ancien esclave, muet doué d'une force herculéenne, un vieillard paranoïaque expert en explosifs, et le plus remarquable barreur du Nouveau Monde seront ses compagnons de voyage...

Auteur : Né à Chicago, Illinois le 23 octobre 1942, écrivain de science-fiction, Michael Crichton est surtout connu pour avoir produit et créé 'Jurassic Park' et la série à succès 'Urgences'. Diplômé de la Harvard Medical School, le jeune homme finance ses études grâce à ses écrits, qu'il signe de différents pseudos tels que John Lange ou Jeffery Hudson. Ses connaissances lui permettent de se spécialiser dans l'extrapolation alarmante des recherches scientifiques contemporaines. Il s'attire par exemple les foudres des climatologues et des associations de défense de l'environnement avec son roman qualifié de 'climatosceptique' 'Etat d'urgence'. L'auteur publie aussi 'La Proie', en 2002, un roman dont les héros sont de microscopiques robots - les nanorobots - qui se rebellent contre leurs créateurs et 'Congo', qui exploite le thème de la recherche diamantaire industrielle. Il a reçu en 1996, le prix de Showman of the Years remis par le magazine Variety qui distingue à la fois l'auteur, le producteur, le scénariste et l'homme de télévision. Avec plus de 150 millions de livres vendus à travers le monde, Michael Crichton est l'un des auteurs les plus populaires de la planète. Il est décédé à Los Angeles, Californie le 04 novembre 2008.

 

Mon avis : (lu en juillet 2010)
Comme l'indique le titre de ce livre, il s'agit d'une histoire de pirates ou plutôt de corsaires…
1665, la Jamaïque est une colonie de la Couronne britannique. Le Capitaine Hunter a pour projet de capturer un galion espagnol et sa cargaison d’or qui mouille dans le port voisin de Matanceros. Il organise son expédition avec quelques personnages hauts en couleurs comme Lazue, une femme déguisée en homme qui a une vue perçante et qui prend du plaisir à tuer, Enders, chirurgien barbier, qui est un as de la navigation et qui sait lire la mer. Il y a aussi Bassa, le colosse noir muet, Don Diego dit Le Juif, le spécialiste en explosifs, et Sanson, le tueur français. L’impitoyable Cazalla sera là pour défendre les espagnols. Le récit d’aventure ne manquera pas de combats, de tempêtes, de naufrages, de vengeances, de trahisons…

Ce livre ressemble plus à un scénario qu'à un roman et il semble que Steven Spielberg soit intéressé par l'adaptation cinématographique. L’histoire n’est pas toujours crédible comme l’apparition soudaine d’un monstre marin… et je n’ai pas vraiment été convaincue par une histoire assez convenue, sans grande surprise…

Merci à Blog-o-Book et aux éditions Robert Laffont pour m'avoir permis de découvrir ce livre.

Extrait : (page 74)
Le Juif souleva un petit flacon de verre au goulot étroit.
- Mais avant que vous me jugiez mal, poursuivit-il tout en y versant une poignée de grenaille et quelques fragments de métal, avez-vous entendu parler de la Complicidad Grande ?
- Vaguement
- Mon fil fut accusé d'y avoir participé, expliqua le Juif tout en préparant sa grenade. Il avait abjuré la foi juive depuis longtemps et vivait à Lima, au Pérou, où il prospérait. Hélas, il avait des ennemis. Et le 11 août de l'année 1639, on vint l'arrêter sous prétexte qu'il continuait à pratiquer le judaïsme en secret.
Le Juif rajouta de la grenaille dans la bouteille.
- Il fut accusé de ne pas vouloir commercer le samedi, de ne pas manger de bacon à son petit déjeuner. Considéré dès lors comme judaïsant, il fut torturé. Et quand on lui mit aux pieds des fers chauffés à blanc, il finit par avouer tout ce qu'on voulait.
Le Juif remplit le flacon de poudre à ras bord et le scella avec de la cire.
- Au bout de six mois de prison, il fut brûlé vif avec six autres condamnés. C'est Cazalla qui commandait la garnison chargée d'exécuter cet autodafé. Les biens de mon fils furent confisqués. Sa femme et ses enfants... disparurent.
Le Juif considéra brièvement Hunter et essuya ses yeux larmoyants.
- Je ne vous raconte pas tout cela pour me plaindre. Je veux juste vous faire comprendre pourquoi j'ai fabriqué une telle arme.
Il souleva la grenade et y inséra une courte mèche.
- Vous feriez mieux de vous mettre à l'abri derrière ces arbres, ajouta-t-il.
Hunter obéit et regarda le Juif poser la bouteille sur un rocher, allumer la mèche puis courir vers lui comme un dératé.
- Que va-t-il se passer ? demanda-t-il.
- Vous allez voir, répondit le Juif et il sourit pour la première fois.
Subitement la bouteille explosa, projetant du verre et des éclats de métal dans toutes les directions. Les deux hommes s'aplatirent sur le sol en entendant les projections déchiqueter les feuillages au-dessus d'eux.
Quand Hunter releva la tête, il avait blêmi.
- Bon Dieu !
- Ce n'est pas une arme de gentilhomme ! reconnut le Juif. Elle ne cause vraiment de dommage qu'à ce qui est tendre, comme la chair.
Hunter le dévisagea avec curiosité.
- Mais les Espagnols ont mérité ce traitement, poursuivit Oeil noir. Alors qu'en pensez-vous ?
Hunter réfléchit. Tout son être se révoltait contre cet engin inhumain. Cependant, il partait avec soixante hommes capturer un galion en territoire ennemi. Soixante hommes qui devraient affronter une forteresse défendue par trois cents soldats, sans compter l'équipage du navire qui devait représenter deux ou trois cents combattants de plus.
- Fabriquez-m'en une douzaine. Emballez-les soigneusement pour le voyage et n'en parlez à personne. Ce sera notre secret.
Le Juif sourit.
- Vous serez vengé, Don Diego.
Sur cette promesse Hunter remonta sur son cheval et repartit
.

19 juin 2010

Le cahier bleu – James A. Levine

le_cahier_bleu Buchet & Chastel – janvier 2010 – 223 pages

traduit de l'américain par Sylviane Lamoine

Présentation de l'éditeur :
Batuk est âgée de neuf ans à peine quand son père, un paysan du Madya Pradesh, la vend à un bordel d'enfants de Common Street, à Bombay. Jetée en pâture aux désirs pervers des notables de la ville et des policiers pédophiles, la petite prostituée parvient, six années plus tard, à subtiliser un crayon à sa patronne. Et se met à couvrir les pages d'un cahier bleu auquel elle confie le quotidien épouvantable de son esclavage sexuel. Dans ce journal intimiste, désespéré, expiatoire, Batuk écrit tous les jours avec ses mots d'enfant sacrifiée. Elle écrit pour conjurer son destin, pour oublier que son père a abandonné sa léoparde aux yeux d'argent à la violence de ces clients qui viennent jusque dans son nid pour y faire des pains au lait. Elle écrit aussi pour retrouver ses jeux au village avec les lézards de son enfance entre les rochers chauffés par le soleil. Et, dans son cahier bleu, Batuk finit par s'inventer des héros fantastiques qui viendront peut-être, un jour, la libérer... Mais, une nuit, un taxi blanc s'arrête devant sa prison...

Auteur : James A Levine est professeur émérite et médecin dans la célèbre clinique américaine de Mayo. Il a été mandaté par les Nations unies pour enquêter sur le travail des enfants dans les pays émergents. Lors d'une visite dans la sordide rue des Cages de Bombay où exerce une partie du million deux cent mille enfants prostitués en Inde, il voit un jour une petite fille en sari rose qui écrit dans un cahier bleu. Batuk, l'héroïne du Cahier bleu, est née. Ce premier roman, dérangeant, puissant et engagé contre la prostitution des enfants dans le monde, est traduit dans une quinzaine de pays.

Mon avis : (lu en juin 2010)
Ce n'est pas facile de parler de ce récit bouleversant. Dans la première partie de ce livre, Batuk nous raconte sa vie effroyable : à l'âge de neuf ans, elle est vendue par son père. Elle va être violée et découvrir le terrible travail auquel elle est destinée dans une maison close de Common Street à Bombay. Six ans plus tard, elle arrive à se procurer un crayon et dans un « cahier bleu », Batuk raconte son histoire en utilisant un langage imagé, poétique et enfantin. Elle a beaucoup d'imagination et pour supporter l'insupportable, elle s'invente des contes.
La deuxième partie est très dérangeante, Batuk a quinze ans, elle a été acheté par un homme d'affaire et offerte à son fils comme « esclave sexuelle » et le récit devient pornographique et l'auteur ne nous épargne aucun détail, tout devient souffrance, violence... C'est souvent insoutenable.

Ce livre qui dénonce la prostitution des enfants en Inde est très fort. J'ai beaucoup aimé la première partie toute en poésie et en délicatesse pour dénoncer l'horreur de la prostitution enfantine, le sordide de la deuxième partie m'a un peu gâché l'ensemble. Je vous encourage cependant à découvrir ce livre.

Il faut noter que l'ensemble des droits d'auteur que James A. Levine tire des ventes du "Cahier bleu" sont reversés au Centre International des enfants disparus et exploités (www.icmec.org)

 

Extraits : (page 57)

Une fois coiffée, j'ai été enveloppée dans un sari pour la première fois de ma vie. Il était orange et rouge, rebrodé de fils blancs et argent, léger comme une plume, et sentait comme l'huile de mon bain de la veille. J'étais parfaite ; j'avais l'impression d'être emballée comme un cadeau précieux. La vieille m'a laissée et a fermé la porte à clé. Je me suis dévisagée dans le miroir. Il m'a fallu un moment pour comprendre que c'était moi. J'ai penché la tête, levé le poignet, et agité les doigts comme un éventail ; je me suis composé un sourire subtil. L'image a changé. J'ai parlé tout haut et entendu une voix familière provenir d'un visage qui m'était étranger. Je me suis mise à faire des imitations d'animaux, que le rouge à lèvres rendait plus comiques. J'en étais à la moitié de mon répertoire quand la vieille bique est revenue. Elle n'a fait qu'entrouvrir la porte avant de se pencher à l'intérieur.
« Viens. »
Cet ordre donné sur un ton inhabituel ressemblait plus à une invitation qu'à un commandement. Je me suis levée, j'ai dit au revoir à la grenouille dans le miroir, et je l'ai suivie.

[…] (page 61)

« Princesse, viens là, ma chérie, à côté de moi », a ordonné le maître.
J'ai obéis, quelque chose dans sa voix forçait à obéir. Il a passé son bras autour de ma taille avant de poursuivre.
« Messieurs, il est manifeste que nous sommes en présence d'un joyau. Cela fait de très nombreuses années que je n'avais pas vu un oisillon aussi charmant. »
Gros oncle puant l'a interrompu pour lui poser une question.
« Est-ce qu'elle est propre ? Le docteur l'a auscultée ? »
C'est la vieille qui a répondu depuis l'ombre du fond de la pièce.
« Le docteur Dasdaheer a procédé à un examen complet tout à l'heure. J'ai apporté son rapport. Il dit qu'elle est parfaite santé et – elle a toussé – pure. »
Gros oncle et Jeune oncle à grandes mains se sont mis à grogner tous les deux comme des porcs affamés. « Messieurs, a repris maître Gahil, me tenant toujours par la taille, il est temps de parler affaires. Qui va se délecter de notre petite princesse fraîchement arrivée de la campagne ? »
Regard circulaire, s'arrêtant sur chacun des oncles.
« Commençons, disons, à cinquante mille roupies. »
Le coussin de silence a vite été rompu par l'approbation simultanée de Gros oncle et Jeune oncle à grandes mains.
« D'accord, parfait.
— Soixante-quinze mille ? »
Hochements de tête et grognements de Grand oncle, oncle Nir-Sourire et Gros oncle.
« Cent mille, un lakh. »
J'avais accompagné papa et mes frères à des ventes de bétail aux enchères et j'ai compris que c'en était une.

13 juin 2010

Long week-end – Joyce Maynard

Lu dans le cadre du challenge_100_ans_article_300x225

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Philippe Rey – janvier 2010 – 285 pages

10x18 - janvier 2011 - 251 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) par Françoise Adelstain

Titre original : Labor Day, 2009

Présentation de l'éditeur :
Cette année 1987, une chaleur caniculaire s'abat sur la côte Est pendant le long week-end de Labor Day. Henry a treize ans, vit avec sa mère, ne supporte pas la nouvelle épouse de son père, aimerait s'améliorer au base-ball et commence à être obsédé par les filles. Jusque-là, rien que de très ordinaire, sauf que sa mère, elle, ne l'est pas. Encore jeune et jolie, Adele vit pratiquement retirée du monde et ne sort qu'en de rares circonstances. La rentrée des classes qui approche la contraint à conduire son fils acheter vêtements et fournitures au centre commercial. Et là, planté devant le présentoir des magazines où il essaye de feuilleter Playboy, Henry se heurte à Frank, ou plutôt Frank s'impose à Henry : Frank, un taulard évadé, condamné pour meurtre... Pendant quatre jours, le trio va vivre un surprenant huis-clos, chacun se dévoilant un peu plus au fil des heures. Et, vingt ans plus tard, avec émotion et humour, Henry révélera les secrets de ce long week-end qui lui a appris à grandir...

Auteur : Née en 1953, auteur de plusieurs romans et essais, surnommée lors de ses débuts fracassants en 1972 la Françoise Sagan américaine, Joyce Maynard vit désormais entre la Californie et le Guatemala. Plébiscité par une critique américaine unanime, ce Long week-end marque aussi la redécouverte d'un écrivain.

Mon avis : (lu en juin 2010)
Cette histoire est un huit clos entre Henry, treize ans, Adele, sa mère et Frank un fugitif qui vient de s'évader de prison, un criminel recherché par la police.

Un peu dépressive, Adele, vit recluse depuis son divorce et sort rarement de sa maison, Henry n’a pas de copain, il est s’efforce de faire de son mieux pour ne pas compliquer la vie de sa mère. Il se doit tous les samedis soir de dîner avec son père, sa nouvelle compagne et leurs enfants. Quelques jours avant la rentrée scolaire, lors d'un long week-end de canicule, ils sont partis faire quelques courses au supermarché lorsqu'Henry est abordé par Frank qui est blessé et qui lui demande de l'aider. Sans savoir qui il est, Adele accepte de l'accueillir chez elle.
L’arrivée de Frank va changer l’atmosphère de la maison, il va donner à ce foyer une vraie vie de famille. Il range la maison, fait de la cuisine, il s’occupe de distraire Henry et il redonne le sourire et l’envie de vivre à Adele.

L'histoire commence comme un fait divers, petit à petit le lecteur découvre trois personnages attachants, le ton est souvent grave, parfois drôle, le récit lent entretient un certain suspens et les évènements ne vont pas se passer comme on pourrait le prévoir. Ce long week-end va bouleverser le présent de chacun, mais aussi leur futur de tous les trois. A découvrir.

Extrait : (début du livre)
Il n'est plus resté que nous deux, ma mère et moi, après le départ de mon père. Et il avait beau dire que je devais aussi considérer comme membres de ma famille le bébé qu'il venait d'avoir avec sa nouvelle femme Marjorie, plus Richard, le fils de Marjorie, qui avait six mois de moins que moi et qui pourtant me dominait dans tous les sports, ma famille, c'était ma mère, Adele, et moi, point barre. Plutôt y admettre le hamster Joe que ce bébé, Chloe.

Quand mon père venait me chercher le samedi soir pour m'emmener dîner avec eux chez Friendly, il voulait toujours que je m'asseye à l'arrière de la voiture à côté d'elle. Ensuite, dans le box où nous mangions, il sortait un paquet de cartes de baseball de sa poche et et les posait sur la table pour les partager entre Richard et moi. Je donnais toujours les miennes à Richard. Pourquoi pas ? Le baseball, c'était ma plaie. Chaque fois que le prof de gym disait, OK Henry, tu joues avec les Bleus, tous les autres garçons de l'équipe râlaient.

En général, ma mère ne parlait jamais de mon père, ni de la femme à laquelle il était marié maintenant, ni du fils de cette femme, et non plus du bébé, mais un jour que, par erreur, j'avais laissé sur la table une photo qu'il m'avait donnée, où nous figurions tous les cinq – c'était l'année d'avant, quand j'étais allé à Disney World avec eux -, elle l'a étudiée pendant au moins une minute. Là, dans la cuisine, tenant la photo dans sa petite main pâle, son long cou élégant légèrement penché sur le côté, comme si l'image qu'elle regardait contenait un grand et troublant mystère, pourtant il y avait juste nous cinq, serrés comme des sardines dans une de ces tasses à thé tournantes. A la place de ton père, je m'inquiéterais de ce que le bébé n'a pas les deux yeux pareils, dit-elle. Ce n'est peut-être qu'un retard de croissance et pas une véritable arriération, mais si j'étais lui je lui ferais passer des tests. Est-ce qu'elle te paraît retardée, Henry ?
Peut-être un peu.
Je le savais. Elle ne te ressemble d'ailleurs absolument pas.
Je connaissais parfaitement mon rôle. Je savais qui était ma vraie famille. Elle.

 

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