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A propos de livres...
4 décembre 2011

Cent ans – Herbjørg Wassmo

cent_ans Gaïa – février 2011 – 557 pages

traduit du norvégien par Luce Hinch

Titre original : Hundre År, 2009

Quatrième de couverture :
Cent ans retrace la vie de plusieurs générations de femmes. Celle de Sara Susanne, de sa fille Elida, et de sa petite-fille, Hjørdis. On y découvre les hommes qu'elles ont voulus, ceux qu'elles ont eus et les nombreux enfants auxquels elles ont donné naissance. La petite Herbjørg, elle, appartient à la quatrième génération de la famille. Son histoire est celle d'une fillette qui se cache dans une grange pour échapper à son regard à lui. Elle possède un carnet et un crayon jaune qu'elle taille avec un petit canif. Sa seule issue est d'écrire pour mieux gommer les embûches trop tôt tendues par la vie. Et filer vers l'avenir comme on grimpe aux arbres pour approcher les oiseaux.

Auteur : Herbjørg Wassmo est née en 1942, dans le nord de la Norvège. Ses romans et nouvelles sont empreints de l'atmosphère de ces régions septentrionales. Auteur notamment de sagas flamboyantes telles que Le livre de Dîna, son œuvre a été récompensée par de nombreux prix.

Mon avis : (lu en décembre 2011)
J'aime beaucoup les couleurs de la couverture de ce livre. C'est le premier livre que je lis de Herbjørg Wassmo. J'avais envie de découvrir cette auteur que j'avais aperçu au Salon du Livre de Paris en mars dernier.
A travers les portraits de Sara, Elida, Hjørdis et Herbjørg (l'auteur elle-même), le livre retrace la vie de 4 générations de femmes de 1860 à 1960 dans les Iles Lofoten au Nord de la Norvège. Le lecteur est plongé dans l'histoire de la Norvège et de la femme sous plusieurs aspects et époques.
Le livre est divisé en six cahiers, chacun évoque une époque, mais pas toujours chronologiquement et c'est Herbjørg la narratrice de chaque premier chapitre de chaque cahier.
Chaque cahier du roman se lit facilement, le lecteur est porté par l'histoire, par l'ambiance des lieux, de l'époque. Mais il manque dans le livre un arbre généalogique pour se retrouver avec tous les personnages rencontrés, en particulier lorsque l'on passe d'une génération à une autre... Surtout que les familles sont très nombreuses !Sinon, j'ai beaucoup aimé ce livre, la Norvège y est décrite magnifiquement, toutes ces femmes sont attachantes et les histoires sont poignantes et captivantes. Je suis vraiment ravie d'avoir découvert cette auteur. Ayant d'elle un autre livre dans ma PAL Swap (Le livre de Dina, t1 offert par Pickwick), je me réjouie de la retrouver très prochainement.

D'autres avis enthousiastes chez Kathel, Papillon, Stéphie, Clara, Dominique.

Extrait : (début du livre)
La honte. Pour moi, c’est au cœur du problème. La honte, j'ai toujours essayé de la camoufler, de l'esquiver ou d'y échapper. Écrire des livres est en soi une honte difficile à cacher puisqu'elle est documentée de manière irréfutable. La honte y trouve son format pour ainsi dire.
Durant mon enfance et mon adolescence à Vesterålen, je tiens un journal dont le contenu est terrifiant. Si éhonté qu'il ne doit tomber sous les yeux de personne. Les cachettes sont diverses, mais la première est dans l'étable vide de la ferme que nous habitons. Sur une solive que je peux atteindre par une trappe aménagée dans le plancher et qui servait autrefois à évacuer le fumier. L'étable devient en quelque sorte un lieu d'asile. Vide. A part les poules. Et j'ai pour tâche de leur donner à manger.
Assise dans une stalle, sur un tabouret poussiéreux, sous une fenêtre encore plus poussiéreuse, j'écris avec un crayon au corps jaune et octogonal. Pour le tailler, j'utilise un couteau à gaine. La couverture de mon carnet de notes est jaune aussi. Celui-ci est petit. Un peu plus haut que la longueur de ma main. Je l'ai acheté à la boutique de Renøs, à Smedvika, avec mon propre argent – et je sais exactement à quoi il va me servir.

Ici, dans l'étable, je me sens en sécurité. Jusqu'au jour où il y découvre ma présence. Bien des années plus tard, j'ai compris à quel point un journal peut être dangereux. Mais j'en ai probablement déjà l'intuition, assise là sur mon tabouret. C'est pourquoi je suis muette et cachotière. Je rassemble mes carnets de notes dans un sac en toile cirée, fermé par un solide cordon que j'accroche à un clou sous le plancher. Un dispositif bien pratique et tout à fait nécessaire en l'occurrence, car il souffle un fort courant d'air entre les portes mal jointes de la cave à fumier.
Un dimanche matin, il fait son entrée dans l'étable. Je pense à me sauver mais il bouche l'entrée. Je dissimule le carnet en le faisant glisser dans ma botte avant même qu'il ne s'en rende compte. Ce n'est pas non plus le carnet qui l'intéresse, car il ignore encore ce que je peux bien trouver à écrire.

 

Lu dans le cadre du Challenge Voisins, voisines
voisin_voisine
Norvège

Lu dans le cadre du Challenge Viking Lit'
Viking_Lit

Lu dans le cadre du  Défi Scandinavie blanche
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Norvège

 
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24 novembre 2011

Profondeurs - Henning Mankell

profondeurs profondeurs_p

Seuil – janvier 2008 – 343 pages

Points – janvier 2009 – 347 pages

traduit du suédois par Rémi Cassaigne

Titre original : Djup, 2004

Quatrième de couverture :
En octobre 1914, l’Europe est au bord de la guerre. Afin d’améliorer la défense des côtes suédoises, le capitaine Lars Tobiasson-Svartman inspecte les routes maritimes. Sur la toute petite île de Sara Fredrika, il rencontre une femme dont il devient l’amant. Pour la revoir, il ment à sa femme, à l’amirauté, à lui-même, jusqu’au point de non-retour… Un roman à la fois sobre et sensuel.

Auteur : Henning Mankell est né à Stockholm en 1948. Auteur de célèbres romans policiers, de romans et de pièces de théâtre, il partage sa vie entre la Suède et le Mozambique.

Mon avis : (lu en novembre 2011)
Voilà un livre d'Henning Mankell très différent de ceux que j'ai déjà eu l'occasion de lire. Ce n'est pas un roman policier, mais un récit captivant qui se lit comme un suspens.
Automne 1914, nous sommes à l'aube de la Première Guerre Mondiale, le sombre héros de cette histoire Lars Tobiasson-Svartman est capitaine de la marine de guerre suédoise. Il est hydrographe et il est chargé de tracer de nouvelles routes maritimes en sondant les profondeurs de la mer sur les bords des côtes suédoises.
Au cours d'une de ces missions, le capitaine Lars va rencontrer une femme vivant seule et loin de tout sur la toute petite île de Halsskär. Il tombe amoureux d'elle et pour la revoir va se mettre à mentir à tous. C'est l'engrenage mensonges après mensonges il s'enferre et la folie n'est pas loin...
Le personnage de Lars est vraiment antipathique, désagréable, froid ensuite on le découvre menteur, égoïste, lâche. Et enfin, au fil des pages, il devient de plus en plus inquiétant.
Il règne dans cette histoire une atmosphère pesante et lourde, l'environnement naturel n'arrange rien avec le froid, le vent, la mer et la guerre en toile de fond n'est pas plus réjouissante...
Hennig Mankell nous décrit avec beaucoup de précision cette nature sauvage et hostile mais aussi le métier d'hydrographe au début de siècle que j'ai trouvé très intéressant.

Au résultat, un roman très bien construit, efficace mais glaçant !

Un grand Merci à Tiphanie qui m'a offert ce livre lors du Swap Une Vague Bleue organisé par Valérie

Avec ce livre je termine mon Défi Scandinavie blanche et noire, Catégorie Étoile des neiges  
et j'inaugure mon Challenge Objectif PAL Swap


Extrait : (début du livre)
Les jours sans vent, on entendait les cris des fous de l'autre côté du lac.
En automne surtout. C'était la saison des cris.
C'est aussi en automne que commence cette histoire. Dans un brouillard humide, par quelques degrés à peine au-dessus de zéro, une femme entrevoit soudain la liberté. Elle a découvert un trou dans la clôture.
Automne 1937. Cette femme s'appelle Kristina Tacker, elle est enfermée depuis des années dans un grand hôpital psychiatrique aux environ de Säter. Elle n'a plus aucune notion du temps.
Longuement, elle fixe le trou, comme si elle ne saisissait pas : la clôture a toujours été une limite dont elle ne devait pas s'approcher. Une frontière bien arrêtée.
D'où vient cette ouverture ? Cet endroit où la clôture a cédé ? Une main inconnue a ouvert une porte sur ce qui, un instant plus tôt, était encore une zone interdite. Il lui faut une éternité pour comprendre. Puis elle se glisse prudemment par le trou et la voilà de l'autre côté. Immobile, la tête enfoncée dans ses épaules crispées, elle écoute, guettant la main qui viendra l'attraper.
Pendant ces vingt-deux années enfermée à l'asile, jamais elle n'a senti d'êtres humains autour d'elle, rien que des souffles. La respiration est son geôlier invisible.
Les corps de bâtiments massés derrière elle, tapis comme des fauves assoupis, semblent prêts à bondir. Elle attend. Le temps s'est arrêté. Personne ne vient la forcer à rentrer. 
Après avoir longuement hésité, elle ose un premier pas, puis un autre, avant de disparaître parmi les arbres. 
C'est une forêt de résineux où règne une odeur âcre, semblable à celle de chevaux en rut. Elle croit deviner un sentier. Elle se déplace lentement et ne se retourne que lorsqu'elle cesse enfin de sentir la lourde respiration de l'asile. 
Elle est entourée d'arbres. Que le sentier, à présent disparu, ait été imaginaire n'a pas d'importance: de toute façon, elle ne va nulle part. Echafaudage autour d'un espace vide, elle n'existe pas. Derrière, il n'y a jamais rien eu, ni maison, ni personne. 
Elle traverse maintenant la forêt à toute allure, comme si malgré tout elle avait un but. Très souvent aussi elle reste plantée là, complètement immobile, paraissant elle-même se transformer en arbre. 
Dans la forêt, le temps est aboli. Il n'y a que les troncs des arbres, des pins surtout, quelques sapins, et les rayons du soleil qui tombent sans bruit sur le sol humide. 
Elle se met à trembler. Une douleur rampe sous sa peau. D'abord elle croit que c'est cette terrible démangeaison dont elle souffre parfois, et qui contraint les infirmiers à l'attacher pour qu'elle ne se gratte pas jusqu'au sang. Puis elle comprend que c'est autre chose. 
Elle se souvient qu'autrefois elle avait un mari. 
Elle ne sait pas d'où lui vient cette pensée. Mais elle se rappelle très bien, elle a été mariée. Il s'appelait Lars, elle s'en souvient. Il avait une cicatrice au-dessus de l'oeil gauche, et mesurait vingt-trois centimètres de plus qu'elle. C'est tout pour l'instant. Le reste, elle l'a refoulé et relégué dans l'ombre. 
La mémoire lui revient pourtant. Elle jette un regard perdu autour d'elle, parmi les troncs d'arbres. Pourquoi penser ici à son mari? Lui qui détestait les forêts, lui qui était toujours attiré par la mer? Lui qui fut cadet dans la marine, puis hydrographe et capitaine chargé de missions secrètes? 

Le brouillard se dissipe, l'air devient transparent. 

Elle reste sans bouger. Quelque part, dans un battement d'ailes, un oiseau s'enfuit. Puis à nouveau le silence s'installe. 
Mon mari, pense Kristina Tacker. J'avais autrefois un mari, nos vies mêlées formaient un rempart autour de nous. Pourquoi dois-je me souvenir de lui maintenant, alors que j'ai trouvé un trou dans la clôture, que j'ai laissé derrière moi le fauve aux aguets? 
Dans sa tête, parmi les arbres, elle cherche une réponse. 

Il n'y en a pas. Il n'y a rien. 

Lu dans le cadre du  Défi Scandinavie blanche
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Suède : Henning Mankell

Lu dans le cadre du Challenge Voisins, voisines
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Suède

Lu dans le cadre du Challenge Viking Lit'
Viking_Lit

Challenge Objectif PAL Swap
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1/10

Déjà lu du même auteur :
tea_bag  Tea-Bag  les_chaussures_italiennes  Les chaussures italiennes

meurtriers_sans_visage_p Meurtriers sans visage Les_chiens_de_Riga_2 Les chiens de Riga

l_homme_inquiet L'homme inquiet le_retour_du_professeur_points Le Retour du professeur de danse

la_lionne_blanche_p La lionne blanche

 

18 novembre 2011

Love Medecine - Louise Erdrich

Lu dans le cadre du partenariat Livraddict et Livre de Poche

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Albin Michel – novembre 2008 – 400 pages

Livre de Poche – octobre 2011 – 512 pages

traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Reinharez

Titre original : Love Medecine, 1984

Quatrième de couverture :
De 1934 à nos jours, Love Medicine retrace les destins entrelacés de deux familles indiennes, isolées sur leur réserve du Dakota, à qui les Blancs ont non seulement volé leur terre mais ont aussi tenté de voler leur âme. Mêlant comédie et tragédie, puisant aux sources d'un univers imaginaire riche et poétique qui marque tous ses livres, de Derniers rapports à Little No Horse à ce qui a dévoré nos cœurs, ce roman est présenté ici dans sa version définitive, reprise et augmentée par l'auteur.

Auteur :  Karen Louis Erdrich est née le 7 juillet 1954 à Little Falls, dans le Minnesota, d'une mère ojibura (famille des Chippewa), donc amérindienne, et d'un père germano-américain. Elle grandit dans le Dakota du Nord, aux États-Unis, où ses parents travaillaient au Bureau des Affaires Indiennes.
Louise Erdrich est, avec Sherman Alexie, l'une des grandes voix de la nouvelle littérature indienne d'outre-Atlantique. Si elle écrit, c'est pour réinventer la mémoire déchirée de ces communautés qui, aux confins des Etats-Unis, vivent sur les décombres d'un passé mythique. Louise Erdrich vit aujourd’hui dans le Minnesota.

Mon avis : (lu en novembre 2011)
Tout d'abord, la photo de la couverture est très belle, un superbe ciel au ton rosé, quelques maisons, une pompe à essence...
Ce livre est le premier de Louise Erdrich. Il a été écrit en 1984 et n'avait jamais été traduit en français avant. Louise Erdrich nous fait découvrir l'Amérique vue du côté des indiens du Dakota de 1934 à 1983. Nous suivons sur plusieurs générations l'histoire deux familles : les Lamartine et les Kashpaw, avec leurs conflits, leurs alliances, leurs secrets. Le roman commence en 1981 avec la mort de June dans d'une tempête de neige. Le soir de son enterrement, ses proches évoquent sa mémoire à travers des souvenirs et anecdotes... J’ai pris mon temps pour lire ce livre qui est comme une série de nouvelles car chacun des chapitres pourrait presque être lu indépendamment. Il y a différents narrateurs et donc différents points de vue pour une chronique sociale. La vie des peuples indiens est difficile, il y a la guerre, le chômage l'alcoolisme. Mais malgré la misère et l'indifférence des blancs, ils persistent à survivre avec fierté, en aimant leur famille, leurs enfants. Ils doivent résister aux attraits de la vie moderne pour préserver les coutumes du clan. La nature environnante et les paysages de forêts et de lacs sont à la fois leur seul richesse et le symbole de leur liberté rêvée.
Tout au long du livre, je me suis très souvent référée à l'arbre généalogie présent au début du livre pour comprendre plus facilement les liens entre les différents personnages. J'ai trouvé ce livre très intéressant à lire pour mieux connaître la conditions des Indiens Chippewa, à travers son écriture pleine de poésie l'auteur sait nous transmette beaucoup d'émotions.
Merci à Livraddict et aux éditions du Livre de Poche pour m'avoir permis de découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)
Le matin précédant le dimanche de Pâques, pour tuer le temps avant l'arrivée du car de midi qui la ramènerait chez elle, June Kashpaw descendait la grande rue encombrée de Williston, un petit bourg pétrolier en pleine expansion du Dakota du Nord. C'était une Chippewa aux longues jambes, usée en tout par l'âge, sauf dans sa façon de bouger. C'est probablement cette façon de bouger, avec l'aisance d'une gamine sur des jambes minces et fermes, qui attira l'oeil de l'homme qui l'appela en toquant à la vitrine depuis l'intérieur du Rigger Bar. Elle avait l'impression de le connaître des tas de gens. Elle en avait vu passer tellement. Il replia le bras, l'invitant à entrer, ce qu'elle fit sans hésiter, en pensant simplement qu'elle allait écluser quelques verres avec lui avant de récupérer ses sacs et de prendre le car. Elle voulait, au moins, voir si elle le connaissait vraiment. Même derrière le carreau humide, elle se rendait compte qu'il n'était pas si vieux que ça et que son torse était généreusement matelassé de nylon rouge foncé et de duvet coûteux.
Il y avait des boîtes d'œufs colorés sur le comptoir, chacun miroitant tel un bijou dans son enveloppe de cellophane. Quand elle franchit la porte, le type en écalait un, bleu ciel comme celui d'un merle, en le tenant au creux de sa main pendant que du pouce il écartait la coquille. Le temps avait beau être couvert, la neige réfléchissait une telle lumière qu'elle fut momentanément aveuglée. C'était comme de plonger sous l'eau. Ce vers quoi elle s'avança plus que toute autre chose, ce fut cet œuf bleu au creux de la main blanche, un fanal dans l'air obscurci.
Le type lui commanda une bière, une Blue Ribbon, en assurant qu'elle méritait une récompense parce qu'elle était ce qu'il avait vu de mieux depuis bien longtemps. Il lui écala un œuf, un rose, en remarquant qu'il était assorti à son col roulé. On appelait ces machins-là des pulls chaussette. Il dit que si c'était une chaussette, il lui baiserait volontiers les pieds, et puis avant de lui tendre l'œuf nu, il fit un petit sourire au barman.

Challenge 100 ans de littérature américaine 2011
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10/50 : Dakota du Nord

Déjà lu du même auteur :

la_chorale_des_maitres_bouchers_p La Chorale des maîtres bouchers la_mal_diction_des_colombes La malédiction des colombes

omakayas Omakayas

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4 novembre 2011

Désolation – David Vann

d_solations Gallmeister – août 2011 – 304 pages

traduit de l’américain par Laura Derajinski

Titre original : Caribou Island, 2011

Quatrième de couverture :
Sur les rives d'un lac glaciaire au cœur de la péninsule de Kenai, en Alaska, Irene et Gary ont construit leur vie, élevé deux enfants aujourd'hui adultes. Mais après trente années d'une vie sans éclat, Gary est déterminé à bâtir sur un îlot désolé la cabane dont il a toujours rêvé. Irene se résout à l'accompagner en dépit des inexplicables maux de tête qui l'assaillent et ne lui laissent aucun répit. Entraînée malgré elle dans l'obsession de son mari, elle le voit peu à peu s'enliser dans ce projet démesuré. Leur fille Rhoda, toute à ses propres rêves de vie de famille, devient le témoin du face-à-face de ses parents, tandis que s'annonce un hiver précoce et violent qui rendra l'îlot encore plus inaccessible.
Après Sukkwan Island, couronné par le Prix Médicis 2010, le second roman de David Vann est une œuvre magistrale sur l'amour et la solitude. Désolations confirme le talent infini de son auteur à explorer les faiblesses et les vérités de l'âme humaine.

Auteur : David Vann est né en 1966 sur l'île Adak, en Alaska. Il a travaillé à l'écriture de son premier roman, Sukkwan Island, pendant plus de dix ans. Publié en France en 2010, ce livre a obtenu le prix Médicis étranger et est aujourd'hui traduit en quinze langues dans plus de cinquante pays.

Mon avis : (lu en octobre 2011)
Il y a un an et demi, j'avais été saisie par Sukkwan Island, un huis clos en pleine nature surprenant et bouleversant. J'étais donc très pressée de découvrir ce nouveau livre de David Vann.
Irene et Gary, un couple de cinquantenaires. Après trente ans de vie commune, Gary veut réaliser à tout prix son rêve de construire une cabane dans une île déserte. Il entraîne Irène, malgré-elle, dans cette folle aventure. Et pourtant, Irène est torturée par des migraines inexplicables.
En parallèle, nous suivons également le quotidien de leurs enfants Mark et Rhoda. Cette dernière, vétérinaire, est une jeune fille qui rêve de se marier un jour avec Jim, elle vient souvent voir ses parents. Mark est plus en retrait de la famille. Le climat familiale est pesant. Plusieurs couples, des relations compliquées... Le lecteur s'attend à ce qu'un drame se produise, c'est obligé... Mais quel drame ? Quand ? Comment ?
Cette fois ci, le choc est moins fort que dans le roman précédent car l'effet de surprise n'est pas là. En effet, dès le début du livre, on ressent un certain malaise et l'atmosphère du livre annonce un drame prochain... L'auteur ménage très bien un certain suspens et c'est seulement dans les toutes dernières pages que ce drame nous sera révélé.
L'Alaska est également un personnage à part entière du livre, David Vann nous fait de longues descriptions d'une nature belle et sauvage. Quel dépaysement !

Un grand MERCI à Bibliofolie (aujourd'hui disparu), à Madame Charlotte et aux éditions Gallmeister de m'avoir permis de découvrir ce livre.

 

Extrait : (début du livre)
Ma mère n'était pas réelle. Elle était un rêve ancien, un espoir. Elle était un lieu. Neigeux, comme ici, et froid. Une maison en bois sur une colline au-dessus d'une rivière. Une journée couverte, la vieille peinture blanche des bâtiments rendue étrangement brillante par la lumière emprisonnée, et je rentrais de l'école. J'avais dix ans, j'avançais seule, j'avançais à travers les amas de neige sale dans le jardin, j'avançais jusqu'à notre porche étroit. Je ne me souviens pas du cours exact de mes pensées en cet instant, je ne me rappelle pas qui j'étais ni ce que je ressentais. Tout cela a disparu, effacé. J'ai ouvert notre porte d'entrée et j'ai trouvé ma mère pendue aux chevrons. Je suis désolée, ai-je dit, puis j'ai reculé avant de refermer la porte. J'étais à nouveau dehors, sous le porche. 
Tu as vraiment dit ça ? demanda Rhoda. Tu as dit que tu étais désolée ? 
Oui. 
Oh, Maman. 
C'était il y a longtemps, dit Irene. Et c'était quelque chose que je n'arrivais pas à voir à l'époque, alors je peux encore moins le voir aujourd'hui. Je ne sais pas à quoi elle ressemblait, pendue là-haut. Je ne me souviens de rien, seulement que c'était là. 
Rhoda se rapprocha de sa mère sur le canapé et lui passa le bras autour des épaules pour l'attirer à elle. Elles observèrent le feu. Un pare-feu en métal était installé devant, de petits hexagones, et plus Rhoda les regardait, plus ces hexagones semblaient composer la paroi arrière de l'âtre, dorée par les flammes. Comme si le mur de soutien, noir de suie, pouvait être révélé ou métamorphosé par le feu. Puis son regard se déplaçait et elle ne voyait à nouveau plus qu'un simple pare-feu. 
J'aurais aimé la connaître, dit Rhoda. 
Moi aussi, dit Irene. Elle tapota le genou de Rhoda. Il faut que j'aille dormir. J'ai une journée chargée, demain. 
Elle va me manquer, cette maison. 
C'était une bonne maison. Mais ton père veut me quitter, et le premier pas, c'est de nous faire emménager sur cette île. Pour donner l'impression qu'il a tout essayé. 
C'est faux, Maman. 
Nous nous fixons tous des règles, Rhoda. Et la première règle de ton père, c'est qu'il ne doit jamais passer pour un salaud. 
Il t'aime, Maman. 
Irene se leva et étreignit sa fille. 
Bonne nuit, Rhoda. 

Au petit matin, Irene porta sa part, rondin après rondin, du pick-up au bateau. On n'arrivera jamais à les caler les uns sur les autres, dit-elle à son mari, Gary. 
Je vais devoir les raboter un peu, dit-il d'un air renfrogné. 
Irene s'esclaffa. 
Merci, dit Gary. Il affichait déjà cette expression inquiète et morose qui accompagnait tous ses projets impossibles. 
Pourquoi ne pas construire la cabane avec des planches ? demanda Irene. Pourquoi faut-il absolument qu'elle soit en rondins ? 
Mais Gary ne lui répondit pas. 
A ton aise, dit-elle. Mais ce ne sont même pas des rondins. Aucun ne fait plus de quinze centimètres de diamètre. Ça va ressembler à une cahute en brindilles. 
Ils se trouvaient près du terrain de camping sur les rives de Skilak Lake, l'eau teintée d'un pâle vert de jade après la fonte des glaciers. Rendue floconneuse par la vase et, en raison de sa profondeur, jamais assez chaude, même au plus fort de l'été. Balayée par un vent frais et constant, les montagnes encore drapées de neige s'élevant sur la rive orientale. Depuis leur sommet, Irene avait souvent aperçu, par temps clair, les pics volcaniques blancs de Mount Redoubt et Mount Iliamna de l'autre côté de Cook Inlet et, au premier plan, la large étendue de la péninsule de Kenai : sa mousse rouge violacé et vert spongieux, les arbres chétifs en bordure des marais et des étangs, et l'unique autoroute serpentant comme une rivière argentée sous le soleil. Des terres publiques, pour la plupart. Leur maison et celle de leur fils Mark étaient les seuls bâtiments construits le long des berges de Skilak Lake, cachés dans le renfoncement des arbres, si bien que le lac avait encore des allures préhistoriques, sauvages. Mais vivre sur la rive n'était pas suffisant. Voilà maintenant qu'ils déménageaient sur Caribou Island. 
Gary avait reculé son pick-up près du bateau qui patientait sur la grève, la rampe dépliée à la proue pour permettre le chargement. A chaque rondin, il grimpait sur le bateau et en parcourait toute la longueur. D'un pas chancelant car la poupe baignait dans l'eau, instable. 
Des brindilles pour une cabane d'enfants, dit Irene. 
J'en ai assez entendu, dit Gary. 
Très bien. 
Gary souleva un nouveau petit rondin. Irene en saisit l'extrémité. Le ciel s'assombrit légèrement et l'eau passa du vert de jade au gris bleuté. Irene leva les yeux vers les montagnes et vit qu'un flanc avait blanchi. Il pleut, dit-elle. Ça vient vers nous. 
On va continuer à charger, dit Gary. Mets ta veste, si tu veux. 
Gary, en chemise de flanelle à carreaux à manches longues par-dessus son T-shirt. Un jean et des grosses chaussures. Son uniforme. Il semblait plus jeune, encore bien en forme pour sa cinquantaine bien tassée. Irene aimait toujours son apparence. Mal rasé et sale, pour l'instant, mais bien réel. 
Ça ne devrait pas être bien long, dit Gary. 
Ils allaient construire leur cabane à partir de rien. Sans même une fondation. Et pas de plan, d'expérience, d'autorisation, de conseils, non merci. Gary voulait le faire, un point c'est tout, comme s'ils étaient les premiers à fouler cette nature sauvage. 

Challenge 3%
Rentrée Littéraire 2011
RL2011b
17/21

Challenge 100 ans de littérature américaine 2011
challenge_100_ans

Challenge des Agents Littéraires
challenge_rentr_C3_A9e_litt_C3_A9raire_2011

50__tats
9/50 : Alaska

Déjà lu du même auteur :

sukkwan_island Sukkwan Island

2 novembre 2011

Avec cette neige grise et sale – Yun Ch'oe

avec_cette_neige_grise_et_sale 3_nouvelles

Actes Sud – janvier 1999 – 77 pages

Babel - novembre 2000 - 212 pages

traduit du coréen par Patrick Maurus

Titre original : Hoesaek Nunsaram, 1992

Quatrième couverture :
Au temps de sa jeunesse, durant un hiver de souffrance et de solitude, en vendant des livres interdits, l'étudiante Kang a fait la connaissance d'An, un imprimeur contestataire. Puis elle a surpris le secret de son engagement et, presque tacitement, s'est mise au service de la " cause ". Mais tout a basculé. Vingt ans plus tard, anonyme, misérable, tandis que ses " amis " occupent des places enviables, elle se souvient et raconte... Ch'oe Yun est un des talents les plus exceptionnels de la littérature coréenne. Sa parfaite connaissance de notre langue et de notre culture lui confère, à l'égard des modèles narratifs occidentaux, une distance en même temps qu'une connivence singulières. Etincelant et désespéré, son roman brûle d'une passion universelle sans rien perdre de cette identité et de cette " voix " qui lui valent désormais dans son pays, après six années d'écriture seulement, une reconnaissance d'une rare précocité.

Auteur : Née en 1953 à Séoul, Ch'oe Yun a déjà publié Là-bas, sans bruit, tombe un pétale (1991) et Il surveille son père (1993). Avec cette neige, grise et sale a obtenu en 1992 le prix Tongin.

Mon avis : (lu en octobre 2011)
Voici un livre que j'ai pris par hasard et par curiosité à la bibliothèque de mon lieu de vacances. Je partais le lendemain donc je pouvais sans problème lire un livre de moins de 80 pages avant mon départ.
Un avant-propos du traducteur explique que son travail a été fait en collaboration avec l'auteur lui-même. Ce dernier ayant enseigné le français.
Ce roman est plutôt une nouvelle. La preuve, c'est que l'édition Babel regroupe 3 nouvelles de l'auteur (Là-bas, sans bruit, tombe un pétale / Il surveille son père / Avec cette neige grise et sale).
Une femme Kang travaillant à des recherches dans le bibliothèque tombe par hasard sur un entrefilet d'un journal. Cet article précise que l'on a retrouvé le corps d'une Coréenne dans Central Park à New York avec un passeport à son propre nom. Kang est bouleversée et elle se souvient d'évènements vieux de vingt ans. A l'époque, elle était alors une étudiante pauvre et seule à Séoul. Elle achetait alors des livres interdits, puis les revendait après les avoir lus. Elle rencontrera alors An, un imprimeur qui lui propose un travail...
A travers cette nouvelle, le lecteur découvre la Corée des années 70, un pays sous un régime autoritaire et où la contestation politique entraîne parfois une répression violente.

Extrait : (début du livre)
Ces évènements vieux de vingt ans me reviennent clairement en mémoire, comme une scène dans la lueur d'un projecteur. Au moment de les évoquer, s'organise dans ma tête comme un tableau sombre, uniformément recouvert d'une teinte vert-bleu. Mais, de l'autre côté de la fenêtre placée dans un coin de ce cadre obscur, une chaude lumière semble sur le point de naître. Une période de confusion. Et avant tout de douleur. Parce qu'elle est inachevée ? Pourtant, tout au long des étapes de la vie, rencontre-t-on vraiment ce qu'on appelle la perfection ? Ah, en ce temps-là... Certains moments du passé sont tels qu'une telle expression n'autorise pas à les rejeter négligemment. Des instants certes brefs, mais qui exercent une influence décisive sur toute votre existence.
Cependant, l'effet répétitif de la vie quotidienne doit être très fort, car cela fait bien longtemps maintenant que, sur ce sombre tableau vert-bleu, tombent pluie et neige, que les fleurs s'y fanent et refleurissent, pour y déposer petit à petit une couche de poussière, et le transformer en cicatrice insensible.

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30 octobre 2011

Famille modèle – Eric Puchner

famille_mod_le Albin Michel – août 2011 – 544 pages

traduit de l'américain par France Camus-Pichon

Titre original : Model Home, 2010

Quatrième de couverture :
« Deux jours après que sa voiture – une Chrysler LeBaron avec sièges en cuir et options haut de gamme – eut disparu de l’allée du garage, Warren Ziller longeait discrètement les demeures cossues de ses voisins, s’appliquant à boiter au même rythme que son chien. »
Après La Musique des autres, recueil de nouvelles inventives et déroutantes, Eric Puchner réussit un premier roman saisissant de drôlerie et d’intelligence. Sur le ton de la tragicomédie, il raconte la chute de la famille Ziller, et plus particulièrement du père, Warren, qui a délaissé le bonheur paisible du Wisconsin pour la Californie du rêve américain. Mais rien ne se passe comme prévu et Warren ne peut avouer à sa femme et à ses trois enfants qu’il a investi toutes leurs économies dans un projet immobilier qui vient de tourner au désastre… Un mensonge qui ne sera pas sans conséquences.
Au cœur de ce fiasco, entre hilarité et désespoir, Puchner fait preuve d’une parfaite maîtrise du récit. Caustique et brillant, Famille modèle nous offre un portrait original et émouvant de la condition humaine.

Auteur : Professeur de littérature à l’université, Eric Puchner est l’auteur de La Musique des autres (2008), un recueil de nouvelles très remarqué.
Famille modèle, son premier roman, a été unanimement salué par la critique américaine en 2010.

Mon avis : (lu en octobre 2011)
C'est encore l'histoire d'une famille américaine, une famille attachante, mais plutôt originale...
La « Famille modèle », c'est la famille Ziller. Le père c'est Walter lorsque l'histoire commence il vient de se faire saisir sa voiture car il a investi toutes les économies de la famille dans un projet immobilier « foireux »... Et il n'a pas encore eu le courage de l'avouer à sa famille...
La mère Camille travaille comme réalisatrice de spots publicitaires sur la contraception.
Le fils aîné, Dustin est un garçon intelligent, beau et charmeur, il se prépare à partir à l'université. Avec des amis, ils ont créé un groupe de musique. Dustin s'imagine devenir un jour une star du punk. La fille de la famille, c'est Lyle, elle est toujours dans ses livres. Elle n'aime pas la Californie et la plage car sa peau de rousse ne lui permet pas de s'exposer au soleil. Elle est en conflit avec ses parents.
Le petit frère, Jonas est le mal-aimé, il a des idées étranges et morbides et qui s'habille en orange de la tête aux pieds. Et pour terminer, il y a le vieux chien de la famille Mister Leonard.
Le lecteur va suivre durant presque deux ans les tribulations de la famille Ziller, les déboires du père vont rejaillir sur toute la famille et entraîner sa chute...
C'est un livre qui se lit facilement, le style est fluide, le ton enjoué, la famille est attachante et j'ai été à la fois inquiète et pressée de connaître le dénouement de l'histoire pour savoir comment chacun des membres la famille Ziller allait pouvoir se sortir des problèmes et des tuiles que la famille avait accumulées... Je vous engage donc à découvrir ce premier roman.

Extrait : (début du livre)
Deux jours après que sa voiture – une Chrysler LeBaron avec sièges en cuir et options haut de gamme – eut disparu de l'allée du garage, Warren Ziller longeait discrètement les demeures cossues de ses voisins, s'appliquant à boiter au même rythme que son chien. Le brouillard qui enveloppait
Buggy Whip Lane embuait ses lunettes. On était en juin, mois des matins brumeux ; les lianes des bougainvillées grimpaient à l'assaut des poteaux télégraphiques, accrochées aux fils telles des guirlandes de Noël. Warren tirait sur la laisse de Mister Leonard, s'efforçant de suivre l'allée cavalière en bordure de la route. Une rassurante odeur de crottin montait des copeaux de bois à ses pieds. Il passa devant chez les Hathaway, les Wong, les Dunkirk, les Temple et les Starchild aux maisons blanches comme des dents, que seuls un cactus solitaire, un cerf en bronze dans le jardin ou une planche de surf appuyée au mur distinguaient de leurs voisines. Ces planches de surf étaient fascinantes. On les croyait prêtes à tomber, et elles restaient debout. Après trois ans dans le quartier, leur vue lui donnait encore le frisson. Lorsqu'il tentait de définir ce que la Californie représentait pour lui, la distance incommensurable qu'il avait parcourue depuis leWisconsin, Warren pensait toujours à ces magnifiques jouets en équilibre instable.
Mister Leonard s'immobilisa sur l'allée cavalière pour inspecter un rocher et se mit à chantonner. Une mélopée déchirante, comme pour inciter le rocher à chanter en duo avec lui. L'animal était vieux et perclus d'arthrite, mais l'idée qu'il puisse perdre la raison n'avait pas effleuré Warren. Pour un chien, il paraissait intelligent et plein de ressources, capable de retrouver les chaussures perdues ou d'ouvrir les portes d'un coup de patte.
« Vous n'avez rien remarqué d'anormal chez Mister Leonard ? » demanda Warren en rentrant chez lui. Les enfants étaient assis ensemble autour de la table de la cuisine, sûrement un effet du hasard. Une odeur de pieds et de McDo flottait dans la maison. Mister Leonard boitilla jusqu'à son écuelle et contempla sa maigre ration de croquettes.
« Mis à part le fait de chanter devant les rochers ? » répondit Lyle qui se coupait les ongles dans une chaussure de sport posée sur le sol. La sienne, apparemment.
« Donc tu as remarqué ?
– Devant chaque rocher. C'est plus fort que lui.
– Quelqu'un lui a peut-être donné du LSD, suggéra Jonas.
– Ça m'étonnerait, dit Warren.
– Est-ce qu'il saute par les fenêtres en croyant qu'il va s'envoler ? »
Dustin s'esclaffa. « C'est un mythe.
– Ah bon, les chiens ne volent pas ? » ironisa Lyle en posant son coupe-ongles sur la table.
Camille, la femme de Warren, leva les yeux de son évier.
« Je ne trouve pas ça drôle.
– Moi je trouve ça fabuleux, répliqua Dustin. Qu'il puisse rencontrer l'amour si tard dans l'existence.
– Au Vietnam, intervint Jonas, on tue les chiens quand ils ne servent plus à rien et on les mange. Il y a une recette de “chien aux sept sauces”.
– Ça suffit, les garçons ! s'écria Camille.
– Oui, approuva Lyle. Mister Leonard vous entend. »
Conscient qu'on parlait de lui, l'animal s'approcha de la table en traînant la patte et en agitant la queue. Dustin se pencha vers lui.
« Il y a si longtemps que je t'aime. Voyons à quelle sauce je vais te manger. »
Venant s'accroupir près de Mister Leonard pour lui caresser la tête, Camille foudroya ses enfants du regard. « J'espère que vous regretterez toutes ces moqueries, quand ce sera votre tour de chanter devant les rochers. »
Un silence coupable s'installa autour de la table. Warren eut pour une fois l'occasion d'observer ses trois enfants.
Dustin, sur le point d'entrer à l'université et torse nu comme à son habitude, engloutissait un Egg McMuffin qu'il avait dû acheter en revenant de sa séance matinale de surf, et se préparait pour une nouvelle journée de répétitions assourdissantes dans le garage avec son groupe. Lyle, seize ans, rouquine et misanthrope, portait un T-shirt avec l'inscription MORT AUX SANDWICHS en travers de la poitrine, dernière protestation en date contre les campagnes publicitaires de l'industrie agroalimentaire. Jonas, onze ans et obsédé par la mort…Que dire de Jonas ? Chaque matin il emplissait son bol de muesli, puis passait cinq minutes à enlever tous les raisins secs et les morceaux de dattes avant d'en recouvrir les céréales. Il préférait savoir où ils étaient, pour «ne pas tomber dessus parsurprise ». Ce jour-là il avait revêtu un coupe-vent orange sur un T-shirt de la même couleur. Le cœur de Warren se serra ; le désespoir le gagna. Il jeta un coup d'œil sous la table : jean de velours orange et, bien visibles, dépassant des mocassins de bateau, deux chaussettes couleur corail.
« Jonas, tu es orange des pieds à la tête. »
L'intéressé opina du chef.
« Il affirme sa personnalité », déclara Lyle.
Dustin donna à Jonas une tape sur l'épaule. « Bravo, grâce à toi les autres membres de la famille se sentent normaux. »
Warren regarda son fils orange retirer les raisins secs de son muesli. Il avait assez de soucis comme ça sans s'inquiéter pour la santé psychique de Jonas. « Tu ressembles à une carotte.
– Merci », répondit poliment Jonas.
Warren fronça les sourcils. Il prit la première page du journal et se trouva face à Mandy Rogers, la fillette handicapée mentale qui avait disparu de l'école. Les recherches duraient depuis deux semaines. Sa photo était placardée dans toute la ville : un visage lisse, genre marsouin, qui vous souriait sous un chapeau de cow-boy. Inquiétant et omniprésent. Chaque jour, pour aller au bureau, Warren passait en voiture devant la maison des Rogers et son escadron de camions hérissés d'antennes paraboliques.
« Si seulement on retrouvait le cadavre de cette malheureuse…
– Qui te dit qu'elle est morte ? lança Camille. Tu ne pourrais pas être un peu moins morbide…
– Parce que tu crois qu'elle a fait une fugue ?
– C'est vrai, maman, renchérit Lyle. Tu crois qu'elle attend au bureau des objets trouvés ?
– Et si c'était le type qui a volé la Chrysler ? suggéra Dustin.
– Ça m'étonnerait. Les voleurs de voitures ne kidnappent pas les enfants. »
Warren prononça ces mots sans ciller. Alors que les voisins laissaient leurs planches de surf sans surveillance dans le jardin, sa famille l'avait cru sur parole quand il avait annoncé qu'on venait de leur voler la Chrysler. Tout avait paru si facile que c'en était affligeant. Un coup de téléphone bidon à la police, un tour en ville pour porter plainte. (En réalité, il avait passé l'après-midi au bureau.) Il avait endormi leurs soupçons en évoquant les bandes de malfaiteurs qui sévissaient dans les résidences sécurisées, où tout le monde savait que les gens laissaient les clés sur leur voiture. Il avait traité les familles d'Herradura Estates de « doux rêveurs ».
À vrai dire, il avait nié l'évidence pour la Chrysler. Il espérait – bien qu'il n'ait pas fait un seul versement en six mois, ignorant les rappels de plus en plus secs et menaçants – que la société de recouvrement l'oublierait. Au lieu de quoi elle avait envoyé quelqu'un la nuit, pendant qu'il dormait.
Quand il était sorti dans l'allée avec Mister Leonard, il ne restait qu'une tache d'huile à l'emplacement de la voiture. Cette tache était le signe avant-coureur des ennuis à venir. Les meubles allaient suivre, le nouveau lave-linge Maytag, et même la maison. Dustin termina son petit-déjeuner, lécha la sauce qui avait coulé sur son poignet. Réflexe si enfantin, si innocent et spontané que Warren ravala son angoisse. Il protégerait cette innocence quoi qu'il lui en coûte. S'il fallait mentir à sa famille jusqu'à ce qu'il trouve le moyen de sortir de ce pétrin, il mentirait.

 

Challenge 3%
Rentrée Littéraire 2011
RL2011b
15/21

Challenge 100 ans de littérature américaine 2011
challenge_100_ans

50__tats
7/50 : Wisconsin
Le père a quitté le Wisconsin pour la Californie

Lu dans le cadre du Challenge Défi Premier roman
d_fi_du_1er_roman

 

29 octobre 2011

Freedom – Jonathan Franzen

freedom Éditions de l'Olivier – août 2011 – 718 pages

traduit de l’américain par Anna Wicke

Titre original : Freedom, 2010

Quatrième de couverture :
Patty Berglund est-elle la femme idéale ? Pour Walter, son mari, la réponse ne fait aucun doute : c’est oui. Épouse aimante, mère parfaite, Patty a tout bon. Mais qu’en pense-t-elle ? En renonçant à Walter, ce « bad boy » dont elle était amoureuse – et qui se trouve être le meilleur ami de Walter –, Patty a peut-être commis l’erreur de sa vie. Freedom raconte l’histoire de ce trio et capture le climat émotionnel, moral et politique des États-Unis entre 1970 et 2010 avec une incroyable virtuosité.
Anatomie d’un mariage et d’une famille – les Berglund –, ce livre analyse les illusions, les déceptions et les compromis d’une génération de baby-boomers qui avaient rêvé un jour de changer le monde. Mais c’est aussi un acte d’accusation implacable à l’égard d’une nation qui a cessé depuis longtemps d’incarner ses propres valeurs. Qu’avons-nous fait de notre liberté ? se demandent les personnages de Jonathan Franzen. Et quel monde laisserons-nous à nos enfants, qui nous ressemblent si peu ? Pendant ce temps, les États-Unis livrent en Afghanistan et en Irak leurs propres guerres napoléoniennes, tentant d’imposer cette même liberté par la force.

Auteur : Jonathan Franzen, né à Western Springs (Illinois) en 1959, a passé son enfance dans une banlieue de Saint Louis (Missouri). Après des études au Swarthmore College (Pennsylvanie) et à la Freie Universität de Berlin, il travaille quelques années dans le laboratoire de sismologie à l'université d'Harvard, comme assistant chercheur en géologie. Jusqu'au jour où il renonce à une carrière scientifique pour la littérature.
Avec trois romans La Vingt-Septième Ville (1988), Strong Motion (1992), LesCorrections (2001) il est distingué par le New Yorker comme l'un des « vingt écrivains pour le XXIe siècle » ainsi que par le magazine Granta. Il reçoit en 1998 le Whiting Writer's Award et, deux ans plus tard, l'American Academy's Berlin Prize.

Mon avis : (lu en octobre 2011)
C'est la première fois que je lisais cet auteur américain.

A travers un couple assez représentatif des États-Unis, Patty et Walter Berglund, Jonathan Franzen nous décrit sur trois générations de 1970 à 2010, les illusions et les désillusions du peuple américain avec en toile de fond les évènements politiques et économiques du monde.
Patty était en train de devenir championne universitaire de basket-ball lorsqu'elle rencontre à l’université du Minnesota Walter et Richard, deux copains très différents l'un de l'autre. Walter est travailleur, gentil, prêt à aider son prochain. Richard est un bad boy, séducteur, rockeur et égoïste. Patty est très attirée par Richard, mais c'est avec Walter qu'elle épousera. Elle se consacrera alors à sa famille sa fille Jessica et son fils Joey. Elle accueillera chez elle très souvent Connie la fille d'une voisine mère célibataire. La famille idéale ? Et pourtant, vingt ans plus tard, c'est la désillusion. Patty se serait-elle trompée en épousant Walter ? Le lecteur assiste au délitement du couple de Patty et Walter, de leur famille...
J'ai eu un peu de mal à entrer dans ce livre et par moment j'y ai trouvé des longueurs. C'est grâce au Read-A-Thon que j'ai réussi à vraiment entrer dans ce livre, à le terminer et à finalement plutôt l'apprécier.

Extrait : (début du livre)
Les nouvelles concernant Walter Berglund ne furent pas découvertes dans un quotidien local – Patty et lui étaient partis pour Washington deux ans plus tôt et ils ne signifiaient dorénavant plus rien pour St. Paul – mais la bonne société urbaine de Ramsey Hill n'était pas loyale à sa ville au point de ne pas lire le New York Times. Selon un long article vraiment peu flatteur de ce journal, Walter avait assez gravement mis en péril sa vie professionnelle dans la capitale du pays. Ses anciens voisins eurent bien du mal à concilier les mots et les expressions le qualifiant dans l'article (« arrogant », « autoritaire », « corrompu sur le plan éthique ») avec le cadre de la 3M dont ils gardaient le souvenir, généreux et souriant, au visage rougeaud, qui se rendait toujours à son travail en bicyclette, remontant Summit Avenue sous la neige de février ; il paraissait bien étrange que Walter, qui était plus vert que Greenpeace et dont les racines étaient rurales, pût maintenant avoir des ennuis pour collusion avec l'industrie du charbon et mauvais traitements envers les gens de la campagne. Mais il y avait toujours eu quelque chose de bizarre chez les Berglund.
Walter et Patty étaient les pionniers de Ramsey Hill – les premiers jeunes diplômés de l'université à acheter une maison dans Barrier Street depuis que le cœur historique de St Paul avait commencé à connaître des jours difficiles quelque trois décennies plus tôt. Ils avaient eu cette maison victorienne pour une bouchée de pain puis s'étaient échinés pendant dix ans à la rénover. Au début, une personne extrêmement déterminée mit le feu à leur garage et fractura à deux reprises leur voiture avant qu'ils ne le fassent reconstruire. Des motards à la peau tannée par le soleil envahissaient le terrain vague qui se trouvait de l'autre côté de la ruelle pour y boire de la Schlitz et y griller des saucisses, tout en faisant rugir leurs moteurs aux petites heures de la nuit, jusqu'au moment où Patty sortait en survêtement pour leur dire, « Hé les gars, ça va comme vous voulez ? » Patty ne faisait peur à personne, mais elle avait été une athlète d'exception au lycée puis à l'université et elle possédait encore une sorte d'intrépidité sportive. Dès la première journée passée dans le quartier, elle avait été désespérément voyante. Grande, coiffée d'une queue-de-cheval, d'une jeunesse absurde, faufilant sa poussette entre les voitures désossées, les bouteilles de bière cassées et les vieilles plaques de neige souillées de vomi, elle aurait très bien pu transporter sa journée heure par heure dans les filets suspendus à sa poussette. Derrière elle, les préparatifs, gênés par le bébé, d'une matinée de courses, elles-mêmes gênées par le bébé ; devant elle, un après-midi à écouter la radio publique, son livre de cuisine du Silver Palate, des couches en tissu, du composé à joints, de la peinture au latex ; ensuite, quelques pages du livre Goodnight Moon, et enfin, un petit verre de zinfandel. Elle était déjà totalement ce qui n'était qu'un balbutiement dans cette rue.

Challenge 2%
Rentrée Littéraire 2011
RL2011b
14/14

Challenge 100 ans de littérature américaine 2011
challenge_100_ans

50__tats
6/50 : Minnesota
Patty rencontre Walter et Richard à l'université du Minnesota

logo_read_athon_22oct2011

18 octobre 2011

Les vaches de Staline – Sofi Oksanen

Lu en partenariat dans le cadre des
Matchs de la Rentrée Littéraire de Priceminister
les matchs de la rentrée littéraire

les_vaches_de_Staline Stock – septembre 2011 – 528 pages

traduit du finnois par Sébastien Cagnoli

Titre original : Stalinin lehmät, 2003

Quatrième de couverture :
Les « vaches de Staline », c’est ainsi que les Estoniens déportés désignèrent les maigres chèvres qu’ils trouvèrent sur les terres de Sibérie, dans une sorte de pied de nez adressé à la propagande soviétique qui affirmait que ce régime produisait des vaches exceptionnelles. C’est aussi le titre du premier roman de Sofi Oksanen, dont l’héroïne, Anna, est une jeune Finlandaise née dans les années 1970, qui souffre de troubles alimentaires profonds. La mère de celle-ci est estonienne, et afin d’être acceptée, cette femme a tenté d’effacer toute trace de ses origines, et de taire les peurs et les souffrances vécues sous l’ère soviétique.
Sofi Oksanen décrit avec une grande puissance d’évocation les obsessions de ces deux femmes : Anna ne pense qu'à contrôler l'image de son corps, tandis que sa mère raconte sa rencontre avec « le Finlandais », à Tallinn, dans les années 1970, avec une sorte de distance glaçante, comme si sous ce régime de surveillance, la peur s'infiltrait jusque dans les rapports de séduction. Ne serait-ce pas ce passé qui hante encore le corps de sa fille ? 

Auteur : Sofi Oksanen est née en Finlande en 1977, d’une mère estonienne et d’un père finlandais. Elle est devenue en trois romans et quelques pièces de théâtre un personnage incontournable de la scène littéraire finlandaise. Purge a marqué la consécration de l’auteur, qui a reçu en 2008 l’ensemble des prix littéraires du pays, mais le roman a également enrichi le débat historiographique sur cette période de l’occupation soviétique.

Mon avis : (lu en octobre 2011)
Ce livre est le premier roman de Sofi Oksanen, publié en 2003 en Finlande.
Comme dans Purge, Sofi Oksanen revient sur l'histoire de l'Estonie de la deuxième guerre mondiale à aujourd'hui. Une mère Katariina et une fille Anna, deux époques, les années 70 et de nos jours, deux pays l'Estonie et la Finlande.
Anna, la narratrice, nous décrit sa maladie, sa "boulimarexie", elle est à la fois boulimique et anorexique. Elle nous décrit longuement et sans nous épargner aucun détail ses habitudes obsessionnelles autour de la nourriture, un travail à plein temps pour réussir à se maintenir à 45 kg. Un comportement qui a commencé alors qu'elle avait dix ans et qui dure depuis quinze ans...
Pour expliquer le comportement d'Anna, Sofi Oksanen revient (à la 3ème personne du singulier) sur le passé, d'abord dans les années 70, Katariina, jeune ingénieur estonienne se marie avec un Finlandais et après de nombreuses démarches administratives quitte l'Estonie pour la Finlande. A cette époque, après l'invasion allemande en 1939, puis soviétique en 1944, l'Estonie est devenue une république socialiste intégrée dans l'URSS. Katariina est la mère d'Anna. Dès son installation en Finlande, elle va tout faire pour gommer son origine estonienne. Elle interdit à Anna, née en Finlande, de parler estonien et d'avouer son origine estonienne, elle l'encourage à être une vraie finlandaise. Mais pourtant tous les étés, Katariina et Anna prennent le bateau pour Tallinn, et se rendent à la campagne, là où vit Sofi la grand-mère d'Anna.
Au milieu du livre, Sofi Oksanen remonte encore plus le temps, elle revient dans les années 40 et l'enfance de Katariina avec l'occupation allemande, puis soviétique, les déportations en Sibérie...

Ce livre est composé de chapitres courts qui se lisent plutôt facilement même si j'ai eu une impression d'un livre fourre-tout car il accumule beaucoup d'anecdotes qui nous révèlent les réalités de l'Estonie durant cette longue période de la Seconde Guerre Mondiale à nos jours. Le livre alterne le présent et les passés, on repère assez bien la période dont il est question car le passé est toujours daté.
Ce côté brouillon et fourre-tout du livre reflète parfaitement l'état d'esprit d'Anna et sa difficulté identitaire. Tout se bouscule autour d'elle, elle se sent pas totalement Finlandaise, elle se sent Estonienne mais n'ose pas se l'avouer et surtout l'avouer aux autres. L'Estonie a été longtemps soviétique malgré elle, Anna est Finlandaise malgré elle. Le refus de son origine estonienne imposé par sa mère est, pour elle, impossible à avaler...

J'ai trouvé très savoureuse l'explication du titre de ce livre : Les vaches de Staline, c’est comme cela que les Estoniens déportés en Sibérie appelaient les chèvres maigres qui se trouvaient là-bas. Ils se moquaient ainsi de la propagande soviétique qui racontait que le régime produisait des vaches exceptionnelles. Anna est aussi maigre qu'une vache de Staline.

Merci à Priceminister pour ce partenariat, qui m'a permis de découvrir ce livre très intéressant et touchant qui ne laisse pas indifférent.

Extrait : (début du livre)
MA
PREMIÈRE
FOIS, c’était différent. Je croyais que ce serait atroce, compliqué, sale et gluant. Je croyais que mes entrailles cracheraient du sang et que j’aurais deux fois plus mal au ventre. Je croyais que je n’y arriverais jamais, que je ne pourrais pas, que je ne voudrais pas, mais quand les premiers craquements de mes abdominaux me sont parvenus aux oreilles, mon corps  en a décidé pour moi. Il n’y avait pas d’alternative.
C’était divin.
La flamme du briquet a fait scintiller mes yeux à l’éclat fatigué. Ma première cigarette après ma première fois. Ça aussi, c’était divin. Tout était divin.
La seule chose qui l’emportait, c’était la satisfaction et le triomphe. J’avais peut-être la voix un peu rocailleuse et éraillée, mais bon.
Et j’ai su qu’il y aurait une deuxième fois. Une troisième. Une centième. A chaque fois, bien sûr, ça ne se passerait pas comme ça. Pour certains, la première fois reste la dernière, mais pas pour ceux qui sont bons à ça et bons pour ça.
Moi, j’ai été bonne à ça tout de suite.
Certes, mon inexpérience m’a fait vomir dans le lavabo, la première fois. La deuxième fois encore. Peut-être que la lunette des WC était un peu trop basse, humiliante.

Déjà lu du même auteur : purge_prixfemina_etranger Purge

Challenge 2%
Rentrée Littéraire 2011
RL2011b
12/14

Lu dans le cadre du  Défi Scandinavie blanche
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Finlande

Lu dans le cadre du Challenge Voisins, voisines
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Finlande

Lu dans le cadre du Challenge Viking Lit'
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Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
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"Animaux"

Lu dans le cadre du Challenge Défi Premier roman
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15 octobre 2011

Le nid du serpent - Pedro Juan Gutiérrez

Challenge Destination Cuba : 15 octobre 2011
proposé par evertkhorus
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Albin Michel – août 2007 – 286 pages

10/18 – janvier 2011 – 286 pages

traduit de l'espagnol par Bernard Cohen

Titre original : El Nido de la Serpiente, 2006

Quatrième de couverture :
Dans le Cuba délabré des années soixante, coincé entre désir de liberté et volontarisme castriste, un jeune garçon fait l’apprentissage de la vie. Le sexe, la violence, mais aussi la soif de culture et le désir d’écrire vont constituer le matériau d’une œuvre à venir, unique et fulgurante. Celle de Pedro Juan Gutiérrez, un des plus grands écrivains cubains contemporains.

Auteur : Né en 1950 à Cuba, Pedro Juan Gutiérrez a exercé différents métiers - marchand de glaces, coupeur de canne à sucre, dessinateur industriel... Avec Trilogie sale de La Havane, il rencontre un succès international. Son deuxième livre, Animal tropical, a quant à lui remporté, parmi cent treize romans candidats, le prestigieux prix Alfonso Garcia-Ramos. Également sculpteur et poète, Pedro Juan Guttiérrez collabore aujourd'hui à plusieurs revues en Amérique latine et aux États-Unis, et vit toujours à La Havane. Après Le Roi de La Havane, il publie Le Nid du serpent.

Mon avis : (lu en octobre 2011)
Lorsque qu'il m'a fallu choisir un livre cubain ou sur Cuba, je me suis rendu compte que je ne connaissais aucun auteur cubain... J'ai donc choisi ce livre un peu par hasard.
Une note de l’auteur est présente au début du livre « Ce livre est une œuvre de fiction. Les situations et personnages que l’on y trouvera sont purement imaginaires. »
Pourtant après lecture du livre et en comparant la biographie de Pedro Juan Gutiérrez, cela ressemble beaucoup à des souvenirs autobiographiques… La date de naissance, le prénom, la profession correspondent.
Le narrateur, Pedro Juan, raconte son adolescence à Cuba, en 1965, il a quinze ans. En toile de fond, les premières années de la révolution castriste. « Personne ne comprenait vraiment ce qui se passait et où on allait avec ce merdier. La ville était comme un bateau à la dérive qui donne de la bande dans la tempête. » Tous les commerces et industries ont été nationalisés, c’est l’abolition de la propriété privée, tous les étrangers ont quitté le pays.
Pedro Juan a la nostalgie d’avant. « Dès l’âge de huit ans, j’avais découvert près de chez nous une bibliothèque publique absolument parfaite, et sans personne ou presque. C’était un monde à part, le moyen rêvé d’oublier tout le merdier ambiant. Il y avait l'air conditionné, ça sentait la lavande. Je lisais des tas de livres à la fois, mais je les choisissais au pif. Une main magique me guidait le long des rayonnages jusqu'à Truman Capote, Faulkner, Erskine Caldwell, Jean-Paul Sartre, Marguerite Duras, Nietzsche, Wright Mills, Sherwood Anderson, Carson McCullers, Hermann Hesse, Dos Passos, Hemingway. Que des écrivains tourmentés par leurs obsessions et leurs fantasmes. »
Dans les années cinquante, il a eu accès à la culture grâce à deux oncles « Avec eux, et leur famille, j’ai appris à apprécier la musique classique, à comprendre le théâtre et le ballet, à passer de longs moments au Musée national, à baragouiner un peu d’anglais et même à me servir d’une fourchette, d’un couteau et d’une serviette. »
« Et le cinéma : au cours des années 50, j’ai vu tous les grands films américains. Les salles de la ville passaient six ou sept titres différents par semaine, et l’entrée ne coûtait presque rien. Ensuite, quand il a été décidé que le cinéma de l’ennemi ne devait plus être regardé, nous avons commencé à avoir plein de films européens. »
Depuis, la vie a changé, « Contrôle ! Discipline ! Ordre ! C’est comme ça, maintenant. »
« Cette double vie entre la rue et la bibliothèque me plaisait bien. Elle m'éloignait de mon étouffante maison, pour commencer. Je n'avais personne à qui parler de mes lectures. Autour de moi, personne ne lisait. Les adultes étaient ennuyeux à crever, ils ne parlaient que politique. C'était le seul horizon. Un aveuglement total, asphyxiant, auquel j'étais obligé de tourner le dos. »
Bientôt, Pedro Juan devra partir faire ses trois ans de service militaire. « La vie militaire était trop. Six mois à couper la canne, puis six mois d'entraînement pour gladiateurs, avec manœuvres en montagne, exercices de tir, séances de sport. »

L’écriture est choquante, violente, outrancière. Le style est oral, vulgaire, il y a beaucoup d’argot et le sujet de prédilection de l’auteur est le s-e-x-e… C’est comme une obsession, cela commence dès le premier chapitre sur plus de cinq pages et cela revient très très fréquemment.
Ce côté cru m’a vraiment gênée au début du livre, surtout que je ne m’y attendais pas. Mais plus le livre avance et on comprend que cela n’est pas gratuit... En effet pour Pedro Juan, le s* c’est l’ultime espace de liberté qui lui reste dans ce pays étouffé par le régime de Castro.
Mise à part cela, ce livre est très intéressant pour connaître la vie des Cubains à cette époque. Pedro Juan est vraiment attachant et surprenant.
Belle découverte.

Extrait : (début du livre)
Je voulais être quelqu'un dans la vie. Pas la passer à vendre des glaces. Je me suis dit que la solution serait peut-être d'apprendre un métier. Quelque chose qui me serve à embobiner les gens. Et je me suis lu Comment briller en public et se faire des amis, de Dale Carnegie. C'est ça, la clé : entortiller les autres. Les séduire. Celui qui sait parler se retrouve toujours du bon côté du manche. C'est pour ça que les niais crèvent en trimant et ne connaissent jamais rien d'autre, alors que les beaux parleurs font carrière dans la politique et deviennent présidents.
Ce livre de Carnegie, il m'avait été donné par un oncle qui était allé à Miami. Toute une caisse de vieux bouquins. Le Pouvoir de la volonté, L'Hypnose dans la vie quotidienne, Hymnes et psaumes de l'Église scientifique du Seigneur, Histoire de la police montée du Canada, Apprenez à photographier votre famille, Bibliothèque abrégée du Reader's Digest... Le truc sur l'hypnose me plaisait beaucoup ; il prétendait qu'on pouvait hypnotiser tout le monde autour de soi et vivre comme un roi sans jamais en branler une. C'était parfait, ça : séduire avec la langue, hypnotiser avec l’esprit. Le chariot de glaces pesait très lourd, et le soleil, et la sueur… J’avais quinze ans mais j’étais grand et fort pour mon âge. Je disais : « J’ai vingt ans », et on me croyait. C’était plus facile pour tout.
A cette époque, mes amis me surnommaient « Suce-Mémé », « le Charognard », « le Chacal ». Je ne l’avais pas volé à force de m’exhiber. « La prochaine fois, je dois être plus malin », je me disais, « ça suffit de se donner en spectacle avec de vieilles putes ! » par la suite, j’ai appris à être plus discret, à vivre seul et sans que quiconque connaisse mes secrets.

Pour découvrir quelques photos de Cuba :  Destination Cuba - carnet de voyage

 

 

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC
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"Animaux"

2 octobre 2011

Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire – Jonas Jonasson

le_vieux_qui_ne_voulait_pas_feter_son_anniversaire Presses de la Cité – mars 2011 – 454 pages

traduit du suédois par Caroline Berg

Titre original : Hundraåringen som klev ut genom fönstret och försvann

Quatrième de couverture :
Le jour de ses cent ans, alors que tous les notables de la ville l'attendent pour célébrer l'événement, Allan Karlsson s'échappe par la fenêtre de sa maison de retraite quelques minutes avant le début de la fête organisée en son honneur. Ses plus belles charentaises aux pieds, le vieillard se rend à la gare routière, où il dérobe une valise dans l'espoir qu'elle contienne une paire de chaussures. Mais le bagage recèle un bien plus précieux chargement, et voilà comment Allan se retrouve poursuivi par la police et par une bande de malfrats… Commence alors son incroyable cavale à travers la Suède, mais aussi, pour le lecteur, un étonnant voyage au cœur du XXe siècle, au fil des événements majeurs auxquels le centenaire Allan Karlsson, génie des explosifs, a été mêlé par une succession de hasards souvent indépendants de sa volonté.

Auteur : Jonas Jonasson né en 1961 est un écrivain et journaliste suédois. Son roman Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire a été vendu à plus de 700 000 exemplaires en Suède.

Mon avis : (lu en septembre 2011)
Voilà un livre très drôle, dès le début j'ai pensé à la fantaisie de Pasilinna et l'auteur y fait même référence à la page 101... En effet, Allan décide le jour de l'anniversaire de ses cent de s'enfuir de la maison de retraite où il vit, il veut échapper à la réception prévue en son honneur. Sa chambre est au premier étage, il n'hésite pourtant pas passer par la fenêtre. Une cavale improbable et déjantée commence. Allan se dirige vers la gare, là il vole une grosse valise à un délinquant et monte dans un bus et il s'enchaîne une série d'évènements et de rencontres improbables et abracadabrantesques…
Avec la disparition du centenaire, la presse évoque un kidnapping et la police avec l'inspecteur Aronsson va mener l'enquête. Différents témoins se manifestent, quelques indices donnent des piste « mais plus il avançait dans son enquête, plus elle lui semblait compliquée. »
En parallèle à cette folle escapade, Allan revient sur les souvenirs de propre vie. Le lecteur découvre un personnage genre « Forrest Gump » qui durant sa vie va faire un tour du monde et rencontrer de multiples personnalités dans des circonstances inattendues... Il rencontrera Franco, Truman, Mao, Staline, Churchill...
En lisant ce livre, je ne me suis pas ennuyée un instant, tout au long des pages j'ai été surprise et je me suis beaucoup amusée !

Un reproche pour ce livre... sa couverture pour la version française... Quelle horreur !

vocouverture originale

Extrait : (début du livre)
On se dit qu'il aurait pu se décider avant et qu'il aurait dû au moins avoir le courage de prévenir son entourage de sa décision. Mais Allan Karlsson n'avait jamais été du genre à réfléchir longtemps avant d'agir.
L'idée avait donc à peine eu le temps de germer dans l'esprit du vieil homme qu'il avait déjà ouvert la fenêtre de sa chambre situé au premier étage de la maison de retraite de Malmköping dans le Södermanland, et qu'il s'était retrouvé debout sur la plate-bande dans le jardin.
L'acrobatie l'avait un peu secoué, ce qui n'avait rien de très étonnant, vu que ce jour-là Allan allait avoir cent ans. La réception organisée pour son centenaire, dans le réfectoire de l'établissement, commençait dans une heure à peine. L'adjoint au maire lui-même était invité. Et le journal local avit prévu de couvrir l'évènement. Tous les vieux étaient évidemment sur leur trente et un, ainsi que le personnel au complet avec Alice la Colère en tête de peloton.
Seul le roi de la fête allait manquer à l'appel.

Lu dans le cadre du  Défi Scandinavie blanche
dc3a9fi_scandinavie_blanche
Suède

Lu dans le cadre du Challenge Voisins, voisines
voisin_voisine
Suède

Lu dans le cadre du Challenge Viking Lit'
Viking_Lit

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