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A propos de livres...

30 novembre 2008

L'église des pas perdus - Rosamund Hadden

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Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Judith Roze

Edition Sabine Wespieser – mai 2006 - 368 pages

LGF – novembre 2008 – 283 pages

4ème de couverture : Quand Catherine King s'aventure seule dans la nuit pour aller voir les ossements humains mystérieusement apparus devant l'église de sa propriété, son amie Maria Dlamini la suit. C'est la fin de l'apartheid, les leaders noirs ont été relâchés. Les deux femmes sont âgées : elles ont été élevées ensemble, près de soixante-dix ans auparavant, dans cette ferme au nord-est de Johannesburg dont le père de Catherine, d'origine britannique, était le propriétaire et où la mère de Maria était la cuisinière noire.
Très tôt, la vie les a séparées : Maria est restée à la ferme, tandis que Catherine en était brutalement arrachée dès 1931. Quand elle revient vingt ans plus tard, Tom et Isobel Fyncham en sont les nouveaux propriétaires. Entre Catherine et Tom, l'attirance est immédiate mais des ombres rôdent. C'est en partant sur les traces de son père défunt que la jeune femme parviendra à démêler les raisons du malaise et les origines du drame qui s'est joué, à son insu, entre Tom, Isobel et elle-même. Tout au long du roman, Maria veille sur son amie, secondée en cela par un voisin afrikaner, Hendrik, lui aussi fasciné par la belle et fougueuse Catherine.
Roman du retour au pays natal, roman de la perte et de la trahison, de l'amitié et de la réconciliation, L'Église des pas perdus est un livre au suspense impeccablement orchestré, aux descriptions somptueuses, qui dit la complexité des relations entre les êtres dans un pays traversé par l'apartheid.

Biographie de l'auteur
Rosamund Haden fait partie de cette jeune génération d'auteurs talentueux d'Afrique du Sud, diplômés de l'Université du Cap. Elle a publié plusieurs livres pour la jeunesse. L'Eglise des pas perdus est son premier roman.

Mon avis : 4/5 (lu en janvier 2007)

Ce livre est tout d'abord beau : le papier et la typographie sont agréables à lire. C'est l'histoire de l'amitié entre 2 femmes, une blanche et une noire, à l'époque de la fin de l'apartheid en Afrique du Sud. Un récit poignant très bien écrit.

Extrait :
C'EST UNE PETITE FILLE qui trouva les os. Elle faisait route depuis le kraal de son père pour acheter du sucre au magasin de Hebron. L'orage éclata alors qu'elle atteignait le sentier qui grimpait, en serpentant parmi les koppiei, jusqu'à l'église en tôle construite sur la crête dominant les fermes. Tandis qu'elle escaladait les rochers de granit entre les euphorbes dressées comme des sentinelles, les nuages se déchirèrent et de grosses gouttes de pluie se mirent à marteler le sol. Elle chercha refuge sous un cussonia, mais les feuilles la frôlaient et elle fut bientôt trempée. Elle dut pousser plus loin parmi les rochers. Deux d'entre eux délimitaient une sorte de tunnel. Le passage était étroit, mais elle parvint à s'y faufiler et se retrouva sur une surface plane. En contrebas, la vallée s'étendait jusqu'aux montagnes qui marquaient la fin du haut veld ; au-delà, on descendait vers le Swaziland et le bas veld.

Elle s'accroupit, dos à la roche, et c'est là, dans la terre rouge transformée en boue, qu'elle trouva les os. Elle avait déjà vu des crânes d'animaux: de babouins, de vaches, de moutons, et même de chiens dont les restes gisaient, blanchis par le soleil, dans le veld; mais ce qu'elle avait sous les yeux était différent.

Incliné en arrière, le crâne la regardait fixement. L'eau s'engouffrait dans les orbites et entre les mâchoires, tournées vers le ciel comme pour boire la pluie. Il était entouré d'autres os qui devaient appartenir aux bras et aux jambes. Quelqu'un les avait déterrés : de longues entailles sillonnaient la terre.

Elle fit volte-face et se mit à courir, s'égratignant les jambes contre les épineux. Une fois dans l'église, elle s'assit, frissonnante, et attendit que les battements de son coeur ralentissent. Puis elle repartit, descendit en glissant la pente boueuse, dépassa l'étang formé par la rivière et suivit le sentier jusqu'à l'école de la ferme.

Un petit garçon montait et descendait les marches devant le bâtiment, disposant à la hâte des cuvettes en émail pour recueillir l'eau qui passait par le toit. «Ufunana ?» demanda-t-il, mais elle ne répondit pas et il rentra chercher de l'aide dans la salle de classe. Quand le maître d'école sortit, il trouva la fillette tremblante près de la porte.

Il plut jusqu'au lendemain, et quand la pluie cessa, les os avaient disparu. Quelqu'un les avait emportés.

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30 novembre 2008

Katarina Mazetti - Les larmes de Tarzan

 

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Traduit par Lena Grumbach et Catherine Marcus

 

Gaïa - octobre 2007 - 272 pages

Actes Sud - novembre 2009 - 276 pages

Présentation de l'éditeur :
Elle c'est Tarzan, lui Janne. Ils n'auraient jamais dû se rencontrer, mais voilà qu'elle lui est tombée dessus, dans tous les sens du terme, un jour où justement elle jouait à Tarzan, suspendue au bout d'une corde. Un sacré numéro, cette Mariana, et pas du tout son genre à lui, l'homme d'affaires plein aux as, habitué à collectionner les canons qu'on voit dans les magazines. Il voudrait bien comprendre pourquoi il est obsédé par cette nana fagotée comme un sac à patates, les cheveux en pétard, qui ne s'épile même pas le maillot et qui, malgré une attirance réciproque et une formidable entente sexuelle, n'est même pas amoureuse de lui. Pour couronner le tout, elle est flanquée de deux mômes impossibles, une vraie calamité pour les sièges cuir de sa Lamborghini dernier cri. Après le succès du Mec de la tombe d'à côté, Katarina Mazetti revient avec une histoire de couple encore plus déjantée. Savoureux.

Auteur :
Née à Stockholm en 1944, Katarina Mazetti est journaliste à la Radio Suédoise. Auteur de livres pour la jeunesse et de romans pour adultes, elle rencontre un succès phénoménal en Suède avec
Le mec de la tombe d'à côté, succès qui ne s'est pas démenti en France. 

Mon avis : 5/5 (lu en mars 2008)
Comme pour son livre précédent « Le mec de la tombe d'à côté », Katarina Mazetti nous raconte l'histoire d'une rencontre improbable entre Mariana et Janne. Un conte de fée moderne.
Mariana (dit Tarzan) vit seule avec ses 2 jeunes enfants, son mari est absent. Elle est professeur d'arts plastiques et effectue des remplacements et les fins de mois sont souvent très difficiles.
Janne est un jeune homme riche qui lors d'une rencontre insolite à la plage tombe amoureux dès le premier regard.
C'est un récit alterné de Janne, de Mariana et de sa fille Belle qui a un regard naïf mais pertinent et touchant de la situation.

Ce livre dénonce les injustices sociales et l'ignorance de Janne sur les difficultés de tout les instants de Mariana pour joindre les deux bouts. C'est un choc de culture sur fond économique, mais il y a aussi beaucoup d'humour malgré une situation grave.

Un très bon moment de lecture, j'ai été très touchée par les différents personnages du livre. Un vrai coup de cœur.

Extrait : 
Tarzan a poussé un hurlement et s'est élancée de la branche. Elle a décrit une grande courbe à travers le feuillage avant de venir s'échouer contre mon épaule gauche dans un bruit flasque et sourd. Le choc m'a propulsé à plusieurs mètres de là, bras et jambes battant comme des ailes.
Disons-le franchement, je n'étais pas à mon avantage la première fois que nous nous sommes rencontrés. Ou, plus exactement, quand elle m'est littéralement tombée dessus.
Et quels ont été ses premiers mots ?
Lâchant la grosse corde avec laquelle elle s'était catapultée, elle s'est exclamée, pas contente du tout :
— Aïe, putain de merde !
Elle s'est frotté le genou qui était un peu rouge après la collision avec ma clavicule et elle m'a reluqué, les sourcils froncés. J'avais en face de moi le portrait tout craché des pires souvenirs de mon institutrice à l'école primaire.
— D'accord, c'était un peu loupé ! a-t-elle dit ensuite. Pardon, excuse-moi, je suis désolée. Mais t'avais qu'à pas
 venir te balader juste là.
Je suis resté sans voix. La dame m'avait presque tué et voilà qu'elle se permettait aussi de critiquer mes déplacements sur une plage publique !
— Mais ferme-la, espèce de Tarzan de mes deux ! ai-je soufflé.
Elle portait en tout et pour tout une culotte de maillot de bain en tissu léopard. Je la trouvais imbuvable et l'envie me démangeait de lui flanquer une gifle, mais je n'avais pas encore complètement récupéré ma respiration, si bien que je suis resté allongé par terre à faire de l'hyperventilation. Elle s'est accroupie devant moi.
— Rien de cassé ?
Pour toute réponse, mes halètements de chien. Un petit môme blond avec une coupe au bol et de sexe indéterminé est sorti d'un buisson et s'est jeté à son cou par-derrière. Il a décollé du sol et s'est accroché à elle comme un sac à dos de grande randonnée.
— Pourquoi il respire comme ça, le bonhomme ?
Le bonhomme ! Je suppose que pour un mini-modèle comme celui-là, un homme de vingt-neuf ans est un bonhomme. Mais ça m'a fait un drôle d'effet de l'entendre, ça doit être la crise de la trentaine qui couve. Je l'ai toisé avec toute la malveillance dont j'étais capable.
Elle lui a distraitement essuyé le nez avec le dos de la main.
On s'est tamponnés. Va enfiler un pull, Bella ! Tu es restée trop longtemps dans l'eau.
Comment ça, on ? Tu m'as tamponné... ai-je fulminé. Je suis sûr que tu l'as fait exprès ! Si j'ai quelque chose de cassé, je porterai plainte, je te préviens !
Je commençais à en avoir marre de cette nana. Elle était plus vieille que moi, au moins dans les trente-cinq ans, avec des cernes noirs sous les yeux et des rides de bronzage.
J'ai senti quelque chose me brûler la fesse. Putain ! J'avais atterri sur mes lunettes de soleil Armani, celles que je venais juste d'acheter à Hongkong trois semaines auparavant ! Et je m'étais coupé avec les éclats !
— Je ne rigole pas, ai-je réussi à articuler une fois que j'eus fini de haleter comme une femme en couches. Ça s'appelle mise en danger d'autrui par imprudence, ce que tu viens de faire. Je vais te dénoncer à la police !
Elle a rigolé, mais sans la moindre joie.
— Bonne chance ! a-t-elle dit. Tu n'obtiendras pas plus de ma part que ce que l'huissier a réussi à me soutirer cette année. C'est-à-dire rien. Mais jette donc un coup d'œil sur le panneau là-bas, ça va te calmer.

 

26 novembre 2008

Oscar et la dame rose – Eric-Emmanuel Schmitt

oscar_et_la_dame_rose Albin Michel – novembre 2002 – 99 pages

Résumé : Voici les lettres adressées à Dieu par un enfant de dix ans. Elles ont été retrouvées par Mamie Rose, la " dame rose " qui vient lui rendre visite à l'hôpital pour enfants. Elles décrivent douze jours de la vie d'Oscar, douze jours cocasses et poétiques, douze jours pleins de personnages drôles et un très fort lien d'amour, ces douze jours deviendront légende.

Auteur : Éric-Emmanuel Schmitt (né le 28 mars 1960 à Sainte-Foy-lès-Lyon) est un écrivain et dramaturge d'origine française, installé à Bruxelles depuis 2002. Ayant obtenu la naturalisation belge en 2008, il dispose de la double nationalité. Site de l’auteur : http://www.eric-emmanuel-schmitt.com/

Mon avis : 5/5 (lu en 2004 et relu en octobre 2008)

Ce livre est vraiment très émouvant car il aborde le thème de la maladie et la mort d'un enfant. Mais il dégage aussi une leçon de vie, car Oscar va garder sa joie de vivre pleinement jusqu'à la fin. La lucidité de cet enfant de 10 ans et ses propos si justes sont bouleversants.

Ce livre fait pleurer, fait rire, fait réfléchir et apaise.

A lire absolument !

Ce livre peut également être lu par un adolescent, il faut peut-être l'informer du sujet du livre. Mon fils de 13 ans l'a beaucoup aimé.

Extrait :

« Je m'appelle Oscar, j'ai dix ans, j'ai foutu le feu au chat, au chien, à la maison (je crois même que j'ai grillé les poissons rouges) et c'est la première lettre que je t'envoie parce que jusqu'ici, avec mes études, j'avais pas le temps. "
J'aurais pu aussi mettre : "J'aurais pu aussi bien mettre : On m'appelle Crâne d'Oeuf, j'ai l'air d'avoir sept ans, je vis à l'hôpital à cause de mon cancer et je ne t'ai jamais adressé la parole parce que je crois même pas que tu existes. Seulement si j'écris ça, ça la fout mal, tu vas moins t'intéresser à moi. Or j'ai besoin que tu t'intéresses. Çà m'arrangerait même que tu aies le temps de me rendre deux ou trois services »

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Au théâtre, Oscar et la dame rose est en tournée avec Anny Duperey dans le rôle de Mamie Rose.

Eric-Emmanuel Schmitt réalise son deuxième film, Oscar et la dame rose, adapté du récit éponyme.
Début de tournage : octobre 2008 en Belgique et fin de tournage prévu au Canada en janvier 2009.
Michèle Laroque interprètera La dame rose, Max Von Sydow le docteur Dusseldorf...

26 novembre 2008

Johnny Chien méchant - Emmanuel Dongala

Johnny_Chien_M_chant Le Serpent à plume – mars 2005 – 360 pages

Présentation de l'éditeur
Dans le chaos d'une guerre civile avec déplacements massifs de populations, colonnes de réfugiés sur les routes et le lot habituel d'accompagnateurs plus ou moins bienveillants (organisations humanitaires, journalistes, coopérants qu'il faut évacuer, etc.), deux adolescents racontent ce qu'ils vivent. L'un, un jeune garçon (Johnny, qui prendra plusieurs noms de guerre dont celui de Chien méchant) est membre d'une milice. Il tue, viole, pille et assume crânement (et avec naïveté) comme d'autres enfants-soldats le rôle de bourreau, ne comprenant pas que lui aussi est une victime, même dans des situations cocasses. L'autre est une jeune fille (Laokole), qui se sait victime mais regarde les choses avec lucidité, avec distance et même une certaine philosophie malgré tout ce qu'elle vit.
Le récit est conduit à deux voix, comme une fugue où les deux "héros" racontent les mêmes événements, chacun avec son regard, vivent parfois les mêmes événements dans un même espace physique, sans se croiser, s'éloignent, se rapprochent, se suivent et se poursuivent, jusqu'à la scène finale de la confrontation où ils se retrouvent enfin face à face.

Quatrième de couverture
Congo, en ce moment même. Johnny, seize ans, vêtu de son treillis et de son tee-shirt incrusté de bris de verre, armé jusqu'aux dents, habité par le chien méchant qu'il veut devenir, vole, viole, pille et abat tout ce qui croise sa route. Laokolé, seize' ans, poussant sa mère aux jambes fracturées dans une brouetté branlante, tâchant de s'inventer l'avenir radieux que sa scolarité brillante lui promettait, s'efforce de fuir sa ville livrée aux milices d'enfants soldats. Sous les fenêtres des ambassades, des ONG, du Haut Commissariat pour les réfugiés, et sous les yeux des télévisions occidentales, des adolescents abreuvés d'imageries hollywoodiennes et d'information travestie jouent à la guerre : les milices combattent des ennemis baptisés « Tchétchènes », les chefs de guerre, très à cheval sur leurs codes d'honneur, se font appeler « Rambo » ou « Giap » et s'entretuent pour un poste de radio, une corbeille de fruits ou une parole de travers.
Dans ce roman, qui met en scène des adolescents à l'enfance abrégée, Dongala montre avec force comment, dans une Afrique ravagée par des guerres absurdes, un peuple tente malgré tout de survivre et de sauvegarder sa part d'humanité.


Auteur : Emmanuel DONGALA est né en 1941, de père congolais et de mère centrafricaine. Il passe son enfance et son adolescence en république populaire du Congo, puis fait ses études aux Etats-Unis et en France,Il est aujourd’hui professeur de chimie à Simon’s Rock College, dans le Massachusetts, et professeur de littérature africaine francophone à Bard College, dans l’Etat de New York.

Mon avis : 4/5 (lu en mai 2008)

J'ai vu hier qu'un film sortait aujourd'hui « Johnny Mad Dog », à propos d'enfants soldats et je me suis rappelé de ce livre que j'ai lu en mai 2008.

Dans ce livre les récits de Johnny et Laokolé s'alternent. Ils ont tous les deux 16 ans. C'est leur regard à chacun sur la même guerre. Le premier Johnny est un enfant soldat, il se décrit comme « l'intello » du groupe (il a été jusqu'au CM1 avec un niveau de CM2 !), il confond la vraie guerre et les films d'action américains, il viole, il pille, il tue sans peur et sans sentiment, il obéit, il cherche à se faire craindre et avoir l'air d'un chef cruel. Laokolé est une enfant sage et victime de la guerre, elle tente de fuir son village en poussant sa mère handicapée dans une brouette. Elle est sensible, intelligente, elle lutte pour sa survie. On voit également le regard occidental sur une tragédie lointaine. Les réactions des humanitaires, des journalistes sur une zone de conflits.

Ce livre est celui des enfants vieillis trop rapidement par des guerres absurdes. Ce livre est dérangeant : la violence, le réalisme des descriptions, l'absurdité des situations... Mais on est aussi profondément touché par la regard qu'a Laokolé sur les évènements, sur la société et sur l' Afrique. On découvre, à travers elle, une jeunesse africaine responsable, ambitieuse et dynamique.

A lire pour mieux connaître l'histoire contemporaine des conflits Africains.

Extraits :

Johnny : « “Ta gueule!”, ai-je crié à la maman. Et pan! j’ai tiré dans la nuque du gamin agenouillé. La mère affolée s’est précipitée sur le corps de son enfant, mais Petit Piment a “rafalé” avant qu’elle n’atteigne son but. Elle s’est effondrée la tête la première. Bon, on avait déjà perdu assez de temps et il fallait avancer. Nous avons décidé de tuer tous les hommes. De toutes façons ils étaient mayi-dogos. Magnanime, j’ai laissé la vie sauve aux femmes et je leur ai demandé de quitter immédiatement le quartier pour se diriger vers les zones que nous avions déjà conquises. Je sais, ma bonté me perdra un jour. »

...

Laokolé : « Notre pays de merde venait encore une fois de plus de tuer un de ses enfants. J’ai sangloté sans retenue, avec de violents soubresauts et des hoquets sonores, maintenant que les miliciens avaient disparu là-bas, dans la poussière du chemin. Maman a essayé de me calmer et de me consoler, mais j'ai continué à pleurer. Je ne sais pas si je pleurais mon amie ou cet enfant que je ne connaissais pas. Je pense que je pleurais les deux. Quel est ce pays qui tuait de sang-froid ses enfants ? Comment peut-on tuer la meilleure amie de quelqu'un ? Vraiment les gens sont méchant, ils n’ont pas de coeur. »

...

Johnny : « Mais comme j'étais intellectuel je savais ce qu’était l’ONU, ouais j'avais entendu parler de cette organisation et de ses soldats. Ces derniers étaient neutres, ils ne faisaient pas la guerre, ils maintenaient la paix. Mais quand ça chauffait et que leur vie était menacée ou si tout simplement ils croyaient qu’elle était en danger, ils fuyaient et vous laissaient tout seuls dans votre merde. »

...

Laokolé : « L’humanité est tombée bien bas. De toute façon, il fallait être bien naïve pour croire que le monde était bon, que le monde était beau. Je m'en voulais de n'avoir pas encore appris, malgré tout ce que j'avais traversé, que la confiance c’est bien mais que c’était mieux d’attacher sa brouette comme un caravanier attache son chameau dans le désert bien que sachant qu’il n'y a personne d’autre que lui à mille lieues à la ronde .»

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Johnny Mad Dog film de Jean-Stéphane Sauvaire sortie le 26 novembre 2008, il a reçu le Prix de l'Espoir du jury Un Certain Regard au Festival de Cannes 2008.

26 novembre 2008

Les larmes de l'assassin - Anne-Laure Bondoux

les_larmes_de_l_assassin Bayard Jeunesse – mai 2003 – 226 pages

4ème de couverture :

L'homme et la femme Poloverdo avaient un enfant qui poussait comme le reste sur cette terre, c'est-à-dire pas très bien. Il passait ses journées à courir après les serpents. Il avait de la terre sous les ongles, les oreilles décollées à force d'être rabattues par les rafales de vent, et s'appelait Paolo. Paolo Poloverdo. C'est lui qui vit venir l'homme, là-bas, sur le chemin, par un jour chaud de janvier. Cette fois-là, ce n'était ni un géologue, ni un marchand de voyages, et encore moins un poète. C'était Angel Allegria. Un truand, un escroc, un assassin.

Auteur : C'est en région parisienne qu'est née Anne-Laure Bondoux en 1971. Elle a suivi des études de Lettres Modernes à Nanterre. Parallèlement à ses études, elle a monté des ateliers d'écriture pour enfants en difficulté lesquels ont reçu le prix Fondation de France. Après avoir fait du théâtre, elle a rejoint en 1996 la rédaction de 'J' aime lire' à Bayard Presse, puis a participé au lancement du nouveau magazine, Maximum. Elle a cessé ses activités de journaliste en 2000 pour se consacrer exclusivement à l'écriture. Elle est l'auteur d'une trilogie 'Le Peuple des rats' publiée chez Bayard, et de plusieurs ouvrages pour enfants. Elle écrit également pour le théâtre et la chanson.

Mon avis : 5/5 (lu en janvier 2007)

Ce livre est aussi bien pour des adolescents que des adultes. Une histoire belle et triste. L'écriture est sobre, tout en nuance.

Paolo Poloverdo habite avec ses parents dans une ferme isolée à l'extrême sud du Chili. Angel Allegria, un assassin en fuite, arrive par hasard sur cette terre aride, tue les parents du petit garçon et s'installe avec lui. Alors qu'ils apprennent à vivre ensemble et qu'une étrange relation se développe entre eux, un troisième homme, Luis Secunda, riche, exilé et érudit, vient partager leur solitude. Poussés par la nécessité d'acquérir du bétail, tous les trois entreprennent vers Valparaiso un voyage au cours duquel les deux adultes vont se disputer l'affection de l'enfant.

L'atmosphère est spéciale dans ce bout du monde, aride et sauvage. La complicité qui se tisse entre l'assassin et le petit garçon est troublante et à la fois très belle. Cet enfant n'était pas aimé par ses parents, il découvre l'amour paternel d'Angel. L'arrivée de Luis va créer une rivalité entre les deux hommes pour avoir une exclusivité sur Paulo.

Ce récit initiatique est passionnant. Il y a la confrontation de l’innocence et du mal. L'amour pour l'autre qui prend le dessus sur la violence. Paolo est à la recherche du bonheur et de l'amour. Le dénouement est plein d'espoir. C'est un roman surprenant jusqu'à la fin, je me suis beaucoup attachée aux différents personnages, et j'ai été très souvent émue en lisant ce livre.

Extrait : « Ici, personne n'arrivait jamais par hasard. Car ici, c 'était le bout du monde, ce sud extrême du Chili qui fait de la dentelle dans les eaux froides du Pacifique. Sur cette terre, tout était si dur, si désolé, si malmené par le vent que même les pierres semblaient souffrir. Pourtant, juste avant le désert et la mer, une étroite bâtisse aux murs gris avait surgi du sol : la ferme des Poloverdo.

Les voyageurs qui parvenaient jusque-là s'étonnaient de trouver une habitation. Ils descendaient le chemin et frappaient à la porte pour demander l'hospitalité d'une nuit. Le plus souvent, il s'agissait d'un scientifique, d'un géologue avec sa boîte à cailloux, ou d'un astronome en quête de nuit noire. Parfois, c'était un poète. De temps en temps, un marchand d'aventure en repérage.

Chaque visite, par sa rareté, prenait une allure d'évènement. La femme Poloverdo, mains tremblantes, servait à boire avec une cruche ébréchée. L'homme, lui, se forçait à dire deux mots à l'étranger, pour ne pas paraître trop rustre. Mais il était rustre tout de même, et la femme versait le vin à côté du verre, et le vent sifflait tant sous les fenêtres disjointes qu'on croyait entendre hurler les loups.

Ensuite, quand le voyageur était parti, l'homme et la femme refermaient leur porte avec un soupir de soulagement. Leur solitude reprenait son cours, sur la lande désolée, dans la caillasse et la violence.

L'homme et la femme Poloverdo avaient un enfant. Un garçon né de la routine de leur lit, sans amour particulier, et qui poussait comme le reste sur cette terre, c'est à dire pas très bien. Il passait ses journées à courir après les serpents. Il avait de la terre sous les ongles, les oreilles décollées à force d'être rabattues par les rafales de vent, la peau jaune et sèche, les dents blanches comme des morceaux de sel et s'appelait Paolo. Paolo Poloverdo.

C'est lui qui vit venir l'homme, là-bas, sur le chemin, par un jour chaud de janvier. Et c'est lui qui courut avertir ses parents qu'un étranger arrivait. Sauf que, cette fois-là, ce n'était ni un géologue, ni un marchand de voyages, et encore moins un poète. C'était Angel Allegria. Un truand, un escroc, un assassin. Et lui pas plus que les autres n'arrivait par hasard dans cette maison du bout de la terre. »

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25 novembre 2008

Cannibale – Didier Daeninckx

Cannibale cannibale_folio

Cannibale_Daeninckx

Gallimard – 1998 – 96 pages

Folio - février 2000 - 107 pages

Magnard - juillet 2001 - 140 pages

Résumé : Cent onze Kanak sont envoyés à Paris pour représenter la Nouvelle Calédonie lors de l'Exposition coloniale de 1931. Exhibés comme des animaux au jardin d'Acclimatation, ils doivent jouer les " cannibales " dans un enclos pour divertir les visiteurs. Quelques jours avant l'inauguration officielle, empoisonnés ou victimes d'une nourriture inadaptée, tous les crocodiles du marigot meurent d'un coup. Une solution est négociée par les organisateurs afin de remédier à la catastrophe. Le cirque Höffner de Francfort-sur-le-Main, qui souhaite renouveler l'intérêt du public, veut bien prêter les siens, mais en échange d'autant de Canaques. Qu'à cela ne tienne ! Les « cannibales » seront expédiés.

Inspiré par ce fait authentique, le récit déroule l'intrigue sur fond du Paris des années trente - ses mentalités, l'univers étrange de l'Exposition -tout en mettant en perspective les révoltes qui devaient avoir lieu un demi-siècle plus tard en Nouvelle-Calédonie.

Auteur : Didier Daeninckx, né en 1949 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) est un écrivain français, auteur de romans noirs, de nouvelles et d'essais. Issu d'une famille modeste, Didier Daeninckx prend résolument le parti d'orienter son œuvre vers une critique sociale et politique au travers de laquelle il aborde certains dossiers du moment (la politique des charters, le révisionnisme, etc.) et d'autres d'un passé parfois oublié (le massacre des Algériens à Paris le 17 octobre 1961). Cette enquête historique le conduit parfois à quitter le domaine policier pour un réalisme social que souligne la sobriété de son style.

Mon avis : 4/5 (lu en février 2006)

Ce livre est court et juste. L'auteur a imaginé une fiction autour d'un fait historique réel mais oublié. On prend conscience de ce qu'était le colonialisme dans les années 30.

On est horrifié par la façon dont est traitée les Canaques : en premier lieu, dans cette Exposition Coloniale ils sont exposés dans des cages comme des bêtes dans un zoo sous prétexte d'exotisme... mais le pire c'est de vouloir faire un échange avec un cirque de Canaques contre des crocodiles ! Heureusement dans le roman, l'auteur imagine l'évasion des Canaques dans Paris et dans le métro véritable jungle urbaine... Ce livre est vraiment à lire pour mieux connaître ce fait réel.

Extrait : 

— Ah, c’est enfin vous, Grimaut ! Cela fait bien deux heures que je vous ai fait demander... Que se passe-t-il avec les crocodiles ? J’ai fait le tour du parc ce matin, avant de venir au bureau, je n’en ai pas vu un seul dans le marigot...
Grimaut commence à transpirer. Il baisse les yeux.
— On a eu un gros problème dans la nuit, monsieur le haut-commissaire... Personne ne comprend ce qui a bien pu se passer...
— Cessez donc de parler par énigme ! Où sont nos crocodiles ?
— Ils sont tous morts d’un coup... On pense que leur nourriture n’était pas adaptée... Á moins qu’on ait voulu les empoisonner...
L’administrateur reste un instant sans voix, puis il se met à hurler.
Grimaut déglutit douloureusement.
— Morts ! Tous morts ! C’est une plaisanterie... Qu’est-ce qu’on leur a donné à manger ? De la choucroute, du cassoulet ? Vous vous rendez compte de la situation, Grimaut ? Il nous a fallu trois mois pour les faire venir des Caraïbes... Trois mois ! Qu’est-ce que je vais raconter au président et au maréchal, demain, devant le marigot désert ? Qu’on cultive des nénuphars ? Ils vont les chercher, leurs crocodiles, et il faudra bien trouver une solution... J’espère que vous avez commencé à y réfléchir...
L’adjoint a sorti un mouchoir de sa poche. Il se tamponne le front.
— Tout devrait rentrer dans l’ordre au cours des prochaines heures, monsieur le haut-commissaire... J’aurai une centaine de bêtes en remplacement, pour la cérémonie d’ouverture. Des crocodiles, des caïmans, des alligators... Ils arrivent à la gare de l’Est, par le train de nuit...
— Gare de l’Est ! Et ils viennent d’où ?
Grimaut esquisse un sourire.
— D’Allemagne...
— Des sauriens teutons ! On aura tout vu... Et vous les avez attrapés comment vos crocodiles, Grimaut, si ça n’est pas indiscret ?
L’adjoint se balance d’un pied sur l’autre.
— Au téléphone, tout simplement. Ils viennent de la ménagerie du cirque Höffner, de Francfort-sur-le-Main. C’était leur attraction principale, depuis deux ans, mais les gens se sont lassés. Ils cherchaient à les remplacer pour renouveler l’intérêt du public, et ma proposition ne pouvait pas mieux tomber...
Albert Pontevigne fronce les sourcils.
— Une proposition ? J’ai bien entendu... J’espère que vous ne vous êtes pas trop engagé, Grimaut.
— Je ne pense pas... En échange, je leur ai promis de leur prêter une trentaine de Canaques. Ils nous les rendront en septembre, à la fin de leur tournée.

25 novembre 2008

L'élégance du hérisson – Muriel Barbery

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Gallimard – août 2006 – 368 pages

Folio - juin 2009 - 413 pages

Prix des Libraires 2007.

Résumé : L’immeuble où se déroule l’action de ce roman, rue de Grenelle à Paris, semble bien ordinaire : une vie d’immeuble tranquille, animée par de petits différends de copropriété ou de voisinage. Les occupants offrent une palette humaine représentative de l’espèce dans le moins bon comme dans le pire.
Deux d’entre eux, pourtant, n’ont rien de banal. Ce sont les deux narratrices, qui prennent alternativement la parole pour donner de l’immeuble 7 rue de Grenelle et du vaste monde qui l’entoure une vision inattendue. La première est la concierge, Renée, douée d’une intelligence redoutablement acérée et d’une érudition encyclopédique (qu’elle s’efforce de dissimuler afin de ne pas froisser ses administrés, persuadés qu’en ce monde chacun doit se tenir à sa place). L’autre narratrice, Paloma, douze ans, est une gamine surdouée affligée d’une famille qui ne la mérite pas. D’une maturité effrayante, Paloma nous livre ses pensées les plus intimes et les plus stupéfiantes. Elle se donne encore quelques mois pour faire le tour de la question existentielle, après quoi elle envisage des changements radicaux.
Mais l’arrivée dans l’immeuble d’un nouveau copropriétaire, un riche Japonais d’un certain âge, Monsieur Ozu, qui porte sur tout et sur tout le monde un regard d’une intelligence aiguë, va bouleverser la donne…
Muriel Barbery use des armes de la satire, mais chacun des habitants de l’immeuble pèse son poids de chair et de contradictions grâce à mille détails concrets qui nourrissent ce roman pétillant et espiègle.

Auteur : Muriel Barbery est née en 1969. L'élégance du hérisson est son deuxième roman. Le précédent, Une gourmandise, est traduit en douze langues.

Mon avis : 5/5 (lu en janvier 2007)

On est touché et on s'attache aux personnages : Renée (54 ans), une vrai concierge vieille, laide, grassouillette et bougonne. Elle exerce ses fonction depuis plus de vingt ans dans un immeuble bourgeois de la rue de Grenelle. Elle entretient son image disgracieuse, mais en réalité elle dissimule une insoupçonnable connaissance en philosophie et littérature. Il y a aussi Paloma (12 ans) surdouée qui est en rébellion contre son milieu, elle a des idées suicidaires.Toutes deux sont des solitaires et l'arrivée d'un nouveau locataire dans l'immeuble va les réunir toute les deux.

J'ai beaucoup aimé ce livre et après cette lecture on se sent moins bête. Ce livre nous fait réfléchir sur les à priori que nous avons. Un roman qui nous montre que les apparences sont trompeuses et que le beau peut se cacher partout. Il y a de nombreux moments où j'ai bien rit, mais aussi d'autres où j'ai pleuré.

J'ai vraiment passé un formidable moment de lecture avec ce livre.

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Une adaptation du livre a été réalisée par Mona Achache avec Josiane Balasko, Garance Le Guillermic, Togo Igawa. Le film est sortie le 3 juillet 2009

23 novembre 2008

Syngué Sabour, pierre de patience - Atiq Rahimi

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P.O.L – août 2008 – 155 pages

Prix Goncourt 2008

Résumé : En persan, Syngué sabour est le nom d’une pierre noire magique, une pierre de patience, qui accueille la détresse de ceux qui se confient à elle. Certains, dans ce livre en tout cas, disent même que c’est elle qui est à La Mecque, et autour de quoi tournent les millions de pèlerins. Le jour où elle explosera d’avoir ainsi reçu trop de malheur, ce sera l’Apocalypse.
Mais ici, la Syngué sabour, c’est un homme allongé, comme décérébré après qu’une balle se soit logée dans sa nuque sans pour autant le tuer. Sa femme est auprès de lui. Elle lui en veut de l’avoir sacrifiée à la guerre, de n’avoir jamais résisté à l’appel des armes, d’avoir été un héros, et pour ce résultat : n’être plus à la suite d’une rixe banale qu’un légume. Pourtant elle le soigne, et elle lui parle. Elle lui parle même de plus en plus. Tandis que dans les rues les factions s’affrontent, tandis que des soldats pillent et tuent alentour, elle parle, elle dévide sa litanie sans jamais savoir si son mari l’entend et la comprend. Et c’est une extraordinaire confession sans retenue par quoi elle se libère de l’oppression conjugale, sociale, religieuse, allant jusqu’à révéler d’impensables secrets dans le contexte d’un pays semblable à l’Afghanistan. À la fin du livre cette Syngué sabour explosera...
Avec ce roman, directement écrit en français, Atiq Rahimi retrouve une forme de réalisme très proche de Terre et cendres avec une écriture qui, sèche et précise, sait aussi devenir par moments lyrique, emportée. Cependant, plus directement que dans ses précédents livres, et comme de l’intérieur, il décrit avec beaucoup d’audace, la réalité oppressante, au quotidien et plus précisément au quotidien féminin, d’une certaine conception de l’Islam.


L'auteur :
Atiq Rahimi est né en 1962 à Kaboul (Afghanistan), il vit et travaille aujourd'hui à Paris. Il a fait ses études au lycée franco-afghan Estiqlal de Kaboul puis à l'université (section littérature).
En 1984, il quitte l'Afghanistan pour le Pakistan à cause de la guerre, puis demande et obtient l'asile politique en France où il passe un doctorat de communication audiovisuelle à la Sorbonne. Il réalise des films documentaires et adapte en 2004 son roman Terre et cendres, qui, présenté à au festival de Cannes obtient le prix "Regard sur l'avenir".

Mon avis : 5/5 (lu le 20 novembre 2008)

C’est un très beau livre, qui se lit facilement même si le sujet est difficile.« Quelque part en Afghanistan ou ailleurs. » , on accompagne cette femme qui va se soulager de toutes ses pensées, de tous ses secrets auprès de son mari presque mort après avoir reçu une balle dans la tête. Au début, tout en s’occupant de lui et de ses 2 petites filles, elle prie toute la journée pour qu’il se réveille, puis elle lui parle sans savoir si son mari l’entend, et petit à petit elle se libère de l’oppression conjugale, religieuse et sociale… Elle revient sur les évènements de sa vie : enfant, jeune femme, mère de famille... On découvre la réalité difficile du quotidien des femmes afghanes. Autour d'elle, c'est la guerre.

L'écriture est superbe, facile à lire on imagine facilement ce qu'il se passe comme si on était devant un film. J'ai lu ce livre en un aller-retour en train (soit 2 fois 40 minutes de lecture).

Extrait (début du livre) :

« Quelque part en Afghanistan ou ailleurs.

La chambre est petite. Rectangulaire. Elle est étouffante malgré ses murs clairs, couleur cyan, et ses deux rideaux aux motifs d’oiseaux migrateurs figés dans leur élan sur un ciel jaune et bleu. Troués çà et là, ils laissent pénétrer les rayons du soleil pour finir sur les rayures éteintes d’un kilim. Au fond de la chambre, il y a un autre rideau. Vert. Sans motif aucun. Il cache une porte condamnée. Ou un débarras.

La chambre est vide. Vide de tout ornement. Sauf sur le mur qui sépare les deux fenêtres où on a accroché un petit kandjar et, au-dessus du kandjar, une photo, celle d’un homme moustachu. Il a peut-être trente ans. Cheveux bouclés. Visage carré, tenu entre parenthèses par deux favoris, taillés avec soin. Ses yeux noirs brillent. Ils sont petits, séparés par un nez en bec d'aigle. L'homme ne rit pas, cependant il a l'air de quelqu'un qui refrène son rire. Cela lui donne une mine étrange, celle d'un homme qui, de l'intérieur, se moque de celui qui le regarde. La photo est en noir et blanc, coloriée artisanalement avec des teintes fades.

Face à cette photo, au pied d'un mur, le même homme, plus âgé maintenant, est allongé sur un matelas rouge à même le sol. Il porte une barbe. Poivre et sel. Il a maigri. Trop. Il ne lui reste que la peau. Pâle. Pleine de rides. Son nez ressemble de plus en plus au bec d'un aigle. Il ne rit toujours pas. Et il a encore cet étrange air moqueur. Sa bouche est entrouverte. Ses yeux, encore plus petits, sont enfoncés dans leurs orbites. Son regard est accroché au plafond, parmi les poutres apparentes, noircies et pourrissantes.

Ses bras, inertes, sont étendus le long de son corps. Sous sa peau diaphane, ses veines comme des vers essoufflés s'entrelacent avec les os saillants de sa carcasse. Au poignet gauche, il porte une montre mécanique, et à l'annulaire une alliance en or. Dans le creux de son bras droit, un cathéter perfuse un liquide incolore provenant d'une poche en plastique suspendue au mur, juste au-dessus de sa tête. Le reste de son corps est couvert par une longue chemise bleue, brodée au col et aux manches. Ses jambes, raides comme deux piquets, sont enfouies sous un drap blanc, sale.

Oscillant au rythme de sa respiration, une main, celle d'une femme, est posée sur sa poitrine, au-dessus de son cœur. La femme est assise. Les jambes pliées et encastrées dans sa poitrine. La tête blottie entre les genoux. Ses cheveux noirs, très noirs, et longs, couvrent ses épaules ballantes, suivant le mouvement régulier de son bras.

Dans l'autre main, celle de gauche, elle tient un long chapelet noir. Elle l'égrène. Silencieusement. Lentement. A la même cadence que ses épaules. Ou à la même cadence que la respiration de l'homme. Son corps est enveloppé dans une robe longue. Pourpre. Ornée, au bout des manches, comme au bas de la robe, de quelques motifs discrets d'épis et fleurs de blé.

A portée de la main, ouvert à la page de garde et déposé sur un oreiller de velours, un livre, le Coran. »

Folio – mars 2010 – 137 pages

23 novembre 2008

Dans la ville des veuves intrépides - James Canon

Dans_la_ville_des_veuves_intr_pides Belfond - 5 mars 2008 - 379 pages

Traduit de l'américain par Robert Davreu.

4ème de couverture : Baroque, foisonnante, éblouissante de fantaisie, la chronique tragico-burlesque d'une bourgade perdue au fin fond de la Colombie. Un roman brillant, inventif, hilarant, par le fils spirituel de Garcia Márquez et de Vargas Llosa. Depuis ce jour où les guérilleros ont débarqué et réquisitionné tous les hommes du village, Mariquita tombe en ruine. Seules, livrées à elles-mêmes, les femmes ne savent plus à quel saint se vouer. Qu'à cela ne tienne. De ménagères soumises, d'épouses dociles, les femmes vont se transformer en leaders politiques de choc, instigatrices flamboyantes d'un nouvel ordre social. Ainsi, les très moustachues sœurs Morales décident de remédier à leur condition de célibataires frustrées en créant un bordel ambulant ; Francisca, la veuve d'un grippe-sou notoire, mène la grande vie après avoir découvert le magot de son mari. Et surtout, Mariquita peut compter sur la tenace Rosalba, la veuve du brigadier, auto-proclamée maire, et sur le padre Rafael, seul rescapé de la gent masculine, qui n'hésite pas à se porter volontaire pour assurer la procréation de la nouvelle génération...

Auteur : James Canon est né et a grandi en Colombie. Après des études de publicité à l'université Jorge Tadeo Lozano de Bogota, à vingt-cinq ans, il part étudier l'anglais à New York. Tout en prenant des cours à la New York University, il commence à écrire. Diplômé de l'université de Columbia, il a reçu le prix d'excellence Henfield dans la catégorie fiction. Ses nouvelles ont été publiées dans de nombreuses revues littéraires et dans des anthologies comme Bésame Mucho (Painted Leaf Press) et Virgins, Guérillas & Locas (Cleis Press). James Canon vit à New York. Dans la ville des veuves intrépides est son premier roman.

Mon avis : 3/5 (lu en octobre 2008)

Ce roman est vraiment loufoque et inattendu. Beaucoup d'imagination et d'humour pour décrire une vie utopique sans hommes et dénoncer les dévastations que font les guerres civils.

On voit la vie de ce village sans hommes (ou presque) qui petit à petit s'organise à travers des différents personnages « féminins » haut en couleurs. En parallèle, on assiste à de courtes scènes violentes et « masculines » entre militaires et guérilleros.

 

 

 

Extrait : Chapitre 1

Le jour où les hommes disparurent Mariquita, le 15 novembre 1992

LE JOUR OÙ LES HOMMES DISPARURENT commença comme un dimanche matin ordinaire à Mariquita: les coqs oublièrent d'annoncer l'aube, le sacristain ne se réveilla pas à temps, la cloche de l'église n'appela point les fidèles à assister à l'office des matines, et (comme chaque dimanche depuis les dix dernières années) une seule personne se montra à la messe de six heures : doña Victoria viuda de Morales, la veuve Morales. Celle-ci était habituée à cette routine, de même que le padre Rafael. Les toutes premières fois, cela avait été gênant pour eux deux : le petit prêtre presque invisible derrière la chaire, prononçant son homélie ; la veuve assise seule au premier rang, grande et bien en chair, complètement immobile, la tête couverte d'un voile noir qui lui descendait jusque sur les épaules. À la longue, ils décidèrent de se débarrasser de la cérémonie et prirent l'habitude de s'asseoir dans un coin à boire du café et à papoter. Le jour où les hommes disparurent, le padre Rafael se plaignit auprès de la veuve de la diminution sévère des revenus de la paroisse, et ils discutèrent des différentes façons de relancer la dîme payée par les fidèles. Après leur causette, ils convinrent de laisser tomber la confession, mais la veuve reçut néanmoins la communion. Ensuite, elle récita quelques prières avant de rentrer chez elle.

Par la fenêtre ouverte de son salon, la veuve Morales entendit les marchands ambulants essayer d'intéresser les 12 lève-tôt à leurs amuse-gueule : «¡ Morcillas !» «¡ Empanadas !» «¡ Chicharrones !» Elle ferma la fenêtre, plus incommodée par l'odeur désagréable des boudins et de la friture que par les voix stridentes qui en vantaient les mérites. Elle réveilla ses trois filles et son unique fils avant de retourner à la cuisine, où elle sifflota un cantique en préparant le petit déjeuner pour sa famille. À huit heures du matin, la plupart des portes et des fenêtres de Mariquita étaient ouvertes. Des hommes passaient des tangos et des boléros sur de vieux phonographes, ou écoutaient les nouvelles à la radio. Dans la rue principale, le premier magistrat du village, Jacinto Jiménez, et le brigadier, Napoleón Patiño, tiraient dehors sous un immense manguier une grande table ronde et six chaises pliantes pour jouer au Parcheesi avec quelques voisins triés sur le volet. Dix minutes plus tard, au coin sud ouest de la place, don Marco Tulio Cifuentes, l'homme le plus grand de Mariquita, propriétaire d'El Rincón de Gardel, le bar de la ville, transportait dehors ses deux derniers clients ivres, un sur chaque épaule. Il les étendit sur le sol, côte à côte, avant de fermer boutique et de rentrer chez lui. À huit heures trente, à l'intérieur de la Barbería Gómez, un petit bâtiment en face de la mairie de Mariquita, don Vicente Gómez se mit à affûter ses rasoirs et à stériliser à l'alcool ses peignes et ses brosses, tandis que sa femme, Francisca, nettoyait les miroirs et les fenêtres avec des journaux humides. Pendant ce temps-là, deux rues plus bas, sur la place du marché, l'épouse du brigadier, Rosalba Patiño, marchandait à un fermier au visage rougeaud une demi-douzaine d'épis de maïs, tandis que des femmes plus âgées, sous des stores verts, vendaient de tout, de la gelée de pied de veau aux cassettes piratées de Thriller, de Michael Jackson.

À huit heures trente-cinq, dans le champ situé en face de la maison de la veuve Morales, les frères Restrepo commencèrent (tous les sept) à s'échauffer en prévision de leur partie de football hebdomadaire, en attendant David Pérez, le petit-fils du boucher, qui possédait l'unique ballon. Cinq minutes plus tard, deux vieilles filles aux cheveux longs et aux corps un tantinet trapus firent le tour de la place, bras dessus bras dessous, en maudissant leur célibat et en repoussant à coups de pied les chiens errants qui se trouvaient en travers de leur chemin. À huit heures cinquante, à quelques centaines de mètres de la place, dans la maison à la façade verte située au milieu du pâté de maisons, Ángel Alberto Tamacá, l'instituteur, n'arrêtait pas de se tourner et de se retourner dans son lit, en nage, rêvant d'Amorosa, la femme qu'il aimait. À neuf heures moins trois minutes, dans les faubourgs de Mariquita, à l'intérieur de La Casa de Emilia (le bordel du village), doña Emilia (en personne) passa de chambre en chambre. Elle réveilla ses derniers clients, les avertit qu'ils allaient avoir de sérieux ennuis avec leurs épouses s'ils ne partaient pas à la minute même, cria après l'une des filles parce qu'elle laissait sa chambre en désordre.


Tout de suite après que neuf heures eurent sonné au clocher de l'église, alors que l'écho du dernier coup résonnait encore dans les oreilles du sacristain, trois douzaines d'hommes en uniformes verdâtres usés jusqu'à la corde surgirent de tous les points cardinaux de Mariquita, tirant des coups de fusil, et criant «¡Viva la Revolución!». Ils avancèrent lentement le long des rues étroites du village, leurs visages bronzés maquillés de noir, et leurs chemises collées par la sueur à leurs torses malingres. «Nous sommes l'armée du peuple, déclara l'un d'eux avec un mégaphone. Nous nous battons pour que tous les Colombiens puissent travailler et être payés selon leurs besoins, mais nous ne pouvons pas le faire sans votre soutien!» Les rues s'étaient vidées ; même les animaux errants avaient fui en entendant les premiers coups de feu. «S'il vous plaît, poursuivit l'homme, aidez-nous, apportez-nous tout ce que vous pouvez.»

 

23 novembre 2008

Baguettes chinoises – Xinran

Baguettes_chinoise traduction du chinois par Prune Cornet

Editions Philippe Picquier - janvier 2008 – 341 pages

Mot de l'éditeur

Après Chinoises et Funérailles célestes , Xinran revient avec l’histoire de trois sœurs qui, comme beaucoup d’autres femmes et hommes aujourd’hui en Chine, quittent leur village pour chercher fortune dans la grande ville. Sœurs Trois, Cinq et Six n’ont guère fait d’études, mais il y a une chose qu’on leur a apprise  : leur mère est une ratée car elle n’a pas enfanté de fils, et elles-mêmes ne méritent qu’un numéro pour prénom. Les femmes, leur dit leur père, sont comme des baguettes  : utilitaires et jetables. Les hommes, eux, sont les poutres solides qui soutiennent le toit d’une maison. Mais quand les trois sœurs quittent leur foyer pour chercher du travail dans la lointaine Nanjing, leurs yeux s’ouvrent à un monde totalement nouveau  : les buildings qui poussent aussi vite que les forêts de bambous, le trafic automobile, la liberté de mœurs et la sophistication des habitants, les anciens palais et les plaisirs culinaires – et les conditions de travail. Trois, Cinq et Six vont faire la preuve de leur détermination et de leurs talents, et quand l’argent va arriver au village, leur père sera enfin obligé de réviser sa vision du monde.«   J’ai été frappée par la volonté et la confiance en elles de ces femmes qui se font une place loin de leur village et leur famille, dit Xinran. Parmi toutes celles que j’ai rencontrées, ces trois femmes sont particulièrement chères à mon cœur, et leur destin résume celui de beaucoup d’autres semblables. » Baguettes chinoises ne raconte pas seulement une histoire humaine, lumineuse et émouvante, mais livre aussi le portrait d’une ville et d’une Chine en plein changement.

L'auteur : Xinran est née en 1958 à Pékin. Elle a été journaliste et a animé une émission de radio qui l'a rendue célèbre en Chine, où elle recueillait sans tabou les confidences des femmes. Son premier livre, Chinoises, et le suivant, Funérailles célestes, sont issus de cette expérience et l'ont fait connaître dans le monde entier. Depuis 1997, Xinran vit à Londres. Elle publie une colonne bimensuelle dans The Guardian sur les questions relatives à la Chine et tient le rôle de conseiller aux relations avec la Chine pour de grandes corporations comme la BBC.

Mon avis : 5/5 (lu en mars 2008)

« Les baguettes », c'est surnom qu'on donne aux petites filles, dans la province de l’Anhui, en Chine rurale et profonde. On l’oppose aux « poutres », les enfants mâles que tout homme marié doit engendrer pour ne pas voir sa lignée s’éteindre. Le père de nos héroïnes n’a pas eu cette « chance » : il n’a eu que des filles, qu’il s’est contenté de nommer par ordre d’apparition avec un chiffre. Il décide de les marier de façon à arranger ses affaires. Fiancée au fils infirme d’un puissant local, Trois est la première à s’enfuir pour Nankin, la grande ville. Avec l'aide de sympathiques autochtones, dont une « dame Tofu » des plus folkloriques, Trois va très vite s’épanouir et trouver du travail au restaurant « l’imbécile heureux », où ses compositions légumières fascinent les citadins. Et lorsqu’elle revient dans son village, chargée de billets, son père la considère d’un autre œil… au point de laisser deux de ses sœurs la suivre. Elles aussi vont trouver leurs voies.

J'ai beaucoup aimé ce livre qui nous explique bien les conditions de la femme en Chine. On voit l'opposition de la campagne et de la ville moderne (Nankin). On est admirative devant la volonté de s'en sortir de ses femmes venant de la Chine rurale et profonde. Elles sont travailleuses.

Extrait : « J’ai été frappée par la volonté et la confiance en elles de ces femmes qui se font une place loin de leur village et leur famille. Parmi toutes celles que j’ai rencontrées, ces trois femmes sont particulièrement chères à mon cœur, et leur destin résume celui de beaucoup d’autres semblables. »

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