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A propos de livres...

9 février 2009

Prisonniers du paradis – Arto Paasilinna

prisonnier_paradis Folio – mai 1998 - 208 pages

traduit du finnois par Antoine Chalvin

Quatrième de couverture
Un avion qui fait un amerrissage forcé avec à son bord des sages-femmes et des bûcherons - à proximité quand même d'une île - cela n'existe que chez Paasilinna. Voici les naufragés qui s'organisent, chacun retrouvant vite ses habitudes : les Finlandais distillent de l'alcool et ouvrent le " Café de la jungle ". Les Suédoises mettent sur pied un centre de planning familial - n'oublions pas qu'il y a vingt-huit hommes et vingt-six femmes échoués sur la plage. Une plage de sable blanc bordée de cocotiers et où finalement, entre chasse, pêche et culture, la vie ne va pas être désagréable du tout. Au point que certains n'auront aucune envie de retrouver la " civilisation " quand un navire américain s'approche et que son commandant veut évacuer les joyeux naufragés. Des problèmes aigus vont alors se poser et il faudra tout l'humour de Paasilinna pour tenter de les résoudre.

Biographie de l'auteur
Arto Paasilinna est né en Laponie finlandaise en 1942. successivement bûcheron, ouvrier agricole, journaliste et poète, il est l'auteur d'une trentaine de livres, pour la plupart traduits en français et publiés chez Denoël où ils ont toujours rencontré un grand succès. Citons entre autres Le Meunier hurlant, Le Lièvre de Vatanen, Petits suicides entre amis ou encore Un homme heureux.

Mon avis : (lu en juillet 2005)

C'est peut-être le livre de Paasilinna le plus décalé... Les situations sont vraiment loufoques, les personnages sont nombreux et très bien décrits, on se laisse entrainer dans l'absurde. Comment organiser la vie d'un petit groupe d'hommes et de femmes sur une île déserte ? Quelle répartition des pouvoirs, des tâches, quels interdits, quelle moralité... Progressivement, ces naufragés vont se construire un monde débarrassé du superflu où le vrai bonheur semble possible... Ce livre est très facile à lire et j'ai beaucoup ri !

Extrait : "L’avion tanguait dans l’obscurité. Nous volions au-dessus de l’océan Pacifique, dans le secteur de la Mélanésie, après avoir franchi le trentième parallèle et le tropique du Cancer.
Nous nous trouvions dans la zone chaude du globe- là où, même pendant les mois les plus froids, la température ne descend jamais au-dessous de dix-huit degré. L’avion volait depuis trois heures. Nous avions décollé du Japon, de l’aéroport international de Tokyo.
Je suis journaliste. Un Finlandais tout ce qu’il y a d’ordinaire : un individu mal éduqué, avec des ambitions limitées, une veste usée et un caractère sans relief. J'ai dépassé la trentaine. Je suis d’une colossale banalité et il arrive que cela me chagrine."

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9 février 2009

Un homme heureux - Arto Paasilinna

un_homme_heureux 

Edition Denoël – septembre 2005 – 242 pages

traduit du finnois par Anne Colin du Terrail

Présentation de l'éditeur
L'ingénieur Akseli Jaatinen a été chargé de construire un nouveau pont dans le village de Kuusmäki, à l'endroit même où, pendant la guerre civile de 1918, une sanglante bataille a opposé blancs et rouges - épisode dont la mémoire continue de diviser les habitants de la commune, par ailleurs peu enclins à se laisser bousculer dans leur train-train. Dans ce milieu fermé, Jaatinen aura vite fait de s'attirer des inimitiés par ses méthodes peu conformistes. De bisbilles en provocations, les relations se tendent entre les notables locaux et le nouveau venu, qui se fait non seulement rosser et humilier, mais aussi finalement renvoyer de son poste d'ingénieur. Mais Jaatinen n'est pas homme à se laisser faire. Méthodiquement, il met en œuvre une diabolique vengeance dont ses persécuteurs se mordront amèrement les doigts... Les ponts que construit l'ingénieur Jaatinen sont une métaphore puissante de la solidarité entre les hommes, et sa quête du bonheur laisse entrevoir ce que pourrait être une humanité ouverte et soucieuse d'autrui.

Biographie de l'auteur
Arto Paasilinna est né en Laponie finlandaise en 1942. Successivement bûcheron, ouvrier agricole, journaliste et poète, il est l'auteur d'une trentaine de romans dont Le Lièvre de Vatanen, Le Meunier hurlant, et Petits suicides entre amis, romans cultes traduits dans le monde entier.

Mon avis : (lu en octobre 2005)

C'est l'histoire toute simple d'une vengeance, l'ingénieur Jaatinen a été chargé de construire un nouveau pont dans le village de Kuusmäki. Mais les notables du village n'apprécient pas les méthodes peu conformistes de l'ingénieur et ils vont le renvoyer de son poste. Mais Jaatinen n'est pas homme à se laisser faire. Méthodiquement, il va mettre en œuvre une vengeance...

On retrouve l'humour décalé, des situations rocambolesques et une fine critique de la société finlandaise en dressant des portraits caricaturaux L'auteur décrit avec intelligence la difficulté de s'intégrer dans un petit village refermé sur lui-même et hostile à la nouveauté. On s'attache rapidement au héros qui veut être un homme heureux.

Extrait :
Une fois la paix revenue, le trafic s'était peu à peu accru sur le pont, tandis que la rivière, sous lui, continuait de charrier vers la mer d'infinies masses d'eau noire. Cette dernière, petit à petit, avait si bien rongé et fragilisé les structures en bois de l'ouvrage que seuls les camions mi-lourds pouvaient encore franchir sans danger son tablier pourrissant. C'est ainsi que l'on en vint à l'époque actuelle, en un jour de printemps où un individu de haute taille s'avança sur les vieilles planches.
C' était l'ingénieur des ponts Akseli Jaatinen.

Extrait :
L'ingénieur mangea par terre à croupetons et, après avoir passé encore une heure dans cette position inconfortable, il se releva enfin, s'étira, alla laver son visage fatigué. Puis il ramassa ses papiers, les fourra dans sa mallette, sauta dans un taxi et se fit conduire à la direction générale des Chemins de fer. Jaatinen déballa ses documents sur la table de la salle de réunion et se lança dans des explications :
'Je suppose qu'il faudrait installer ici un aiguillage, et là un quai de chargement... la voie devrait suivre ce tracé, les terres de ce côté m'appartiennent et je pourrais louer ou acheter les autres.
- C'est bien ça', concéda-t-on.
Puis Jaatinen fit une proposition :
'S' il vous faut vraiment trois ans pour faire ce bout de voie, que diriez-vous si je le réalisais moi-même ?
- Vous ?
- Oui. Il n'y a qu'à ouvrir une tranchée dans la forêt au bulldozer et amener du ballast, je n'aurai besoin que de quelques semaines pour construire une voie sur cet esker.

8 février 2009

Le bestial serviteur du pasteur Huuskonen – Arto Paasilinna

le_bestial_serviteur Denoël – juin 2007 – 309 pages

Anne Colin du Terrail (Traduction)

Résumé : À l'approche de la cinquantaine, le pasteur Oskari Huuskonen traverse une mauvaise passe. Son mariage bat de l'aile, sa foi vacille, ses prêches peu conformes aux canons de l'Église lui attirent les foudres de ses supérieurs, et ses paroissiens, tous plus déjantés les uns que les autres, lui causent bien du souci. Comme si cela ne suffisait pas, le conseil paroissial décide de lui offrir pour son anniversaire un cadeau empoisonné : un ourson qui vient de perdre sa mère, spectaculairement morte par électrocution au sommet d'un pylône à haute tension. Mais Huuskonen s'attache peu à peu à l'ourson et pousse la sollicitude jusqu'à lui construire pour l'hiver une tanière dans laquelle il finit par le rejoindre, en compagnie d'une charmante biologiste venue étudier les mœurs de l'animal. Ayant retrouvé la foi au contact du pasteur, la biologiste, Sonia, s'éloigne de lui, ce qui n'empêche pas l'épouse de Huuskonen de demander le divorce. L'évêque, de son côté, lassé des bizarreries du pasteur, le met d'office en congé. Huuskonen, ruiné par son divorce, privé de domicile et d'emploi, part à l'aventure avec son ours. Un long périple qui les mènera d'Odessa à Syracuse, de Malte à Southampton, en quête d'un sens à leur existence.

Biographie de l'auteur
Arto Paasilinna est né en Laponie finlandaise en 1942. successivement bûcheron, ouvrier agricole, journaliste et poète, il est l'auteur d'une trentaine de livres, pour la plupart traduits en français et publiés chez Denoël où ils ont toujours rencontré un grand succès. Citons entre autres Le Meunier hurlant, Le Lièvre de Vatanen, Petits suicides entre amis ou encore Un homme heureux.

Mon avis : (lu en juillet 2007)

Le Bestial Serviteur du prêtre Huuskonen réuni tous les ingrédients d'un grand cru Paasilinna : un prêtre dépressif, un village finnois au bord de la crise de nerfs et un ours débarqué de nulle part qui va changer la vie du héros et l'entraîner vers une aventure inoubliable. Le rythme du début est vraiment bien mais au bout d’un moment cela tourne en rond. Un peu long. Malgré tout, il y a toujours beaucoup d’humour et des situations cocasses et décalées.

Extrait : (page 22) À cet instant du discours du pasteur, un pilier de bistrot à demi soûl entra en courant dans l’église. Alors qu’il se promenait sur la route, au sortir de l’estaminet local, il venait d’être témoin d’une scène atroce, la mort de l’organisatrice de banquets Astrid Sahari et d’une ourse, au sommet d’un pylône électrique. L’ivrogne beugla : « Arrêtez tout ! L’Astrid a grimpé avec une ourse sur un poteau de la ligne à haute tension ! Elles sont mortes toutes les deux ! Grillées ! »

La cérémonie nuptiale s’interrompit dans un désordre indescriptible, aggravé par l’agent de maintenance des services publics communaux, Rainer Hyhkönen, qui avait lui aussi couru de toute la vitesse de ses jambes à l’église. Sur le seuil, il cria d’une voix forte qu’on avait besoin d’urgence dans la cave de l’hôpital de l’aide d’un costaud, il fallait mettre en marche le diesel qui, en cas de coupure de courant, faisait tourner le groupe électrogène. Il n’y avait pas un instant à perdre, un patient sous oxygène luttait contre la mort. « Il faut le démarrer à la manivelle, la batterie est à plat, je ne peux pas faire ça tout seul. »

Le pasteur Oskar Huuskonen dut se résoudre à annoncer aux paroissiens que la cérémonie était suspendue, mais reprendrait à une heure qui serait indiquée plus tard, de préférence dès que la catastrophe serait jugulée. Le futur marié en tête, la foule se rua hors de l’église sans écouter la fin de ses propos. La malheureuse fiancée s’effondra sur un banc, serrant dans ses mains tremblantes son bouquet composé des plus belles fleurs des champs de ce début d’été. Des larmes brillaient dans les yeux timides de la pauvre femme abandonnée.

Au triple galop, Oskar Huuskonen partit avec Hyhkönen en direction de la cave du service hospitalier du centre médical. En passant devant la station électrique, il vit sur le pylône à haute tension deux silhouettes fumantes dont il était difficile de savoir qui était l’organisatrice de banquets, et qui l’ourse.

Ce n’était pas le moment de rester à méditer sur la question, il fallait courir mettre le diesel en marche afin de fournir du courant au respirateur et sauver la vie du malade.

Dans la cave, Huuskonen tourna la manivelle du diesel à la force du poignet tandis que l’agent de maintenance réglait les compteurs ; le moteur toussa et s’alluma, un courant salvateur circula dans le réseau électrique de l’hôpital, le respirateur se réactiva et l’on put remettre son masque à oxygène à l’inséminateur retraité moribond Yrjänä Tisuri. L’infirmière en nage alla s’écrouler dans la salle de repos, les mains crispées sur la poitrine. « Le métier de soignant est parfois rude », haleta-t-elle.

Le pasteur Oskar Huuskonen repartit vers l’église. Les abords de la station électrique grouillaient de monde. Les corps de l’organisatrice de banquets et de l’ourse avaient été descendus du pylône à haute tension par la grande échelle des pompiers. Astrid Sahari avait été recouverte d’une couverture, mais le cadavre de l’animal gisait tel quel sur la pelouse. Il flottait dans les airs une odeur de viande brûlée.

On avait trouvé dans un sapin voisin deux oursons apeurés que l’on avait attrapés et enfermés dans la resserre. Il y régnait un désordre épouvantable, signe certain que des courtes queues s’en étaient donné à cœur joie.

Tout le village était sens dessus dessous. On racontait aussi que le fiancé, Hannes Loimukivi, avait profité du chaos pour s’éclipser en douce. Pendant que sa promise en pleurs l’attendait à l’église, il avait pris la fuite.

Le pasteur Oskar Huuskonen ne se déclara pas vaincu. Il réunit une patrouille d’une demi-douzaine d’hommes afin de rattraper le fiancé évadé. On ne le trouva bien sûr pas chez lui, ni au bistrot. On fouilla les maisons les plus proches, ainsi que celles de ses amis, jusque dans les placards et sous les lits, mais sans résultat. Quelqu’un finit par suggérer que Loimukivi avait pu filer au chalet de la société de chasse, au bord du lac de Nummenpää, vu qu’il en était vice-président et ne courait pas seulement les femmes, mais aussi le gibier. C’est là qu’on le trouva : il était monté dans le grenier du sauna, où il pensait être bien caché. On le fit descendre de là sans ménagement, et le pasteur Huuskonen l’entraîna à l’écart pour une petite conversation en tête-à-tête.

8 février 2009

Le meunier hurlant – Arto Paasilinna

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Edition Denoël – mai 2002 - 250 pages

Traduit du finnois par Anne Colin du Terrail

Quatrième de couverture
Un petit village du nord de la Finlande, peu après la guerre, voit arriver un inconnu qui rachète et remet en marche le vieux moulin. D'abord bien accueilli, le nouveau meunier Gunnar Huttunen a malheureusement un défaut : à la moindre contrariété, il se réfugie dans les bois pour hurler à la lune, empêchant les villageois de dormir. Ces derniers n'ont dès lors qu'une idée, l'envoyer à l'asile. Mais Huttunen, soutenu par Sanelma Käyrämö la conseillère rurale, est bien décidé à se battre pour défendre sa liberté.

Auteur : Arto Paasilinna : (Kittilä, 1942). Écrivain de langue finnoise. Né en Laponie finlandaise, en plein exode, dès l’âge de treize ans, il exerce divers métiers, dont ceux de bûcheron et d’ouvrier agricole. Il s’intéresse aussi aux arts graphiques et écrit des poèmes. En 1962-1963, il suit les cours d’enseignement général de l’École supérieure d’éducation populaire de Laponie, puis entre comme stagiaire au quotidien régional, Lapin Kansa. Poursuivant ses activités dans la presse régionale, il collabore à divers magazines d’information et à des revues littéraires. Auteur d’une vingtaine de romans traduits dans de nombreuses langues, il a également écrit pour le cinéma, la radio et la télévision.

Mon avis : (lu en octobre 2005)

Des personnages attachants et amusants, le ton est léger malgré un sujet grave. Paasilinna aborde ici le sujet de la folie, il nous décrit un marginal au grand cœur que la société fait tout pour détruire. Comme toujours, les situations sont incroyables, les personnages haut en couleurs et la nature finlandaise dépaysante. Un livre où tous les acteurs ont un petit grain de folie... le plus raisonnable étant peut-être le meunier lui-même !

Extrait :

«La vie de Gunnar Huttunen était arrivée à un sinistre tournant : il n'était plus qu'un meunier sans moulin, un homme sans logis. Les humains l'avaient exclu et il s'était exclu de leur société. Qui sait combien de temps il devrait éviter les villages des hommes. Huttunen, assis au bord du ruisseau, solitaire, écoutait le chant du torrent où, dans la fraîcheur de la nuit d'été, coulait l'eau d'une source lointaine. Il songea que s'il avait souffert d'une tumeur à la poitrine, on l'aurait laissé vivre en paix, on l'aurait plaint, aidé, laissé subir son mal au milieu de ses semblables. Mais comme son sprit était différent de celui des autres, on ne le supportait pas, on le rejetait à l'écart de toute vie humaine. Il préférait pourtant cette solitude aux barreaux de la chambre d'hôpital où seuls l'entouraient de pauvres hères dépressifs et asthéniques.

Une truite, ou peut-être un ombre, sauta dans la rivière obscure. Huttenen tressaillit, le rond dans l'eau passa devant lui en se brisant, se fondit dans le courant ; il lui vint à l'esprit qu'il ne mangerait désormais plus de pain ni de lard, comme quand il était meunier. Il devrait vivre de poisson et de gibier.

Huttunen toucha l'eau fraîche de la main et s'imagina être une truite de rivière, d'un kilo au moins. Il se vit nageant dans le ruisseau, remontant le courant ; il ondula et se faufila entre les pierres dans l'eau peu profonde, se reposa un instant dans le contre courant d'un rocher enrobé de mousses, battit des nageoires, ouvrit ses branchies, brisa la surface de l'eau de sa gueule pour reprendre sa nage, se propulsant d'un coup de queue. Le flot bourdonna aux ouïes de Huttunen tandis qu'il remontait plus haut le ruisseau nocturne. Mais il eut bientôt envie d'une cigarette et, cessant pour cette fois de faire le poisson, il repensa à sa vie.»

7 février 2009

Le Temps de la sorcière - Arni Thorarinsson

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Editions Métailié - août 2007 – 332 pages

Points - octobre 2008 - 425 pages

traduit de l'islandais par Eric Boury

Présentation de l'éditeur
Muté dans le nord de l'Islande, Einar, le sarcastique reporter du Journal du soir, se meurt d'ennui. D'autant qu'il ne boit plus une goutte d'alcool! Tout ceci deviendrait vite monotone... si ce n'étaient ces étranges faits divers qui semblent se multiplier: un étudiant disparaît, des adolescents se suicident... Einar voit d'un autre œil cette microsociété gangrenée par la corruption et la drogue.

Biographie de l'auteur
Né à Reykjavik en 1950, Ami Thorarinsson a étudié la littérature à l'université de Norwich en Angleterre. Il travaille dans divers journaux islandais et participe à des jurys de festivals de cinéma. Il est également l'auteur de Dresseur d'insectes (Métailié).

Mon avis : (lu en février 2009)

J'ai pris ce livre un peu par erreur... en croyant prendre un livre d'Indridason. Mais je n'ai pas été déçu par cet autre auteur islandais. C'est différent d'Arnaldur Indridason, car l'essentiel n'est pas l'enquête policière faite par Einar un journaliste mais un description de la société islandaise aujourd'hui. Tout cela est très intéressant et se lit très bien même si le rythme du livre est lent. Les noms des personnages et des lieux sont un peu difficile à retenir mais j'ai bien aimé ce voyage dépaysant dans le nord islandais à Akureyri.

Extrait : (page 87)
Sur la table de la salle à manger est posé un message : 'Je suis partie retrouver tu c ki !J'espère qu'on se verra ce soir.' A côté, Joa a laissé un gâteau et une friandise qu'elle a achetés dans un magasin ouvert en cette sainte journée. Probablement dans une station-service. Dans mon enfance, les stations-service ne vendaient que du carburant pour véhicules. Il me semble bien qu'aujourd' hui elles font surtout commerce de carburant pour conducteurs.
Je décide de savourer ces douceurs,j'ouvre la porte-fenêtre de la salle à manger et m'installe devant la table en bois sur la petite terrasse avec une tasse et une clope pour me pourlécher les babines au soleil qui brille autant qu'hier. Les skieurs du domaine de Hlidarfjall auraient mieux fait de s'offrir un tour aux îles Canaries. Dans le jardin de la maison voisine, les gamins jouent au foot. Les ordinateurs et la technique n'ont pas encore réussi à détourner la jeune génération du jeu en plein air. Pas encore.

Extrait : (page 196)
Je n'ai jamais bien compris toutes ces coutumes inventées pour supplanter la mort. Ces oraisons et éloges que l'on publie dans les journaux à la mémoire des défunts, tout ça, c'est très bien. On fait ses adieux au défunt en lui rendant les honneurs, qu'ils les ait mérités ou non. Et les mises en bière ? Quelle sorte de sentiment de culpabilité ou de désir masochiste se cache derrière ces rendez-vous autour d'un cadavre ? Cela n'atteste-t-il pas d'un manque cruel d'imagination ? N'est-ce pas suffisant de dire adieu au défunt dans sa tête ? D'avoir une pensée pour lui et de le remercier pour les moments heureux ou pas si heureux passés avec lui, selon les cas.
Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que je ne connais personne qui trouve utile d'assister à une mise en bière. Quant au cadavre, personne ne lui a demandé son avis.

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7 février 2009

Les petits garçons naissent aussi des étoiles – Emmanuel Dongala

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Serpent A Plumes - février 1998

Edition du Rocher – septembre 2000 – 395 pages

Prix RFI-Témoin du monde en 1998

Résumé : A travers le regard de Matabari, le cadet des triplés de l'instituteur du village, Emmanuel Dongala retrace l'histoire politique et sociale d'un pays plus ou moins imaginaire, qui pourrait être le Congo, depuis l'indépendance.
Gouvernement de tutelle colonialiste, coup d'Etat militaire, " démocratie populaire " marxiste. , les régimes se succèdent mais les hommes ne changent guère et le narrateur observe, avec une admiration d'enfant et au grand dam de son père, humaniste incorruptible, l'ascension de son Tonton Boula-Boula, opportuniste séduisant et hâbleur, qui se taillera une place jusqu'à la tête du gouvernement. Dangala, avec la malice et la fausse candeur qu'il manie si bien, brosse un tableau plein d'ironie et de couleurs, mais aussi d'inquiétude et de colère, de l'état de la démocratie et de la situation économique et sociale des pays d'Afrique centrale.

Auteur : Né le 16 juillet 1941, figure du renouveau de la littérature africaine, Emmanuel Boundzéki Dongala est un écrivain d'origine congolaise, enseignant aux Etats-Unis. Chimiste de formation, c'est pourtant déjà vers la littérature et le théâtre qu'il consacre une grande partie de son temps en tant qu'animateur du célèbre théâtre de l'Eclair à Brazzaville. Exilé en Amérique après le début des conflits qui frappent son pays à la fin des années 1990, l'écrivain porte un regard désenchanté sur l'Afrique. Ainsi, 'Johnny Chien Méchant', son ouvrage le plus célèbre, dépeint de manière crue et cynique la tragédie des enfants soldats. Ecrivain réaliste en quête de vérité, Emmanuel Boundzéki Dongala a fait de la littérature un moyen privilégié pour mettre à jour les faces cachées du monde et de l'homme.

Mon avis : (lu en février 2006)

Cette vision du Congo est drôle et savoureuse. On découvre le Congo entre les traditions ancestrales et la modernité. Beaucoup d'anecdotes avec un humour grinçant qui sait mettre en exergue les défauts des uns et des autres. Le style est imagé, coloré et le narrateur n'hésite pas à nous interpeller. Matapari est très attachant, il est curieux et très clairvoyant.

Extrait : (page 102)
Pour recevoir cette délégation de haut niveau, le préfet avait déclaré la journée payée et chômée. J'étais très content parce que cela voulait dire pour nous une journée de vacances et je comptais jouer au football avec mes amis, puis aller me faire offrir du Coca-Cola chez Mâ Lolo et enfin aller voir une vidéo-cassette de clips chez tonton Boula Boula. Malheureusement c'était une fausse journée libre, puisqu'on nous a obligés à aller écouter sous le chaud soleil les discours de ces types envoyés par le dirigeant populaire, l'homme des masses et des actions concrètes. D'ailleurs, en plus des fonctionnaires, on notait également la présence des femmes et des hommes qui vendaient au marché, ceux qu'on appelait les larges masses populaires. Seul papa avait boudé la cérémonie parce que, disait-il, les élèves ne devaient pas être embrigadés dans un parti, fut-il parti unique et révolutionnaire. Il était resté chez lui dans ses lectures, certainement encore en train de déchiffrer une des énigmes du grand livre de l'univers.

Extrait : (page 185)
Comme vous le savez certainement tous, la première étape pour tuer quelqu'un, c'était d'être un dur. Je décidai d'être un dur.
D' abord, un dur ne se laissait pas bousculer. Aussi, quand maman ou mes frères m'appelaient, je ne répondais jamais la première fois,j'attendais qu'on répète mon nom deux ou trois fois avant de me manifester. Parfois, quand je savais que c'était l'heure du repas et que tout le monde m'attendait pour manger, je prolongeais délibérément ma promenade afin qu'ils puissent manger sans moi et que je prenne mon repas en solitaire tout comme je portais tout seul ma peine. Cela irritait souvent maman et plusieurs fois je me suis fait frotter les oreilles par elle qui répétait sans cesse : Seigneur, mais qu'est-ce qui arrive à cet enfant et, chose rare, papa m'avait même balancé des baffes une ou deux fois. Mais contrairement à ce qu'ils croyaient sans doute, leur exaspération m'enchantait, un dur doit être indépendant et libre.

Extrait : (page 333)
'La campagne électorale ?... La démarche était simple : il s'agissait d'une part de séduire les électeurs, de les convaincre qu'on était l'homme ou la femme qu'il fallait à la place qu'il faut, et d'autre part, disqualifier tous les autres candidats en les traitant d'incompétents, de menteurs, de salauds, de corrompus pourris indignes de tenir entre leurs mains les destinées de la nation. Evidemment, il ne fallait jamais oublier d'inclure dans ces discours les promesses les plus mirobolantes et, de temps en temps, distribuer un peu sinon beaucoup d'argent.

6 février 2009

Balzac et la petite tailleuse chinoise - Dai Sijie

Balzac_et_la_petite_tailleuse_chinoise

Gallimard – octobre 2002 - 432 pages

Quatrième de couverture
« Nous nous approchâmes de la valise. Elle était ficelée par une grosse corde de paille tressée, nouée en croix. Nous la débarrassâmes de ses liens, et l'ouvrîmes silencieusement. À l'intérieur, des piles de livres s'illuminèrent sous notre torche électrique; les grands écrivains occidentaux nous accueillirent à bras ouverts: à leur tête, se tenait notre vieil ami Balzac, avec cinq ou six romans, suivi de Victor Hugo, Stendhal, Dumas, Flaubert, Baudelaire, Romain Rolland, Rousseau, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, et quelques Anglais : Dickens, Kipling, Emily Brontë... - Quel éblouissement! - Il referma la valise et, posant une main dessus, comme un chrétien prêtant serment, il me déclara : Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde. »

Auteur : Dai Sijie, en chinois 戴思杰 et en pinyin Dài Sījié (né en 1954, au Fujian, en Chine) est un cinéaste et romancier chinois vivant en France. Il est principalement connu pour ses romans Balzac et la petite tailleuse chinoise et Le Complexe de Di qui reçu le prix Femina en 2003. Pendant la révolution culturelle (de 1966 à 1976) ses parents, médecins dits "bourgeois réactionnaires", "ennemis du peuple" sont mis en prison. Il est donc envoyé dans un camp de rééducation dans un village très difficile d'accès dans la province de Sichuan. En 1974 (trois ans plus tard) celui-ci est autorisé à retourner chez lui. Cette expérience lui servira plus tard d'inspiration pour Balzac et la petite tailleuse chinoise (2000). Il est employé dans un lycée de province jusqu'à la mort du Président Mao Zedong. En 1976, après la mort de celui-ci (Mao Zedong), il entre à l'université de Pékin pour y prendre des cours sur l'Histoire de l'art chinois. Il reçoit sur un autre concours une bourse pour partir à l'étranger et il choisit de partir étudier en France (1984) à l'IDHEC. Il s'installe alors définitivement en France. Son premier film est "Chine ma douleur" (1989), film qui a été tourné en France en raison de l'interdiction de tournage en Chine (selon les autorités chinoises le film revêtait un caractère subversif).

Mon avis : 5/5 (lu en juillet 2004)

Dans la Chine de Mao, savoir lire, c'est déjà faire partie des intellectuels... Et les intellectuels, on les envoie se rééduquer dans les campagnes. C'est le cas du narrateur et de son ami Luo, ils ont 17 et 18 ans. Pour supporter les difficultés, ils se racontent des histoires, des films. Un jour, ils découvrent une valise avec des livres interdits. Ils vont lire Balzac en cachette... Cela va changer le cours de leur vie et rencontrer la fille du tailleur. Ce livre nous raconte une histoire pleine de poésie qui nous fait découvrir l'importance des livres ! C'est également un dépaysement total au fin fond de la campagne chinoise. A lire absolument ! 

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Balzac et la Petite Tailleuse chinoise a été adapté en film en 2002 par Dai Sijie avec l'aide de plusieurs cinéaste. Bien que le livre ait été écrit en français, le film est joué en chinois par les acteurs. Il a été tourné dans les montagnes de Zhangjiajié dans la province natale de Mao, le Hunan. Les plans en ville ont été faits dans la ville ancienne de Fenghuang (le Phénix).

Extrait : « Nous nous approchâmes de la valise. Elle était ficelée par une grosse corde de paille tressée, nouée en croix. Nous la débarrassâmes de ses liens, et l'ouvrîmes silencieusement. A l'intérieur, des piles de livres s'illuminèrent sous notre torche électrique; les grands écrivains occidentaux nous accueillirent à bras ouverts: à leur tête, se tenait notre vieil ami Balzac, avec cinq ou six romans, suivi de Victor Hugo, Stendhal, Dumas, Flaubert, Baudelaire, Romain Rolland, Rousseau, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, et quelques Anglais : Dickens, Kipling, Emily Brontë... - Quel éblouissement ! - Il referma la valise et, posant une main dessus, comme un chrétien prêtant serment, il me déclara : Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde.»

3 février 2009

Le tombeau d'étoiles – Maxence Fermine

le_tombeau_d__toiles Albin Michel – mars 2007 -219 pages

Quatrième de couverture :
"J'étais jeune alors, sans dégoût de l'existence, tel un soldat à l'aube d'une bataille et qui traverse d'un cœur léger une lande de terre sans savoir qu'elle sera bientôt entachée de sang et qu'elle deviendra son tombeau. J'allais sans crainte vers mon avenir, enivré de ce philtre sournois qu'est l'espoir, croyant encore tenir dans ma main la clef de l'Eden alors que c'était celle des enfers.

" Au soir de sa vie, un homme retrace le long chemin qu'il a parcouru et les événements qui en ont déterminé le cours. L'enfance, la jeunesse, la guerre, l'amour pour Eléonore. Jusqu'au drame qui va bouleverser son existence. Inspiré de faits réels, sensible, envoûtant, le nouveau roman de Maxence Fermine redonne corps à la période trouble de l'Occupation au fil d'une superbe histoire de vengeance et d'amour dans les paysages grandioses de la Savoie.

Auteur : Maxence FERMINE est né à Albertville en 1968. Il a passé son enfance à Grenoble, avant de partir à Paris où il restera treize années. Il a suivi pendant un an des cours dans une faculté de Lettres, puis a décidé de voyager en Afrique. Il s'éprend du désert, travaille dans un Bureau d'Etudes en Tunisie. Il se marie et vit maintenant en Savoie avec sa femme et sa fille. Il a déjà publié " Neige " en janvier 1999 et " Le violon noir " en septembre 1999. L'apiculteur est son troisième livre.

Mon avis : (lu en février 2009)

Ce livre se lit très facilement, c’est un roman écrit autour d’un fait réel dans un village de Savoie en Août 1944, pendant l'Occupation. L'histoire est émouvante, les personnages attachants, la narration est pleine de poésie, les paysages de Savoie superbement évoqués. C'est beau et triste à la fois !

Extrait : (début du livre) 

«Je me suis toujours demandé s’il fallait raconter cette histoire. Lorsque j’y songe, tout cela ressemble à un naufrage. Il y a d’abord les souvenirs teintés de remords et de désespoir, souvenirs amers que je croyais à jamais enfouis dans les limbes de ma mémoire, adoucis, effacés même par le temps et l’oubli. Les blessures et les meurtrissures, les traumatismes, les choses tues, les interdits et les non-dits, ces océans de tristesse où l’on s’abîme à force de silence. Enfin il y a les albums de photographies anciennes que l’on feuillette en sachant toutefois que, dès la première page, les parfums du passé vous sauteront au visage et vous enivreront d’une fragrance mélancolique trop longtemps contenue.

Il faut parfois se faire violence pour faire resurgir des archives de la mémoire ce qu’elles contiennent de plus sombre, et exposer en pleine lumière ces zones d’ombre que l’on croyait ensevelies pour toujours.

Jusqu’à la mort de Roche, ce témoignage m’aurait paru indécent. Lui qui avait vécu tout cela, qui en était le principal protagoniste, n’en parlait jamais. C’était un accord tacite entre le monde et lui. Sa manière de se protéger et de se forger une carapace en apposant sur ces journées d’effroi le sceau du secret.

Julien Roche. Un homme d’une belle trempe, comme ses aïeux l’avaient été avant lui. De la race des solitaires, qui ne demandait rien à personne, et surtout qui n’attendait rien. De lui ou des autres. Un loup sorti de la meute. Et qui ne l’a jamais rejointe.

C’était mon ami. Peut-être l’unique. Qui peut savoir ces choses-là ? On croit longtemps vivre entouré de gens, de proches, d’une famille aimante. A force d’habitude, on se croit préservé à jamais du malheur et de la solitude, pièce indispensable dans la grande mosaïque du monde. Et puis, un jour, la mosaïque se fendille et les joints éclatent, jusqu’à ce que chacune des pièces qui constituaient cette étrange fresque humaine s’isole un peu plus des autres. Alors on se retrouve seul face à son reflet dans le miroir, seul dans le cortège des jours qui défilent, et on comprend qu’il n’en était rien.

Les Roche. Des gens de parole et de caractère, durs à l’ouvrage et peu causants. Dans le village, ils étaient connus pour leur probité, leur sens du devoir et leur mutisme inébranlable. Sans doute avaient-ils été forgés d’éclats de silence sur l’arête desquels, parfois, nos paroles venaient glisser sans vraiment les atteindre.

Antoine Roche, le père, avait connu la grande guerre, celle de 14. Il avait fêté ses vingt ans à Verdun, sous les bombes. Forcément, cela lui avait tanné le cuir et raffermi le cœur. Il en était revenu avec la croix d’Honneur, un bras en moins et cette manière bien à lui de vous regarder comme s’il savait combien l’âme humaine est entachée de salissures. Il avait gardé de ce passé martial une amère désillusion sur l’humanité, et l’idée tenace que la vie n’est qu’une vaste mascarade, un théâtre immonde rempli de soldats, de miséreux et d’assassins.

Son fils était du même acabit. Par nature, il ne s’épanchait guère et se méfiait des autres. Taciturne, il se complaisait dans les étendues glacées de l’hiver des sentiments. D’ailleurs il n’a jamais confié à qui que ce soit cette histoire. Ce n’est pas qu’il manquait de vocabulaire ou d’une certaine culture. Il aurait sans doute trouvé les mots justes pour raconter à ma place. Mais comme son père, au sortir de la guerre de 14, il éprouvait de la pudeur à raconter ce qu’il avait vécu.

Julien Roche n’est pas le seul que je vais tenter de ressusciter dans ces lignes. Il y a tous les autres, les victimes de ces jours obscurs que la douleur et les larmes ne nous rendront pas. Ces hommes et ces femmes de majesté à qui je dédie ce livre qu’ils ne liront jamais.

Ceux-là, je désire les faire apparaître un à un, chacun sous une lumière différente, comme si j’étais l’ordonnateur d’une partie infime de leur existence et que je voulais les voir défiler devant moi, une dernière fois, tel un metteur en scène de théâtre regardant jouer ses acteurs pour une ultime représentation.

Mais par-dessus tout, il y a une femme que je désire évoquer dans ces pages parce que son souvenir m’obsède au-delà de tout ce qu’il est possible d’imaginer. Une femme que j’ai connue il y a bien longtemps, et qui compte plus que toutes les autres. D’elle, il me reste une photographie que je regarde chaque jour que Dieu fait, et qui m’est chère. Sur ce cliché un peu jauni, presque passé à force d’avoir été usé par mes caresses et mon regard, je parviens encore à distinguer un visage d’une incroyable pureté et qui respire la bonté. Un visage si beau que, pendant longtemps, j’ai cru y voir la preuve de son immatérialité. Comme si elle n’avait jamais existé ailleurs que sur ce papier argenté, enfantée par la magie d’un artiste dont le génie aurait été de photographier les esprits.

Cette femme portait un nom qui peut paraître un peu désuet, mais qui demeure si chargé d’émotion que, aujourd’hui encore, je ne peux le prononcer ni l’entendre sans en avoir les larmes aux yeux. Ce nom, ce beau nom, c’est Eléonore Verdussen.

Pendant des années, j’ai tenté d’effacer son visage de ma mémoire et de noyer l’histoire qui me liait à elle dans un grand lac de silence. Je ne voulais rien dévoiler de ce que nous vécûmes ensemble, et surtout de ce que nous ne vécûmes pas. Je ne voulais rien dire de ce que nous dûmes endurer, respecter toute cette souffrance, cette douleur et ce chagrin. J’avais la sotte vanité de croire que je pouvais oublier. Et aussi l’impression désagréable, en m’épanchant, de remuer les cendres d’une histoire vieille d’un demi-siècle. En quelque sorte, de trahir un secret.

Mais la vérité est tout autre. Je me voilais la face et, par lâcheté, je fermais les yeux sur tout un pan de mon existence.

Maintenant que les morts sont bien morts et que je suis seul parmi les vivants, la question du secret ne se pose plus. Lentement, un à un, tous les vestiges anciens resurgissent, comme une épave qu’on renfloue. Une épave remplie de petites lueurs tremblotantes venues des eaux noires du passé et qui, lentement, remontent à la surface de ma mémoire.

Alors il me faut à mon tour témoigner, avant que ces lueurs ne s’éteignent une à une, et que tout ne sombre et ne disparaisse à jamais dans les crevasses du temps.»

3 février 2009

Petits suicides entre amis – Arto Paasilinna

Petits_suicides_entre_amis    Petits_suicides_entre_amis_2   

Edition Denoël – septembre 2003 - 300 pages

Gallimard Folio - mai 2005 - 291 pages

traduction du finnois par Anne Colin Du Terrail

Présentation de l'éditeur :
" SONGEZ-VOUS AU SUICIDE ? Pas de panique, vous n'êtes pas seul. Nous sommes plusieurs à partager les mêmes idées, et même un début d'expérience. Ecrivez-nous en exposant brièvement votre situation, peut-être pourrons-nous vous aider. Joignez vos nom et adresse, nous vous contacterons. Toutes les informations recueillies seront considérées comme strictement confidentielles et ne seront communiquées à aucun tiers. Pas sérieux s'abstenir. Veuillez adresser vos réponses Poste restante, Bureau central de Helsinki, nom de code " Essayons ensemble ". " Deux suicidaires se retrouvent fortuitement dans une vieille grange où ils souhaitaient partir tranquilles. Entravés dans leurs funestes projets, ils se mettent en tête de rassembler d'autres désespérés pour monter une association. Commence alors, à bord d'un car de tourisme flambant neuf, un périple loufoque mené à un train d'enfer, des falaises de l'océan Arctique jusqu'au cap Saint-Vincent au Portugal pour un saut de l'ange final. Un récit désopilant doublé d'une réflexion mordante sur le suicide. 


Biographie de l'auteur
Arto Paasilinna est né en Laponie finlandaise en 1942. Successivement bûcheron, ouvrier agricole, journaliste et poète, il est l'auteur d'une vingtaine de romans dont Le meunier hurlant, Le lièvre de Vatanen et, en 2001, La douce empoisonneuse, romans cultes traduits en plusieurs langues.

Mon avis : (lu en avril 2005)
Comme d’habitude, Arto Paasilinna nous fait une satire sociale sur un véritable fléau qui ravage son pays. La Finlande est en effet le cinquième pays au monde où on se suicide le plus, peut-être à cause de l’isolement dans certaines campagnes et certainement aussi à cause de l’alcool. Pour comparaison, il y a en Finlande 28 suicide pour 100.000 habitants contre 20 en France. L’imagination sans borne de l’auteur nous fait partager un rocambolesque voyage en car de candidats au suicide finlandais. Les personnages sont hauts en couleur et les situations cocasses. Ce roman fait parti, à mon goût, des meilleurs de Paasilinna.

Extrait :

« Imagine, Hermanni ! Si nous étions plus nombreux, nous pourrions engager un thérapeute de groupe, consacrer nos derniers jours à profiter de la vie. Le temps passe toujours plus agréablement en compagnie que dans la solitude. Nous pourrions reprographier des lettres d’adieu et économiser de l’argent en confiant nos dernières volontés à un seul notaire… nous pourrions peut-être même obtenir un prix de gros pour les avis de décès. Nous aurions la possibilité de vivre largement, car il y aurait sûrement dans le groupe quelques personnes fortunées, les riches se tuent de nos jours plus souvent qu’on ne le croit. Et il serait facile d’avoir parmi nous des femmes, je sais qu’il y en a beaucoup, en Finlande, qui nourrissent des idées de suicide, et elles sont loin d’être toutes désagréables à regarder, au contraire, les dépressives ont souvent un charme mélancolique… »

Le colonel Kemppainen commençait à trouver le projet intéressant. Il comprenait les bénéfices que l’on pouvait tirer, en termes de rationalisation, d’un suicide collectif de masse. On éviterait ainsi tout amateurisme dans l’accomplissement du geste fatal. En y réfléchissant d’un point de vue stratégique, il voyait les avantages amenés par le nombre. Un soldat, même excellent, ne pouvait remporter seul la bataille, mais en rassemblant en rangs serrés des troupes animées par un même idéal, on obtenait des résultats. L’histoire militaire regorgeait d’exemples de l’efficacité d’une association collective(Pages 31-32)

 

3 février 2009

La douce empoisonneuse – Arto Paasilinna

la_douce_empoisonneuse    la_douce_empoisonneuse_2

Denoël – septembre 2001 – 236 pages

Gallimard Folio - mars 2003 - 254 pages

traduit du finnois par Anne Colin Du Terrail

Résumé : La veuve du colonel Ravaska, Linnea, mène une existence tranquille dans sa petite métairie, à arroser ses violettes, en compagnie de son chat. Mais ce paisible tableau n'est qu'une façade... tous les mois, la bonne vieille tremble de peur ! En effet, son neveu et ses deux compères viennent la dépouiller de sa pension, jusqu'au jour où il demande à figurer sur son testament... Craignant pour sa vie et refusant de mourir de leur main, elle concocte un poison fulgurant pour se suicider le moment venu. Mais ce passe-temps est bien plus drôle que de tricoter... C'est à ce moment que de projets en situations cocasses, la donne change en faveur de la veuve du colonel ! Adeptes d''Arsenic et vieilles dentelles', ce livre est pour vous, et pour les autres aussi !

Biographie de l'auteur :
Arto Paasilinna est né en Laponie finlandaise en 1942. Bûcheron, ouvrier agricole, journaliste et poète, il est l'auteur d'une vingtaine de livres, pour la plupart traduits en français et publiés chez Denoël. Citons entre autres Le Meunier hurlant, Le Lièvre de Vatanen, Petits suicides entre amis, Un homme heureux ou encore Le Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen.

Mon avis : (lu en avril 2005)
Cette fois-ci, c'est la confrontation d'une vieille dame vulnérable et de trois jeunes délinquants qui la martyrisent. Pour en finir avec ce supplice, Linnea se prépare un poison pour se suicider, mais rien ne se déroule jamais comme prévu avec Paasilinna... L'humour noir et grinçant est là sans oublier les situations cocasses et originales. Tout ceci se lit avec un grand plaisir !

Extrait : (page 84)
"Il vint à l'esprit de Linnea que si quelqu'un pouvait avoir besoin d'un poison efficace et mortel, c'était bien elle. Si la situation devenait trop critique, elle pourrait ainsi avaler une dose afin d'échapper aux griffes des tortionnaires. Une vieille femme sans défense avait tout intérêt à se tenir prête au pire. A son âge, il convenait d'ailleurs aussi de se prémunir contre l'éventualité de maladies pénibles. L'idée d'une lente agonie sur un lit d'hôpital la terrifiait, elle avait une peur mortelle du cancer et de sa douloureuse phase terminale. Les médecins, aujourd'hui, s'acharnaient à maintenir en vie même les patients les plus désespérés, et elle ne voulait pas en arriver là. Dans de telles circonstances, avoir sa propre fiole de poison serait d'un immense secours.
Concocter une mixture mortelle pourrait aussi être une activité beaucoup plus passionnante que le macramé ou la peinture sur porcelaine."

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