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A propos de livres...

26 mai 2009

La vie d'une autre – Frédérique Deghelt

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Actes Sud – janvier 2007 – 340 pages

Actes Sud - juin 2008 - 340 pages

LGF – janvier 2010 – 251 pages

Présentation de l'éditeur
Marie a vingt-cinq ans. Un soir de fête, coup de foudre, nuit d'amour et le lendemain... Elle se retrouve douze ans plus tard, mariée, des enfants et plus un seul souvenir de ces années perdues. Cauchemar, angoisse... Elle doit assumer sa grande famille et accepter que l'homme qu'elle a rencontré la veille vit avec elle depuis douze ans et ne se doute pas du trou de mémoire dans lequel elle a été précipitée. Pour fuir le monde médical et ses questions, elle choisit de ne rien dire et devient secrètement l'enquêtrice de la vie d'une autre. Ou plutôt de sa propre vie. C'est avec une énergie virevoltante et un optimisme rafraîchissant que Frédérique Deghelt a composé ce roman plein de suspense sur l'amour et le temps qui passe, sur les rêves des jeunes filles confrontés au quotidien et à la force des choix qui déterminent l'existence.

Biographie de l'auteur
Journaliste et réalisatrice de télévision, voyageuse infatigable avec Paris pour port d'attache, Frédérique Deghelt est également l'auteur chez Actes Sud de Je porte un enfant et dans mes yeux l'étreinte sublime qui l'a conçu (2007),
La grand-mère de Jade (2009).

Mon avis : (lu en mai 2009)

C'est le deuxième livre que je lis de cette auteur, après "La grand-mère de Jade" que j'ai beaucoup aimé. C'est l'histoire de Marie qui a 25 ans, lors d'une fête elle a un coup de foudre pour Pablo, elle passe une nuit d'amour et le lendemain... elle se réveille douze ans plus tard, mariée, des enfants et sans aucun souvenirs des douze années passées. Cauchemar, angoisse... elle décide de ne rien dire de son amnésie et chaque jour elle explore son quotidien oublié et enquête sur « la vie d'une autre » qui pourtant est sa propre vie.

Le récit est formidable, j'ai été happée par la vie de Marie, personnage très attachant. J’ai ressenti avec elle ses troubles devant des situations déstabilisantes. Ce livre est à la fois beau, étrange, troublant et fabuleux.

Extrait : (page 128)
Je me regarde dans la glace : à quoi ressemble mon visage ce matin ? Depuis quinze jours, je me débats dans mes souvenirs, mes oublis et ma seconde nouvelle vie avec mes enfants. Jamais je n'ai eu un moment de répit, quelques jours qui s'écoulent yeux dans les yeux avec Pablo... Tout au plus quelques heures autour d'un dîner. Je n'ai jamais eu l'occasion de l'observer vraiment dans un contexte différent, hors de cette famille que nous avons faite et que je viens de découvrir. la solution est peut-être là, dans cette maison qui a sans doute été importante dans notre rapport amoureux. J'en suis là de mes réflexions quand mon estomac me rappelle qu'il est vide. Quand je descends l'escalier en pierre, Pablo achève de dresser une table sur une terrasse fleurie. la maison est construite sur une avancée rocheuse et ne doit pas avoir beaucoup de fenêtres qui ne donnent pas sur la mer.

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24 mai 2009

Une chaussette dans la tête – Susan Vaught

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traduit de l'anglais (États-Unis) par Amélie Sarn

Milan – février 2008 – 360 pages

Quatrième de couverture

Je prends le cahier blanc posé à côté de moi. Celui avec "Hatch Jersey" écrit en lettres rouges sur la tranche. Et puis je le pose sur mes genoux sans le fermer : il me sert à rien s'il est fermé. Il me faut un cahier de mémoire depuis que j'ai eu une balle dans la tête. Si j'ai bien eu une balle dans la tête.

Jersey Hatch veut savoir. Savoir pourquoi son meilleur ami refuse de lui parler. Pourquoi sa famille se déchire. Pourquoi tout le monde lui cache la vérité. Mais surtout, pourquoi sa vie d'avant a volé en éclats...

Auteur : Susan Vaught est née le 22 Octobre 1966 et combine le métier d'écrivain et de psychologue spécialisée en neuropsychiatrie. Elle travaille souvent avec des enfants et adolescents et a écrit plusieurs livres pour les jeunes adultes. Seul Une chaussette dans la tête a été traduit en France pour le moment. Elle est quotidiennement confrontée au suicide, ce qui explique l'origine de ce livre.
Aujourd'hui, Susan Vaught et sa famille – 2 enfants, 3 chiens, 5 chats et 8 poules – vivent dans une ferme du Tennessee.

 

Mon avis : (lu en mai 2009)

J'ai lu ce livre sur le conseil de mon fils. C'est l'histoire de Jersey Hatch, 17 ans qui retourne chez lui après une année passée à l'hôpital. Il a tenté de se suicider, maintenant sa vie est bouleversée : il a des cicatrices, un œil en moins, une paralysie du côté gauche et surtout il ne se rappelle plus de rien. Il ne se rappelle plus de l'année qui a précédé sa tentative de suicide. Il a perdu une partie de sa mémoire, ses paroles se mélangent. L'histoire nous plonge dans les pensées défaillantes de Jersey. Pour lui c'est une nouvelle vie, celle de l'après "suicide". Il veut comprendre pourquoi il s'est tiré une balle dans la tête. Il va petit à petit comprendre que son geste a également bouleversé son entourage, ses parents, ses amis...

Le thème de ce livre est difficile, mais la lecture de ce livre reste facile, Jersey est terriblement attachant. A la fin du livre, l'auteur nous explique que le suicide est l'une des trois causes principales de mortalité chez les adolescents aux États-Unis et en Europe. Avec ce livre, Susan Vaught nous montre les dégâts souvent terrible des tentatives ratées. Un roman bouleversant.

Extrait : (page 25)

Je fais un rêve...mes deux jambes et mes deux bras fonctionnent... je n'ai pas de cicatrice... je suis assis sur le bord de mon lit, vêtu de mon uniforme d'aspirant, et je tiens un revolver. La poussière de ma chambre danse dans les rayons du soleil et efface les marques de coups de pied dans les murs et dans la porte. Mes doigts me picotent pendant que je mets le revolver dans ma bouche. Je referme mes lèvres autour du métal froid. Ça a un goût de graisse et de poussière. Je ne peux pas. Pas dans la bouche. Je tremble, mais je mets le revolver sur ma tempe. J'enfonce le canon. Je ne pense à rien sauf au contact du canon sur ma peau et aussi qu'il y a beaucoup de poussière dans ma chambre. A des endroits que je n'avais même pas soupçonnés. Je presse la détente, je regarde la poussière et je sens ma main qui tremble et je ne pense à rien et il y a un bruit et du feu et plus rien. Plus rien du tout.

Ce n'est qu'un rêve. J'ai inventé cette scène parce que je ne me rappelle jamais rien et que ça me rend à moitié fou. Je fais ce rêve toutes les nuits. Fou. Mais je ne l'ai dit à personne. Je ne sais pas pourquoi je ne l'ai dit à personne, mais il y a des tas de choses que je ne dis pas. Même au psy de Carter. Fou. Maintenant je suis devant la maison, là où se déroule le rêve, et il faut que j'entre. Sinon je ne serai qu'un gros bébé stupide et pas du tout pragmatique. Le génie de cinq ans qui suce son pouce.

Maman entre et disparaît avant que j'aie atteint la porte. Papa suit, il porte mes sacs. J'ai mon cahier de mémoire, mais je ne peux pas porter mes sacs à cause de mon équilibre. Ma jambe gauche, faut que je la traîne. Parfois, je trébuche sur mon propre pied. Et j'oublie tout le temps mon bras gauche.

Je le cogne sans arrêt dans les encadrements de porte et dans les chaises, et du coup, je trébuche encore plus sur mon pied. C'est pour ça que les photos me font pleurer.

Elles sont accrochées de chaque côté du couloir, c'est la première chose qu'on voit en entrant. Il y a un garçon dans les cadres. Un garçon en uniforme d'aspirant de l'armée, un garçon en short avec sous le bras un casque de football. Un garçon avec des clubs de golf sur un green en compagnie d'un autre garçon qui ne lui parlait plus depuis longtemps avant qu'il appuie sur la détente. Sur ces photos, le garçon a des cheveux châtains ondulés et pas de trous dans la tête, ni dans la gorge, et je sais que c'est moi... sauf que ça se peut pas. Alors je serre contre moi mon cahier mémoire et j'ai mal au creux du ventre et je pleure.

Papa arrive derrière moi et pose mes sacs. Pendant une seconde ou deux, il boutonne et déboutonne sa veste. C'est un truc que je n'arriverais pas à faire, même avec beaucoup d'aide. Et puis, il passe son bras autour de mes épaules.

- Viens, allons à l'étage, me murmure-t-il de sa voix « je suis avec toi, fils ». Fais attention et tiens-toi bien à la rampe.

Je hoche la tête et je m'essuie les joues avec mon T-shirt. Des larmes ont roulé sur mon cahier de mémoire mais l'écriture sur la tranche n'a pas coulé. Même pas un petit peu. Le crayon accroché à la ficelle sale se balance d'avant en arrière, d'arrière en avant.

On dirait que Papa veut dire quelque chose mais il se mord la lèvre, reprend les sacs et passe devant moi. Je reste sans bouger. Je regarde les photos et j'essaie de respirer.

La dernière fois que j'étais dans cette maison, je me suis tiré une balle dans la tête.

J'ai... mais en réalité, je ne suis pas sûr. Je me suis peut-être tiré une balle dans la tête. J'ai toujours des doutes à ce sujet, même si j'y crois plus ou moins. Papa y croit, lui, il a dit que j'ai utilisé son revolver que j'ai pris dans sa table à chevet, celui qu'il gardait pour les voleurs et les meurtriers.

23 mai 2009

Ça t'apprendra à vivre – Jeanne Benameur

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Denoël – février 1993 – 127 pages

Seuil jeunesse – mai 1998 – 119 pages

Actes Sud – janvier 2007 – 111 pages

Présentation de l'éditeur
Un père, une mère et quatre enfants noués par le silence. La violence muette de ces liens et celle, assourdissant d'un pays qui entre en guerre. Algérie 1958.
Mi-Arabes, mi-Français, ils s'exilent dans une ville de la façade atlantique. Jamais ils n'y retrouveront leur ciel, ni leur place.
C'est la cadette qui raconte, rompant l'omerta familiale. C'est dans sa bouche que naît enfin la parole, entre silence et cri. La parole pour vivre.
Récit pudique, émotion âpre, Jeanne Benameur manie superbement les raccourcis de l'enfance. Ses mots simples et justes sont autant de cailloux noirs sur la route des souvenirs.

Quatrième de couverture : (édition Seuil jeunesse)

Elle a cinq ans. Elle vit en prison. Son père en est le directeur. 1958. Elle vient d’être arrachée à son pays, l’Algérie. Il fait froid à La Rochelle et elle vit dans une nouvelle prison. Comment s’habituer au déracinement, à l’emprisonnement ? Comment s’intégrer ? Une petite fille a peur. Par petites scènes, par mille détails, elle va tenter de faire surgir la vérité dans la rage, la colère. La petite fille modèle, sage comme une image, ne veut plus être une image.

Ça t’apprendra à vivre rompt la loi du silence qui a tout envahi. Jeanne Benameur a su trouver les mots pour le dire et, peut-être, pour chasser la peur.

Auteur : Jeanne Benameur est l'auteur de nombreux livres pour la jeunesse, dont récemment La Boutique jaune. Longtemps enseignante, elle se consacre désormais à l'écriture. Ses livres : Les Demeurées (2000), Un jour mes princes sont venus (2001), Les Mains libres (2004), Laver les ombres (2008)

Mon avis : (lu en mai 2009)

C’est un roman autobiographique de Jeanne Benameur qui nous parle de l’exil à travers le regard d’une petite fille de cinq ans. Elle est arrachée au pays où elle est née, l'Algérie, exilée avec sa famille en métropole à La Rochelle. L’adaptation est difficile. Elle nous raconte son quotidien, sa famille, ses souffrances : car c’est une petite fille très sensible, elle attend un peu plus de gestes d'amour de la part de ses parents. Elle essaie d'être parfaite mais en réponse elle ne ressent aucune attention particulière. Les chapitres sont courts, les phrases sont simples qui décrivent la difficulté du retour en France. L’histoire est très touchante.

Extrait : Creuser – enfouir – perdre

Depuis qu'on est arrivé dans cette ville atlantique, on va à la plage.

Pour moi, la plage, c'est creuser.

Un jour, c'est un briquet, un petit briquet carré que j'ai trouvé, qui tient bien dans ma main.

Je l'enfouis profond, là où le sable a fini d'être sec. Creuser dans le mouillé, les grains qui s'encastrent sous les ongles, je ne sais pas si j'aime ça mais je le fais.

Je creuse, j'enfouis.

Et puis peu à peu le sable remis rebouche le trou. C'est bien. Et du sable sec par-dessus. Jusqu'à ce qu'on ne voie plus le lieu où j'ai enfoui.

Moi seule, je repère.

Et puis je joue à oublier le lieu.

Et d'un coup me le redonner : là, c'est sûr, je le sais, si je creuse, je retrouve le briquet.

Mais je ne le fais pas. Je tente l'oubli encore plus fort. C'est un drôle de jeu.

Je vais à la mer.

Les bras le long du corps, les mains qui sentent le dur de l'eau contre elles. J'avance et puis je m'arrête.

Immobile, je laisse les vagues faire. Lapent les cuisses, repartent. Le froid qui pique avant qu'elles reviennent me claquer la peau. Je compte. Dix fois. Et puis je retourne au sable. Je passe, rapide, les galets, en équilibre, les flaques. La mer descend. Le soir. Bientôt nous allons rentrer.

Ma mère est assise au milieu de nos affaires, sur sa serviette. La plage, elle n'aime pas. Elle lit Intimité ou Nous Deux tout en tricotant encore pour cet hiver des pulls qui me feront des boules sous les bras. Elle n'est pas douée.

Parfois elle lève les yeux sur ces femmes aux corps sveltes et sûrs qui s'ébrouent, bronzent, nagent, ont l'air heureux. Intimidée.

Elle les envie.

J'envie leurs enfants.

Nous, où qu'on aille, on a toujours l'air de rétablir le campement. On se protège. On n'étale pas les matelas pneumatiques, les transats, les nattes. On s'assoit sur des serviettes éponge de toilette, maladroitement. On ne sait pas prendre nos aises.

Dans nos corps resserrés par des générations de l'exil répété, nous savons le peu d'espace qu'on nous laisse. Encore en prenons-nous moins. Habitués à nous faire oublier. Nous ne savons pas vivre comme les autres. Toujours trop ou trop peu.

Nous ne sommes libres que de partir. C'est dans l'âme. 

23 mai 2009

OPA sur le Vendée Globe – Alain Bach

OPA_sur_le_vend_e_globe Orbestier – novembre 2008 – 215 pages

Présentation de l'éditeur
Le Vendée Globe est une des plus grandes courses du monde à la voile en solo et sans assistance. Tous les 4 ans les concurrents s'élancent pour ce challenge unique aux couleurs, souvent prestigieuses, de ceux qui financent leurs monstres de course. Epreuve d'endurance et de courage mais aussi enjeux importants entre les sponsors pour remporter la victoire médiatique. Dans " OPA sur le Vendée Globe ", Alain Bach nous fait partager le combat héroïque d'une skippeure sablaise. Sa course autour du monde en solitaire devient, progressivement, l'enjeu de luttes implacables et violentes entre deux multinationales de la haute finance dont l'une est prête à tous les coups bas pour réussir à s'assurer le contrôle de l'autre. Une aventure humaine magnifiquement documentée dans le monde rude de la haute compétition en mer et dans celui des requins de la haute finance internationale.

Biographie de l'auteur
Alain Bach vit en Vendée, aux Sables d'Olonne. S'il écrit depuis plus de 15 ans, sa passion pour l'écriture romanesque n'est apparue qu'en 2001 avec un premier roman aux éditions d'Orbestier : " l'Or de Brocéliande " qui fut distingué par deux prix littéraires. Alain Bach dirige, dans l'Ouest, des enquêtes publiques auprès des collectivités territoriales dans les domaines de l'environnement ou de l'aménagement foncier. Son métier l'amène à côtoyer tous les milieux et constitue sa principale source d'inspiration.

Mon avis : (lu en mai 2009)

Comme l'indique son titre, ce roman est construit autour de deux thèmes : tout d'abord le mythique Vendée Globe, course à la voile, autour du monde et sans escale, réservée aux navigateurs solitaires mais aussi la bourse avec l'OPA (offre publique d'achat) d'un sponsor sur un autre sponsor. La partie financière du roman a été plutôt obscure pour moi et ne m'a pas vraiment intéressée. La partie course m'a beaucoup plu, l'héroïne de l'histoire est Marie-Pierre, navigatrice professionnelle, qui part avec plusieurs handicaps : elle a un bateau vieillissant mais surtout elle est au prise avec des problèmes psychologiques. Elle est très courageuse et pleine de détermination, elle va brouiller les cartes en gagnant la bataille de la communication.

Ce livre se lit assez bien et est très distrayant. J'ai toujours aimé les livres d'aventures autour de la mer.

Extrait : (début du livre)

Mars en Vendée (J - 620)

Rendues ivres par le vent du nord, les poubelles titubaient, tombaient et vomissaient leurs déchets sur les quais déserts de La Chaume. De violentes bourrasques mêlées à une fine pluie cinglante harcelaient la nuit et faisaient miauler les fils électriques. Les longues et fines hampes des réverbères agitaient leurs grosses ampoules en un ballet fantasmagorique pendant que, du bout du quai, vers la jetée, parvenait la rumeur grondante de l’armée des vagues.

Étienne regrettait amèrement l’absence d’une capuche sur son imperméable. Il sentait les gouttes de pluie glacée lui piquer le visage comme de fines aiguilles et enfonçait ses poings dans les poches avec d’autant plus de vigueur que l’air et l’eau lui gelaient le corps.

« Troisième bistrot à droite après la boulangerie… ça fait un moment que j’aurais dû le trouver! Même pas un pingouin à qui demander! » Étienne était furieux : lui, le jeune cadre parisien dynamique portant beau la quarantaine, chouchou de son grand patron. Lui, dont le bureau, climatisé toute l’année, donnait sur la Seine et la tour Eiffel. Lui, qui faisait glousser les petites secrétaires de l’état major de la firme. Lui, qui veillait à toujours assortir ses mi-chaussettes en fil d’écosse avec sa cravate en soie ! Eh bien lui, il avait de la flotte plein les chaussures et le moral qui barbotait dedans.

- Mais où est ce fichu bistrot ? se surprit-il à dire à haute voix.

Une camionnette passa à vive allure, provoquant une gerbe d’eau qu’il ne chercha pas à éviter. Il en était à ce point de fatalisme que même ce genre d’incident ne comptait plus vraiment.

Place Anselme Maraud, sur le quai des Boucaniers, une devanture rappelait vaguement celle d’un café des années trente. Sur la vitre, au-dessus de petits rideaux douteux, une grande inscription en lettres anglaises blanches s’étalait à mi-hauteur : « Chez Lili et Marcel, sandwichs à toute heure ». De quoi alpaguer le chaland qui aurait l’âme gelée et qui chercherait désespérément un peu de chaleur humaine ou son lot d’alcool ! L’absence de néon racoleur — un simple éclairage intérieur aux reflets jaunes — et la présence de quelques guéridons vieillots, confirmaient la première impression. Un comptoir en placage d’acajou protégeait une série d’étagères remplies d’une collection de bouteilles ; leur grande variété de formes et d’étiquettes témoignait de la vaste culture éthylique des clients autochtones.

Il entra, précédé d’un bruit de vieux grelot asthmatique. Quelques têtes se tournèrent vers la porte d’entrée. Derrière le bar, une cigarette coincée sur l’oreille, un homme torchonnait des verres avec la conviction d’un pré-retraité : Marcel, le « patron », visiblement. Il avait le nez délicat de ces barmen attentifs à leur clientèle dépressive. Le nez — Étienne ne vit que lui — donnait une cohérence lamentable à l’ambiance déprimante de cet estaminet hors d’âge. Son propriétaire devait rarement oublier de se servir un petit rouge « limé » pour accompagner, par compassion, une malheureuse histoire. Et il y en avait sûrement beaucoup, ici, de malheureuses histoires !

Enfin à l’abri, un « déca » fumant sur le comptoir, Étienne lança un regard circulaire dans la salle. Quatre anciens en casquette de marin bousculaient des cartes en communiquant à l’aide de grognements, tandis qu’un grand maigre s’accrochait au comptoir en soliloquant à voix basse. Il n’y avait personne d’autre…

« Diable, se dit Étienne, elle est sans doute en retard! » Il haussa les épaules. « Avec un temps pareil ! » Il s’était demandé comment trouver Marie-Pierre Rousseau dont il n’avait pas réussi à obtenir l’adresse. Il était venu tout exprès de Paris dans l’espoir de la rencontrer. « Tu verras, lui avait-on dit, pas moyen de la rater, elle habite quelque part aux Sables d’Olonne, on ne sait pas où. Elle est systématiquement dans ce bar de La Chaume en fin de journée, chez Lily et Marcel. »

Les gens devraient se méfier des mots. L’habituel n’est pas forcément systématique : visiblement, la Rousseau n’était pas dans son lieu de prédilection !

« Elle fait une cure, avait-on continué à lui expliquer avec un sourire en coin. Pour ne pas mourir elle se soigne à l’eau-de-vie. À la fermeture, elle est assez chargée pour dormir jusque tard dans la matinée. Elle ne mange pas. Elle est épaisse comme une sauterelle du Niger. Fais gaffe, elle ne parle pas facilement et ne veut l’aide de personne ! Franchement, une femme pareille, dans cet état et au RMI ! C’est incroyable, non ? »

Oui, vraiment, il était incroyable que la femme la plus adulée du monde de la voile, vainqueure à vingt-huit ans d’une solitaire du Figaro, d’un tour de France à la voile, de la Lorient – Saint Barth de la même année, devenue la navigatrice la plus prometteuse de son époque, se soit effondrée, disloquée psychiquement l’année suivante au cours du Vendée Globe. Elle était en seconde position derrière Loïc Le Guennec et remontait très fort sur lui. Mais elle fut disqualifiée, suite à une dénonciation de Le Guennec, pour non-respect de la réglementation.

Une affaire obscure, jamais vraiment élucidée, malgré les explications de Le Guennec. Curieusement Marie-Pierre Rousseau avait authentifié la version du dénonciateur. Le comité arbitral de la course l’avait éliminée, ce qui avait clos le débat. La presse avait vendu pas mal de papier autour de cette histoire. Un large public, sympathisant de la malheureuse navigatrice, estimait la « gagne » rageuse de Le Guennec outrancière.

Après quoi, cette jolie femme de formation « ingénieur » au sourire malicieux, brune, mince, nerveuse et endurante, avait disparu des circuits, du jour au lendemain. Quatre mois auparavant elle était réapparue aux Sables d’Olonne, sa ville natale. Mais dans quel état ! Alcoolique à l’avant-dernier degré, sans le sou, abandonnée de tous, y compris de sa famille, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Après des débuts si prometteurs, qui aurait pu prévoir une telle déchéance ? Elle était hébergée quelque part à la Chaume sans que personne ne sache vraiment où.

19 mai 2009

Les mains libres – Jeanne Benameur

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Denoël – janvier 2004 - 148 pages

Folio – janvier 2006 – 160 pages

Présentation de l'éditeur
'Y a-t-il un signe de vie dans le ciel qui indique que quelque part, dans une ville, au milieu de tant et tant de gens, deux êtres sont en train de vivre quelque chose qui ne tient à rien, quelque chose de frêle comme un feu de fortune ?'

Mme Lure est une vieille femme comme on en croise sans les remarquer. Dans l'appartement de son mari disparu, elle maintient chaque chose à sa place, tranquille et pour toujours. Elle évite tout souvenir, mais rêve grâce aux brochures de voyages qu'elle étale sur la table de la cuisine. Yvonne Lure entre dans les photographies, y sourit, y vit. Un jour, surprenant les doigts voleurs d'un jeune homme dans le grand magasin, elle se met à le suivre de façon irréfléchie jusqu'à son campement, sous l'arche d'un pont. Qu'ont-ils en commun, Yvonne, celle qui garde, et Vargas, l'errant ? D'une écriture forte et lumineuse, Jeanne Benameur capte comme jamais les destins obscurs de deux parias innocents, tissant entre eux des liens intenses. Ressuscitant des pans de mémoire palpitante, elle aiguise le vide en chacun de nous.

Biographie de l'auteur
Jeanne Benameur est l'auteur chez Denoël de Les Demeurées, 2000, Un jour mes princes sont venus, 2001, Ça t'apprendra à vivre, 2003, et de nombreux livres pour la jeunesse, dont récemment La Boutique jaune. Longtemps enseignante, elle se consacre désormais à l'écriture
 

Mon avis : (lu en mai 2009)

C’est le deuxième livre que je lis de cette auteure après « les demeurées ».

C’est l’histoire d’Yvonne Lure une vieille dame qui vit seule depuis la mort de son mari. Elle est « transparente » pour les autres, elle occupe ses journées avec le ménage et ses courses. Elle rêve grâce aux catalogues de voyages et aux photos dans lesquels elle se projette et s’évade. Un jour, elle va surprendre les mains voleuses d’un jeune homme, Vargas, dans un supermarché, sans réfléchir elle va le suivre jusqu’à sa caravane sur un terrain vague en face de chez elle. Elle va d’abord le surveiller de sa fenêtre, puis déposer à proximité du campement le livre de son défunt mari. Ils vont s’apprivoiser l’un et l’autre grâce à ce livre et à la lecture…

Je ne peux donc pas être insensible à ce livre plein de poésie, de tendresse avec ces deux personnages si perdus dans leur solitude.

Le style est fait de phrases courtes, de mots simples mais justes qui nous entraînent dans une histoire pleine de d’émotions.

Extrait : (début du livre)

Madame Lure va, vient, vit. Proprement seule.

Madame Lure a ce qu’il faut.

L’entretien de son appartement et les commissions quotidiennes comblent son besoin de déplacement physique. Comment combler l’espace des rêves ?

Cela a lieu dans la cuisine.

Madame Lure étale une carte de géographie sur la toile cirée. D’abord, elle défait les pliures de la tranche de sa main bien tendue. Elle appuie.

A chaque passage, le dos de sa main semble faire reculer un mur invisible.

Plus loin. Encore.

Le coude se déplie. Le bras se tend. Elle lisse les mers, les pays, de sa paume courte, ferme.

Viennent alors les noms des lieux qu’elle prononce tout bas, tête penchée. C’est une prière secrète. Elle s’efforce à une diction claire. Il faut que chaque syllabe soit distincte. Parfois même, elle détache, nette, une lettre d’une autre lettre.

L’évocation gagne encore en étrange. Elle entend sa voix résonner comme une autre.

Elle crée l’ailleurs dans sa bouche. Roc et sel.

Auprès de la carte dépliée, une brochure de voyages.

Personne ne connaît ses départs.

Personne n’agite de mouchoir.

Cela dure. Qu’importe le temps des horloges.

Personne ne l’attend. A aucune escale. C’est une voyageuse  de la terre qu’elle ne quitte pas. Ses valises n’ont jamais eu à être bouclées.

De tout temps, il n’y a jamais eu de bagage.

Madame Lure, dans ses périples, est légère.

Son poids sur la terre ne pèse plus rien. 

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19 mai 2009

Hiver arctique – Arnaldur Indridason

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Métailié – février 2009 – 334 pages

Points - mai 2010 - 404 pages

traduit de l'islandais par Eric Boury

Présentation de l'éditeur
Le corps d'un petit garçon était couché dans la neige lorsque la voiture d'Erlendur est arrivée au pied de l'immeuble de banlieue, en cette fin d'après-midi glaciale de Reykjavik. II avait douze ans, rêvait de forêts, ses parents avaient divorcé et sa mère venait de Thaïlande, son grand frère avait du mal à accepter un pays aussi froid. Le commissaire Erlendur et son équipe n'ont aucun indice et vont explorer tous les préjugés qu'éveille la présence croissante d'émigrés dans une société fermée. Erlendur est pressé de voir cette enquête aboutir, il néglige ses autres affaires, bouscule cette femme qui pleure au téléphone et manque de philosophie lorsque ses enfants s'obstinent à exiger de lui des explications sur sa vie qu'il n'a aucune envie de donner. La résolution surprenante de ce crime ne sortira pas Erlendur de son pessimisme sur ses contemporains. Dans cet impressionnant dernier roman, Indridason surprend en nous plongeant dans un monde à la Simenon. Il a reçu pour ce livre et pour la troisième fois le prix Clé de Verre du roman noir scandinave.

Biographie de l'auteur
Arnaldur INDRIDASON est né à Reykjavik en 1961. Diplômé en histoire, il est journaliste et critique de cinéma. Il est l'auteur de 6 romans noirs, dont plusieurs sont des best-sellers internationaux. Il est l’auteur de
La Cité des Jarres (2005), Prix "Cœur noir" et Prix "Mystère de la critique", de La Femme en vert (2006), Grand Prix des lectrices de Elle, de La Voix (2007), L’Homme du lac (2008), Prix polar européen du Point.

Mon avis : (lu en mai 2009)
Je suis devenue une inconditionnelle de Indridason et j'attendais avec impatience de pouvoir lire son dernier livre. Et dès que j'ai pu me le procurer à la bibliothèque, je l'ai dévoré avec autant de plaisir que les livres précédents.
J'ai retrouvé le commissaire Erlendur et ses enquêteurs inséparables, Elinborg et Sigurdur Oli, cette nouvelle enquête nous entraîne autour de l'intégration des populations d'immigrés dans la société islandaise. Tout commence avec la découverte du corps d'un enfant de 10 ans d'origine thaïlandaise au pied de son immeuble. Erlendur était auparavant sur une autre enquête où une femme trompée a disparu, il reçoit aussi de mystérieux appels d’une femme sur son portable. Cette enquête autour d’un jeune enfant va faire resurgir les démons de l’enfance d’Erlandur et la disparition de son frère, son fils Sindri Snaer et sa fille Eva Lind vont l’obliger à de leur donner des réponses sur ce drame passé.
On ressent parfaitement l'atmosphère sombre et glacée de la longue nuit islandaise de l' "Hiver arctique". Ce nouveau Indridason m’a vraiment bien plu. A lire !

Extrait : (début du livre)
On parvenait à deviner son âge, mais il était plus difficile de se prononcer avec précision sur l'endroit du monde dont il était originaire.
Ils lui donnaient environ dix ans. Vêtu d'une doudoune déboutonnée grise à capuche et d'un pantalon couleur camouflage, une sorte de treillis militaire, l'enfant avait encore son cartable sur le dos. Il avait perdu l'une de ses bottes. Les policiers remarquèrent à l'extrémité de sa chaussette un trou duquel dépassait un orteil. Le petit garçon ne portait ni moufles ni bonnet. Le froid avait déjà collé ses cheveux noirs au verglas. Il était allongé sur le ventre, une joue tournée vers les policiers qui regardaient ses yeux éteints fixer la surface glacée de la terre. Le sang qui avait coulé sous son corps avait déjà commencé à geler.
Elinborg s'agenouilla près de lui.
- Mon Dieu, soupira-t-elle, que se passe-t-il donc ?
Elle tendit le bras, comme pour poser sa main sur le corps sans vie. L'enfant semblait s'être couché pour se reposer. Elinborg avait du mal à se maîtriser. Comme si elle refusait de croire ce qu'elle voyait.
- Ne le touche pas, demanda Erlendur d'un ton calme, debout à côté du corps avec Sigurdur Oli.
- Il a dû avoir froid, marmonna Elinborg en ramenant son bras.
La scène se passait au milieu du mois de janvier. L'hiver était resté clément jusqu'à la nouvelle année, puis le temps s'était considérablement refroidi. Une coque de glace enserrait la terre, le vent du nord sifflait et fredonnait contre l'immeuble. De grandes nappes de neige recouvraient le sol. La poudreuse s'accumulait par endroit en formant de petits monticules dont les flocons les plus fins s'envolaient en volutes. Le vent leur mordait le visage, les pénétrant jusqu'aux os en travers leurs vêtements. Saisi d'un frisson, Erlendur enfonça profondément ses mains dans les poches de son épais manteau. Le ciel était chargé de nuages. Il était à peine quatre heures. La nuit avait déjà commencé à tomber.

 

16 mai 2009

Millénium, Tome 1 - Stieg Larsson

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes

Millenium_1 Actes Sud – juin 2006 – 574 pages

Traduit du suédois par Lena Grumbach et marc de Gouvenain

Présentation de l'éditeur
Ancien rédacteur de Millénium, revue d'investigations sociales et économiques, Mikael Blomkvist est contacté par un gros industriel pour relancer une enquête abandonnée depuis quarante ans. Dans le huis clos d'une île, la petite nièce de Henrik Vanger a disparu, probablement assassinée, et quelqu'un se fait un malin plaisir de le lui rappeler à chacun de ses anniversaires. Secondé par Lisbeth Salander, jeune femme rebelle et perturbée. placée sous contrôle social mais fouineuse hors pair, Mikael Blomkvist, cassé par un procès en diffamation qu'il vient de perdre, se plonge sans espoir dans les documnts cent fois examinés, jusqu'au jour où une intuition lui fait reprendre un dossier. Régulièrement bousculés par de nouvelles informations, suivant les méandres des haines familiales et des scandales financiers. lancés bientôt dans le monde des tueurs psychopathes, le journaliste tenace et l'écorchée vive vont résoudre l'affaire des fleurs séchées et découvrir ce qu'il faudrait peut-être taire. A la fin de ce volume, le lecteur se doute qu'il rencontrera à nouveau les personnages et la revue Millenium. Des fils ont été noués, des portes ouvertes. Impatient, haletant, on retrouvera Mikael et sa hargne sous une allure débonnaire, et Lisbeth avec les zones d'ombre qui l'entourent, dans -Millénium 2 - La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette ; Millénium 3 -La Reine dans le palais des courants d'air.

Biographie de l'auteur
Stieg Larsson, né en 1954, journaliste auquel on doit des essais sur l'économie et des reportages de guerre en Afrique, était le rédacteur en chef d'Expo, revue suédoise observatoire des manifestations ordinaires du fascisme. Il est décédé brutalement, en 2004, d'une crise cardiaque, juste après avoir remis à son éditeur les trois tomes de la trilogie Millénium.

Mon avis : (lu en mai 2009)

J'ai enfin lu Millénium 1 et je n'ai qu'une envie c'est lire Millénium 2 et 3 !

J'ai entendu parler de ce livre pour la première fois il y a 1 an et jusqu'à il y a deux jours je n'avais pas eu l'occasion de le lire... Ces derniers jours, avec la médiatisation de la sortie du film, j'ai tenté de me procurer le tome 1 à la bibliothèque et j'ai eu la chance de l'obtenir...

Je n'ai eu aucun mal à rentrer dans le livre malgré une mise en place de l'intrigue assez lente. En effet, l'auteur prend le temps de nous présenter minutieusement chacun des deux personnages principaux : Mikael Bloomkvist et Lisbeth Salander. Mikael est journaliste d'investigations économiques et sociales au Millénium, il vient d'être condamné pour diffamation à 3 mois de prison. Il est embauché par Henrik Vanger un magnat de l'industrie officiellement pour rédiger l'histoire de la famille Vanger et officieusement pour enquêter sur l'étrange disparition de sa nièce Harriet 36 ans plus tôt en 1966. Lisbeth Salander, une jeune femme rebelle et perturbée, un génie de l'informatique qui est très douée pour mener des enquêtes.

L'intrigue est très intéressante, pleines de rebondissements, ses personnages sont atypiques et néanmoins très attachants. Le style est simple, et j'ai été surprise par le tutoiement qui est semble-t-il courament pratiqué en Suède. L'auteur nous livre également des explications économiques et politiques de la Suède ainsi qu'une description de la société suédoise. Attention, certains passages sont violents : il est question de séquestrations, tortures et viols... 

J'ai été prise par l'histoire comme jamais et j'avais du mal à lâcher mon livre : j'y ai même consacré mon samedi matin pour terminer les 300 pages qu'ils me restaient à lire... Il faudra pourtant que j' attende lundi pour me procurer la suite...

mill_nium_le_film

Le 13 mai 2009, est sortie en France le film danois et suédois « Millénium, le film » (Män som hatar kvinnor) réalisé par Niels Arden Oplev avec Michael Nyqvist, Noomi Rapace, Lena Endre

Extrait : (page 15)

VENDREDI 20 DÉCEMBRE

LE PROCÈS 
ÉTAIT
IRREVOCABLEMENT terminé et tout ce qui pouvait être dit avait été dit. Il n'avait pas douté une seconde qu'on allait le déclarer coupable. Le jugement avait été rendu dès 10 heures du matin ce vendredi, et il ne restait maintenant plus qu'à écouter l'analyse des journalistes qui attendaient dans le couloir du tribunal.
Mikael Blomkvist les vit par l'entrebâillement de la porte et il se retint quelques secondes. Il n'avait pas envie de discuter le verdict dont il venait d'obtenir la copie, mais les questions étaient inévitables et il savait - mieux que quiconque - qu'elles devaient être posées et qu'il fallait y répondre. C'est comme ça que ça fait d'être un criminel, pensa-t-il. Du mauvais côté du micro. Il s'étira, mal à l'aise, et essaya d'arborer un sourire. Les reporters le lui rendirent et hochèrent gentiment la tête, presque gênés.
- Voyons voir... Aftonbladet, Expressen, TT, TV4 et... tu es d'où, toi... ah oui, Dagens Industri. On dirait que je suis devenu une vedette, constata Mikael Blomkvist.
- Une déclaration, s'il te plaît, Super Blomkvist ! lança l'envoyé d'un des journaux du soir.
Mikael Blomkvist, dont le nom complet était Cari Mikael Blomkvist, se força à ne pas lever les yeux au ciel comme chaque fois qu'il entendait son surnom. Un jour, vingt ans plus tôt, alors qu'il était âgé de vingt-trois ans et qu'il venait de commencer son travail de journaliste comme remplaçant pour les vacances d'été, Mikael Blomkvist avait par hasard démasqué une bande de braqueurs de banques auteurs de cinq casses très remarqués étalés sur deux années. De toute évidence, il s'agissait de la même bande ; leur spécialité était d'arriver en voiture dans des petites villes et de braquer une ou deux banques, avec une précision toute militaire. Ils portaient des masques en latex des personnages de Walt Disney et avaient été baptisés - selon une logique policière pas totalement absurde - la Bande à Donald. Les journaux choisirent cependant de les appeler les Frères Rapetout, surnom un peu plus sérieux vu qu'à deux reprises, ils avaient sans scrupules tiré des coups de feu d'avertissement au mépris de la sécurité des gens et qu'ils avaient menacé les passants et les badauds.

Extrait : (page 105)
- L'île restait coupée mais les choses ont commencé à se calmer. Nous ne nous sommes rendu compte de l'absence d'Harriet qu'au moment où nous passions à table pour un dîner tardif vers 20 heures. J'ai envoyé l'une de mes cousines la chercher dans sa chambre, mais elle est revenue en disant qu'elle ne la trouvait pas. Cela ne m'a pas inquiété outre mesure ;j'ai dû croire qu'elle était allée faire un tour ou qu'elle n'avait pas été informée que le dîner était servi. Et au cours de la soirée j'ai été occupé par diverses querelles familiales. Ce n'est que le lendemain matin, parce qu'Isabella me cherchait, que nous avons réalisé que personne ne savait où elle était et que personne ne l'avait vue depuis la veille.
Il écarta grand les bras.

Extrait : (page 248)
Une seule condition devait être remplie. Maître Bjurman devait mourir de manière qu'elle-même ne puisse jamais être associée au crime. Elle se doutait bien que tôt ou tard son nom apparaîtrait dans une enquête policière à venir quand les flics examineraient les activités de Bjurman. Mais elle n'était qu'un grain de poussière dans toute une galaxie de clients actuels ou anciens, elle ne l'avait rencontré que quelques rares fois et, à moins que Bjurman n'ait noté dans son agenda qu'il l'avait forcée à lui faire une pipe - ce qu'elle jugeait invraisemblable -, elle n'avait aucune raison de l'assassiner. Il n'y aurait pas la moindre preuve que sa mort avait un rapport quelconque avec ses clients ; on pourrait penser à des ex-petites amies, des parents, des connaissances, des collègues et un tas d'autres gens. On pourrait même cataloguer cela de random violence, scénario dans lequel le meurtrier et victime ne se connaissaient pas.

15 mai 2009

Déjà 6 mois !

Il y a 6 mois, le 15 novembre 2008, je créais le blog " A propos de Livres... " pour partager avec tous, les découvertes et les émotions que je pouvais ressentir à travers mes lectures.

J'ai été prise par la frénésie de la publication de messages et à ce jour, j'en suis à 188 livres commentés...

couvertures_6mois

Près de 2000 visiteurs réguliers, occasionnels ou accidentels... Elles ou ils viennent en grande majorité de France (métropolitaine et outre-mer) mais aussi d'Europe, d'Afrique, d'Amérique, d'Asie et d'Océanie. 

Un grand merci à celles et ceux qui participent à la vie de ce blog en laissant des commentaires que je découvre avec beaucoup de plaisirs.

J'ai plus que jamais envie de continuer à LIRE et de continuer à alimenter ce blog...

13 mai 2009

Le meilleur reste à venir - Sefi Atta

le_meilleur_reste_avenir traduit de l'anglais (Nigeria) par Charlotte Woillez

Actes Sud – janvier 2009 - 429 pages

Présentation de l'éditeur
Enitan et Sheri sont cieux jeunes filles en rupture contre l'ordre et le désordre d'un Nigeria à peine sorti de la guerre du Biafra, un pays où se succèdent coups d'état militaires et régimes dictatoriaux. Deux jeunes filles puis deux femmes qui, du début des années 1970 au milieu des années 1990, veulent échapper à l'enfermement d'une société oppressive et machiste. Sheri, belle et effrontée mais blessée à jamais. choisira l'exubérance et la provocation. Enitan tentera de trouver son chemin entre la dérive mystique de sa mère, l'emprisonnement de son père, sa carrière de juriste et le mariage lui imposant, en tant que femme, contraintes et contradictions. Et c'est à travers la voix de ce personnage inoubliable que Sefi Atta compose ici un roman initiatique d'une remarquable puissance, un livre dans lequel le destin personnel dépasse le contexte historique et politique du Nigeria pour se déployer dans le sensible jusqu'au cœur même de l'identité et de l'ambiguïté féminines.

Biographie de l'auteur
Née à Lagos en 1964, Sefi Atta est romancière. nouvelliste et dramaturge. Publié simultanément au Nigeria, en Angleterre et aux États-Unis en 2005, Le meilleur reste à venir, son premier roman, a obtenu le prix Wole-Soyinka en 2006.

Mon avis : (lu en mai 2009)

C'est un roman social et urbain qui se déroule à Lagos, la capitale du Nigeria. A travers le vie de deux petites filles devenues adultes, nous découvrons les modes de vie du Nigeria, les coutumes, la famille, la condition de la femme... En toile de fond, il y a aussi l'histoire du Nigeria des années 70 aux années 90 avec les nombreux coups d'états, la misère, les inégalités sociales.

La narratrice Enitan grandit dans une famille chrétienne privilégiée, son père avocat veut qu'elle fasse des études, sa mère, suite à la perte d'un enfant, est surtout tournée vers son église. A l'âge de 10 ans, Enitan fait la rencontre de sa voisine mulsumane, Sheri, une fillette délurée de mère européenne et de père africain. Elles vont devenir amies et traverser ensemble les épreuves de la vie. Leur parcours à chacune sera différent pour échapper à leurs sorts de femmes soumises dans cette société commandée par les hommes. J'ai trouvé ce livre très intéressant et j'ai vraiment voyagé en lisant ce roman écrit avec à la fois beaucoup de simplicité et plein d'amour pour ses personnages et son pays. Bravo !

Extrait : (début du livre)

Dès le début j’ai cru tout ce qu’on me disait, même les plus purs mensonges, sur la façon dont je devais me tenir, en dépit de mes propres penchants. A l’âge où les petites filles nigérianes étaient des pros du ten-ten, le jeu où l’on doit taper des pieds en rythme et essayer de surprendre les autres avec de brusques mouvements de genoux, ce que je préférais, c’était m’asseoir sur la jetée et faire semblant de pêcher. Le pire, c’était d’entendre la voix de ma mère qui criait par la fenêtre de la cuisine : « Enitan, viens m’aider. »

Je rentrais en courant. Nous vivions au bord de la lagune de Lagos. Notre cour faisait environ un demi-hectare, et était entourée par une grande palissade qui glissait ses échardes dans les doigts insouciants. Je jouais tranquillement sur la rive ouest, car la rive est bordait les mangroves du parc Iyoki et une fois j’avais vu un serpent d’eau passer devant moi en ondulant. La chaleur, cette chaleur, c’est ce dont je me souviens en repensant à ces jours là, un soleil dégoulinant et de rares brises. En début d’après-midi, on mangeait et on faisait la sieste : déjeune copieusement et dors comme un ivrogne. En fin d’après-midi, après avoir fait mes devoirs, j’allais sur la jetée, un tout petit embarcadère en bois que je pouvais arpenter en trois pas si je faisais des enjambées assez longues pour sentir les muscles de mes cuisses s’étirer.

Je m’asseyais au bout, là où c’était couvert de coques, j’attendais que l’eau clapote à mes pieds, et je lançais ma ligne, tendue entre une branche d’arbre et le bouchon d’une bouteille de vin abandonnée par mon père. Parfois des pêcheurs approchaient, ramant en rythme, et j’adorais ça, plus encore que les tripes frites ; leur peau brûlée, couverte de sel et desséchée par le soleil, presque grises. Ils parlaient avec ce roucoulement des insulaires, leurs vocalises fusaient d’un canoë à l’autre. Jamais je n’ai eu envie de sauter dans la lagune comme eux. Elle sentait le poisson cru, elle était d’un marron sale qui, j’en étais sûre, avait un goût de vinaigre. En plus tout le monde savait que les courants pouvaient emporter les nageurs. Généralement les corps remontaient à la surface quelques jours après, gonflés, raides et pourris. C’est vrai.

Pas que je rêvais d’attraper des poissons. Ils frétillaient trop, et je ne me voyais pas regarder un autre être vivant suffoquer. Mais mes parents avaient envahi tous les autres endroits avec leurs disputes, leurs impardonnables débordements. Les murs ne m’épargnaient pas leurs cris. Un oreiller écrasé sur ma tête ne suffisait pas. La jetée était donc mon territoire, jusqu’au jour où ma mère décida qu’elle devait être démolie.

10 mai 2009

Saucisses et petits gâteaux - Dominika Dery

Saucisses_et_petits_gateaux traduit de l'anglais Michèle Garène

Jean-Claude Lattès – avril 2006 - 377 pages

 

Présentation de l'éditeur
Au lendemain de l'écrasement du Printemps de Prague, la naissance de Dominika va illuminer l'existence d'un couple de dissidents qui connaît une vie difficile. La mère, économiste, a été reniée par ses parents, membres de l'élite du parti. Le père, ingénieur, est réduit à jouer les chauffeurs de taxi pour survivre, ce qui ne l'empêche pas de rester d'un optimisme à toute épreuve. La sœur de Dominika, belle adolescente pulpeuse poursuivie par une nuée d'admirateurs, et un énorme saint-bernard viennent compléter cette famille pittoresque. Dominika grandit dans cet univers hétéroclite, où se côtoient voisins cancaniers, indicateurs à la solde clé l'Etat et gentilles " grands-mères "... Elle n'a qu'un seul rêve : devenir danseuse. Ces souvenirs de petite fille dans la Tchécoslovaquie des années 1980 ne sont pas sans rappeler les premiers films de Kusturica ou encore Good bye Lenin. Un Hymne à l'enfance et un bouleversant témoignage d'une époque révolue.


Biographie de l'auteur
Dominika Dery est née à Prague en 1975. D'abord danseuse puis comédienne cru Théâtre national, elle a vécu quelque temps en France avant de s'installer en Australie. Saucisses et petits gâteaux est son premier livre.

Mon avis : (lu en août 2007)

C’est le regard d’un enfant sur sa vie quotidienne en Tchécoslovaquie dans les années 80. Les personnages sont attachants, on ressent tout l’amour qu’il y a dans cette famille. Sa mère est économiste, son père ingénieur travaille comme chauffeur de taxi pour faire vivre sa famille, Klara sa sœur plus âgée de 9 ans est souvent courtisée, Dominika rêve de devenir danseuse. Les voisins espionnent et dénoncent…Les produits occidentaux ne se trouvent qu'au marché noir par contre saucisses et petits gâteaux se consomment sans compter ! Contrairement à l'époque, le récit n'est pas sombre du tout, au contraire. C'est un beau témoignage. 

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