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A propos de livres...

17 octobre 2009

Le poids des secrets – tome 5 : Hotaru – Aki Shimazaki

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Actes Sud – juin 2009 – 132 pages

Quatrième de couverture :

A la saison des lucioles (hotaru), lorsqu'elle rend visite à sa grand-mère Mariko Takahashi, Tsubaki est loin de se douter que celle-ci lui confiera bientôt le secret qui ronge sa vie depuis cinquante ans, incapable qu'elle fut de le révéler à son mari. Etudiante en archéologie, Tsubaki apprend à travers cette confession les lois cruelles de la vie : l'innocence et la naïveté des jeunes filles sont souvent abusées par les hommes de pouvoir et d'expérience, et leur destinée s'en trouve à jamais bouleversée.

Auteur : Née au Japon, Aki Shimazaki vit à Montréal depuis 1991. Sa pentalogie Le Poids des secrets, amorcée avec Tsubaki, s'est terminée par l'obtention du prix du Gouverneur général avec Hotaru en 1005. Depuis, elle a publié Mitsuba en 2006 et Zakuro en 2008.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

C'est le dernier volume de la pentalogie "Le poids des secrets". Hotaru signifie luciole en japonais. Dans ce tome, Mariko Takahashi est âgée de 84 ans, elle sent qu'elle est proche de la fin de sa vie et elle se confie à sa petite fille de 19 ans Tsubaki le secret qui l'a ronge depuis toujours et qu'elle n'a jamais avoué à son mari. Dans ce dernier tome l'histoire ne révèle au lecteur aucune surprise puisque pour boucler la boucle l'on voit réapparaître tous les personnages avec également en toile de fond les bombes atomiques sur Nagasaki.

Cependant, la lecture de ce livre est aussi agréable que pour les livres précédents, tout en simplicité et en poésie. Un ensemble de 5 livres qui m'ont vraiment beaucoup plu !

Extrait : (page 23)

Dans l'obscurité clignotent les lucioles. J'en ai attrapé deux tout à l'heure en traversant le jardin. Je les garde dans mon petit aquarium, resté vide depuis l'année passée. Elles rampent lentement sur des feuilles de fougère. L'une suit l'autre comme un couple. Je compte les emporter à mon appartement.

Allongée sur le futon, je songe à Obâchan, qui a un air déprimé. Je me demande pourquoi elle regrette maintenant le départ d'Ojîchan en Sibérie. Qu'est-ce qui la dérange ? Je sens qu'elle est tourmentée et cela m'attriste.

Je me rappelle le moment où Ojîchan est mort. Il était entouré de nous tous : Obâchan, mes parents, ma sœur, mon frère et moi. Je ne me souviens plus des détails, car je n'avais que six ans à l'époque. Néanmoins, je sentais dans mon cœur d'enfant qu'il reposerait en paix. Son regard était doux. Selon ma mère, Ojîchan a dit à Obâchan, en tenant sa main : «Quelle vie heureuse ! J'ai eu de la chance d'avoir une famille si bonne. » Nous étions sa seule famille. Quand il est mort, il avait soixante-dix-neuf ans. Il était malade du coeur. Les lucioles clignotent toujours. En fixant les yeux sur leurs lumières, je me rappelle une lointaine conversation avec Ojîchan.

- Ojîchan, pourquoi les lucioles émettent-elles de la lumière ?

Il répond : - Pour attirer des femelles.

Je suis étonnée : -Alors, les lucioles sont-elles mâles ?

- Oui. Les femelles sont des vers luisants. Elles émettent aussi de la lumière, mais elles ne volent pas. Les deux s'échangent des messages amoureux en clignotant.

Je m'exclame : - Comme c'est romantique !

- Oui, dit Ojîchan. Au moins pour nous, les Japonais.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- En France, il existe une superstition étrange : ces lumières seraient les âmes des enfants morts sans avoir reçu le baptême. Pour les gens qui y croient, ces insectes sont bien sinistres.

Le mot « sinistre » me fait penser à la scène du soir de la bombe atomique qu'Obâchan m'a racontée une fois : « J'ai vu une volée de lucioles au-dessus du ruisseau, qui était écrasé par les ruines des bâtiments. Les lumières de ses insectes flottaient dans le noir comme si les âmes des victimes n'avaient pas su où aller. » Je me demande où ira l'âme d'Obâchan. Va-t-elle errer pour toujours entre ce monde et l'autre monde ? Ses jours sont comptés. J'espère qu'elle trouvera le calme et pourra mourir en paix, comme Ojîchan.

Obâchan : grand-mère, vieille femme.

Ojîchan : grand-père, vieil homme.

Autres volumes de la pentalogie "Le poids des secrets" :

tsubaki Tsubaki  hamaguri Hamaguri

tsubame Tsubame Wasurenagusa Wasurenagusa

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17 octobre 2009

Malavita – Tonino Benacquista

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Gallimard – avril 2004 – 320 pages

Folio – novembre 2005 - 373 pages

Présentation de l'éditeur
Une famille apparemment comme les autres.
Une chose est sûre, s'ils emménagent dans votre quartier, fuyez sans vous retourner...

Auteur : Né en 1961 de parents italiens, Tonino Benacquista a grandi à Vitry. Fasciné pendant son enfance par les séries télévisées, dont 'Les Incorruptibles', il s'est naturellement dirigé vers des études de cinéma et de littérature. Son père, ouvrier dans un chantier naval, lit peu cependant. Aujourd' hui, Tonino Benacquista lit peu lui-même. Il interrompt ses études pour multiplier les expériences et les petits boulots, qu'il choisit en fonction du temps qu'ils lui laissent pour écrire. Son premier roman, 'Epinglé comme une pin-up dans un placard de GI', est publié au Fleuve noir. 'La Commedia des ratés', dans laquelle il dépeint la vie des immigrés italiens à Vitry, reçoit trois prix de littérature policière. Il a écrit 'Les morsures de l'aube', adapté au cinéma par Antoine de Caunes, et co-écrit avec Jacques Audiard le scénario de 'Sur mes lèvres'. Collaboration qu'il renouvelle en 2004 pou le film 'De battre mon coeur s'est arrêté' qui remporte le césar de la meilleure adaptation. Avec 'Saga' et 'Quelqu'un d'autre', il délaisse le polar pour s'intéresser au 'conflit de l'individu avec lui-même'. Le public apprécie son écriture franche et drôle, cruelle mais jamais cynique : 'Je ne veux pas noircir la noirceur. Le spectacle de ceux qui s'amusent en attendant la bombe me dégoûte. Mes personnages vivent mal le désarroi d'autrui parce que je ne supporte pas ça', dit-il.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Malavita, c’est le nom du chien de cette drôle de famille. Une famille New Yorkaise qui s'installe dans un petit village normand, Cholong-sur-Avre, pour y trouver une vie paisible et ordinaire. Il y a Fred Blake, sa femme Maggie et ses enfants Belle et Warren. Fred se prétend écrivain et prépare un livre sur le Débarquement, Maggie fait du bénévolat dans une association caritative, Belle fait honneur à son prénom et Warren s’est créé une bande de copains autour de lui. En fait, le vrai nom de Fred est Giovanni Manzoni, c’est un repenti de la Cosa Nostra sous protection du FBI. Malavita, "la mauvaise vie" en sicilien est aussi un des multiples surnoms donné à la mafia… Comment vont-ils passer incognito et s’intégrer dans ce village tranquille ? Ce roman mélange à la fois l’humour, le cynisme, le burlesque et le suspens. Un vrai bon moment de détente.

Extrait : (début du livre)

" Ils prirent possession de la maison au milieu de la nuit. Une autre famille y aurait vu un commencement. Le premier matin de tous les autres. Une nouvelle vie dans une nouvelle ville. Un moment rare qu'on ne vit jamais dans le noir.

Les Blake, eux, emménageaient à la cloche de bois et s’efforçaient de ne pas attirer l’attention. Maggie, la mère, entra la première en tapant du talon sur le perron pour éloigner d’éventuels rats, traversa toutes les pièces et termina par la cave, qui lui parut saine et d’une humidité idéale pour faire vieillir une roue de parmesan et des caisses de chianti. Frederick, le père, mal à l’aise depuis toujours avec les rongeurs, laissa sa femme opérer et fit le tour de la maison, une lampe de poche à la main, puis aboutit dans une véranda où s’entassaient de vieux meubles de jardin recouverts de rouille, une table de ping-pong gondolée  et divers objets invisibles dans la pénombre.

La fille ainée, Belle de son prénom, dix-sept ans, grimpa l’escalier et se dirigea vers la pièce qui allait devenir sa chambre, un carré régulier, orienté sud, avec vue sur un érable et une bordure d’œillet blancs miraculeusement persistants – elle les devina à travers la nuit comme une giclée d’étoiles. Elle fit pivoter la tête du lit côté nord, déplaça la table de chevet et se plut à imaginer les murs recouverts de ses affiches qui avaient traversé les époques et les frontières. Le lieu se mit à vibrer de la seule présence de Belle. C’est là que désormais elle allait dormir, réviser ses cours, travailler sa gestuelle et sa démarche, bouder, rêver, rire, et parfois pleurer – sa journée type depuis l’adolescence. Warren, de trois ans son cadet, investit la chambre adjacente sans réelle curiosité ; peu lui importaient l’harmonie des volumes ou le panorama, seules comptaient l’installation électrique et sa propre ligne de téléphone. Dans moins d’une semaine, sa grande maîtrise des écrans informatiques lui permettrait d’oublier la campagne française et même l’Europe, et lui donnerait l’illusion d’être de retour chez lui, par-delà l’océan atlantique, d’où il venait et où il retournerait un jour."

15 octobre 2009

Le livre de Joe - Jonathan Tropper

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Fleuve Noir – novembre 2005 – 375 pages

10x18 – septembre 2006 – 411 pages

traduit de l'américain par Nathalie Peronny

Présentation de l'éditeur
A première vue, Joe Goffman a tout pour lui : un magnifique appartement dans les quartiers chics de Manhattan, des aventures sentimentales en série, une décapotable dernier cri et des dollars comme s'il en pleuvait. Ce jeune auteur a très vite rencontré le succès avec son premier roman, Bush Falls. Directement inspiré de son adolescence passée dans une petite bourgade du Connecticut, ce best-seller ridiculise les mœurs provinciales de ses ex-concitoyens, dénonce leur hypocrisie, leur étroitesse d'esprit et toutes leurs turpitudes. Mais le jour où il est rappelé d'urgence à Bush Falls au chevet de son père mourant, il se retrouve confronté aux souvenirs qu'il croyait enfouis à jamais. Face à l'hostilité d'une ville entière, rattrapé par les fantômes de son passé, Joe va devoir affronter ses propres contradictions et peut-être enfin trouver sa place...

Biographie de l'auteur
Jonathan Tropper est né et a grandi à Riverdale dans l'Etat de New York. Son premier roman, Plan B a paru aux États-Unis en 2001. Le Livre de Joe est actuellement en cours d'adaptation pour le cinéma par les studios Warner. Jonathan Tropper vit aujourd'hui à Westchester (New York). Il a signé depuis deux romans Tout peut arriver (Fleuve Noir, 2007) et How to Talk to a Widower.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Joe Goffman est écrivain il revient dans sa ville natale après dix-sept ans d'absence car son père est gravement malade. Il revient sur les lieux de sa jeunesse et sur des souvenirs douloureux du passé. Son passé, il l'avait utilisé dans « Bush Falls » le livre autobiographique et corrosif qui l'a rendu célèbre. Il est donc accueilli plutôt froidement par les autochtones... Son retour, bouleverse Joe plus qu'il ne l'avait imaginé car il se sent obligé de réparer ses torts. Il retrouve Wayne un de ses anciens amis et Carly sa première petite amie.

Le livre se lit très facilement, les personnages sont attachants, le livre oscille entre humour et émotion. Il nous décrit également une société américaine des années 80 dans une petite ville où la tradition est importante et les idées reçues nombreuses. J'ai passé un très bon moment en lisant ce livre qui m'a beaucoup plu.

Extrait : (page 59)

Je pensais m'être assez bien remémoré Bush Falls, au moment d'écrire mon livre. Mais maintenant que j'entre dans la ville, je réalise que ce j'avais conservé en mémoire n'était que des réminiscences superficielles, substituts de carton-pâte en lieu et place des véritables souvenirs qui commencent alors seulement à émerger. L'expérience physique du retour réveille les vieux souvenirs assoupis, et à mesure que se déroulent devant moi les rues de ma ville natale, je suis frappé par la clarté retrouvée de tant de détails enfouis dans mon inconscient. Des images qui auraient dû tomber en poussière au bout de dix-sept ans d'usure rejaillissent désormais à la surface, scellées et intactes, poussées par une forme de volonté hypnotique. Je me sens presque violé dans mon intimité en découvrant que mon esprit a ainsi conservé à mon insu des liens si forts avec cette ville, un peu comme si mon cerveau m'avait fait des coups en douce.

Bush Falls est une version typique, quoiqu'à l'échelle réduite, de nombreuses villes moyennes du Connecticut ; une banlieue conçue et édifiée selon un plan précis, où les pelouses sont toujours vertes et la plupart des cols blancs. Le paysage, notamment, est une notion que l'on prend très au sérieux au Connecticut. Les habitants n'ont ni écussons ni armoiries au-dessus de leur porte d'entrée ; ils ont des haies, des fuchsias et des pachysandres, des parterres de fleurs et des tuyas émeraude. Une pelouse mal entretenue attire l'œil comme un goitre, symptôme révélateur d'une glande familiale dysfonctionnelle. L'été, le crissement des cigales, invisibles au sommet des arbres, fait écho au faible staccato chuintant des centaines d'arroseurs automatiques en rotation, sortis du garage après dîner ou incrustés dans le gazon et déclenchés par minuterie. Bientôt, je le sais, les arroseurs se verront remisés pour la saison, remplacés par des râteaux et des aspirateurs à feuilles mortes mais pour l'instant, ils continuent de trôner de part et d'autre de Startfield Road, la grande artère reliant la partie résidentielle de Bush Falls au quartier commerçant.

12 octobre 2009

La traversée du Mozambique par temps calme – Patrice Pluyette

Seuil – août 2008 – 316 pages

Points – août 2009 – 314 pages

Quatrième de couverture :
Le capitaine Belalcazar, archéologue à la retraite et vague descendant d'un conquistador espagnol, met les voiles une nouvelle fois vers la jungle du Pérou pour trouver l'or de la mystérieuse cité inca de Païtiti. Un beau bateau, une belle équipe, un itinéraire rigoureusement planifié: cette tentative sera la bonne. Sauf que rien ne se passe comme prévu. Les obstacles se multiplient. On n'a pas fini d'être surpris. Et l'auteur semble y prendre un malin plaisir.

Biographie de l'auteur
Patrice Pluyette est né en 1977. Après des études de lettres modernes, il se lance dans l écriture. La Traversée du Mozambique par temps calme est son quatrième roman, sélectionné pour les prix Goncourt et Médicis 2008.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Ce livre a un titre aussi mystérieux qu'inexplicable car contrairement à ce qu'évoque le titre, nous ne traverserons pas le Mozambique, mais nous ferons un voyage et une quête vers Païtiti une cité inca du Pérou ! J'ai bien aimé le début car on embarque pour un voyage d'aventures peu ordinaire qui n'a rien de tranquille... Les personnages sont également haut en couleur : le capitaine Belalcazar, archéologue en retraite, à la recherche d'une cité légendaire, perdue dans la jungle amazonienne, Negook et Hug-Gluq, Indiens de l’Alaska, chasseurs d’ours, Fontaine, cuisinière et amoureuse du capitaine, Malebosse, un peu sorcière, Jean-Philippe un pirate... On retrouve un roman d'aventure évoquant Jules Verne, malheureusement, l'histoire est de plus en plus déjantée et j'ai été lassée et c'est avec soulagement que je suis arrivée à la fin de ce livre. Dommage !

Extrait :

Au même moment, après avoir aidé Fontaine à débarrasser la table en emportant le plat et les assiettes dans la cuisine sans tomber dans l'escalier - que Fontaine redoute plus que tout au monde, un jour il y aura un accident dit-elle -, Hug-Gluq et Negook, comme à leur habitude, se retrouvent pour parler à l'avant du bateau, sous la hune du mât de misaine. Negook va mieux. Hug-Gluq ne fait plus la tête. Negook mange des biscuits de mer dès qu'il se sent mal et porte son regard au loin pour faire passer le tournis. Fontaine fait la vaisselle. C'est elle qui lui a dit de ne jamais garder le ventre vide quand il commence à aller mal, ni de rester dans un endroit clos. Il faut sortir, respirer, manger, fixer quelque chose au loin, même si l'horizon est flou.
Le pizzicato des assiettes monte de la fenêtre entrouverte ; pour un peu le son métallique d'un transistor coréen se ferait entendre et, comme le fond de l'air est tiède, elle n'est pas loin la sensation d'une soirée d'été qui prend le large près de la corde à linge d'un jardin de ville au milieu des draps secs qu'un vent chaud gonfle et fait courir sur place, sans bruit, peuplant la nuit de fantômes inoffensifs et blancs, impeccablement propres, une taie rose et un slip battant pavillon Soupline sur l'herbe calme.

11 octobre 2009

Inconnu à cette adresse - Kathrine-Kressmann Taylor

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Postface de Whit Burnett

traduit de l'anglais (États-Unis) par Michèle Lévy-Bram

Autrement – juin 2004 - 59 pages

Livre de Poche – mai 2004 – 89 pages

Livre de poche jeunesse – aout 2007 – 93 pages

 

Quatrième de couverture :

1er août 1933. «Tu es un libéral, Martin. Tu vois les choses à long terme. Je sais que tu ne peux pas te laisser entraîner dans cette folie par un mouvement populaire qui, aussi fort soit-il, est foncièrement meurtrier.»
18 août 1933. «Tu dis que nous persécutons les libéraux, Max, que nous brûlons les livres. Tu devrais te réveiller : est-ce que le chirurgien qui enlève un cancer fait preuve de ce sentimentalisme niais ? Il taille dans le vif, sans états d'âme. Oui, nous sommes cruels. La naissance est un acte brutal ; notre re-naissance l'est aussi.»

1932. Martin Schulse, un Allemand, et Max Eisenstein, un Juif américain, sont marchands de tableaux en Californie. Ils sont aussi unis par des liens plus qu'affectueux - fraternels.
Le premier décide de rentrer en Allemagne. C'est leur correspondance fictive entre 1932 et 1934 qui constitue ce livre, écrit par une Américaine en 1938, et salué à l'époque, aux États-Unis, comme un chef-d'œuvre. Incisif, court et au dénouement saisissant, ce livre capte l'Histoire avec justesse. C'est un instantané, une photographie prise sur le vif qui décrit sans complaisance, ni didactisme forcené, une tragédie intime et collective, celle de l'Allemagne nazie.

Auteur : Américaine d'origine allemande, Kathrine Kressmann est née en 1903 à Portland, Oregon (États-Unis). Après un diplôme de littérature et de journalisme de l’université d’Oregon, en 1919, elle déménage à San Francisco où elle devient correctrice et rédactrice dans la publicité. Elle commence à écrire pendant son temps libre, et elle est publiée à l’occasion dans divers petits magazines littéraires. En 1928, elle épouse Elliott Taylor, propriétaire d’une compagnie publicitaire, et devient femme au foyer. En 1938, le couple déménage à New York, où Story magazine accepte de publier sa nouvelle. Elle écrit "Inconnu a cette adresse", l’éditeur Whit Burnett et Elliott jugent que « cette histoire est trop forte pour avoir été écrite par une femme », et décident du pseudonyme masculin de Kressmann Taylor, qu’elle utilisa ensuite jusqu’à la fin de sa vie. En 1995, alors qu’elle a 92 ans, Story press réédite Inconnu à cette adresse pour fêter le 50e anniversaire de la libération des camps de concentration. La nouvelle est traduite en 20 langues. Le livre sort en France en 1999 et se vend à 600000 exemplaires. C'est un immense succès. Elle est finalement publiée en Allemagne en 2001, et rééditée en Grande-Bretagne en 2002. En Israël, la traduction en hébreu est un best-seller et est adaptée pour le théâtre. Plus de 100 représentations ont lieu, et la pièce est filmée et diffusée à l’occasion du jour de commémoration de la Shoah. Kathrine Taylor est morte en juillet 1997, à l’âge de 94 ans.

 

Mon avis : (lu en janvier 2008 et relu en octobre 2009)

Ce livre est en fait une nouvelle qui se lit très facilement. La postface nous apprend que cette histoire a été créée en 1938 à partir de lettres réellement écrites.

C'est une correspondance entre Max Eisenstein, un juif Américain vivant à San Francisco et son associé Martin Schulse rentré en Allemagne. La première lettre date de novembre 1932, la dernière de mars 1934. Au début, on constate une belle amitié entre les deux hommes, mais l'arrivée d'Hitler au pouvoir en janvier 1933 va faire changer Martin. Dans un premier temps, Max a du mal à croire que son ami ait pu tellement changer, il va se venger d'une manière inattendue. L'intrigue est menée de main de maître et la chute est parfaite...

C'est également un témoignage historique sur l'arrivée au pouvoir et sur la popularité d'Hitler en Allemagne à cette époque.

Cette histoire bouleversante et très forte. A lire et à faire lire absolument aux adultes mais aussi aux adolescents (à partir de 14 ans).

Extrait : (page 19) le 25 mars 1933

Cher vieux Max,
Tu as certainement entendu parler de ce qui se passe ici, et je suppose que cela t'intéresse de savoir comment nous vivons les événements de l'intérieur. Franchement, Max, je crois qu'à bon nombre d'égards Hitler est bon pour l'Allemagne, mais je n'en suis pas sûr. Maintenant, c'est lui qui, de fait, est le chef du gouvernement. Je doute que Hindenburg lui-même puisse le déloger du fait qu'on l'a obligé à le placer au pouvoir. L'homme électrise littéralement les foules ; il possède une force que seul peut avoir un grand orateur doublé d'un fanatique. Mais je m'interroge : est-il complètement sain d'esprit ? Ses escouades en chemises brunes sont issues de la populace. Elle pillent, et elles ont commencé à persécuter les juifs. Mais il ne s'agit peut-être là que d'incidents mineurs : la petite écume trouble qui se forme en surface quand bout le chaudron d'un grand mouvement. Car je te le dis, mon ami, c'est à l'émergence d'une force vive que nous assistons dans ce pays. Une force vive. Les gens se sentent stimulés, on s'en rend compte en marchant dans les rues, en entrant dans les magasins. Il se sont débarrassés de leur désespoir comme on enlève un vieux manteau. Ils n'ont plus honte, ils croient de nouveau à l'avenir. Peut-être va-t-on trouver un moyen pour mettre fin à la misère. Quelque chose – j'ignore quoi – va se produire. On a trouvé un Guide ! Pourtant, prudent, je me dis tout bas : où cela va-t-il nous mener ? Vaincre le désespoir nous engage souvent dans des directions insensées.

Naturellement, je n'exprime pas mes doute en public. Puisque je suis désormais un personnage officiel au service du nouveau régime, je clame au contraire ma jubilation sur tous les toits. Ceux d'entre nous, les fonctionnaires de l'administration locale, qui tiennent à leur peau sont prompts à rejoindre le national-socialisme – c'est le nom du parti de Herr Hitler. Mais en même temps, cette attitude est bien plus qu'un simple expédient : c'est la conscience que nous, le peuple allemand, sommes en voie d'accomplir notre destinée ; que l'avenir s'élance vers nous telle une vague prête à déferler. Nous aussi nous devons bouger, mais dans le sens de la vague, et non à contre-courant. De graves injustices se commettent encore aujourd'hui. Les troupes d'assaut célèbrent leur victoire, et chaque visage ensanglanté qu'on croise vous fait secrètement saigner le cœur. Mais tout cela est transitoire ; si la finalité est juste, ces incidents passagers seront vite oubliés. L'Histoire s'écrira sur une page blanche et propre.

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10 octobre 2009

Entre Dieu et moi, c’est fini – Katarina Mazetti

entre_dieu_et_moi_c_est_finiGaïa – octobre 2007 – 157 pages

Traduit du suédois par Max Stadler et Lucile Clauss

Quatrième de couverture :

Linnea a seize ans, plein de complexes, et pas mal de questions qui lui trottent dans la tête. La seule qui la comprenait, c’était Pia. Sa meilleure amie, son amie pour la vie. Enfin, pour cent vingt jours, « sans compter les week-ends », Linnea a fait le calcul une fois. Maintenant que Pia est morte. Avec Pia, elle pouvait parler de tout : de l’amour, de la mode, de Markus, le beau gosse dont toutes les filles rêvent, du prof de bio qui devait se faire interner mais qui au lieu de ça harcèle la classe entière, de son père qu’elle voit deux fois par an, de sa mère qui a une liaison tumultueuse. Et de Dieu. Qu’est-ce que ça signifie « croire en Dieu »? Car ce n’est pas exactement la même chose que le père Noël. Une chose est sûre, ce n’est pas la peine de compter sur Dieu pour résoudre les équations du second degré. Seulement voilà, Pia s’est jetée sous un train. Alors Linnea se souvient, puisque comme dit son excentrique grand-mère, « pour pouvoir oublier quelque chose, il faut d’abord bien s’en souvenir ». Emouvant et drôle.

Biographie de l'auteur
Katarina Mazetti est née à Stockholm en 1944, journaliste puis enseignante, elle est aujourd'hui une écrivain prolifique. Elle est l'auteur de romans pour adultes (Le mec de la tombe d'à côté, Les larmes de Tarzan), pour enfants et pour adolescents.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

J’ai découvert cette auteur avec "Le mec de la tombe d'à côté" puis "Les larmes de Tarzan". Ce livre est destiné aussi bien aux adultes, qu’aux adolescents.

C’est l’histoire de Linnea une adolescente suédoise de 16 ans pleine de contradictions. Elle vit avec sa mère, son beau-père Ingo et son petit frère de 9 ans Knotte. Elle est secrètement amoureuse du beau Markus. Elle se pose mille et une questions sur sa vie, son avenir, sur l’amour, sur Dieu… Une seule personne l’a vraiment comprise, son amie Pia. Ce livre nous raconte avec humour, l’amitié entre Linnea et Pia, une amitié qui va durer moins longtemps que prévu, car elle va se terminer sur un drame. Linnea (et le lecteur) veut comprendre et surtout accepter et vivre avec ce qui s’est passée.

Un beau livre à la fois drôle et émouvant qui se lit très facilement.

On peut retrouver le personnage de Linnea dans deux autres livres de Katarina Mazetti

entre_le_chaperon_rouge Entre le chaperon rouge et le loup, c'est fini (février 2008)

la_fin_n_est_que_le La fin n'est que le début (mars 2009)

Extrait : (début du livre)

Cette nuit, j’ai rêvé du mur. Ce mur auquel j’ai parlé tout au long de l’été dernier.

« On a vraiment l’impression de parler à un mur », me disaient-ils toujours après m’avoir soûlée pendant trois heures avec leurs trucs. Des trucs de merde, genre qu’ « on » ne sort pas à vélo quand il pleut des cordes et qu’ « on » ne donne pas ses vêtements aux autres. Et que même si je pense que mon répugnant prof de bio devrait se faire interner, c’est quand même lui qui me donne les notes qui vont rester dans mon dossier scolaire. Des trucs habituels qui te cassent les pieds.

C’est pour ça que je me suis efforcée d’imiter un mur. Un mur, ça se tait. Ça à l’air d’être en veille quand on lui parle. Ça reste muré dans son silence, en toute indépendance. Moi, d’ailleurs, je préfère parler à un mur plutôt qu’à la plupart des gens. Les murs ne te font pas ces remarques ridicules que t’as pas envie d’entendre mais qui te trottent quand même dans la tête. Les murs ont toujours le temps. Les murs sont toujours là, ils ne courent pas à des réunions un soir sur deux, ils n’ont pas de séminaires et ne sont pas non plus obligés de téléphoner à Betta pendant trois heures.

Un mur n’écoute peut-être pas. Mais de toute manière, personne n’écoute.

Mon mur à moi se trouve à l’intérieur d’un grand dressing dans la maison de ma grand-mère. On l’a tapissé, je ne sais pas pourquoi, avec le même papier peint que celui que maman avait dans sa chambre de jeune fille, un machin gris parsemé de triangles, de lignes et de points orange et vert kaki. Dans les années cinquante, il avait sans doute été neuf et propre. On y découvre toujours quelque chose de nouveau quand on le fixe en pensant à autre chose. Et il est capable de consoler.        

9 octobre 2009

Les prodigieuses aventures des soeurs Hunt – Elisabeth Robinson

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book - Livre de Poche

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Éditions des Deux Terres – février 2006 – 345 pages

LGF – mai 2007 – 413 pages

traduit de l'anglais (États-Unis) Anouk Neuhoff

Présentation de l'éditeur
La vie dorée d'Olivia Hunt bascule d'un seul coup. Productrice à Hollywood, habituée à tous les avantages des V.I.P., elle vient de se faire renvoyer sans ménagement après l'échec de son dernier film ; quant à son petit ami, Michael, il l'a quittée.
Alors qu'elle s'apprête à rédiger une lettre de suicide bien sentie, Olivia apprend que Maddie, sa sœur bien-aimée, est gravement malade, et elle va se trouver confrontée aux choix les plus difficiles qu'elle ait jamais eu à faire. Imprégné de tout l'amour que deux sœurs peuvent ressentir l'une pour l'autre, Les Prodigieuses Aventures des sœurs Hunt est à la fois déchirant et comique, tragique et réjouissant.

Biographie de l'auteur
Ancienne productrice et scénariste indépendante, Elisabeth Robinson compte à son actif des films comme Braveheart et Last Orders. Elle a participé à une trentaine de projets dont L'Amant et Six degrés de séparation. Les Prodigieuses Aventures des sœurs Hunt, son premier roman, figurait dans la liste des best-sellers du New York Times. Il a été publié dans dix pays. Elisabeth Robinson vit à New York.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Olivia Hunt vient d’être renvoyée de chez Universal où elle était productrice. Son petit ami Michael l’a quittée. Elle apprend brutalement que sa jeune sœur Madeline est atteinte par la leucémie. Olivia est devenu productrice indépendante de cinéma pour Hollywood et elle essaie de monter le film Don Quichotte. C'est à travers les lettres et mails qu’Olivia adresse tour à tour à son amie Tina, à sa sœur Madeline, à Michaël son ex-petit ami, à ses parents mais aussi aux acteurs et aux producteurs de cinéma avec qui elle travaille que l'on va suivre à la fois l’évolution de la maladie de Maddie et les difficultés de monter un film. C’est une correspondance à sens unique, car seule les lettres d’Olivia sont présentes, nous n’avons jamais de réponses… Il y a à la fois beaucoup d'humour et d’émotions dans cette correspondance, mais aussi des coups de gueule... Au début, le personnage d'Olivia est un peu superficiel comme le monde du show-biz qu'elle côtoie dans son travail. Puis au fil de ses lettres on voit Olivia devenir plus forte, prête à soutenir sa sœur, ses parents dans les difficultés. La relation entre les deux sœurs est vraiment forte et vrai. Ce livre m’a vraiment beaucoup plu et j’ai été très touchée par ses échanges entre sœurs.

Un grand merci à Blog-O-Book et Livre de Poche de m’avoir donné l’occasion de découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)

25 août 1971

26 août 1971

27 août 1971

Chère soeur,

Je m'appelle Olivia Hunt. Je suis ta sœur. Tu es dans le ventre de Maman. Jim est notre frère. Il est pas mal pour un garçon.

J'ai rêvé de toi. J'étais dans le canoë. J'avais une tresse mais c'était comme un serpent. Tu as surgi du lac. Tu t'es accrochée à ma tresse-serpent. Tu es montée dans le canoë. Tu me ressembles. Le canoë a chaviré mais on arrivait à parler sous l'eau.

Jim et moi, on est chez Tante Louise. C'est plutôt sympa. On se baigne. On cueille des myrtilles. On joue dans les bois. C'est moi qui choisirai ton prénom si tu es une fille. Papa a dit : Appelons-la Martini. Maman a dit : C'est affreux. Je n'aime pas ce prénom-là. J'aime le prénom de Madeline. C'est mon livre préféré. Je te le lirai un jour.

D'autres trucs rigolos qu'on pourra faire :

  1. Jouer dans la cabane dans l'arbre.

  2. Jouer à se déguiser dans le grenier.

  3. Jouer aux princesses. J'ai une couronne. Papa t'en achètera une. Tu n'as pas le droit de toucher à la mienne. Papa achète toujours tout ce qu'on veut.

  4. Jouer aux futures mariées.

  5. Plein d'autres trucs rigolos.

J'aime bien écrire cette lettre. C'est comme si tu étais là. Sauf que tu es invisible.

Je t'aime déjà, Olivia

Livre lu dans le cadre du partenariat logotwitter_bigger - logo 

6 octobre 2009

Le ciel des chevaux – Dominique Mainard

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Gallimard – août 2004 – 257 pages

Folio – mai 2008 – 391 pages

Présentation de l'éditeur
Lorsque la rumeur commence à se propager dans la ville, elle parvient tout naturellement aux oreilles de Lena. On murmure qu'un jeune homme, presque un adolescent, hante le parc voisin, racontant des histoires aux enfants venus y jouer. Il est revenu... lui dont elle n'a jamais parlé à quiconque, l'homme qui a partagé ses jeux d'enfant... son frère. La seule personne qu'elle informe de cette réapparition est sa mère avec laquelle elle ne communiquait plus depuis des années. Depuis la mort de son père. Depuis le jour où son frère a disparu...
Aujourd'hui, Lena est mariée à un homme qui ne sait rien de sa vie passée et dont elle a un petit garçon. Pour autant, elle ne cesse de penser à l'adolescent qui a élu domicile dans le parc et ne peut s'empêcher, à l'insu de tous, de partir à sa rencontre...

Biographie de l'auteur
Dominique Mainard a publié quelques recueils de nouvelles et plusieurs romans parmi lesquels on peut citer : Le second enfant Grand Prix Prométhée de la nouvelle, 1994, et Le grenadier, Editions Gallimard,1997. Paraissent aux Editions Joëlle Losfeld La maison des fatigués, 2000, Le grand fakir, 2001, et Leur histoire en 2002 pour lequel l'auteur a obtenu le Premier Prix du roman FNAC et le prix Alain-Fournier.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

C’est une histoire poignante, pleine de tendresse mais aussi de détresse. Un livre où l’on trouve plein de secrets, de souvenirs, d'émotion et de non-dits. Lena a un mari, Adem, qui l’aime, un fils Mehli qui l’adore. Un jour, elle croit voir réapparaître un fantôme du passé : son petit frère avec qui Lena était si proche lorsqu’ils étaient enfants. Il a fuit l’hôpital et s’est réfugié dans le parc. Le récit bascule sans cesse entre réalité et imaginaire, entre le passé et le présent. Les personnages sont uniques, mystérieux et très attachants, l’histoire est tout en poésie.

Extrait : (début du livre)
J'étais chez le boucher quand j'ai entendu dire que quelqu'un vivait dans le parc de la ville, et aussitôt j'ai pensé que ce quelqu'un ne pouvait être que toi. Deux femmes discutaient en attendant leur tour et je fixais des yeux les carcasses exposées sur l'étal, quel lieu étrange où retrouver ta trace, me disais-je, mais en vérité où aurais-je pu entendre à nouveau parler de toi sinon en ces lieux si rouges, emplis d'une odeur de sang à peine masquée par un déodorant fleuri ?

Tout bas j'ai murmuré les mots prononcés autrefois – nous avons chevauché des chevaux morts - et aussitôt j’ai été submergée par une violente nausée. J’ai porté la main à mon visage, pressé ma manche contre ma bouche en respirant très fort l’odeur de pluie et de lessive pour lutter contre le vertige. Elles continuaient à parler de toi en t’appelant ce clochard, ce vagabond. Parfois il dresse une sorte de petit théâtre dans la parc avec des bouts de planche, disaient-elles, il raconte des histoires aux enfants, aux promeneurs, on lui donne un peu d’argent ou quelque chose à manger et c’est de cela qu’il vit. Une fois la représentation terminée il ramasse ses planches, enveloppe ses marionnettes dans un bout de tissu et disparaît dans les profondeurs du parc. Parfois on le trouve du côté des poneys harnachés qui promènent les enfants au moment des beaux jours, pour quelques pièces il leur porte des seaux d’eau, les brosse et balaie leur crottin. Personne ne sait où il dort, peut-être au-delà du bassin, dans le bois presque sauvage envahi de broussailles. Les petits adorent ses histoires, disaient les femmes, d’ailleurs ce ne sont pas ses seuls spectateurs, des vieilles dames du quartier et des promeneurs viennent l’écouter eux aussi. Mais quand même est-ce prudent, on entend tellement d’histoires, un jour on retrouvera peut-être le théâtre abandonné parmi les herbes, le vagabond disparu et un enfant envolé à jamais. Certes il a l’air doux et simple jusqu’à la bêtise, mais peut-on se fier à un langage enfantin, un visage d’ange ?   

Lu du même auteur :

pour_vous_p Pour vous

4 octobre 2009

Mémoire en cage – Thierry Jonquet

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Albin Michel - avril 1982

Fleuve Noir – janvier 1986

Gallimard – octobre 1995

Folio – octobre 1999 – 171 pages

Quatrième de couverture :

Qui ? Pourquoi ? Comment ? Voilà les questions que se posait le commissaire Gabelou.
Trois questions pour trois cadavres. Comment en était-on arrivé là ? La fatalité, l'injustice et la vengeance... Cynthia a beau être prisonnière de son fauteuil roulant et de son corps souffrant, elle n'est peut-être pas si débile qu'il y paraît. Sa vie est fichue alors il ne lui reste plus qu'à réussir la mort de l'ordure qui a tout gâché. Mais comment ?

Auteur : Né à Paris en 1954, auteur de polars, Thierry Jonquet fait figure de référence dans ce genre littéraire et bien au-delà. Engagé politiquement dès son adolescence, il entre à Lutte ouvrière en 1970 sous le pseudonyme de Daumier (caricaturiste du XIXe siècle), puis à la Ligue communiste révolutionnaire l'année de son bac. Après des études de philosophie rapidement avortées et plusieurs petits boulots insolites, un accident de voiture bouleverse sa vie : il devient ergothérapeute et travaille successivement dans un service de gériatrie puis un service de rééducation pour bébés atteints de maladies congénitales, et enfin dans un hôpital psychiatrique où il exerce les fonctions d'instituteur. Inspiré par l'univers de Jean-Patrick Manchette, son premier roman, 'Le Bal des débris', est publié en 1984 bien qu'il ait été écrit quelques années plus tôt. 'Mémoire en cage' paraît en 1982, suivent 'Mygale' (1984), 'La Bête et la belle', 'Les Orpailleurs' (1993), qui confirment le talent de Thierry Jonquet pour le roman au réalisme dur, hanté par la violence et les questions de société. Les événements dramatiques de l’été 2003 ont inspiré Thierry Jonquet qui nous offre, avec Mon vieux, un texte captivant sur l’étonnante réaction humaine devant l’adversité. 'Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte', paru en 2006 évoque sans tabous la violence et l'antisémitisme qui sévissent dans certaines banlieues. Thierry Jonquet a également scénarisé plusieurs bandes dessinées parmi lesquelles 'Du papier faisons table rase', dessiné par Jean-Christophe Chauzy. Plébiscité par la critique, l'une des plus élogieuses est signée Tonino Benacquista qui écrit de lui : 'Jonquet sculpte la fiction, c'est le matériau qu'il façonne pour lui donner une âme, le même que celui d'Highsmith ou de Simenon, il est difficile d'en citer beaucoup d'autres.' Alors qu'il venait de publier 'Ad Vitam aeternam', Thierry Jonquet, décède en août 2009, après avoir lutté deux semaines contre la maladie.

Thierry_Jonquet

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Ce livre fait partie des premiers romans de Thierry Jonquet. C'est l'histoire d'une vengeance bien ruminée, l'intrigue est parfaitement construite. L'auteur nous fait partager le monde d'une adolescente fortement handicapée à travers une histoire cruelle. A la suite d'une opération ratée, Cynthia est devenue prisonnière d'un fauteuil roulant et d'un corps qui ne lui répond plus. Elle vit à l'Institut National de Réadaptation au pavillon C. Elle a été considérée comme débile par les médecins avec un QI de 30. Mais elle cache sa véritable intelligence en faussant les tests et elle va construire sa vengeance pour supprimer qui l'a mis dans cet état de «légume». Il y a aussi Alain un jeune étudiant qui vient pour l'été travailler à l'Institut. Il a de gros problèmes avec les femmes et sa sexualité.

Certains passages du livre sont violents et glauques. Tour à tour, l'auteur nous raconte l'histoire à la troisième personne, mais évoque aussi ce qui se passe dans la tête de ses personnages : Cynthia, Alain et « l'ordure ». Dès la quatrième de couverture, on sait qu'il y aura 3 cadavres, mais les réponses aux questions «Qui ? Pourquoi ? Comment ?» ont été pour moi surprenante. J'ai trouvé ce roman policier vraiment réussi.

Extrait : (début du livre)

Cynthia

Il est 9 heures. C’est le moment de prendre mon poste, comme tous les matins. Pour voir arriver l’ordure. Il y a beaucoup de bruit. Les gosses. Ils arrêtent pas de crier en courant dans les couloirs. Quand ils tombent, ça fait un bruit de ferraille. C’est leurs appareils, qui font ça. Mais ils se font pas mal, en tombant. Ils se relèvent et repartent en rigolant.
Il fait très beau, c’est le 3 juillet. La mardi 3 juillet. Hier soir, c’était le fête de l’école. Et aujourd’hui, les gosses attendent que leurs parents, qui viennent les récupérer, pour les vacances. Certains, c’est pas leurs parents, qui viennent, c’est les moniteurs d’une colo. Il fait très chaud. Ce matin, Marie-Line était très occupée, elle a pas eu le temps de m'habiller. J'ai encore mon pyjama. Le Petit-Bateau jaune et vert que ma sale conne de mère a apporté la dernière fois qu'elle est venue. C'était en avril.

Marie-Line était très pressée : des trousseaux à préparer, pour les départ en colo, justement. Elle m'a fait manger vite fait, mais sans trop brusquer. Je l'aime bien Marie-Line. Je ne sais pas si elle m'aime bien, elle. Quand elle est de nuit, elle parle en tricotant, pour ses enfants. Elle parle toute seule, parce que, même si elle est gentille, je crois pas qu'elle s'use la salive à me parler Elle parle toute seule, quoi ! Je suis là, à baver devant elle, avachie sur mon fauteuil, et elle se parle. Les impôts, les histoires de famille, son mari qui est méchant avec elle, tout y passe. De temps en temps, elle me sourit, elle me regarde. Elle prend un torchon et elle m'essuie la bave.

C'est la plus gentille. Elle s'occupe bien de moi, même quand j'ai mes règles et qu'il faut me changer les serviettes. Avant que Marie-Line arrive, il y avait Olga, une grosse blonde. Elle me cognait dessus quand je laissais couler ma soupe. Elle tapait et moi, pour me venger, je faisais dans ma culotte, ça l'obligeait à me changer. Mais elle est plus là, Olga, maintenant, c'est tout le temps Marie-Line qui s'occupe de moi.

Déjà lu de Thierry Jonquet :

Ils_sont_votre__pouvante Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte

les_orpailleurs_p Les orpailleurs  mon_vieux Mon vieux

du_pass__faisons_table_rase_p Du passé faisons table rase ad_vitam_aeternam_p Ad vitam aeternam

3 octobre 2009

La Reine des lectrices - Alan Bennett

la_reine_des_lectrice Edition Denoël – janvier 2009 – 173 pages

Présentation de l'éditeur
Que se passerait-il outre-Manche si, par le plus grand des hasards, Sa Majesté la Reine se découvrait une passion pour la lecture ? Si, tout d'un coup, plus rien n'arrêtait son insatiable soif de livres, au point qu'elle en vienne à négliger ses engagements royaux ? C'est à cette drôle de fiction que nous invite Alan Bennett, le plus grinçant des comiques anglais. Henry James, les sœurs Brontë, le sulfureux Jean Genet et bien d'autres défilent sous l'œil implacable d'Elizabeth, cependant que le monde empesé et so british de Buckingham Palace s'inquiète : du valet de chambre au prince Philip, d'aucuns grincent des dents tandis que la royale passion littéraire met sens dessus dessous l'implacable protocole de la maison Windsor. C'est en maître de l'humour décalé qu'Alain Bennett a concocté cette joyeuse farce qui, par-delà la drôlerie, est aussi une belle réflexion sur le pouvoir subversif de la lecture.

Biographie de l'auteur
Né en 1934 à Leeds,
Alan Bennett est une star en Grande-Bretagne, où ses pièces de théâtre, ses séries télévisées et ses romans remportent un succès jamais démenti depuis plus de vingt ans. La Reine des lectrices est son quatrième roman.

Mon avis : (lu en octobre 2009)

Avec un ton légèrement irrévérencieux, un esprit totalement British, ce livre est un vrai moment de bonne humeur, il nous parle de lectures et de lecteurs. C’est un peu par hasard que la Reine découvre un bibliobus à proximité de Buckingham Palace. Par politesse, elle emprunte un livre, puis deux et la reine devient rapidement une lectrice compulsive anonyme, elle n’a plus qu'une idée en tête : lire ! Mais cela n'enchante pas du tout son entourage en particulier le Premier Ministre et son secrétaire sir Kevin car la Reine délaisse ses obligations royales... Grâce à la lecture, la reine devient très attachante, sympathique, humaine proche des gens. Les personnages qui entourent la Reine sont dépeints avec beaucoup d'humour et l'on découvre aussi comment fonctionne la Cour d'Angleterre. Ce livre se lit très facilement et la chute est inattendue... Une seule petite réserve, c’est sur la forme, j’ai trouvé dommage que ce livre n'ait aucun chapitre, tout est à la suite, ce qui n'est pas très pratique pour interrompre sa lecture.

Extrait : (page 9)

C’étaient les chiens qui avaient tout déclenché. En général, après s’être promenés dans le jardin, ils remontaient les marches du perron, où un valet de pied venait leur ouvrir la porte. Ce jour-là cependant, pour dieu sait quelle raison, ils avaient traversé la terrasse en aboyant, la truffe en l’air, avant de redescendre les marches à toute allure et de disparaître à l’angle du bâtiment. La reine les entendit japper dans l’une des cours intérieures, comme s’ils en avaient après quelqu’un.

Il s’agissait en l’occurrence du bibliobus de la commune de Wesminster, un véhicule aussi imposant qu’un camion de déménagement et garé près des poubelles, à deux pas de la porte qui rejoignait les cuisines, de ce côté-là. La reine mettait rarement les pieds dans cette partie du palais et n’avait jamais aperçu le bibliobus auparavant. Les chiens non plus, du reste, ce qui expliquait leur tapage. Ne parvenant pas à les calmer, elle monta les quelques marches qui permettaient d’accéder à l’intérieur du véhicule, afin de s’excuser pour ce vacarme.

Le chauffeur était assis derrière son volant et lui tournait le dos, occupé à coller une étiquette sur un livre quelconque. Le seul client en vu était un jeune rouquin efflanqué en salopette blanche, qui lisait assis par terre dans la travée. Aucun d’eux n’avait vu apparaître la nouvelle arrivante, qui toussota avant de déclarer : - Je suis désolée de cet affreux tapage.

En l’entendant, le chauffeur  se redressa si brusquement qu’il se cogna le crâne contre l’étagère des ouvrages de référence. Quand au jeune homme, il renversa carrément le rayon consacré à la mode et à la photographie en se relevant dans la travée.

- Voulez-vous bien vous taire, stupides créatures, lança-t-elle à ses chiens en passant à nouveau la tête par la porte du bibliobus.

Cela laissa le temps au chauffeur/bibliothécaire de reprendre ses esprits et au jeune homme de ramasser ses livres – ce qui était d’ailleurs le but de la manœuvre.

- Nous n’avons jamais eu l’occasion de vous rencontrer jusqu’ici, monsieur…

- Hutchings, Votre majesté. Je passe tous les mercredis.

- Vraiment ? Je l’ignorais. Venez-vous de loin ?

- Seulement de Westminster, Madame.

- et vous, jeune homme, vous êtes…

- Norman, Madame, Norman Seakins.

- Et vous travailler…

- Aux cuisines, Madame.

- Oh… Et cela vous laisse le temps de lire ?

- Pas exactement, Madame.

- je suis dans le même cas que vous. Mais puisque je suis venue jusqu’ici, il ne serait sans doute pas déplacé que je vous emprunte un livre.

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