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A propos de livres...

9 janvier 2010

Les heures souterraines - Delphine de Vigan

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (4/26)

les_heures_souterraines Jean-Claude Lattès – août 2009 – 299 pages

Présentation de l'éditeur :

Chaque jour, Mathilde prend la ligne 9, puis la ligne 1, puis le RER D jusqu'au Vert-de-Maisons. Chaque jour, elle effectue les mêmes gestes, emprunte les mêmes couloirs de correspondance, monte dans les mêmes trains. Chaque jour, elle pointe, à la même heure, dans une entreprise où on ne l'attend plus. Car depuis quelques mois, sans que rien n'ait été dit, sans raison objective, Mathilde n'a plus rien à faire. Alors, elle laisse couler les heures. Ces heures dont elle ne parle pas, qu'elle cache à ses amis, à sa famille, ces heures dont elle a honte.
Thibault travaille pour les Urgences Médicales de Paris. Chaque jour, il monte dans sa voiture, se rend aux adresses que le standard lui indique. Dans cette ville qui ne lui épargne rien, il est coincé dans un embouteillage, attend derrière un camion, cherche une place. Ici ou là, chaque jour, des gens l'attendent qui parfois ne verront que lui. Thibault connaît mieux que quiconque les petites maladies et les grands désastres, la vitesse de la ville et l'immense solitude qu'elle abrite.
Mathilde et Thibault ne se connaissent pas. Ils ne sont que deux silhouettes parmi des millions. Deux silhouettes qui pourraient se rencontrer, se percuter, ou seulement se croiser. Un jour de mai. Autour d'eux, la ville se presse, se tend, jamais ne s'arrête. Autour d'eux s'agite un monde privé de douceur.
Les heures souterraines est un roman sur la violence silencieuse. Au cœur d'une ville sans cesse en mouvement, multipliée, où l'on risque de se perdre sans aucun bruit.

Auteur : Delphine de Vigan est l'auteur de No et moi, révélation du magazine LIRE 2007, prix des libraires 2008 et prix solidarité 2009. Elle vit à Paris, connaît bien la ligne D du RER et la couleur des lignes de métro. Les heures souterraines est son cinquième roman.

Mon avis : (lu en janvier 2010)

J'avais beaucoup aimé "No et moi" du même auteur, et lorsqu'au «Café Lectures» ce livre nous a été conseillé, je n'ai pas hésité pour l'emprunter.

C'est en parallèle l'histoire de Mathilde et l'histoire de Thibault, tous deux se débattent seul dans leur vie, ils sont épuisés. Mathilde élève seule ses 3 enfants et est cadre supérieure dans un grand groupe, elle subit le harcèlement moral de son supérieur hiérarchique. Elle prend chaque jour le métro et le RER pour se rendre au travail, où peu à peu elle est isolée, subissant des brimades sans que les autres par peur de perdre leur emploi ne la soutienne. Thibault est médecin pour les Urgences Médicales de Paris, il passe beaucoup de temps dans sa voiture et subit le stress de la ville, des embouteillages, dans son métier il est confronté chaque jour à la détresse humaine. De plus, il vient de rompre avec une petite amie superficielle qui est indifférente à son amour.

Ce livre est vraiment facile et agréable à lire, il est plutôt sombre mais vraiment émouvant et les deux personnages du livre sont vraiment très attachants. Delphine de Vigan nous fait des descriptions très réalistes et réussies du monde de l'entreprise et du harcèlement moral, du monde souterrain du métro et RER et du monde de la ville lieu où se croisent les solitudes.

Un roman très réussi que je vous invite à lire un jour où le moral n'est pas dans les chaussettes... En effet, la description du processus de harcèlement de Mathilde est vraiment implacable, cruelle et dure. A lire !

Extrait : (début du livre)

La voix traverse le sommeil, oscille à la surface. La femme caresse les cartes retournées sur la table, elle répète plusieurs fois, sur ce ton de certitude : le 20 mai, votre vie va changer.

Mathilde ne sait pas si elle est encore dans le rêve ou déjà dans la journée qui commence, elle jette un œil à la pendule du radio-réveil, il est quatre heures du matin.

Elle a rêvé. Elle a rêvé de cette femme qu'elle a vue il y a quelques semaines, une voyante, oui, voilà, sans châle ni boule de cristal, mais une voyante quand même. Elle a traversé tout Paris en métro, s'est assise derrière les rideaux épais, au rez-de-chaussée d'un immeuble du seizième arrondissement, elle lui a donné cent cinquante euros pour qu'elle lise dans sa main, et dans les nombres qui l'entourent, elle y est allée parce qu'il n'y avait rien d'autre, pas un filet de lumière vers lequel tendre, pas un verbe à conjuguer, pas de perspective d'un après. Elle y est allée parce qu'il faut bien s'accrocher à quelque chose.

Elle est repartie avec son petit sac qui se balançait au bout de son bras et cette prédiction ridicule, comme si c'était inscrit dans les lignes de sa paume, son heure de naissance ou les huit lettres de son prénom, comme si cela pouvait se voir à l'œil nu : un homme le 20 mai. Un homme au tournant de sa vie, qui la délivrerait. Comme quoi on peut être titulaire d'un DESS d'économétrie et statistique appliquée et consulter une voyante. Quelques jours plus tard il lui est apparu qu'elle avait jeté cent cinquante euros par la fenêtre, un point c'est tout, voilà à quoi elle a pensé en visant d'un trait rouge les dépenses du mois sur son relevé de compte, et qu'elle se foutait pas mal de ce 20 mai, et des autres jours aussi, à ce rythme-là de toute façon.

Le 20 mai est resté comme une vague promesse, suspendue au-dessus du vide.

C'est aujourd'hui.

Aujourd'hui, quelque chose pourrait se passer. Quelque chose d'important. Un événement qui inverserait le cours de sa vie, un point de disjonction, une césure, inscrite depuis plusieurs semaines à l'encre noire dans son agenda. Un événement majuscule, attendu comme un sauvetage en haute mer.

Aujourd'hui, le 20 mai, parce qu'elle est arrivée au bout, au bout de ce qu'elle peut supporter, au bout de ce qu'il est humainement possible de supporter. C'est écrit dans l'ordre du monde. Dans le ciel liquide, dans la conjonction des planètes, dans la vibration des nombres. Il est écrit qu'aujourd'hui elle serait parvenue exactement là, au point de non-retour, là où plus rien de normal ne peut modifier le cours des heures, là où rien ne peut advenir qui ne menace l'ensemble, ne remette tout en question. Il faut que quelque chose se passe. Quelque chose d'exceptionnel. Pour sortir de là. Pour que ça s'arrête.

En quelques semaines, elle a tout imaginé. Le possible et l'impossible. Le meilleur et le pire. Qu'elle serait victime d'un attentat, au milieu du long couloir qui relie le métro au RER une bombe exploserait, puissante, soufflerait tout, pulvériserait son corps, elle serait éparpillée dans l'air saturé des matins d'affluence, dispersée aux quatre coins de la gare, plus tard on retrouverait des morceaux de sa robe à fleurs et de son passe Navigo. Ou bien elle se casserait la cheville, elle glisserait de manière stupide sur une surface graisseuse comme il faut parfois en contourner, brillante sur les dalles claires, ou bien elle raterait l'entrée de l'escalier roulant et se laisserait tomber, la jambe en équerre, il faudrait appeler les pompiers, l'opérer, visser des plaques et des broches, l'immobiliser pendant des mois, ou bien elle serait kidnappée par erreur, en plein jour, par un groupuscule inconnu. Ou bien elle rencontrerait un homme, dans le wagon ou au Café de la Gare, un homme qui lui dirait madame vous ne pouvez pas continuer comme ça, donnez-moi la main, prenez mon bras, rebroussez chemin, posez votre sac, ne restez pas debout, installez-vous à cette table, c'est fini, vous n'irez plus, ce n'est plus possible, vous allez vous battre, nous allons nous battre, je serai à vos côtés. Un homme ou une femme, après tout, peu importe. Quelqu'un qui comprendrait qu'elle ne peut plus y aller, que chaque jour qui passe elle entame sa substance, elle entame l'essentiel. Quelqu'un qui caresserait sa joue, ou ses cheveux, qui murmurerait comme pour soi-même comment avez-vous fait pour tenir si longtemps, avec quel courage, quelles ressources. Quelqu'un qui s'opposerait. Qui dirait stop. Qui la prendrait en charge. Quelqu'un qui l'obligerait à descendre à la station précédente ou s'installerait en face d'elle au fond d'un bar. Qui regarderait tourner les heures sur l'horloge murale. À midi, il ou elle lui sourirait et lui dirait : voilà, c'est fini.

C'est la nuit, la nuit d'avant ce jour attendu malgré elle, il est quatre heures du matin. Mathilde sait qu'elle ne se rendormira pas, elle connaît le scénario par coeur, les positions qu'elle va adopter l'une après l'autre, la respiration qu'elle tentera d'apaiser, l'oreiller qu'elle calera sous sa nuque. Et puis elle finira par allumer la lumière, prendra un livre auquel elle ne parviendra pas à s'intéresser, elle regardera les dessins de ses enfants accrochés aux murs, pour ne pas penser, ne pas anticiper la journée,

ne pas se voir descendre du train,

ne pas se voir dire bonjour avec l'envie de hurler,

ne pas se voir entrer dans l'ascenseur,

ne pas se voir avancer à pas feutrés sur la moquette grise,

ne pas se voir assise derrière ce bureau.

Elle étire ses membres un à un, elle a chaud, le rêve est encore là, la femme tient sa paume tournée vers le ciel, elle répète une dernière fois : le 20 mai.

Il y a longtemps que Mathilde a perdu le sommeil. Presque chaque nuit l'angoisse la réveille, à la même heure, elle sait dans quel ordre elle va devoir contenir les images, les doutes, les questions, elle connaît par cœur les détours de l'insomnie, elle sait qu'elle va ressasser tout depuis le début, comment ça a commencé, comment ça s'est aggravé, comment elle en est arrivée là, et cet impossible retour en arrière. Déjà son cœur bat plus vite, la machine est en marche, la machine qui broie tout, alors tout y passe, les courses qu'elle doit faire, les rendez-vous qu'elle doit prendre, les amis qu'elle doit appeler, les factures qu'elle ne doit pas oublier, la maison qu'elle doit chercher pour l'été, toutes ces choses autrefois si faciles aujourd'hui devenues si lourdes.

Dans la moiteur des draps elle parvient toujours à la même conclusion : elle ne va pas y arriver.

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (4/26)

Lu du même auteur :

no_et_moi No et moi

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8 janvier 2010

Le testament caché – Sebastian Barry

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le_testament_cach_ Éditions Joëlle Losfeld – septembre 2009 – 328 pages

traduit de l'anglais (Irlande) par Florence Lévy-Paoloni

Présentation de l'éditeur :

Roseanne McNulty a cent ans ou, du moins, c'est ce qu'elle croit, elle ne sait plus très bien. Elle a passé plus de la moitié de sa vie dans l'institution psychiatrique de Roscommon, où elle écrit en cachette l'histoire de sa jeunesse, lorsqu'elle était encore belle et aimée. L'hôpital est sur le point d'être détruit, et le docteur Grene, son psychiatre, doit évaluer si Roseanne est apte ou non à réintégrer la société. Pour cela, il devra apprendre à la connaître, et revenir sur les raisons obscures de son internement. Au fil de leurs entretiens, et à travers la lecture de leurs journaux respectifs, le lecteur est plongé au coeur de l'histoire secrète de Roseanne, dont il découvrira les terribles intrications avec celle de l'Irlande. A travers le sort tragique de Roseanne et la figure odieuse d'un prêtre zélé, le père Gaunt, Sebastian Barry livre ici dans un style unique et lumineux un roman mystérieux et entêtant.

Auteur : Sebastian Barry est né à Dublin en 1955. À la fois romancier, poète et dramaturge, il est reconnu comme l'une des voix les plus importantes de l'Irlande d'aujourd'hui. Ses romans Annie Dunne et Un long, long chemin ont paru aux Éditions Joëlle Losfeld respectivement en 2005 et 2006. Le testament caché figurait sur la shortlist du Man Booker Prize 2008, et a obtenu le prix Costa Book of the Year cette même année. Il a également décroché en 2009 le prix Hughes and Hughes Irish Novel of the Year.

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Ce livre nous raconte l'histoire Roseanne McNulty, elle a 100 ans et a passé presque toute sa vie dans l'hôpital psychiatrique de Roscommon. Mais l'hôpital doit fermer et le Dr Grene est chargé de tester les malades pour savoir ceux que l'on doit replacer dans le nouvel hôpital psychiatrique et ceux qui peuvent retrouver une vie normale. Roseanne prétend avoir oublié pourquoi elle a été internée. Mais en secret, elle écrit l'histoire de sa vie. Parallèlement, le docteur Grene consigne sur carnet ses entretiens avec Roseanne et le résultat de ses recherches dans les archives de l'hôpital. Ce livre nous raconte également en filigrane un siècle de la société irlandaise et une époque sombre de l'histoire irlandaise où l'auteur n’épargne pas l'Église catholique. Roseanne est un personnage terriblement attachant avec d'un destin dramatique. Le dénouement de cette belle histoire est totalement inattendue et m'a vraiment surprise.

Extrait : (page 182)

Tom en m'avait pas demandé de l'épouser ni rien de tout cela et pourtant je savais que toutes ces paroles avaient un rapport avec le mariage. Moi-même, tout à coup, je ne voulais pas l'épouser, ni lui ni personne, ni être demandée en mariage. J'avais un peu plus de vingt ans et à l'époque on était vieille fille à vingt-cinq et on ne trouvait même plus un bossu avec qui se marier. Les femmes étaient beaucoup plus nombreuses que les hommes en Irlande en ce temps-là. Les femmes avaient compris et partaient en Amérique et en Angleterre à toute vitesse, avant que leurs bottines ne s'enfoncent et ne restent collées dans le bourbier irlandais. L'Amérique réclamait des femmes à cor et à cri, nous étions une exportation aussi bonne que de l'or pour l'Amérique. Des centaines et des milliers partaient chaque année que Dieu faisait. Des femmes ravissantes, des femmes rondes, laides, fortes, épuisées, jeunes, vieilles, de toutes les fichues catégories. La liberté, je pense que c'est ce qu'elles cherchaient et elles suivaient leur intuition. Elles préféraient être bonnes en Amérique plutôt que vieilles filles dans cette satanée Irlande. J'eus brusquement une envie intense, fervente, presque violente de faire comme elles. L'odeur de l'agneau imprégnait mes vêtements et je me disais que seul un voyage en mer, la traversée de l'Amérique, pourrait m'en débarrasser. Bon, mais voyez-vous, j'aimais ce Tom. Que Dieu me vienne en aide.

6 janvier 2010

L'homme de cinq heures - Gilles Heuré

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (3/26)

l_homme_de_cinq_heures Éditions Viviane Hamy – août 2009 – 285 pages

Présentation de l'éditeur :

 

"Le fleuve tirait languissamment les dernières lueurs de cette fin d'après-midi d'automne et, là-haut, les nuages se livraient à d'étranges joutes avec le vent capricieux. Paul Béhaine songea à des tableaux impressionnistes, saluant mentalement l'Apollinaire, jadis flâneur des deux rives. L'esprit libre, il ne prêta attention au personnage qui s'approcha de lui que quand il entendit ces mots, plus chuchotés sur le mode de la confidence que proclamés : - Ne les écoutez pas ceux qui le disent et le répètent ! [...] On m'a fait dire qu'on ne pourrait plus commencer un roman par "la marquise sortit à cinq heures". [...] j'avoue que j'ai été agacé de lire dans le Premier Manifeste du surréalisme que Breton m'avait attribué cette affirmation dont personne, au demeurant, n'a jamais pu vérifier la véracité. J'ai beau être le fantôme de moi-même, je sais encore ce que je dis et me souviens parfaitement de ce que je n'ai pas écrit. Malgré mon grand âge, le mécanisme de mon cerveau n'est pas grippé au point de ne plus pouvoir fonctionner. - Puis-je savoir qui vous êtes monsieur ? demanda Paul. - Je m'appelle Paul Valéry. Mettons. "

Pourquoi notre narrateur décide-t-il de partager le destin de cet homme rencontré une fin d'après-midi ? C'est en dénouant le mystère des Cinq heures du soir qu'il résoudra celui de l'étrange Monsieur V, l'inconnu de la Bibliothèque nationale qui disait se nommer Paul Valéry, poète et académicien mort en 1945, "donc physiologiquement inapte à discuter sur un pont enjambant la Seine dans ces années du XXe siècle finissant."

Auteur : Gilles Heuré est grand reporter à Télérama. Il a publié L'Insoumis, Léon Werth 1878-1955 aux éditions Viviane Hamy. L'Homme de cinq heures est son premier roman.

 

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Ce livre est un roman étrange... Au début, je croyais lire un roman policier (j'ai été trompé par le fait que pour moi, les Éditions Viviane Hamy sont associées aux livres de Fred Vargas... j'avais oublié la couleur rouge (et non noir) de la couverture !), il s'agit en fait de l'histoire de la rencontre entre Paul Béhaine et l'étrange Monsieur V. qui est obsédé par «les cinq heures du soir» que l'on retrouve dans de nombreuses œuvres ou évènements. Ainsi, l'auteur nous convie à un voyage au gré de références historiques, littéraires, cinématographiques, musicales, picturales...

J'ai trouvé ce livre un peu difficile à lire car le récit est dense, le style très littéraire, employant un vocabulaire très riche (j'ai été obligé plusieurs fois d'avoir recours au dictionnaire...) et bien sûr faisant références à de nombreuses œuvres que je connaissais pas. Il n'est pas toujours aisé de suivre l'intrigue du livre à travers toutes ces informations et ces réflexions sur l'Art et sur les artistes... Malgré cela le livre en lui-même est très intéressant.

Extrait : (début du livre) Prologue

Où notre héros, Paul Béhaine, est abordé par un curieux personnage qui dit se nommer Paul Valéry et supplie : « Surtout ne les écoutez pas, ceux qui le disent et le répètent ! »

Il aurait bien travaillé un peu plus longtemps, mais l’on ne plaisante pas avec le XVIIe siècle. La Bibliothèque nationale, illustre établissement public fondé par le cardinal Richelieu, avait en effet des horaires stricts. La première cloche, indiquant le quart d’heure avant cinq heures, ayant retenti, Paul Béhaine, comme tous les autres lecteurs, s’était donc résigné à ranger ses affaires et à rendre ses livres au guichet central. Certains avaient accéléré le pas pour doubler ceux de devant, comme des écoliers turbulents ne voulant pas faire la queue, ou redoutant une sanction pour n’avoir pas obtempéré à temps. Car la fermeture était irrémédiablement fixée à cinq heures du soir.

Paul Béhaine descendit la rue Vivienne, traversa les jardins du Palais-Royal, et longea la Comédie-Française, jusqu’à la place Colette. Allait-il prendre le bus ? Se dire, comme la petite Claudine à Paris de la même Colette : « Voici poindre Panthéon-Courcelles, pacifique et zigzaguant », bref, sauter dans l’omnibus parisien ? Non. La marche lui sembla plus propice à dégourdir son esprit. Il se dirigea vers le pont des Arts et s’accouda à la rambarde en contemplant le monde alentour. Son regard survola ses contemporains, touristes en goguette, Parisiens survoltés sortant du travail ou baladant paisiblement des chiens en quête de petits tapis de verdure.

On mentirait en disant qu’il ne pensait plus à ce qui avait occupé son esprit depuis le matin, mais beaucoup des mots de sa journée, imprimés ou écrits, commençaient à s’envoler, telles des feuilles d’automne dispersées par une soudaine bourrasque. La métaphore vaut ce qu’elle vaut, mais, en y réfl échissant, elle ne lui semblait pas ridicule et lui apparaissait même assez pertinente. Voilà, s’était-il dit, redeviens atome parmi les atomes, sois passant parmi les passants, lève le nez, hume l’air, marche, rêve et détends-toi. Va, et ne te hais point de ne plus travailler.

L’air était transporté par une brise fraîche, la Seine tirait languissamment les dernières lueurs de cette fin d’après-midi d’automne et, là-haut, les nuages se livraient à d’étranges joutes avec le vent capricieux. Sensible à ce panorama parisien, il songea à des tableaux impressionnistes, saluant mentalement l’Apollinaire, jadis flâneur des deux rives. L’esprit libre, il ne vit pas tout de suite le personnage qui s’approcha de lui. Il ne lui prêta attention que quand il entendit ces quelques mots, plus chuchotés sur le mode de la confidence que proclamés :

— Ne les écoutez pas ceux qui le disent et le répètent !

L’homme avait le visage creusé par deux grandes parenthèses autour de sa bouche surplombée par une moustache abondante, le front barré par une grande mèche de cheveux blancs. Il sortit une montre de son gousset et fi t une grimace :

— Évidemment on ne peut pas toujours être exact, mais que voulez-vous, les mots et les heures n’ont pas toujours fait bon ménage. Il faut se résoudre à l’idée que l’inexactitude fait partie de ce monde et en est même un des éléments constitutifs. J’ai beau avoir toujours éprouvé une passion pour les mathématiques, je reste néanmoins attaché à la conviction qu’il faut parfois un peu de désordre, et je n’en démordrai pas. Comme disait le poète américain Philip Freneau : « In spite of all the learned have said, I still my old opinion keep. » (En dépit des doctes, je garde ma vieille opinion.) Je suis en effet persuadé que les grandes catastrophes naissent d’une trop grande précision, et que la liberté dont nous pouvons encore nous prévaloir dans ce monde de fous doit bénéficier de quelques inexactitudes salutaires et libératrices. N’est-ce pas votre avis, vous, docte esprit à qui sa conscience suggère de rêvasser à l’étendue du monde ?

Paul ne fut pas réellement surpris par ces paroles insolites car, comme nous croyons l’avoir dit plus haut, l’expérience de l’instant ne pouvait l’effrayer. À ce moment moins qu’à un autre. La puissance compacte de la raison se fissure heureusement quand la rêverie se fait fluide. Cette dernière phrase ne constituant aucunement une théorie, mais suggérant, en termes un peu pompeux, que Paul Béhaine était suffisamment las pour ne pas s’étonner qu’un type inconnu lui tienne des propos auxquels il n’aurait, en temps ordinaire, prêté qu’une attention des plus distraites. Cette fin d’après-midi, en effet, autorisait le décousu, l’improbable, et plaidait pour le discontinu. Il aurait pu voir Moby Dick souffler sous le pont des Arts ou un calamar géant entourer un bateau-mouche de ses immenses tentacules pour l’entraîner par le fond, qu’il ne s’en serait pas formalisé le moins du monde, convaincu en cet instant suspendu que chacun, homme, cétacé ou céphalopode, a le droit de vivre sa vie comme il l’entend. Or donc, et pour reprendre le fil de ce récit, son voisin, encouragé par un silence qu’il interpréta comme une invitation à poursuivre, poursuivit.

— Contrairement à ce que certains peuvent soutenir, affirmer dans de plus ou moins savants développements, ou formuler en de supposés brillants aphorismes qui ne traduisent que l’imprécision de leur jugement, cinq heures du soir est bien une heure importante. On m’a fait dire, dans un texte assez connu, qu’on ne pourrait plus commencer un roman par « la marquise sortit à cinq heures ». Le responsable en est André Breton, ce charmant collectionneur qui a enchâssé les textes les plus admirables autant que les inepties les plus confondantes. Je ne sais ce qui l’a autorisé à affirmer cela, n’ayant personnellement jamais tenu de tels propos ni soutenu une telle affirmation. Ce que j’ai pensé, dit et écrit, est plus complexe et ne peut se résumer aussi succinctement. Le monde des intellectuels et des écrivains, j’y inclus les poètes, est plein de gens qui légifèrent parfois avant même de douter, et s’autorisent à échafauder les théories les plus bizarres pour exciter l’intérêt ou la jalousie de leurs pairs. Je dis cela sans acrimonie à l’égard d’André Breton, que j’admire par ailleurs, même si je suis en désaccord avec beaucoup de ses écrits et de ses oukases — un joli mot tombé en désuétude, peur d’être incompris sans doute —, et qui a préféré se réfugier dans l’oubli, car les mots, le savez-vous, ont parfois suffisamment de liberté de pensée pour disparaître quand ils se sentent devenus inutiles. Mais j’avoue, donc, que j’ai été agacé de lire dans le Premier Manifeste du surréalisme que Breton m’avait attribué, cette affirmation dont personne, au demeurant, n’a jamais pu vérifier la véracité. J’ai beau être le fantôme de moi-même, je sais encore ce que je dis et me souviens parfaitement de ce que je n’ai pas écrit. Malgré mon grand âge, le mécanisme de mon cerveau n’est pas grippé au point de ne plus pouvoir fonctionner.

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (3/26)

5 janvier 2010

La couleur pourpre – Alice Walker

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Robert Laffont - avril 1984 – 261 pages

J'ai lu - mars 1988 - 252 pages

Robert Laffont - Pavillon Poche – mars 2008 - 344 pages

traduit de l'américain par Mimi Perrin

Quatrième de couverture :

Depuis leur séparation, depuis des années, Nettie et Celie, deux jeunes Noires, soeurs tendrement unies, n'ont cessé de s'écrire. Mais aucune missive, jamais, n'est parvenue ni à l'une ni à l'autre.

C'est que Celie, restée là-bas, près de Memphis, subit la loi d'un mari cruel qui déchire toutes les lettres venues d'Afrique – où Nettie est missionnaire. Alors Celie, la femme-enfant, écrira via le bon Dieu, qui, lui, sait tout... Pourquoi, entre elles, cette correspondance déchirante et sans fin, obstinée, presque immatérielle ?

Steven Spielberg a écrit : « J'ai passé de la colère au rire et du rire aux larmes ; enfin, j'ai éprouvé tous ces sentiments en même temps. Il y a des années que je n'avais lu un livre qui ait suscité en moi pareille émotion. »

Auteur : Née en 1944, huitième et dernier enfant de parents pauvres, Alice Malsenior Walker perd son œil droit lorsque son frère la blesse accidentellement avec une arme. Honteuse de sa cicatrice, elle s'isole, se réfugiant dans la lecture et l'écriture. Grâce à une bourse, elle s'inscrit à Spelman Collège et au Sarah Lawrence College à New York. Diplômée en 1965, elle repart dans le Sud et s'engage dans le Civil Rights Mouvement, où elle rencontre Mel Leventhal, l'avocat du mouvement. Ils seront le premier couple mixte officiellement marié dans le Mississipi. Alice Walker publie son premier recueil de poème, 'Once', en 1965, suivi de 'Revolutionnary Petunias & Other Poems' en 1973. Son œuvre met l'accent sur la lutte des femmes noires contre le racisme de la société des blancs, contre le sexisme et le patriarcat de la communauté noire et contre la violence de la société américaine en général. Son premier roman, 'The Third Life of Grange Copeland', sort en 1970, suivi de 'Meridian' en 1976. Alice Walker est la première femme afro-américaine à obtenir le Pulitzer Prize pour 'The Color Purple' (1983), son roman le plus célèbre, également récompensé par le American Book Award et qui forme une sorte de trilogie avec 'The Temple of My Familiar' (1989) et 'Possessing The Secret of Joy' (1992). Sa nouvelle 'Kindred Spirits' (1986) obtient le O. Henry Award. Alice Walker est également connues pour ses recueils de nouvelles comme 'In Love and Trouble' (1973), 'You can' t Keep a Good Woman Down : Stories' (1982) ou 'The Complete Stories' (1994).

Mon avis : (relu en janvier 2010)

Livre lu dans le cadre des challenges « 100 ans de littérature américaine – Yes we can »

J’avais déjà lu ce livre à l’époque de la sortie du film de Spielberg. J’ai été contente de le relire.

C’est un livre dans la grande tradition des romans sudistes. A travers une correspondance entre deux sœurs noires qui ont été séparées à l’adolescence nous découvrons la vie difficile de Célie et Nettie.

Célie a été marié à 14 ans un homme violent qui l’empêche de recevoir les lettres de sa sœur. Célie n’ayant pas de réponses continue à écrire en adressant ses lettes au bon Dieu.  Elle nous raconte sa vie de femme noire du sud des Etats-Unis au début du XXème siècle. Elle est battue par son mari, elle subit la ségrégation, le racisme, la misère, la violence. Elle va se lier d’amitié avec Shug Avery, la maîtresse de son mari, qui chante et qui est libre. Shug va aider Célie a se battre et à ne plus se soumettre.

Nettie est partie comme missionnaire en Afrique. Elle nous raconte sa vie dans un village Olinka, elle participe à la scolarisation des garçons, les indigènes refusant que leurs filles étudient. Elle raconte la colonisation avec la construction d’une route qui va détruire une partie du village, puis les expropriations des terres pour installer des plantations. Elle raconte également les rites tribaux.

Alice Walker a écrit un livre magnifique et bouleversant qui ne peut pas nous laisser indifférents. A lire absolument !

En 1985, La Couleur pourpre (The Color Purple) a été adapté dans un film réalisé par Steven Spielberg avec Danny Glover, Whoopi Goldberg, Margaret Avery, Oprah Winfrey… Il a été nominé 11 fois aux Oscars en 1986

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Extrait : (page 129)

Chère Célie,

Cela fait longtemps que je n’ai pas eu le temps d’écrire. De toutes façons, quoi que je fasse, à tous moments, je t’écris. Chère Célie, je dis dans ma tête pendant les Vêpres, au milieu de la nuit, pendant que je fais la cuisine ; Chère, chère Célie. Et j'imagine que tu reçois vraiment mes lettres et que tu me réponds : Chère Nettie, voici à quoi ressemble ma vie.

Nous nous levons à cinq heures pour un léger petit déjeuner de porridge de millet avec des fruits, puis ce sont les cours du matin. Nous enseignons aux enfants l’anglais, la lecture, l’écriture, l’histoire, la géographie, l’arithmétique et nous leur lisons des histoires de la Bible. A onze heures, nous nous arrêtons pour déjeuner et nous occuper des travaux ménagers. Entre une heure et quatre heures il fait trop chaud pour bouger, mais quelques mères s’installent pour coudre derrière leurs huttes. A quatre heures, les enfants plus âgés viennent étudier, et le soir nous sommes à la disposition des adultes. Les plus grands ont l’habitude de venir à l’école de la mission, mais pas les petits. Il arrive que les mères doivent les traîner jusqu’ici, hurlant et se débattant. Ce sont tous des garçons. Il y a une seule fille, Olivia.

Les Olinkas ne considèrent pas que les filles doivent être éduquées. Une mère à qui je demandais pourquoi, m’a expliqué :

- Une fille n’est rien en soi. Seul son mari peut lui permettre de devenir quelque chose.

- Que peut-elle devenir ? lui demandai-je.

- Pourquoi, dit-elle, la mère de ses enfants.

- Pourtant, lui ai-je répondu, je n'ai pas d'enfant, je ne suis pas mère, mais je suis quelque chose.

- Vous n’êtes pas grand-chose, dit-elle. La bonne à tout faire du missionnaire.

Il est vrai que je travaille dur, plus dur que je n'aurais jamais imaginé, je balaie l’école et je nettoie après les heures de service, mais je n’ai pas l’impression d’être une bonne à tout faire. J’ai été surprise d’apprendre que cette femme, dont le nom chrétien est Catherine, me voie ainsi.

Elle a une petite fille, Tashi, qui joue avec Olivia après l’école. Adam est le seul garçon qui parle à Olivia à l’école. Ce n’est pas qu’ils soient méchants avec elle, c’est simplement que… quoi, au fait ? Qu’elle se trouve là où ils font leurs ‘trucs de garçons’, alors ils ne la voient pas. Mais ne t’inquiète pas, Célie, Olivia possède ton entêtement et ta vision claire des choses, elle est plus intelligente que tous les garçons réunis, y compris Adam.

- Pourquoi Tashi ne peut-elle pas venir à l’école ? m’a-t-elle demandé. Quand je lui ai dit que les Olinkas ne croyaient pas à l’éducation des filles, elle m’a répondu, rapide comme l’éclair,

- Ils sont comme les Blancs chez nous qui ne veulent pas que les gens de couleur soient instruits.

Oh, elle est intelligente, Célie. A la fin de la journée, quand Tashi en a terminé avec toutes les tâches ménagères que lui assigne sa mère, elle et Olivia se rencontrent en secret dans ma hutte, et

Olivia partage avec Tashi tout ce qu’elle a appris. Pour Olivia, Tashi représente à elle seule toute l’Afrique. L’Afrique radieuse qu’elle espérait trouver par-delà l’océan.

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Livre lu dans le cadre du Challenge 100 ans de littérature américaine

3 janvier 2010

L'Échappée belle – Anna Gavalda

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (2/26)

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Omnia - mai 2001 – 101 pages

Le dilettante – novembre 2009 - 164 pages

Présentation de l'éditeur :

Simon, Garance et Lola, trois frères et sœurs devenus grands (vieux ?), s'enfuient d'un mariage de famille qui s'annonce particulièrement éprouvant pour aller rejoindre Vincent, le petit dernier, devenu guide saisonnier d'un château perdu au fin fond de la campagne tourangelle. Oubliant pour quelques heures marmaille, conjoint, divorce, soucis et mondanités, ils vont s'offrir une dernière vraie belle journée d'enfance volée à leur vie d'adultes. Légère, tendre, drôle, L'Échappée belle, cinquième livre d'Anna Gavalda aux éditions Le Dilettante, est un hommage aux fratries heureuses, aux belles-sœurs pénibles, à Dario Moreno, aux petits vins de Loire et à la boulangerie Pidoune.

Auteur : Née en 1970, auteur à succès, Anna Galvalda occupe une place de choix dans les rayons de littérature populaire. Après avoir grandi en Eure-et-Loir dans une atmosphère folklorique, Anna Gavalda est envoyée en pension, à 14 ans, à la suite de la séparation de ses parents. Elle suit une hypokhâgne et obtient une maîtrise de lettres à la Sorbonne. Profitant du calme de la Seine-et-Marne et maman de deux enfants, elle cumule les métiers de chroniqueuse pour le cahier Paris-Ile-de-France du Journal du Dimanche, de professeur de français et d'assistante vétérinaire. Cette jeune femme dynamique reçoit le Grand Prix RTL-Lire pour son premier recueil de nouvelles 'Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part' en 1999. Mélange de simplicité, de merveilleuses et tragiques vérités quotidiennes, ce titre ne quitte pas les classements des meilleures ventes pendant des mois et est traduit dans une trentaine de langues. Elle s'essaie les années suivantes à de nouveaux styles, écrit son premier roman et un livre pour enfants. C'est durant l'été 2003 qu'elle commence à travailler sur son quatrième titre, un nouveau roman, 'Ensemble, c'est tout', un véritable succès dans le monde littéraire, critique et public, adapté au cinéma en 2007 par Claude Berri.

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Ce court roman d'Anna Gavalda est une ré-édition de Le Dilettante, initialement publié par France-Loisirs en 2001. Anna Gavalda est une auteur que j'aime beaucoup, dans ce livre j'ai retrouvé le ton léger et plein de simplicité de «Ensemble, c'est tout». Ici, l'auteur nous raconte la fugue durant un week-end de deux frères et deux sœurs : ils ont la trentaine et le temps de ce week-end, ils vont revivre les souvenirs de leur adolescence. Les personnages sont attachants et vraiment bien décrits : il y a Garance, la narratrice, célibataire, sans situation stable, son frère aîné, Simon, marié à Carine qui « est tout un poème » et il semble satisfait par sa vie bien rangée. Il y a aussi Lola, la sœur aînée, qui sort d'un divorce difficile et le petit dernier, Vincent, qui reste un éternel adolescent.

J'ai pris beaucoup de plaisir à les accompagner dans cette belle «échappée» si agréable et pleine de nostalgie. Dommage que ce livre soit bien trop court !

Extrait : (page 85)

Simon nous a suppliées de ne pas nous parfumer toutes les trois en même temps.

Nous sommes arrivés à Pétaouchnoque dans les temps. J’ai enfilé ma jupe derrière la voiture et nous nous

sommes rendus sur la place de l’église sous les yeux médusés des Pétaouchnoquiens aux fenêtres.

La jolie jeune femme en gris et rose qui discutait avec l’oncle Georges, là-bas, c’était notre maman. Nous lui

avons sauté au cou en prenant garde aux marques de ses baisers.

Diplomate, elle a d’abord embrassé sa belle-fille en la complimentant sur sa tenue, puis s’est tournée vers nous en riant :

– Garance… Tu es superbe… Il ne te manque que le point rouge au milieu du front !

– Manquerait plus que ça, a lâché Carine avant de se précipiter sur le pauvre tonton fané, on n’est pas au carnaval que je sache… Lola a fait mine de me tendre son chapeau et nous avons éclaté de rire.

Notre mère s’est tournée vers Simon :

– Elles ont été insupportables comme ça tout le trajet ?

– Pire que ça, a-t-il acquiescé gravement.

Il a ajouté :

– Et Vincent ? Il n’est pas avec toi ?

– Non. Il travaille.

– Il travaille où ?

– Eh bien, toujours dans son château…

Notre aîné a perdu dix centimètres d’un coup.

– Mais… Je croyais… enfin il m’avait dit qu’il venait…

– J’ai essayé de le persuader mais rien à faire. Tu sais, lui, les petits-fours…

Il semblait désespéré.

– J’avais un cadeau pour lui. Un vinyle introuvable. J’avais envie de le voir en plus… Je ne l’ai pas vu depuis Noël. Oh, je suis tellement déçu… Je vais boire un coup, tiens…

Lola a grimacé :

– Calamba. Il n’est pas dou tout en forme notle Simone…

– Tu m’étonnes, ai-je rétorqué en matant miss Rabat-Joie qui se frottait à toutes nos vieilles tantes, tu m’étonnes…

– En tout cas, vous, mes filles, vous êtes splendides ! Vous allez nous le remonter, vous allez le faire danser

votre frère ce soir, n’est-ce pas ?

Et elle s’est éloignée pour assurer les civilités d’usage. Nous suivions du regard cette petite femme menue. Sa grâce, son allure, son peps, son élégance, sa classe… La Parisienne…

Le visage de Lola s’est rembruni. Deux adorables petites filles couraient rejoindre le cortège en riant.

– Bon, elle a dit, je crois que je vais aller rejoindre Simon, moi… Et je suis restée comme une idiote plantée au milieu de la place, les pans du sari tout flapis.

Pas pour longtemps tu me diras, parce que notre cousine Sixtine s’est approchée en caquetant :

– Hé, Garance ! Harikrishna ! Tu vas à un bal costumé ou quoi ?

J’ai souri comme j’ai pu en me gardant bien de commenter sa moustache mal décolorée et son tailleur vert pomme du Christine Laure de Besançon.

Quand elle s’est éloignée, c’est la tante Geneviève qui s’y est collée :

– Mon Dieu, mais c’est bien toi, ma petite Clémence ? Mon Dieu, mais qu’est-ce que c’est que cette chose en

fer dans ton nombril ? Ça ne te fait pas mal au moins ?

Bon, je me suis dit, je vais aller rejoindre Simon et Lola au café, moi… Ils étaient tous les deux en terrasse.

Un demi à portée de main, la gorge au soleil et les jambes allongées loin devant.

Je me suis assise dans un « crac » et j’ai commandé la même chose qu’eux.

Ravis, en paix, les lèvres festonnées de mousse, nous regardions les bonnes gens sur le pas de leur porte qui glosaient sur les bonnes gens devant l’église. Merveilleux spectacle.

– Hé, ce serait pas la nouvelle femme de ce cocu d’Olivier, là-bas ?

– La petite brune ?

– Nan, la blonde à côté des Larochaufée…

– Au secours. Elle est encore plus moche que l’autre. Mate le sac…

– Faux Gucci.

– Exact. Et même pas la qualité Vintimille. Faux Goutch’ de chez Beijing…

– La honte.

On aurait pu continuer comme ça encore longtemps si Carine n’était pas venue nous chercher :

– Vous venez ? Ça va commencer…

– On arrive, on arrive… a dit Simon, je termine ma bière.

– Mais si on n’y va pas tout de suite, insista-t-elle, on sera mal placés et je ne verrai rien…

– Vas-y, je te dis. Je te rejoins.

– Tu te dépêches, hein ?

Elle était déjà à vingt mètres, quand elle a crié :

– Et passe à la petite épicerie d’en face pour acheter du riz !

Elle s’est encore retournée :

– Pas du trop cher, hein ? Prends pas de l’Uncle Ben’s comme la dernière fois ! Pour ce qu’on en fait…

– Ouais, ouais… il a bougonné dans sa barbe.

On a aperçu la mariée au loin et au bras de son papa. Celle qui allait bientôt avoir une tripotée de petits ratons avec des oreilles de Mickey. On a compté les retardataires et ovationné l’enfant de chœur qui galopait à toute berzingue en se prenant les pieds dans son aube.

Quand les cloches se sont tues et que les autochtones sont retournés à leurs toiles cirées, Simon a dit :

– J’ai envie de voir Vincent.

– Tu sais, même si on l’appelle maintenant, a répondu Lola en soulevant son sac, le temps qu’il vienne…

Un gamin de la noce en pantalon de flanelle et raie sur le côté est passé à ce moment-là. Simon l’a alpagué :

– Hep ! Tu veux gagner cinq parties de flipper ?

– Ouais…

– Alors retourne suivre la messe et viens nous chercher à la fin du sermon.

– Vous me donnez l’argent tout de suite ? Je rêve. Les gamins d’aujourd’hui sont incroyables…

– Tiens, jeune escroc. Et pas de blagues, hein ? Tu viens nous chercher ?

– J’ai le temps d’en faire une maintenant ?

– Allez, vas-y, a soupiré Simon, et après, direction les orgues…

– O.K.

On est restés encore un moment comme ça et puis il a ajouté :

– Et si on allait le voir ?

– Qui ?

– Ben, Vincent !

– Mais quand ? j’ai dit.

– Maintenant.

– Maintenant ?

– Tu veux dire : maintenant ? a répété Lola.

– Tu dérailles ? Tu veux prendre la voiture et partir maintenant ?

– Ma chère Garance, je crois que tu viens de résumer parfaitement le propos de ma pensée.

– Tu es fou, a dit Lola, on ne va pas partir comme ça ?

– Et pourquoi pas ? (Il cherchait de la monnaie dans sa poche.) Allez… Vous venez les filles ?

Nous ne réagissions pas. Il a levé les bras au ciel :

– On se casse, je vous dis ! On se tire ! On met les bouts. On prend la tangente et la poudre d’escampette. On se fait la belle !

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (2/26)

Lu du même auteur :

ensemble_c_est_tout Ensemble, c'est tout   la_consolante La Consolante 

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2 janvier 2010

La vaine attente – Nadeem Aslam

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (1/26)

la_veine_attente Seuil – août 2009 – 386 pages

traduit de l'anglais par Claude Demanuelli

Présentation de l'éditeur :

Afghanistan, 2005, à l'ombre des monts de Tora Bora. Dans une maison aux murs ornés de fresques, aux plafonds recouverts de livres cloués, avec sa fabrique où l'on distillait autrefois des parfums, le vieux médecin anglais Marcus Caldwell pleure sa femme Qatrina et sa fille Zameen disparues, et désespère de retrouver son petit-fils Bihzad. Vers ce lieu, où l'amour régnait sous toutes ses formes, où les sens sont tous sollicités, convergent des êtres esseulés. La Russe Lara à la recherche de son frère, soldat de l'armée soviétique; l'Américain David, ancien agent de la CIA, sur les pas de Zameen et de son fils; Casa, jeune orphelin endoctriné par les talibans. Dans ce roman qui jette une lumière crue sur une région brutalisée, à travers les trajectoires de personnages aux destins liés qui apprennent à s'aimer et à faire revivre les êtres aimés, tout s'emboîte de façon inéluctable. A peine s'est-on réfugié dans la maison de Marcus que la sauvagerie du monde extérieur nous agresse. Nadeem Aslam met dans la balance la fragilité des liens humains, de la raison, de l'art, face à la domination de l'ignorance et de la cruauté étayées par une doctrine suffocante. La langue est chargée de parfums et de couleurs, la narration alterne sans répit entre passé et présent. Ce livre poignant et à niveau d'homme restera en mémoire par sa maîtrise impressionnante et l'émotion qu'il génère. On le referme le cœur battant.

Auteur : Nadeem Aslam est est né en 1966 au Pakistan. Sa famille se réfugie dans le nord de l'Angleterre lorsqu'il a 14 ans. L'auteur confirme ici le talent déjà remarqué dans son premier roman traduit en français, La Cité des amants perdus.

Traducteur : Claude Demanuelli, agrégée d'anglais, traduit depuis une vingtaine d'années les ouvrages, entre autres, de John Lanchester, Susan Minot, Zadie Smith, Muriel Spark, Rose Tremain, John Updike, Virginia Woolf, ainsi que nombre d'auteurs anglophones du sous-continent indien, parmi lesquels Arundhati Roy, Hari Kunzru, Shashi Tharoor, Nadeem Aslam et Kiran Desai.

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Le récit se passe en Afghanistan, dans une petite ville Usha qui subit constamment la violence de la guerre depuis 1979 avec l'invasion soviétique. Nous sommes en 2005, Marcus Caldwell, un vieux docteur anglais vit dans une maison ornés de fresques persanes, aux plafonds couverts de livres cloués, et où autrefois on y distillait des parfums. Sa femme Qatrina est décédée en 2001 et sa fille Zameen a disparu. Il espère un jour retrouver sa fille et son petit-fils Bihzad. Dans cette maison, véritable Tour de Babel, le lecteur va rencontrer des personnages très différents comme Lara une Russe à la recherche d'un frère disparu, David un ancien agent de la CIA qui recherche Zameen. avec qui il a vécu, Casa un jeune mercenaire fanatisé par le djihad... L'auteur nous dévoile ainsi l'Afghanistan, pays meurtri par la guerre civile, pris en otages par des soldats venus du monde entier puis par le fanatisme religieux.

Dans ce livre se mêle à la fois de la poésie, de la violence, de l'amour, de la cruauté... Le lecteur est plongé directement dans la complexité de la situation de l'Afghanistan aujourd'hui où se côtoie à la fois le raffinement et la beauté à la cruauté et la barbarie. C'est un très beau livre mais pour les âmes sensibles il vaut mieux s'abstenir !

Extrait : (début du livre)

Son esprit est une demeure hantée.

La femme qui se nomme Lara lève les yeux, croyant avoir entendu un bruit. Repliant la lettre qu’elle vient de relire, elle s’approche de la fenêtre qui surplombe le jardin. Dehors, l’aube emplit le ciel de lumière, même si quelques étoiles sont encore visibles.

Au bout d’un moment, elle se détourne et se dirige vers le miroir circulaire appuyé contre le mur du fond. L’apportant jusqu’au centre de la pièce, elle le pose dos contre le sol, doucement, sans un bruit, par égard pour son hôte qui dort dans une pièce voisine. Indifférente à l’image qu’il lui renvoie d’elle-même, elle s’attarde sur le reflet du plafond qu’elle y voit dans la lumière pâle de l’avant-jour.

Le miroir est grand : à supposer que le verre soit de l’eau, elle pourrait plonger et disparaître sans en toucher les bords. Sur le vaste plafond, il y a des centaines de livres, chacun maintenu en place par un clou qui le transperce de part en part. Une pointe de fer enfoncée dans les pages de l’Histoire, dans celles de l’amour, celles du sacré. À genoux sur le sol poussiéreux à côté du miroir, elle essaie de déchiffrer les titres. Les mots sont inversés, mais la tâche se révèle plus facile que si elle restait des minutes entières la tête renversée à regarder le plafond.

Aucun bruit hormis celui de sa respiration régulière et, dehors, le bruissement de la brise agitant de ses robes ondoyantes le jardin envahi par les mauvaises herbes.

Elle fait glisser le miroir sur le sol, comme si elle passait à une autre section d’une bibliothèque.

Les livres sont tous là-haut, les gros comme ceux qui ne sont pas plus épais que les parois du coeur humain. De temps à autre l’un d’eux tombe de lui-même, à moins qu’on ne choisisse de déloger l’ouvrage voulu grâce au maniement judicieux d’une perche en bambou.

Originaire de la lointaine Saint-Pétersbourg, elle a accompli un long voyage pour arriver dans ce pays, celui qu’Alexandre le Grand a traversé sur sa licorne, cette terre de vergers légendaires et d’épaisses forêts de mûriers, de grenadiers qui ornent les frises de manuscrits persans écrits voilà plus de mille ans.

Son hôte s’appelle Marcus Caldwell. Anglais de naissance, il a passé la majeure partie de sa vie ici en Afghanistan, après avoir épousé une Afghane. Il a soixante-dix ans, et sa barbe blanche, ses gestes mesurés évoquent ceux d’un prophète, un prophète déchu. Elle n’est là que depuis quelques jours et ne sait rien ou presque de cette main gauche que Marcus a perdue. La coupe de chair qu’il pouvait former avec les paumes de ses mains est brisée en deux. Un jour, tard dans la soirée, elle l’a interrogé à ce propos, avec délicatesse, mais il s’est montré si réticent qu’elle n’a pas insisté. En tout état de cause, il n’est besoin d’aucune explication dans ce pays. Il ne serait guère surprenant qu’un jour les arbres et les vignes d’Afghanistan cessent de pousser, de peur que leurs racines en continuant de croître entrent en contact avec une mine enfouie à proximité.

Elle approche sa main de son visage pour respirer l’odeur du santal déposée sur ses doigts par le cadre du miroir. Le bois d’un santal sur pied ne sent rien, lui a dit Marcus l’autre jour, le parfum ne prenant corps qu’une fois l’arbre coupé.

À la manière de l’âme qui quitte l’enveloppe charnelle après la mort, songe-t-elle.

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (1/26)

1 janvier 2010

Meilleurs Voeux

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31 décembre 2009

Mes coups de cœurs en 2009

En ce dernier jour de l'année, voici l'occasion de faire un bilan de mes coups de cœurs de lectures en 2009 :

Ce n'est vraiment pas facile de faire un choix parmi tous les livres lus...

Romans francophones :

Le poids des secrets - Aki Shimazaki

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    Tsubaki    -    Hamaguri   –  Tsubame  - Wasurenagusa  - Hotaru   

le_choeur_des_femmes Le Chœur des femmes – Martin Winkler

l_ancre_des_reves L'ancre des rêves - Gaëlle Nohant

les_naufrag_s Les Naufragés de l'île de Tromelin – Irène Frain

la_grand_m_re_de_jade La grand-mère de Jade - Frédérique Deghelt

la_petite_cloche_gr_le La petite cloche au son grêle – Paul Vacca

Romans étrangers :

l_ombre_du_vent L’ombre du vent – Carlos Ruiz Zafon

et_que_le_vaste_monde Et que le vaste monde poursuive sa course folle - Colum McCann

le_cercle_litt_raire Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates - Mary Ann Shaffer, Annie Barrows

les_invit_s_de_l__le Les invités de l'île ou La Maison dans les dunes – Vonne van der Meer

le_bateau_du_soir Le bateau du soir – Vonne van der Meer

Romans policiers :

Un auteur : Thierry Jonquet

  Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte

Les orpailleurs  Mon vieux

Du passé faisons table rase Ad vitam aeternam

Mémoire en cage  Moloch  Mygale

Le secret du rabbin

Millenium_1 Millénium 1 : Les hommes qui n'aimaient pas les femmes - Stieg Larsson

mill_nium2 Millénium 2 : La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette - Stieg Larsson

mill_nium3 Millénium 3 : La reine dans le palais des courants d'air – Stieg Larsson

Bandes Dessinées :

Maus Maus : un survivant raconte - Art Spiegelman

tout_seul Tout seul – Christophe Chabouté

Romans ados :

le_crime_parfait Le crime parfait – Frank Cottrell Boyce

le_temps_des_miracles Le temps des miracles – Anne-Laure Bondoux 

papa_et_maman_sont_dans_un_bateau Papa et maman sont dans un bateau – Marie-Aude Murail

Et maintenant... à l'année prochaine !

31 décembre 2009

Franz et Clara – Philippe Labro

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Albin Michel – avril 2006 – 187 pages

Folio – septembre 2007 – 179 pages

Quatrième de couverture :

Pour moi, l'âge n'a aucune importance. Depuis la nuit des temps, les hommes et les femmes s'aiment d'amour, quelle que soit la différence. Il n'y a pas d'amour impossible. Philippe Labro

Auteur : Né à Montauban le 27 août 1936, dès ses 18 ans, Philippe Labro affûte sa plume alors qu'il étudie aux États-Unis et traverse le pays au cours de multiples voyages. De retour en France, Europe 1, Marie France et France Soir l'engagent comme reporter. Sa carrière décolle et on le retrouve à la présentation du journal télévisé de 13 heures sur Antenne 2 en 1982 et 1983. Il devient directeur général des programmes de RTL en 1985 puis vice-président de la station onze ans plus tard. Convaincu des bénéfices de l'alliance entre le journalisme et la littérature, Philippe Labro s'inspire de ses expériences et de ses observations sur la vie pour écrire des œuvres souvent autobiographiques. De son service militaire en Algérie (1960) naît le roman 'Des feux mal éteints', publié en 1967 et l'auteur reçoit, en 1986, le prix Interallié pour 'L' Etudiant étranger'. Viennent alors 'Un été dans l'Ouest' (1988), 'Quinze ans' (1992), 'La Traversée' (1996) ou encore 'Manuella' (1999). Les succès s'enchaînent mais l'écrivain sombre dans une dépression d'un an et demi et lutte pour survivre. Son combat fait l'objet d'un livre, 'Tomber sept fois, se relever huit' et en 2002 sort 'Je connais gens de toutes sortes', un ouvrage qui réunit des portraits divers. De Jack Nicholson à Jean-Jacques Goldman, ce livre est un recueil de vies. Professionnel adepte du changement, il s'essaie à la réalisation avec 'Tout peut arriver' en 1969. Journaliste, écrivain et cinéaste, Philippe Labro concilie ses activités avec brio et puise sa force de caractère dans ses faiblesses.

 

Mon avis : (lu en décembre 2009)

Ce livre est un surprenant roman d'amour qui se lit très facilement et rapidement. La première partie, nous raconte l'histoire de Franz, il a 12 ans mais il est intellectuellement plus âgé et Clara, 20 ans avec le cœur brisé. Au fil de leurs rencontres, chaque jour lorsqu'ils partagent leurs déjeuners sur un même banc au bord du lac, une tendresse grandit entre les deux. La seconde partie, ce sont les retrouvailles de Franz et Clara dix ans plus tard. Les deux personnages sont vraiment attachants et j'ai vraiment regretté que la seconde partie soit si courte.

Extrait : (début du livre) Prologue

Tout à l'heure, en levant les yeux du livre que j'étais en train de lire, j'ai vu, par la baie vitrée ouverte sur la forêt, un papillon blanc traverser l'espace. Il tournoyait.

Un papillon ne vole jamais droit, trop léger, il ne parvient pas à maintenir une ligne continue. Il faisait donc un peu n'importe quoi, comme tous les papillons, il s'agitait de haut en bas, de gauche à droite. Cependant, nous savons bien qu'aucune espèce, volante ou pas, ne fais véritablement jamais « n'importe quoi ». Chacune évolue selon un dessein préétabli et respecte un projet, et ce papillon en avait un : il allait quelque part, à la recherche de quoi, au juste ? Mais peut-être aussi, ne recherchait-il rien, et ne faisait-il que passer, représentation parfaite de l'éphémère de toutes choses.

Pas moins fragile qu'un flocon de neige qui tombe sur de la neige, ou que le pétale d'une fleur de cerisier vacillant sous l'effet du vent, au-dessus du lit d'une rivière. Pas moins fragile, mais pas moins évident : chaque instant de la vie se fixe en nous, au moment même où il nous échappe.

Je me suis demandé si cette créature blanche sur le fond vert de la forêt pourrait apparaître à nouveau, si le papillon reviendrait dans mon champ de vision, s'il caresserait l'air une deuxième fois. Il ne l'a pas fait. J'ai pensé que la brièveté de son passage était égale à celle de cette période de mon existence lorsque j'ai rencontré un être, plus jeune que moi, qui n'était plus tout à fait un enfant, certainement pas un homme, et que l'on ne pouvait qualifier d'adolescent. Franz, le garçon sur le banc, avec un petit sac en papier kraft posé à ses côtés.

30 décembre 2009

Challenges 2010

Après les deux premiers challenges auxquels je me suis inscrite mi-novembre et qui sont en cours :

coeur_vs31er challenge : Les coups de coeur de la blogosphère

livre n°1 :   Seule Venise - Claudie Gallay  proposé par Gil

livre n°2 :  Elle s'appelait Sarah - Tatiana de Rosnay proposé par Suffy

livre n°3 : L'attrape-cœurs - J. D. Salinger proposé par Anneso

livre n°4 : Mon enfant de Berlin -Anne Wiazemsky  proposé par Clarabel

livre n°5 :  Ravel - Jean Echenoz proposé par Denis

livre n°6 : Le cœur est un chasseur solitaire - Carson McCullers proposé par Brize

livre n°7 :  Le club des incorrigibles optimistes - Jean-Michel Guenassia proposé par Clarabel

livre n°8 : A l'ouest - Olivier Adam proposé par Amy

livre n°9 : La mécanique du cœur - Mathias Malzieu proposé par Lael

livre n°10 : Hunger games - Suzanne Collins proposé par Clarabel et Gawou

challenge_100_ans_article_300x225 2ème challenge : 100 ans de littérature américaine

livre n°1 :  Jours de fête à l'hospice - John Updike

livre n°2 :  L'attrape-cœurs - J. D. Salinger

livre n°3 :  La couleur pourpre – Alice Walker

livre n°4 :  Le cœur est un chasseur solitaire - Carson McCullers

livre n°5 :  Un été prodigue – Barbara Kingsolver 

En cette fin d'année, je me suis inscrite à de nouveaux challenges :

a_lire_et_a_manger 3ème challenge : A lire et à manger

Ce challenge est organisé par Chiffonette et il s'agit de lire un roman culinaire et d'en adapter une recette...

Je n'ai pas encore choisi le livre pour ce Challenge... peut-être Une gourmandise de Muriel Barbery qui se trouve dans ma PAL (perso).

logo_challenge_ABC 4ème challenge : Challenge ABC 2010

Challenge organisé par Miss Giny et Ankya, il s'agit de lire 26 livres avec un auteur pour chaque lettre de l'alphabet... certaines lettres sont difficiles à trouver !

Voici ma liste qui peut encore un peu évoluer :

A – Aslam Nadeem - La veine attente

B – Benameur Jeanne – Présent ?

C – Conroy Pat – Le prince des marées

D - Decoin Didier - Les 3 vies de Babe Ozouf

E – Echenoz Jean – Ravel

F – Follett Ken – Un monde sans fin

ou Francis Scott Fitzgerald - L'étrange histoire de Benjamin Button

G – Gavalda Anna - L'échappée belle

H – Heuré Gilles - L'homme de cinq heures

I – Indridason Arnaldur – Hypothermie (à paraître)

J – Johnson Maureen – 13 petites enveloppes bleues

K – Kingsolver Barbara - Un été prodigue

L – Läckberg Camilla – Le tailleur de pierre

M – Mankell Henning

N – Nesbo Jo

O - Ovaldé Véronique - Ce que je sais de Véra Candida

P – Perez-Reverte Arturo – Le cimetière des bateaux sans noms ou Le peintre des batailles

Q – Queffelec Yann - Les noces barbares

R – Radge Anne B. – La ferme des Neshov (à paraître)

S – Saubade Valérie - Happy Birthday grand-mère

T – Tropper Jonathan - Perte et fracas

U – Unger Lisa

V – de Vigan Delphine - Les heures souterraines 

W – Winkler Martin - Les Trois Médecins

X - Xinran - Chinoises

Y - ?

Z – Zweig Stefan - Le voyage dans le passé

logo_coup_de_coeur_polar_oiseaux_coeur 5ème challenge : Coup de coeur polar 2009

Challenge organisé par Fersenette, chaque participant fait une liste de ses 3 coups de coeur polar en 2009, puis il lira un des coups de coeur proposé qu'il ne connaît pas.

Mes trois polars coups de coeur pour 2009 sont :

1 - Millénium 1, 2 et 3 de Stieg Larsson (Suède)

2 - Hiver arctique de Arnaldur Indridason (Islande)

3 - La princesse de glace de Camilla Läckberg (Suède)

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